Offenses et actes hostiles commis par des particuliers contre un état étranger

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Offenses et actes hostiles commis par des particuliers contre un état étranger Author(s): Clunet, Edouard Source: Foreign and Commonwealth Office Collection, (1887) Published by: The University of Manchester, The John Rylands University Library Stable URL: http://www.jstor.org/stable/60235366 . Accessed: 14/06/2014 08:57 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Digitization of this work funded by the JISC Digitisation Programme. The University of Manchester, The John Rylands University Library and are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Foreign and Commonwealth Office Collection. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.228 on Sat, 14 Jun 2014 08:57:55 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Offenses et actes hostiles commis par des particuliers contre un etat etrangerAuthor(s): Clunet, EdouardSource: Foreign and Commonwealth Office Collection, (1887)Published by: The University of Manchester, The John Rylands University LibraryStable URL: http://www.jstor.org/stable/60235366 .

Accessed: 14/06/2014 08:57

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..b ^ UQ6,

©

OFFENSES

ET

ACTES HOSTILES

COMMIS PAR DES PARTICULIERS

UN ET1T ETRANGER

PAR

Edouard GLUNET

Avocat a la Cour d'Appel de Paris, Membre de l'Institut de droit international.

PARIS

MARGHAL ET BILLARD, Libraires dela Cour de Cassation

27, Place Dauphine, 27

1887

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Offenses et actes hostiles commis par des particuliers contre un Etat etranger (1).

Dans ces demises annees, l'uttention des jurisconsultes a cte attir6e a differentes reprises sur cette delicate partie du droit penal qui touche de si pres au bon etat des relations iaternationales. Ues faits recents qui se sont passes dans plusieurs pays, et notamment en France, en Allemagne et en Italie ont donne aux questions, que cette matiere implique, un intei-St dont Tactualitd n'est pas pres de finir. Le moment est venu d'examiner a ce point de vue l'fitat du droit positif, d'en constater les lacunes, et d'examiner s'il convient de les combler.

Une pareille recherche, il va sans dire, doit e"tre conduite avec le calme et l'independance des investigations scientiflques. Toute pre¬ occupation deplaire ou de servir n'a pas de place ici; une seule pensee est notre guide : montrerla reality des choses ety proposer les correc¬ tions compatibles avec l'etat d'opinion dans la soci6te internationale.

Les faits recents, auxquels nous faisions allusion, sont a, la me- moire de tous ; ils ont 6te reputes par les cent voix de la prease. En France, c'estla caricature du puissant ministre d'un Etat voisin qui eat vendue par les rues. C'est un journal, dont le titre et les articles ont pris a partie ce pays; il afflche a l'aide d'un transparent, ou d'un 6criteau des resultats electoraux faits pour deplaire k l'adver- saire qu'il s'est donne ; il fleurit meme les fenetres de son bureau de redaction de bouquets de drapeaux nationaux mariSs a ceux d'une tierce puissance.

(1) Nous donnons ici quelques extraits d'une monographie assez Vendue que l'auteur doit publier chez MM. Marchal et Billard, edi- teurs a Paris, sous ce titre : Offenses et acies hostiles commis par des particuliers contre un Etat etranger, le Chef de cet Etat ou ses Agents diplomatique*.

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OFFENSES ET ACTES HOSTILES

A la faveur de la licence traditionuelle des Jours Gras, en Alle- magne, c'est l'effigie du ministre de la guerre francais qui est trainee et bafouee par les voies publiques ; en Italie, c'est le mSme hommage rendu au ministre qui gouverne effectivement FEmpire allemand.

Voibi bien des exces, ou plus exactemenl, de m^chantes taquine- ries 1 — Mais ne sont-elles pas la consequence inevitable des riva- lites des nations? Elles se produisent dans l'interieur de chaque pays, comment n'en rejaillirait-il pas quelques-unes surv le sol du voisin V De tout temps il y a eu ainsi 4change de fleches par-dessus les frontieres.

Ce n'est pas la-dessus que les peuples ont jamais pris feu. Leur sang et le fruit de leur labeur sont reserve's a d'autres causes. Le plus sage n'est-il pas de faire comme si on n'etait pas touche. De nos jours la liberte de la presse et le droit de reunion n'ont-ils pas blase depuis longtemps hommes et gouvernements sur ces pi- qures (1).

Cependant, le gouvernement francais, dont l'Europe apprecie les incessants efforts pour le maintien de 1'harmonie entre les peuples, a seul poursuivi judiciairementles faits accomplis sur son territoire jusqu'ici l'Allemagne et l'ltalie se sont abstenus (2); nous recher- cherons plus tardsi leur legislationpenale leur permettait une autie attitude. La France a-t-elle mieux agi? La reponse a cette question est d'ordre politique ; elle est en consequence hors de notre domaine. Nous n'avons a nous engager ici que sur la terre ferme du droit positif.

Au surplus, notre but n'est pas de trouver la solution juridique de tel ou tel incident; notre visee est plus large. C'est la matiere mfime des offenses et des actes hostiles, eman6s de particuliera k l'adresse d'un Etatetranger, qui est l'objet de notre etude.

I

Offenses. — La qualification d' < offense > appliquee k un fait criminel a 6t6 assez rarement employee dans le code penal franjais.

(1) Le comte de Cavour, dans un discours celebre prononce' le 5 fe- vrier 1852 devant le Parlement cisalpin, constatait qu'il n'y avait pasde joura ou Napoleon III ne servit de cible aux journaux piemontais. '

(2) Une depeohe de Berlin du 2 mars 1887 annoncait qu'une enqueue aurait ete prescrite par le gouvernement allemand sur l'incident de Cologne.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER.

L'art. 86. C. P. s'en sert pour caractSriser des aetea diriges contre la personne du souverain et qui ne constituent pas des attentats, mais il l'a « laissee vague et indefinie » (1). On entend par cette expres¬ sion les attaques de toute nature, insultes par gestes ou paroles, ou¬ trages, diffamation,injures; elle constitue, suivant les cas et d'accord avec sa definition litteraire, « une injure de fait ou de parole > (2). Quelques lois speciales ont egalement employe ce terme, comme nous verrons plus loin. C'est en somme une expression generate et

comprehensive, qui englobe les actes materiels et immateriels. L'offense, ainsi entendue, si elle est commise envers un « Etat

•Stranger » par unparticulier, n'est pas reprimee par la loi franchise semblable en ce point a beaucoup de lois etraugeres. A l'fipoque de la confection du code penal (1810) une pensfie semblable serait diffi- cilement venue a. ses redacteurs ; depuis, les circonstances n'avaient pas demontre la n^ceasite d'une loi speciale. II a paru suffisant de

proteger la personne des chefs d'Etat strangers et de leurs repr6- sentants.

Mais si l'offense commise contre un « Etat etranger », pris dans le sens abstrait du mot et comme embrassant la collectivit.6 des individus composant une souverainet6, n'est pas punissable, il en est difftremment lorsque l'offense est dirigee contre une victime concrete, telle que le chef de cet Etat. L'art. 36 de la loi du 29 juillet 1881 decide que : « l'offense commise publiquement envers les chefs d'Etat etrangers sera punie d'un emprisonnement de 3 mois a un an et d'une amende de 100 francs a 3.000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement ». L'art. 47, § 5 dispose que « la poursuite aura lieu soit k leur requeue, soit d'office sur leur demande adressee au ministre des affaires etrangeres, et par celui-ci au ministre de la justice ». La juridiction competente est la Cour d'assises. (3)

L'art. 12 de la loi du 17 mai 1819 punissait dej& cette offense ; la

pSnalite etait deja plus forte : 1 mois a, 3 ans d'emprisonnement, 100 fr. a 3,000 fr. d'amende.

La loi du 26 mai 1819 dans son art. 3 imposa aux chefs d'Etat

(1) Faustin Helie. t, 2. 5« ev. p. 121. (2) Littre". Dictionn. t. 3. p. 805. (3) Ces dispositions sont la reproduction des art. 5 et 6 de la loi

du 29 decembre 1875 sur la repression des delits qui peuvent etre commis par la voie de la presse, abrogee par la loi du 29 juillet 1881, qui a codifie la matiere. Une difference assez importante est a remarquer entre les deux lois. La loi ancienne del'erait la repression de ces offenses au tribunal correctionnel, la loi actuellelesremet a la decision du jury.

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OFFENSES ET ACTES HOSTILES

etrangers qui se croiraient offenses a poursuivre eux-mSmes ou a deposer une plainte.

L'innovation des lois de 1875 et de 1881 a Ste' d'exiger que l'of- fense ait 6t6 « commise publiquement ».

Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux chefs des gouvernements ctrangers reconnus par la France (1) et non dechus(2).

La poursuite pour offense commise publiquement envers les chefs d'Etats strangers a lieu soit a li requite m<Sme du chef d'Etat offense, soit d'office, s'il en a requis le ministre des affaires etran¬ geres. (art. 47. 5". Loi du 29 juillet 1881) (3). L'absence de l'une ou l'autre de ces conditions rendrait la poursuite non recevable, et cette non-recevabilite, consideree comme d'ordre public, pourrait etre relevee d'office par le tribunal saisi, mfime en appel pour la premiere fois. C'est ce qui a deja ete decidfi sous l'empire de la loi du 29 d<§cembre 1875 que la loi de 1881 a reproduite en ce point.

