Octave et les valeureuses

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Octave et les valeureuses Alberto LOMBARDO Editions ART ET COMEDIE 3, rue de Marivaux 75002 PARIS

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Octave et les valeureuses Alberto LOMBARDO

Editions ART ET COMEDIE 3, rue de Marivaux

75002 PARIS

Page 2: Octave et les valeureuses

Aux merveilleux comédiens qui ont donne les premiers

leurs voix a mes personnages : Jean-Christophe Allais, Mounira Barbouch, Simon Bellahsen, Marie-Martine Cheveaux,

Josephine Déchenaud, Marine Martin-Elhinger; Cathy Nouchi et Véronique Rodier

et a Patrick Avalle, un éditeur formidable.

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PREFACE

Octave et les valeureuses : drôle de titre pour une piece follement drôle. Alberto Lombardo nous fait entendre en même temps Octave et les malheureuses, puisque sa comédie met en scene un homme cerné par cinq femmes cherchant désespérément a avoir l'exclusivité de son amour. Cet Octave n'est pas un Don Juan classique : it ne conquiert pas les femmes par la manière forte. C'est un séduit plus qu'un séducteur. II dit oui parce qu'il ne sait pas dire non. En disant oui a quelques passantes énamourées, it est l'homme de toutes les lâchetés et aussi l'homme de tous les amours. Il se prend sans doute les pieds dans un piège mortel mais le piège est délicieux. Et it n'y a que cinq séductrices. Dans Les Fiancees en folie, Buster Keaton — une reference qui est peut-être dans la tête d'Alberto Lombardo : it y a une parenté, une sorte de douceur lunaire, entre ces deux destructeurs de l'esprit de sérieux — est poursuivi par cinq cents adoratrices. Lombardo, avec les moyens du theatre, ne peut s'offrir une telle multiplication d'egeries. Son rire n'est pas délire puisqu'il fait toumer, avec beaucoup d'habileté, un manège qui sonne vrai. Ce manège est une belle machine a rire, avec sa profondeur secrete : la course-poursuite que nous menons tous avec notre double besoin d'amour et de solitude.

GILLES COSTAZ

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PERSONNAGES

Octave, célibataire, la quarantaine, professeur des écoles.

Sylvie, célibataire, entre trente et quarante ans, chanteuse lyrique.

Josy, célibataire, entre 20 et 25 ans, étudiante en psychologie.

Éliane, célibataire, proche de la quarantaine, professeur.

Joëlle, mariée, la quarantaine, caissière de grande surface.

Brigitte, sœur aînée d'Éliane, célibataire, la quarantaine, galeriste.

La mère d'Octave, veuve.

La mère d'Éliane et de Brigitte, mariée, directrice d'école.

Le père d'Éliane et de Brigitte, marié, professeur d'université.

Nota bene : les deux mères peuvent être interprétées par la même comédienne.

DÉCOR

Toute l'action se déroule dans le studio d'Octave. Petit studio coquet. Un coin-chambre avec un grand lit confortable. Un coin-cuisine, placards, table en bois, chaises assorties, un coin-salon avec des petits fauteuils en tissu très élégants, une commode en merisier. À fond jardin, une porte qui donne dans la salle de bains et les toilettes. La porte d'entrée se trouve côté cour.

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SCÈNE 1

SYLVIE/OCTAVE

Il est entre neuf heures et dix heures du matin, mercredi. Sylvie termine de chanter l'air de « Vissi d'acte » dans la Tosca de Puccini. Octave, allongé sur le lit, fait mine de l'écouter, mais semble préoccupé.

SYLVIE - « ... Nell'ora del dolor, perchè, perchè, Signor, ah, perchè me ne rimuneri cosí. » (Sylvie éteint le lecteur CD et se tourne vers Octave.) Alors?

OCTAVE - C'est bien.

SYLVIE - C'est tout?

OCTAVE - Non, non, c'est bien. Tu te débrouilles bien en italien.

SYLVIE - Oui bon l'italien, l'allemand, l'anglais, c'est normal de savoir prononcer les sons correctement, c'est mon métier. C'est comme si tu demandais à un comédien comment il fait pour retenir son texte. C'est le b.a.-ba. Lui, ce qu'il veut savoir c'est si tu as aimé son interprétation. Moi je te demande si tu as aimé ma voix? (Petit temps.) Tu t'es laissé embarquer?

OCTAVE - Embarquer?

SYLVIE - Ça t'a fait vibrer?

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OCTAVE - Vibrer? OCTAVE (un chat dans la gorge) - Mais pour le cas où ça ne

SyLVIE - Bon, ça t'a plu, oui ou non? marcherait pas... (Sylvie se rétracte.) Tu accepterais qu'on te propose un rôle moins... un rôle plus... ?

OCTAVE - Mais je viens de te le dire : oui, c'est formidable, la voix, les sons, la prononciation... En plus t'as choisi un morceau SyLVIE - Un rôle secondaire tu veux dire? qui te convient parfaitement. OCTAVE (de plus en plus agité) - Par exemple.

SyLVIE - Tu crois que j'ai mes chances? SyLVIE - C'est pas possible. OCTAVE - Évidemment. (Petit temps.) C'est pour quoi déjà? OCTAVE - Ah!

SyLVIE - Une audition avec un des plus grands metteurs en scène SyLVIE - C'est le seul rôle féminin dans la « Tosca ». d'opéra italien : Emilio Scaratti. La première a lieu en France, c'est

OCTAVE distribution franco-italienne. OCTAVE - Ah oui ! ... Je comprends.

OCTAVE - Merveilleux ! Et tu auditionnes pour quel rôle? SyLVIE - Tu doutes de moi.

SyLVIE - Le rôle-titre. OCTAVE - Mais je ne doute pas... Je me dis juste qu'en général

OCTAVE - Ah ! dans ce genre de production le plus souvent ils font appel à des stars. Tu sais bien comment ça se passe : sans le nom d'une vedette

SyLVIE - C'est quoi ce « ah »? en haut de l'affiche, c'est pas économiquement viable. Et puis n'oublie pas que je suis d'un naturel pessimiste. C'est aussi pour

OCTAVE - Ben rien, c'est seulement : Ah!... Ah oui 17 Tu t'épargner la déception, les désillusions, comme ça, s'ils ne te pren- auditionnes pour le rôle-titre ! nent pas, ce que je ne te souhaite pas évidemment, tu tomberas de

SyLVIE - Tu sembles sceptique? moins haut.

OCTAVE - C'est pas ça mais... SyLVIE - Et c'est avec ce genre de propos que tu comptes amortir ma chute?

Il regarde dans le vague, comme pour chercher l'inspiration. OCTAVE - Ça n'enlève rien à tes qualités de chanteuse.

SyLVIE - Tu trouves que j'ai pas l'envergure, je suis trop âgée? SyLVIE - Tu n'aurais pas dû me dire ça maintenant. Tu me fais

OCTAVE - Je ne sais pas, moi, mais tu n'es pas connue, tu n'as perdre ma foi là! C'est vrai, je passe mon audition dans six heures

jamais vraiment chanté dans des trucs importants. Qu'en pense ton et tu t'arranges pour me déstabiliser. professeur?

OCTAVE - Ce n'était pas mon intention. Je suis désolé. Tu as raison SyLVIE - Charles? Il dit que j'ai toutes mes chances. d'y croire. Si on ne croit pas en ce qu'on fait, autant ne pas essayer.

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OCTAVE - Vibrer? OCTAVE (un chat dans la gorge) - Mais pour le cas où ça ne

SyLVIE - Bon, ça t'a plu, oui ou non? marcherait pas... (Sylvie se rétracte.) Tu accepterais qu'on te propose un rôle moins... un rôle plus... ?

OCTAVE - Mais je viens de te le dire : oui, c'est formidable, la voix, les sons, la prononciation... En plus t'as choisi un morceau SyLVIE - Un rôle secondaire tu veux dire? qui te convient parfaitement. OCTAVE (de plus en plus agité) - Par exemple.

SyLVIE - Tu crois que j'ai mes chances? SyLVIE - C'est pas possible. OCTAVE - Évidemment. (Petit temps.) C'est pour quoi déjà? OCTAVE - Ah!

SyLVIE - Une audition avec un des plus grands metteurs en scène SyLVIE - C'est le seul rôle féminin dans la « Tosca ». d'opéra italien : Emilio Scaratti. La première a lieu en France, c'est

OCTAVE distribution franco-italienne. OCTAVE - Ah oui ! ... Je comprends.

OCTAVE - Merveilleux ! Et tu auditionnes pour quel rôle? SyLVIE - Tu doutes de moi.

SyLVIE - Le rôle-titre. OCTAVE - Mais je ne doute pas... Je me dis juste qu'en général

OCTAVE - Ah ! dans ce genre de production le plus souvent ils font appel à des stars. Tu sais bien comment ça se passe : sans le nom d'une vedette

SyLVIE - C'est quoi ce « ah »? en haut de l'affiche, c'est pas économiquement viable. Et puis n'oublie pas que je suis d'un naturel pessimiste. C'est aussi pour

OCTAVE - Ben rien, c'est seulement : Ah!... Ah oui 17 Tu t'épargner la déception, les désillusions, comme ça, s'ils ne te pren- auditionnes pour le rôle-titre ! nent pas, ce que je ne te souhaite pas évidemment, tu tomberas de

SyLVIE - Tu sembles sceptique? moins haut.

OCTAVE - C'est pas ça mais... SyLVIE - Et c'est avec ce genre de propos que tu comptes amortir ma chute?

Il regarde dans le vague, comme pour chercher l'inspiration. OCTAVE - Ça n'enlève rien à tes qualités de chanteuse.

SyLVIE - Tu trouves que j'ai pas l'envergure, je suis trop âgée? SyLVIE - Tu n'aurais pas dû me dire ça maintenant. Tu me fais

OCTAVE - Je ne sais pas, moi, mais tu n'es pas connue, tu n'as perdre ma foi là! C'est vrai, je passe mon audition dans six heures

jamais vraiment chanté dans des trucs importants. Qu'en pense ton et tu t'arranges pour me déstabiliser. professeur?

