Olivier Voirol

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PRÉSENTATION Olivier Voirol La Découverte | Réseaux 2011/2 - n° 166 pages 9 à 28 ISSN 0751-7971 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-reseaux-2011-2-page-9.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Voirol Olivier, « Présentation », Réseaux, 2011/2 n° 166, p. 9-28. DOI : 10.3917/res.166.0009 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 181.164.4.32 - 29/05/2013 21h35. © La Découverte Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 181.164.4.32 - 29/05/2013 21h35. © La Découverte

Transcript of Olivier Voirol

  • PRSENTATION

    Olivier Voirol

    La Dcouverte | Rseaux

    2011/2 - n 166pages 9 28

    ISSN 0751-7971

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-reseaux-2011-2-page-9.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Voirol Olivier, Prsentation , Rseaux, 2011/2 n 166, p. 9-28. DOI : 10.3917/res.166.0009--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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    Olivier Voirol

    Les travaux de Theodor W. Adorno (1903-1969) sur la culture, lart, les mdias, la communication, figurent aujourdhui parmi les classiques de ces domai-nes de recherche. Le philosophe et sociologue de Francfort est incontestable-ment un des pontes de la thorie de la culture et des mdias au vingtime sicle et figure le plus souvent en bonne place dans les manuels dintroduction la discipline. Ses recherches sur la musique, la tlvision, la littrature, mais aussi et surtout sa thorie esthtique, ont suscit moult commentaires et interprtations, des plus logieux aux plus critiques. Depuis son dcs il y a plus de quarante ans, la discussion sur son uvre a certes connu des hauts et des bas, mais elle ne sest jamais tarie : il ne se passe pas une anne sans voir apparatre de nouvelles publications (surtout en langue allemande et anglaise), appliques faire le point sur ses travaux ou en rexaminer certains aspects 1. Cette interprtation a encore de beaux jours devant elle, tant luvre de lauteur de la Dialectique ngative na pas encore livr tous ses secrets, obscure et insaisissable quelle demeure bien des gards.

    Dans lunivers francophone, Adorno est connu dj depuis les annes 1960, au moment des toutes premires traductions de ses textes (Adorno, 1964) 2. Dans le domaine de recherches sur la culture, les mdias et la communica-tion, ses travaux ont influenc une gnration de sociologues, dEdgar Morin Jean Baudrillard, en passant par Pierre Bourdieu ; ils ont, en partie, inspir

    1. On peut en voquer quelques-uns, sans prtention dexhaustivit : Hohendahl, 1995 ; Cook, 1996 ; Boissire, 1999 ; Mller-Doohm, 2000 ; Apostolidis, 2000 ; Abensour et Mhlman, 2002 ; Witkin, 2003 ; De Nora, 2003 ; Mller-Doohm, 2004 ; Moutot, 2004 ; Olive, 2005 ; Honneth, 2005 ; Hullot-Kentor, 2006 ; Markus, 2006 ; Miklitsch, 2006 ; Zuidervaart, 2007 ; Cook, 2008 ; Voirol, 2008 ; Court, 2009 ; Mnster, 2009 ; Moutot, 2010, etc.2. Selon M. Abensour (2005), le premier texte en franais consacr Adorno remonte plus exactement 1959, sous la plume de K. Axelos.

    DOI: 10.3917/res.166.0009

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    les recherches consacres lmergence dune socit de consommation et dune culture de masse partir des annes 1950-60. Edgar Morin et son Centre dtudes de communication de masse taient alors les principaux arti-sans de cette rception dAdorno dans la recherche sur les mdias de commu-nication. Par la suite, lintrt pour Adorno na cess de crotre, en lien avec la traduction au compte-gouttes de ses ouvrages les plus importants. Sa critique de lindustrie culturelle a inspir un courant de recherches portant sur lconomie politique de la culture et de la communication (Garnham, 1979 ; Huet, Ion, Lefebvre, Mige et Peron, 1979 ; Flichy, 1980 ; Beaud, Flichy et Sauvage, 1984, etc.). Cependant, si la prsence dAdorno dans le domaine de recherche sur la culture, les mdias et la communication est avre de longue date, cette prsence nest pas aussi avantageuse quelle pourrait le paratre au premier abord. Aujourdhui, le nom mme dAdorno voque souvent de la mfiance, tant il est associ une perspective thorique considre comme dsute ; il suscite dans bien des cas une certaine rticence, si ce nest une critique virulente. Cela doit bien sr, galement, lhistoire particulire de la rception de lcole de Francfort en France (Abensour, 2005 ; Raulet, 1982). Mais cela nexplique pas tout.

    On est face une situation quelque peu paradoxale : alors que le concept d industrie culturelle , par exemple, fait partie du vocabulaire courant de la recherche sur la culture et les mdias, rares sont les travaux actuels en socio-logie des mdias, de la communication et de la culture, qui sen revendiquent ouvertement, lexception des travaux en conomie politique de la communi-cation, qui se centrent exclusivement sur sa dimension conomique (cf. entre autres Hesmondhalgh, 2007 ; Bouquillion, 2008). Le plus souvent, la thorie adornienne de lindustrie culturelle est voque pour en souligner les limites et dnoncer le caractre surann de sa critique ; elle sert de repoussoir souvent de manire caricaturale afin dexposer dautres perspectives supposes plus subtiles (Lemieux, 2002 ; Le Grignou, 2008). Sous bien des aspects, lappro-che adornienne des mdias et de la culture na plus bonne presse aujourdhui. Ds lors, il ne faut gure stonner que les chercheurs contemporains dans ce domaine soient peu prompts se rclamer des concepts adorniens tels qu industrie culturelle , rgression de lcoute , contexte daveugle-ment total , socit administre , moi faible , etc. En somme, tout en ayant sa place reconnue dans lhistoire de la discipline, la thorie adornienne des mdias et de la culture nest plus en vogue de nos jours, elle nen repr-sente plus une approche vivante ; elle reste confine lhistoire de la dis-cipline, une histoire dont la page est, croit-on, dsormais tourne.

