Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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Olivier DEMAZET L’ENFANCE DE L’ART Préface de Vital HEURTEBIZE

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poetry child smile joy

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Olivier DEMAZET

L’ENFANCE

DE L’ART

Préface de Vital HEURTEBIZE

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L ’ E N F A NCE

D E L ’ A R T

« Ne méprisez la sensibilité de personne.

La sensibilité de chacun, c’est son génie. »

Charles BAUDELAIRE

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Du même auteur :

- Pages Anthologiques (1963-1986).

- Foi d’Animal (1978).

- Histoire de dire (1982).

- Silhouettes (1984). Préface de Gilbert Patout.

- Natures Vives (1985). Préface de Jean Darweil.

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OLIVIER DEMAZET

L’ENFANCE

DE l’ART

Préface de Vital HEURTEBIZE

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S’il apporte beaucoup de sérieux à ce qu’il écrit,

Olivier Demazet, lui, ne se prend pas au sérieux. Au point

d’avoir un moment songé à sous-titrer son recueil d’un

néologisme : Poèmes et « Motises ».

Je reprends le terme à mon compte pour dire qu’il ne

convenait vraiment pas : pour paraître parfois légère, du

moins dans la forme, la poésie d’Olivier Demazet n’en est pas

moins dense et grave, et si le poète fait mine de rire des sujets

qu’il traite, c’est à l’évidence pour nous cacher par pudeur

quelque cicatrice du cœur prête à saigner encore.

Non, ce recueil n’est pas un motisier : ces poèmes ont

quelque chose d’indicible et de poignant. Mieux que des

motises, ce sont plutôt des éclats de lyre, des éclats qui

laissent des traces.

Vital HEURTEBIZE

Inspecteur départemental

de l’Éducation Nationale

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DERRIÈRE LES VITRES

La petite fille toute blonde

Voudrait courir après les nuages

Qui jouent à s’attraper font la ronde

La course et se tapent au visage.

La petite fille toute blonde

S’extasie au soleil qui sommeille,

Tend la main à la moiteur du monde

Et rit au rayon qu’elle réveille.

La petite fille toute blonde

Fait la moue aux gouttes qu’elle appelle :

Ne tombez pas si vite ou je gronde,

En miettes vous serez moins belles.

La petite fille toute blonde

Crie encor aux diamants qui se brisent :

Voulez-vous rentrer vite où je gronde

Ne vous mouillez plus sous la pluie grise.

Herbault, le 31 décembre 1963.

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DITES-MOI

Dites-moi,

Comment fait-on

Pour marcher quand on marche

Pour penser quand on pense

Pour chanter quand on chante

Pour aimer quand on aime

Pour pleurer quand on pleure

Pour vivre quand on vit

Pour mourir quand on meurt ?

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L’ENFANT DES NEIGES

Ô ténèbres des neiges !

Vous qui tombez ce soir

De votre ciel de plomb,

Que votre pesanteur est lourde !

Vos flocons qui nous mordent

Sont des pinces coupantes

Descendues pour sceller

Le linceul de lumière

De cet enfant des neiges

Qui nous est mort ce soir.

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VENTR’OUVERT

Le soleil rosit les vapeurs de Septembre,

Les tiédeurs brunes de la chambre,

Les fleurs qui épanouiront la nuit,

Une tête d’enfant aux songes de suie,

Les draps tortillés sur un lit

Où l’on crie.

Le docteur du soir venu des étoiles

Va interdire aux Squales

Des abîmes, lames qui dévorent

La Carcasse et la Mort,

De périr Septembre

Qui s’accroche à la Chambre.

Le Docteur du soir venu des étoiles

Va emmener Septembre au sommeil de l’éther

Sur la table de l’hiver

Enchaîné aux Enfers,

Va crever les yeux gris-vert

De la gangrène qui ose

Égrainer dans l’antre

Le ventre

D’un enfant tout rose.

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LA DENT

La mère à la lessive

Le plus grand au jardin comme une source vive,

Les cadets frère et sœur

Tournaient au fil de l’heure,

Tout autour de la table,

En récitant des fables

Allaient et revenaient,

Chantaient à deviner

Des chansons de leur cru

Pour chasser Lustucru.

