Or Norme n°9 - Destinations de Légende

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LINFORMATION AUTREMENT OR NORME STRASBOURG N°9 AVRIL 2013 or norme DESTINATIONS DE LÉGENDE Namibie - La Havane Venise - Rome PAGES SPÉCIALES Riquewihr

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L’information autrementOR NORME STRASBOURG N°9 AvRil 2013

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DeStinationS De LÉGenDeNamibie - La Havane

Venise - Rome

PaGeS SPÉciaLeSRiquewihr

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OURS

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Des pages pleines de chaleur…Les raisons de rester dans la morosité n’ont pas manqué ces derniers temps…« Il y aura forcément une sortie de crise tôt ou tard… » disaient les experts à l’automne 2008.C’étaient les mêmes qui n’avaient rien vu venir, ça, il ne faudra jamais qu’on l’oublie… Cela fera bientôt cinq ans et chacun comprend

bien aujourd’hui que ce n’est pas une crise que nous vivons, mais bien une profonde mutation, un changement de monde, comme nous l’expliquait brillamment Jean-Claude Guillebaud dans le dernier numéro d’Or Norme, en décembre dernier.Cette mutation est en train de produire ses effets néfastes. Parmi eux, en tout premier lieu, un tsunami de licenciements. Certains par pure stratégie économique mondialisée, d’autres, inévitables, parce que les entreprises moyennes ou plus petites sont réellement à bout de souffle. Le tout avec leur cohorte de malheurs individuels silencieux…Et tout ça, ces derniers temps, sur fond de délitement des « élites » ou prétendues telles, de tous bords. Les temps que nous vivons ressemblent furieusement à la chute de l’Empire romain. Relisons les ouvrages historiques, ils éclairent…Pour finir, plus anecdotique certes, cet hiver qui est resté jusqu’au bout au-dessus de nos têtes et qui nous glaçait jusqu’à l’os, il y a à peine quelques jours encore.Durant ces deux derniers mois, en rédigeant ce numéro « Destinations de Légende » devenu traditionnel et très attendu, la rédaction d’Or Norme a voulu conjurer un petit peu les affres de l’époque, météo comprise. En janvier, nous sommes allés en Namibie où nous avons rencontré le rêve africain éternel, au cœur d’une toute jeune nation qui, depuis vingt ans, assume plutôt bien son indépendance récente, avec des ethnies qui se respectent et un fort tempérament de préservation de la superbe nature qui est la sienne. Lisez ces plus de quarante pages et n’hésitez pas, suivez nos traces, faites vos bagages et partez à la découverte d’un autre monde…Un de nos journalistes s’est rendu à La Havane, celle de l’ère post-Castro même si le frère de Fidel est encore aux commandes. Son reportage, « Dernière étreinte à La Havane » décrit très bien ce que vit cette petite île, face au géant américain. Et puis, sur les traces des Strasbourgeois, nous vous proposons aussi de (re)découvrir Rome et Venise, éternels puits de soleil. Plus près de nous, nous vous incitons également à passer un week-end à Riquewihr, et pas forcément à la seule recherche de l’Alsace « carte postale »…C’est notre façon à nous d’essayer de chasser, ne serait-ce qu’un petit peu, cette dangereuse morosité qui s’insinue partout depuis des mois et des mois.Dégustez ces pages pleine de chaleur.Et restez Or Norme…

JEAN-LUC FOURNIER

OR NORME STRASBOURG N°9EST ÉDITÉ PAR L’AGENCE DE PRESSE ASP

25, boulevard Wilson - 67000 StrasbourgTèl : 03 68 41 80 60

CONTACT : Corinne Geudin - [email protected]

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Pascal Candiotto

DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jean-Luc Fournier - [email protected]

RÉDACTION : Alain Ancian - Erika Chelly - Jean-Luc FournierVéronique Leblanc - Charles Nouar - Benjamin ThomasHervé Weill

SECRÉTARIAT DE RÉDACTIONET ADMINISTRATION : Corinne Geudin - [email protected]

MAQUETTE ET MISE EN PAGE :Juleye - [email protected]

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TIRAGE : 20 000 exemplaires15 000 exemplaires sont distribués en boîte aux lettres(distribution solo sans autres documents publicitaires)et 5000 exemplaires sont déposés dans les lieux de passagede l’agglomération (liste des points de dépôt sur demande).

Dépôt légal : avril 2012.ISSN : en cours.

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ÉditoOURS

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4 RENCONTRE AVEC JEAN-NOËL DRON

NAMIBIE - LA HAVANE - ROME - VENISE

... AVEC UNE BELLE RENCONTRE

PARI RÉUSSI !

76 LIVRES : SÉLECTION DE PRINTEMPS

74 ENFIN LE PRINTEMPS !

72 HORS SESSION : LE PARLEMENT EUROPÉEN

RESTE DUR LE PONT

84 PORTFOLIO : JEAN-MARC DE BALTHASAR

N°9 - AVRIL 2013

DESTINATIONS DE LÉGENDE

UN WEEK-END À RIQUEWIHR

forever car

STRASBOURG : PIONNIÈRE DU GAZ VERT

Sommaire

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4 RENCONTRE AVEC JEAN-NOËL DRON

NAMIBIE - LA HAVANE - ROME - VENISE

... AVEC UNE BELLE RENCONTRE

PARI RÉUSSI !

76 LIVRES : SÉLECTION DE PRINTEMPS

74 ENFIN LE PRINTEMPS !

72 HORS SESSION : LE PARLEMENT EUROPÉEN

RESTE DUR LE PONT

84 PORTFOLIO : JEAN-MARC DE BALTHASAR

N°9 - AVRIL 2013

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dronJEAN-NOËL

« L’INSTITUTION EST PLUS fORTE qUE

L’IDENTITÉ DE SON PROPRIÉTAIRE… »

OR NORME : Cela fait déjà quelques mois que nous cherchons à vous rencontrer pour mieux vous connaître et parler avec vous de ce secteur de la restauration qui est un atout incroyable pour Strasbourg. Vous avez hésité, pourquoi ?

JEaN-NOël DRON : « Tout simplement parce que je ne suis pas un adepte de la communication. Je n’ai rien inventé, je ne fais rien d’extraordinaire, je dirige simplement une société qui possède et exploite des restaurants traditionnels. Parler de moi ne présente aucun intérêt à mes yeux. En revanche, parler de notre entreprise et expliquer qui nous sommes et comment nous appréhendons notre métier oui, pourquoi pas...

O.N.  :  Pour  autant,  depuis  peu  d’années  finalement,  vous êtes à la tête de l’un des plus grand groupe indépendant de restauration de Strasbourg et d’alsace. avouez quand même qu’on a le droit de chercher à savoir comment tout cela s’est construit, tant vos enseignes sont connues du grand public…

J.N.D : Certes, Trasco est ce que vous dites. Mais cette notion de groupe et l’image qu’elle renvoie m’est totalement étrangère.. J’y reviendrai… En ce qui me concerne, je suis originaire de Nancy. Juste après mon bac, je suis entré à l’Ecole Hôtelière à Paris pour commencer un BTS. Au bout de trois mois, j’ai quitté cette école : cette expérience ne m’a pas plus du tout ! A la rentrée suivante, je m’inscrivais à la fac de Droit de Strasbourg. C’était il y a 20 ans. Alors que j’étais en deuxième année, j’ai créé avec un ami, un journal étudiant. Ayant gagné trois sous, avec ce même ami, nous avons ensuite racheté La Taverne dans le quartier gare (rebaptisé Le Rive Gauche – ndlr), là nous étions en maîtrise de droit des affaires. C’était en 1996…

O.N. : Quel est le pourquoi de cette situation somme toute rare : deux étudiants qui possèdent une brasserie...?

J.N.D : La volonté d’entreprendre, tout simplement. Une certaine inconscience aussi. Nous pensions naïvement pouvoir continuer nos études tout en étant propriétaire, y aller sans payer le café et

Trasco. Ce nom sur une plaque d’un immeuble à proximité immédiate de la place Kléber ne parle pas au grand public. Mais il n’en va pas de même si on cite « la Maison Kammerzell », « l’alsace à Table », « la Brasserie Flo », « le Clou » entre autres… Rencontre avec Jean-Noël Dron, 40 ans, le président de Trasco. Où il est surtout question de passion, de travail et de respect de la tradition…

Entretien réalisé par JEAN-LUC FOURNIER

La Maison Kammerzell

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bien sûr sans travailler... La réalité nous a vite rattrapés. Sauf que nous ne pouvions pas revenir en arrière, il fallait bien rembourser l’emprunt. Nous avons tiré à pile ou face et je me suis retrouvé à m’occuper de cette Brasserie, « juste le temps nécessaire ». Ça fait 17 ans…

O.N. : Dès lors, vous n’avez cessé de faire des acquisitions…

J.N.D : Oui. Ce fut d’abord Le Port Dauphine place de la Bourse que j’ai transformé en Stern, puis La Chaîne d’Or, en 2000, rachetée à Guy-Pierre Baumann, ainsi que le Caveau alsacien tout à côté. Puis une pizzeria, La Riva Destra. En 2002, je suis devenu propriétaire de l’Ambassy, une brasserie de Nancy. L’année suivante, je rachetais Le Roi et son Fou, un café bien connu dans le quartier de la Cathédrale de Strasbourg. En 2006, le P’Tit Max, place de l’Homme de Fer, puis en 2007 j’ai ouvert la Brasserie Flo, rue de l’Outre. En 2008, Guy-Pierre Baumann m’a cédé L’Alsace à Table, nous avons aussi repris, au Groupe FLO, le restaurant Hippopotamus et, l’année suivante, la Maison Kammerzell. En 2010, j’ai acheté la Brasserie Flo de Metz, en 2011 Le Clou à Strasbourg et l’an passé, la Brasserie de la Bourse…

O.N. : a quoi tient un développement aussi fulgurant ?

J.N.D : Pour moi c’est très simple à expliquer. Déjà les opportunités furent là grâce à un changement de génération. Puis, les « évidences » des affaires : correctement acheter une bonne et belle affaire, bien gérer, bien s’entourer et beaucoup travailler! Je n’ai quasiment racheté que des restaurants qui étaient déjà de bonnes affaires. Je n’ai rien créé, jamais pris de paris trop risqués ni tenté de coup de poker. Si elle peut être considérée de l’extérieur comme rapide, notre croissance a toujours été très maîtrisée, voir même prudente. Et puis, il y a eu cette belle rencontre avec Guy-Pierre Baumann. Inutile de préciser les références formidables de celui qui est aujourd’hui toujours président du Conseil de surveillance de la Maison Kammerzell. Il m’a cédé

au fil de l’eau l’ensemble de ses brasseries strasbourgeoises, les plus belles de la ville. Guy-Pierre Baumann a beau avoir 30 ans de plus que moi, nous entretenons tous les deux une relation très particulière. Pour moi, il est la figure du Commandeur. J’ai un énorme respect pour lui, pour l’homme et pour le professionnel. Sa carrière a été immense... Sur nombre d’affaires, et en particulier Kammerzell, il avait d’autres acheteurs possibles. Mais pour lui, le plus important était de transmettre…Tout le monde lui a promis qu’il respecterait la mariée mais moi il m’a cru et je lui avais prouvé sur les trois acquisitions précédentes que ce n’était pas que des mots. Quatre ans plus tard, il est là tous les jours à Kammerzell où il a son éternel regard très professionnel sur les moindres détails. Travailler avec lui est un vrai bonheur. Le deal est respecté pour notre plus grand avantage commun.

O.N. : Vous parlez de lui avec de la tendresse dans la voix…

J.N.D : Il y a de ça, oui, incontestablement. Comment dire ? Il m’a professionnellement « adopté ». En me faisant partager au quotidien son expérience, son analyse, ses réseaux, il m’a fait gagner un temps que lui même n’imagine pas. S’il n’hésite pas à me dire ce qui, selon lui, ne va pas ou ce qu’il convient d’améliorer, c’est toujours de manière positive et constructive. La transition fut exemplaire et maintenant, nous continuons notre « cohabitation » tout simplement parce qu’on aime ça.

O.N. : autre rencontre d’importance, votre directeur général…

J.N.D : Incontestablement. Nous sommes en 2007, j’installe la Brasserie FLO en lieu et place de la Brasserie KIRN et là, envoyé de Paris par le Groupe FLO, pour m’aider à l’ouverture, je rencontre Tahar Aït Medjber. J’avais rarement vu autant de professionnalisme, de charisme, de courage et de puissance de travail. Je lui ai expliqué ce que je voulais faire de ma société et lui ai proposé de me rejoindre. Et il a dit banco ! Il a quitté le Groupe FLO et Paris pour ma petite société et Strasbourg. Aujourd’hui, il en est le directeur général et il est partie prenante au capital de toutes les sociétés. Il m’a apporté outre sa vision, une organisation structurée et une rigueur dans la gestion des ressources

TRAVAILLER AVEC GUy-PIERRE BAUmANN EST UN VRAI BONHEUR

Jean-Noël Dron et Guy-Pierre Baumann

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humaines sans lesquelles le développement n’aurait pas pu se passer aussi bien. Clairement, si depuis 2007 nous avons pu absorber autant de grosses affaires sans tousser c’est grâce à cette seconde « bonne rencontre ».

O.N. : Parlons des établissements que vous avez acquis. a chaque fois, j’imagine que la transition doit être rude. l’établissement passe soudain sous la tutelle d’un groupe…

J.N.D : Et bien, détrompez-vous ! Je vous le rappelle, c’est un groupe de « deux » personnes qui arrive. Mr Medjber et moi. Nous n’avons pas une organisation portative, labélisée ou chartée à imposer dès le premier jour. Nous sommes très attachés à ce que chaque établissement conserve sa spécificité, son caractère, son âme oserais-je dire… Certes nous avons nos exigences d’organisation, nos valeurs et nos propres caractères mais ça s’arrête là. Autrement ce serait stupide d’acheter de belles affaires existantes, nous ferions des créations et ca coûterait moins cher. Nous tenons à respecter parfaitement l’ADN de chaque restaurant. Prenez le Clou : cette Winstub était tenue depuis tant d’années par un couple emblématique… On n’a pas du tout cherché à l’imiter. Nous avons fait notre métier, embauché un personnel tout aussi sympathique et sincèrement dévoué au client. Certes le bisou de

Mme Sengel a pu manquer au début à certains de ses habitués qui trouvaient parfois que sans lui, le jambonneau n’avait pas le même goût, mais c’est le lot commun à tous les repreneurs d’Institutions. Roger Sengel m’a un jour raconté qu’il y a 20 ans, lors de sa reprise du Clou, il avait vécu la même comparaison avec Madame Geny, sa précédente propriétaire. L’histoire s’est répétée, du moins lors des premiers mois, en 2011. Mais ce ne fut pas méchant et ça prouve surtout une chose : une Institution appartient à ses clients. On ne demande qu’une chose à un repreneur : « Ne touchez à rien de ce que nous aimons ». Passée l’inévitable période probatoire où on vous regarde limite comme un imposteur, voire un fossoyeur, le sérieux de la copie fait que les choses s’enclenchent naturellement. Reprendre des Institutions comme Kammerzell ou le Clou impose au repreneur qu’il ait conscience de n’en être qu’un dépositaire, pas un propriétaire omnipotent. Ça aussi je l’ai appris de la bouche de Guy-Pierre Baumann. L’Institution est plus forte que l’identité de son propriétaire et heureusement pour leurs fondateurs qui peuvent ainsi les céder quand ils partent à la retraite…

O.N. : Cependant, Trasco, en tant que groupe, existe bel et bien…

J.N.D : Je veux revenir sur cette notion de groupe. Comprenez bien, elle nous est totalement étrangère. Elle laisserait penser que nous pilotons nos restaurants de loin, depuis nos bureaux, avec des reportings, juste accaparés par nos résultats financiers. Bien évidemment qu’en tant que chef d’entreprises, je me dois de gérer au mieux celles-ci. C’est de ma responsabilité. Mais pour le reste, nous nous sommes des aubergistes. Que ce soit Mr Medjber, Mr Baumann ou moi même et quelles que soient nos responsabilités par ailleurs, nous sommes en salle à chaque service, de cinq à sept jours… par semaine, au milieu de nos salariés et à servir nos clients. De même, l’image d’Épinal collée à un groupe voudrait que nous cherchions l’optimisation à outrance de nos achats. Rien n’est plus faux nous concernant. Savez-vous, par exemple, que nous achetons autant de variétés de choux, chez autant de producteurs différents que nous avons d’établissements. Et il en va de même de la majorité des matières premières. De même, il y a autant de recettes de la fameuse choucroute de poissons chez nous que d’établissements, un comble me direz vous devant la réputation de celle de la Kammerzell. Mais nous avons des restaurants sur des segments, une histoire, une clientèle et avec une offre et des prix différents. C’est comme dans ma famille, finalement : nous n’avons pas deux enfants. Nous avons deux fois un enfant, chacun est différent et chacun a besoin qu’on s’occupe différemment de lui. C’est le cas pour nos restaurants. La seule valeur commune est le respect du client. Dans une entreprise qui sert plusieurs milliers de couverts par jour avec plusieurs centaines de salariés et les aléas inhérents à un métier de main d’œuvre, je peux vous assurer que ce n’est pas un vain mot. Nous sommes cependant très fiers de notre entreprise, de nos établissements, de nos collaborateurs, de la taille acquise et nous avons parfaitement conscience de sa place dans une ville comme Strasbourg. Et il arrive même souvent que cette taille de notre entreprise soit un atout : pour les ressources humaines par exemple, quand nous participons à « JOB ZONE », opération organisée par les collectivités publiques où il est question de proposer des postes à des jeunes de nos quartiers, nous n’y allons pas les mains vides ou avec 2 CDD. Je pense aussi au

Tahar Aït Medjber

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partenariat que nous avons avec la Croix Rouge : les moyens que nous mettons annuellement à la disposition de cette ONG sont en rapport avec la taille de l’entreprise, sans commune mesure avec ce qu’un seul établissement pourrait se permettre.

O.N. : Quelquefois, on parle de guerre de la restauration quand on évoque la situation de Strasbourg, avec son nombre très élevé de restaurants…

J.N.D : Les restaurateurs peuvent s’apprécier personnellement plus ou moins, comme dans chaque métier, mais parler de guerre est outrancier. Que sur quelques établissements emblématiques, donc forcément rares, les concurrences furent, soient ou seront rudes…oui... mais ça ne va pas plus loin. Et la crise a calmé beaucoup d’ardeurs...C’est à la mode depuis deux ou trois ans de lire que la restauration strasbourgeoise serait maîtrisée par sept ou huit acteurs. C’est factuellement faux, et même insultant pour les autres. Les multi-propriétaires sont beaucoup plus nombreux. Je peux vous citer des restaurateurs très importants en terme de chiffres d’affaires et qui sont totalement inconnus car ne possédant pas d’affaires médiatiques. Tout aussi faux est de prétendre que le phénomène du multi-propriétaire serait nouveau. C’est un phénomène, certes, qui s’accroît, à Strasbourg comme partout en France mais ce n’est pas nouveau. Enfin, quand on lit comme dernièrement que ce phénomène empêcherait les jeunes de s’installer, les bras m’en tombent. Allez expliquer à Cédric Moulot, 35 ans, parti de rien et déjà quatre restaurants, dont un magnifique gastro, qu’il empêche un jeune de s’exprimer...

O.N. : Comment est-il encore possible d’innover en matière de restauration, dans un tel contexte ?

J.N.D : Dans la restauration comme dans chaque secteur il y a des innovations. Personnellement je me cantonne au traditionnel. Mais je regarde autour de moi et constate que Strasbourg est sûrement une bonne ville pour poser cette question. Regardez les trois grandes chaînes nationales de pâtes à emporter, Mezzo di Pasta, Noï et Francesca : elles ont toutes des créateurs alsaciens. Dans d’autres domaines, comme les Hambugers des concepts bien ficelés ont vu le jour comme celui de Franck Meunier,

qui veut créer une chaîne avec ses Franky’s et, dans un genre similaire, Cédric Moulot avec ses 231 East Street dont la franchise démarre fort. On peut aussi citer Bagelstein. Et tout cela depuis Strasbourg…

O.N. : Au final, vous n’avez donc aucun regret à avoir rejoint Strasbourg au début de vos études...

J.N.D : Non aucun. Je suis venu presque par hasard, simplement parce que la fac y avait bonne réputation et que ce n’était pas si loin de chez mes parents. Au fil des années, je m’y suis senti de mieux en mieux. Outre qu’il y a dans notre ville et plus globalement dans notre région une vraie qualité de vie, j’aime le sérieux et la mentalité alsacienne. Strasbourg est une ville formidable. Certes on peut toujours faire mieux, mais citez moi une ville comparable avec autant d’atouts pour notre secteur d’activité : une clientèle locale importante avec une vraie culture du restaurant, du tourisme presque toute l’année, notre inimitable marché de Noël, le parlement, le conseil et toutes les institutions européennes moins connues qui donnent cette touche internationale à notre ville. J’attends avec impatience le nouvel ensemble de congrès et d’exposition en 2016. Je sais qu’il est de bon ton de se flageller en ne voyant que ce qu’il manque et de critiquer les politiques publiques successives. Je trouve pour ma part que c’est un privilège de vivre ici. Je préfère regarder la bouteille à moitié pleine que la bouteille à moitié vide…

Hubert Lépine ( Chef Cuisinier ), Guy-Pierre Baumann, Tahar Aït Medjber et Jean-

Noël Dron

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JE TROUVE

POUR MA

PART QUE

C’EST UN PRIVILÈGE

DE VIVRE ICI ...