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    On peut aisment tablir une longue liste de critiques adresses lapproche adornienne de la culture et des mdias, en particulier de son concept dindustrie culturelle (Thompson, 1990, pp. 103-106 ; Habermas, 1987). On peut voquer, tout dabord, la critique qui sen prend une conception des mdias en tant quinstances toutes-puissantes, monolithiques, voire manipulatrices (Morin, 1962) ou encore celle qui sattaque son attitude litiste lgard de la culture de masse , double dun suppos mpris pour la culture populaire. La plus connue, et aussi la plus rcurrente, est celle qui pointe lincapacit de cette approche prendre en compte les processus de rception. Dans un ouvrage consacr aux travaux sur le public, Brigitte Le Grignou souligne par exemple combien la thorie critique dAdorno et de ses collgues a contribu un refoulement du public cartant tout questionnement sur la rception des mdias ; elle parle mme de dngation dlibre procdant dune vision rifie et misrabiliste du public comme masse amorphe et passive (Le Gri-gnou, 2003, p. 14). Adorno sen serait tenu au constat dune rification gn-rale des individus qui, privs dautonomie, sont aussi dmunis de la capacit de juger et de sopposer face aux produits de lindustrie culturelle (ibid.).

    Dans la mme perspective, de telles critiques soulignent combien, pour Adorno, la socit moderne est rifie de toute part, chaque entit trouvant place dans une totalit ferme, toute diversit tant crase sous une standardisation in-luctable, dtruisant les possibilits mmes de la critique et de la rsistance. Pourtant, on peut se demander, soulignent ces mmes critiques, si les proces-sus de consommation et de rception des produits de lindustrie culturelle ont bien leffectivit quvoquent Adorno et ses collgues, celle dadhrer lor-dre tabli, dagir de manire conformiste sur le sens qui relie chacun lordre social en reproduisant le statu quo. Si cette critique refuse en gnral une telle conception de la socit rifie, elle souligne aussi lerreur d internalisme laquelle aurait succomb Adorno en dduisant leffectivit des produits cultu-rels de leur facture interne (pour une synthse de ces critiques, cf. Thompson, 1990, pp. 103-106 ; Habermas, 1987). Ce serait une erreur lie labsence de prise en compte de la rception, car on ne peut prsumer des caractristiques dgages par les analystes des produits de lindustrie culturelle un effet prcis dans leur appropriation par des individus ou des groupes spcifiques. Selon cette critique, Adorno vacuerait la complexit de la rception, laquelle impli-que une activit dinterprtation pour assimiler le contenu des produits cultu-rels lhorizon du monde vcu de groupes ou dindividus particuliers.

    Ces critiques ont une longue histoire qui ne date pas dhier. Les premiers pas de la rception dAdorno en France taient dailleurs marqus du sceau du scep-

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    ticisme. Sinspirant, on la dit, des travaux dAdorno sur la culture de masse, Edgar Morin ntait lui-mme, ds le dpart, pas avare en critiques : il y voyait une perspective homogne excluant toute part de crativit au sein de lindus-trie culturelle (Morin, 1962). Cest ainsi que, trs vite, les conditions dune discussion sereine sur lapproche adornienne de la culture et des mdias ont fait dfaut en France. Mais ce malheur , pour reprendre le terme de Miguel Abensour, ne concerne pas seulement ces domaines spcifiques mais luvre dAdorno dans son ensemble, au point que, selon lui, on ne peut gure parler dune rception dAdorno en France, en particulier si on la compare avec celle de Heidegger. Ainsi, remarque-t-il, les lments qui constituent une rcep-tion ont fait dfaut, savoir un foyer de dpart, un groupe ou des groupes de disciples franais, la mise en place dune transmission, la dtermination des critres de lgitimit ou de lgitimation. () Rien qui se rapproche dun mou-vement philosophique travaillant la rception dune uvre inconnue ou mal connue en France. () Nous sommes en prsence dune situation paradoxale. Si Adorno nest pas entirement traduit () plus de vingt volumes (l) ont t (). Comment se fait-il donc quun tel travail de traduction nait pas entran une rception plus manifeste, plus vidente ? Rares en effet sont les philoso-phes ou les sociologues qui travaillent avec Adorno, sur les pistes ouvertes par lui (Abensour, 2005, p. 25).

    Le constat dress par Abensour est cinglant, mais raliste, et les annes qui nous en sparent, puisquil remonte 2005, ont peu chang la situation. Cela dit, les raisons de ce malheur restent floues ; on peut toutefois imaginer que la difficult de luvre dAdorno et les connaissances quelle requiert pour sy orienter ne constituent pas le dernier des obstacles. Outre le fait que des textes importants nont pas encore t traduits, sajoute lamplitude du spec-tre disciplinaire dans lequel Adorno sest inscrit et dont il faut avoir quelques notions pour se reprer dans ses travaux (philosophie, esthtique, sociologie, psychanalyse). Cest une des difficults de la rception dAdorno en langue franaise que davoir eu tendance lenfermer chaque fois dans un domaine particulier, lexclusion des autres : lu comme philosophe, il lest lexclu-sion de son esthtique musicale, lu comme psychologue social, il lest lex-clusion de sa philosophie, lu comme musicologue, il lest lexclusion de sa sociologie, etc. Si les monographies musicales sur Wagner, Mahler, Schnberg, sont connues et discutes, comme dailleurs sa sociologie de la musique, il reste encore beaucoup faire dans les deux autres grands domaines dans les-quels se situent ses travaux - lexception notable des traductions effectues depuis (Adorno, 2007, 2008, 2010 et 2011) et de ltude imposante de Gilles