T > fA (J/vW*. * v MM. de Reilhac et Battarel agissant au nom des porteurs des /<?%. *>

*" titres de l'emprunt contracts par Dom Miguel de Portugal en 1832, ' """ avaient fait apposer sur les murs, et a coto m6me des affiches an- noncant remission d'un emprunt contracts par le gouvernement por- tugais, des placards ou il etait affirm^ que le Gouvernement laissait en souffrance 38.750 obligations decet emprunt, qualifie d'Emprunt royal du Portugal.

M. le comte de San Miguel, chargfi d'affaires du Portugal a Paris, cita directement MM. de Reilhac et Battarel devant la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour diffamation et offense en¬ vers le gouvernement portugais.

Ce tribunal, par jugement du 30 decembre 1879, estima qu'en fait le delit d'offense n'existait pas a la charge des prevenus.

Le gouvernement portugais releva appel. La Cour d'appel re- poussa la piainte par une fin de non recevoir qui consacre les regies indiqu<§es plus haut : « Considerant en la forme, qu'aux termes de l'art. 6 § 2 dela loi du 29 decembre 1875 qui n'afait en co point que reproduire les dispositions de l'art. 3 de la loi du 26 mai 1819, la

(1). Chassan, I, p. 435. T)e Grattier, I, p. 174; Rousset. n° 1129. (2) Pari?, 12 sept. 1834; (due de Brunswick, Dalloz, &6p. V Presse,

n° 672. Cass. crim. 24 mai 1879 (prince Louis-Napole'on), D. 79, 1, 273. (3) II en est de meme pour le cas d'offense ou d'outrage envers les

agents diplomatiques etrangers, art. 37 et 47, 5° de la loi du 29 juillet 1881.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER.

poursuite pour offenses contre la personne des souverains ou chefs de gouvernement Strangers, ne peut avoir lieu que sur la plainte et a la requite du souverain ou du chef du gouvernement qui se croira offense; que seul il a qualite pour apprecier la gravity de l'offense et l'oppovtunitS de la reparation qu'elle peut motiver. — Conside- rant qu'il n'est pas justify dans l'espece d'aucune plainte adress£e par S. M. le roi de Portugal au Ministre des affaires etrangeres de la R^publique francaise ; que d'autre part, la presente instance n'a pas et6 engagee a la requete de ce souverain, qu'elle a ete intro- duite a, la requeue du gouvernement portugais, agissant poursuites et diligences de M. le comte de San Miguel, son charge d'affaires en France ; que le gouvernement portugais seul a et6 represents devant le tribunal de la Seine et que seul il a interjete appel du jugement rendu par le tribunal; — que pour la premiere fois, devant la Cour, a l'audience du 3 juillet (1880), des conclusions ont et6 prises par l'avoue du comte de San Miguel, tout st la fois pour S. M. le roi de Portugal et le gouvernement portugais, mais que cette intervention tardive de la personnaliW du roi ne saurait avoir pour effet de regu- lariser une procedure engagSe sans son concours; — Considerantqu'i. resulte de ce qui precede que l'incrimination d'offenae envers la per¬ sonne du roi de Portugal n'ayant pas 6te deferee a la justice fran¬ caise par une citation sigmfiee a. la requfite de S. M. le roi, manque de la base qui lui est juridiquement ut rigoureusement indispensable; que cette fin de non recevoir fetant d'ordre public, il etait du devoir absolu de la Cour de l'aborder avant tout examen de fond. » (Cour de Paris, ch. correction. 17 juillet 1880. Pres. M. Try., av. gen, M. Loubers (concl. conf.).

11 y a une confusion a laquelle il convient aussi de ne pas se laisser entrainer. Ce que l'art. 36 de la loi de 1881 punit, c'est l'of- fense a la personne mSmedu chef de l'Etat; mais la loi n'identifie pas l'Etat avec son representant supreme. Ainsi l'offenseur du chef de l'Etat ne commet pas un delit contre l'Etat meme a. la tSte duquel il est place, et l'attaque contre un Etat etranger n'im- plique pas une offense personnelle contre la personne de son chef, encore qu'au point de vue politique il en soit le representant le plus elev6.

C'est en ce sens que la jurisprudence s'est prononcee dans les rares occasions ou les circonstances lui ont donno la parole sur un pareil sujet Nous empruntons les lignes suivantea aux decisions rendues dans Paffaire que nous avons deja rappelSe : « Att. que vainement le plaignant se fondant sur les mots : « Chefs

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OFFENSES ET ACTES HOSTILES

de gouvernement etrangers » employes dans l'art. 12 de la loi du 17 mai 1819, parallelement a 1'expression de < souverain > en conclut que l'offense prevue par cet article comprend tout a la fois Patteinte portee k la personne des souverains et celle dirigee contre eux en leur qualite de chefs de gouvernement, et par suite qu'une allega¬ tion blessante contre leur gouvernement peut rejaillir sur eux comme une offense et tomber sous l'application de la loi — que cette interpretation est repoussee aussi bien par le texte de la loi que par les principes du droit public en vigueur dans les feats constitutionnels et par l'esprit general de la legislation francaise : att. que la loi de 1819, en parlant des chefs de gouvernement, apres avoir parie des souverains, n'a pas eu pour but de creer une deuxieme categorie d'offense, celle qui, identifiant le souverain avec son gouvernement, ferait remonter jusqu'&lui les critiques dont son gouvernement est l'objet, mais s'est uniquement propose de pro- tSger, a. l'egal des souverains, en les placant sur la mSme ligne qu'eux, les chefs d'Etat qui ne sont pas souverains, — qu'a l'6gard des uns et des autres, le legislateur exige que l'offense pour etre punissable soit faite a leur personne, ce qui exclut l'hy^othese qu'il ait entendu caracteriser une double situation, sous la- quelle 1'offense pourrait les atteindre et la reprimer alors mdme que, portant moins haut, l'attaque s'arreterait k leur gouverne¬ ment. » (Trib. correct, de la Seine, 10e Ch. 8 Janvier 1830. Pr6sid. M. Lcew (1), min. publ. M. Calary) (2).

La Cour d'appel de Paris a suivi la meme doctrine dans 1'arret qui a confirms le jugement precite; elle s'est appliquee a bien dis- tinguer le souverain etranger et son gouvernement :

< La Cour—en ce qui concerne le delit d'offense, — Considerant que Part. 12 de la loi du 17 mai 1819 a uniquement pour objet d'as- surer le respect du a la personne des souverains etrangers et a celle des chefs de gouvernement etrangers, que la precision de ces termes ne permet pas d'en etendre l'application aux gouvernements etran¬ gers eux-mSmes » (Cour de Paris, Ch. corr. 17 juillet 1880, pres. M. Try. Gouvernement du Portugal c. Battarrel).

Nous trouvons encore dans cette jurisprudence, la plus recente sur la question, la confirmation de ce que nous avancions, c'est-a-

(1) Aujourd'hui president de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation.

1.2) Aujourd'hui Avocat general a. la Cour de Paris.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER.

-dire, que la loi francaise, dans son etat actuel, ne connalt pas le delit d'offense envers un gouvernement etranger.

II

Actes hostiles. — L'acte hostile est une des manifestations de 1'offense. Tandis que Poffense in genere se traduit sous les formes les plus diverses, en parcouranttoute la gamme del'outrage, depuis 1'expression ou le geste de mepris jusqu'A la violence legere — au- dela, on se trouverait evidemment dans un autre domaine du droit penal, — l'acte hostile, lui, est un acte materiel qui, tout en ne supposant pas dan3 tous les cas une intention injurieuse, aboutit k une lesion de l'honneur ou des interSts de l'offense.

Le Code penal frangais s'est occupe des actes hostiles qui atteigneat iln Etat etranger; il les a ranges en deux categories, la premiere dans Part. 84 C. P. ; la deuxieme dans Part. 85 C. P.

Pour la categorie de l'art. 84, Facte doit reunir deux conditions : il faut, 1° qu'il n'ait pas ete approuve par le gouvernement, 2° qu'il ait expose l'Etat, dont ressort ou chez lequel se trouve le delinquant, a une declaration de guerre de la part de l'Etat offense. — Pour la •categorie de Part. 85, il faut ausai que l'acte n'ait pas ete approuve par le gouvernement, mais il suffit qu'il expose des Frangais a eprouver des represailles.

Parlacombinaison de l'art. 3, Code civil, qui 6dicte que les lois de police et de surete obligent tous ceux qui habitent le territoire, on voit que la nationalitS du delinquant importe peu, et qu'il tombe sous le coup de la loi, fut-il meme sujet de l'Etat offense. On re- marquera encore que depuis la modification des art. 5, 6 et 7 du code d*instr. crim. par la loi du 27 juin 1866, le delit serait pour- suivi encore qu'il eut ete commis a l'etranger, et meme par un •etranger.

Le texte de ces articles est ainsi libellS : Art. 84 C. P. « Quiconque aura par des actions hostiles, non ap-

prouvees par le gouvernement, expose PEtat k une declaration de guerre sera puni du bannissement; et si la guerre s'en est suivie de la deportation ».

Art. 85 C. P. « Quiconque aura par des actes non approuves par le gouvernement, expose des Francais a eprouver des reprSsailles, sera puni du bannissement ».

Le bannissement consiste a etre « transports par ordre du gouver- 1.

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nement hors du territoire de la Republique »; sa durSe est de 5 ans au moins, 10 ans au plus. (Art. 32 C. P.) Cette peine est infa- mante (art. 8 C. P.); elle entraine la degradation civique (art 28 C. P.). La deportation consiste * k Stre transports etademeurer a per- petuite dans un lieu determine par la loi hors du territoire conti¬ nental de la Republique >, cette peine est afflictive et infamante (art. 7 C. P.) et entraine la degradation civique, depuis que la mort civile a Ste abolie.