La sœur suivait le frère

Le frère suivait la sœur ..., et mystère !

L’harmonie la cadence cessèrent :

La dent avait quitté la gencive du frère,

Avalant son souffle sa chanson et sa dent

Tout crûment.

Les cadets frère et sœur

Tournaient au fil de l’heure

Tout autour de la table,

Ce n’était plus les fables,

La belle dent d’ivoire

En larmes de miroir

Allait et revenait

Partait se promener.

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La maman remonte cajole

Questionne console,

Mais la dent engloutie, non, ne reviendrait pas.

C’est l’adieu, le trépas.

Les larmes tintèrent éperdument le glas.

La maman excédée rapidement régla,

La question de la dent

Quelque part en suspens.

Mets ton chagrin dehors !

Si vous pleurez encore,

Elle te poussera ... où je pense !

Reprenant leur mouvance

Les cadets frère et sœur

Tournaient au fil de l’heure

Tout autour de la table

Pour l’Irrécupérable.

Montauban, le 20 mai 1965.

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MES DEUX NIÈCES ou L’HOROSCOPE

Jolies comme des fleurs, pimpantes mes deux nièces,

Tourbillons gribouillants, papillons gazouillants,

Tissent de cette vie un poème charmant,

Et mettent la maison de leur Mamie en liesse.

En amande les yeux, Annie porte sept ans.

Elle brode des chansons, elle aime la tendresse.

Ou en méditation peut sombrer de tristesse.

Mais Christine coquine au rire caressant,

Aux cheveux en blé blond : quatre ans de pirouette.

Ses cheveux bleus éclatants sont des jeux le signal,

On danse en rond on chante on fait le carnaval,

On joue à la maman. Le roman ne s’arrête.

« Moi je suis du berceau, dit Annie à sa sœur,

Toi de la balançoire on a bien du bonheur ! »

28 novembre 1963.

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LA CHÈVRE ET L’ENFANT

Dans une cour de ferme, le petit garçon joue, accroupi.

Espiègle, passe une chèvre noire qui s’engouffre sous l’arche

des jambes de l’enfant relevé, affolé ...

Le voici qui sursaute, tressaute à califourchon, en tête à

queue, sur l’échine emballée. Pris de hoquets, il jette des

regards fixes.

La croupe de la chèvre bondit et rebondit. Les éclats de rire

jaillissent alentour. Le chevrier, crispé, s’agrippe à ses rictus,

à la pelisse.

Dans la poussière de la peur, galope un monstre bicéphale à

six pattes et à deux mains, à double signal d’alarme.

Plus le gamin hurle, plus la bête bêle, plus les rires fusent ...

Cet étrange équipage fonce dans l’infini, sur la piste de

l’instinct, tout autour de la ferme.

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Soudain se finit l’infini : la chèvre freine sec, s’arc-boute et,

d’un bref coup de rein, désarçonne sa charge. Le cavalier

dérisoire, monté trop à l’envers et vite démonté, se retrouve

à terre, jambes écartées, l’air indigné, soulagé. Les rires se

coupent net.

La mère récupère le fils intact et l’embrasse.

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UNE FLEUR

« Je marcherai, les yeux fixés sur mes pensées

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit.»

Victor HUGO

Un gâteau pour son anniversaire

Et quatre lumignons allumés,

Des guirlandes, des fleurs animées,

La table parfumée de mystère.

La promenade sur la route,

Une nounou qui serre et cajole,

Une auto dans une course folle,

Une fleur à cueillir qui envoûte.

Des freins, des cris, des pleurs et des gestes,

Une fleur et un enfant qui planent,

La blancheur d’un sourire qui fane,

Le souvenir d’un soleil qui reste.

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GUÉRI

Gosse ressuscité et maman guillerette !

Elle fait sa toilette,

serre fort tout près d’elle

Ah ! Que la vie est belle !

La serviette dessine en petits ronds fripons.

Qu’il est bon le savon

qui caresse l’eau pure !

Bien finie la vie dure.