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    Moutot (2010) - la philosophie et la sociologie. Certes, les grands traits de sa philosophie ont t discuts et sont connus, mais le champ explorer reste vaste ; quant lapport dAdorno la sociologie, il reste largement mconnu en France 3. Cest toutefois ce cloisonnement mme, entre un Adorno musico-logue, philosophe ou sociologue qui a t jusquici un des obstacles la rcep-tion de son uvre, chacun sintressant un aspect prcis de cette dernire en lisolant de lensemble. Adorno est pourtant toujours tout la fois philosophe, sociologue et musicologue, et bien malin qui parviendra isoler ces diffrents niveaux dans ses textes. En dfinitive, luvre dAdorno doit tre lue comme un tout si lon entend sy orienter en tant juste avec son auteur, si lon veut tablir des interprtations heuristiques et novatrices ou encore mener des critiques fondes. Et ce nest pas l la moindre tche, ce qui ajoute encore la difficult de sa rception.

    Toujours est-il quen France, cette absence de discussion et dinterprta-tion vritables de luvre dAdorno a laiss le champ libre, en sociologie, dautres approches de la culture, des mdias et des arts, notamment celle de Pierre Bourdieu et son quipe, attentive la culture lgitime , aux hi-rarchies culturelles et aux diffrenciations des pratiques culturelles selon des habitus de classe. Face cette approche sociologique qui commence sim-poser ds les annes 1960, la sociologie de la culture dAdorno semblait se restreindre la thse de la massification partir dun concept problmati-que de masse . Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron sen prenaient en effet la mass-mdiologie abstraite pratique par le Centre dtudes de communication de masse (Cecmas), qui sinspirait librement de lapproche adornienne de la culture de masse, et dont ils moquaient le discours pro-phtique () sur les nouveaux moyens de communication et succombant une vulgate pathtique (Bourdieu et Passeron, 1963). Adresse leurs collgues immdiats du Cecmas, cette critique nen gratignait pas moins, au passage, lapproche francfortoise.

    Quant aux approches centres sur les pratiques ordinaires, les formes dac-tion situes ou les modes de dtournement culturel (de Certeau, cultural stu-

    3. Quelques exceptions notables relativisent quelque peu ce tableau : le numro de Tumultes (Abensour & Muhlmann, 2002) dont certaines contributions portent sur la sociologie dAdorno ainsi que le texte de Jean-Marie Vincent dans le Dictionnaire Marx contemporain, Paris, PUF, 2001. noter que plusieurs textes dAdorno susceptibles dintresser plus directement les sociologues nont pas encore t traduits, malgr la publication de Socit : intgration-dsin-tgration. crits sociologiques (Adorno, 2011).

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    dies), lapproche adornienne des mdias et de la culture ne savrait gure plus attrayante. De ce ct, Adorno a t lu comme un marxiste attach la seule critique de la domination, peu proccup par les activits de rception et dinterprtation et focalis sur lemprise des institutions mdiatiques, lab-sence de ractions critiques leurs gards, voire par lalination et la fausse conscience de ses destinataires. Plus rcemment, les tenants du programme pragmatiste dans les sciences sociales ont assimil sans distinction Adorno Bourdieu, le plaant l encore exclusivement du ct des thories de la domination (Lemieux, 2002) ou alors du ct des approches normatives (et litistes) de la culture et en particulier de la musique (Maisonneuve, 2009). Si Adorno a pu parfois veiller un intrt certain du ct de cette sociologie, cest sur des points ou des concepts prcis, l o ces commentateurs pensaient pouvoir reprendre des lments de sa thorie sans en endosser ldifice ce qui est notamment le cas des travaux dAntoine Hennion sur la mdiation qui se rfrent explicitement Adorno (Hennion, 1993).

    Ainsi, plus se manifestait un intrt, en France, pour les thories de la rception et les perspectives proccupes par la rappropriation ou le dtournement des messages par les publics destinataires, plus la perspective adornienne deve-nait une sorte de repoussoir incarnant, la limite, tout ce quil faut viter en termes dtude de la communication et des mdias. Le regain dintrt rcent pour des cultural studies longtemps boudes renforce encore cette tendance ne pas senqurir des apports adorniens la sociologie de la culture et des mdias. Enfin, on ne saurait terminer ce bref panorama sans voquer le fait que, dans les domaines o le concept adornien dindustrie culturelle est le plus mobilis lheure actuelle, savoir lconomie de la culture et de la communication, son usage sest loign du sens que lui confrait Adorno il y a plus dun demi-sicle. Dun concept critique, il est devenu un concept descriptif, servant qualifier les entreprises uvrant dans le domaine de la culture.

    Voici donc, en quelques lignes trop sommaires, le panorama susceptible dex-pliquer une certaine marginalisation, en France et dans lespace francophone, de lapproche adornienne de la culture et des mdias alors mme quelle occupe une place non ngligeable en Allemagne et dans lunivers anglo-saxon. Il existe cependant des exceptions notables ce constat, notamment les tra-vaux de Paul Beaud qui se rclamaient, de prs ou de loin, de lhritage ador-nien (Beaud, 1984, 1997 ; Voirol, 2008). Ce numro de Rseaux consacr Adorno entend explorer dautres perspectives et ventuellement ouvrir dautres pistes de lecture et dinterprtation de luvre du sociologue et philo-

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  • Prsentation 15

    sophe francfortois. Il fait le pari de revisiter Adorno selon des points de vue divers mais complmentaires. Trois angles ont t privilgis.