Ainsi ces crimes sont punis eux-memes, suivant les consequences qu'ils entralnent pour l'Etat; quant a la complieitS elle reste reglSe dans les conditions du droit commun par Part. 60 C. instr. crim.

Recemment, la simple provocation a les commettre est devenue un delit special,quand elle s'est manifested par certains moyens. En effet, l'art. 24 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 s'exprime ainsi: < Ceux qui par les moyens enonces en Particle precedent (1) auront directement provoque k commettre les crimes de meurtre, de pillage et d'incendie, ou Pun des crimes contre la surete de l'Etat prevus par les art. 75 et suivants et y compris Part. 101 C. P. seront punis dans les cas ou cette provocation n'aurait pas et6 suivie d'effet de 3 mois a, 2 ans d'emprisonnement et de 100 fr. a 3.000 fr. d'amende.»

On voit que pour l'application de cet article au point de vue qui nous occupe, il faut toujours qu'il soit justifie que les agissements du delinquant aient ete tels qu'ils aient incite les tiers a commettre des actes hostiles de nature a. exposer l'Etat a une guerre ou les- citoyens a. des represailles.

Nous commencerons par nous occuper de Part 84 C. P.; Pordre numerique le veut ainsi, et surtout la gravite des questions de droit international qui y sont engagees.

Cet article est place sous la rubrique « des crimes et delits contre la surete exterieure de la France », il vient a la suite des art. 75-83 qui punissent les intelligences et machinations des nationaux avec l'Stranger. II est evident qu'il n'a songe que subsidiairement a la protection des souverainetes etrangeres, et qu'il procede d'un tout autre esprit que Part 36 de la loi du 29 juillet 1881. II veille bien a detourner des souverainetes etrangeres les coups que des mains

(1) L'art. 23 de la loi du 29 juillet 1881 vise « les discours, cris ou menaces profess dans des lieux ou reunions publiques, les Merits im- primes ou vendus ou distribue'j, mis en vente ou exposes dans des lieux ou reunions publics, les placards ou affiches exposes aux regards du public.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER. 11

temeraires voudraient leur porter; 1'amitie internationale y est pour quelque chose; mais la pensee dominante est de preserver le pays de la riposte meurtriere de l'offense.

La disposition est nouvelle dans le Code de 1810. Le Code pSnal de 1791 portait, art. 2. sect. 1. 2. p., que lorsqu'i-1

aurait ete commis quelques agressions hostiles ou infraction de traites tendant a allumer la guerre entre la France et une nation etrangere, le ministre qui aurait donne ou contre-signe Pordre, ou le commandant des forces nationales de terre ou de mer qui sans ordre aurait commis les dites agressions hostiles ou infraction de traitcs, serait puni de mort. >

Dans ce cas les poursuites ne pouvaient etre exercees contre les prSvenus qu'apres en avoir obtenu l'autorisation du Corps legislatif; ce qui etait la consequence de ce que le Code ne considerait comme actions hostiles que celles qui pouvaient etre imputees a des ministres et k des commandants de la force armee de terre ou de mer. (1)

Les travaux preparatoires du Code civil de 1810 sur cet article sont pauvres en informations. L'article parait avoir ete adopte sans que ses parrains se rendissent un compte exact de ses applications. II n'est guere question de l'art. 84 que dans 1'expose des motifs, et voici les quelques lignes qui lui sont consacrees.

< Ceux qui par des des actions hostiles ou des actes non approu- ves par le gouvernement exposent l'Etat a une declaration de guerre, compromettent sans doute la surete exterieure. La loi les procla- mera done coupables bien que nul soupgon d'intelligence avec l'ennemi ne plane sur eux : mais comme, relativement a leurs actes, ils n'ont pas d'elements susceptibles d'indiquer j usqu'a quel point les consequences pouvaieut Stre connues de leurs auteurs, ceux-ci ne seront pas punis dela peine capitale, mais. deportes ou bannis, selon les suites plus ou moins graves qu'auront eues leurs tSmeraires de¬ marches (2). »

Qu'est-ce que o'est qu'un acte, ou pour reprendre la lettre du texte, une « action hostile »? La loi ne Pa pas deflnie. La diffi- culte etait d'ailleurs insurmontable. L'acte humain, c'est le Piotee antique, il varie indefiniment dans sa forme etsa valeur. Sa portee depend en partie des yeux qui le regardent.

(1) Carnot, conseiller a la cour de Cassation 2« e"dit. 1836 p. 300. (2) Expose des motifs du titre 1« du livre III du Code penal, fait par

M. le comte Berber, conseiller d'Etat et orateur du gouveruement dans la seance du Corps legislatif du 5 fevrier 1810. (Locre, t. 29, p. 419.)

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12 OFFENSES ET ACTES HOSTILES

Maia nous ne sommes encore qu'a, moitie chemin. Qu'est-ce qu'un < acte hostile qui expose l'Etat a, une declaration de guerre » (1).

Nous voila en pleines tenebres,et dans cette ombre vainement etend- on la main pour y rencontrer une definition, on ne peutrien ramener ayant un corps ou un contour. Tout depend du temps qu'il fait en politique, des ambitions secretes, du plan poursuivi. Un acte est innocent pour celui-ci; pour cet autre il est coupable. L'acte du fort et du faible ont-ils jamais eu la mSme couleur?

Tout ce que nous rSvele le droit positif frangais, e'est qu'il faut qu'il y ait un acte materiel commis et une guerre eventuelle ou declaree.

La condition d'un acte materiel est certaine. L'art. 84, C. P. ne punit pas l'offense en general, telle qu'elle pourrait se mani- fester par l'opinion ecrite ou proferee, mais seulement « Taction >, le fait exterieur et tangible. < Les actions hostilea, dit M. Rauter, doivent etre telles materiellement, c'est a, dire des actions militaires ou des actes de guerre et il faut qu'elles aient un caractere public vrai ou feint > (2). M. Morin, conseiller a la Cour de Cassation s'ex- prime ainsi: « La loi penale ordinaire et la loi militaire ont en vue de3 faits materiels, comme actions hostiles, pouvant exposer a, une declaration de guerre ou a des represailles » (3).

(1) M. le procureur general Dupin s'exprimait ainsi dans 1'arT. Jauge sur laquelle nous reviendrons. « La loi ne definit pas ce qu'e.le entend par ces actes d'hostilite, ni ce qui peut exposer la nation a une decla¬ ration de guerre parce que cela depend beaucoup des circonstances, c'est done une appreciation de faits qui doit etre laissee aux juges. Dans telle circonstaace, un fait d'hostilite aura donne lieu de la partde la puissance offensee a des representations : on aura ilemaude satisfac¬ tion avee menaces de le poursuivre par les armes, si on ne l'obtient pas autrement; voila un cas evidemment oil la nation a &ie exposSe k la guerre. » L'eminent jutisconsulte estime qu'on ue p<*ut ranger parmi les aetes de ce genre, le fait d'avoir prete de l'argent au prStendant qui cherche a renverser un gouvernement ami, de lui avoir pr jcure des marches pour fournitures d'armement et d'equipement (bberte du com¬ merce), d'avoir confere des grades dans Parmee du pretendant, de lui avoir fourni une voiture pour passer sur le territoire ami (Cassation crim. 24 nov. 1834, Sirey, 1834, 1. 825).

(2) Rauter. Traite" de droit criminel 1836, t. c. n° 2i6. M. Rauter ^tait professeur k la Faculty de droit de Strasbourg et membre de la Chambre des deputes (1834-1837),

(3) Morin. Lois de la guerre. Paris 1872, t. c. p. 96. it

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CONTRE UN ETAT ETRANGER.

Enfin, il faut encore que Paction hostile que le particulier aura commise soit telle qu'elle ait pu allumer ou qu'elle ait rSellement allume la guerre entre l'Etat etranger et l'Etat, sur le territoire duquel le fait se sera accompli.

Cette seconde condition appelle les protestations les plus vives. Nous sommes resolument de ceux qui considerent que l'art. 84

C. P. est sans application pratique et qu'il reste insciit dans notre legislation repressive a l'etat de lettre morte. 11 prevolt une hypo- these que les principes les plus certains du droit international re- poussent Snergiquement. En effet, un simple particulier ne peut ja¬ mais engager son gouvernement, et moins encore l'exposer a une declaration de guerre de la part d'un Etat Stranger. Une action hos¬ tile a-t-elle ete accomplie L'Etat offense demandera des explica¬ tions a l'Etat oil le fait s'est passe. Cet Etat mis en demeure a l'al- ternative suivante, ou de repudier l'acte denonce ou de Papprouver; s'il le repudie, l'Etat etranger trouve dans ce desavceu, en mSme temps que la preuve de Pinnocence de l'Etat interpelle, le prin- cipe de la repai ation qui lui est due ; s'il l'approuve, l'Etat inter¬ pelle assume les consequences de l'acte en question, il le fait sie^ et la responsabilite initiale de son auteur disparalt aux termes mSmes de l'art. 84 C. P.

Done, et alors meme que la guerre eclaterait, ce n'est jamais l'acte du paiticulier qui en sera cause; dSsavoue, cet acte n'a pu consti- tuer une offense publique pour la nation etrangere ; approuve, ce n'est plus Facte d'un particulier, il est devenu celui d'un gouverne¬ ment.

II est impossible d'admettre, — et moins que jamais aujourd'hui oil les guerres menaceut de ne "plus etre des duels isoles et rapides, mais des luttes universelles oil l'ceuvre tout entiere de la civilisa¬ tion sera mise en question — qu'il puisse dependre du membre le plus infime d'une communaute quelconque de dechalner surlemonde un pareil fieau, ou meme de l'y exposer. G'est la le vestige d'une theorie barbare qu'il faut dSraciner du droit positif.