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un rêve d'afriquedestination de lÉgende

Douze jours comme aux premiers souffles de l’humanité. Des animaux sauvages en totale liberté, des paysages grandioses et vierges, une invraisemblable palette de couleurs, de senteurs et d’étranges sensations. Des êtres humains paisibles et de belles rencontres à foison. Or Norme tenait à vous faire découvrir la Namibie, cette destination de légende encore méconnue et souhaite que vous vous y rendiez aussi en suivant nos traces. Plus de 3 200 km dans cette Afrique dont nous rêvons tous et qui est encore une superbe réalité, tout au sud du continent…

Rédaction JEAN-LUC FOURNIER

Photos JULEYE - JEAN-LUC FOURNIER - DRMerci à Thierry Suzan pour la qualitédes contacts en Namibie

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un rêve d'afriquedestination de lÉgende

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11h de vol de nuit dans le confort de l’A380 d’Air France. Le temps de survoler la France puis la Méditerranée et, juste avant de sommeiller un peu, la certitude que l’Afrique est désormais bien là, sous les immenses ailes du plus gros avion du monde. Destination Johannesburg, tout au sud du continent. Arrivée en fin de matinée puis de nouveau un vol de South African Airways pour deux petites heures, cette fois-ci, à la mi-journée, en direction de Windhoek, la petite capitale namibienne.A travers le hublot, les immenses étendues vierges de l’Afrique australe et leur myriade de couleurs estivales : l’ocre, le jaune, quelquefois un coin de verdure et tous ces lacs qui scintillent au soleil comme autant de clins d’œil de bienvenue. Et déjà, l’atterrissage sur le petit aéroport de Windhoek. 100 mètres à peine à marcher sur le tarmac sous un soleil de plomb. Un petit aérogare, une formalité d’immigration allégée et, les bagages récupérés et déjà stockés dans le 4X4 japonais de location, l’Afrique australe qui s’offre à nous avec, dans la tête, un gigantesque lot de promesses qu’on a hâte de découvrir et de vivre.Et nous ne serons pas déçus…

LE PLUS JEUNE DES PAyS AfRICAINS

Sur le planisphère, que votre doigt longe la côte atlantique de l’Afrique. Tout en bas, juste au-dessus de l’Afrique du Sud, la discrète Namibie, grande comme une fois et demie la France et qui ne compte qu’un peu plus de 2 300 000 habitants. C’est dire si les grands espaces vierges sont au rendez-vous…Sans remonter à la nuit des temps, l’histoire moderne de la Namibie débute en plein milieu du XIXe siècle avec la création d’un comptoir commercial par un commerçant allemand venu de Brême, Adolf Lüderitz (une ville de la côte ouest porte son nom). Ce sera le début d’une longue domination allemande dont on trouve encore aujourd’hui facilement les traces. L’Allemagne d’alors n’avait aucune vocation, au contraire de l’Angleterre ou de la France, à créer un véritable empire colonial mais était plutôt intéressée par la captation des richesses minérales de l’Afrique australe. De fait, l’immense zone diamantifaire située entre Lüderitz et le fleuve Orange (qui marque la frontière avec l’actuelle Afrique du Sud) fut très vite déclarée « Sperrgebiet » (zone interdite) dès 1910. Les opérations de prospections furent alors démultipliées mais cessèrent dès le déclenchement de la Première Guerre mondiale.Pour l’Allemagne, l’issue négative de ce conflit sonna le glas de l’occupation de l’actuelle Namibie. En 1920, l’Afrique du Sud obtint un mandat de la Société des Nations (l’ancêtre de l’ONU actuelle) pour administrer ce que l’on appelait alors le Sud-ouest africain, sans

pour autant que le territoire soit considéré comme une province.Pendant plus de quarante ans (jusqu’à la fin des années 80), l’histoire de l’actuelle Namibie épousera celle de l’Afrique du Sud, avec l’apartheid en premier plan. Dès 1966, l’Organisation du Peuple du Sud-Ouest Africain (la SWAPO) lance les actions de résistance contre les occupants sud-africains. En 1972, l’ONU reconnaît la SWAPO comme représentant du peuple namibien. Les prisonniers politiques sont alors libérés. En 1989, un accord

de paix entre l’Afrique du Sud et la SWAPO est signé et il enclenche le processus d’indépendance. Il aboutira en 1990, avec l’élection du président Sam Nujoma à la tête du plus jeune des pays africains, la Namibie. Depuis, le développement du pays est une référence dans toute l’Afrique.La Namibie, pacifiée, indépendante est sur la voie d’un « modernisme » que chacun s’accorde à reconnaître comme raisonné et les douze ethnies qui la composent vivent ensemble plutôt paisiblement. L’école gratuite est un droit pour les jeunes namibiens (le taux d’alphabétisation est de 85%, un record sur le continent) et le PIB par habitant est l’un des plus élevés de l’Afrique subsaharienne. Pour la première fois de son histoire, et grâce à l’exploitation des minerais pour l’exportation, le budget namibien a été excédentaire en 2007. Mais cependant, le pays souffre encore beaucoup de l’inégale répartition des richesses, une grande partie de la population vivant dans une misère endémique marquée, notamment, par le fléau du Sida, comme dans une large partie du continent africain.

La politique gouvernementale récente tient compte des spécificités des ethnies vivant depuis des siècles sur le territoire namibien. Hormis un embryon de rebellion dans la zone frontalière de Caprivie, tout au nord, la Namibie est un pays très pacifique qui se découvre sans crainte. A noter l’importance de l’écologie : le plus jeune des pays africains a adopté d’emblée les bons comportements en matière de respect de la nature et de la biodiversité.Tout cela fait de la Namibie une destination réellement bluffante et sidérante en matière de dépaysement et de sensations de toutes sortes.

C’est pourquoi la rédaction d’Or Norme a eu envie de vous la faire découvrir. Dégustez les nombreuses pages que nous consacrons à la découverte de ce pays fantastique et superbe.Et n’hésitez pas, vous aussi, à vous y rendre. Vous pouvez même suivre nos traces grâce au road-book page 50 / 51.

Bon voyage !

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LA SAGA DES ANIMAUXD'ETOSHA

Bien sûr, Etosha est une réserve naturelle. Mais le parc s’étend sur 350 km d’est en ouest et 100 km du nord au sud. C’est dire si les animaux s’y ébattent en toute liberté… Bien à l’abri à l’intérieur de notre 4X4 (il est évidemment hors de question d’en sortir, ne serait-ce qu’une seule seconde…), les lions, éléphants, zèbres, girafes, rhinocéros, hyènes.. nous offrent un des plus beaux spectacles du monde…

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Il ne faut pas longtemps pour apercevoir les premiers animaux d’Etosha. A peine notre véhicule a-t-il pénétré par l’Est de la réserve que, sur la large piste que nous quitterons bientôt pour fureter un peu partout, une bande d’impalas semble nous souhaiter la bienvenue. D’une élégance innée, ces gazelles ne semblent pas spécialement perturbées par notre présence.

Plus loin, c’est la vision de nos premières girafes. Elles sont quatre ( une famille manifestement ). Avez-vous déjà vu une girafe en liberté totale ? Si ce n’est pas le cas, vous ne pouvez pas imaginer la fascination que cet animal peut exercer sur vous. Incontestablement, un des plus majestueux et des plus élégants d’Etosha…En plein milieu d’un paturage bien vert ( il y a eu quelques pluies les jours précédents et la nature n’est plus uniformément jaune cramoisi comme en pleine saison sèche ), une mère zèbre allaite son petit, sans jamais cependant nous quitter de l’œil.Près d’un trou d’eau, nous dérangeons deux gros phacochères en plein bain de boue. Ils nous fixent un instant, avec leurs défenses impressionnantes, et disparaissent vite dans le premier fourré venu… Une hyène plutôt débonnaire s’éloigne aussi.Alors que nous longeons un gros bosquet, les branches supérieures s’agitent soudain violemment. Apparaît un troupeau d’éléphants. Une mère et son petit se désaltèrent dans une grande flaque d’eau avant de rejoindre le troupeau qui présente une superbe majesté et dégage une sensation de force implacable. Tout comme ces deux mâles, massifs et les oreilles en éventail, croisés un peu plus loin sur une piste qu’ils empruntaient : très sagement, nous avons patiemment attendu qu’ils disparaissent pour poursuivre notre route…

Plus tard encore, on croise une jeep d’un Nature Tour d’un hôtel voisin. Le conducteur nous indique l’endroit où il vient de voir des lions. Nous y filons et découvrons deux lionnes manifestement repues qui font la sieste au pied d’un grand arbre. A deux mètres à peine, nous contemplons, fascinés, ces animaux qui règnent sur Etosha. C’est peut-être bien leur regard qui nous magnétise le plus : implacable, absolument sûre de sa force et de sa puissance, la lionne nous fixe longuement, comme si elle nous défiait. C’est nous qui baisserons les yeux…

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Alors que nous nous apprêtions à partir, l’instant magique : derrière l’autre lionne, couchée à l’ombre, un mouvement attire notre attention. Une puis deux petites oreilles pointues apparaissent, puis deux yeux et un museau curieux : c’est un minuscule lionceau, une petite peluche qu’Etosha nous exhibe comme un beau cadeau de la nature. Mais une petite peluche qu’il est bien sûr illusoire de vouloir caresser. Nous ne le ferons qu’avec nos yeux…Toute la journée, nous errerons de trou d’eau en trou d’eau pour contempler cette faune extraordinaire qui vit là depuis toujours. Et, comme un dernier cadeau avant de quitter Etosha par la route du Nord, c’est un rhinocéros qui nous accompagnera dans les paturages d’Andivlakte, à peine quelques kilomètres avant la King Nehale Gate.

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Alors que nous prenons la route vers Owambo Land, notre prochaine étape, nous avons de la beauté plein la tête… Loin des chasseurs très fortunés qui viennent aussi en Namibie pour abattre froidement ce qui ne sera malheureusement qu’un superbe trophée de plus dans leur collection, nous avons assisté à un véritable festival de la faune de l’Afrique australe : il y avait de la grâce, de la poésie et de la magie.

Comme un merveilleux goût de premier matin du monde…

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l'owamboland

le pays Owambo est « dépouvu de curiosités », écrivent les guides touristiques. Pourtant, nous y avons vécu quarante-huit heures très près d’un peuple aux traditions intactes et très imaginatif. Et cela vaut toutes les curiosités touristiques du monde…

L'ETHNIE MAJORITAIRE DE NAMIBIE VIT LOIN DES CIRCUITS TOURISTIQUES

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Ici, pas de faune spectaculaire ni de paysage de rêve. Quelques rares villes tout en longueur et qui rassemblent leur lot de bicoques de pacotille entre des petits bars qui concentrent la population.Juste avant Ondangwa, il faut quitter la route goudronnée unique et ne pas hésiter à s’enfoncer un peu le long de la « gravel road » pour découvrir l’essentiel.De temps à autre, un petit village protégé par des pieux de bois avec, à chaque fois, la traditionnelle bande de gamins qui vous regardent avec ce visage à la fois curieux et craintif.Et parmi ces villages, celui d’Ongula…

VIVRE ET TRAVAILLER « AU PAyS »

Au bout d’une courte piste de sable, on aperçoit vite les quelques toits coniques, caractéristiques de la région, qui abritent la petite c o m m u n a u t é d’Ongula.Nicolas, l’homme qui connaît la

Namibie jusqu’au bout de ses doigts (voir son portrait page 48) nous avait longuement documenté sur l’Ongula Homestead Lodge où deux nuits nous attendent. Aussi, nous ne sommes aucunement surpris du réservoir d’eau qui surmonte le lodge. Impossible de ne pas penser au Bagdad Café californien…Rachel nous accueille. Cette kenyanne d’origine, jeune trentenaire, a fait toutes ses études dans le tourisme, et a atterri à l’Ongula Lodge après plusieurs expériences dans des hôtels de standing. Mais elle semble avoir trouvé là son idéal professionnel et… personnel : « Le lodge a été inauguré fin août dernier. Il a été financé sur fonds privés mais bénéficie du soutien d’un programme gouvernemental, les « Conservancies. » Il s’agit bien de développer le tourisme authentique dans ce coin à l’écart des routes traditionnelles et de permettre à ces populations de bénéficier du revenu de leur travail ».Ainsi, l’Ongula Homestead Lodge a été érigé à quelques mètres à peine de la traditionnelle clôture qui délimite le village où habitent les familles locales. Hormis Rachel, l’ensemble du personnel est né dans ce village que nous fait visiter Erick, le quasi guide officiel du lodge.Nous ne serons accueillis que par les sourires des enfants et des femmes, ravis de nous montrer leur vie quotidienne. A proximité de petites huttes qui sont autant de réserves de grain, de jeunes femmes entourées d’enfants de tous âges pilent le maïs à l’aide de solides outils de bois. La farine qui en est issu constitue la nourriture de base du peuple Owambo, de temps en temps agrémentée de volaille et plus rarement de viande bovine car les jeunes garçons gardent les troupeaux dans la campagne alentour. Côté légume, c’est l’épinard qui est le plus cultivé et le plus abondant .Au menu d’un de nos repas à l’Ongula Lodge, d’impressionnantes chenilles grisâtres récupérées sur les arbres. « C’est une source importante de protéines » nous précise Rachel. Mais, même grassement frites dans l’huile et accompagnées d’une sauce au beurre « maître d’hôtel », il faut avouer que nous les avons avalées avec peine, sous l’œil amusé des dévouées serveuses. Qui, à leur tour, ont fait la grimace quand nous leur avons expliqué qu’en France, les cuisses de grenouille

et les escargots sont un régal. Eternel choc des cultures…Pendant que les enfants du village sont à l’école (tous les matins, ils s’entassent sur le plateau d’un 4X4 pour se rendre à Ondangwa, au bout de 40 minutes de piste), les femmes fabriquent des paniers et des bijoux qui se retrouveront dans la mini-boutique du lodge, à la disposition des touristes de passage. Il en ira de même pour les poteries traditionnelles, réalisées dans un sombre local de béton construit dans l’enceinte de l’hôtel. Un sacré progrès puisqu’il y a peu encore, la poterie consistait en un trou creusé à l’écart du village dans lequel se trouvait le four…A une dizaine de minutes d’Ongula, un puits fournit l’indispensable eau. Les enfants se relaient pour la puiser avec des seaux. Le puits a été creusé à proximité immédiate d’un petit étang où abondent les nénuphars et qui sert de lavoir à linge pour l’ensemble des femmes du village qui s’y retrouvent chaque matin avec les enfants qui ne sont pas encore en âge scolaire.

LE CHEf, PILIER DU VILLAGE

Alors que nous discutions avec les femmes d’Ongula, nous recevons la visite-surprise du Chef du village. Affable, souriant, il nous donne rendez-vous en fin d’après-midi pour un entretien. Erick disposera lui-même la scène, avec une révérence non feinte. Car ici, le Chef n’a pas qu’un titre honorifique. Il contribue très largement à l’arbitrage et à la résolution des problèmes rencontrés par les uns et les autres. Cet après-midi là, il dialoguera longtemps avec nous avec, à ses côtés,

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un étrange personnage au visage anguleux, aux yeux brillants sous un large chapeau de… cow-boy. Un instant, nous le prendrons pour une sorte de garde du corps, ce qui fera bien rire Erick : « Non, cet homme fait partie de notre communauté, il n’était là que pour expliquer ses problèmes au Chef, il est resté avec lui pendant votre entretien… »

Le Chef d’Ongula s’appelle Petrus Shimuelefeleni Kauluma et il a 86 ans. Comme souvent, son père était déjà le chef du village et ce, pour une raison très simple : Petrus est l’époux de pas moins de quarante femmes. « Vers l’âge de vingt ou vingt-cinq ans, je ne me souviens plus, j’ai dû partir en Afrique du Sud où j’ai trouvé un job de serveur dans le restaurant d’un grand hôtel » nous raconte-t-il, « puis j’ai été embauché comme serveur à l’Ambassade de France » poursuit-il, sûr de son effet puisqu’évidemment Erick a dû lui confier que nous étions Français. « En 1959, l’ambassadeur français était célibataire et nous étions très proches. Il m’a beaucoup appris sur la France et sur moi-même, également. Je me souviens de ses paroles : Peter, quand je te regarde, je vois un leader. Et un leader ne se bagarre jamais. Un bon leader parle et sa parole résout tous les problèmes. Je me sers de ses mots depuis que je suis devenu le Chef du village. J’avais entre cinquante et soixante ans quand j’ai été nommé chef. Je suis comme un juge de paix Comme votre roi français, Saint-Louis, je rends la justice sous un grand arbre. Ce matin, deux femmes se sont battues entre elles. L’une n’était pas de notre village. Je lui ai donné une lettre que j’ai écrite au Chef de son village, pour qu’elle réponde de ses actes devant lui. Très souvent, on vient se plaindre auprès de moi. J’écoute, je pose des questions et on y répond. Ensuite, je rends mon jugement. Mais si je me sens incapable de le faire, alors ces gens auront rendez-vous avec le Roi. Les Owambos sont organisés en huit tribus et chacune d’entre elle a son Roi. C’est d’ailleurs lui qui nomme les Chefs des villages. » La modernité n’effraie pas du tout Petrus : « Je dois faire avec tous ces changements. Je regarde la télévision,

je lis les journaux, j’ai des contacts avec l’extérieur. Je sais que dans le monde, des forces puissantes agissent et abusent du pouvoir que leur donne l’argent. On serait tenté de dire qu’il faut faire la révolution, mais la révolution détruit tout, absolument tout. Alors, il faut parler et encore parler. C’est ce que fait celui qui vient me voir. Le Mahatmah Gandhi le disait déjà, Martin Luther King et Lincoln également…Je suis heureux de voir démarrer l’Ongula Homestead Lodge. Pour moi, le plus important est qu’il va permettre à des gens venant de loin de découvrir notre peuple, ses traditions, notre vie et qu’il rend les gens d’ici plus heureux car il donne du travail. Et quant à savoir si ce modernisme va tuer nos traditions, je ne le pense pas. Les traditions, c’est comme notre père et notre mère, on ne peut pas les rejeter. Les traditions perdureront. Depuis qu’il y a sur terre des parents et des enfants, il y a des traditions. La modernité et les traditions vont fonctionner ensemble, j’en suis convaincu. Je suis optimiste… »

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Belle leçon que celle donnée par le Chef Petrus sous la chaleur d’une fin d’après-midi en plein Owanboland. Et, comme en écho, la journée se terminera par une petite fête organisée en notre honneur par les enfants du village, toujours à l’initiative d’Erick. Chants, petites comptines, danses… les enfants d’Ongula nous ont donné le meilleur d’eux-mêmes, avec un sourire permanent, nous confiant même leur vœu le plus cher : certaines petites filles veulent devenir enseignante ou infirmière. L’une veut être danseuse, l’autre veut voyager,… Tous les enfants du monde ont les mêmes rêves…

En quittant Ongula très tôt le lendemain matin, nous avions bien conscience d’avoir eu la chance, pendant quarante-huit heures, de côtoyer de près un tout petit coin de l’Afrique australe où modernité et traditions se mélangent harmonieusement. Un petit coin pauvre, très pauvre même mais des gens dont le sourire et la disponibilité disaient qu’ils savaient encore être heureux…

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Depuis certaines émissions télé, les Himbas sont à la mode et aucun voyageur de passage en Namibie ne voudrait rater la rencontre avec eux. la réalité, sur le terrain, n’est pas aussi idyllique que les images télé le montrent. Rendez-vous en terre malheureusement connue…

LE peuple himba SURvIT PÉNIbLEMENT

Souvenez-vous… muriel Robin embarquée avec les caméras de Frédéric Lopez pour un rendez-vous en terre inconnue. La rencontre avec Solenn Bardet, une ethnologue qui a vécu plusieurs années avec les Himbas et qui

retrouvait le village à cette o c c a s i o n . E m o t i o n , l a r m e s , des adieux

déchirants… tous les codes de l’émission étaient aussi au rendez-vous. Les Français découvraient alors ce peuple du bout du monde. Si, à l’évidence, l’émission n’a pas été entièrement pipeautée, ses images et ses situations style « paradis perdu » ont intrigué. Nous sommes allés voir…

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OPUwO, SALE ET SINISTRE CAPITALE HIMBA

Ce gros village est un choc. Une longue rue aux façades quelconques qui cachent souvent des bidonvilles de part et d’autre. Une floraison invraisemblable de petits bars où coulent le Coca-Cola mais aussi la bière frelatée. Des centaines de personnes désœuvrées qui se saoulent aussi d’une assourdissante musique techno… Quelques rares supermarchés aux parkings défoncés, seuls les rares bâtiments officiels ont été repeints régulièrement…Sur les trottoirs de la rue, une population bigarrée affronte la poussière ambiante et un bric-à-brac permanent à même le sol : jeunes ados aux allures de rebelles, hommes et femmes Hereros aux vêtements soignés qui se promènent tranquillement, des Zenas, les représentants d’un peuple venu du tout proche Angola, à la peau très noire et bien sûr des femmes Himbas, la poitrine nue et la peau recouverte de ce mélange de terre ocre, de beurre et d’herbes… Ces dernières savent pourquoi elles sont là : aucune d’entre elles n’ignore que les touristes sont avides de les photographier. Leur œil expérimenté traque le moindre appareil photo. Dollar, dollar… fut-il namibien. En cette fin janvier (la basse saison, touristiquement parlant), nous ne passons pas inaperçus et il nous faut déployer des trésors d’ingéniosité pour réaliser nos clichés…Au cœur de la ville, un énorme chantier, le seul vraiment apparent. Nous apprendrons plus tard que va s’élever là le projet de Solenn Bardet : un musée consacré aux Himbas, entièrement financé par l’aide internationale que la médiatique ethnologue a réussi à mobiliser.