    Premirement, il propose de revenir sur des concepts ou des aspects connus des travaux dAdorno sur les mdias, comme celui dindustrie culturelle, en cherchant mettre au jour des aspects peu explors jusquici dans lunivers francophone. travers plusieurs contributions (Christ, Ruby, Voirol), on saperoit combien fausse est lide rpandue selon laquelle Adorno ne sest pas jamais intress aux processus de rception des produits de lindustrie culturelle, puisque ce dernier avait justement ax sa rflexion sur les desti-nataires de ces industries, en sinspirant la fois de la recherche empirique et des apports de la psychanalyse. Dans un mme esprit, plusieurs contribu-tions de ce numro proposent, entre autres, de revenir aux travaux empiriques dAdorno sur les mdias et la culture de masse, mais aussi de relier sa critique de lindustrie culturelle son approche globale de la socit moderne capita-liste cette socit administre souvent voque dans ses crits (Aposto-lidis, Voirol). Ceci implique notamment de mettre en vidence le lien tiss par Adorno entre, dune part, ltablissement dune structure capitaliste monopo-listique dans le monde de la culture et dans le systme industriel en gnral (cf. la thse du capitalisme monopolistique ) et, dautre part, la rception des produits de lindustrie culturelle et la conception de lindividu moderne dveloppe par Adorno et ses collgues (Christ). Enfin, cela suppose de met-tre en relation les travaux dAdorno consacrs lindustrie culturelle avec sa thorie esthtique (Ruby, Wellmer).

    Deuximement, ce numro de Rseaux, entend aborder des aspects rests mconnus dans les recherches dAdorno sur les mdias et la culture de masse, soit parce quils nont pas t traduits ce jour, soit parce quils ont t tenus pour mineurs. Cest notamment le cas des travaux empiriques sur la radio ra-liss aux tats-Unis la fin des annes 1930 par Adorno dans le cadre du Radio Research Project au sein duquel il a travaill aux cts de Paul Lazarsfeld (Adorno, 2010 ; Cefa, 2007). Albrecht Wellmer montre combien le concept dindustrie culturelle est insparable de la philosophie de la musique dAdorno et de sa conception spcifique de la musique lgre . Cest aussi le cas de sa recherche sur les adresses radiophoniques dun leader chrtien de la droite chrtienne amricaine (Apostolidis). Cela implique tout autant de relier ces travaux ceux de linstitut de recherche dans lequel Adorno les menait, qui faisait collaborer des disciplines aussi diffrentes que lconomie politique, la sociologie de la littrature, le droit et la psychanalyse (Christ, Voirol).

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  • 16 Rseaux n 166/2011

    Troisimement, lide consistant revisiter Adorno a pour but de privilgier des interprtations stimulantes de ses travaux, notamment en ce quelles ouvrent de nouvelles pistes pour la recherche dans le domaine de la culture, de lart et des mdias. Cest ainsi que plusieurs textes offrent un clairage plus nuanc sur le concept dindustrie culturelle (Apostolidis, Christ, Voirol), loin du concept lourd et ferm qui est souvent mis en avant dans les critiques adresses Adorno. Elles permettent, entre autres, de tisser des liens avec dautres cou-rants de la recherche dans ce domaine, notamment les cultural studies, ou avec dautres domaines dans lesquels Adorno sest situ, comme la sociologie de la musique, la philosophe esthtique ou la recherche empirique sur la radio (Apostolidis, Ruby, Wellmer).

    Le prsent volume sinterroge en outre sur la porte et la signification de la thorie adornienne de la culture et des mdias pour les recherches et lappro-che actuelle dans ces domaines. Il propose de jeter un regard sur cet auteur en faisant une lecture nuance qui sapplique dgager des pistes de rflexion, de recherche et de critique, sur la culture, les mdias et la communication notre poque. Cest en particulier sous langle de lindustrie culturelle que les apports dAdorno sont interrogs par les diffrentes contributions de ce volume, cha-que fois partir dangles ou dclairages diffrents. Mais le prsent numro ne fait pas non plus lconomie de la critique, comme en tmoignent plusieurs textes runis ici, qui soulignent de manire plus ou moins prononce certains problmes ou insuffisances de luvre dAdorno.

    Le texte dAlbrecht Wellmer offre une approche gnrale de la philosophie dAdorno en resituant sa conception de lindustrie culturelle, son approche de lautonomie de lart, sa critique de la culture ou encore sa conception de la musique lgre dans le cadre densemble de sa philosophie. Par cons-quent, loin de sen tenir la discussion dun aspect particulier de luvre dAdorno, ce texte situe sa conception de la culture de masse et de la musique dans cet ensemble thorique exigeant, au carrefour de la philosophie esthti-que, de la thorie sociale, de la sociologie de lart et de la musicologie. Cet entrelacement complexe disparat souvent lorsquon aborde Adorno, consi-dr dans bien des cas partir dun aspect isol de ses crits. Albrecht Well-mer montre combien lide de ngation ce qui nie ce qui est de manire factuelle et ce qui est socialement accept comme tel est lie lide de critique. Si des concepts comme la libert, la justice ou la vrit, transcen-dent lempirique et ne sont donc jamais solubles dans ce dernier, cest aussi le cas de lart. Adorno dveloppe une ide de lart comme ce qui va forcment au-del de ce qui est , et comme ce qui se confronte sans cesse avec sa

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    dfinition mme. En ce sens, lart dborde toujours face au prdfini et au fig ; il est en constant dplacement, et ce jusque dans la comprhension quil a de lui-mme. Cependant, lapproche de lart chez Adorno ne sen tient pas cela puisquelle consiste simultanment associer cette conception de lart comme ngation un lment historique et social : lart est pris dans son temps, il parle de son poque, y compris dans un langage ambigu et non dchif-frable au prime abord.