La presence d'une pareille disposition dans un Code n'est pas in- differente ; elle est dangereuse. En effet puisqu'on admet que Facte d'un particulier peut avoir pour consSquence d'exposer son pays Ji la guerre, s'il n'est pas desavouS par un gouvernement, voila, le gouvernemeDt place dans la plus fausse des situations". Va-t-il Stre oblige de se livrera une s6rie de poursuites intoierables pour lalibertS des citoyens, incompatibles avec les mceurs actuelles des pays civi- lisSs? Chaque fois qu'une manifestation se produira a l'egard d'une

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souverainete etrangere quelconque, le gouvernement devra se poser l'embarrassante question de savoir s'il mettra en mouvement l'appareil judiciaire, ou s'il restera coi.

Les relations internationales ne comportent que deux situations : l'Stat de guerre ou l'etat de paix. Pendant la paix, unEtat est pre¬ sume entretenir des rapports egalement satisfaisants avec tous les Etats Strangers. Si Fon poursuivait l'acte dirige contre telle puis¬ sance et non celui contre telle autre, ee serait done proclamer so- lennellement qu'on eat dans des rapports diffieiles avec cette puis¬ sance, puisqu'on redoute plus partieulierement son irritabilite? Ne serait-ce pas en tout cas eveiller les susceptibilites des Etats dont on aurait defendu la dignite avec un zSle moins jaloux?

Enfin le gouvernement poursuit, voild le crime defere a la Cour d'assises, — et si le jury acquitte (1) Sans doute, dans la forme, le gouvernement Stranger devra se tenir pour satisfait, puisque les ressources de la loi auront etS Spuisees a son service; mais au point de vue politique Sprouvera-t-il le meme contentement? Ne trouvera- t-il pas que le gouvernement aurait aussi bien fait de s'abstenir, qu'il etait inopnortun d'engager des poursuites devant aboutir a une absolution presque fatale, et a donner en quelque sorte un nouveau relief a. un acte qui n'avait pour origine que l'obscure initiative d'un individu. Les rapports internationaux, dont Part 84. C. P. a dessein de menager l'harmonie, en seront-ils ameliorSs?

Et si le gouvernement recule devant ces poursuites parfois irritantes, incertainestoujours, passera-t-ilpour approuver tacitement les actes hostiles qu'il n'aura pas deferes aux tribunaux? Songez qu'une loi redoutable lui laisse l'initiative de la poursuite, et que l'Etat etranger interesae peut luireprochersatiSdeur. Quelembarras! Quels dangers! Quelle situation tout a la fois lourde et absurde!

Le fondement de Part. 84 C. P. c'est que l'acte incrimine, du a un simple individu, ait pu etre Poccasion d'une guerre entre deux peuples. Cette funeste doctrine est repoussSe par la science ancienne

(1) Toutes les chances ne sont-slles pas pour un acquittement, dansla plupartdes cas, a raison de 1'enormitS de la peine prononee par l'art. 84 C. P. (le banissement) et de la redaction qu'il impose a la quest'on a soumettre au jury. « La question relative au crime prevu par Part. 84 C. P. dit M. Blanche, avocat general a la Cour de cassation (a), doit £tre congue en ces termes : Le nommS X..., est-il coupable d'avoir, le... par des actions hostiles non approuvees par le gouvernement, exposS l'.Eitat k une declaration de guerre? »

(a)Etudes sur le Code penal 1864, T. 5, p. 519.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER. 15

et moderne: elle est dSseitee parle droit criminel positif, dans ses plus rScentes manifestations. C'est la sans doute un concours d'opi- nions de nature a agir sur tous les esprits, mSme sur ceux des poli- tiques, encore que Pun des plus consommSs ait dit, dans une de ces boutades qui lui sont familieres, « que la politique etrangere n'avait rien a voir dans les theories juridiques » (1).

Le trSs ancien Hugo Grotius < dont on ne doit jamais parler sans veneration >(2) s'exprime ainsi : « Une sociStS civile comme tous les autres corps n'est pas responsable des actions de chaque parti¬ culier, auxquelles elle n'a rien contribue en faisant ou ne faisant pas certaines choses » (3).

Et Barbeyrac, professeur en droit a Groningen, son traducteur et annotateur, ajoute dans une note ou il passe en revue tous les pre¬ cedents de 1'antiquite : « Ammien Marcellin rapporte que les ambas- sadeurs des Quades, ancien peuple d'Allemagne, se servirent de l'excuse ordinaire qu'on n'avait rien fait contre les Romains, par deliberation publique des principaux de la nation, mais que les dS- sordres venaient de quelques brigands etrangers » (4).

Un non moins illustre, Vattel, ecrit : « Cependant comme il est impossible a. l'Etat le mieux regie, au souverain le plus vigilant et le plus absolu, de moderer a sa volontS toutes les actions de ses su- jets, de lescoutenir en toute occasion dansla plus exacte obeissance, il serait injuste d'imputer a, la nation ou au souverain toutes les fautes des citoyens. On ne peut done dire en general que Von a recu une injure d'une nation parce qu'on Vaura recue de quelqu'un de ses membres > (5).

Au xix" siecle, les savants ne sont pas moins categoriques sur ce point qu'aux siecles precedents.

(1) Le prince de Bismarck au Reischtag le 3 dec. 1875, s'^cria a propos de la discussion de l'art. 393 du Code pSnal qui a pour but de rSprimer les indiscretions des diplomates : Mit jurislischen Thic- rieen lasst sich auswai tige Politik nicht treiben.

(2) "Wicquefort. Traite de l'ambassadeur. L. I. sect, 27. (3) Le droit de la guerre et de la paix, par Hugo Grotius, trad. Bar¬

beyrac. Liv. II. ch. 21. § II. Amsterdam. P. de coup. 1749. t. 2.p. 128. (4) Loc. cit. p. 128 n. 1, in fine. (5) Vattel, le droit des gens. L. 11. ch. IV § 73. On sait que Emer

de Vattel, ne sujet du roi de France, f'ut acredite a Berne comme mi¬ nistre de l'Slecteur de Saxe, roi de Pologne, Auguste III, en 1749.

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En Allemagne, Kliiber (1) s'exprimait deja ainsi, il j a- plus de cinquante ans. L'etat d'inimitie entre plusieurs nations prend son originedans la lesion d'un droit quelconque existanteou a craindre. Les droits des Etats sont leses de la meme maniSre que les droits des particuliers : directement, si le prejudice a ete porte au corps de l'Etat; indirectement, s'il Fa ete a quelques individus seulementr sujets de l'Etat, soit par Pautre Etat dans sa totalite, soit par quelques uns de ses membres, quand toutefois leur gouvernement a participe d'une maniere quelconque a la lision n (2).

L'opinion allemande contemporaine est aussidans ce sens. M. Gef- fcken, sSnateur a Hambourg, dans sa 4' edit, du droit international de FEurope (1883, p, 231, note 4) estime qu'unEtat ne peut mfime Stre rendu reaponsable des actes de piraterie commis par un de ses nationaux : « Comme aucun gouvernement ne permettra de pareils crimes, le pirate ne peut s'Stre procurS des papiers de bord que par des moyens frauduleux et ne peut arborer un pavilion que par usur¬ pation. Aucun Etat ne peut done etre rendu responsable des actes des pirates ».

Nos savants collegues a l'Institut de droit international, MM. Bul- merincq, professeur a PUniversitS de Heidelberg et Marquardsen, pro- fesseur a 1'UniversitS d'Erlangen, sont du mSme avis. « Le droit au respect qui appartient aux Etats implique aussi le respect des re- presentants de l'Etat. Une offense faite a un chef d'Etat, ou a un ambassadeur ou a ses emblSmes, est considSrSe comme faite k PEtat lui-mSme. Si une telle offense est commise par une autorite publique ou son representant, elle est et doit-Stre considered comme une vio¬ lation du droit des gens, mais si ces offenses proviennent des sujets (angehorige) d'un Etat Stranger, elles ne peuvent pas 4tre consi- derees ainsi (nicht als solche gelten kann) (3).

(1) Klllber : Droit des gens modernes de l'Europe, Edition Ott. Paris Guillaumin § £31. On sait que Kliiber a Ste professeur a FUniversitS d'Erlangen, plus tard a celle de Heidelberg, puis conseiller de legation, au ministere des affaires etrangeres de Prusse (1817).

(2) En autorisant par exemple le fait injurieux, de meme, quand il a excite celui qui Pa commis, qii'il a retards ou refuse" la reparation demandee, dans le cas surtout ou quelques uns de ses sujets ont pille le territoire Stranger, oil ses armateurs ou corps francs ont attaque Une nation non ennemie, ou le prince regnant enfin a offense comme particulier Fautre Etat. Schrodl, Syst Juris gentiun lesione, Hal. 1741 (Kluber loc cit.)

(3) Handbuch des Sffentlichen Volkerrecht. 2« livfais. Freiburg. Mohr. 1884, p. 205.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER. IT

En Angleterre, un magistrat considerable, dont la science deplore la perte recenfe, R. Phillimore, ecrit : « Les insultes faites par ua particulier (individual) d'un Etat, quand elles ne sont pas recon- nues, ou meme si, les circonstances l'exigeant, elles sont desa- vou6es par l'Etat dont cet individu est membre, peuvent, gSnSra- lement parlant, Stre rarement prise3 en consideration pour justifier un grief international (international complaint) (1).