« Est-ce une bonne idée ? » se demandera plus tard un de nos interlocuteur. Bonne question : l’intrusion de cette pratique occidentale ne correspond à rien à la culture himba. Certains murmurent déjà que Solenn Bardet est simplement en quête de business... Les Himbas qui vivent à Opuwo ( et les autres, plus loin ) sont-ils vraiment conscients de l’impact que cette « modernité » aura sur leur avenir ?

Étrange sensation : aux abords immédiats d’Opuwo, il y a un grand campement himba qui ne semble être là que pour fournir le personnel requis pour que le melting-pot plaise au touriste de passage . Un peu comme les figurants d’un théâtre permanent.En attendant que Konsa, notre guide herero, nous rejoigne au rendez-vous prévu, plusieurs fois nous nous demanderons pourquoi ces gens vivent dans ces conditions-là et à cet endroit-là. Nous avons bien peur de deviner la réponse : la tradition ancestrale de ce peuple d’éleveurs nomades est venue mourir à Opuwo, ce village si épouvantablement quelconque aux immenses nuées de poussière, sur une scène permanente digne d’un documentaire souffreteux …Dans lequel nous sommes figurants, aussi, bien malgré nous. Étrange sentiment de culpabilité. Malaise…

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Ce peuple semi-nomade du nord de la

Namibie a toujours été attaqué de toute part et régulièrement privé de

ses troupeaux. alors, il a vécu de la chasse

et de la cueillette, dans un dénuement total ce qui lui valut,

il y a longtemps, le surnom de Himbas :

les mendiants… aujourd’hui, il en

est souvent réduit à affronter le touriste en

mal d’exotisme. Pour le pire, souvent…

Le « cahier des charges » de Konsa était simple : nous faire découvrir un village himba le plus possible préservé des allers et venues touristiques et nous permettre de dialoguer avec ses habitants.Direction le village d’Otutati, à 45 minutes de piste d’Opuwo. Sous un soleil de plomb, le village est quasi désert et cela surprend beaucoup notre guide. Konsa décide de rebrousser chemin et de nous conduire à un autre village. A l’ombre d’un arbre près de la piste, deux femmes himbas sont assises, entourée d’une demi-douzaine d’enfants.Konsa engage la conversation et apprend que la plupart des habitants des villages alentours sont aux obsèques d’un vieil Himba très connu. En même temps, il nous précise que ces deux femmes attendent un véhicule de passage : la plus âgée est malade, elle doit consulter à Opuwo. A peine quelques instants plus tard, une nuée d’enfants surgis de nulle part nous entoure. Regards tout d’abord méfiants puis quelques sourires se dessinent…Nous reprenons la route direction Ohoungoumoure (« la colline d’en haut »). Le village est minuscule : une dizaine de huttes, à peine, s’élèvent sous le soleil qui cogne dur. Une seule

himbales "mendiants"

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vieille femme nous scrute… Mais, à peine avons-nous engagé la conversation avec elle, que plusieurs enfants nous rejoignent. Une jeune femme sort d’une case, puis une autre, et ainsi de suite… Tout le village sait désormais que des visiteurs sont là…Tout le monde se réunit sous un grand arbre, seule source d’ombre au milieu de la pierraille. Konsa traduit les propos d’une de ces femmes : « Tous les jours, nous allons chercher de l’eau dans un puits à quatre kilomètres du village et nous cultivons les légumes dans un petit champ deux kilomètres plus loin. Nous ramenons du bois pour alimenter le feu et faire la cuisine. Il faut aussi traire les chèvres et fabriquer le beurre… Notre seule véritable peur, ce sont les serpents. Ils sont dangereux autour d’ici… »

Sur le monde qui les entoure, les Himbas ne savent rien, ou si peu : « Certains d’entre nous sont déjà allés à Opuwo, parce qu’ils étaient malades. Mais moi, je n’ai jamais quitté le village » confirme chacune des sept femmes avec qui nous parlons.

Quand nous questionnons sur leur âge, elles ne répondent pas. Manifestement, elles ne comprennent pas la question. Konsa confirme : « La notion d’âge n’existe pas pour elles. L’âge, l’anniversaire, cela ne veut rien dire pour les Himbas. Le temps n’existe pas au-delà du jour qui se lève et de la nuit qui tombe. Aucune information ne leur arrive sur le monde extérieur, d’ailleurs

les Himbas, pour la plupart, ne savent pas qu’un autre monde existe. Seuls les hommes ont une petite idée de ce qui se passe ailleurs, surtout ceux qui vont à Opuwo de temps à autre pour vendre une tête de bétail. Et si on ne les rencontre quasiment jamais dans les villages, c’est parce qu’ils gardent le bétail toute la journée à des kilomètres d’ici. En fait, les Himbas ne voient que les touristes de passage et quand ils ont tourné les talons, ils retournent à leurs traditions…. »

De fait, nous ne sommes que de passage parmi cette petite communauté. De case en case, nous découvrons les conditions extrêmement précaires dans lesquelles ces gens vivent. Dans l’une d’elles, un très vieille femme, aux yeux quasi aveugles, fume un immense pétard. Plus loin, une autre femme prépare la cuisine en remuant inlassablement la mixture à base de farine qui nourrira sa famille…

Juste avant de partir, on nous incite à pénétrer dans la case du Chef du village. Il s’appelle Zaja (« Celui qui est parti ») et il a « une quarantaine d’enfants ». Une de ses cinq femmes est assise à ses côtés et incite sa fille à nous montrer comment les femmes s’enduisent le corps de ce mélange d’herbes et de graisse qui leur fait la peau si rouge. La fumée de quelques plantes sèches, brûlées sur une brique, leur sert de déodorant. Sans un mot, le jeune fille s’exécute sous l’œil de sa mère. Le vieux chef ignore superbement la scène, ses yeux regardent dans le vague vers l’extérieur…

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Un peu plus tard, en descendant vers la sortie du village, les femmes nous attendent. Elles ont disposé à même le sol les plus beaux bijoux qu’elles ont fabriqués et des personnages taillés dans le bois que les hommes sculptent pendant qu’ils gardent le bétail. Marchandage traditionnel… Juste avant de partir, nous déposons à l’entrée du village un sac de 20 kg de farine, des gâteaux, du savon, quelques médicaments… tout ce que Konsa nous avait conseillé de leur amener, pour « respecter la tradition »…La tradition : nous n’en n’avons eu qu’un bref aperçu, peut-être au tout début, à notre arrivée, car nous n’étions pas vraiment attendus. Pour le reste, nous avons eu le sentiment que les Himbas s’étaient mis à jouer aux... Himbas...

Un regard sur notre 4X4, seul véhicule visible à l’orée du village. En pleine saison, ce sont des dizaines d’entre eux qui stationnent et déversent leur flot de touristes dans le petit village d’Ohoungoumoure.

Des touristes. Comme nous… Trois quarts d’heure de piste pour rejoindre Opuwo. Dans la voiture, c’est le silence. Nous n’étions pas dans une émission de télé, nous étions dans la réalité.

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Les Himbas ne sont plus que 7 000 environ dans le nord de la Namibie. Le taux de mortalité infantile reste effrayant : 30% des enfants meurent en bas âge. Durant huit mois de l’année, leurs villages sont envahis par les touristes et, parce qu’ils sont quelquefois entièrement vides (ce peuple conserve sa tradition nomade et peut s’éloigner rapidement pour que le bétail bénéficie de meilleures patures), ils sont souvent pillés par certains visiteurs sans scrupule…Dans toute la Namibie, l’école est gratuite et obligatoire pour tous les enfants mais cette loi n’est pas appliquée au pays des Himbas. Les chefs des villages considèrent que la place des enfants n’est pas à l’école mais à l’apprentissage du gardiennage du bétail, qui est la seule source de revenu de ce peuple. Une toute petite minorité de Himbas vit à Opuwo, au contact de toutes les autres populations et se confronte ainsi avec la « modernité » en gagnant sa vie comme vendeurs dans les marchés de rues ou, pour très peu d’entre eux, en devenant fonctionnaires (enseignants, policiers..)Les autres ne quittent jamais les villages qui sont perdus dans l’immensité de leur territoire. Éloignés de tout, sans aucune conscience du monde qui les entoure, les Himbas composent avec les nombreux touristes qui les visitent durant les trois-quarts de l’année. Cet afflux, relativement récent, a modifié en très peu de temps leurs us et coutumes, les incitant à établir leur campement près des pistes d’où parviennent les véhicules des visiteurs à la recherche de ce qu’ils croient être un peuple resté à l’âge de pierre alors qu’au contraire, les Himbas tentent d’évoluer tout en conservant leur mode de vie traditionnel.Mais cette culture est aujourd’hui en très grand danger de disparition, c’est l’évidence malheureuse à laquelle nous avons été confrontés…

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damaralandUNE fENêTRE OUVERTE

SUR LE PASSÉ

De toutes les régions namibiennes, le désert du Damaraland est sans doute  celle  qui  affiche  le  plus  de paysages intacts, ceux que les premiers hommes ont dû voir il y a des milliers d’années. Très peu de villages, la ville la plus importante, Khorixas est à peine un gros bourg : s’attarder dans le Damaraland, c’est se plonger dans l’afrique des origines…

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L’océan Atlantique et ses courants froids ne sont qu’à une centaine de kilomètres à peine du cœur du Damaraland, ce grand désert aride mais néanmoins parsemé de poches de verdure. Des milliers de sources et des centaines de rivières éphémères drainent l’humidité venue de l’océan et deviennent la providence des hommes et de la faune. Ces paysages interminables sont parmi les derniers qui, en Afrique, accueillent librement des milliers d’animaux, éléphants, zèbres, oryx, antilopes…, sans les contraintes des réserves naturelles.

LES LOINTAINES TRACES DES HOMMES

Signe que la vie a toujours proliféré ici malgré l’âpreté minérale, les alentours du massif du Brandberg recèlent plusieurs sites de peintures rupestres dont les dessins originels datent de près de 5 000 ans…

CE DÉSERT... qui vit de toute part Celui de Twyfelfontein (« la source

douteuse »), inscrit au Patrimoine mondial de l’Humanité depuis quelques années, est une grande zone d’éboulis qui surplombe la plaine. Et quelques dizaines de minutes de marche suffisent pour découvrir les lointaines traces des premiers hommes…

A même le grès rouge, ils ont peint ou gravé plus de 2 000 scènes de leur vie quotidienne représentant des rhinocéros, des autruches, des éléphants, des girafes et même un lion, ainsi que des empreintes de pas d’hommes et d’animaux.Mais le plus extraordinaire de ces témoignages est sans doute ce que l’on peut considérer comme un des premiers plans de l’humanité.

Sur la large façade oblique d’un énorme rocher, face au panorama vierge qui s’étale sous nos yeux, nous découvrons un relevé topographique plusieurs fois millénaire : des pistes tortueuses sont parfaitement visibles au bord desquelles figurent les animaux de la région. Elles mènent

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à des points d’eau, la ressource vitale : ceux qui étaient assêchés à l’époque des auteurs de ce plan sont représentés par des cercles dont seul le pourtour a été gravé. Les autres, ceux où l’eau était présente, ont été entièrement évidés à l’aide de pointes de silex.

On ne peut s’empêcher de ressentir une formidable émotion à la vue de ces témoignages qui nous parviennent d’aussi loin dans le temps. Et de penser que l’homme africain d’il y a cinq mille ans se comportait comme un authentique artiste : dans les peintures et les gravures de Twyfelfontein, on décèle le mouvement des animaux, leur grâce, leur agressivité quelquefois…

Découvert au début du siècle dernier par un ingénieur des mines allemand, le site rupestre de Twyfelfontein est une des véritables merveilles de la Namibie, gérée par les Damaras, un peuple aux origines encore mystérieuses qui, aujourd’hui respecté après des siècles de tourmente, fait émerger nombre d’intellectuels et d’hommes d’affaire dans tout le pays…

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Plein ouest, les pistes du Damaraland déroulent leurs merveilleux paysages et l’envie de s’arrêter pour les figer dans l’appareil photo est sans cesse tentante… D’autant qu’il n’y a pas le moindre hameau ou la moindre construction humaine pendant des heures.Nous perdons de l’altitude, insensiblement. Et, peu à peu, le paysage se modifie. Les sommets s’applatissent et forment comme de gigantesques tables. Puis, c’est une mince couche de sable blanc qui vient, de façon inattendue, ourler la rocaille…Au loin, la lumière elle-même change étrangement. Le ciel prend un bleu plus soutenu, même sous le soleil de la mi-journée. Au bout de la piste, toujours rectiligne, d’étranges mirages apparaissent. Ils ne ressemblent pas à ceux, fréquents, entrevus dans le désert du Damaraland. Leur réfraction lumineuse est quasiment blanche…Nous comprenons que nous approchons de l’océan. Là où le désert du Damaraland va brusquement disparaître…

LA SkELETON COAST

Et, de fait, l’ourlet de dunes de sable blanc est soudain englouti comme par magie par l’immensité liquide de l’Atlantique. Au bout de la piste qui fonçait droit vers l’océan, nous changeons radicalement de climat de façon soudaine. La température de l’air a perdu au moins 15° en quelques minutes. Un peu comme si, à la fin du Sahara et sa chaleur accablante, nous débouchions directement sur Biarritz ! Extraordinaire contraste, sans doute unique au monde…C’est la Skeleton Coast, la bien nommée, l’une des aires les plus désolées d’Afrique, souvent balayée par les tempêtes de l’Atlantique Sud et bordée par un fort courant glacial venu tout droit de l’Antarctique.Des centaines de bateaux, depuis des siècles, ont terminé leur course sur cette côte maudite, souvent bordée de dangereux récifs et régulièrement envahie par de forts brouillards. Leurs épaves parsèment les plages et sont en elles-mêmes une curiosité touristique..

Aujourd’hui, tout le nord de la Skeleton Coast est devenu le paradis des pêcheurs dont les spots favoris sont signalés par des panneaux routiers tout au long du ruban bitumé qui file plein Sud. De temps à autre, entre deux salars dont la blancheur éclate au soleil, quelques bungalows surmontés de leur citerne d’eau individuelle sont des résidences d’été très prisées par les Sud-Africains qui n’hésitent pas à rejoindre cette côte pour leurs vacances.

soudain, l'atlantique !

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Un endroit étonnant, Cape Cross, accueille l’une des plus importantes colonies d’otaries à fourrure du Cap. En moyenne, chaque année, 210 000 adultes et 60 000 petits squattent quelques centaines de mètres de côte, attirés là par le courant glacial où pullulent les bancs de poissons nourrissiers. Ces énormes bêtes sont vautrées dans un enchevêtrement incroyable : on se piétine, on se bouscule à qui mieux mieux, les femelles tentant de protéger leurs petits qui ont à peine deux mois, à cette période de l’année, tandis que les mâles plongent et replongent sans cesse pour chasser. Au milieu de ce maëlstrom, les cris stridents ne cessent jamais et, sur la plage de cette colonie

envahie par une odeur pestilentielle, il n’est pas rare d’observer le manège de quelques chacals qui n’ont pas hésité à faire plusieurs dizaines de kilomètres depuis le désert du Damaraland en quête de la proie facile que constitue un bébé otarie…

Cette surpopulation est si dense (et si grande la concurrence qu’elle représente pour les pêcheurs locaux) que l’Observatoire de la nature namibien a décidé depuis peu de réguler le nombre d’animaux. Un maximum de 2% d’entre eux sont trucidés chaque année dans un abattoir proche de Henties Bay…

Plus au Sud, Swakopmund, qui ex-occupation allemande oblige, ressemble à un petit morceau de Bavière en Afrique australe, est la station balnéaire favorite des habitants de Windhoek, la capitale, à cinq heures de route. Ses maisons, coquettes voire luxueuses, contrastent avec l’immense terrain vague du township juste en face d’elles. En fin d’après-midi, des dizaines d’employés de maison noirs

traversent la route pour rejoindre leur modeste abri pour la nuit. L’apartheid n’est plus mais la ségrégation sociale existe encore bel et bien…Plus au sud encore, Walvis Bay est une petite station balnéaire également, qui bénéficie des charmes d’un beau lagon. Une petite communauté française y réside (voir notre road-book page 50 / 51) et travaille essentiellement pour l’industrie de l’uranium (la société française Areva exploitait jusqu’à peu une importante mine) très présente dans la région car le port de Walvis Bay est le premier port de Namibie. En janvier dernier, lors de notre passage, l’arrivée d’une plate-forme pétrolière était attendue de façon imminente. Avec un soupçon d’inquiétude : si la présence en masse d’hydrocarbures venait à être confirmée à quelques encablures au large de cette côte magnifique, beaucoup craignent qu’elle vienne à défigurer les lieux et à compromettre l’évidente douceur de vivre qui existe ici, du moins pour les expatriés…

soudain, l'atlantique !

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NAMIBLe pLus ancien

désert de La pLanète

Le désert du Namib est à l’évidence le spot le plus recherché pour tout voyageur en Namibie. Les mots (et même les photos…) sont d’un piètre secours quand il s’agit d’expliquer l’incroyable floraison de sensations que le plus ancien désert de la planète nous procure. On va essayer quand même…

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C’est d’abord une énième piste, toute droite, qui nous fait quitter la côte Atlantique en direction du mythique désert du Namib. Le phénomène inverse de notre arrivée du Damaraland se produit : en à peine une demi-heure, le climat change complètement. La douceur atlantique est alors brutalement balayée par une fournaise qui ne nous quittera plus et qui matérialise bien ce vers quoi nous nous dirigeons…Une piste toute droite, donc. Et suffisamment peu fréquentée pour que le passage de notre 4X4 provoque la panique dans un troupeau de springbocks ou dérange un vieil oryx solitaire qui paissait tout près. De nouveau, la faune namibienne est au rendez-vous. Ce plaisir des yeux, on ne s’en lassera jamais…C’est ensuite, très au loin, un panneau routier tout en longueur, perché sur deux hauts piquets métalliques qui scintille au soleil. Banal en Europe mais totalement incongru sur une piste unique qui fait des dizaines de kilomètres, et qui ne nous fera rencontrer le prochain hameau qu’au moins deux heures plus tard, d’après notre carte.. Que peut donc bien signaler ce panneau ?La réponse nous parvient quand nous arrivons à deux cents mètres de lui. Nous allons tout simplement franchir la ligne du Tropique du Capricorne…L’esprit s’emballe un peu : pas la peine d’être un féru de géographie pour savoir que c’est le troisième des quatre parallèles qui permettent de se positionner sur la planète. Tout au Nord, le cercle Arctique. Au Sud du Maroc, le Tropique du Cancer. Tout au Sud, le cercle Antarctique. Et, juste au-dessus, le Tropique du Capricorne : nous sommes en fait à la même hauteur que le Chili, l’Argentine, le sud du Brésil mais aussi l’Australie. Agréable sensation…Les paysages désertiques et plombés par la canicule se succèdent pendant encore deux heures de piste. Au fur et à mesure de notre progression, d’immenses herbes jaunes, cramées par le soleil, sont balayées par le vent. Leur mouvement est féérique…Nous savons que nous ferons étape à Solitaire, la halte bien nommée car elle est réellement située au milieu de… nulle part. Et, pour être franc, nos contacts namibiens ont attiré depuis longtemps notre attention sur la rencontre avec un étonnant personnage, Moose…

bagdad café QUELQUE PART IL y A TOUJOURS UN

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C’est un carrefour, le premier depuis très longtemps au milieu de cette gigantesque étendue désertique. Un petit hôtel, une station-service, une vieille boutique qui vend un peu de tout, un garage, quelques hangars auprès desquels rouillent au soleil les épaves de vieux véhicules, un minuscule et rustique aérodrome pas très loin… Et une pâtisserie et sa grande terrasse ombragée. C’est son propriétaire qui nous intéresse…Ce n’est pas mentir de dire que Moose est connu bien au-delà des quelques dizaines de kilomètres qui bordent de part et d’autre le Tropique du Capricorne. Sa réputation parcourt toute la Namibie et même au-delà car, quand vous avez rencontré le personnage ne serait-ce qu’une seule fois, vous n’avez qu’une envie : le faire connaître autour de vous. Ce que nous faisons ici.C’est d’abord la vision d’un gigantesque barbu, solidement charpenté et bien campé sur ses deux jambes. Impressionnant, pour tout dire, d’autant que sa voie résonne avec force dans le lieu. Une grande gueule comme on les aime, parce que sympathique et non forcée. Moose parle comme il vit : cool, attentif aux autres avec le cœur sur la main…

A vrai dire aussi, si moose mcGregor, 56 ans, est une véritable légende vivante, il le doit à son père (un écossais, vous l’aviez deviné) et sa mère (une irlandaise) qui sont venus s’établir en Afrique en… 1976 ! Inutile de préciser plus l’audace et l’esprit d’aventure chez ces gens-là, à cette époque-là et à cet endroit-là.Moose a donc été élevé à Chingola, en Zambie : « Je suis d’ailleurs allé à l’école avec les enfants du président zambien de cette époque » précise-t-il avec son œil rieur . « Et puis, mon père est venu ouvrir un restaurant en 1976 à Zwakopmund, où il a été également boucher pendant sept ans. Avant de s’installer comme pâtissier à Solitaire, tout en habitant une ferme du coin. J’ai visité sa ferme en 1991 et… je ne suis jamais reparti d’ici !.. »Moose a tout de suite flairé l’ambiance de

ce lieu désolé et éloigné de tout et son feeling a fait le reste : « Je me suis dit que ça pouvait faire quelque chose de bien un jour. J’ai eu l’idée de développer l’apple-pie pour le tea-time. Les gens se sont mis à en parler. Puis j’ai lancé l’apfelstrudel et les guides sont venus me voir. Ensuite, Google et internet ont démarré et ça ne s’est jamais arrêté. On a très vite dit que Solitaire était le Bagdad Café africain, « in the middle of nowhere » tu vois… »

Un détail mais qui n’en est pas un : Moose est tellement connu comme le loup blanc en Namibie qu’il ne se cantonne pas au rôle de meilleur pâtissier du désert comme on pourrait le croire. Non, il est réellement incontournable là où il vit : « J’aide à combattre les feux, comme d’ailleurs un peu tout le monde le fait ici, je porte aussi assistance aux accidentés et, quand quelqu’un est mordu par un serpent ou un scorpion, je sais comment faire et s’il faut un hôpital, je sais où l’emmener le plus vite possible. Quand il y a un accident sérieux, je conserve ici les bagages des évacués, par exemple. Ils sont en sécurité et leurs propriétaires peuvent les faire récupérer quand ils veulent. Pareil pour les réparations de voiture, le garage juste à côté est là pour ça. En fait, je suis le bon samaritain pour qui a un problème dans le coin. J’adore me rendre utile… »Quel personnage ! Et tout est dit avec une modestie très bonhomme et avec l’œil qui pétille.