Pars vite dans les prés cueillir des primevères,

des bouquets de fougères

dans les bois de grand-mère.

Chasse l’aurore et ciel, vite avec ton grand-père

Maternelles promesses,

enfantines prouesses !

Dès ce jour il s’élance

du ténèbre des transes

vers un songe d’éveil

vers son cœur de soleil.

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LA REINE-MÈRE

Elle s’en va

va et va

au catéchisme

quatre et six

catéchisme

cathédra cathédrale

Elle s’en va

va et va

voir une Mère

supérieure

à ses filles

filles et belles filles

Elle s’en va

va et va

droit vers chez elle

ailes ailes

Elle a vu la

Reine-Mère et ses filles.

M. 9 juin 1967.

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1938-1939

Pâleur ensoleillée de cette fin d’été,

incandescence mouillée,

tentacules indécis qui serpentent

sur la campagne chauve

sur la vigne gonflée d’effluves vermeilles,

sur le crépuscule de mes huit ans

de mes huit ans

assourdis dans le bourg

par les coups de tambour

étreignant les villageois

agglutinés autour du vieux garde-champêtre

qui publie un avis rauque.

Il était bien huit heures dix à sa démarche.

Il a parlé de mer, de l’air, de la terre.

Les vacances pourtant en douceur déclinaient.

Et mon père arriva

dans son uniforme de petit officier.

Papa va se faire photographier ?

Mais qu’est-ce que c’est qu’un officier ?

C’est celui qui va à l’office ?

Qui s’en va au feu d’artifice ?

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Et mon père a dit

qu’il avait été quatorze et puis dix-huit

qu’il ne tenait pas à être trente-huit,

Et puis on a parlé de Daladier, de Munich.

Alors chez des amis, on s’en va en pique-nique ?

Passa le vieux garde champêtre,

l’année d’après, mais sans peut-être

Ainsi pour la première fois,

grâce à ce tambour de la loi,

je sus ce que c’est que la guerre,

même sans avoir à la faire.

Mai 1965.

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FÊTE DES MÈRES

Ô devine ma pensée ma mère

Ô chemine ta pensée ma mère

Je vais chanter un air

frais tout frais de ma chair

et t’offrir un cadeau

réjouissant comme un poisson dans l’eau

De tout toi je suis né

tout moi j’irai donner

Ce n’est pas un bateau

Ce n’est pas un chapeau

Ce n’est pas un avion

ni même un papillon

Ce n’est pas non plus un joli sac

avec l’argent qui craque

Ce n’est pas une robe

il y en a partout sur le globe

Encore moins un livre

C’est moi qui suis ton livre

Devine ... quoi ?

Ah ! Tu vois ?

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Ce n’est pas un réveil

puisque mon bonheur sonne à ton cœur

la nuit dans ton sommeil

Oh ! ce n’est pas la Terre

ni la Mer

ni la plage et la dune

ni la montagne brune

Devine ... Quoi ?

Ah ? Tu vois ?

Ce serait le Soleil

vrai soleil

comme une fleur il brille

et roule roule au-dessus de l’eau

comme une grosse bille

Dans mes mains dans mon dos

je tiens une fleur qui vole

tournesol

un chaud tourne-soleil

vrai soleil

cueilli en plein soleil

vrai soleil

qui réjouira ma vie

et ma vie

tournesol, tournesol

qui chante ré fa sol.

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UN COUP PENDABLE

« C’est la mort seule qui transforme une vie en destin. »

MALRAUX

Il était un garçon qui souffrit quatorze ans

Le clapier le bâton et l’alcool en famille,

Qui finit par franchir de son taudis la grille,

Tripe vide et cœur plein, le mégot chantonnant.

D’école et de prison s’évaporant fumant,

Dans les rues, dans les bois, imitant la chenille,

Par la force escorté, affamé en guenilles,

Sur un vélo volé, il fut pris en grognant.

Ceinturé, l’enfant crie : « Je connais bien le Juge,

C’est lui seul que je veux ! » « Chez toi, c’est ton refuge ! »

Lui dit son protecteur : « Oh surtout, non pas ça ! »

Rit le rebelle hautain : « J’aime mieux ma cellule ! »

Il mâcha, rabâcha son malheur, puis toussa,

A la corde il fixa une vie qui pullule.