OCTAVE - Ce n'était pas mon intention. Je suis désolé. Tu as raison SyLVIE - Charles? Il dit que j'ai toutes mes chances. d'y croire. Si on ne croit pas en ce qu'on fait, autant ne pas essayer.

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SYLVIE - Je suis d'accord. peau... Toi-même, tu as toujours dit que tu ne ferais jamais ta vie

OCTAVE - Tu assures comme une bête, là! Voilà! C'est ce que je avec quelqu'un comme moi, que je n'étais pas fiable... En plus tu

pense. (Il se tait) Tu comprends tout de même ce que je voulais dire? as ce désir de fonder quelque chose, une famille quoi ! Et avec (Il n 'a pas pu s'en empêcher.) moi... Je ne veux pas que tu te retrouves à quarante ans le bec dans

l'eau, voilà! SYLVIE - Oui, oui, mais j'aime tellement chanter.

SYLVIE - Tu veux me quitter? OCTAVE - Ça, personne ne te l'interdira jamais.

OCTAVE - Non! Enfin oui, oui! SYLVIE - Je te raconterai tout ce soir.

SYLVIE - Et pourquoi aujourd'hui spécialement? OCTAVE - Ce soir? (Mal à l'aise.) C'était prévu qu'on se voie ce

soir? OCTAVE - Ça me paraissait être le bon moment.

SYLVIE - Non, mais je m'étais dit qu'on aurait pu fêter mon SYLVIE - Tu crois?

audition. OCTAVE - J'ai pas calculé, fallait que je te le dise, c'est tout.

OCTAVE - Pourquoi, tu comptes l'avoir? Franchement tu t'imaginais pas que ça pourrait durer longtemps à ce train-là? Plus on tardera à prendre une décision, plus ce sera

SYLVIE - T'es méchant. Je pensais qu'on aurait pu... difficile.

OCTAVE - D'habitude on se voit les mardis soir et parfois les SYLVIE - Tu as rencontré quelqu'un d'autre? jeudis... c'est vrai, mais il n'a jamais été question du mercredi. OCTAVE - Ah ! j'en étais sûr ! T'es pas capable d'imaginer moins

SYLVIE - Parce que pour toi notre relation se résume à une cliché, moins trivial, plus intérieur comme explication. histoire d'agenda?

SYLVIE - Je ne suis pas stupide tu sais, ça fait deux ans qu'on se OCTAVE - On a toujours fonctionné comme ça... De toute façon, connaît et vu la fréquence relâchée de nos rendez-vous, et connais-

ce soir, ça ne va pas être possible. sant ton art de la séduction — on s'est tout de même rencontrés dans

SYLVIE - Tu as autre chose à faire? un ascenseur —, je peux aisément imaginer que tu en vois une autre quand tunes pas avec moi.

OCTAVE - Écoute Sylvie, je réfléchissais pendant que tu chantais OCTAVE - Une autre? et je me demandais : ça rime à quoi nous deux?

SYLVIE - Plusieurs l? Tu peux me le dire, ça ne me surpren- SYLVIE - Ah ! ... Et tu as trouvé la réponse? drait pas.

OCTAVE - J'aime être avec toi, on passe des moments plutôt OCTAVE - Je désire changer de vie, repartir à zéro, et pour ça, je sympathiques, tu es une personne agréable, j'adore l'odeur de ta dois faire table rase.

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SYLVIE - Je suis d'accord. peau... Toi-même, tu as toujours dit que tu ne ferais jamais ta vie

OCTAVE - Tu assures comme une bête, là! Voilà! C'est ce que je avec quelqu'un comme moi, que je n'étais pas fiable... En plus tu

pense. (Il se tait) Tu comprends tout de même ce que je voulais dire? as ce désir de fonder quelque chose, une famille quoi ! Et avec (Il n 'a pas pu s'en empêcher.) moi... Je ne veux pas que tu te retrouves à quarante ans le bec dans

l'eau, voilà! SYLVIE - Oui, oui, mais j'aime tellement chanter.

SYLVIE - Tu veux me quitter? OCTAVE - Ça, personne ne te l'interdira jamais.

OCTAVE - Non! Enfin oui, oui! SYLVIE - Je te raconterai tout ce soir.

SYLVIE - Et pourquoi aujourd'hui spécialement? OCTAVE - Ce soir? (Mal à l'aise.) C'était prévu qu'on se voie ce

soir? OCTAVE - Ça me paraissait être le bon moment.

SYLVIE - Non, mais je m'étais dit qu'on aurait pu fêter mon SYLVIE - Tu crois?

audition. OCTAVE - J'ai pas calculé, fallait que je te le dise, c'est tout.

OCTAVE - Pourquoi, tu comptes l'avoir? Franchement tu t'imaginais pas que ça pourrait durer longtemps à ce train-là? Plus on tardera à prendre une décision, plus ce sera

SYLVIE - T'es méchant. Je pensais qu'on aurait pu... difficile.

OCTAVE - D'habitude on se voit les mardis soir et parfois les SYLVIE - Tu as rencontré quelqu'un d'autre? jeudis... c'est vrai, mais il n'a jamais été question du mercredi. OCTAVE - Ah ! j'en étais sûr ! T'es pas capable d'imaginer moins

SYLVIE - Parce que pour toi notre relation se résume à une cliché, moins trivial, plus intérieur comme explication. histoire d'agenda?

SYLVIE - Je ne suis pas stupide tu sais, ça fait deux ans qu'on se OCTAVE - On a toujours fonctionné comme ça... De toute façon, connaît et vu la fréquence relâchée de nos rendez-vous, et connais-

ce soir, ça ne va pas être possible. sant ton art de la séduction — on s'est tout de même rencontrés dans

SYLVIE - Tu as autre chose à faire? un ascenseur —, je peux aisément imaginer que tu en vois une autre quand tunes pas avec moi.

OCTAVE - Écoute Sylvie, je réfléchissais pendant que tu chantais OCTAVE - Une autre? et je me demandais : ça rime à quoi nous deux?

SYLVIE - Plusieurs l? Tu peux me le dire, ça ne me surpren- SYLVIE - Ah ! ... Et tu as trouvé la réponse? drait pas.

OCTAVE - J'aime être avec toi, on passe des moments plutôt OCTAVE - Je désire changer de vie, repartir à zéro, et pour ça, je sympathiques, tu es une personne agréable, j'adore l'odeur de ta dois faire table rase.

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SYLVIE - Ravie d'apprendre que je faisais partie des miettes. SYLVIE - T'es tout de même un beau salaud : me l'annoncer le Donc tu en as rencontré une autre. On ne décide pas de changer de jour d'une audition capitale ! vie pour se retrouver tout seul' ça n'existe pas' pas quelqu'un comme toi. OCTAVE - J'avais décidé de te le dire aujourd'hui' je ne me sou-

venais plus que tu avais ton audition. Et tu sais comment je suis' OCTAVE - Tu vois' ce qui me perturbe le plus' et j'en ai souffert quand j'ai quelque chose en tête...

pas mal pendant notre histoire, c'est ton manque d'imagination et SYLVIE - Je croyais que ce n'était pas prémédité. tu te trimballes des préjugés aussi gros que... que...

SYLVIE - Ne te prive pas, dis-le que je suis grosse._ De toute façon' OCTAVE - Forcément c'est prémédité' c'est pas une résolution

il me serait difficile de prouver le contraire: qui m'est venue subitement' ça fait des jours que je cogite. Tu crois que c'est facile de se séparer de quelqu'un? C'est plus facile d'être

OCTAVE - Tu sais très bien que ça ne m'a jamais dérangé... C'est quitté que de quitter' crois-moi. On endosse tout le poids de la

même en grande partie pour ça que j'ai aimé être avec toi. culpabilité.

SYLVIE - Donc c'est pas pour moi? SYLVIE (ironique) - Oh! je suis désolée...

OCTAVE - C'est pour toi aussi, qu'est-ce que tu me chantes ! Enfin' OCTAVE (pas ironique) - Mais non' ça ira. Pour l'instant ce qui

tout ça c'est toi... ton poids, ta voix, et le reste ça m'a plu. importe' c'est que tu réussisses ton audition. Sache que tu peux tou- jours m'appeler si ça ne va pas. On n'est pas des sauvages. En tout

SYLVIE - Qu'est-ce qui t'empêche de repartir à zéro avec moi? cas moi je t'appellerai ce soir pour te demander comment ça s'est

OCTAVE - Ça se saurait si on avait dû bâtir ensemble. Ça se sent passé.

ces choses-là. On ne vivait pas une véritable histoire. Avec certaines SYLVIE (vivement) - Très mal. Ça s'est très mal passé. Alors ne personnes on emprunte un chemin, et avec d'autres une impasse. compte pas sur moi pour te répondre. Quand je pense que je me suis

SYLVIE - Merci du compliment. Quand je pense que Charles me aveuglée pendant tout ce temps! T'es un goujat!

fait des avances depuis des lustres et que j'ai toujours refusé à cause OCTAVE - J'aurais préféré qu'on se sépare sur une note plus de toi ! enjouée' mais je constate que tu n'es pas disposée.

OCTAVE - Ton professeur!? Mais quel âge il a? SYLVIE - Tu voudrais que je te saute au cou et que je te dise merci pour tout?

SYLVIE - Qu'est-ce que ça peut te faire? L'amour c'est pas que sexuel. (Octave esquisse une moue dubitative.) J'avais trouvé mon OCTAVE - On aurait pu devenir bons amis.

équilibre' et maintenant tu veux tout foutre en l'air. SYLVIE - J'en ai suffisamment' des amis. Tu peux t'en aller.

OCTAVE - Faut pas chercher plus loin' crois-moi' les faits parlent OCTAVE - C'est-à-dire que c'est chez moi que ça se passe en ce d'eux-mêmes. moment.