En Italie, cette opinion est soutenue par notre savant collabora- teur M. Fiore, professeur a FUniversite de Naples, qui declare inapplicable Fart. 174 du Code penal sarde, aujourd'hui en vigueur dans la PSninsule. Cet article reproduit lo texte de Fart. 84. C. P^ frangais. M. Fiore dit a ce sujet: « On ne saurait admettre que FEtat puisse Stre expose a, une declaration de guerre parle faitisolS d'un particulier > (2).

M. Calvo se joint aux auteurs cites, dans la derniere edition de son ceuvre considerable sur le droit international. « En these gSnS- rale, les aetes prives des nationaux n'engagent pas la responsibility de l'Etat auquelils appartiennont. > (1880). I. p. 426.

Un eminent publiciste frangais, appelS plusieurs fois a diriger les affaires de son pays, soulignait cette theorie d'un trait ironique,. en faisant allusion aux incidents que nous rappelions au debut : < Si le transparent de Pautre jour n'avait pas etS dSchirS par le- commissaire de police, on nous aurait tous rendus solidaires, et avec nous notre gouvernement de l'imprudence d'un isole, dont aujourd'hui mSme je ne sais pas le nom! > (3)

Si, quittant les hauteurs du droit international public, nousprenons l'art. 84 C. P, dans son histoire, dans son application pratique et dans sa transformation dans les codes etrangers, ou il s'etait autre¬ fois glissS, nous renconti'ons partout sa condamnation.

Le systSme viceux de cet article a Ste signals du haut de la tri¬ bune frangaise, en plein Corps legislatif, il y a plus de 50 ans.

En 1831, le gouvernement proposa differentes modifications au Code d'instruction criminelle et au Code pSnal. Pour l'art. 84 il fut propose de changer la pSnalite ecrite dans la fin de Particle et de

(1) Phillimore, membre du conseil prive de la Reine Commentares upon international law. t. 2 (3« edit. 1882).

(2) Fiore. Droit intern, public t. 2. p. 536. Paris 1885. (3) Jules Simon, ancien president du conseil des ministres (1877)

dans le Matin du 9 mars 1887.

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remplacer par la dStention a perpStuitS la deportation prononcee pour lecas ou les actions hostiles amSneraient la guerre.

A la Chambre des deputes, dans la sSance du ler d6c. 1831, un membre (M. de Podenas) s'exprima ainsi:

« Si l'art. 84 C. P. etait mis en question devant vous, je n'hSsite- rais pas a en voter la suppression.

« Dans l'etat politique de FEurope, dans la situation de ses rela¬ tions diplomatiques, jene peux concevoir le fait d'un prSvenu qui par des actes hostiles non approuves par le gouvernement entrainera la guerre etrangere. C'est un crime impossible et la peine qu'on lui applique n'est des lors qu'une chimere.

« Cette proposition est tellement vraie que depuis que le Code pSnal est en vigueur parmi nous, ikn'est pas un exemple d'une ac¬ cusation de ce genre qui ait etS poursuivie. (1) »

Peu de temps aprea, M. Carnot, conseiller a la Cour de cassation, ecrit son ouvrage sur le Code penal et il s'Scrie: « De le part d'un simple particulier qui n'est revStu d'aucun caractere public quelles seraient les actions qu'il aurait pu commettre ayant un caractere d'hostilitS de nature a exposer la France a une dSclaration do guerre de la part d'une puissance Strangere (2) » II conelut mSme qu'il n'y a que les agents du gouvernement qui puisaent commettre des actes de cette importance, et que de la part d'un particulier, aucun acte ne peut avoir ce caractere, a moins qu'il n'ait usurpe un titre ou une fonction qu'il n'avait pas, et que cet artifice ait trompe la puissance etrangSre.

M. Rauter, professeur a laFaculte de Strasbourg et depute, vers le meme temps, se prononce de la meme fagon « ce crime ne peut done guSre Stre commis que par un commandant militaire. Des actions hostiles commises a titre p rive rentrent dans le crime de Fart. 85.(3)»

Plus tard, M. Faustin Helie, president a la Cour de cassation, examine la lflSme question dans sa theorie du Code pSnal et vaplus loin encore : « Dans Fetat politique de l'Europe il est difficile que le fait iaole d'un simple eitoyen, et meme d'un fonctionnaire public. puisse allumer la guerre entre deux nations. Une declaration de guerre n'intervient pas sans que l'Etat offense ai t demande des explica¬ tions. Et des que Faggression a etS commise a Finsu du gouvernement

(1) Moniteur universel, suppl. au n- du 1« dec. 1S31 p. 2271, vol. 1, — Chambre des deputes, seance du mercredi 30 nov. 1831.

(2) Carnot. 2° Sd. 1836, p. 300. (3) Rauter, Loo. Cit. t. I. n' 286.

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auquel appartient l'agent, des que le gouvernement la desavoue- hautement, il est improbable que la guerre puisse jamais en etre la consSquence. II suit de la, et c'est aussi ce que confirme Fexperience, que l'art. 84, quoique destine a rSprimer un fait coupable, doit de- meurer sans application dans nos lois » (1).

C'est avec raison que M. Faustin H61ie disait que l'experience le confjrmait dans son opinion sur Finapplicabilite de l'art. 84 C. P. Les archives judiciairea ne presentent en 77 ans, que trois tentatives d'application de cet article (2).

En 1824, un arret de la Cliambre des mises en accusation de la Cour de Rouen avait renvoyS devant la Cour d'assises les sieurs Herpin et Rossignol, commandant la goelette FAmour de la patrie, sous pavilion colombien, pour avoir capture le navire la Notre-Dame du Rosaire, naviguant sous le pavilion sarde et avoir ainsi commis les crimes pr6vuset punis par les art. 84 et 85 C. P. Un pourvoi fut dirige contre cet arrSt et il fut repousse par la Chambre crimi- nelle de la Cour de cassation le 18 juin 1824. L'arrSt de rejet (3) declara que les Frangais ne justifiaient pas de l'autorisation de la puissance Strangere k qui le pavilion appartenait et que par le fait d'avoir capture un navire naviguant sous pavilion Stranger, ils ont « expose la France a\ une declaration de guerre de la part du roi de Sardaigne ou au moins des Frangais a eprouver des represailles de la part de ce gouvernement, que ce fait rSunissait Sgalement les caractSres de la criminalite prevue et punie d'une peine afflictive et infamante par les art. 84 et 85 C. P.

Le 25 fSvrier 1831, dans la nuit, un attroupement de 40 a 50 per- sonnes habitant sur le territoire frangais s'est porte sur le terri¬ toire sarde, ou il a attaque le poste de la douane sarde et s'est livre a divers aetes de violence envers les prSposSs ; on les a desar- mes,on a tire sur eux et on a brise les portes d'une remise pour en- lever un '-onneau de vin qui, introduit en contrebande sur le terri¬ toire sarde, y avait ete saisi, et pour reprendre la voiture qui 1'avait apporte;. le tout a ete ramene sur le territoire frangais. La Cour de Grenoble, chambres reunies, decide le 25 avril 1831 : « que ces faits constituent des actions hosfiies, non approuvees par le gou¬ vernement, lesquelles exposaient FEtat a une declaration de guerre ou tout au moins des actes non approuves par le gouvernement, lesquels

(1) Faustin Hehe. Cod. Penal. 5° ed. 1872. t. 2. p. 58. (2)La 4C a eu lieu le 12 mars 1887. Pour le resultat, voirle post-scriptum. (3) Sirey chron. a sa date.

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20 OFFENSES ET ACTES HOSTItES

exposaient des Frangais a. Sprouver des represailles, crimes prevus par les art. 84 et 85 C. p. et emportant peine afflictive et infamante- et qu'il y a lieu a accusation contre A. Perret, J. Cayen, etc. (1).

Au mois de juillet 1834, le sieur Jauge, banquier a Paris et plu- sieurs autres personnes furent arretSs et poursuivis sous la preven¬ tion d'avoir pratique des manoeuvres et entretenu des intelligences avec Don Carlos, considere depuis le traite de la quadruple al¬ liance du 22 avril 1834 comme ennemi commun de la France et de l'Espagne * son alli6e ». En facilitant la rentree de ce prStendant dans ce dernier pays, eu concourant k un emprunt, a des emble¬ ments et armements en sa faveur, etc., crimes ou delits prSvus par les art. 76, 77 et 79 C. P. Comme aussi d'avoir par les mSmes faits expose la France a une declaration de guerre de la part de l'Espagne, crime prevu par l'art. 84, meme code.

Le 20 octobre 1834, ordonnance de renvoi devant la Chambre des mises en accusation de la Cour de Paris qui statue le 30 du mSme moisr qu'il n'y a lieu a. suivre par ces motifs en ce qui coneerne l'art. 84 C. P., « qu'en admetlant que les faits reproches constituent des actions hostiles de la nature des cas prSvus audit article, il est evident que par ces faits l'Etat n'Stait pas exposS a une dSclaration de guerre de la part de FEspagne unie a la France par des relations de bienveil- lance et d'amitie dont elle ne peut rSvoquer en doute la sincSrite. * LeProcureur general prSs la Cour de Paris s'est pourvu en cassation contre cet arret. La Cour supreme, par arret du 28 novembre 1834, et sur les conclusions conformes de M. le Procureur general Dupin, a. rejetole pourvoi; le passage relatifa Fart. 84 est ainsi congu: « At- tendu que si cet article, d'apres les termes dans lesquels il est congu est gSnSral quant aux personnes, il ne peut s'appliquer qu'aux actions hostiles qui sont de nature a exposer l'Etat a une dSclaration de guerre. — Attendu que la Cour royale de Paris, Chambre des mises en accusation,en appreciant les faits sur lesquels elle avait a prononcer et en declarant que ces faits n'avaient pasle caractere de criminalite ei-dessus enoncS, n'a point excSdS ses pouvoirs et n'a pas violS l'art. 84 precitS : rejette » (2).