Une question nous brûle les lèvres. Moose est arrivé à Solitaire il y vingt-trois ans et n’en est plus jamais reparti. Quid de sa vie personnelle, amoureuse par exemple ? Le bon colosse n’élude pas la question : « Oh ! tu sais, ce n’est pas facile d’avoir quelqu’un avec soi dans ce désert. Elle a voulu divorcer il y a quinze ans déjà… »Mais, avec ton immense notoriété, devenue planétaire via internet, il y a bien une femme dans ce monde qui voudrait partager ta vie, non ? « Ben oui… Dans les derniers mois, il y a eu une espagnole et une italienne qui ont eu envie de venir. Toutes deux étaient des bikers. On a longuement parlé ensemble, à chaque fois. Aux deux, j’ai dit la même chose : Viens ici, tu travailles et tu vis avec moi pendant six mois et ensuite, tu verras bien… »Moose attend des nouvelles, depuis…« Je suis en connection avec le monde entier, via internet » précise-t-il pour finir. Je vois bien que tout change vite et que tout est différent chaque jour qui passe. Mais rien d’autre ne me tente. Je suis un livre d’histoire, j’ai une excellente mémoire mais ce que je préférerai toujours, c’est d’être seul la nuit, avec les étoiles d’ici au-dessus de ma tête… »Et là-dessus, le bon Moose nous dit : « C’est pas le tout, j’ai des apfelstrudel à cuire, moi. Salut mec, et pense à m’envoyer un exemplaire de ton magazine. Dans ma collection, je n’en ai pas encore eu venant de France… »Et, juste avant de faire demi-tour, nous avons droit à une énorme poignée de mains qui nous pulvérise les phalanges. Avec un grand éclat de rie en prime…

Sûr, Moose est un sacré personnage.Et son apfelstrudel est fameuse…

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Quand le soleil se couche lentement derrière les dunes pétrifiées du nord du désert du Namib, on ne ressent plus que le léger souffle du vent d’été. La nuit tombe doucement sur un paysage d’une beauté irréelle, vierge de toute présence humaine, où règne un silence absolu…

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Dans la fournaise de Sossusvlei, les plus courageux entreprennent l’escalade d’immenses dunes formées par un sable ocre et incroyablement fin, dont les milliards de particules ont été charriées par les 1860 kilomètres du fleuve Orange, depuis la côte Est de l’Afrique australe et que les vents ont fini par entasser jusqu’ici. Paradoxe : malgré les apparences, nous ne sommes là qu’à 80 petits kilomètres de l’océan Atlantique…

À l’assaut des plus

hautes dunes du monde

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Si le Namib est le plus ancien désert du monde, il est aussi un des plus surprenants. Car sa situation géographique fait de lui un endroit unique, tant par ses paysages que par son climat.L’explication est toute simple mais, quand vous êtes au beau milieu de cette gigantesque mer de dunes, quand la chaleur vous accable à ce point dans la moindre des cuvettes entre deux montagnes de sable, vous avez bien sûr un peu de mal à vous en rappeler.L’histoire a commencé depuis des millénaires à près de 2 000 kilomètres de là. L’interminable fleuve Orange, qui prend sa source dans les monts du Drakensberg au Lesotho (un petit royaume enclavé à l’est de l’Afrique du Sud) coule tumultueusement vers l’ouest avant de se jeter dans l’Océan Atlantique à Alexander Bay, à mi-distance entre Walvis Bay et Le Cap. Sur près de 500 kilomètres, il représente la frontière naturelle avec la Namibie.Depuis des millénaires, il charrie des milliards et des milliards de tonnes d’un sable incroyablement fin. Au débouché dans l’océan Atlantique, ces masses minérales titanesques ont toujours été happées par le courant froid venu de l’Antarctique et refoulées en masse sur la côte sous forme de dunes. L’accumulation fantastique et permanente a fait le reste et créé le désert du Namib. Qui n’est donc qu’à quelques dizaines de kilomètres de l’influence océanique, d’où sa surprenante végétation qui, régulièrement, reverdit grâce à l’humidité des nuages et aux pluies qui parviennent donc relativement facilement jusqu’au désert.Pour les mêmes raisons, le Namib est parsemé de lits de rivières assêchés au sol croûté de boue ou d’épaisses plaques de sel. Au milieu de ces vastes étendues arides et surchauffées, quelques arbres décharnés et dévitalisés sont encore debouts et propulsent

vers le ciel bleu leurs bras désarticulés. Les photographes se régalent… même si cette vision se mérite : pour atteindre les plus spectaculaires de ces endroits, il ne faut pas hésiter à escalader les dunes, se glisser dans les cuvettes où on affronte là les conditions d’un micro-onde grandeur nature. Même les très grosses chaleurs de l’été passées, on n’attaque la « ballade » que très tôt le matin ou assez tard en fin de journée, tant les conditions qui règnent là sont… hors norme…Une alternative (et pas forcément pour les plus paresseux tant l’expérience est belle…) : le survol en ballon. Un Belge, Eric Hasemans, a posé ses bagages en Namibie depuis 22 ans, en provenance du Zaïre, l’ex-Congo belge, après un détour par le Rwanda. Tombé fou amoureux du désert, il s’est fixé à Sestriem, aux portes du désert de Namib, où il a fondé sa société, Namibsky, qui affrète de nombreuses montgolfières aux couleurs chatoyantes qui baladent les visiteurs aux dessus du Namib. Aujourd’hui rejoint par son fils Denis, qui a été élevé en Namibie et deux autres pilotes, il récupère les visiteurs dans leur lodge et les conduit au lieu prévu pour le décollage. Tout est parfaitement timé : à peine le ballon gonflé s’élève-t-il au-dessus du désert que le soleil se lève à l’horizon et caresse de ses premiers rayons le sommet des gigantesques dunes. Ce sera une

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heure de vol là où le vent dominant emmènera, dans un silence irréel seulement ponctué par le bruit de l’injection régulière de gaz qui permet à l’engin de grimper un peu pour surfer plus longtemps sur le souffle du vent. Quelquefois, l’altitude atteinte est suffisante pour apercevoir, au loin, le brouillard qui stagne sur la côte atlantique… Puis le ballon finit par se poser au hasard de la conduite du vent. Renseigné par radio sur le lieu, un véhicule de Namibsky est là, qui rapatriera hommes et matériels vers la base de Sestriem. Mais avant de quitter le site, les visiteurs auront droit à un bon petit déjeuner sur une table installée tout spécialement, à l’issue duquel le champagne sera sabré généreusement. Pour bien marquer l’exception d’un tel moment que personne n’oubliera de sitôt…Il y a quelques endroits sur cette planète qu’on quitte avec l’absolue certitude qu’on y reviendra tôt ou tard. Parce qu’ils sont réellement magiques, inchangés depuis l’aube des temps et générateurs de sensations uniques et bienfaisantes.Le désert du Namib est à coup sûr de ceux-là. Ce désert unique où la fournaise ne parvient pas à exterminer les taches de verdure et où la moindre molécule d’humidité venue de la côte toute proche entretient une vie bien réelle.Dans le Namib, chaque seconde est fascinante… Et bien que son accès soit d’une facilité déconcertante, ce désert est resté intact depuis ses très lointaines origines. Magique, on vous dit…

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Avec ses 230 000 hectares, la réserve naturelle de Wolwedans couvrirait à elle seule plus d’un tiers de l’Alsace ! La nature namibienne nous offre ses derniers paysages de rêve, comme un ultime cadeau avant notre retour vers Windhoek, la capitale…

divine lumiÈRE

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du bout du mondeCES fRANçAIS (ET ALSACIENS…)

Vivre aussi loin de ses racines suppose de solides motivations. Portrait de ces Français (dont un alsacien…), croisés au hasard des routes namibiennes, qui ne regrettent pas une seule seconde leur choix…

NATHALIE « CE PAyS M’A HAPPÉE TOUT DE

SUITE… »

Pour bien comprendre, il faut être, comme nous, arrivé chez Nathalie après une nuit entière en avion (et le mauvais sommeil qui va avec…), quelques heures d’attente en transit à Johannesburg, deux heures de vol (encore…) pour Windhoek et deux heures de plus pour les formalités d’accès en Namibie, la location de voitures et les 40 km de route pour rejoindre la capitale. Dans ces conditions, on ne rêve que d’une bonne douche, de draps frais et dodo ! Seulement voilà : Nathalie vous reçoit avec ses beaux yeux verts, son large sourire et toute l’humanité dont elle dispose et c’est comme ça que vous vous retrouvez tard le soir, après une nuit blanche pourtant, à converser avec elle sur la terrasse du Londiningi Guest House qu’elle dirige, dans un beau quartier résidentiel de la petite capitale namibienne.

UN RêVE DE GAMINE

« J’ai découvert ce pays en 2004 » raconte Nathalie. « En fait, j’y suis venue pour me ressourcer chez des amis qui habitaient Windhoek. Je venais de subir le décès brutal de quelqu’un qui m’était très proche et j’avais prévu d’y rester trois semaines, avec un billet retour open. Mais voilà : ce pays m’a happée tout de suite, il était en plein boom économique et j’ai senti que je pouvais y réaliser mon rêve de gamine, vivre à l’étranger. Ma première idée a été d’ouvrir une crêperie mais on m’en a vite dissuadée, compte-tenu de la culture gastronomique locale. Alors, je me suis rabattue sur ce guest-house que j’ai entièrement créé après avoir vendu tout ce que j’avais à vendre en France. Je me suis lancée quoi, bien que je ne parlais pas un mot d’anglais, à peine quelques vagues acquis d’allemand scolaire. L’anglais, je m’y suis mis sous hypnose, une superbe méthode où on progresse vite. En mars 2005, j’ouvrais le guest-house. Après des débuts très durs, le bouche-à-oreille a commencé à fonctionner. Peu

à peu, le centre culturel puis l’ambassade m’ont envoyé des clients. Ils étaient ravis, ils se sont mis à en parler sur les forums d’internet, sans que je m’en rende forcément compte car, à l’époque, internet, ici, était très lent… Alexander, mon actuel compagnon, mais c’était en tout bien tout honneur à l’époque… » sourit Nathalie, « m’a beaucoup aidé pour m’adapter à la vie namibienne car je suis partie de rien, vraiment, il a tout fallu créer avec patience. Et c’est vrai que je suis devenue peu à peu une personne un peu centrale pour la société française qui vit en Namibie. Nous ne sommes pas très nombreux et tout le monde se connaît. Je me suis en quelque sorte fabriqué un réseau, avec beaucoup de connexions locales. Et je prends en effet beaucoup de plaisir avec cette façon de fonctionner, j’accumule depuis des années des foules de rencontres. Jamais je n’aurais pu faire connaissance d’autant de gens intéressants dans mon ancien métier, en France. Alors voilà : de fil en aiguille, les gens et les sociétés qui me connaissant bien utilisent mes services et le bouche-à-oreille fait le reste. Tout le monde sent que j’aime mes racines, j’aime la France, je ne la fuis pas. D’ailleurs, quand tu vis loin de ton pays, l’amour que tu lui portes est comme décuplé… »La vie en Namibie, Nathalie la savoure à pleins poumons : « Au début, je pensais que ça allait être difficile. Car être une femme ici, en plein « Macholand », ce n’est pas évident ! (rires) En Afrique, tu te heurtes à plein de choses car la population ne comprend pas toujours qui tu es au fond de toi-même. Les Africains sont encore très marqués par l’époque de la colonisation, ils souffrent de ce passé-là et je les comprends. Au fond de moi-même, j’ai eu beaucoup de crises de larmes car ils ne me voyaient pas comme j’étais vraiment. C’est compliqué à gérer, ce sentiment-là…Mais aujourd’hui, je sais que j’ai beaucoup de choses à apprendre d’eux et les personnes avec qui je travaille au guest-house apprennent également beaucoup de moi. Ces femmes viennent de tant d’horizons différents et je leur fournis beaucoup de

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formation professionnelle. J’insiste beaucoup sur l’éducation de leurs enfants et je leur explique que s’ils sont l’avenir du pays, ils sont aussi leur propre avenir. En Afrique, il n’y a pas de retraite, ce sont leurs enfants qui, en réussissant, les aideront ensuite à la fin de leur vie. Nous communiquons ensemble beaucoup là-dessus… »La joie de vivre personnifiée, Nathalie se démène en permanence pour ses clients et ses employés, bien secondée par Alexander. Ce namibien de souche « vient de l’autre côté de la ville » comme il dit. L’autre côté, ce sont les quartiers pauvres… Nathalie l’a rencontré car il était le frère de la conseillère qui, à l’ambassade, lui a jadis conseillé d’ouvrir son guest-house. Avant que Nathalie n’émigre à Windhoek, elle a invité son ami d’alors à Paris, où elle vivait. « C’est en bateau-mouche, en passant sous le Pont-Neuf, que je suis vraiment tombé amoureux d’elle » nous apprend-il…Tous deux se marieront en décembre prochain (« si le boulot nous en laisse le temps », souligne Nathalie en riant). « Notre relation n’a pas été simple à faire accepter » poursuit-elle, « on s’est longtemps caché. La mixité, c’est compliqué en Afrique et puis, je suis plus âgée que lui. Mais sa demande en mariage, il me l’a faite au pied des chutes Victoria. Comment résister à un tel romantisme ?.. » conclut Nathalie.

yannick SChwEIGhARDTle chef cuisinier alsacien

de windheokPour ce talentueux cuisinier âgé de 33 ans qui avait déjà pas mal bourlingué en France, Suisse ou Angleterre, la vie a soudain basculé il y a six ans… sur une plage de la Côte d’Azur ! Sur la terrasse du Weinberg, un des plus réputés restaurants de la capitale namibienne, son œil taquin s’allume et il nous raconte : « J’étais en vacances en effet, et c’est dans le Sud que j’ai rencontré Mélanie, qui allait devenir ma femme. Elle était namibienne. Je me suis invité ensuite chez elle quelques semaines et j’ai découvert un pays qui m’a beaucoup plu. Nous nous sommes mariés et elle a vécu avec moi en France jusqu’en 2010, date à laquelle nous avons décidé de nous installer définitivement à Windhoek… »Le couple envisageait d’abord de faire l’acquisition d’un restaurant mais il a reculé devant les prix. Yannick n’a eu aucun mal à se faire embaucher comme chef cuisinier par le propriétaire allemand du Weinberg, un établissement sur les hauteurs ombragées de la capitale namibienne, trop content de dénicher la perle rare qui n’allait pas manquer d’apporter la très recherchée « French Touch » sur la carte de son restaurant.

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Et de fait, deux ans plus tard, Yannick a hérité du très recherché titre de « meilleur cuisinier de Namibie », décerné par un magazine gastronomique. Une ascension fulgurante…

« MA VISION DE LA VIE A CHANGÉ »

« Bien sûr, je tiens compte des habitudes namibiennes au moment d’établir ma carte » précise Yannick. « Les locaux adorent les grandes pièces de viande. Alors, je sers de l’oryx, du zèbre, du springbock. Les légumes posent un gros problème en terme de diversité et d’approvisionnement. J’ai donc développé une filière bio grâce à un copain qui cultive les épinards, les potirons ou encore les concombres près de Gobasis, à 200 km à l’est d’ici. Il nous livre chaque semaine et ça se passe bien. Pour les touristes qui représentent la moitié de notre clientèle et les végétariens, il y a aussi le poisson, soit celui de la côte atlantique soit le saumon frais importé de Norvège. Je me débrouille donc pour satisfaire tout le monde…Je dois avouer que la France me manque, quelquefois : la famille, le fromage, le bon vin blanc d’Alsace… Mais, je gagne bien ma vie et je vis surtout une très belle expérience. Ma fille Lucy a six mois et elle aura la chance de grandir ici. Je lui parle en français, sa maman en allemand et sa nounou lui parle en afrikaan. A l’école, elle apprendra l’anglais. Tout cela représente une magnifique opportunité pour elle.Ce pays a plein de facettes intéressantes, malgré que la vie y soit de plus en plus chère et que la concurrence avec l’Afrique du Sud soit bien réelle. Mais il y a du dynamisme : j’ai par exemple monté une filière d’apprentissage à Polytech (l’Université de Windheok – ndlr), c’est un module qui fonctionne bien. Et j’envisage d’exploiter mon propre restaurant, au cœur de Windhoek, avant la fin de l’année. Je vis donc une belle vie, parfois stressante car j’ai beaucoup travaillé ces deux dernières années. Mais je ne me vois pas revenir en France. J’aime mon pays, j’aime l’Alsace mais pour les vacances seulement. Ici, j’ai beaucoup appris, en matière culinaire bien sûr, mais ma personnalité a bien évolué aussi. Les portes sont grandes ouvertes, maintenant. Ma vision de la vie a changé… » conclut Yannick avec beaucoup de détermination.

Nous avons été reçus royalement au Weinberg. Yannick nous avait préparé une dégustation à base de viande (zèbre, springbock, oryx et… crocodile). Pour être sincère, c’était parfait à l’exception du goût du crocodile, très inhabituel pour les palais européens, (quelque part entre le poulet et… le poisson !). A la carte, de la viande, du gibier, du poisson (et même une bouillabaise, « Marseille Style » est-il précisé…) et cinq plats végétariens. 90 % de la carte est « fait maison » à l’exception de la glace et… des frites. Et 70% des produits sont namibiens.

Ce parisien d’origine, âgé aujourd’hui de 52 ans, a réalisé toute sa carrière à partir de son BTS de tourisme qui lui valu un premier emploi de steward à bord du TGV Paris - Lyon dans les années 80 ! C’est dire le chemin parcouru puisqu’aujourd’hui, et depuis 16 ans, Nicolas dirige sa propre société, African Eagle, basée à Windhoek (près de 4 M€ de CA, un des tout premiers tour-operator du pays). Une équipe de près de quinze personnes qui, à longueur d’année, « fabrique » des séjours sur-mesure pour ses clients individuels ou des voyages « incentive » pour de grandes sociétés.Voilà pour les rapides présentations mais la vraie valeur ajoutée d’African Eagle réside avant tout dans la belle personnalité de ses fondateurs, Nicolas et Sophie Honoré qui, en couple et en famille, vivent la Namibie au quotidien et, parce qu’ils ont posé leur sac un peu partout dans le monde, savent bien qu’ils vivent dans ce tout jeune pays une expérience professionnelle et humaine incomparable…

Pour notre rédaction, il était hors de question de partir à l’aventure dans un pays aussi méconnu et aussi  lointain  sans  avoir  planifié rigoureusement notre voyage. Ce qui fut magnifiquement réalisé par Nicolas Honoré qui, à la tête de sa société African Eagle, est devenu depuis 18 ans lE spécialiste français reconnu et incontestable de la Namibie. avec sa belle chaleur humaine en prime…

Nicolas HonoréL’AMOUREUX-fOU

DE LA NAMIBIE

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LA PASSION AVANT TOUT

« Avec Sophie, mon épouse, nous avions beaucoup bougé un peu partout dans le monde, à l’image de ces trois mois passés dans les Caraïbes avec notre seul sac à dos, par exemple. C’est en 1996 que nous nous sommes décidés à nous expatrier en Namibie. C’était le moment : notre fille aînée avait neuf ans, elle n’était que francophone et il fallait qu’elle passe à l’anglais très vite. Et puis, pour être franc, il nous fallait vraiment changer de cadre de vie. Alors, pourquoi la Namibie ? Et bien, avant tout, parce que ce pays était alors tout jeune et qu’il bénéficiait d’un potentiel incroyable en terme de tourisme, je dirais… éthique et intelligent. Une occasion comme celle-là, on n’en a pas deux dans une vie. Alors, on a foncé… Je me souviens quand même que je suis arrivé ici avec ma cafetière et mon ordi, rien d’autre ! C’était donc un vrai challenge mais on était sûrs que les atouts de la Namibie allaient jouer leur rôle à fond. Ce pays en a tant : ses déserts, ses animaux, ses paysages si variés, et aussi ses populations, ses contrastes uniques et superbes, … Il y avait un tel potentiel à développer avec toute l’éthique nécessaire, loin du tourisme de masse qui, quelquefois, abîme tout…Alors, on a développé et développé encore, sans tomber dans les excès. Il y avait peu d’infrastructures à l’époque donc on a débuté en montant des camps de cent personnes en plein désert. Puis, les voyages « incentive » ont pris le relais, avec également les voyages « sur-mesure » pour une clientèle qui recherche la vraie découverte. Et, peu à peu, nous sommes devenus des spécialistes de cette destination… »

ARCHI-CONNU ...