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SYLVIE - Ravie d'apprendre que je faisais partie des miettes. SYLVIE - T'es tout de même un beau salaud : me l'annoncer le Donc tu en as rencontré une autre. On ne décide pas de changer de jour d'une audition capitale ! vie pour se retrouver tout seul' ça n'existe pas' pas quelqu'un comme toi. OCTAVE - J'avais décidé de te le dire aujourd'hui' je ne me sou-

venais plus que tu avais ton audition. Et tu sais comment je suis' OCTAVE - Tu vois' ce qui me perturbe le plus' et j'en ai souffert quand j'ai quelque chose en tête...

pas mal pendant notre histoire, c'est ton manque d'imagination et SYLVIE - Je croyais que ce n'était pas prémédité. tu te trimballes des préjugés aussi gros que... que...

SYLVIE - Ne te prive pas, dis-le que je suis grosse._ De toute façon' OCTAVE - Forcément c'est prémédité' c'est pas une résolution

il me serait difficile de prouver le contraire: qui m'est venue subitement' ça fait des jours que je cogite. Tu crois que c'est facile de se séparer de quelqu'un? C'est plus facile d'être

OCTAVE - Tu sais très bien que ça ne m'a jamais dérangé... C'est quitté que de quitter' crois-moi. On endosse tout le poids de la

même en grande partie pour ça que j'ai aimé être avec toi. culpabilité.

SYLVIE - Donc c'est pas pour moi? SYLVIE (ironique) - Oh! je suis désolée...

OCTAVE - C'est pour toi aussi, qu'est-ce que tu me chantes ! Enfin' OCTAVE (pas ironique) - Mais non' ça ira. Pour l'instant ce qui

tout ça c'est toi... ton poids, ta voix, et le reste ça m'a plu. importe' c'est que tu réussisses ton audition. Sache que tu peux tou- jours m'appeler si ça ne va pas. On n'est pas des sauvages. En tout

SYLVIE - Qu'est-ce qui t'empêche de repartir à zéro avec moi? cas moi je t'appellerai ce soir pour te demander comment ça s'est

OCTAVE - Ça se saurait si on avait dû bâtir ensemble. Ça se sent passé.

ces choses-là. On ne vivait pas une véritable histoire. Avec certaines SYLVIE (vivement) - Très mal. Ça s'est très mal passé. Alors ne personnes on emprunte un chemin, et avec d'autres une impasse. compte pas sur moi pour te répondre. Quand je pense que je me suis

SYLVIE - Merci du compliment. Quand je pense que Charles me aveuglée pendant tout ce temps! T'es un goujat!

fait des avances depuis des lustres et que j'ai toujours refusé à cause OCTAVE - J'aurais préféré qu'on se sépare sur une note plus de toi ! enjouée' mais je constate que tu n'es pas disposée.

OCTAVE - Ton professeur!? Mais quel âge il a? SYLVIE - Tu voudrais que je te saute au cou et que je te dise merci pour tout?

SYLVIE - Qu'est-ce que ça peut te faire? L'amour c'est pas que sexuel. (Octave esquisse une moue dubitative.) J'avais trouvé mon OCTAVE - On aurait pu devenir bons amis.

équilibre' et maintenant tu veux tout foutre en l'air. SYLVIE - J'en ai suffisamment' des amis. Tu peux t'en aller.

OCTAVE - Faut pas chercher plus loin' crois-moi' les faits parlent OCTAVE - C'est-à-dire que c'est chez moi que ça se passe en ce d'eux-mêmes. moment.

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C'est pas une blague. Elle constate, se sent mal, prête à hurler, Josy - On est donc au cinquième. mais se contient.

OCTAVE - Ben oui. SYLVIE - T'es vraiment qu'une ordure !

Josy - C'est le chiffre parfait. OCTAVE - Je ne peux tout de même pas quitter mon propre appar-

tement. (Sylvie récupère ses affaires et se dirige vers la sortie.) Il OCTAVE - Pardon?

ne me reste plus qu'à te souhaiter bonne chance. Josy - Vous ne me reconnaissez pas?

SYLVIE - C'est merde qu'on dit dans ces cas-là. OCTAVE - Vous travaillez à la boulangerie.

OCTAVE - Je t'appellerai quand même. Josy - Trop facile, je viens de vous le dire. C'est moi qui vous

SYLVIE - Je ne veux plus jamais entendre parler de toi. sers votre petit pain au chocolat tous les matins.

Elle ne peut plus retenir ses larmes. Il referme la porte. OCTAVE - Ah!

Josy - Si c'est pas David, c'est quoi votre prénom?

OCTAVE - Octave.

SCÈNE 2 Josy - Je suis tellement contente. Je venais livrer sa quiche à M. Herbert, et pouf! vous tombez du ciel. J'ai été guidée en quelque

OCTAVE/JOSY sorte. Vous êtes seul?

OCTAVE - Je vous ferais bien entrer mais...

Il est plus de dix heures. Octave fait son lit. On sonne, il va Josy - Ne vous donnez pas cette peine. De toute façon, je n'ai

ouvrir. C'est une jeune femme. Toute la scène se passe sur le pas le temps. Votre petite amie n'est pas venue vous rendre visite

seuil de la porte d'entrée. La jeune femme semble étonnée aujourd'hui? mais ravie de se retrouver devant Octave.

OCTAVE - Ma petite amie?

Josy - Ah! c'est vous !? Je viens pour la livraison. Je travaille à Josy - Une grande mince avec des lunettes. la boulangerie. David Herbert... c'est bien ça?

OCTAVE - Ah non! OCTAVE - Ah oui ! ... Éliane.

Josy - J'ai dû me tromper d'étage. (Elle n'a pas envie de s'en Josy - Parfois, elle fait un détour par la boulangerie pour vous

aller) C'est incroyable. prendre votre petit pain. C'est votre fiancée, n'est-ce pas? (Il semble s'interroger) Vous avez oublié? Vous ne vivez pas ensemble? Ça

OCTAVE - Je crois que c'est en dessous, au quatrième. doit faire bizarre de vivre avec quelqu'un en permanence, ça doit

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C'est pas une blague. Elle constate, se sent mal, prête à hurler, Josy - On est donc au cinquième. mais se contient.

OCTAVE - Ben oui. SYLVIE - T'es vraiment qu'une ordure !

Josy - C'est le chiffre parfait. OCTAVE - Je ne peux tout de même pas quitter mon propre appar-

tement. (Sylvie récupère ses affaires et se dirige vers la sortie.) Il OCTAVE - Pardon?

ne me reste plus qu'à te souhaiter bonne chance. Josy - Vous ne me reconnaissez pas?

SYLVIE - C'est merde qu'on dit dans ces cas-là. OCTAVE - Vous travaillez à la boulangerie.

OCTAVE - Je t'appellerai quand même. Josy - Trop facile, je viens de vous le dire. C'est moi qui vous

SYLVIE - Je ne veux plus jamais entendre parler de toi. sers votre petit pain au chocolat tous les matins.

Elle ne peut plus retenir ses larmes. Il referme la porte. OCTAVE - Ah!

Josy - Si c'est pas David, c'est quoi votre prénom?

OCTAVE - Octave.

SCÈNE 2 Josy - Je suis tellement contente. Je venais livrer sa quiche à M. Herbert, et pouf! vous tombez du ciel. J'ai été guidée en quelque

OCTAVE/JOSY sorte. Vous êtes seul?

OCTAVE - Je vous ferais bien entrer mais...

Il est plus de dix heures. Octave fait son lit. On sonne, il va Josy - Ne vous donnez pas cette peine. De toute façon, je n'ai

ouvrir. C'est une jeune femme. Toute la scène se passe sur le pas le temps. Votre petite amie n'est pas venue vous rendre visite

seuil de la porte d'entrée. La jeune femme semble étonnée aujourd'hui? mais ravie de se retrouver devant Octave.

OCTAVE - Ma petite amie?

Josy - Ah! c'est vous !? Je viens pour la livraison. Je travaille à Josy - Une grande mince avec des lunettes. la boulangerie. David Herbert... c'est bien ça?

OCTAVE - Ah non! OCTAVE - Ah oui ! ... Éliane.

Josy - J'ai dû me tromper d'étage. (Elle n'a pas envie de s'en Josy - Parfois, elle fait un détour par la boulangerie pour vous

aller) C'est incroyable. prendre votre petit pain. C'est votre fiancée, n'est-ce pas? (Il semble s'interroger) Vous avez oublié? Vous ne vivez pas ensemble? Ça

OCTAVE - Je crois que c'est en dessous, au quatrième. doit faire bizarre de vivre avec quelqu'un en permanence, ça doit

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pas être drôle tous les jours. (Petit temps.) Moi je trouve ça plutôt Josy - Je vous imaginais plutôt aviateur. Les rêves qu'on se fait ! attendrissant un homme de votre âge qui ne sait pas encore ce qu'il veut. (Petit temps.) Vous savez que plus de la moitié des individus

OCTAVE - Ce sera pour une autre vie.

ont une idée très précise de ce qu'ils seront dans vingt ans? Y en a Josy - Et votre petite amie? même qui savent comment ils vont mourir. Vous, c'est pas le genre. OCTAVE - Laquelle?... Non, je plaisantais. Elle enseigne aussi. Parce que je vous observe... Quand elle vous attendait l'autre jour

Josy - Ah! vous faites la même chose ! votre Éliane, je voyais bien que vous vous demandiez pourquoi vous étiez là. OCTAVE - Elle, c'est dans un lycée... c'est plus sérieux. Et vous,

OCTAVE - Vous avez vu ça!? vous n'avez pas de petit ami en ce moment?

Josy - Des tas. Je ne suis pas du genre très stable. Un peu Josy - Études de psycho ! comme vous, si j'ai bien compris.

OCTAVE - Intéressant. OCTAVE - Bon, eh bien, je vais me faire couler un bain, m'al-

Josy - La boulangerie, c'est pour payer ma chambre. On se fait longer sur le lit, penser à vous, à notre conversation...

toujours une montagne de tout et voilà que je vous parle, je me disais Josy - Vous êtes un séducteur.

que jamais je n'oserais... (Elle frissonne.) Je déteste mon prénom, OCTAVE - C'est juste une façon de prendre congé gentiment. alors appelez-moi Josy.