Le bilan de la jurisprudence paraitdonc Stre celui-ci : trois pour¬ suites en 77 ans, dont deux seulement ont abouti a une condamna- tion. Dans le premiere, en 1824, il s'est agi de la capture en pleine- paix d'un navire portant un pavilion ami ; dansla seconde, en 1831,

(1) S. 1832. 2. 90. (2) S. 1834. 1. 822.

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de l'attaque k mainarmee, sur un territoire voisin, d'un postededoua- niers, avec accompagnement de coups de fusil,de brisde cloture,d'en- levement d'objets sSquestres. Dans aucun deces cas, la poursuite n'a StS exclusivement basSe sur Fart. 84 C. P. : Fart. 85 y etait Sgale- ment intSressS, et les decisions que nous avons analysSes paraissent -avoir Ste surtout influencees par cette circonstance que les « actes hos¬ tiles » incrimines etaient de nature a attirer des represailles aux Frangais. C'est done justement que M. Faustin Helie estimait qu'il -6tait confirms par l'experience dans FidSe que cet article devait demeurer sans application dans nos lois (1).

Dans les pays Strangers ou, a la suite des evenements du debut de ee siecle, notre code penal de 1810 avait etS mis en vigueur, Fart. 84 C. P. a ete Slimine des codes nouveaux qui ont remplace le code frangais.

La Belgique a substitue au code de 1810, un nouveau code promulgue le 8 juin 1867. L'art. 123 y remplace les anciens ar¬ ticles 84 et 85; il est ainsi congu : « quiconque par des actions hostiles, non approuvSes par le gouvernement, aura expose l'Etat k <les hostilites de la part d'une puissance etrangere, sera puni de la dStention de cinq ans a dix ans, et si des hostilites s'en sont suivies, <le la detention de 10 ans a 15 ans. »

Cette reforme heureuse, mais partielle encore, a ete dSterminSe par les observations judicieuses de M. Haus qui, examinant cet article, seize ans auparavant, Scrivait :

« Art. 84. Cet article a besoin d'etre revisS. Des actions hostiles •commises envers une puissance etrangere peuvent entralner des .hostilites eontre la Belgique de la part de cette puissance, mais jamais elles ne peuvent exposer l'Etat a une dSclaration de guerre, ou allumer la guerre entre la Belgique et une puissance etrangere, puisqu'elles n'etaient pas approuvees par le gouvernement. II est possible qu'avant que celui-ci ait pu donner les explications nSqes- cessaires, la puissance ait commence des hostilitSs contre la Bel¬ gique ; mais quant a la guerre ou a une declaration de guerre, le gouvernement pourra toujours F6viter en desavouant les actions commises sans son autonsation et s'il ne le fait pas, c'est qu'il les approuve. Du reste en fait de guerre ou de dSclaration de guerre, les nations ne vont pas si vite > 12).

(1) Code PSnal, 5* edit, 1872. t. 2, p. 58. (2j Haus. Etudes de legislation penale comparee. Revision du Code

penal de 1810. Bruxelles 1851. p. 142.

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22 OFFENSES ET ACTES HOSTILES

La Hollande a attendu plus longtemps encore pour reprendre Fosuvre du legislateur del810. Ce n'eat que le 3 mars 1881 qu'elle a promulgue son nouveau Code penal. Avec le Code pSnal hongrois, Sdicte le 28 mai 1878, ce sont les deux monuments de droit cnmi- nel les plus rScenls de FEurope, et, en cette qualitS, interessants a consulter pour eonstater le dernier etat des idees acceptees dans le domaine du droit positif.

Dans le nouveau Code hollandais, Fart. 84 a completement dis- paru. Les faits qu'il avait pour but de rSprimer sont definis d'autre fagon et rentrent dans les art. 97, et 100 ainsi cangus :

Art. 97. « Celui qui entre en relations avec une puissance etran¬ gere en vue de la pousser a commettre des hostilites ou a faire la guerre contre l'Etat, de la fortifier dans la resolution prise par elle en ce sens, de lui promettre assistance pour F execution ou de lui donner assistance dans les preparatifs est puni d'un emprisonnement de 15 ans au plus. Si les hostilites ont Ste commises ou si la guerre a eclatS, la peine appliquSe est Femprisonnement a perpetuitS ou a temps, de 20 ans auplus. »

Art. 100. « Est puni d'un emprisonnement de 6 ans au plus : 1° Celui qui, dans une guerre ou les Pays-Bas ne sont pas compro- mis, commet avec intention un acte mettant en danger la neutra- lite de FEtat ou enfreint, avec intention, une injonction speciale donnSe et publiee par le gouvernement pour le maintien de la neu- tralite ; 2° Celui qui, en temps de guerre, enfreint, avec intention, une injonction donnee et publiee par le gouvernement dans 1'interSt de la surete de l'Etat. (1) »

III

Nous venons de voir que si chez un grand nombre de nations la loi positive punit Foffense envers le chef d'un Etat etranger, chez quelques-unes, en France, notamment, le mSme delit commis a Fen- droit d'un Etat etranger, pris separement de la personne de son re¬ presentant supreme, ne tombe pas sous Papphcation d'un texte repressif.

Dans ces pays, — la France, l'ltalie, l'Eapagne, — dont la legislation penale date de la premiere moitie de ce siecle, cette offense n'est punie que lorsqu'elle resulte d'un acte materiel et susceptible d'en-

(1) Trad. Vintgens, avocat a la Haye. Paris. Impr. nat. 1883.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER 23

trainer pour le pays ou il s'est produit le peril extraordinaire d'une guerre etrangere. Nous avons ecoute la vive protestation de la science, contre une telle doctrine et constats qn'elle avait StS re- pudiee par les Codes modernes.

II n'est plus personne aujourd'hui pour oser ecrire dans un texte legislatif que l'acte d'un particulier est capable d'allumer une guerre entre deux peuples. Et chacun comprend quel dangereux pouvoir la loi remet aux mains d'un gouvernement en lui laissant l'initiative de la poursuite d'actes ainsi qualifies. L'art. 84 C. P. francais, l'art. 174 du Code penal sarde (aujourd'hui italien), l'art. 148 du Code penal espagnol sont done destinSs a tomber bientot sous les ciseaux du lSgislateur.

Cependant n'y a-t-il pas quelque modification a. apporter a la loi pSnale en ce point, et telle, qu'elle satisfasse a la fois aux regies de la vie internationale etremette, dans cette dSlicate matiere, les res- ponsabilites en leur place.

C'est faire appel aux notions les mieux acceptees des peuples ci- viliaSs, que d'affirmer que les Etats, comme les individus, ont de mutuels devoirs. De mSme que Findividu malgrS qu'il en ait ne peut s'isoler, de la sociStS, un Etat est dans l'impossibilite de se retrancher de la communautS internationale. Cette nScessite im- plique pour lui des droits et des devoirs. Ceux qui concernent les relations entre Etats ont Ste ties bien precises par notre Sminent ami, M. Calvo, dans son bel ouvrage sur le Droit international (1):

« L'Etat n'est pas seulement oblige d'assurer Fempire de la paix et de la justice entre les divers membres de la sociStS dont il est Forgane ; ildoit encore et tout particuliSrement veiller a ce que tous ceux qui sont placSs sous son autonte n'offensent ni le gouverne¬ ment ni les citoyens des autres pays. Les nations sont en effet te- nues de se respecter mutuellement, de s'abstenir les unes al'egard des autres de toute ISsion, de toute injure, en un mot de tout ce qui peut nuire a leurs interets et troubler la bonne harmonie qui doit presider a leurs relations. >

L'oflfense contre un Etat Stranger doit Stre interdite au meme titre et pour les mSmes motifs rationnels que l'offense envers un na¬ tional ou un Stranger; celle-ci est rSprimSe, celle-la doit l'etre Sgalement. Une loi positive s'arrSte a, moitie route, si elle se con- tente de proteger les Strangers contre les entreprises privSes, et y

(1) M. Calvo, aujourd'hui ministre de la Republique Argentine a Ber¬ lin. Le droit international, en 4 vol. 3e edit. Paris, t. 1, p. 425.

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-24 OFFENSES ET ACTES HOSTILBS

laisse exposSe la collectivite de ces elrangers composant un Etat reconnu. L'ordre est non moins trouble dans le second cas que <lans le premier.

Phillimore Fa dit excellemment a propos d'une des variStes de .l'offense : < Le droit international interdit la diffamation a l'Sgard d'un Etat, par la mSme raison que le droit interne la defend contre un particulier. L'individu est offense par la dans son droit social, dans ses relations avec d'autres individus. L'Etat, qui a StS reconnu -comme membre de la societe des societes est aussi atteint par la dans ses rapports avec les autres societSs. Mais dans Fun et Fautre cas le droit D'est pas viole par une Fibre discussion et critique sur les actes exterieurs de FEtat ou de l'individu. Un Etat ne peut se plaindre, s'iljouitde la mSme protection qu'un individu » (1).

II faut done reconnaitre que lorsque le droit positif de certains pays punit l'offense envers le chef d'un Etat Stranger, et ne couvre pas l'Etat lui-meme du tort porte a sa dignite ou a ses interSts, ce droit est incomplet et ne satisfait pas aux exigences des rapports- internationaux (2).