Nul doute que la réussite d’African Eagle tient à une parfaite connaissance de tout un pays. En Namibie, prononcer le nom de Nicolas équivaut à voir naître sur le visage de votre interlocuteur un grand sourire amical. Car l’homme est archi-connu depuis toutes ces années où il multiplie les repérages, recherche les nouvelles opportunités et n’a de cesse d’y associer les populations locales en prouvant en permanence son attachement pour cette terre lointaine : « C’est vrai » confirme-t-il, « je me sens follement amoureux de la Namibie et de ses habitants. J’adore le contact avec eux, je le recherche, même… Avec ces gens, j’ai une approche très particulière, basée sur le développement durable et surtout, sur une notion toute simple : prendre le temps. Prendre le temps de bien les connaître, de partager une expérience de vie avec eux, une recette de cuisine, une ballade dans le bush avec les Bushmen, justement, qui ont tous en permanence « leur bureau » dans un petit sac : un bâton pour allumer le feu et c’est tout ! Je travaille beaucoup avec les « conservanties » en créant des camps qui sont directement gérés par les populations locales et d’ailleurs, tous les concepts que je monte le sont avec eux. Au siège de ma société, à Windhoek, j’embauche un maximum de jeunes locaux.Tu sais, l’hôtel de 400 chambres, l’usine à touristes, n’aura jamais sa place ici car le gouvernement namibien axe tout sur le respect de l’écologie. C’est une vraie réalité, pas seulement des mots comme c’est le cas ailleurs. Alors, nos camps sont de petites unités, avec un confort cinq étoiles certes mais où l’accueil est basé sur la gentillesse, la sympathie, le plaisir de se rencontrer et d’échanger. Ce n’est pas pour rien si certains de nos clients qui ont découvert nos concepts en sont à leur cinq ou sixième voyage en Namibie. Ca marche si fort que je m’implique toujours plus dans ce sens : ce n’est pas pour rien non plus si je fais 50 000 kilomètres par an sur les pistes namibiennes… » conclut-il.

Vous lirez à partir de la page 50 le road-book de notre périple de 3 200 kilomètres dans ce pays démesurément fantastique. Notre voyage a entièrement et personnellement été préparé par Nicolas lui-même, tout heureux de nous prouver son savoir-faire. Chaque tronçon était organisé selon nos vœux (essentiellement les rencontres et les échanges avec les Namibiens). Chaque soir, à peine arrivés à l’étape ou encore sur la route, notre portable sonnait. La première question de Nicolas était : « Alors, c’était bien, aujourd’hui ? ».

Et comme notre réponse a toujours été : « Oh oui ! Mieux que bien… Merci, merci ! », le bon Nicolas était tout simplement heureux de nous faire partager aussi intensément l’amour qu’il ressent pour son pays d’adoption, la somptueuse Namibie…Si vous décidez vous aussi de vivre cette expérience unique, contactez Nicolas de notre part. Il sera bien sûr ravi de partager sa formidable passion avec vous et vous vivrez vous aussi un voyage… Or Norme !

NICOLAS HONORÉ

aFRICaN [email protected] +264 61 259 681

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WINdhoekLondiningi guest House

11 Winterberg Street - Tél : 00 264 31 242 [email protected] - www.londiningi.com

The place to stay in Windhoek ! Nathalie et Alexander (lire page 46) accueillent leurs hôtes dans neuf chambres idéalement réparties autour d’une superbe terrasse couverte et d’une piscine régénérante. Le staff est aux petits soins pour les invités. Et on peut tout leur demander : par exemple, une visite de Katutura, le « township » de la capitale namibienne grâce à l’apport d’une guide locale habitant le quartier qui surprend par la qualité de ses propos…

road book

pays hImbaopuwo Country HôteL

Localité : Opuwo - [email protected] www.opuwolodge.com

Situé sur les hauteurs d’Opuwo, loin de la poussière et de l’agitation du centre-ville de la capitale des Himbas, l’Opuwo Country Hôtel est une halte bienvenue au cœur d’une région qui compte très peu d’établissements dotés d’un tel confort. Un vaste restaurant donne sur l’arrière de l’hôtel et surplombe une splendide piscine. Le panorama qu’on y découvre est fantastique et donne une bonne idée de cette région méconnue du Kaokoland.

parC NaTIoNaL d’eToshaMokuti etosHa Lodge

Localité : Tsumeb - Tél : 00 264 61 207 5360www.mokutietoshalodge.com

A un jet de pierre de l’entrée Est du parc national d’Etosha, le Mokuti Etosha Lodge représente l’étape idéale. Ses 106 chambres sont harmonieusement réparties dans un agréable parc ombragé avec deux piscines agrémentées d’un bar extérieur. Deux restaurants, un centre de fitness, des terrains de tennis… tout pour la détente du voyageur fatigué. Et le Natur Drive de l’hôtel est le moyen le plus sûr de ne rater aucun animal du tout proche parc d’Etosha…

reGIoN oWamboonguLa ViLLage HoMestead Lodge

Localité : Ongula ya Netanga - A l’est de OndangwaTél : 00 264 65 264 555

[email protected] - www.ongula.comSans doute le plus reculé des lodges où nous avons résidé mais de loin le plus authentique et le plus chaleureux. Entièrement géré par la petite communauté du village traditionnel, l’établissement est un excellent et confortable point de départ pour découvrir la vie des Owambos. Quatre huttes traditionnelles (d’un superbe confort) accueillent un maximum de huit visiteurs. Le service est remarquable, sous la houlette vigilante de Rachel N. Kuria, la sympathique directrice, qui parle un très bon français. Et si vous parlez du Arsenal d’Arsène Wenger à Erick, son second, vous serez immédiatement adopté…

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Le MirageLocalité : Sossusvlei

[email protected] - www.mirage-lodge.com

L’étape idéale pour découvrir les plus hautes dunes du monde et les cuvettes salées du Namib. Le Mirage est un hôtel à l’architecture de fortin militaire qui surgit de façon presque austère près de l’unique piste rocailleuse. Mais à l’intérieur, quel luxe : un patio intérieur contient une piscine providentielle, tant la chaleur du Namib est plombante. Et, sur l’arrière des chambres, un panorama grandiose vous attend, agrémenté par un point d’eau artificiel où les animaux viennent se désaltérer jour et nuit sous vos yeux. Une étape relaxante au possible !

RESERVE NATURELLE PRIVÉEDU NAMIB RAND

WoLWedans CoLLeCtion Lodge70 km au sud de Sesriem

[email protected] - www.wolwedans.comDernière étape avant notre retour sur Windhoek, le Wolwedans Collection Lodge est un véritable déclencheur de superlatifs. Des chambres-tentes luxueuses à l’ouverture panoramique sur un paysage d’une beauté incroyable, un restaurant et un bar qui, le soir, sous les étoiles, vous font rejouer « Out of Africa ». La nuit, le cri des hyènes vous accompagne jusqu’à votre chambre et, tôt le matin, le lever de soleil est incroyable, lui aussi. Le Nature Drive est somptueux et l’ocre des terres se noie dans les hautes herbes de la savane. Une étape à ne pas manquer si vous vous rendez en Namibie. Inoubliable !

LA SKELETON COASTLagoon Loge guesthouse88 Kowango Nujoma DriveWalvis Bay - Tél : 00 264 64 200 [email protected] - www.lagoonloge.com.naWalvis Bay est une étape judicieuse sur la côte Atlantique, loin des aspects trop « carte postale » de la proche Swakopmund. Au bord d’un exceptionnel lagon, à l’écart du centre-ville du premier port namibien, le Lagoon Loge est un guesthouse crée et tenu par

un couple de Lyonnais, Hélène et Wilfried Meiller. Ils ont atterri là en 1999, attirés par « ce pays tout neuf où il y avait tant à faire et par ce sentiment de liberté ressenti après trois séjours de vacances en Namibie ». « Penser à nous, profiter de la vie et pour le reste, c’est comme ça viendra » : voilà la devise de ce couple qui a trouvé son bonheur à Walvis Bay, qui comprend par ailleurs une communauté française assez importante qui se réunit le soir dans les bons restaurants à poisson près du port.

DAMARALANDMoWani Mountain CaMp

Désert du Damaraland (60 km à l’ouest de Khorixas)Tél : 00 264 61 232 009

[email protected] - www.mowani.comA deux pas des gravures rupestres de Twytelfontein, ce lodge luxueux est l’exemple-même de la parfaite intégration dans un paysage d’exception, bâti sur un piton rocheux qui surplombe un des plus beaux panoramas du désert du Damaraland. Trois ou quatre escaliers de pierre à grimper derrière le restaurant et vous êtes invités à déguster un des plus somptueux couchers de soleil qui soit, un verre à la main. Un moment magique qui, à lui seul, vaut le séjour dans cet établissement unique dont l’architecte a déployé des trésors d’imagination pour bâtir les chambres, totalement dissimulées dans la rocaille et la maigre végétation, le tout sous un ciel immaculé…

DESERT DU NAMIBnaMib desert LodgeAu nord de de Sesriem et à 30 km au sud de SolitaireTél : 00 264 61 230 [email protected] gondwana-collection.comLittéralement adossé aux plateau de dunes pétrifiées qui marque l’entrée de l’impressionnant désert du Namib, le très confortable Namib Desert Lodge, avec ses 55 chambres, est un véritable oasis de calme et de verdure. A ne pas manquer : le Nature Drive qui vous amène jusqu’à un paysage sublime (avec apéro au coucher du soleil). Au retour, de nuit, la guide s’arrête souvent et éclaire avec sa puissante torche les animaux qui se cachent dans les hautes herbes. L’Afrique en vrai !

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dernière étreinte

à la havane

La Havane. Ville légendaire aux accents officiellement 

« Fidel » mais à la réalité plus officieuse. Avec deux mots qui 

résonnent d'Habana Vieja à ses quartiers périphériques :

espoir et débrouille. Un peu à l'image de ce qu'en décrivait le

poète Patrice Delbourg : « la Havane va dans le décor. avec ce doux fatalisme de la femme qui sait que sa beauté est dans

le rétroviseur, mais qui veut encore s'offrir une dernière

étreinte ». Comme un dernier verre pour, qui sait, peut-être

mieux reprendre la route, tant sa beauté envoûte...

Schizophrène. Kafkaïenne. Généreuse. Humaine. Mélancolique, aussi. Cinq mots qui me viennent à l'esprit quand je pense à Habana. La Havane, ses vieilles maisons coloniales. Ces kilomètres de villas dont on ne sait trop si elles sont riches ou pauvres derrières leurs façades. Ces vieux qui dansent dans les rues au son d'un groupe local. Ces gosses qui jouent au foot dans les rues d'Havana Vieja...Ce mec, adorateur du Che, qui, entre le Capitole et une porte de Chine, t'arrête dans la rue, lève les yeux au ciel, pointe les nuages du doigt et appelle au respect. Ces sourires, aussi, comme on n'en fait plus guère plus au Nord. Ces vieilles Buick, sorties d'un film de Bogart. Ces affiches de films, de théâtre qui n'existent déjà plus nulle part. Ces gens qui, sans même te connaître, t'accueillent chez eux le temps d'une fête dédiée à Okon, Chango, Yemaya et quelques autres dieux afro-cubains. Le charme de la Rampa Malecon, de ces vagues qui en giflent les pierres lorsque vient la tempète. Qui apaisent les violences quand revient le soleil. Du National, l'hôtel d'Hemingway, presque figé dans le temps et devant lequel se pressent tant de gens. Ces gars, aussi, qui contre un dollar t'ouvrent un stade, celui de l'équipe de baseball local. Ces autres gossent qui affichent fièrement le nom d'un Dieu qui n'a rien du Che ou de Fidel. Un dieu au allures de « Messi ». Lui l'artiste, l'Argentin, qui fait ici aimer, peut-être plus que tout autre équipe, celle du Barça. Habana : schizophrène, kafkaïenne, généreuse, humaine et tellement belle et sensuelle. Telle une femme prisonnière d'elle même à laquelle on ne saurait donner d'âge tant son naturel nous charme.

Rédaction et photos

Charles NOUAR

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HABANA SE SUffIT À ELLE-MêME

« P », un entrepreneur français rencontré à la Casa particular où je loge, ne cache d'ailleurs pas une certaine émotion en parlant de sa ville d'adoption. « Ces mecs, ils n'ont rien mais le cœur, la générosité, ça n'a pas de prix ! Et ça, tu comprends, eux ils l'ont ». Oui, « P » se sent bien ici, même s'il avoue ne pas imaginer y monter un business, parce qu'au-delà des doux artefacts, c'est une autre Dame que l'on aperçoit. Une femme presqu' « Au Delà des Nuages », filmerait Antonioni. « Trop risqué », dit « P ». « Ici tu n'as aucune garantie sur ton investissement. Tu peux miser autant que tu veux, rien ne t'appartient. Légalement, tout est au nom de ton associé cubain. Demain, si ça se passe mal, tu n'as plus rien. Pareil quand tu veux acheter une maison. En tant qu'étranger, rien n'est à ton nom ». Telle une sirène, Habana se suffit à elle-même. S'efface, envoûte pour mieux te prendre. Tel un marin, sans trop savoir pourquoi. Sans vraiment en connaître les règles et les raisons. Habana, s'offre en technicolor mais, sans trop le laisser voir, se dissumule en noir et blanc. Comme pour mieux séduire. Pour mieux survivre. Mais de cela, « P » s'en fout. Là n'est pas l'important. Lui veut ce qu'il y a de mieux pour « B », sa compagne cubaine depuis deux ans. Alors, la maison, il la prendra, et sans doute aussi un petit appartement pour « E », un ami proche. « C'est normal, ces gens font partie de ma vie. Ils donneraient tout pour moi, et moi pareil en retour ».

« AVEC 20 CUC, TU NE VIS PAS »

Restent les affaires, plus que jamais incertaines dans cette ville aux accents légendaires... « E » dit que certains ont essayé, comme ce restaurateur espagnol dont le petit resto continue à tourner. Mais c’est vrai, « P » « a raison ; le mec joue un peu à la roullette russe ». Sa motivation ? « Ici, tout se paie en cash », répond « E ». « Alors, même si, après quelques années d’exercice, on te met dehors, tu ne seras pas forcément venu pour rien... ». Faut-il encore pouvoir sortir l’argent, même black, même sale. « Ici, si tu as des dollars, tout est possible », nuance « P ». « Les enveloppes sont courantes, parce que nécessaires pour vivre décemment, et elles n’épargnent pas non plus les employés de banques ». Pour me montrer leur réalité cubaine, « P » et « E » m’emmènent dans un supermarché, non loin du quartier des ambassades. « Tu veux comprendre les salaires, tu veux voir aussi l’embargo », demande « P » ? « Tiens, il est devant toi, juste là ». Dans les rayons, rien ne manque. Sorti du contexte, rien ne différencierait ces étals de celles d’une grande surface européenne. Toutes les marques ou presque y sont présentes : espagnoles, américaines, chinoises, coréennes. Pas une ne manque. « Même le carrelage vient d’Italie », lâche « P ». « Alors l’embargo, il a bon dos. Rien d’autre qu’une excuse politique pour masquer les défaillances de l’État ». Restent les prix et la question du pouvoir d’achat des Havanais, au pays où la moyenne salariale « officielle » dépasse raremement les 22 CUC, soit environ 18 euros par mois. « Un policier, un militaire, s’en sort un peu mieux, avec un salaire de 60 CUC, mais là non plus ça ne suffit pas », concède « E ». Car les prix frôlent l’indécence : 5 CUC pour un pot de cornichons. 3,50 CUC pour la mayonnaise ou la moutarde. Au rayon électroménager, les prix s’envolent encore un peu plus: 700 CUC pour un petit téléviseur à écran semi-plat d’entrée de gamme. 600 pour une cuisinière à gaz. 900 pour une micro-chaîne Hifi sans grand prestige ou un frigo sans grands artifices. 2000 pour la version deux portes, américaine. Pourtant, de nombreuses maisons en sont équipées...

TOUT LE MONDE TOUCHE, ICI...

Ces dernières années, aussi, aux vieilles américaines et aux Lada ont progressivement fait place un nombre croissant d’Audi, de Mercedes et de Lexus flambant neuves qu’il n’est plus rare de croiser dans les rues de la ville. Sans parler des marques coréennes, moins chères, mais dans l’absolu tout aussi inabordables. « Regarde, cette allemande », m’interpelle « P ». Je regarde et mon questionnement n’en est que plus grand. « Le truc, explique-t-il, c’est que d’une façon ou d’une autre, tout le monde touche ici. Pour faire entrer cette voiture à Cuba, cinq personnes au moins ont dû prendre une enveloppe, du petit fonctionnaire des douanes à un mec haut placé dans la hiérarchie ». « E » acquiesce et précise : « C’est comme ça que tu peux vivre. 20 CUC, c’est ce que gagne mon père en tant que dentiste. Pour les médecins, les avocats, c’est à peu près pareil, de ce que j’en sais. Tu comprends l’enveloppe, maintenant ? Sans ça, sans l’argent au black, les mecs ne vivent pas. Sérieusement, qu’est-ce que tu veux faire avec 20 CUC par mois ? », dans ce pays où la Dame se refuse à vivre sans apparat.

« SI L’ÉCONOMIE fONCTIONNE, LE

RESTE SUIT »

« D », un barman polyglotte, se fait à peu de choses près la même somme, 22 CUC auxquels il faut ajouter environ 25 pesos « convertibles », soit un euro de plus. Des « convertibles » théoriquement réservés aux Cubains mais que personne ou presque n’utilise ici tant leur valeur est dépréciée. « Vivre avec ça est impossible », confirme-t-il. Alors « D » accumule les tips et les petits boulots au black. Pour un salaire « officiel » de 23 CUC, il atteint officieusement les 100 CUC. « Avec ça, là tu peux commencer à vivre... ». Pour l’appart, par contre, il faudra attendre. A 60 CUC en moyenne, auxquel il faut ajouter l’électricité, le téléphone et deux trois autres bricoles, le salaire « officieux » de « D » y passerait en entier. « Alors, jusqu’à ce que les choses s’améliorent, on vit ensemble, en famille, tous dans la même maison. Impossible de faire autrement ». Au dessus du bar, un autre paradoxe, une autre black money, quasi institutionnalisée. Officiellement

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interdites, les chaînes US passent en boucle. Ce soir, un match en direct de NBA sur ESPN. « D » croise mon regard et sourit : « mafia ». Un autre de ces dessous de tables, de cette économie parallèle qui, avec l’argent de Miami et celui des touristes semble tenir la Havane à bout de bras. « B », la compagne de « P » me dira plus tard que oui, même chez les particuliers, ça fonctionne comme ça. Un abonnement au noir à une boîte qui, « officiellement », n’existe pas et les mecs te câblent. La pratique est connue de l’État mais rien ne se passe. Propagnade d’État vs Realpolitik ou signe de changement depuis que Raùl a remplacé Fidel ? « P », l’expatrié, n’en sait trop rien. « L’économie s’est un peu libérée, c’est vrai. Les gens peuvent désormais se mettre à leur compte, vendre, échanger une maison, une voiture. Bref, presque donner le change au touriste... Mais, sur le reste, le régime est plus dur. La répression s’est accentuée ». « P », peut-être de peur de trop parler en public n’en dira pas plus. La foi dans le changement, l’espoir, pourtant « D », lui, n’en manque pas. Et veut y croire. « Mais il faudra que les choses changent, vraiment ». A commencer par l’économie, la véritable libre entreprise. Pour lui, l’équation est simple. « Si l’économie fonctionne, le reste suit ».

RêVES DE MICkEy AU PAyS DU CHE

Pour l’heure, entre belles voitures américaines garées devant le Capitole et vieilles maisons décrépies, la vieille Havane, semble vivre en apesanteur. Tel un charme, un trompe l’oeil ou une beauté trouble du peintre cubain Edouardo Guerra. Ne sachant trop si elle est est proche du crash ou du véritable décollage. Un peu comme ces pêcheurs, qui à defaut d’être autorisés à prendre cette mer trop proche des côtes US, pêchent à la ligne le long de la Rampa Malecon ou de la Marina Hemingway. Comme pour se dire qu’après la Révolution, une autre légende pourrait un jour s’écrire. Pas celle des enveloppes ou des filles qui, malgré l’interdiction, se vendent à chaque coin de rue pour gagner 600 CUC par mois, mais une belle histoire... 600 CUC, 30 fois plus que le salaire d’un dentiste. « Quand tu sais que tu es jolie, que ton corps plait, qu’on ne t’offre pas de débouchés, tu n’hésites pas longtemps, me dit, « R », l’une d’entre elles, rencontrée par l’intermédiaire d’une amie, à la Casa de la Musica de Miramar. L’une de ces « piranhas », comme on les appelle ici, qui jamais ne lâchent leur proie. Le rêve de « R », m’explique-t-elle dans un anglais parfait, rejoindre de la famille en Espagne. « Mais ça coûte cher : 700 dollars pour le passeport et le visa, sans compter le billet ». « R » n’est pas dupe, sait que la crise frappe durement aussi là-bas : « Mais ce sera toujours mieux qu’ici », où si elle se fait prendre, elle sait que c’est là prison qui la guette. En attendant, « R » fait donc attention. « Ici, tu ne marches jamais dehors avec le client. Tu prends un taxi pour l’aller, jamais le même au retour. Et toujours dans une Casa, les hôtels sont surveillés ». « Le plus triste, c’est qu’au-delà de la beauté, les touristes ne voient rien de tout ça. En fait, ils s’en foutent. C’est comme s’ils ne voyaient pas les gens. Tout ce qui les intéresse, c’est de fumer un cigare dans un bar, boire du rhum et aller à la plage de Santa Maria Del Mar. Se faire une fille, parce que pour eux c’est facile. Mais combien ont essayé de vivre, de discuter avec eux ? Tu vois, ça, ça me fait mal ».