Josy - Maintenant, quand vous viendrez chercher votre pain au OCTAVE - Pourquoi? Josiane c'est sympa. chocolat, ce sera plus pareil. (Octave préfère se taire, surtout qu'il

ne saisit pas du tout ce qu'elle cherche à transmettre.) C'est comme JOSY - Vous avez deviné ? Vous savez qu'il y a huit millions de si on avait passé le cap des préliminaires, non ? personnes qui vivent seules dans notre pays? Les gens préfèrent se voir à petites doses, uniquement quand ils en ont envie, ne partager OCTAVE - Ah oui?

que les bons moments. (Vivement.) Soyez honnête, vous ne couchez Josy - Alors, à demain. pas tous les jours avec vos copines ?... Vous vous réveillez en majo- Elle s'en va en souriant. Il referme la porte et s'empare de son lité plus souvent seul, non? téléphone.

OCTAVE - Mais je crois que ça me plaît.

Josy - Vous croyez? Alors vous faites partie des huit millions. Et vous faites quoi, comme métier?

OCTAVE - Instituteur.

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pas être drôle tous les jours. (Petit temps.) Moi je trouve ça plutôt Josy - Je vous imaginais plutôt aviateur. Les rêves qu'on se fait ! attendrissant un homme de votre âge qui ne sait pas encore ce qu'il veut. (Petit temps.) Vous savez que plus de la moitié des individus

OCTAVE - Ce sera pour une autre vie.

ont une idée très précise de ce qu'ils seront dans vingt ans? Y en a Josy - Et votre petite amie? même qui savent comment ils vont mourir. Vous, c'est pas le genre. OCTAVE - Laquelle?... Non, je plaisantais. Elle enseigne aussi. Parce que je vous observe... Quand elle vous attendait l'autre jour

Josy - Ah! vous faites la même chose ! votre Éliane, je voyais bien que vous vous demandiez pourquoi vous étiez là. OCTAVE - Elle, c'est dans un lycée... c'est plus sérieux. Et vous,

OCTAVE - Vous avez vu ça!? vous n'avez pas de petit ami en ce moment?

Josy - Des tas. Je ne suis pas du genre très stable. Un peu Josy - Études de psycho ! comme vous, si j'ai bien compris.

OCTAVE - Intéressant. OCTAVE - Bon, eh bien, je vais me faire couler un bain, m'al-

Josy - La boulangerie, c'est pour payer ma chambre. On se fait longer sur le lit, penser à vous, à notre conversation...

toujours une montagne de tout et voilà que je vous parle, je me disais Josy - Vous êtes un séducteur.

que jamais je n'oserais... (Elle frissonne.) Je déteste mon prénom, OCTAVE - C'est juste une façon de prendre congé gentiment. alors appelez-moi Josy.

Josy - Maintenant, quand vous viendrez chercher votre pain au OCTAVE - Pourquoi? Josiane c'est sympa. chocolat, ce sera plus pareil. (Octave préfère se taire, surtout qu'il

ne saisit pas du tout ce qu'elle cherche à transmettre.) C'est comme JOSY - Vous avez deviné ? Vous savez qu'il y a huit millions de si on avait passé le cap des préliminaires, non ? personnes qui vivent seules dans notre pays? Les gens préfèrent se voir à petites doses, uniquement quand ils en ont envie, ne partager OCTAVE - Ah oui?

que les bons moments. (Vivement.) Soyez honnête, vous ne couchez Josy - Alors, à demain. pas tous les jours avec vos copines ?... Vous vous réveillez en majo- Elle s'en va en souriant. Il referme la porte et s'empare de son lité plus souvent seul, non? téléphone.

OCTAVE - Mais je crois que ça me plaît.

Josy - Vous croyez? Alors vous faites partie des huit millions. Et vous faites quoi, comme métier?

OCTAVE - Instituteur.

18 19

Page 16: Octave et les valeureuses

SCÈNE 3 OCTAVE - Mais si ! (Il l'embrasse... du bout des lèvres.) Tu ne OCTAVE/puis ÉLIANE/BRIGITTE travailles pas aujourd'hui?

ÉLIANE - Le mercredi, je n'ai pas cours l'après-midi, tu sais bien.

OCTAVE (au téléphone) - Allô ! C'est moi... Oui... Bonjour... OCTAVE - Quelle heure est-il?

Non, non, pas spécialement. C'était seulement pour savoir si c'était ÉLIANE - Midi passé. Que faisais-tu?

toujours d'accord pour demain?... Ah!... Ah! je vois... Non, OCTAVE - Rien! J'étais au téléphone avec ma mère. non... C'est bien que tu sortes... Mais pas du tout... C'est parce

que c'est pas ton habitude... Mais enfin non! Voyons... Maman ! ? ÉLIANE - Comment va-t-elle ? Oh mon chéri, tu m'as manqué,

Maman... On se voit la semaine prochaine, d'accord? Amuse-toi tu sais. bien. Je t'embrasse. OCTAVE - On s'est vus y a pas si longtemps.

Il raccroche. Il est midi, on sonne à la porte. Éliane, style ÉLIANE - Cinq jours. BCBG, lunettes, apparaît, accompagnée d'une créature émi-

OCTAVE - Déjà? nemment féminine et énigmatique. Éliane occupe l'espace

comme si elle était chez elle. Octave la regarde, ahuri. Brigitte, ÉLIANE - Je m'ennuie de toi. C'est réciproque ? Tu sais que ça

la créature énigmatique, referme la porte et se tient à l'écart. va bientôt faire deux ans nous deux?

OCTAVE (un peu coincé) - Ah! Éliane !? Quelle surprise ! OCTAVE - C'est merveilleux.

ÉMANE - Ça ne te fait pas plaisir de me voir? Tiens, il est encore ÉLIANE (avec douceur) - Mon amour, je n'ai pas l'intention de

tout chaud. (Elle lui remet un pain au chocolat.) Je suis allée faire te faire une scène... (Silence pénible pour Octave.) Je voudrais seu-

des courses et j'ai trouvé ça. (Elle lui montre un énorme couteau de lement te faire comprendre. Ce n'est pas facile pour moi. Je suis là

cuisine.) Toi qui te plains toujours de ne pas en avoir qui coupent... sans être là. J'ai mes deux tiroirs, ma brosse à dents, mon sham- poing... Attention, je ne suis pas en train de te signifier que j'ai-

Et puis jetai pris des boxers comme tu les aimes, je les mets dans tuerais habiter ici en permanence, de toute façon c'est trop petit. Ne

ton tiroir. Et pour moi... (Elle montre un soutien-gorge... pas très m interromps pas quand je suis sur ma lancée. Tu me sonnes,

seyant.) Tu aimes? (Elle le range dans un des tiroirs de la commode j'arrive. C'est vrai, nous nous voyons uniquement en fonction de ton en merisier) Voilà. Tu es content? bon vouloir, de tes désirs. Et mes désirs à moi? Comment peuvent-

OCTAVE (ailleurs, comme un automate) - C'est touchant, c'est ils s'exprimer dans ces conditions !? J'ai fait le compte hier soir, on carrément touchant. se voit en moyenne deux fois par semaine. Ça fait vraiment couple

illégitime. Alors qu'on est tout ce qu'il y a de plus normal. Donc ÉLIANE - Tu ne m'embrasses pas? c'est la situation qui n'est pas normale. Tu comprends? J'aimerais

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Page 17: Octave et les valeureuses

SCÈNE 3 OCTAVE - Mais si ! (Il l'embrasse... du bout des lèvres.) Tu ne OCTAVE/puis ÉLIANE/BRIGITTE travailles pas aujourd'hui?

ÉLIANE - Le mercredi, je n'ai pas cours l'après-midi, tu sais bien.

OCTAVE (au téléphone) - Allô ! C'est moi... Oui... Bonjour... OCTAVE - Quelle heure est-il?

Non, non, pas spécialement. C'était seulement pour savoir si c'était ÉLIANE - Midi passé. Que faisais-tu?

toujours d'accord pour demain?... Ah!... Ah! je vois... Non, OCTAVE - Rien! J'étais au téléphone avec ma mère. non... C'est bien que tu sortes... Mais pas du tout... C'est parce

que c'est pas ton habitude... Mais enfin non! Voyons... Maman ! ? ÉLIANE - Comment va-t-elle ? Oh mon chéri, tu m'as manqué,

Maman... On se voit la semaine prochaine, d'accord? Amuse-toi tu sais. bien. Je t'embrasse. OCTAVE - On s'est vus y a pas si longtemps.

Il raccroche. Il est midi, on sonne à la porte. Éliane, style ÉLIANE - Cinq jours. BCBG, lunettes, apparaît, accompagnée d'une créature émi-

OCTAVE - Déjà? nemment féminine et énigmatique. Éliane occupe l'espace

comme si elle était chez elle. Octave la regarde, ahuri. Brigitte, ÉLIANE - Je m'ennuie de toi. C'est réciproque ? Tu sais que ça

la créature énigmatique, referme la porte et se tient à l'écart. va bientôt faire deux ans nous deux?

OCTAVE (un peu coincé) - Ah! Éliane !? Quelle surprise ! OCTAVE - C'est merveilleux.