    Pour Adorno, lart est dautant plus social et historique quil nie cette dimen-sion et affirme son autonomie en tant quart, contre les contraintes du social. Autrement dit, cest en refusant lhtronomie et non pas en abdiquant devant les contraintes sociales que la socit est au mieux prsente dans les uvres dart. Wellmer montre que cest lattachement dAdorno une ide de lart comme ngativit qui explique sa focalisation sur le seul type de musique susceptible, ses yeux, dincarner cette ngativit : la nouvelle musique, celle de lavant-garde, faite dexprimentation et de refus des cadres tablis. Or, pour Adorno, cette musique est aux antipodes de la musique lgre produite en srie par lindustrie culturelle, dont le propre est dliminer cette ngati-vit en sajustant au monde tel quil est . Car elle annule ainsi la possibi-lit dune exprience du bonheur dont lexprience musicale est porteuse. Wellmer montre que cette conception exigeante de la musique permet certes de comprendre la critique adornienne de lindustrie culturelle et du jazz, mais quelle a aussi contribu enfermer Adorno dans une conception troite de la musique qui la empch de considrer des tendances et des phnomnes musicaux majeurs du vingtime sicle. Cela a rendu Adorno insensible aux innovations subversives et aux expriences dcoute collective au sein de la musique populaire, telles quelles ont notamment pu tre mises jour par les cultural studies. Albrecht Wellmer met ainsi jour lun des motifs profonds de ce point aveugle de lapproche adornienne de la musique et lun des principaux motifs de la critique adornienne de lindustrie culturelle.

    Cest galement en accordant une place centrale lesthtique adornienne que Christian Ruby examine dans sa contribution lapport dAdorno une his-toire culturelle du spectateur . Lauteur offre un clairage original sur la thse de lindustrie culturelle interroge partir de la rception. Christian Ruby montre comment Adorno reprend son compte le programme esthtique kan-tien, tout en critiquant sa conception rifie du spectateur. Lautonomisation de la sphre esthtique a donn naissance un spectateur contemplatif dans sa relation avec une uvre singulire, un spectateur qui a d appren-dre voir cette dernire esthtiquement, faire une exprience de plaisir non

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    guide pas lintrt, mais par le jugement esthtique. Si une telle exprience suppose une rflexivit articule une lvation esthtique sur fond de sens commun , cette libration esthtique du spectateur, selon Adorno, sest aussi accompagne de sa rification, car elle lenferme dans un modle uni-que et uniforme , cest--dire une conception du bonheur impose par une idologie de lArt prompte ftichiser luvre. Ce programme kantien aboutit ainsi une dpossession du spectateur sous le coup dun plaisir esth-tique modlis, prfigurant la soumission aux structures mentales imposes par les industries culturelles qui font de lart un loisir inclinant au plaisir superficiel : elles imposent lamusement dans la culture sous la forme dun divertissement se traduisant par limpratif de ne penser rien . Christian Ruby montre quAdorno envisageait toutefois une participation du spectateur dans la modernit artistique. En sappuyant sur lexemple de Schnberg, il montre que les uvres de lavant-garde artistique exigent une participation active de lauditeur pour pouvoir suivre le mouvement interne de la compo-sition. Sengageant ainsi dans la musique, il doit renoncer lcoute facile et aux bquilles habituelles dune coute qui sait toujours davance ce qui va se passer . Parce quelle contredit les formes artistiques habituelles et refuse le face face solitaire du spectateur et de luvre propre lart classique, luvre moderne est sans complaisance lgard de lauditeur : elle induit un processus esthtique qui nest plus gouvern par lunicit de la forme ou de linterprtation , mais par des pratiques participatives, reconqurant ainsi une mancipation tombe en dsutude dans le programme classique kantien. Mais ces pratiques participatives font dfaut au spectateur consommateur de lindustrie culturelle qui, par ses modes didentification et ses structures rp-titives, nexige rien de lui, suscitant davantage des attitudes convenues.

    Le spectateur est astreint ne pas percevoir luvre en elle-mme, aucune place ntant laisse la rflexion : le spectateur est rifi, dpossd de son auto-transformation, il se vit en consommateur apathique. Les pratiques parti-cipatives de lart moderne peuvent cependant proposer une forme de rsistance face lindustrie culturelle permettant un devenir sujet : luvre moderne opre une critique de lexprience immdiate de consommation, comme de la relation esthtique classique, elle aide rsister la corruption actuelle de la culture en apprenant aux individus se consacrer aux choses de lesprit et se donner une consistance individuelle en ranimant la conscience criti-que. Le sujet qui se cultive se rapproprie activement la culture, il rsiste ce qui lui est impos, mais aussi se lie dautres dans la rciprocit mutuelle . Christian Ruby souligne cependant que cette possibilit du devenir sujet chez Adorno est relativise par le fait que le spectateur dart moderne est sou-

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    vent indispos recevoir ce quon lui prsente : force dtre rifi dans ses expriences, il tend lui-mme rifier les uvres dart, y compris celles qui exigent de lui autre chose. Adorno montre aussi, selon Christian Ruby, que lart moderne nest pas toujours synonyme de rsistance et que, dans bien des cas, il ne facilite pas la critique des aveuglements et de la vie mutile. Ds lors, il nest pas sr que cette participation appelant lmergence dun sujet favorise la critique de lindustrie culturelle. Christian Ruby reproche ds lors Adorno de ne pas envisager une pratique libratrice qui ne se contente pas dinviter chacun se rapproprier la culture, mais se proposerait de rveiller en chacun de nouvelles capacits lutter pour son mancipation . partir de cette discussion critique, il esquisse la possibilit de ne vouloir ni la restaura-tion du pass esthtique, ni ladaptation lindustrie culturelle.