Nous considSrons done qu'en temps de paix, l'offense envers un Etat etranger, quelle que soit la forme qu'elle revSte, les moyens qu'elle emploie, les manifestations sous lesquelles elle apparalt,doit -entrainer une sanction p^nale pour le particulier qui Fa commise.

Mais ici, il ne s'agit pas d'une infraction ordinaire et nous subor- -donnerions sa poursuite a deux conditions : 1° la plainte formelle de l'Etat offensS; 2° la rSciprocite lSgale ou diplomatique chez l'Etat requSrant.

La condition de la plainte de la partie lesSe est fondee en science rationnelle. Il s'agit la d'un delit qui touche a l'honneur, a la con¬ sideration, aux intSrets particuliers de Foffense. L'offense est d'un rang exceptionnel; c'est une nation tout entiere qui est enveloppee dans sa personne. Nul n'est meilleur gardien de sa dignite que lui- mSme.

L'interSt d'un Etat est variable et complexe ; il peut lui conve-

(1) Phillimore. Commentaires, t. II, 3e Sdit. 1882, p. 48. (2) Notre distingue collegue a l'Institut de droit international.M.Hall,

dit en fort bons termes : « II est necessaire de pourvoir par une loi in¬ terne et j usque dans une certaine limite (to a reasonable extent) contre Faccompli8Sement par des particuliers d'autes offensants pour les droits des autres Etats et d'en user avec une fermetS modSree (reasonable vi¬ gour) Hall. International law. Oxford. Clarendon press. 1880, p. 45.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER. 25

nir pour des raisons supSrieures d'ignorer la faute ou de la relever, d'eviter les sentiments d'aigreur ou d'inimitie qu'une poursuite eveillerait, de prefSrer que les choses s'assoupissent. Que de foisl'Etat etranger n'estimera-t-il pas qu'il vaut mieux se taire et dedaigner, ou simplement pardonner! Mais, en pareille matiere, Foffense seul peut Stre juge du parti a prendre : a lui seul appartiennent les res- ponsabilitSs de Finitiative ou les convenances de l'abstention.

Le droit criminel a une classification particuliSre pour les delits oil l'ouverture de Faction publique est subordonnee a. la plainte prea- lable de la partie lesee. C'est par des considerations semblables k celles que nous avons touchees qu'on y voit figurer: l'adultere, le rapt de la fille mineure suivi de mariage, l'injure, la diffamation, et enfin les offenses d'une certaine nature.

En effet, la condition prealable dont nous parlous ici, a deja ete imposSe en matiere d'offense contre les Souverain ou Chefs d'Etat etrangers; elle a Ste introduite, il y aura bientflt 70 ans, dans les lois speciales qui reglent cette matiere en France; nous rap- pelons seulement pourmemoire les art. 12 de la loi du 17 mai 1819, 3 de la loi du 26 mai 1819, 5 de la loi du 29 dScembre 1875, 47 de la loi du 19 juillet 1881.

Quant a la condition de rSciprocite legale ou diplomatique, nous la croyons utile a raison de la teneur aetuelle de plusieurs lois etrangeres. On peut aussi constater [que le principe superieur en vertu duquel une rSgle doit etre adoptee, parce qu'elle est bonne en soi sans souci de savoir si les voisins sont disposes a nous aeeorder les memes avantages, a un peu perdu de terrain dans ces derniSres annees. On revient de plus en plus dans la pratique des rapports in- ternationaux au principe, plus modeste sans doute, mais en somme fort Squitable de la reciprocite. Nous voulons croire que Fideal n'a pas baisse, que la gSnSrositS qui gouverne les relations des peuples contribue a Fentretenir, et que si une conception plus utilitaire rencontre seule aujourd'hui la faveur du public, c'est seulement que la frequence -des conventions diplomatiques a introduit peu a peu dans les mceurs internationales les habitudes positives des contrats synallagmatiques du droit civil!

Dans la voie oil il convient que le droit positif s'engage, PAlle- magne a deja fait les premiers pas.

Le Code pSnal allemand (Strafgesetzbuch fur das deutsche Reich) date du 15 mai 1871 et a ete corrige le 26 fevrier 1876. II est par consSquent un des plus modernes de FEurope. C'est dire qu'aucun de

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ses articles ne reptoduitles dispositions aujourd'hui condamnoes des art. 84 C. P. frangais, 174 C. P. sarde, l'i8 C. P. espagnol.

Un titre special eat consacreaux actes hostiles (feindliche Hand- lungen) contre les Etats amis ; il renferme quatre articles qui sont ainsi congus :

« Art. 102. Tout Allemand qui a. Finterieur ou a Fetranger, tout Stranger qui pendant son sejour a PintSrieur, commet, contre un Etat ne faisant pas partie de l'Empire allemand ou contre le souve¬ rain de cet Etat, un acte (Handlung) qui serait puni suivant les pres¬ criptions des art. 81 a 86, s'il etait commis contre un Etat de la Con- fSderation, ou un souverain confedere, sera puni dans les cas des articles 81 a 84dela detention d'un an a dix ans ou en cas de cireons- tances attSnuantes d'une detention de 6 mois a 10 ans ; dans les cas prSvua par les art. 85 et 86 de la detention d'un mois a 3 ans.

« Cependant il n'en sera ainsi que si la reciprocite [Gegenseitig- keit) est garantie a l'Empire allemand dans Fautre Etat.

* La poursuite n'a lieu que sur la requete (Antrag) du gouver¬ nement Stranger. La requete pourra Stre retiree. >

Les actes punis par les articles 81 a 86 C. P. allemand, auxquels renvoie Fart. 102, sont compris sous la rubrique : haute trahison et trahison envers l'Etat (Hocheverrath und Landesverrath); ils punis- sent les attentats contre les souverains de la Confederation, les com- plots pour changer par la violence la constitution, pour incorporer violemment le territoire de la Confederation a un Etat eti anger ou celui d'un Etat de la Confederation a un autre Etat de la ConfedSra- tion; la preparation etla provocation a ces crimes.

Art. 103 « Quieonque se sera rendu coupable d'une offense (Belei- digung) envers le souverain (Landesherr) ou le rSgent (Regenten) d'un Etat ne faisant pas partie du territoire allemand sera puni d'un emprisonnement d'une semaine a deux ans ou d'une detention de mSme'durSe, a la condition que dans cet Etat la reciprocite soit garantie a Fempire allemand.

a La poursuite n'aura lieu que sur la requete du gouvernement etranger. Cette requete pouira Stre retiree. »

Art. 103 « Quiconque aura mechamment enleve, detruit, endom- mage, outrage (beschimpfender XJnfug) les emblemes publics (offentliches Zeichen) de Fautorite d'un Etat qui n'appartient pas a l'empire allemand ou un embleme de la souverainete de cet Etat sera puni d'une amende de 600 marks et d'un emprisonnement pou- vant s'elever a deux ans. »

Art. 104 Quiconque se sera rendu coupable d'une offense (Belei-

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CONTRE UN ETAT ETRANGER. 27

digung) envers un ambassadeur ou un charge d'affaires accrSdites aupres de l'empire, d'une cour de la confederation, ou du sSnat de Fune des villes libres, sera puni d'un etnprisonnement pendant un an au plus ou de la detention pendant le meme temps. >

De cea dispositions, il convient de rapproeher l'art. 20 de la loi sur la presse du 7 mai 1874 (1) entrp en vigueur le l8r juillet 1874 (2) qui s'exprime ainsi : « La responsabilitS pour les actes dont le caraet^re delictueux repose sur le contenu d'un imprimS se deter¬ mine d'aprSs les lois pSnales ordinaires ».

L'examen de ces textes suggere plusieurs observations. L'AUe- magne a ariopte le principe affirmS par la legislation frangaise des 1819 : le delit contre un Etat ami, son souverain ou ses ambassa- deurs n'existe qu'a la condition que l'offense se plaigne et assume ainsi la responsabilite de la poursuite. L'Allemagne exige en outre que la reciprocite lui soit garantie, au moins par la legislation de l'Etat requerant.

Le code p6nal allemand ne chatie l'offense en general, que lors- qu'elle atteint non pas meme le Chef, mais seulement le Souverain (Landesherr) de l'Etat etranger, distinction qui laisse impunie, par exemple, l'offense faite 'au President de la Republique des Etats- Unis, de la Republique frangaise ou au Conseil federal helveti- que (3).

L'offense en general contre un Etat Stranger n'est pas reprimee. Le Code pSnal allemand ne frappe Foffenseur que dans deux cas:

eelui oil les emblemes publics de l'Etat etranger ont etS outragSs avec scandale (beschimpfender Unfug) ; celui oil l'offenseur a com¬ mis a Fegard de l'Etat etranger un des crimes de haute trahison que nous avons Snumeres plus haut : attentat contre la vie du sou¬ verain, complot pour changer violemment la constitution, pour deta¬ cher une partie du territoire, etc.

En dehors de ces deux cas, le droit penal allemand regarde avec impassibilite s'accomplir les offenses etles actions hostiles dont les Allemands ou les Strangers sur son territoire se rendent coupables envers un Etat ami : insultes, outrages, manifestations, actes hos¬ tiles de toute sorte. Les faits qui ont donne lieu a des poursuites en

(1) Gesetz uber die Presse n° 1003 Reichs Gesetz Blatt n° 16. (2) Liszt. Das deutsche Reichs pressrecht. Berlin, Gutentag 1880. p. 9. (3) 0. Meves (die Strafgesetz novclle) remarque, tout en critiquant

cette lacune, que l'art. 102 C. P. allemand ne protege pas le chef d'un Etat republicain. Ann. lSg. Str. 6'ann. p. 143.