ÉMANE - Ça ne te fait pas plaisir de me voir? Tiens, il est encore ÉLIANE (avec douceur) - Mon amour, je n'ai pas l'intention de

tout chaud. (Elle lui remet un pain au chocolat.) Je suis allée faire te faire une scène... (Silence pénible pour Octave.) Je voudrais seu-

des courses et j'ai trouvé ça. (Elle lui montre un énorme couteau de lement te faire comprendre. Ce n'est pas facile pour moi. Je suis là

cuisine.) Toi qui te plains toujours de ne pas en avoir qui coupent... sans être là. J'ai mes deux tiroirs, ma brosse à dents, mon sham- poing... Attention, je ne suis pas en train de te signifier que j'ai-

Et puis jetai pris des boxers comme tu les aimes, je les mets dans tuerais habiter ici en permanence, de toute façon c'est trop petit. Ne

ton tiroir. Et pour moi... (Elle montre un soutien-gorge... pas très m interromps pas quand je suis sur ma lancée. Tu me sonnes,

seyant.) Tu aimes? (Elle le range dans un des tiroirs de la commode j'arrive. C'est vrai, nous nous voyons uniquement en fonction de ton en merisier) Voilà. Tu es content? bon vouloir, de tes désirs. Et mes désirs à moi? Comment peuvent-

OCTAVE (ailleurs, comme un automate) - C'est touchant, c'est ils s'exprimer dans ces conditions !? J'ai fait le compte hier soir, on carrément touchant. se voit en moyenne deux fois par semaine. Ça fait vraiment couple

illégitime. Alors qu'on est tout ce qu'il y a de plus normal. Donc ÉLIANE - Tu ne m'embrasses pas? c'est la situation qui n'est pas normale. Tu comprends? J'aimerais

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Page 18: Octave et les valeureuses

pouvoir venir quand j'en ai envie. Je pourrais avoir mon propre ÉLIANE - Quelle idiote, je ne vous ai même pas présentés. Brigitte, trousseau de clés, par exemple. Je pourrais te faire des surprises, Octave. Mais vous vous êtes déjà croisés une fois à la patinoire, tu pas tout le temps, je ne veux pas t'étouffer, mais parfois. t'en souviens?

OCTAVE - Comme aujourd'hui. OCTAVE - Mais bien sûr. Enchanté. ÉLIANE - Oui, comme aujourd'hui. Et ça se passe bien. Est-ce BRIGITTE - Idem.

que ma présence impromptue t'oppresse, là, franchement?

OCTAVE - Non. ÉLIANE - Brigitte brûlait de voir à quoi ça ressemblait ici. Mes

parents vont t'adorer. N'est-ce pas, grande sœur? ÉLIANE - Tu vois. Alors ?

BRIGITTE - Notre mère, sûrement. OCTAVE - C'est beaucoup de questions. Je peux t'assurer d'y

réfléchir sérieusement, oui. ÉLIANE - Mais Papa aussi. Il est un peu revêche au premier abord, mais dès que la glace est brisée, il peut se laisser aller.

ÉLIANE - Je m'y suis mal prise. Si! Inutile de nier, j'ai parfois

de la difficulté à dire les choses simplement, c'est pourtant pas BRIGITTE - Le défi, c'est de briser la glace.

sorcier ! Alors voilà, tu n'es pas obligé de dire oui, mais ça me ferait ÉLIANE - Octave, mon chéri, maintenant que je suis agrégée, je tellement plaisir. peux matériellement songer à prendre un appartement. D'autant

OCTAVE - Quoi donc? plus que grâce à papa, j'ai de fortes chances d'enseigner à l'univer- sité. Ce n'est plus possible à mon âge d'habiter encore chez mes

ÉLIANE - Que tu acceptes que je te présente à mes parents. Ce serait pour moi une belle preuve d'amour.

parents. (À Brigitte.) Oui je sais, toi, ça t'est égal. Tu te comportes comme si t'étais dans un hôtel. (À Octave.) Elle est encore rentrée

OCTAVE - Amour? complètement ivre hier au soir. Papa n'a pas supporté. Elle lui a

Il répète machinalement ce mot qui sonne étrangement a son répliqué qu'étant donné qu'elle était submergée de propositions

oreille. indécentes et qu'elle ne savait pas laquelle honorer, elle a préféré

ÉLIANE - Un vrai déjeuner, tous les cinq, il n'y a rien qui pourrait rentrer à la maison. Tu imagines la tête de mon père. Enfin non, puisque tu ne le connais pas, mais bon, tu sais qu'il est très conven-

me combler davantage. tionnel. Où en étais-je ? Pas question de m'installer ici, je te l'ai OCTAVE - Tous les cinq? déjà dit, c'est trop petit.

ÉLIANE - Avec ma sœur. OCTAVE - Je trouve aussi.

BRIGITTE - C'est moi. ÉLIANE - Que faire? (Un temps.) Et tu en es où dans tes révisions ?

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Page 19: Octave et les valeureuses

pouvoir venir quand j'en ai envie. Je pourrais avoir mon propre ÉLIANE - Quelle idiote, je ne vous ai même pas présentés. Brigitte, trousseau de clés, par exemple. Je pourrais te faire des surprises, Octave. Mais vous vous êtes déjà croisés une fois à la patinoire, tu pas tout le temps, je ne veux pas t'étouffer, mais parfois. t'en souviens?

OCTAVE - Comme aujourd'hui. OCTAVE - Mais bien sûr. Enchanté. ÉLIANE - Oui, comme aujourd'hui. Et ça se passe bien. Est-ce BRIGITTE - Idem.

que ma présence impromptue t'oppresse, là, franchement?

OCTAVE - Non. ÉLIANE - Brigitte brûlait de voir à quoi ça ressemblait ici. Mes

parents vont t'adorer. N'est-ce pas, grande sœur? ÉLIANE - Tu vois. Alors ?

BRIGITTE - Notre mère, sûrement. OCTAVE - C'est beaucoup de questions. Je peux t'assurer d'y

réfléchir sérieusement, oui. ÉLIANE - Mais Papa aussi. Il est un peu revêche au premier abord, mais dès que la glace est brisée, il peut se laisser aller.

ÉLIANE - Je m'y suis mal prise. Si! Inutile de nier, j'ai parfois

de la difficulté à dire les choses simplement, c'est pourtant pas BRIGITTE - Le défi, c'est de briser la glace.

sorcier ! Alors voilà, tu n'es pas obligé de dire oui, mais ça me ferait ÉLIANE - Octave, mon chéri, maintenant que je suis agrégée, je tellement plaisir. peux matériellement songer à prendre un appartement. D'autant

OCTAVE - Quoi donc? plus que grâce à papa, j'ai de fortes chances d'enseigner à l'univer- sité. Ce n'est plus possible à mon âge d'habiter encore chez mes

ÉLIANE - Que tu acceptes que je te présente à mes parents. Ce serait pour moi une belle preuve d'amour.

parents. (À Brigitte.) Oui je sais, toi, ça t'est égal. Tu te comportes comme si t'étais dans un hôtel. (À Octave.) Elle est encore rentrée

OCTAVE - Amour? complètement ivre hier au soir. Papa n'a pas supporté. Elle lui a

Il répète machinalement ce mot qui sonne étrangement a son répliqué qu'étant donné qu'elle était submergée de propositions

oreille. indécentes et qu'elle ne savait pas laquelle honorer, elle a préféré

ÉLIANE - Un vrai déjeuner, tous les cinq, il n'y a rien qui pourrait rentrer à la maison. Tu imagines la tête de mon père. Enfin non, puisque tu ne le connais pas, mais bon, tu sais qu'il est très conven-

me combler davantage. tionnel. Où en étais-je ? Pas question de m'installer ici, je te l'ai OCTAVE - Tous les cinq? déjà dit, c'est trop petit.

ÉLIANE - Avec ma sœur. OCTAVE - Je trouve aussi.

BRIGITTE - C'est moi. ÉLIANE - Que faire? (Un temps.) Et tu en es où dans tes révisions ?

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Page 20: Octave et les valeureuses

OCTAVE - Mes révisions? Ah! oui... Ça me tracasse depuis ÉLIANE - On ne va pas continuer indéfiniment comme ça. J'ai quelques jours, j'attendais de te voir pour te l'annoncer. Je ne sou- bientôt trente-huit ans, je ne peux pas me permettre de vivre au jour haite plus passer l'agrégation. J'en ai pas sérieusement envie, c'est le jour en attendant que tu te décides. Je t'aime et je veux construire ridicule, faire le pitre dans un amphithéâtre, et les étudiants m'exaspè- avec toi, je veux te présenter officiellement à mes parents, je veux rent. Non, j'aime bien mes petits, ils sont un peu turbulents, mais que nous nous installions tous les deux dans un vrai appartement, je une bonne claque dans la gueule et ça marche comme sur des rou- veux avoir des enfants, je veux que tu m'épouses, je veux qu'on lettes... (Brigitte le fixe.) Je plaisante bien sûr. Non, je suis bien fasse notre vie ensemble. (Long silence.) Tu comprends? Je ne comme ça. Ça me suffit. veux pas te mettre la pression. Réfléchis-y, déjà tu pourrais accepter

ÉLIANE - Ah ! de déjeuner avec mes parents, ce serait un bon début.

OCTAVE - Tu as l'air déçu. OCTAVE - Oui, pourquoi pas.

ÉLIANE - Un peu oui, j'avais dit à papa que tu la passais, il sem- ÉLIANE - Pourquoi pas... à quoi? blait ravi.

OCTAVE - A tout ! OCTAVE - Je ne vois pas le rapport. Toi, ça te dérange?

ÉLIANE - A tout!? Tu es sérieux? Sérieux, sérieux, tu veux bien ÉLIANE - Non, non. m'épouser? Tu entends ça, Brigitte? C'est merveilleux ! Oh! Octave, OCTAVE - Tu ne préfères pas me savoir heureux? c'est le plus beau jour de ma vie ! C'est bien vrai?

ÉLIANE - Oui. OCTAVE - Mais oui.

OCTAVE - Alors ? ÉLIANE - Et tu veux bien rencontrer mes parents ?

ÉLIANE - C'est juste que je m'étais dit que professeur à l'uni- OCTAVE - Mais oui. versité c'est moins d'heures de cours et plus d'argent.

ÉLIANE - Maintenant? OCTAVE - C'est vrai. Tu as donc de quoi te réjouir.

OCTAVE - Maintenant? ÉLIANE - Oui, mais le salaire de deux professeurs d'université,

c'est encore plus élevé. ÉLIANE (à Brigitte, avec défi) - Tu vois, Brigitte, j'avais raison. (À Octave.) Chéri, maman attend en bas et papa nous rejoint après

OCTAVE - Précise ta pensée. son cours à l'université. J'ai tout prévu, je savais que tu ne me déce- ÉLIANE - Oh ! Octave ! Tu ne crois pas qu'il est temps pour nous vrais pas. Je descends rassurer maman, on fait deux ou trois courses

d'envisager une construction? et on pique-nique ici.