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Pour « P », le Cuba qu’ils voient, qu’ils croient connaître, c’est celui des “tour operator”, de ces roadbooks, de ces voyages longtemps interdits ici. Des livres, d’ailleurs que personne à La Havane ou presque ne semble pouvoir s’offrir. La Feria del Libros, la Foire internationale du Livre, a beau attirer les foules, très peu d’ouvrages, de classiques y circulent. Ici, les gens se ruent sur d’autres livres. Des Disneys pour enfants, des petites bandes dessinées, des cahiers de coloriage que les familles s’arrachent. « Rien que ce mois-ci, me confie « G », maître nageur dans un grand hôtel du quartier de la vieille Havane, j’ai dépensé 25 CUC dans ces livres pour mes gamins ». Une petite fortune qu’il ne peut investir pour lui, au prix de 30 CUC le classique. Alors, en attendant que les choses ne changent, « Kids first » et rêves de Mickey au pays du Che... Comme pour mieux étreindre et se laisser étreindre. Le temps, peut-être aussi, d’une dernière danse, chaude, sauvage et sensuelle, entre nostalgie d’antant et rêves d’opulence. Dans un de ces clubs pour Cubains où « P » et « B » m’ont un soir emmené. Un lieu gai et sans histoires sinon celle de gens vivants, qui, le temps de quelques déhanchements, se construisent leur propre grâce, à l’abri des regards. Comme si le temps s’était pour quelques heures arrêté et que par la magie de quelques pas de salsa, ne comptait plus que la seule beauté d’une Dame fière, libre, et dissimulée de tout apparat.

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"Rome m'illumined'immense"Rédaction

Véronique LEBLANC

Photos

V.LEBLANC - DR

Fabienne Pallamidessi est italienne et a vécu à Strasbourg. Elle est

strasbourgeoise et vit à Rome. Deux villes au coeur et les

mots justes pour en parler. Rome a, dit-elle, "des bras charnels" qui enveloppent,

un peu comme ceux des mammas felliniennes…

J'ai fait la connaissance des Pallamidessi l'été d'il y a deux ans, en Sardaigne, sur l'île de la Maddalena, leur berceau et port d'attache. Une famille qui vous ouvre les bras tout de suite, un peu baroque et électrique, volubile dans son mélange d'Italie et d'Alsace. Paolo le père tout en verve souriante, se racontait entre les repas sur la terrasse de la maison toute proche de la Méditerranée où mouillait le yacht de Steven Spielberg, les promenades dans l'île et les petits déjeuners cappuccino-coeurs de palmier sur la place de la ville où il retrouvait ses amis de toujours. Alors quand Strasbourg a été reliée à Rome par un vol direct d’Air France l'été dernier, rendez-vous fut pris avec Fabienne, la fille aînée pour retrouver le fil de cette saga familiale haute en couleurs et en chaleur.

Une fille de l’amour, Fabienne, toute blonde et belle, née du coup de foudre de Paolo Pallamidessi et Rose-Marie Flecksteiner à Bonifacio en 1955. « J’ai illico planté ma fiancée choisie par la famille pour cette splendeur venue de Strasbourg», raconte Paolo, et je l’ai emmenée sur ma Lambretta découvrir la Corse. C’était Rose-Marie et pas une autre, j’en étais certain. » La belle est repartie vers son Alsace natale à la fin de la saison. Il l’a rejointe quelque temps en novembre. Fabienne est née en avril et le père a connu sa fille en septembre. La vie s’est alors organisée dans l’appartement de la mère de Rose-Marie, avenue des Vosges, avec une tante à chaque étage, et tout à inventer pour cet Italien immigré dans la France des années cinquante. Pascal et Clarisse sont nés très vite, il fallait trouver du travail et il l’a fait, en grand seigneur venu d’ailleurs, créant sa place dans une ville où naissait la Communauté européenne. Mais c’est une autre histoire qui viendra à son heure…

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« C'EST BEAU COMME UN CIEL

DE MICHEL-ANGE »

A Rome, Fabienne habite le quartier de San Giovanni, celui de l'enfance de Marcello Mastroianni. Et ça lui va bien à elle dont la vie est un film où le cinéma a la part belle. Elle raconte... Son départ de Strasbourg en 1977, ses cinq années à Pérouse où elle a dirigé le bureau du festival "Umbria Jazz", son passage par Florence où elle a connu Tonino, qu'elle partit rejoindre à Rome. Réalisateur de cinéma, il lui a ouvert un monde aux couleurs de la Cineccità avec lequel elle garde des attaches aujourd'hui encore en traduisant des scénarios. De la cité éternelle, elle dit qu'elle la sent "comme une ville qui t'entoure et t'enveloppe comme tu le serais dans les bras d'une mamma. Mais pas une patricienne, une femme du peuple qui ressemblerait à un personnage de Fellini. Des bras charnels…""Je trouve qu'il est plus facile ici de toucher ce que j'appelle la joie de vivre, poursuit-elle. Cela tient peut-être au climat, au fait qu'avec trois euros aller-retour on est à la mer, que la Villa Borghese n'est pas loin, qu'en une station de métro je traverse le Tibre pour regarder le coucher de soleil depuis l'île Tibérine. C'est beau comme un ciel de Michel-Ange. Je t'assure que c'est vrai, cette ville est splendeur." Et Fabienne d'ajouter : "Un grand poète a écrit "Je m'illumine d'immense, c'est

peut-être ce qui m'est arrivé..." Pour cette femme qui dit avoir été "plus attentive à l'idée de sa vie qu'aux choses de sa vie", Rome est peut-être la ville de sa mise en scène intérieure, le lieu en adéquation avec son sens de la vie vibrante.

«LA PLANÈTE DES MÈRES ITALIENNES»

Mais pourquoi avoir quitté Strasbourg ? «L’envie m’est peut-être venue en écoutant mon père nous parler de l’Italie, des poètes de la Renaissance... Il a créé en moi l’idée d’un pays imaginaire et l’envie d’aller voir si tout était vraiment comme il me l’avait raconté», dit-elle. Aujourd’hui, elle s’émeut d’une authenticité éprouvée au fil de ses années romaines, de «l’acceptation de la vie immense et misérable à la fois» incarnée par la ville. Elle s’amuse de son éternel décalage, Italienne ou presque à Strasbourg, Française ou presque à Rome, perdue au milieu de «la planète des mères italiennes». «J’ai eu droit à un «tu t’occupes assez de tes enfants pour une Française», raconte-t-elle. Être mère ici c’est une attitude de dévotion totale plus exprimée que réelle et dans l’imaginaire italien, la femme fatale est française, c’est comme ça.»

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« JE CONNAIS LES RUES DE ROME, À

STRASBOURG CE SONT LES RUES QUI ME

CONNAISSENT »

La belle Romaine n’a pas coupé les ponts avec Strasbourg, loin de là. Sa famille l’y rattache bien sûr mais la ville en elle-même garde ses sortilèges dans le coeur de celle qui y a grandi. « Je connais les rues et les pierres de Rome, dit-elle mais à Strasbourg ce sont les rues qui me connaissent, celles qui me conduisaient de l’avenue des Vosges à la Doctrine Chrétienne pendant mes années lycée. Je m’étais attribuée un des arbres de la Place de la République et quand je le revois aujourd’hui je ressens ce que je ressentais à cette époque. » Plein de souvenirs au Snack Michel également qui fut le rond-point de la jeunesse strasbourgeoise dans ces années-là... Fabienne est toujours retournée à Strasbourg pour Noël et plus souvent encore, son fils Alexandre y est né, sa fille Eugénie sait qu’elle aussi est un peu d’Alsace. L’un écrit des scénarios, l’autre tourne dans des courts-métrages quand l’occasion se présente. Elle rêve de la scène, voudrait chanter... « Ce qui me sauve et m’a sauvée à travers tout c’est ma capacité d’émerveillement et de curiosité », dit leur mère en regardant grandir ses enfants. Ils ont comme elle le goût du fil tendu entre deux villes, entre mille vies et leur viendra sans doute l’obstination de ne pas se perdre au milieu de tout cela. De rester fidèles à eux-mêmes, à « l’idée » de leur vie qu’ils préféreront écrire en ne fermant pas les portes. « Tu es Française mais tu n’es pas étrangère », a dit à Fabienne l’une de ses amies italiennes. Rester soi-même, porter à ses semelles la poussière des lieux où l’on a vécu pour la transporter et la mêler à celle d’ailleurs en refusant de s’embourber, se dire que ce sera toujours demain le plus beau jour de sa vie, refuser la crispation et choisir la création. C’est sans doute le secret de Fabienne. C’est peut-être le sésame de toute vie aux multiples horizons.

LE ROMAN DE PAOLO

Des heures à l’écouter dans l’appartement-refuge de l’Avenue des Vosges. L’envie de tout raconter de cette jeunesse au soleil entre un père milanais établi en Sardaigne et une mère corse. Officier-télégraphiste de formation après la guerre, Paolo Pallamidessi partit un beau jour travailler dans l’hôtel de la famille de sa mère à Bonifacio. Il y rencontra Rose-Marie. C’est par amour qu’il vint la rejoindre à Strasbourg en 1956, à une époque où «un Français et un Italien étaient aussi différents qu’un Suédois et un Papou». Galère... jusqu’à l’embauche comme

garçon de café à l’Aubette suivie par une autre dans un cabaret de la rue de l’Ecrevisse baptisé «Le Saint-Trop’» qu’il quitta au bon moment. « Une semaine après tout ce beau monde était en prison, raconte-t-il, j’avais senti que des choses louches se tramaient. » Vinrent ensuite les années « Valentin Sorg » où une tante de Rose-Marie était maître d’hôtel. Emblématique restaurant installé Place Kléber dans la tour de quatorze étages construite pour dédommager les habitants d’un pâté de maisons détruit par un bombardement en 1940. « Une célébrité mondiale que cet établissement aux allures de Maxim’s, se souvient Paolo, des pubs jusque dans le port de New York... » Y ont défilé le roi d’Italie, Robert Schuman, Jean Monnet, Altiero Spinelli, Adenauer, Brentano, Moshe Dayan, Golda Meir, Pierre Mendes France, Hannah Arendt, René Cassin... ou bien encore Monseigneur Makarios dont la venue suscita une mémorable bagarre entre les délégations turque et grecque du Conseil de l’Europe lorsqu’elles montèrent l’escalier du restaurant. La liste est infinie de tous les grands noms qu’il a croisés et il a une anecdote pour chacun.

SARTRE, BOURVIL, MAGALI NOËL

ET TANT D’AUTRES...

De Sartre qui s’assit à une table du Valentin Sorg après avoir pris la fuite lorsqu’il refusa son prix Nobel en 1964, l’ancien maître d’hôtel raconte : « je l’ai reconnu et je lui ai fait un geste qui signifiait « vous avez pris la poudre d’escampette », il m’a regardé presque timidement, comme un enfant en faute, et il m’a demandé de ne rien dire, ce que je lui ai promis. » Paolo évoque aussi Stravinsky venu en 1963 célébrer le trentenaire de la création de «La Danse du feu» au festival de Strasbourg, Peter Townsend invité en 1969 pour la première projection officielle de «La Bataille d’Angleterre» dont il avait été le consultant officiel, Brigitte Bardot cachée derrière de grandes lunettes de soleil, Magali Noël, «la plus belle», le «délicieux» Bourvil, Edith Piaf « réduite à une expression », Alain Poher, chef de la délégation française au Conseil de l’Europe devenu un ami... Il fait revivre le Strasbourg des années 60 avec une verve délicieuse et puis s’attriste : « Ensuite, Bruxelles nous a ravi la place »... Les belles années du Valentin Sorg étaient révolues et il ne voulait pas « être un maître d’hôtel comme les autres » alors il est parti vers d’autres aventures professionnelles... Aujourd’hui, il écrit. Sa vie, des nouvelles publiées en italien, la Sardaigne dont « l’amour lui est venu en vieillissant ». Il a la nostalgie de cette Europe avec un grand «E» qui est née à Strasbourg, de la foi qui animait les pères fondateurs, des grandes voix de l’époque. Il aimerait que les journaux « expriment la fraternité au quotidien ».

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PALLAMIDESSI ROMA

Pour Paolo, la plus belle des Rome est celle qui fleurit du côté de la Piazza Navona, « celle du Cinquecento »... Pascal le musicien aime la ville dans son refus de la sophistication. « Rome ne sera jamais Paris, dit-il, elle ne le voudra jamais. Si elle est et restera gourmande, elle préfèrera toujours les plats bien faits aux mets tarabiscotés. » Fabienne est plus nuancée et pense que la capitale italienne, plus complexe qu’il n’y paraît, cache sa sophistication. Elle évoque, mi-figue, mi-raisin, des « dames » parées de fourrure malgré la clémence du climat, « parce qu’il faut bien montrer que l’on a des fourrures »... Tous deux se rejoignent pour conclure que « bien que sensible aux apparences, Rome n’est pas snob » et se réjouissent de ce qu’elle soit « non pas bruyante mais animée ». « À Strasbourg, j’ai l’impression que je peux compter les gens dans la rue », confie Fabienne...

UN BAISER DE CINÉMA...

Elle, elle a un coup de coeur pour la Fontaine aux tortues de la petite Piazza Mattei, non loin du Capitole où elle se souvient avoir échangé « un doux baiser de cinéma », Santa-Maria di Trastevere où se retrouve « une faune » à nulle autre pareille mêlée aux étudiants, le Campo dei Fiori qui « la touche affectivement » ou bien encore la Villa Farnese, ambassade française dont les Romains disent que c’est « l’un de leurs plus beaux bâtiments » et qu’on « le leur a volé ». Quant aux deux discrètes de la tribu, Rose-Marie et Clarisse, elles restent en retrait, souriantes, en écoutant les bavards se disputer joliment la parole. De la première, les autres racontent qu’elle est « l’agent secret de la famille » alors qu’ils qualifient la seconde de « force tranquille ». Des deux, ils précisent que ce sont « les vraies originales puisqu’elles n’ont pas besoin de le montrer ». Rose-Marie a beaucoup peint en refusant toujours de signer ses oeuvres. Et Clarisse, et bien Clarisse elle fait du judo, saute en parachute, pilote des hélicos, croque la vie à sa manière bien à elle. Tout en « débordant d’amour... pour Strasbourg »!

LE SECRET DE LA CRêPE AU kIRSCH DU

VALENTIN SORG DÉVOILÉ

La crêpe au kirsch, dessert mythique du Valentin Sorg était inimitable et pour cause, sa recette fut toujours tenue secrète et ne fut divulguée qu’au seul Winston Churchill. « Servie en paquet, sur une assiette très chaude raconte Paolo, elle laissait échapper une liqueur très pâteuse au goût de kirsch dès que l’on y plantait sa cuillère. Il y avait de la magie dans tout cela. » Et voilà que, miracle, il accepte de lever le mystère... « Pour préparer l’appareil, il fallait du sucre, du beurre et du kirsch, moitié kirsch naturel, moitié kirsch fantaisie, ce dernier permettant de garder l’arôme malgré la chaleur. Mélangée très vigoureusement, cette préparation était placée au frigo afin qu’elle se solidifie. Venait ensuite la préparation des crêpes. A l’intérieur de chacune d’entre elles on plaçait une portion de l’appareil avant de la refermer et de la mettre au frigo. A chaque commande, une crêpe fourrée était placée dans une assiette, légèrement beurrée et saupoudrée de sucre glace avant d’être mise au four jusqu’à ce que le mélange se liquéfie et que la crêpe « ballote ». Un délice ! »

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La GiudeccaDE KAThARINA

On ne le sait guère mais avant de prendre les rênes du Hilton de Strasbourg, Katharina Schlaipfer est passée par Venise et y a mené un chantier hors du commun. C'était sur la Giudecca, une île à découvrir entre splendeur de toujours et audace d'aujourd'hui. Dans la lumière de là bas et l'éclat du sourire de celle qui en parle ici.

Rédaction

Véronique LEBLANC

Photos

V. LEBLANC - DR

Le goût de Venise, on l'a tous ou presque. Flâner dans cet intérieur à ciel ouvert comme le décrivait Henry James, ce grand appartement avec ses couloirs et ses salons où l'on se perd à l'infini, souvent seul ou presque si l'on se tient à distance de la touristiquissime Piazza San Marco. Mais l'envie de découvrir la Giudecca peut vous venir à Strasbourg, au détour d'une conversation avec Katharina Schlaipfer, vive et souriante directrice du Hilton Strasbourg.

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La dame est allemande pourtant mais elle est passée par Venise avant de se poser en Alsace et elle a supervisé dans la Sérénissime la rénovation du Molino Stucky pour le transformer en un hôtel cinq étoiles ouvert en 2007. Le rénover fut un immense chantier mais les années vénitiennes de Katharina restent pour elle un lumineux souvenir dont la Giudecca fut le cadre. Ile tout en longueur, celle-ci est en fait la réunion de huit petits îlots réunis par des canaux. On l’appelle aussi Spina Longa, « la longue épine », tant elle est effilée et du haut du belvédère du Hilton auquel on accède par la suite la plus luxueuse de l’hôtel, la vue sur la ville et lagune est époustouflante comme elle l’est depuis la piscine et le bar Skyline. Inoubliable tout autant qu’imprenable. Venise n’est nulle part aussi belle que vue de la Giudecca comme couchée à ses pieds.

SUPER PASTA STUCky

« Pour le Suisse Giovanni Stucki, il allait de soi d’implanter ses moulins sur la Giudecca, explique Katharina. L’île abritait des chantiers navals et était bien desservie par les bateaux qui lançaient l’exportation de la farine dans le monde entier, ainsi que celle des pâtes fabriquées dans l’un des treize bâtiments du complexe industriel aujourd’hui transformé en Centre des Congrès. » Les « Pasta Stucky » étaient

célèbres jusqu’aux Etats-Unis mais là on les appelait les « Super Pasta Stucky » parce qu’en Amérique « tout devient plus grand » ! Laborieuse, la Giudecca du XIXe siècle abritait nombre d’usines et d’ateliers parmi lesquels ceux du peintre et décorateur Fortuny toujours en somptueuse et mystérieuse activité textile dans le voisinage immédiat de ce qui est devenu le Hilton de Venise. La physionomie de l’île a bien changé depuis et les maisons ouvrières de ses petits quartiers pauvres se sont peu à peu transformées en maisons d’artiste ou en villégiatures pour certains Vénitiens heureux de s’isoler au calme de «l’île aux jardins» et de devenir les voisins d’Elton John ou d’autres «peoples» dont la propriété se cache dans l’île. Presque provinciale à une micro-encablure de l’incomparable coeur de Venise, la Giudecca est un peu paradoxale dans son mélange d’authenticité lagunaire et d’audace architecturale, dans sa cohabitation d’habitants de toujours et de nouveaux-venus un peu jet-set, un peu branchés.

UNE îLE PLURIELLE

On y mange, comme le faisait Katharina, une pizza ensoleillée de la bonne humeur du personnel au restaurant « Al Redentum » sur la place de l’église du Redentore, on part glaner le souvenir de Mitterrand à la trattoria « L’Altanella » ou on s’attarde, dans la douceur d’un soir de mai embaumé de jasmin, à la terrasse du Harry’s Dolci en regardant le soleil se coucher doucement sur le canal de la Giudecca. Et si l’envie surgit de changer radicalement d’ambiance, il y a la cantine « Mensa Interaziendale », située dans une ruelle calme à l’arrière de l’île, au sein du petit chantier naval Giovanni Toffolo, côté Sud sur la lagune. Un coin où aucun touriste ne vient se perdre mais où se croisent habitants du quartier et ouvriers du site. Bateaux en réparation, cordages, bites d’amarrage, couleurs délavées mordues par la rouille, la Giudecca dans son jus ou plus exactement dans l’un de ses jus car se promener dans l’île, c’est aussi découvrir la magie de ses jardins. Celui du couvent des Capucins situé au fond à gauche de l’église palladienne du Redentore ne s’ouvre que sur demande préalable mais il est possible de flâner dans les frondaisons de l’hôtel Cipriani, au bout de l’île, tout comme l’on peut acheter fruits et légumes, le matin, le long du rio delle Convertite, en s’attardant au « Marché des prisonnières » installé devant la prison pour femmes où l’on fait la queue comme au supermarché en faisant très attention à ne pas être dépassé car une chose est certaine : il n’y en aura pas pour tout le monde. Katharina la connaît cette prison pour femmes car elle a instauré avec elle un partenariat.