    Cest dans une perspective assez proche que Julia Christ aborde la question de la culture chez Adorno, galement envisage sous langle du devenir sujet . Julia Christ se lance dans une reconstruction originale de la conception de la culture chez Adorno, montrant que la culture renvoie chez ce dernier aux figures du rel travers lesquelles seffectuent les sujets . Une thorie de la culture examine par consquent la manire dont les pratiques culturelles per-mettent ou empchent une participation active des individus singuliers et une effectuation de la culture travers lindividu singulier . Pour ce faire, plutt que demprunter la voie classique des crits esthtiques dAdorno, elle se tourne vers sa thorie de la connaissance. Sur cette base, elle montre que, pour Adorno, la culture nest pas un objet , mais une pratique dans laquelle les sujets sont toujours dj insrs. Adorno ne postule pas pour autant la prexistence dun sujet se formant dans un processus qui le confi-gure face un rel culturel dj donn ; il ne prsuppose aucune forme originelle du sujet , car il sagit dune mdiation, un processus sans dbut ni fin. Adorno ne comprend pas le sujet de manire fige, mais partir de ses capacits pratiques : tre sujet, cest tre capable de synthtiser, de juger et dagir , et ces activits sont productrices de nouveau. Cest partir de l que Julia Christ dveloppe sa thse centrale : pour Adorno, la culture doit elle-mme tre sujet et le contact entre le sujet venir et la culture ne peut tre quune forme daction commune impliquant deux capacits pratiques , puisque le sujet nobtient sa forme quau contact de la chose mme . Une fois reconstruite cette conception de la culture comme action commune des sujets , elle rinterroge la critique adornienne de lindustrie culturelle. La critique adornienne de la culture, dit-elle, tourne autour du problme de lavnement possible du sujet sous les conditions de la culture capitaliste . Selon Adorno, remarque-t-elle, cette constitution des capacits pratiques du

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    ct de lindividu est en effet remise en cause par le type de pratiques cultu-relles imposes dans le capitalisme avanc : ces dernires obligent lindividu une rptition infinie du dj connu. Sous lemprise de lindustrialisation, luvre dart sest faite marchandise, dtermine par la loi du march, au lieu de ltre par sa forme esthtique ; elle est soumise limpratif de la valeur dchange, sa capacit de circuler socialement et donc dtre consomme sans exiger defforts dinterprtation. Du coup, les pratiques culturelles se transforment en choses culturelles , empchant tout processus de dtermi-nation mutuelle entre elles et des individus singuliers. Son langage consiste rpter sans relche combien tout, dans la socit capitaliste avance, nest digne dexistence qu titre de marchandise. Aussi reste-t-elle sourde toute rponse, tout investissement phantasmatique dun sujet venir . Or cette chose dpourvue de capacit de rponse bloque tout espace daction com-mune o lun des partenaires accepterait la prsence dun autre lui aussi capable de parler. En un mot, souligne Julia Christ, la chose culturelle nest pas un Tu et ne reconnat aucun Tu face elle . On assiste ds lors une rptition du toujours-identique , comme dit Adorno : les produits de lin-dustrie culturelle enferment les individus dans la mmet et confirment la ralit telle quelle est ; ils les empchent daccder au statut de sujet en les excluant dune participation active la culture. La rptition apparat alors comme la seule pratique possible et la mmet est rige en norme lre du capitalisme avanc. Tout cela sopre sans recourt la contrainte : bien au contraire, la disparition des capacits pratiques du sujet est lie la disparition de formes culturelles contraignantes exigeant une participation active de la part des sujets. Cet enfermement dans la mmet prend aussitt la forme du repli sur soi et de ce quAdorno qualifiait de narcissisme collectif : privs de pratiques culturelles offrant une marge daction, les individus finis-sent par se satisfaire de ce quils sont et de ce quils ont, les marchandises culturelles devenant la forme propre de leur moi . Le narcissisme est donc un moyen de sen sortir dans un contexte o les frustrations de la socit infli-ges aux individus sont devenues insupportables pour eux : en labsence de rsistance ouverte, le narcissisme est la seule manire pour lindividu dtre nouveau content de lui-mme . Cest, souligne-t-elle, parce quAdorno a pris au srieux la dimension interactive entre lindividu singulier et le monde de la culture quil na pas su trouver ici et maintenant la forme saine daction commune qui pourrait constituer lhorizon normatif de la cri-tique de la culture . De cette critique se dgage enfin une mthode qui, selon lauteure, garde toute son actualit, celle qui consiste mener des analyses concrtes du monde objectal dpassant le seul commentaire de ce que dit la culture, pour sintresser ce quelle fait faire aux sujets .

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    Cest dans une vise similaire consistant examiner la pense dAdorno en explorant ses possibles renouvellements quOlivier Voirol propose doprer un retour sur le concept dindustrie culturelle. Pour ce faire, il revient sur son processus dlaboration, ds le milieu des annes 1930, jusqu ses reprises trente ans plus tard, en passant par son dploiement dans le second chapitre de la Dialectique de la raison ( La production industrielle des biens cultuels ). Il montre que le type danalyse de la culture offert par Adorno gagne tre resitu dans le cadre du dbat sur la culture de masse qui la oppos Benja-min comme Kracauer. Surtout, en se dmarquant de lide consistant ne voir dans ce concept que le seul fruit de la spculation philosophique coupe de toute recherche empirique, lauteur insiste sur le rle qua jou le groupe de sociologues et de philosophes runi autour de lInstitut fr Sozialforschung (IfS) dont Adorno faisait partie. Cest, en effet, lissue de recherches empi-riques sur la radio et les mutations de lcoute de la musique quAdorno est parvenu formuler thoriquement ce quil entrevoyait comme tant les traits saillants de lvolution de la culture lpoque du capitalisme monopo-listique . Ses recherches seffectuaient dans le cadre interdisciplinaire de lIfS dont les principaux travaux avaient t consacrs, ds la fin des annes 1920, lexamen empirique des processus de formation de la personnalit, croisant sociologie et psychanalyse. Cest dans ce cadre, comme le montre lauteur, qua pris forme la thse de lindividu faible qui est un des piliers de la thorie de lindustrie culturelle. Adorno ne pensait pas lapparition de ces industries en elles-mmes , il les reliait lensemble des mutations des socits capitalistes avances, impliquant la sphre conomique, la sphre familiale et la constitution de lindividu.