OCTAVE - Quel genre de construction? OCTAVE - Ici? Maintenant?

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Page 21: Octave et les valeureuses

OCTAVE - Mes révisions? Ah! oui... Ça me tracasse depuis ÉLIANE - On ne va pas continuer indéfiniment comme ça. J'ai quelques jours, j'attendais de te voir pour te l'annoncer. Je ne sou- bientôt trente-huit ans, je ne peux pas me permettre de vivre au jour haite plus passer l'agrégation. J'en ai pas sérieusement envie, c'est le jour en attendant que tu te décides. Je t'aime et je veux construire ridicule, faire le pitre dans un amphithéâtre, et les étudiants m'exaspè- avec toi, je veux te présenter officiellement à mes parents, je veux rent. Non, j'aime bien mes petits, ils sont un peu turbulents, mais que nous nous installions tous les deux dans un vrai appartement, je une bonne claque dans la gueule et ça marche comme sur des rou- veux avoir des enfants, je veux que tu m'épouses, je veux qu'on lettes... (Brigitte le fixe.) Je plaisante bien sûr. Non, je suis bien fasse notre vie ensemble. (Long silence.) Tu comprends? Je ne comme ça. Ça me suffit. veux pas te mettre la pression. Réfléchis-y, déjà tu pourrais accepter

ÉLIANE - Ah ! de déjeuner avec mes parents, ce serait un bon début.

OCTAVE - Tu as l'air déçu. OCTAVE - Oui, pourquoi pas.

ÉLIANE - Un peu oui, j'avais dit à papa que tu la passais, il sem- ÉLIANE - Pourquoi pas... à quoi? blait ravi.

OCTAVE - A tout ! OCTAVE - Je ne vois pas le rapport. Toi, ça te dérange?

ÉLIANE - A tout!? Tu es sérieux? Sérieux, sérieux, tu veux bien ÉLIANE - Non, non. m'épouser? Tu entends ça, Brigitte? C'est merveilleux ! Oh! Octave, OCTAVE - Tu ne préfères pas me savoir heureux? c'est le plus beau jour de ma vie ! C'est bien vrai?

ÉLIANE - Oui. OCTAVE - Mais oui.

OCTAVE - Alors ? ÉLIANE - Et tu veux bien rencontrer mes parents ?

ÉLIANE - C'est juste que je m'étais dit que professeur à l'uni- OCTAVE - Mais oui. versité c'est moins d'heures de cours et plus d'argent.

ÉLIANE - Maintenant? OCTAVE - C'est vrai. Tu as donc de quoi te réjouir.

OCTAVE - Maintenant? ÉLIANE - Oui, mais le salaire de deux professeurs d'université,

c'est encore plus élevé. ÉLIANE (à Brigitte, avec défi) - Tu vois, Brigitte, j'avais raison. (À Octave.) Chéri, maman attend en bas et papa nous rejoint après

OCTAVE - Précise ta pensée. son cours à l'université. J'ai tout prévu, je savais que tu ne me déce- ÉLIANE - Oh ! Octave ! Tu ne crois pas qu'il est temps pour nous vrais pas. Je descends rassurer maman, on fait deux ou trois courses

d'envisager une construction? et on pique-nique ici.

OCTAVE - Quel genre de construction? OCTAVE - Ici? Maintenant?

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Page 22: Octave et les valeureuses

ÉLIANE - Tu verras, ça va être formidable. Je reviens. Sers un OCTAVE - J'adore faire plaisir. verre à Brigitte, et sans alcool, elle ne sait pas se tenir. Je suis si heureuse ! Tu m'étonneras toujours, toi. BRIGITTE - Méfiez-vous, ça vous tuera.

Elle se jette à son cou comme une bienheureuse, puis disparaît. OCTAVE - Alors comme ça, vous êtes « submergée » de prétendants ?

BRIGITTE - Ma petite sœur n'aurait pas dû vous raconter cette histoire.

SCÈNE 4 OCTAVE - Pourquoi? Je la trouve très intéressante. OCTAVE/BRIGITTE BRIGITTE - C'est précisément pour cette raison qu'elle aurait

mieux fait de s'abstenir. Les hommes sont si friands d'anecdotes

Octave évite le regard de Brigitte. Il part à la recherche suggestives. (Légèrement menaçante.) Ça m'embêterait que vous

d'une bouteille d'alcool dans sa commode en merisier lui fassiez du mal. (Un temps.) Quand mon père va apprendre la nouvelle... (Elle se met à rire ironiquement.) Car il ne se doute de

BRIGITTE - Besoin d'aide? rien. Éliane se comporte encore comme une enfant avec lui. Je suis

OCTAVE (bafouillant) - Oh ! non... Whisky, ça ira? curieuse de savoir de quel prétexte elle a usé pour l'entraîner jus- qu'ici. Vous allez devoir le lui annoncer en direct. Le joli monstre

BRIGITTE - Parfait. (Il la sert, il se sert, ils trinquent.) Vous êtes qui vient ravir la fille chérie à son papa. Ça va être l'horreur! très sexy aujourd'hui. La dernière fois que je vous ai vu, vous (Octave se met à rire noir) Vous avez raison de rire, ça détend. (Il n'aviez pas cette chemise. cesse de rire.) Vous avez des flûtes? (Il la regarde sans comprendre.)

OCTAVE - Il m'arrive de me changer de temps à autre. Des coupes? Des verres pour le champagne... (Elle sort une bou- teille de champagne de son sac.) Éliane avait raison, vous avez dit

BRIGITTE - C'est une décision si soudaine. (Il la regarde sans oui, sa foi en vous a payé, vous ne l'avez pas déçue. C'est énorme. comprendre.) Vous avez déjà oublié? Il paraît que vous allez vous Vous pouvez mettre la bouteille au frais en attendant. marier.

OCTAVE - Vous ne m'aimez pas. OCTAVE - Ah ! oui, oui, oui... Elle vous l'a dit?

BRIGITTE - Comme vous avez dit ça! On aurait dit que vous BRIGITTE - Disons que j'étais là. sortiez du ventre de votre mère. Quelle idée ! Non... j'essaye de

OCTAVE - Oui, c'est exact, pardonnez-moi. vous imaginer.

BRIGITTE - Vous avez fait preuve d'un aplomb remarquable. OCTAVE - Avec votre sœur?

Vous avez une capacité d'adaptation inouïe. BRIGITTE - Sans, aussi. (Silence.)

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Page 23: Octave et les valeureuses

ÉLIANE - Tu verras, ça va être formidable. Je reviens. Sers un OCTAVE - J'adore faire plaisir. verre à Brigitte, et sans alcool, elle ne sait pas se tenir. Je suis si heureuse ! Tu m'étonneras toujours, toi. BRIGITTE - Méfiez-vous, ça vous tuera.

Elle se jette à son cou comme une bienheureuse, puis disparaît. OCTAVE - Alors comme ça, vous êtes « submergée » de prétendants ?

BRIGITTE - Ma petite sœur n'aurait pas dû vous raconter cette histoire.

SCÈNE 4 OCTAVE - Pourquoi? Je la trouve très intéressante. OCTAVE/BRIGITTE BRIGITTE - C'est précisément pour cette raison qu'elle aurait

mieux fait de s'abstenir. Les hommes sont si friands d'anecdotes

Octave évite le regard de Brigitte. Il part à la recherche suggestives. (Légèrement menaçante.) Ça m'embêterait que vous

d'une bouteille d'alcool dans sa commode en merisier lui fassiez du mal. (Un temps.) Quand mon père va apprendre la nouvelle... (Elle se met à rire ironiquement.) Car il ne se doute de

BRIGITTE - Besoin d'aide? rien. Éliane se comporte encore comme une enfant avec lui. Je suis

OCTAVE (bafouillant) - Oh ! non... Whisky, ça ira? curieuse de savoir de quel prétexte elle a usé pour l'entraîner jus- qu'ici. Vous allez devoir le lui annoncer en direct. Le joli monstre

BRIGITTE - Parfait. (Il la sert, il se sert, ils trinquent.) Vous êtes qui vient ravir la fille chérie à son papa. Ça va être l'horreur! très sexy aujourd'hui. La dernière fois que je vous ai vu, vous (Octave se met à rire noir) Vous avez raison de rire, ça détend. (Il n'aviez pas cette chemise. cesse de rire.) Vous avez des flûtes? (Il la regarde sans comprendre.)

OCTAVE - Il m'arrive de me changer de temps à autre. Des coupes? Des verres pour le champagne... (Elle sort une bou- teille de champagne de son sac.) Éliane avait raison, vous avez dit

BRIGITTE - C'est une décision si soudaine. (Il la regarde sans oui, sa foi en vous a payé, vous ne l'avez pas déçue. C'est énorme. comprendre.) Vous avez déjà oublié? Il paraît que vous allez vous Vous pouvez mettre la bouteille au frais en attendant. marier.

OCTAVE - Vous ne m'aimez pas. OCTAVE - Ah ! oui, oui, oui... Elle vous l'a dit?

BRIGITTE - Comme vous avez dit ça! On aurait dit que vous BRIGITTE - Disons que j'étais là. sortiez du ventre de votre mère. Quelle idée ! Non... j'essaye de

OCTAVE - Oui, c'est exact, pardonnez-moi. vous imaginer.

BRIGITTE - Vous avez fait preuve d'un aplomb remarquable. OCTAVE - Avec votre sœur?

Vous avez une capacité d'adaptation inouïe. BRIGITTE - Sans, aussi. (Silence.)

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Page 24: Octave et les valeureuses

OCTAVE - Comment vont les affaires? BRIGITTE - Il s'agit d'une petite gravure. J'aime beaucoup ce

BRIGITTE - Les affaires? sujet. Cet homme nu, de dos... Sublime. Les hommes sont souvent très beaux de dos.

OCTAVE - Éliane m'a dit que vous dirigiez une galerie d'art.