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SYLVIE

A Sylvie Demazet, ma fille.

Sylvie

en féerie

s’en va au lit

rêver un instant

d’un papa

d’une maman

et d’une vie

Sylvie

la chérie

s’en va au lit

rêver un instant

de son papa

de sa maman

et de sa vie

Page 24: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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A VOUS ...

Aux enfants côtoyés.

A vous

Qui n’avez plus rie,

je vous donne Noël.

Je vous donne à Noël

l’espérance et le pain

au chemin de la vie.

Noël du monde entier.

Noël du siècle entier.

A vous

Qui n’êtes plus rien

Je vous donne Noël.

Je vous donne à Noël

et l’amour et la paix

pour l’été de la vie.

Noël du monde entier.

Noël du siècle entier.

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CORNEMUSE

Je m’amuse

à la cornemuse

car elle broie,

met en croix

toute proie,

grosse voix,

qui ruse

avec ma cornemuse.

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QUEL ÂGE

- Quel âge as-tu ?

- Je ne te le dirai pas.

- Pourquoi ne veux-tu rien dire ?

- Parce que je ne sais rien.

- On doit le savoir à ton âge.

- Comment le sais-tu,

si tu ne connais pas mon âge ?

Page 27: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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LA FRÊLE FEUILLE

Il était un vieil arbre, triste et ridé,

qui, dès l’automne, se défeuillait.

Seule, subsistait une ultime feuille,

une frêle feuille ...

Elle aimait tant son vieux chêne

que, vivre avec lui, elle voulait pour toujours.

Mais survint l’hiver et les misères.

Un jour, plus une nuit, il neigea.

La frêle feuille frémit, chuta, mourut,

ensevelie sous l’épaisse couche blanche.

Une mort immaculée

sous la neige déjà maculée.

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UNE FORET

Dans mon jardin j’ai

un orme énorme

un charme en larmes

un saule en frôle

un chêne aubaine

un frêne sirène

un hêtre grand maître

un if canif

un cèdre dièdre

une forêt en plein jet.

UN SOLDAT DE PLOMB

Un soldat de plomb

dit à une croix de bois

J’en ai assez de votre volonté de fer

de votre cœur de pierre

de vos tempes d’argent

de vos pieds d’argile

Désormais je resterai de marbre

Page 29: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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LES JOUETS MARTYRS

Une auto mécanique

et un train électrique,

parfaites miniatures

inusables,

quittent leurs créatures,

adorables,

qui les expertisent

qui les martyrisent.

les pauvres jouets

d’amateurs doués

deviennent pour de vrai

des convois électriques

et des automatiques

pour hommes enivrés

de vitesse,

de richesse.

esclavage

bien sauvage,

se disent

les deux anciens joujoux

d’enfants aux bonnes joues

et visent

sur la route

de la déroute.

Page 30: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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le plus profond fossé

pour se débarrasser,

minables véhicules,

de leur vie ridicule ...

Ils s’en vont retourner

à leurs jeunes années

d’exquis amusements

avec leurs garnements.

Page 31: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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LE VENT

J’entends le vent

bonnes gens

il danse sur la France

J’entends le vent

bonnes gens

il souffle sur mon souffle

J’entends le vent

bonnes gens

il geint dans les sapins

J’entends le vent

bonnes gens

il grêle à la chapelle

J’entends le vent

bonnes gens

il chante en la tourmente

J’entends le vent

bonnes gens

il transe d’impatience

Page 32: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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J’entends le vent

bonnes gens

il neige en la venelle

J’entends le vent

bonnes gens

il appelle à Noël

24 décembre 1979.

Page 33: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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MON AMI JANOU

« Il y a une mélancolie qui tient à la grandeur de l’esprit. »

CHAMFORT.

Mon ami Janou, c’est un rêveur.