    Les relations tablies entre ces secteurs distincts taient notamment possibles, dans le cadre de lIfS, grce des recherches menes sur les transformations du capitalisme. Si lon ajoute cela les recherches menes, au mme moment, par Adorno dans le domaine de lesthtique musicale, on comprend combien sa rflexion sur lindustrie culturelle et la culture de masse est insparable de cette constellation de disciplines alliant conomie politique, esthtique, psy-chanalyse et enqute sociologique. Cest seulement partir de cette constel-lation articulant intimement esthtique, conomie et psychanalyse, que le concept dindustrie culturelle peut tre saisi dans sa richesse et sa complexit. Cest ainsi que ressort la perspective originale ayant men la critique ador-nienne de la culture dont la difficult conceptuelle est souvent oblitre, tant le rle de cet arrire-plan sociologique et interdisciplinaire passe inaperu. En mme temps, Adorno dveloppe une pense dialectique, si bien que la mise jour des procds de lindustrie culturelle et de ses manires de sadresser

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    ses destinataires ne saurait tre dtache de sa philosophie esthtique. Ainsi, sa critique de la rgression de lcoute sous le coup de la marchandisation de la musique prend toute son ampleur lorsque lon a en tte le type de rela-tion esthtique quAdorno prsupposait comme constitutive de lexprience musicale : cest une relation exigeante, incitant une confrontation au matriau musical, invitant lauditeur une coute concentre qui lengage dans un processus de transformation.

    Cest parce quAdorno prsupposait intrinsquement ce type dexprience dans la relation musicale quil a observ, constern, sa mutation en exprience superficielle, lheure o stendait grands pas la forme marchande dans la musique ; cest l un des motifs de sa critique de la culture dans le capita-lisme monopolistique . En mme temps, lauteur montre que, si Adorno na jamais contest la critique formule dans la Dialectique de la raison, ses crits sur les mdias et la culture de masse rdigs dans la priode daprs guerre laissent entrevoir des dplacements qui tendent relativiser limage dune industrie culturelle hgmonique. Cest une conception moins ferme et homogne qui semble se dessiner dans ces textes, en comparaison au chapitre de la Dialectique de la raison, et cette conception ouvre des perspectives de rinterprtation. Cest pourquoi, selon Olivier Voirol, ces dplacements, ainsi que la constellation de disciplines et dapproches ayant donn naissance au concept dindustrie culturelle, doivent tre considrs de prs pour envisager des voies de recherche et de rflexion sur la critique adornienne de la culture et des mdias. Sur ce point, souligne-t-il, il convient galement de prendre en compte le fait que le concept dindustrie culturelle est articul un diagnos-tic de lpoque stipulant la substitution du capitalisme libral par le capita-lisme monopolistique , celle de ltat libral par ltat autoritaire, mais aussi lenvahissement de la socit et de la culture par ladministration, ainsi que la liquidation de lindividu autonome. Sil en est ainsi, alors toute tenta-tive de ractualisation du concept dindustrie culturelle doit prendre acte de la constellation interdisciplinaire dans laquelle il est apparu et tenter de repenser les articulations complexes quil propose.

    Le texte de Paul Apostolidis offre un clairage supplmentaire sur la tho-rie de lindustrie culturelle en revenant en dtail sur la recherche empirique mene par Adorno sur les missions radiophoniques de Martin Luther Tho-mas, un prdicateur de lextrme-droite vanglique amricaine. Cette tude inacheve, qui na pas t publie du vivant de son auteur, sinscrivait dans le cadre de la vaste enqute sur les types de personnalit, mene par Adorno et ses collgues au milieu des annes 1940 aux tats-Unis, et ayant abouti

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    La personnalit autoritaire (1950, 2007). Apostolidis souligne que le texte dAdorno The Psychological Technique of Martin Luther Thomas Radio Addresses est souvent pass inaperu, alors mme que la recherche quil expose a jou un rle important dans llaboration de la thorie de lindustrie culturelle. Cette tude fait ressortir certains procds de la mthode dialecti-que dAdorno, applique lanalyse de corpus mdiatiques concrets, et qui est le socle de sa critique de la culture. Adorno refusait en effet de rduire la culture, soit un phnomne de superstructure dtermin par la base conomique, comme tendait le faire le marxisme, soit une sphre part coupe des rapports socio-conomiques, comme tendait le faire lidalisme bourgeois. Selon lui, tout en contenant les antagonismes structurels de la socit dans leurs tensions formelles et leurs modalits de composition, les productions culturelles gardent un lment transcendant qui maintient lespoir de lmancipation.