JUSTE LA PAIX

« A l’ouverture de l’hôtel, un blanchisserie y a été installée, explique-t-elle, et c’est là que sont lavés les uniformes du personnel ainsi que les draps, serviettes etc… des chambres. Tout est organisé. Livré le matin dans des chariots, le linge est récupéré l’après-midi avec une contrainte de sécurité : aucun métal en circulation, que du plastique. Et cela marche à merveille. » De ses années vénitiennes, la désormais Strasbourgeoise, garde le souvenir d’une ville où elle a vécu et travaillé. Elle parle des affres et des joies de la réhabilitation titanesque du Molino Stucky, des épisodes d’Acqua Alta lors desquels la ville est inondée par les pluies, surtout en novembre et décembre. « Il faut être philosophe et mettre ses bottes ! ». Elle raconte Gianni qui apportait les journaux au Hilton dans un chariot, le boulanger qui en faisait de même avec les pains, la beauté de l’atelier d’une artiste américaine dont les sculptures sont inspirées par l’Italie, la science du professeur Amelodagine qui connaît tout de l’histoire du Molino Stucky, la splendeur du couvent des Zitelle où se cache le plus grand jardin de Venise... Katharina se souvient aussi avoir ramé dans un sandalo, barque bien différente de la gondola. « Le bâtiment d’où l’on part est situé tout au bout de la Giudecca, dit-elle, et l’on file dans la laguna avec un accompagnateur. Il n’y a rien ni personne. Juste un moment de paix. »

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Un week-end à

Riquewihr

(RE)DÉCOUVERTE OR NORmE

Rédaction

ERIKA CHELLY

Photos

OT RIBEAUVILLÉ - ASP - DR

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Pour les Strasbourgeois de toujours, oubliez ce dimanche après-midi d’enfance où vous râliez quand vos parents (sans doute accompagnés de vos grand-parents…) vous avaient traîné sur la Route des Vins à la découverte de Riquewihr ou l’un ou l’autre des splendides villages alentour. Et pour celles et ceux d’entre vous qui ne connaissent pas ce superbe village d’alsace, suivez notre trace pour un de ces beaux week-ends printaniers qui s’annoncent. Vous verrez, vous ne serez pas déçu par cette (re)découverte OR NORME…

40 minutes après Strasbourg, plein sud, vous quittez la colonne vertébrale autoroutière de l’Alsace quelques kilomètres avant Colmar. Et vous êtes déjà en plein vignoble…Direction Riquewihr, qui s’enorgueillit à très juste titre d’être « un des plus beaux villages de France », selon le classement très officiel de l’association éponyme.

UN SAMEDI APRÈS-MIDI LOIN DES

CLICHÉS TRADITIONNELS…

Essayons un instant de chasser de notre esprit les inévitables visions de cartes postales qui émergent forcément de cette succession de maisons à colombages aux couleurs chatoyantes et « agrippe l’œil » qui sont le lot de nombre de villages viticoles de la route des Vins d’Alsace. Une fois passé l’imposant porche d’entrée, dans lequel se niche l’Hôtel de Ville », le décor est planté immédiatement. Vieux pavés disjoints, et, de part et d’autre de la rue piétonne qui fait office de rue principale (rue Charles-de-Gaulle), restaurants, cafés, magasins de souvenirs s’additionnent jusqu’en haut du village à grand renfort de cigognes en peluche qui pendouillent sous l’œil admiratif des touristes qui font leur grand

retour dès les premiers jours d’avril, à peine l’hiver terminé. Pour les achats, cochez dans votre agenda interne les premières heures de l’après-midi du dimanche, juste avant de rentrer sur Strasbourg : tout sera ouvert, n’ayez aucune crainte.Puisque nous sommes samedi en fin de matinée ou en début d’après-midi, vous avez largement le temps de flaner sans aucun risque de vous perdre. La longue rue piétonne grimpe doucement jusqu’en haut du village et constitue votre fil d’Ariane…Levez les yeux, surtout ! Au n°13, vous admirerez une très belle bâtisse à oriel qui date du XVe siècle et, au 14 de l’autre côté, vous serez devant la plus haute maison à colombages alsacienne…Entre le porche et le grand beffroi, sur la gauche, vous ne manquerez pas de saluer l’ami Luc Grün, tapi au fond d’un étroit passage qui mène directement à son atelier. ( Voir pages 66 et 67 )

Parlons-en de ce beffroi, justement. Le Dolder (c’est son nom officiel) s’élève majestueusement jusqu’à 25 mètres au-dessus des pauvres terriens que nous sommes. Vous serez plein d’humilité devant ses plus de 800 ans d’âge (il a été érigé en 1291). On a pris grand soin de ce vénérable ancêtre au fil de ces plus de huit siècles. Ses cinq étages se déroulent en façade comme un plastron de gentilhomme des temps jadis. Quatre d’entre eux abritent un musée historique entièrement restauré depuis trois ans, géré par la Société d’Archéologie du village. Du sommet du Dolder, la vue est splendide sur les toits de Riquewihr, qui semblent se pelotonner les uns contre les autres… A l’issue de votre visite, vous saurez tout sur l’évolution du village jusqu’au XVIIème siècle et vous en aurez appris des choses sur les fonctions de guetteur, de veilleur de nuit, de portier…A ces époques, ce qui arrivait de la plaine ou de la montagne voisine était loin d’être toujours amical et sympathique…Puisque nous parlons de musée, n’hésitez pas à faire un (court) saut au Musée de la Communication en Alsace, dans le cadre somptueux du château des Princes de Wurtemberg-Montbéliard, construit en 1540. Pas d’iPhone, d’iPad, pas d’accueil Facebook mais un parcours de 1000 ans d’histoire des Postes et Télécommunications en Alsace et une collection unique en France de diligences et de malles-poste du XVIIIème au début du XXème siècle.Enfin, au 16 rue du Général de Gaulle, poussez la porte du musée Hansi. Hansi est le surnom du plus célèbre imagier populaire d’Alsace, Jean-Jacques Waltz, disparu en 1951 à l’âge de 74 ans. Son musée à Riquewihr présente une collection de 150 pièces : lithographies, eaux fortes, aquarelles, cartes postales, menus, étiquettes de vins, affiches, livres, vaisselle, objets personnels... Ici se concentrent l’histoire « rêvée » de l’Alsace et une bonne part de sa « mythologie » du début du XXème siècle.Enfin, pour être complet, n’hésitez pas à emprunter l’une ou l’autre ruelle (dont certaines présentent des vues très photogéniques sur le vignoble) ou encore à « sortir de la ville » pour emprunter le pont-levis des remparts.Flanez, flanez à outrance et sans modération, goûtez les rayons de soleil qui lèchent le haut des façades et renforcent leurs belles couleurs, flairez les recoins dans l’ombre, attardez-vous à la terrasse d’un café et n’hésitez pas à

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engager la conversation. Certes, les commerçants ou les habitants de Riquewihr voient défiler des milliers et des milliers de touristes chaque année mais ils adorent aussi « tailler une bonne bavette » avec leurs visiteurs. Nous en avons été personnellement témoins lors de nos reportages dans leur magnifique village et personne ne savait que nous étions des journalistes…Pour votre samedi soir, les restaurants ne manquent pas (une mention particulière à L’Arbalètrier au 12 de la rue Charles-de-Gaulle, à La Diligence au n°11, à la Taverne Alsacienne au 17) et leur carte est très diverse. Côté logement, vous avez le choix entre l’hôtellerie traditionnelle comme par exemple l’excellent accueil et le bon confort du "Best Western" - Le Schoenenbourg, rue de la Piscine ou, plus romantique, un impressionnant choix de chambres d’hôtes ou de gîtes. Et si vous n’hésitez pas à faire deux ou trois kilomètres de plus, choisissez sans crainte le gîte de la famille Kellerknecht dans le tout proche (et magnifique lui aussi) village de Bergheim. Ouvert tout récemment sous forme de duplex, il est superbement agencé et très, très confortable. Marie, sa propriétaire, a réalisé là une décoration intérieure dont les photos pourraient avoir leur place parmi les magazines les plus spécialisés du genre. Confort, plaisir des yeux et tranquillité parfaite : quelqu’un pourrait-il demander quelque chose de plus ? (voir nos « Bons Plans » page 69).

DIMANCHE : IL y A TANT À VIVRE ET

À DÉCOUVRIR…

Comme vous aurez pris soin de vous assurer que la belle météo de printemps est au rendez-vous, louez donc un vélo et en avant pour une belle ballade à travers le vignoble alentour ! Le mieux est de laisser votre véhicule à Ribeauvillé, là où vous allez louer vos montures.Un petit circuit, idéal pour votre matinée et qui vous conduira au cœur d’un océan de vignes. La D3 d’abord, pour rejoindre Riquewihr puis, si vous avez choisi de louer un VTT, plein pot à travers la campagne jusqu’au Zellenberg et retour à Ribeauvillé via la D311. Faible dénivelé, aucune difficulté particulière même pour ceux qui manquent d’entraînement : quand vous serez à table vers 13 heures, l’appétit sera là et vous en aurez encore plein les yeux, croyez-nous…Viendra enfin le dimanche après-midi, l’heure de quelques achats. Pour les souvenirs traditionnels, Au Four Banal (joli nom…) comblera vos vœux. Mais notre coup de cœur va vers La Féerie de Noël, un commerce qui, toute l’année, vend de belles décorations de Noël. Noël au printemps : une idée Or Norme ! Et, juste avant de rentrer, dégustez (avec grande modération, cela va sans dire…) le vin, qui est la grande fierté locale. Au Caveau Jung, 14 rue du Général-de-Gaulle, par exemple… Un peu plus tard, en redescendant sur la plaine après votre week-end à Riquewihr, vous aurez encore sous vos papilles le parfum de ces nectars d’exception qui ont fait la richesse et la diversité de ces coins d’Alsace que vous aurez alors (re)découverts…

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relent asiatique. Et au fond, sur le pas de sa porte, un bon géant massif, aux yeux clairs, qui nous attend.Et qui, immédiatement, parfaitement rodé, ouvre la boîte aux souvenirs : « J’ai 77 ans et je suis un Lorrain d’Alsace, né à Sarreguemines. Seulement voilà, mon épouse est née à Riquewihr et, comme le service militaire m’a appelé à Meyenheim, dans l’Armée de l’Air, je me suis fixé ici. Oui, j’ai été prof de physique à Nancy, un temps… J’en suis vite sorti, arrivé de bonne heure et parti de bonheur ! » Et là-dessus, un premier rire, gargantuesque !« Attention » reprend-il, « je suis resté un passionné de physique quantique, mais la peinture m’a pris très tôt, comme un prurit. Ma première expo date de 1962. J’ai eu du bol : un passionné, M. Durand-Ruel, le petit-fils de celui qui a lancé les impressionnistes aux Etats-Unis, m’a tout acheté d’un coup ! C’était parti… Je me suis alors définitivement fixé ici où je suis devenu un artiste maudit. Dabs le dictionnaire, on me trouve entre Grünenwald et Gutenberg !.. »Deuxième éclat de rire, encore plus sonore. Un passant qui marche sur le trottoir, à six mètres de là, sursaute brusquement…

« J’ARRêTERAI LA PEINTURE QUAND JE NE

POURRAI PLUS… »

Adoptant brutalement le tutoiement (ça le fait parfaitement pour nous…), le bon géant nous entraîne dans son atelier et nous découvrons alors un véritable capharnaüm. Le moindre centimètre carré de mur est couvert par une toile, c’est un bazar incroyable mais noble : un bazar d’artiste. « Je ne

Quand nous avons rencontré Jean Buttighoffer, le maire de Riquewihr, nous lui avons demandé de nous indiquer un personnage haut en couleurs, suffisamment « Or Norme » pour mériter de figurer dans nos pages spéciales. Il n’a pas hésité une seconde à nous conseiller de rencontrer Luc Grün, « un peintre un peu atypique mais un vrai personnage avec une grande culture ». Très bien vu, Monsieur le Maire…

ET AU fOND COULE UNE

RIVIÈRE DE CULTURE…

Raisonnablement, on peut manquer l’endroit. Un tout petit corridor, au détour d’un restaurant, qui conduit à boutique au fort

LUC GrünL’ALAMBIC QUI

fABRIQUE DE LA

LIBERTÉ

Luc Grün est incontestablement le personnage le plus haut en couleurs de Riquewihr. Peintre, philosophe, anarchiste libertaire (sic), cet ex-prof de physique règne sur son atelier, un royaume de quelques mètres carrés à peine au cœur du village. l’écouter est un moment de pur bonheur…

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cesse d’expérimenter car l’expérimentation recèle un véritable suspense. On ne sait pas toujours où on va quand on peint. Chez moi, on trouve bien sûr plein de choses, plein d’errances mais toutes mes toiles ont un point commun : la matière, qui est une vision du concret. En physique, on aborde la matière via les maths. En peinture, c’est un acte plus animal. On est vraiment dans le primal, quoi, dans la bestialité, au sens propre du terme, c’est à dire quelque chose qui te fait du bien. Goethe appelait ça le « Dichtung ». Ne cherche pas dans tes souvenirs d’allemand, c’est intraduisible… Mon univers, c’est ce que les curés appellent l’âme. Moi, je parle de psyché, c’est plus précis à mon sens…. »Bien sûr, on aurait mille questions, on aimerait prendre tout le temps qu’il faut pour extirper de Luc Grün tout ce qu’il faut bien appeler un énorme savoir, doublé d’une sensibilité à fleur de peau qu’il n’est pas évident de déceler à prime abord, tant la masse du personnage, sa voix rocailleuse et puissante et ses gestes amples peuvent intimider. Quand on lui fait remarquer qu’il est connu bien au-delà des limites du village, il joue le coquet : « Mais non, c’est une légende. Et d’ailleurs, ça me va bien

car si Van Gogh avait été connu de son vivant, il n’aurait jamais été le grand Van Gogh ! Moi, c’est pareil. Peu connu de mon vivant, je le serai bien plus ensuite !.. » (Et encore un rire tonitruant…)« Je peins 70 heures par semaine et ça devient de plus en plus fatiguant. Mais tant que j’aurai la forme, je peindrai. J’arrêterai quand je ne pourrai vraiment plus… J’active mes synapses avec une bonne dose d’éthanol, tu vois, pas de la caféine. Avec la bonne dose, je peux devenir soudain très volubile. Et comme je parle huit langues, je peux tenir la conversation avec pas mal de gens. Deux d’entre elles sont très rares : le Rétro-Romanche, nous ne sommes plus que 30 000 environ à la parler et le Letzelburger, qui est le luxembourgeois d’antan…

Et, soudain, Luc se lance dans le décryptage d’une toile qui trône dans l’atelier, au-dessus de sa table. Derrière cette énorme tête de chat aux yeux qui transpercent, il y a toute une démarche. Que nous renonçons à vous transmettre ici, pour une seule et bonne raison : vous inciter à rencontrer ce personnage divinement incroyable. Il vous expliquera tout lui-même, au cœur de son atelier-bazar. En plus, vous ne repartirez pas sans rien. Au bout d’une heure, vous aurez de la liberté plein la tête. La liberté, vous savez, c’est cet ingrédient qui est devenu si rare. Au fond de l’atelier, nous soupçonnons le bon géant de cacher un alambic qui en produit en permanence…« Tu reviendras m’amener quelques exemplaires d’Or Norme ? » questionne Luc.« A ton avis ?... » lui répondons-nous.Bien sûr, son rire résonne encore quand nous le saluons une dernière fois…

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JEAN BUTTIGHOffER

OR NORME : Une telle longévité confine à une véritable passion pour sa commune, non ?

JEaN BUTTIGHOFFER : « Sans doute peut-on dire ça comme cela. Je siège en effet au conseil municipal depuis 1983 et je suis devenu Maire en 1996, il y a donc 17 ans maintenant. Mais mon engagement pour Riquewihr s’est aussi manifesté à la présidence de notre club de football, les SR de Riquewihr, que j’ai assumée pendant dix ans. D’ailleurs, le lendemain du jour où j’ai quitté la présidence du club, le Maire d’alors, M. Edel, est décédé. En tant que premier adjoint, je lui ai succédé…

O.N. : la notoriété de Riquewihr dépasse de très loin son nombre d’habitants : 1250…

J.B. : Elle s’appuie en effet sur deux piliers : le tourisme et la viticulture, bien sûr. Nous sommes au cœur de la route des Vins d’Alsace et, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nos maisons de vins, Dopf Au Moulin, Hugel ou Dopf-Firion par exemple, ont commencé à exporter et ont donc permis de faire connaître notre village et ses 297 hectares de vigne.Chaque année, 1 500 000 touristes nous rendent visite, entre le début avril et Noël. Nous sommes bien dotés en infrastructures d’accueil : 9 hôtels sur le ban communal avec leurs 250 chambres deux ou trois étoiles, 24 restaurants – 1200 places-, 50 chambres d’hôtes sans oublier notre camping communal 4 étoiles. Quatre musées accueillent les touristes qui sont attirés notamment par notre label, puisque Riquewihr fait partie de l’association des plus Beaux Villages de France et est classé dans le haut de gamme des villes de tourisme. Entre notre vieille ville et notre vignoble, les touristes apprécient manifestement de séjourner chez nous…

O.N. : Comme souvent en alsace, la manifestation-phare est le Marché de Noël…

J.B. : Si on compare le nombre de visiteurs que nous accueillons entre la fin novembre et le 24 décembre, il est certain que nous n’avons rien à envier à personne. A Noël dernier, nous avons comptabilisé pas moins de 900 bus. Tout le monde joue le jeu, en particulier les viticulteurs avec

Rencontre avec le Maire de Riquewihr qui, depuis trente ans, a participé à tous les conseils municipaux de sa commune (sans doute un record régional !..). Un homme depuis toujours très impliqué dans la vie de son village…

leur opération Caves de Noël. De plus, nous avons bouclé notre plan-lumière depuis quatre ans. Il a apporté un plus incontestable car, auparavant, le village était très animé la journée et désert le soir. Aujourd’hui, c’est un vrai bonheur de s’y promener et ça vaut aussi pour les soirs d’été. La nuit tombée, Riquewihr met ainsi en valeur la qualité architecturale de ses bâtiments. C’est réellement un spectacle magnifique…

O.N. : Etes-vous confiant quant à l’avenir ?

J.B. : Sincèrement, oui. Nous mettons la dernière main à notre Plan Local d’Urbanisme. Il y a beaucoup d’attente à ce sujet mais on ne pourra pas faire n’importe quoi. L’Architecte des Bâtiments de France veille bien sûr sur la valeur patrimoniale de notre centre historique. Je me dois de préserver l’image de notre village, pour le bien de tous. Mais Riquewihr n’est pas figé sur cette image : nos 120 commerces sont très actifs et l’Association des Commerçants a été relancée par un nouveau président, M. Blondel, auquel je crois beaucoup. Par ailleurs, notre petite zone d’activités, au bas de la ville, est très dynamique elle aussi. A l’exemple de la société Costral et son dirigeant Frédéric Külmann qui exportent leur matériel de viticulture dans le monde entier, jusqu’en Australie.

O.N. : Dans les temps économiques et sociétaux très durs que nous vivons aujourd’hui, Riquewihr semble pour l’heure préservée…

J.B. : Je crois qu’on peut dire cela, oui. En fait, mon rôle de maire est de veiller à notre qualité de vie, préserver nos atouts et les développer harmonieusement… »

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BONS PLANSHÉBERGEMENT

RESTAURANT COMMERCESDÉGUSTATION DE VINS

LOCATION DE VÉLOS

HÔTELS

GÎTES

"Best Western" lE SCHOENENBOURG Hôtel ***2 rue de la PiscineTél. 03 89 49 01 11

l’aRBaléTRIER12 rue du Général de GaulleTél. 09 89 49 01 21

FéERIE DE NOëlVENTE DéCORaTIONS DE NOël

( ouvert toute l’année )1 rue du Cerf

Tél. 09 89 47 94 02

aU FOUR BaNalSOUVENIRS D’alSaCE

( ouvert toute l’année )9 rue du général De Gaulle

Tél. 03 89 49 05 73

CaVEaU JUNG ( EaRl JUNG )14 rue du Général de Gaulle

Tél. 03 64 03 69 12

CyClES BINDER82 Grand Rue Ribeauvillé

Tél. 03 89 73 65 87

la DIlIGENCE11 rue du Général de GaulleTél. 03 89 49 05 21

la TaVERNE alSaCIENNE17 rue du Général de GaulleTél. 09 89 49 00 74

HôTEl a l’ORIElHôtel ***3, Rue Des Écuries SeigneurialesTél. 03 89 49 01 11 la MaISON D’aCHIllE - KELLERKNECHT

25 rue des Vignerons 68750 Bergheim ( 4 km de Riquewihr )Tél. 06 83 16 78 88 - [email protected]

Une petite merveille que ce gîte en duplex au cœur d’un très beau village tout près de Riquewihr. Marie et Simon Kellerknecht ont réalisé là un très beau lieu de séjour, pour quatre personnes (sauna compris). La touche décorative de Marie est omniprésente et l’endroit respire le bon vivre. A privilégier si vous êtes de passage

HôTEl lE RIQUEwIHRHôtel ***3, route de RibeauvilléTél. 03 89 49 01 11

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2,3

STRASBOURG PIONNIÈRE

DU GAz VERT

Biovalsan. Un mot qui n'a encore guère de résonnance pour les Strasbourgeois mais qui cache

pourtant une révolution énergétique dont leur ville s'inscrit comme fer de lance. Réinjecter dans le réseau de gaz naturel le biogaz issu de la station d'épuration, c'est

possible et cela va se faire à l'horizon 2014. Olivier Bitz, adjoint au maire président de Réseau GDS et Sylvain

Waserman, directeur général nous en parlent.

Strasbourg va réinjecter du biogaz provenant d'une station d'épuration dans le réseau urbain, est-ce une première ?O.B. : En France oui. Cette technologie est déjà développée dans les pays du Nord et en Allemagne mais notre objectif est de l'appliquer à Strasbourg pour qu'y soit distribué le gaz le plus vert de l'Hexagone. Cette volonté politique n'a rien d'utopique puisque, dans un contexte très particulier de société d'économie mixte (SEM), la Ville est majoritaire dans le capital de Réseau GDS. Le réseau est ainsi devenu le bras armé d'une autorité publique en quête de solutions innovantes inscrites dans la réalité écologique ET économique de notre temps, la condition sine qua non était en effet de parvenir à l'équilibre financier. S.w. : Il faut par ailleurs noter le fait que nous avons bénéficié de fonds européens issus du Programme "LIFE+" de la Commission. Deux millions d'euros sont versés notamment pour financer l'important volet recherche de Biovalsan. Les études et analyses réalisées valideront un procédé nouveau qui pourra être répliqué partout en Europe. Ceci atteste d'une reconnaissance du projet strasbourgeois dans le cadre de la politique communautaire de renouvellement énergétique.