Au cours de ses promenades

qui traînent en douceur,

il songe, il songe, il ressonge

Il est le baladin des nuages,

le lutin du ciel,

qui fait de la luge sur les arc-en-ciel,

joue à la balle avec les étoiles,

dort le soleil à son chevet,

enflamme ses rêves aux météorites,

skie sur les nimbes cotonneuses

et lance des lunes de neige.

Histoire de lui remettre les pieds sur terre,

des pernicieux le questionnent :

- Que vois-tu, que fais-tu, que dis-tu là-haut ?

Page 34: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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Il répond tout naturellement

qu’il y rencontre les enfants de l’amour

aux jeux sans chamailles.

Et il reprend son ascension astrale

vers son monde à lui, tout heureux, tout simple.

Mais un triste jour qu’il flânait encore

au septième ciel

et qu’il traversait une rue sans lune ni soleil,

une auto réelle fauche sa riche vie célestine.

Page 35: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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DÉCEPTION

Il est des jours

où la campagne verte et bleue

s’ensoleille de vie.

Il est des jours

ternes, désolés, ombreux

où les minutent piquent.

Matin d’octobre ...

Les persiennes filtrent une lumière pâle

Le soleil, déjà ?

Fenêtres ouvertes

Nuages noirs gris

Jardin fatigué, désert d’oiseaux.

Silence des plantes

Attente humide des toitures

Premières dénudes lentes des arbres.

Mort taciturne des fleurs de l’été.

Partie de campagne avortée

Mélancolie autour du vide.

Nature immortelle

parfois mortelle de tristesse

Journée indécise.

Souvenir d’un automne morne

aussi long qu’une agonie

où je m’enfonçais.

Page 36: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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GOULAG

Regardez

toutes ces jolies petites goules

sur la planète

engoulaguée.

Je regarde

et ne rêve pas

Regardez

toutes ces jolies petites goules

sur la planète

dégoulaguée.

Je regarde.

Est-ce un rêve ?

Page 37: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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BALANCE

Je suis né de la balance

Je travaille en cadence

Je marche en cadence

La vie s’en balance.

Page 38: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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LE CONTRE-MAÎTRE

« Ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi. »

Farces, facéties ...

Thierry en sursis,

huit années clavecines,

butine dans la piscine,

rit, éclabousse, taquine

coquins et coquines,

gamins et famines

qu’il ravine,

en sourdine,

de ses touches anodines ...

Dans le petit bain,

le maître-nageur, en vain,

s’écrie : « - Veux-tu travailler ! ... »

Notre Thierry de railler ...

L’homme de l’art, donc, la chasse.

Le banni s’efface,

très fâché, puis tombe,

surpris, sur son maître en trombe :

Page 39: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

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« - Regardez-moi ce tableau !

Trappeur ! En vitesse à l’eau !

- Je ne sais plus ce que j’ai !

Vous Maître, dites d’aller nager,

mais le contremaître, enragé

par tous mes futurs projets,

crie, me poursuit, me renvoie !

Oh ! La grosse voix ! »

4 avril 1987.

Page 40: Olivier Demazet L'Enfance de l'Art

40

Derrière les vitres ................................................................ 6

Dites-moi ............................................................................ 7

L’enfant des neiges .............................................................. 8

Ventr’ouvert ........................................................................ 9

La dent .............................................................................. 10

Mes deux nièces ou l’Horoscope ........................................ 12

La chèvre et l’enfant .......................................................... 13

Une fleur ........................................................................... 15

Guéri ................................................................................ 16

La Reine-Mère .................................................................. 17

1938-1939 ........................................................................ 18

Fête des Mères .................................................................. 20

Un coup pendable .............................................................. 22

Sylvie ................................................................................ 23

A vous ... .......................................................................... 24

Cornemuse ........................................................................ 25

Quel âge ............................................................................ 26

La frêle feuille ................................................................... 27

Une forêt ........................................................................... 28

Un soldat de plomb ............................................................ 28

Les jouets martyrs ............................................................. 29

Le vent .............................................................................. 31

Mon ami Janou.................................................................. 32

Déception .......................................................................... 33

Goulag .............................................................................. 36

Balance ............................................................................. 37

Le contremaître ................................................................. 38