BRIGITTE - Vous m'avez fait peur, un instant j'ai cru que vous OCTAVE - Dommage qu'ils se retournent.

me reparliez de mes amours. Bien, très bien, on achève la dernière BRIGITTE - J'ai ma méthode pour les faire se tenir cois.

exposition de la saison. Oui, j'ai une associée. Enfin, pour les affaires. OCTAVE - Vous les envoyez en enfer. (Il rit. Elle, pas.)

OCTAVE - Donc vous habitez encore chez vos parents? BRIGITTE - Et vous? Quelle méthode employez-vous? J'imagine BRIGITTE - Disons que je m'y retrouve pour dormir. J'ai une que c'est moins expéditif.

petite garçonnière moi aussi, un peu comme la vôtre. Mais ne le OCTAVE - Il m'arrive de prendre des décisions. dites à personne, c'est un secret.

OCTAVE - C'est là-bas que vous officiez? BRIGITTE - Comme aujourd'hui.

BRIGITTE - Vous avez tout compris. Quand j'en ai terminé, ça OCTAVE - Vous y viendrez peut-être un jour, vous aussi.

me fait du bien de retrouver le confort bourgeois et immuable de BRIGITTE - Ce n'est pas encore obligatoire.

l'appartement familial. La retraite après la tempête. OCTAVE - Vous devez en décevoir un grand nombre.

OCTAVE - Je comprends. BRIGITTE - J'ai ma méthode pour les faire renoncer.

BRIGITTE - Vous aimez l'art? OCTAVE - Pas tous, j'espère.

OCTAVE - Beaucoup. Je vais souvent au musée. BRIGITTE - Ils se ressemblent tous. BRIGITTE - Je préfère les espaces plus intimes. Nous venons de OCTAVE - C'est triste.

faire l'acquisition d'une petite gravure de Subleyras. BRIGITTE - Oui, je les plains beaucoup. Mais je suis certaine qu'ils

OCTAVE - Pas possible ! s'en veulent, je le lis dans leurs yeux. Ils savent que le prince charmant BRIGITTE - Ça vous épate ! Vous connaissez? n'existe pas... ils se méprisent d'avoir voulu prendre sa place... ils

ont honte de ne pas pouvoir assurer, ils se considèrent comme des OCTAVE - J'adore.

pourritures. Alors, il ne leur reste plus qu'une solution. (Elle sourit BRIGITTE - « Charon passeur des morts ». étrangement.)

OCTAVE - Mais cette toile se trouve au Musée national ! OCTAVE - Vous.

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OCTAVE - Comment vont les affaires? BRIGITTE - Il s'agit d'une petite gravure. J'aime beaucoup ce

BRIGITTE - Les affaires? sujet. Cet homme nu, de dos... Sublime. Les hommes sont souvent très beaux de dos.

OCTAVE - Éliane m'a dit que vous dirigiez une galerie d'art.

BRIGITTE - Vous m'avez fait peur, un instant j'ai cru que vous OCTAVE - Dommage qu'ils se retournent.

me reparliez de mes amours. Bien, très bien, on achève la dernière BRIGITTE - J'ai ma méthode pour les faire se tenir cois.

exposition de la saison. Oui, j'ai une associée. Enfin, pour les affaires. OCTAVE - Vous les envoyez en enfer. (Il rit. Elle, pas.)

OCTAVE - Donc vous habitez encore chez vos parents? BRIGITTE - Et vous? Quelle méthode employez-vous? J'imagine BRIGITTE - Disons que je m'y retrouve pour dormir. J'ai une que c'est moins expéditif.

petite garçonnière moi aussi, un peu comme la vôtre. Mais ne le OCTAVE - Il m'arrive de prendre des décisions. dites à personne, c'est un secret.

OCTAVE - C'est là-bas que vous officiez? BRIGITTE - Comme aujourd'hui.

BRIGITTE - Vous avez tout compris. Quand j'en ai terminé, ça OCTAVE - Vous y viendrez peut-être un jour, vous aussi.

me fait du bien de retrouver le confort bourgeois et immuable de BRIGITTE - Ce n'est pas encore obligatoire.

l'appartement familial. La retraite après la tempête. OCTAVE - Vous devez en décevoir un grand nombre.

OCTAVE - Je comprends. BRIGITTE - J'ai ma méthode pour les faire renoncer.

BRIGITTE - Vous aimez l'art? OCTAVE - Pas tous, j'espère.

OCTAVE - Beaucoup. Je vais souvent au musée. BRIGITTE - Ils se ressemblent tous. BRIGITTE - Je préfère les espaces plus intimes. Nous venons de OCTAVE - C'est triste.

faire l'acquisition d'une petite gravure de Subleyras. BRIGITTE - Oui, je les plains beaucoup. Mais je suis certaine qu'ils

OCTAVE - Pas possible ! s'en veulent, je le lis dans leurs yeux. Ils savent que le prince charmant BRIGITTE - Ça vous épate ! Vous connaissez? n'existe pas... ils se méprisent d'avoir voulu prendre sa place... ils

ont honte de ne pas pouvoir assurer, ils se considèrent comme des OCTAVE - J'adore.

pourritures. Alors, il ne leur reste plus qu'une solution. (Elle sourit BRIGITTE - « Charon passeur des morts ». étrangement.)

OCTAVE - Mais cette toile se trouve au Musée national ! OCTAVE - Vous.

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Page 26: Octave et les valeureuses

BRIGITTE - On ne peut rien vous cacher. (Un temps. Comme pour LA MÈRE - Oh ! oh ! oh ! ... Quel charmeur ! Mon Dieu mais je

elle-même.) Soulager la conscience, c'est tout un art. (Subitement.) ne vous ai même pas salué... Je suis impardonnable. Hélène Deville. Vous allez vraiment l'épouser?

Elle lui serre la main. OCTAVE - Quoi d'autre?

OCTAVE - Et moi Octave. BRIGITTE - Vous êtes un monstre.

LA MÈRE (riant) - Délicieux, délicieux, Éliane ne nous a pas

OCTAVE - J'apprécie que vous ne me rangiez pas du côté des menti. Alors vous aussi vous êtes de la partie? princes charmants. OCTAVE - J'enseigne dans le primaire.

On sonne. Octave va ouvrir. LA MÈRE - Que je suis contente pour Éliane ! Enfin une de casée ! Je désespère pour Brigitte.

ÉLIANE - Maman !

SCÈNE 5 LA MÈRE - Octave fait pour ainsi dire partie de la famille, il doit

OCTAVE/BRIGITTE/ÉLIANE/LA MÈRE savoir. Brigitte nous cause bien des soucis à son père et à moi. Plutôt à moi devrais-je dire. À part l'université et Éliane, je ne crois pas qu'Édouard soit préoccupé par quoi que ce soit d'autre.

Éliane entre à toute vitesse et se dirige vers le coin-cuisine. OCTAVE - Brigitte n'a pas de petit ami?

Tout en parlant, elle sort des verres, des assiettes, des couverts ÉLIANE - Mais enfin, maman, Octave, je vous signale que Brigitte

et dresse la table. La Mère se rapproche de Brigitte. est présente.

ÉLIANE - Octave, je te présente maman. Je vais commencer à LA MÈRE - Et alors? Nous ne disons que la vérité. Ce serait pire

réchauffer les plats. Brigitte, tu m'aides. Papa ne devrait pas tarder si nous parlions d'elle en son absence. (À Brigitte.) N'est-ce pas maintenant. chérie? Tu sais que je t'aime.

LA MÈRE (à Octave) - Comme je suis contente ! Un peu débous- BRIGITTE - Mais oui, maman. solée aujourd'hui, c'est le brevet blanc en ce moment au collège.

Évidemment je dois m'occuper de tout, tous des incapables. Et Éliane LA MÈRE (à Octave) - Je ne suis pas du genre à aller fouiner,

m'a débauchée pour ce déjeuner particulier. Je ne le regrette pas. mais il y a pas mal d'hommes qui traînent autour d'elle. Et de tous

Pensez donc ! Enfin, c'est ma dernière année ! Eh oui ! Bientôt la les profils. Ce n'est pas une fille facile !

retraite. OCTAVE - Ça dépend de quel côté on se place.

OCTAVE - Vous ne les faites pas. Éliane et Brigitte pouffent.

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Page 27: Octave et les valeureuses

BRIGITTE - On ne peut rien vous cacher. (Un temps. Comme pour LA MÈRE - Oh ! oh ! oh ! ... Quel charmeur ! Mon Dieu mais je

elle-même.) Soulager la conscience, c'est tout un art. (Subitement.) ne vous ai même pas salué... Je suis impardonnable. Hélène Deville. Vous allez vraiment l'épouser?

Elle lui serre la main. OCTAVE - Quoi d'autre?

OCTAVE - Et moi Octave. BRIGITTE - Vous êtes un monstre.

LA MÈRE (riant) - Délicieux, délicieux, Éliane ne nous a pas

OCTAVE - J'apprécie que vous ne me rangiez pas du côté des menti. Alors vous aussi vous êtes de la partie? princes charmants. OCTAVE - J'enseigne dans le primaire.

On sonne. Octave va ouvrir. LA MÈRE - Que je suis contente pour Éliane ! Enfin une de casée ! Je désespère pour Brigitte.

ÉLIANE - Maman !

SCÈNE 5 LA MÈRE - Octave fait pour ainsi dire partie de la famille, il doit

OCTAVE/BRIGITTE/ÉLIANE/LA MÈRE savoir. Brigitte nous cause bien des soucis à son père et à moi. Plutôt à moi devrais-je dire. À part l'université et Éliane, je ne crois pas qu'Édouard soit préoccupé par quoi que ce soit d'autre.

Éliane entre à toute vitesse et se dirige vers le coin-cuisine. OCTAVE - Brigitte n'a pas de petit ami?

Tout en parlant, elle sort des verres, des assiettes, des couverts ÉLIANE - Mais enfin, maman, Octave, je vous signale que Brigitte

et dresse la table. La Mère se rapproche de Brigitte. est présente.