    La critique dialectique dAdorno articulait ainsi immanence et transcendance : la premire tant requise pour identifier les schmas dordre et les moments de dsordre qui peuvent subsister dans la structure interne de lobjet , la seconde pour examiner les objets dans la perspective des relations sociales propres au contexte historique. Partant de lobjet mme et de ses proprits internes, la thorie interprte sa physionomie en rapport avec les conditions sociales en y dcelant la domination sociale dans un sens qui la renforce ou la conteste. Selon Adorno, la facult de la culture rsister la domination dpend surtout de la rsistance quopposent ses lments internes et particuliers se soumet-tre une harmonie esthtique superficielle . Cest la raison pour laquelle il nenvisageait gure de tendances la rsistance dans les produits de lindustrie culturelle qui font clater la tension entre le singulier et le tout. Selon Apostoli-dis, Adorno applique la physionomie sociale dans son tude sur Thomas : il dchiffre le code secret selon lequel lobjet sexprime et reproduit la domina-tion sociale et reconnat les rsistances nigmatiques et utopiques de lobjet contre linjustice . Il porte une attention mticuleuse aux particularits imma-nentes du discours de Thomas, avec un gard pour sa singularit et sa com-plexit interne, tout en tirant des conclusions quant aux conditions sociales et conomiques des formes de cet objet. Selon Apostolidis, Adorno montre ainsi, dans son tude, que les phnomnes de la culture de masse peuvent tout autant que les uvres dart exprimer et inspirer de la rsistance . Cette tude prouve ses yeux quen de notables occasions, Adorno a largi les horizons intellectuels de sa thorie de la culture de masse . Par consquent, dans cette tude, Adorno envisage la culture de masse moins sous langle de la thorie de lindustrie culturelle que sous langle de la physionomie sociale : elle per-

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    met de rendre compte, partir de lanalyse dmissions de radio, de lidologie et des techniques dadresse de la droite chrtienne amricaine. Lauteur montre que cette tude empirique a t un vaste chantier de prparation de la thorie de lindustrie culturelle ce qui en soi, la rend intressante pour des raisons intel-lectuelles et historiques. En mme temps, Apostolidis critique Adorno pour navoir pas t consquent avec sa propre dmarche dans cette tude : il sest arrt en cours de route, ne faisant quesquisser des pistes sans les avoir dve-loppes de manire systmatique pistes qui allaient justement dans le sens de lide que la culture de masse peut galement rsister la domination. Des conclusions htives ont selon lui empch Adorno de mener sa critique dialec-tique jusqu son terme, cela parce quAdorno a trop vite opt pour la thse de lindustrie culturelle. Selon Apostolidis, cette limite confirme lambivalence dAdorno quant aux capacits ngatives de culture de masse, tout en offrant une entre inhabituelle dans la thorie de lindustrie culturelle.

    partir de l, lauteur propose de combler le vide laiss par Adorno en pro-cdant une physionomie sociale du discours de Thomas, celle qui aurait merg si Adorno avait men jusquau bout la critique immanente de ce ph-nomne . Il offre ensuite un aperu de ce que cette critique dialectique adornienne suggre propos de la relation entre la radio de droite chrtienne contemporaine et les changements structurels actuels dans lconomie poli-tique . Cette dmarche permet didentifier des lments didologie et de rsistance dans les missions radiophoniques de la droite chrtienne.Selon lauteur, ces considrations plus politiques invitent rexaminer aujourdhui la fonction spcifique de lindustrie culturelle dans Martin Luther Thomas puisquAdorno saisit la fusion persistante du conservatisme chr-tien et de la culture de masse . Selon lui, la culture de masse conservatrice chrtienne nengendre pas toujours cynisme et dsillusion, car elle nourrit parfois les espoirs les plus utopiques de son public, ne serait-ce que de manire furtive . Le fait de reprer, laune de la critique dialectique, la fois des l-ments idologiques et des moments de rsistance dans la radio de la droite chrtienne, permet de comprendre la force dattraction du discours religieux du conservatisme chrtien qui na gure perdu de son actualit.

    On trouvera en varia deux contributions dEmmanuel Kessous et Marie Bergs-trm, consacres la manire dont la toile reconfigure pour partie les stratgies amoureuses. Les deux textes abordent la question de la rencontre en ligne sous deux angles diffrents et complmentaires. Larticle de Marie Bergstrm se donne pour objectif de cartographier lInternet franais concernant la rencon-

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    tre en ligne. Lauteure rpertorie ainsi 1045 sites, en interroge par question-naire 145 et analyse plus profondment les caractristiques de six dentre eux. Son analyse vise dcrire les cadres normatifs supports par larchitecture des sites en question, cela partir de deux critres, lorientation sexuelle, dune part, le type de pratique, dautre part. Elle montre que le design des sites des-tination des htrosexuels, des gays ou des lesbiennes, ainsi que ceux visant promouvoir les rencontres dites srieuses , libertines ou BDSM nont pas de caractristiques totalement identiques, ni les mmes codes smiotiques. Cela dnote des reprsentations sociales associes la sexualit des diffrentes populations concernes.

    Lapproche dEmmanuel Kessous est davantage focalise. Sintressant ga-lement aux appuis normatifs des sites, il laborde par lutilisateur au travers dune tude ethnographique limite aux sites htrosexuels et la recherche dune relation stable et durable. La question pose par cet article est celle du type dpreuve qui pose un espace dappariement dessin comme un espace de calcul, et ce dautant plus quune partie des normes fixes par les sites le sont pour des raisons de valorisation commerciale. Sappuyant sur les catgo-ries danalyse de lconomie des conventions, lauteur propose dclairer les interrogations sur la rencontre par la rationalit limite. Sa conclusion est en partie inattendue. Dans un espace dessin pour le calcul et lhyperchoix, cest par la capacit des protagonistes arrter de calculer et ne pas rpondre aux nombreuses sollicitations des partenaires potentiels, pour se concentrer sur lun dentre deux, quils peuvent effectivement russir se rencontrer. Les conventions de la rencontre amoureuse en sont ainsi modifies.

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  • 26 Rseaux n 166/2011

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  • 28 Rseaux n 166/2011

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