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-28 OFFENSES ET ACTES HOSTIt.ES

France n'auraient pu en Allemagne Stre defSres aux tribunaux, pas plus que ceux qui se sont passSs pendant le carnaval de 1887 sur le territoire de cette puissance.

L'etat de la ISgislation dSsarme done FAllemagne pour demander la repression des offenses ou actes hostiles qui pourraient etre com¬ mis a son egard sur le territoire d'une autre puissance. Le conflit .hispano-allemand a propos des lies Carolines avait amene Fechange de certaines vivacites entre les sujets des deux pays. Des demons¬ trations du caractere le plus aggressif eurent lieu dans plusieurs 'villes espagnoles; des processions populaires dSfilerent aux cris -de « a bas FAllemagne » (1). Comment l'Allemagne aurait-elle pu s'en plaindre au gouvernement espagnol Celui-ci ne lui aurait-il pas victorieusement objecte que les outrages par gestes ou paroles, -les insultes, les huees, les menaces publiques contre un Etat etran¬ ger ne sont pas vises par la loi allemande et que cette loi meme pour les actes hostiles, tout a fait spSciaux et taxativement Snu- TnSrSs qu'elle punit, exige dans tous les cas la condition de reci¬ procite dans la lSgislation de l'Etat offense. Comment l'Allemagne eut-elle pu reproeher a l'Espagne de laisser impunis des faits, qui, Sclatant en territoire allemand contre l'Espagne, auraient SchappS a toute sanction penale

L'etat actuel de la legislation allemande ne donne pas pleine sa¬ tisfaction aux mesures qu'il est bon d'inscrire dans le droit positif pour assurer le respect que les Etats se doivent entre eux. L'Alle¬ magne est done du nombre des Etats qui ont a ameliorer leur code penal en ce point.

Pour rSgler cette matiere un article, rSdigS a peu pres dans les termes suivants, pourrait etre admis dans le droit positif:

« Quiconque aura commis publiquement une offense ou un acte « hostile envers un Etat Stranger, reguhSrement reconnu et en paix « avec la nation, sera puni d'un emprisonnement de 3 mois a 3 ans « et d'une amende de 100 fr. a 3.000 fr. ou de l'une de ses peines « seulement.

« La poursuite aura lieu devant la Cour d'assises, soit a la requete < de Pageut diplomatique de l'Etat offense, soit d'office, sur la « demande Scrite adressSe par cet agent au ministere des affaires « etrangeres, et par celui-ci transmise au ministre de la justice.

« La reciprocite lSgale ou diplomatique devra exiater en faveur de « l'Etat requis de la part de l'Etat requSrant.»

(1) V. le Temps Hu 5 au 15 sept. 1885.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER. 29~

Une pareille disposition donne satisfaction aux exigences du droit international au point de vue des egards mutuels que les peuples se doivent; elle enleve en meme temps au gouvernement, sur le terri¬ toire duquel le fait dSlicteux se produit, la responsabilitS inadmissible de poursuivre un de ses ressortissants, alorsque la partie offensSe ne se plaint pas. C'est a celle-ci de voir en quel sens les circonstances lui conseillent d'agir.

Les poursuites seront-elles nombreuses Nous ne le pensons pas>- et s'il faut dire toute notre pensSe, nous ne le souhaitons pas. Pour des Etats chrStiens, ce sera le cas de pratiquer Foubli des injures. Grandeur d'ame facile, car une nation est placee bien haut pour que Finjure d'un particulier puissemonter jusqu'a elle!

Comme gage de l'ere pacifique que nous promet un tel article de loi, il nous suffira de rappeler quelques Svenements contemporains.

Enoctobre 1883,AlphonseXII, roi d'Espagne, traversait Paris a son retour d'Allemagne ou il venait d'etre crSS colonel d'un rSgiment de uhlans en garnison a Strasbourg. Des sifflets et des huees se firent entendre sur son passage dans les rues de la eapitale. Les auteurs de cette manifestation encouraient une penalite. On pouvait prStendre qu'ils tombaient sous l'application de Particle 84 C. P. et que de tels agissements rentraient, avee un peu de bonne volontS, dans a les actions bostiles, exposant FEtat a une guerre ». L'initiative des poursuites appartenait au gouvernement; la discussion toutefois etait possible. Mais le delit, sur lequel aucun doute ne s'elevait,- c'etait celui d'offense au chef d'un Etat Stranger. Pour mettre en mou- vement Faction publique, il suffisait d'une plainte de FoffensS. Alphonse XII repoussa Fart. 36 de la loi 1881, qui s'offrait a lui; avec une sagesse et un sangfroid remarquables chez un homme jeune et fier, il s'abstint. Les relations de la France et de FEspagne n'y ont pas perdu.

En septembre 1885, a l'occasion du correspondant d'un journal parisien qui avait disparu dans la Haute Egypte, le journal, auquel il Stait attache, ouvrit une violente campagneeontrel'Angleterre, sa Souveraine et son Ambassadeur. Un meeting hostile fut organisS par son directeur dans une salle publique de la capitale, puis une manifestation populaire, qui se porta contre Fh6tel de l'ambassade d'Angleterre. Ici, si l'art. 84 C. P. ne devait pas etre considSre comme un texte sans portee, c'etait Foccasion, ou jamais, qu'il deployat ses effets. Le ministere public laissa le Code pSnal ferme-

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30 OFFENSES ET ACTES HOSTILES

L'offense, en tout cas, avait ete commise publiquement envers un chef d'Etat etranger et son ambassadeur. II suffisait d'une plainte des offenses pour mettre en mouvement Faction contenue dans les art. 36 et 37 de la loi du 29 juillet 1881. La reine d'Angleterre et lord Lyons ne se plaignirent pas. Le nuage passa, et les relations de deus grands pays n'en furent meme pas effleurees.

Le calme, la hauteur de vues, la conscience de sa force et de sa dignite, voila les sentiments qui conviennent aux nations en pareille occurence, et contre lesquels l'effort d'un particulier expire, telum imbelle sine ictu.

Cependant, si dans une circonstance determinee, l'Etat offense estime qu'il lui importe de se servir des armes que la loi met a sa disposition et de deferer l'offenseur a, la justice de son pays, la responsabilite de cette poursuite et de ses consequences reste a la charge du plaignaut. Les poursuites aboutiraient-elles a l'absolu- tion du coupable, l'Etat offense n'aura aucune plainte a elever. Tout ce qu'il peut exiger c'est que la loi et les tribunaux soient impar- tialement mis a sa disposition: cela fait, il ne lui reste qu'a s'in- cliner devant les resultats favorables ou contraires.

C'est la un principe de droit international que eonsigne l'illustre professeur a FUniversite de Heidelberg, M. Bluntschli, dont nous tenons a honneur d'avoir partage les travaux pendant plusieurs annees a l'Institut de droit international : « La punition d'un crime ou d'un delit depend des regies du droit pSnal et de la proce¬ dure criminelle en vigueur dans lepays. Le pouvoir executif (repre- sentativeStatsgewaltjde ce pays nepeut generalement pas&'immiscer dans Fadministration de la justice. Consequemment, s'il n'y a pas d'autre procedure, pour les deiits contre le droit international, le jugement de ces deiits devra Stre Sgalement remis aux tribunaux • rdinaires (nrdentlichenStrafjustiz). L'Etat offense n'est pas fondS a reclamer une derogation a la marche ordinaire de la justice, et il doit se tenir pour satiafait (er muss sich gefallen lassen), memo si FaccusS Stait acquitte (freigesprochen), ou puni d'une moindre peine que celle que l'Etat offense estimait juste » (1).

P.-S. Quelque temps aprSs que cette etude etait Scrite, compa- raissait devant la Cour d'assises de la Seine, le 12 mars 1887, M. Ri- gondaud (Peyramont) directeur de la Revanche, journal quoti-

(1) Bluntschli. Das moderne Volkerreoht, §467. Ntfidlingen, 1872.

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CONTRE UN ETAT ETRANGER. 31

dien publiS a Paris, sous la prevention du crime contre la surete extSrieure de l'Etat, puni par l'art 84 C. P. de la peine du bannisse¬ ment. Les faits releves contre lui par le ministere public etaient les suivants, que nous extrayons litcSralement- de Facte d'accusation :

« Le 22 fevrier 1887, vers une heure del'apres-rnidi, Rigondaud, dit Peyramont, a fait exposer devant les fenStres des bureaux du journal la Revanche un ecriteau de grande dimension entoure de drapeaux russes et frangais portant l'inscription suivante : — Elec¬ tions d'Alsace-Lorraine. — Candidats frangais 72,680 voix. — Can¬ didate allemands 16,022 voix. — Tous les protestataires elus. — Vive la France 1 » La question posSe au jury se rSsumait ainai : Paceuse en se livrant a ces actes a-t-il commis « une action hostile ayant expose FEtat a une declaration de guerre »? Le verdict du jury a ete negatif, et l'accuse a ete aequitte.

Ce proces presente un cas interessant; car c'est la premiere pour¬ suite, depuis la confection du Code p6nal (1810), qui ait ete intentee en vertu de Fart. 84 C. P. seul; dans les trois autres eas connusi Faccusation avait pu relever des « actes ayant exposS des Frangais a eprouver des represailles » (art. 85 C. P.). Nous croyons avoir de- montre que dans Fespece actuelle l'acquittement etait juridiquement certain.

E.C.

Pans. — Typ. A. PARENT, A. DAVY, succ, imp. do la Faculti de ir6decine, 52, ruo Madame et rue Corneillc, 3

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