Concrètement, en quoi consiste ce nouveau process ?S.w. : Le biogaz réinjecté dans le réseau sera issu de la station d’épuration de Strasbourg située à La Wantzenau ( la 4ème de France). Il est d’une excellente qualité, très stable et composé des mêmes molécules (un atome d’hydrogène et quatre atomes de carbone) que le gaz naturel ce qui permet de le réinjecter sans problème dans le réseau après l’avoir odorisé, tout comme le gaz de ville. C’est son origine qui diffère, pas sa composition. O.B. : Quand on y pense, c’est prodigieux de pouvoir produire de l’énergie à partir d’une ressource locale inépuisable telle que les boues d’épuration et les déchets ! Toutes les agglomérations françaises en disposent, Strasbourg sera la première à l’optimiser de cette façon tout en consolidant sa stratégie de diversification des réseaux de chaleur.

Comment cela sera-t-il mis en oeuvre financièrement ?S.w. : Le biogaz sera racheté par Réseau GDS à la station d’épuration via une nouvelle structure dédiée et selon des tarifs réalistes qui doivent encore être précisés par le ministère.

avec une incidence sur les factures des consommateurs ?O.B. : Aucune. Mais les particuliers sauront qu’ils consomment à Strasbourg un gaz plus «vert».

À quelle échéance ce gaz plus vert sera-t-il accessible aux Strasbourgeois ?O.B. : Sous réserve des dernières autorisations ministérielles qui devraient tomber avant l’été, nous pouvons compter sur une «première pierre» en 2013 et une production à pleine puissance à la fin de 2014.

Sur  base  d’une  réflexion  entamée  à  quelle époque ?O.B. : En 2009, date qui a correspondu avec l’arrivée de Sylvain Waserman à la direction générale de Réseau GDS.S.w. : Très vite, une collaboration intense a été mise en oeuvre avec la direction générale Energie-Climat du ministère, elle-même très en attente de nouveaux modèles depuis le Grenelle II de l’environnement.

Doit-on s’attendre à de grands travaux sur le réseau du gaz avec toutes les nuisances qui en découlent ?S.w. : Absolument pas. Quelques modifications devront être apportées sur les postes d’injection afin de gérer les différences de pression entre le gaz introduit et celui qui est déjà dans les tuyaux mais cela n’induira que de petits changements structurels. Les travaux ne toucheront que les sites industriels. Il s’agit d’une révolution douce !

D’autres utilisations sont cependant prévues...O.B. : Effectivement, il est notamment possible de produire un bio-GNV à destination des véhicules automobiles. Celui-ci émet une production d’ozone réduite de 80% et 0 particules fines. Ceci constitue à terme un axe de développement important.

avec son Plan Climat, la Communauté urbaine de Strasbourg a pour objectif de dépasser de  50  %  les  objectifs  à  2020,    fixés  par  le Grenelle de l'Environnement. la valorisation énergétique des déchets ménagers et des eaux usées par la transformation de ces ressources en gaz naturel "vert" en recourant à la méthanisation est l'un des axes fort de cette stratégie et le projet Biovalsan un des aboutissements. Réseau GDS, la lyonnaise des Eaux et Degrémont Services en sont les partenaires.

de m3 de biogaz sont produits annuellement à la station d'épuration de Strasbourg, ce qui permet potentiellement de chauffer 20 000 logements neufs à 50 % de leurs besoins.

Entretien

Véronique LEBLANC

Photos

François NUSSBAUMER

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Mais que se passe-t-il donc au Parlement européen lorsque les sessions plénières ont plié bagage ? La ruche se calme c'est certain mais la vie ne s'éteint pas pour autant. Une grosse centaine de personnes y travaillent au quotidien avec, parmi elles, la lumineuse Cécile Coyez, européenne convaincue, diplômée en sciences politiques et heureuse d'avoir trouvé depuis 2011 un emploi à temps plus que plein au sein de la Division Communication de l'emblématique institution. « Un service qui joue le rôle d'un bureau de représentation comme il s'en trouve dans tous les Etats membres, dit-elle, mais qui prend ici un poids particulier puisqu'il s'agit de représenter rien moins que le Parlement européen ». Son rôle consiste à organiser des visites que ce soit pour des délégations d'élus, des chefs d'entreprises, des scolaires ou

De 2 000 occupants en session, le Parlement européen passe

à une centaine les autres semaines du mois. Et celles-

ci ne chôment pas comme en témoigne Cécile Coyez.

Hors session LE PARLEMENT EUROPÉEN

RESTE SUR LE PONTRédaction Véronique LEBLANC

Photos PARLEMENT EUROPÉEN

Les élèves de l’Europe entière

passent par Strasbourg grâce au

programme Euroscola.

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bien encore des groupes « plus pointus » liés à des programmes d'échanges communautaires entre jeunes tel que le programme Comenius. « Il y a quelque temps, les partenaires d'un projet de recherche entre sept universités, laboratoires et entreprises ont choisi de co-organiser leur réunion annuelle à Strasbourg », raconte-t-elle. Axe fort de ses activités, le programme Euroscola compte 20 sessions de 500 participants par an et draine vers Strasbourg des élèves de tous les pays européens. Le but : leur faire vivre un journée dans la peau d'un eurodéputé, les faire travailler sur des thèmes tels que l'environnement, l'immigration etc., discuter de tout cela en commissions, voter... Cécile les accompagne et, au moment crucial, monte au perchoir pour jouer le rôle du président du Parlement européen afin de gérer débats et scrutins. Des conférences sont aussi à son actif. Consacrées au fonctionnement de l'institution ou à des sujets très spécialisés tels que l'évolution des négociations sur la Politique agricole commune, elles sont destinées à des publics très exigeants, concernés au premier chef par le sujet qu'elle aborde.

CINQ CENTS VISITEURS PAR JOUR

Sur le pont européen plus qu’à fond, Cécile se morfond un peu d’entendre en ville que le Parlement est désert trois semaines par mois. « En moyenne 500 personnes le visitent au quotidien » raconte-t-elle en précisant que « 80 % des groupes évoquent LA question du siège, souvent des Britanniques et des Nordiques, des Français aussi ». Sa réponse est institutionnelle et elle s’en tient à la lettre du Traité qui inscrit Strasbourg comme siège officiel du Parlement européen et lui détermine trois lieux de travail : Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg en ce qui concerne le secrétariat. Reste qu’à l’écouter on comprend en filigrane que pour les visiteurs venus d’un peu partout en Europe l’image du Parlement, sa réalité physique est celle des bâtiments de Strasbourg, mis en lumière lors des plénières sur les télévisions internationales. Et l’on se dit que l’institution perdrait à coup sûr en lisibilité à quitter son siège alsacien pour se noyer dans le voisinage de la Commission et du Conseil au sein du quartier européen de la capitale belge. Au risque alors de conforter dans l’imaginaire communautaire l’image d’une Europe bureaucratique et incompréhensible.

sites et médias sociauxBureau d’information : www.europarlstrasbourg.euProgramme euroscola : www.europarl.europa.euFacebook : www.Facebook.com/euroscola

et www.facebook.com/epstrasbourgTwitter : @PEStrasbourg

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enfin LE PRINTEMPS !

Pari gagné pour Laurence Peiffer, la dynamique

directrice du grand magasin strasbourgeois, et ses

équipes. l’interminable et gigantesque chantier a laissé la place à sept niveaux superbement

agencés, magnifiés par une façade remarquable…

Bien sûr, Le Printemps figure parmi les fidèles annonceurs de notre revue. Alors, certains, lisant cette page, nous jugeront sans doute flagorneurs parce qu’intéressés. Ils auront tort ! Ceci n’est pas un publi-reportage commandé, c’est un coup de cœur de la rédaction…Nous avons suffisamment suivi dès l’origine la métamorphose de cet immeuble pour témoigner du professionnalisme qui a animé toute une équipe depuis si longtemps. Et dans les pires conditions : bruit, poussière, changements incessants de surfaces de vente en fonction de l’avancée des travaux… Mais aujourd’hui, les efforts ont payé. Et le résultat est magnifique…

UN SIGNAL fORT

Bien sûr, c’est cette façade audacieuse qui retient en premier l’attention. L’architecte strasbourgeois Christian Biecher (lire son interview dans Or Norme n°7) a su imposer ses angles saillants et son habillage anodisé qui tranchent tant avec une place de l’Homme de Fer qui, jusqu’à présent, était très quelconque, rebâtie de bric et de broc au fil des décennies.On n’a donc aucune hésitation à saluer ici l’audace de l’architecte, certes, mais aussi des décideurs, en tout premier lieu l’Architecte des Bâtiments de France (une fonction qui, à l’ordinaire, n’est pas réputée pour être très innovatrice…) et celle des élus strasbourgeois qui, en l’occurrence, ont donné leur feu vert pour doter ce coin stratégique de la ville d’un authentique signal d’avant-garde. A coup sûr,

Rédaction

Benjamin THOMAS

Photos

ASP

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cette façade, qui peut changer subtilement de couleur en fonction de l’avancée du soleil dans la journée, va devenir un des monuments les plus photographiés de la capitale alsacienne, nous en faisons ici le pari…

UN MAGASIN COMME NEUf

Ce sont désormais sept niveaux de 1000 m2 chacun qui accueillent les clients du Printemps. Finies les surfaces tarabiscotées qui étaient devenues le quotidien des visiteurs et des salariés au fil des décennies de réaménagement.Aujourd’hui, on change de niveau en pleine lumière, au gré des escalators qui longent la façade et ses larges baies vitrées, et les espaces de vente sont parfaitement rationalisés. On y circule très confortablement, dans une ambiance qui rappelle celle d’un (très grand) appartement. Ici ou là, la décoration intérieure reprend les couleurs de la façade, et, dans cette période printanière d’ouverture du moins, n’hésite pas à faire chatoyer les couleurs de saison. C’est frais, d’un luxe finalement très sobre et s’y promener à la découverte de ce tout nouveau magasin permet de relever les détails: manifestement, les décorateurs-maison ont pris un grand plaisir à concevoir ces espaces de vente…

LE PARI DU LUXE

Lors de la conférence de presse d’ouverture, le 5 avril dernier, les plus hauts dirigeants du groupe ont tour à tour décliné les options fondamentales de leur stratégie : le pari du haut de gamme et du luxe est clairement assumé face à une concurrence bien présente. « Nous souhaitons être les meilleurs sur ce segment, même si nous ne sommes pas les plus gros » ont-ils répété à plusieurs reprises. Un exemple : certains clients pourront même être reçus sur rendez-vous par des « experts-vente » qui leur amèneront directement les produits pour qu’ils puissent confortablement les essayer dans un salon dédié. A l’instar des palaces, il y aura même une conciergerie qui facilitera la réservation des taxis, de restaurants, d’hôtels et de spectacles…

Le nouveau Printemps ouvert, c’est maintenant le chiffre d’affaires qui va reprendre ses droits, bien aidé par une offre commerciale attractive puisque, tant au rayon mode femme qu’à celui de l’homme, on voit apparaître 40% de nouvelles marques, pas moins !Les premiers résultats commerciaux apparaîtront vite. Et c’est une autre histoire qui commencera…En tout cas, puisque nous avons suivi de près celle de la métamorphose de ce géant du centre-ville strasbourgeois, le sourire de Laurence Peiffer et de ses collaborateurs faisait plaisir à voir en ce samedi matin d’ouverture. Car ce nouvel écrin sera désormais le leur et aucun d’entre eux n’oubliera jamais qu’ils ont gagné le pari de cet énorme et complexe chantier, ce qui était loin d’être une évidence il y a encore peu…

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LIVRES • SÉLECTION DE PRINTEMPS

LA PREMIÈRE CHOSE QU’ON REGARDE

BLOODY MIAMI

DEUX VIES VALENT MIEUX QU’UNE

22/11/63

GRÉGOIRE DELACOURT

TOM wOLfE

JEAN-MARC RObERTS

STEPhEN KING

Ed. JC Lattès

Ed. Robert Laffont

Ed. Flammarion

Ed. Albin Michel

L’heureux auteur de « La Liste de nos Envies » récidive avec ce roman basé sur une rencontre quasi surnaturelle. Arthur Dreyfuss, garagiste âgé de 20 ans, regarde une série télévisée lorsqu'une personne frappe à sa porte. En ouvrant, il se retrouve face à Scarlett Johansson, qui semble complètement désemparée…L’écriture est toujours aussi fine et sensible et Grégoire Delacourt prend un malin plaisir à cabosser encore plus l’histoire d’amour qui naît entre deux êtres déjà bien abîmés. Un bon roman qui se déguste facilement et qui nous laisse plein d’interrogations…

Personne n’a oublié « Le Bucher des Vanités » et le télescopage entre deux mondes qui se côtoient de si près et qui ne devaient théoriquement pas se rencontrer. Tom Wolfe récidive avec Bloody Miami qui offre le même miroir, mais dans les années 2010, à une société américaine déboussolée. Ce grand livre, servi par une écriture haletante, en dit très long sur l’époque que nous vivons…

Jean-Marc Roberts s’est éteint tout récemment, victime d’un cancer qu’il a chroniqué tant que ses forces le lui ont permis. Cet homme exquis, que nous connaissions bien car il nous a rendu visite plus d’une fois à Strasbourg, était un être délicieux et suffisamment décalé pour qu’on l’ait beaucoup aimé à la rédaction d’Or Norme. Dans son ultime ouvrage, il écrit ces mots « Nous avions tous le même âge, treize, quatorze, quinze ans. Les plus jolies filles portaient des bikinis. On les appelait due pezzi, oui, deux morceaux… C’étaient les étés des paris, des défis. Plus faciles à gagner qu’une rémission mais tout de même… »

1000 pages denses, terriblement documentées (à l’américaine…) et qui vous laissent pantois. Un homme est initié à l’existence d’une faille spatio-temporelle (seul élément incongru du récit, mais il le fallait bien…) et se retrouve projeté dans le temps quelques années avant l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy à Dallas le 22 novembre 1963. Il a donc le pouvoir de changer le cours des événements…Stephen King s’aventure sur un terrain inédit pour lui. Et, une fois commencé, on ne peut plus lâcher l’ouvrage, vous êtes prévenu…

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SEULES LES TRACES FONT RÊVER

NOUVEAUX MOTS D’EXCUSE

PATRICK POIvRE D’ARvOR

PATRICE ROMAIN

Ed. Robert Laffont

Ed. François Bourrin

Une belle galerie de portraits écrits par celui qui fut durant trente ans LA référence du journaliste présentateur de journaux télé. Les curieux se précipiteront bien sûr sur les quelques pages consacrées à Nicolas Sarkozy à qui PPDA déplût formidablement lors d’un commentaire pourtant bien innocent sur le premier sommet de chefs d’états auquel l’ex-président participa. Heureusement, l’ouvrage ne se limite pas à ce chapitre… Un livre qu’on lit avec bonheur tant l’écriture est ciselée et les angles remarquables. PPDA sera à la Librairie Kléber à Strasbourg le 30 mai prochain pour présenter son dernier livre…

C’est la dernière fournée des célèbres mots d’excuse que les parents envoient encore aux profs ou aux instits quand leur rejeton ne s’est pas présenté en classe. Immortelle tradition qui, à chaque livrée, nous fait pleurer de rire. Les adultes ont quand même une sacrée imagination… Au hasard, nous avons extrait celui-ci (nb: les fautes d’orthographes ont été publiées in-extenso par l’éditeur) « Monsieur, Et voilà ! Il restait plus que 3 jours de plâtre pour Alexis et il cavalait partout. Il a voulu dessendre les escaliers à cloche pied et il est tombé à cause que l’assenseur était en panne. Résultat, il a maintenant les deux pieds dans le plâtre mais jeudi ça ira mieux parce que on va lui enlevé le 1er et il pourra retourné à l’école avec ses béquilles. Heureusement qu’on a acheté les béquilles parce que comme ça on les amortit ! Enfin maintenant on est tranquille il ne peut plus bougé il est cloué au lit.Merci d’avance de donné les devoirs à Ronan. Alexis reviendra vendredi sauf si il se casse les mains ! Je vous salut respectueusement. »

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forever car

pari rÉUSSi !

Le réalisateur strasbourgeois Hatim Elmrini (lire son interview

dans Or Norme n°8 de décembre dernier) a atteint son premier

objectif. Son premier long métrage, Forever Car, est désormais

monté et n’attend plus qu’un distributeur national. Il sera

présenté aux Strasbourgeois en avant-première le 30 avril prochain

à l’Odyssée…

Chose promise, chose dûe ! Il y a trois mois, Or Norme avait promis à Hatim Elmrini (lire Or Norme n°8) de tout faire pour que son premier film, Forever Car, soit présenté en exclusivité et en avant-première aux Strasbourgeois, avant de vivre sa carrière dans les nombreux festivals qui se sont déjà engagés à le programmer.Un coup de fil et plusieurs rencontres plus tard avec Faruk Günaltay, le directeur de l’Odyssée, ce sera chose faite le mardi 30 avril prochain…

Un premier film prometteUr

Les lecteurs d’Or Norme savent la passion que le réalisateur a mis en son projet, les mille et une difficultés qu’il lui a fallu surmonter, à commencer par dénicher deux voitures du même type (une Triumph Herald 1968) pour les besoins du scénario…Toute une chaîne d’amitié s’est alors constituée, du soutien de la société GOS Productions dont Hatim est co-actionnaire à toute une bande d’amis et de complices. Et, peu à peu, le film a fini par être tourné. Le montage vient à peine de se terminer…Le résultat est franchement exceptionnel, à la hauteur de films de réalisateurs plus chevronnés. Cependant, le plus dur reste peut-être à effectuer : dénicher le distributeur national qui le placera dans son circuit, pour que le film soit vu par un maximum de spectateurs. « Nous sommes en contact avancé avec plusieurs

d’entre eux » confie Hatim. « Rien n’est encore fait, on doit encore leur faire parvenir des éléments, mais l’espoir est là… Ce serait assez extraordinaire qu’un premier film soit distribué ainsi, nous allons tout faire pour que ce soit le cas. C’est un autre combat qui commence… »

avec les lecteUrs d’or norme

En attendant, les cinéphiles strasbourgeois seront les premiers à le découvrir grâce au coup de pouce de Faruk Günaltay et l’Odyssée. La séance unique d’avant-première aura lieu le mardi 30 avril prochain à 20h15, en présence du réalisateur et de son équipe. Un tarif exceptionnel de 4€ sera consenti, de façon à permettre à un maximum de spectateurs d’être de la fête. A l’issue de la projection, vous pourrez faire plus ample connaissance avec Hatim Elmrini.10 lecteurs d’Or Norme (voir l’offre page 82) seront invités pour cette avant-première inédite de Forever Car, ce film existe grâce à l’extraordinaire passion déployée par son réalisateur. Une belle histoire…

Rédaction

Benjamin THOMAS

Photos

DR

Hatim Elmrini

« Forever Car »

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forever CAR

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A

SOyEZ PARMI LES LECTEURS

PRIVILÉGIÉS INVITÉS PAR

OR NORME STRASBOURG

A L’AVANT-PREMIÈRE DE

FOREVER CARLE mARDI 30 AVRIL À 20H15

ENvOYEZ UN SIMPLE MAIL À

[email protected]

avec le texte :

« Je serai là ! »

vos nom, prénom et adresse postale

ainsi que votre numério de téléphone

LES AUTEURS DES

10 PREmIERS mAILS REçUSSERONT NOS INVITÉS !

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PortfOLIOjean-marc de balthasar

Un Instamatic Kodak qu’on lui offre à l’âge de 10 ans, un instituteur qui l’initie ensuite aux mystères de la chambre noire et.. quelque mil-liers de photos amateurs ainsi réalisées : il n’en a pas fallu plus pour que Jean-Marc de Balthasar décide de devenir photographe profes-sionnel. Les paysages urbains, les gens et les femmes figurent parmi ses sources d’inspiration et il collabore aussi avec les visites virtuelles Google pour que les commerces s’exposent à 360° sur le web. Une première et discrète exposition fin 2012 sur le thème du mouvement dans la ville lui a donné le goût de faire découvrir un peu plus ses travaux. Du coup, plusieurs projets sont en cours pour 2013 dont une prochaine exposition chez Il Salone (nouvelle adresse : 17 rue de la Haute Montée à Strasbourg) du 25 avril au 20 mai.

[email protected] - 06 11 75 30 02

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PortfOLIO

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BULLETIN D’ABONNEMENTÀ renvoyer soigneusement rempli,accompagné de votre chèque, à :ASP - ABONNEMENTS OR NORME STRASBOURG - 25 boulevard Wilson - 67000 Strasbourg

NOM _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ PRÉNOM _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

ADRESSE POSTALE : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

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ADRESSE ÉLECTRONIQUE : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ @ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

Chèque joint de 20 euros à l’ordre de ASP, correspondant aux frais de conditionnementet d’envoi de 4 numéros d’OR NORME Strasbourg (à compter de la date de réception du bulletin).

BULLETIN D’ABONNEMENT À LA DISTRIBUTION

PERSONNALISÉE DE OR NORME STRASBOURG

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