ÉLIANE - Octave, je te présente maman. Je vais commencer à LA MÈRE - Et alors? Nous ne disons que la vérité. Ce serait pire

réchauffer les plats. Brigitte, tu m'aides. Papa ne devrait pas tarder si nous parlions d'elle en son absence. (À Brigitte.) N'est-ce pas maintenant. chérie? Tu sais que je t'aime.

LA MÈRE (à Octave) - Comme je suis contente ! Un peu débous- BRIGITTE - Mais oui, maman. solée aujourd'hui, c'est le brevet blanc en ce moment au collège.

Évidemment je dois m'occuper de tout, tous des incapables. Et Éliane LA MÈRE (à Octave) - Je ne suis pas du genre à aller fouiner,

m'a débauchée pour ce déjeuner particulier. Je ne le regrette pas. mais il y a pas mal d'hommes qui traînent autour d'elle. Et de tous

Pensez donc ! Enfin, c'est ma dernière année ! Eh oui ! Bientôt la les profils. Ce n'est pas une fille facile !

retraite. OCTAVE - Ça dépend de quel côté on se place.

OCTAVE - Vous ne les faites pas. Éliane et Brigitte pouffent.

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Page 28: Octave et les valeureuses

LA MÈRE (à Éliane) - Que fait ton père? Enfin, votre père. Toujours ÉLIANE - Mais serrez-vous la main. Papa, voici Octave. Octave, en retard. Éliane, tu devrais l'appeler. Celui-là, si on ne le sonnait mon père. pas, il passerait son vit... mon Dieu!... sa vie, à l'université.

On sonne. LE PÈRE - C'est un guet-apens?

ÉLIANE - Le voici. LA MÈRE - C'est un ravissement.

Elle s 'empresse d'aller ouvrir BRIGITTE - Joli, maman.

LE PÈRE (à Éliane) - Je pensais que ton ami avait besoin de mes conseils pour son agrégation.

SCÈNE 6 LA MÈRE - C'est ainsi que tu as présenté les choses à ton père,

ma chérie ? Oh ! il est grand temps que tu nous quittes ! OCTAVE/BRIGITTE/LIANE/LA MÈRE/LE PÈRE

LE PÈRE (à Éliane) - Eliane, veux-tu bien m'expliquer ce que je fais ici?

Père et fille se retrouvent face à face sur le palier. ÉLIANE - Papa, ne te fâche pas. C'est tellement important pour

LE PÈRE - Il n'y a pas d'ascenseur? Un poème pour arriver moi que tu sois là, que vous soyez tous là.

jusqu'ici. LA MÈRE - Nous allons pouvoir trinquer à présent.

ÉLIANE - Mais tu es là. Et c'est presque un miracle. Merci Papa. LE PÈRE - Va-t-on me dire ce qui se passe? (Probablement, elle se jette à son cou.) Je sais combien il est diffi- cile pour toi de te libérer. ÉLIANE - Comment tu trouves ici papa? C'est moi qui ai fait

LE PÈRE - J'ai dû annuler un déjeuner avec la Société des Amis toute la décoration.

de Proust, j'espère que ça en vaudra la peine. Ton ami n'est pas là? LE PÈRE (à Octave) - Tu t'es fait payer, j'espère?

(Il entre; voit Brigitte et sa femme. Il est très surpris.) Brigitte?... ÉLIANE - Papa!

Hélène?... Qu'est-ce que ça veut dire?

LA MÈRE - Un déjeuner avec toute la famille réunie ça ne nous LA MÈRE - Il plaisante. (À Octave.) Il lui arrive aussi parfois

arrive pratiquement jamais, nous avons pensé que ça te ferait plaisir. d'avoir de l'humour.

Nous avons acheté de la brandade de morue. C'est ce que tu préfères. LE PÈRE (à Octave, le toisant de bas en haut) - Ça doit être dur (À Octave.) Mon mari adore la morue. de porter un âge pareil avec un physique comme le vôtre. (Un temps.)

OCTAVE - Ravi de faire votre connaissance, monsieur. BRIGITTE (ironique) - C'est vrai qu'Octave a l'air d'un enfant.

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Page 29: Octave et les valeureuses

LA MÈRE (à Éliane) - Que fait ton père? Enfin, votre père. Toujours ÉLIANE - Mais serrez-vous la main. Papa, voici Octave. Octave, en retard. Éliane, tu devrais l'appeler. Celui-là, si on ne le sonnait mon père. pas, il passerait son vit... mon Dieu!... sa vie, à l'université.

On sonne. LE PÈRE - C'est un guet-apens?

ÉLIANE - Le voici. LA MÈRE - C'est un ravissement.

Elle s 'empresse d'aller ouvrir BRIGITTE - Joli, maman.

LE PÈRE (à Éliane) - Je pensais que ton ami avait besoin de mes conseils pour son agrégation.

SCÈNE 6 LA MÈRE - C'est ainsi que tu as présenté les choses à ton père,

ma chérie ? Oh ! il est grand temps que tu nous quittes ! OCTAVE/BRIGITTE/LIANE/LA MÈRE/LE PÈRE

LE PÈRE (à Éliane) - Eliane, veux-tu bien m'expliquer ce que je fais ici?

Père et fille se retrouvent face à face sur le palier. ÉLIANE - Papa, ne te fâche pas. C'est tellement important pour

LE PÈRE - Il n'y a pas d'ascenseur? Un poème pour arriver moi que tu sois là, que vous soyez tous là.

jusqu'ici. LA MÈRE - Nous allons pouvoir trinquer à présent.

ÉLIANE - Mais tu es là. Et c'est presque un miracle. Merci Papa. LE PÈRE - Va-t-on me dire ce qui se passe? (Probablement, elle se jette à son cou.) Je sais combien il est diffi- cile pour toi de te libérer. ÉLIANE - Comment tu trouves ici papa? C'est moi qui ai fait

LE PÈRE - J'ai dû annuler un déjeuner avec la Société des Amis toute la décoration.

de Proust, j'espère que ça en vaudra la peine. Ton ami n'est pas là? LE PÈRE (à Octave) - Tu t'es fait payer, j'espère?

(Il entre; voit Brigitte et sa femme. Il est très surpris.) Brigitte?... ÉLIANE - Papa!

Hélène?... Qu'est-ce que ça veut dire?

LA MÈRE - Un déjeuner avec toute la famille réunie ça ne nous LA MÈRE - Il plaisante. (À Octave.) Il lui arrive aussi parfois

arrive pratiquement jamais, nous avons pensé que ça te ferait plaisir. d'avoir de l'humour.

Nous avons acheté de la brandade de morue. C'est ce que tu préfères. LE PÈRE (à Octave, le toisant de bas en haut) - Ça doit être dur (À Octave.) Mon mari adore la morue. de porter un âge pareil avec un physique comme le vôtre. (Un temps.)

OCTAVE - Ravi de faire votre connaissance, monsieur. BRIGITTE (ironique) - C'est vrai qu'Octave a l'air d'un enfant.

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Page 30: Octave et les valeureuses

LE PÈRE - J'espère bien qu'Éliane nous ramènera un homme, et LA MÈRE (à Octave) - Et appelez-moi Hélène, voyons. (À son du solide ! mari.) Je trinque au bonheur de ta fille qui sera bientôt l'épouse

ÉLIANE - Justement, papa... d'un homme formidable.

LA MÈRE - J'ai pas souvent eu l'occasion d'en détecter un chez BRIGITTE - Tchin! Ma petite sœur, je te souhaite le meilleur. moi. (Malaise général.) Enfin ! J'ai deux filles, c'est déjà pas mal. (Elle choque le verre d'Octave.) À l'époux idéal. Tchin !

ÉLIANE (s'empare de la bouteille et la donne à Octave) - Octave, OCTAVE - Monsieur? Tu veux bien faire sauter le bouchon?

Octave rapproche son verre de celui du Père, qui le choque LA MÈRE - Excellente idée. brutalement. Les verres se brisent. Tout tombe.

LE PÈRE (à Octave qui s'apprête à ouvrir la bouteille) - Vous LE PÈRE - C'est une plaisanterie? allez y arriver?

ÉLIANE - Oh ! mon dieu! LA MÈRE - J'adore le champagne. Je trouve que nous n'en

buvons pas assez souvent. LA MÈRE - Vous n'êtes pas taché, Octave? Ne bougez surtout

BRIGITTE - Tu as raison maman, nous devrions faire la fête tous pas. Où se trouve le balai? Brigitte !

les jours. OCTAVE - Je suis désolé.

LE PÈRE - Ce que tu fais de tes nuits ne te suffit pas? LA MÈRE (à Octave) - Vous n'y êtes pour rien.

On entend le bruit du bouchon qui saute. LE PÈRE - Je n'apprécie pas du tout cette comédie.

BRIGITTE - Au succès de ce couple prometteur ! LA MÈRE - Tu pourrais au moins t'excuser ! Heureusement que

LE PÈRE - Quel couple? le verre cassé, ça porte bonheur.

LA MÈRE - Édouard! À votre succès, ma chérie... Tchin! Éliane revient avec deux verres qu'elle remplit et tend aux deux hommes. Brigitte balaie.

ÉLIANE - Merci maman. Tchin !

LA MÈRE - Merci Octave. Tchin ! ÉLIANE - Papa, Octave et moi, nous nous fréquentons depuis

deux ans, nous avons décidé de vivre ensemble et de célébrer notre OCTAVE - Mais... je vous en prie, madame. future union. (Suppliante.) S'il te plaît, papa.

LA MÈRE - Je vous souhaite beaucoup de bonheur à tous les BRIGITTE (à son père) - Je vais enfin devenir ta grande fille deux. unique, tu n'es pas content?

LE PÈRE (à sa femme) - Que signifie cette mascarade? LE PÈRE (à Éliane) - Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé plus tôt?

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LE PÈRE - J'espère bien qu'Éliane nous ramènera un homme, et LA MÈRE (à Octave) - Et appelez-moi Hélène, voyons. (À son du solide ! mari.) Je trinque au bonheur de ta fille qui sera bientôt l'épouse

ÉLIANE - Justement, papa... d'un homme formidable.

LA MÈRE - J'ai pas souvent eu l'occasion d'en détecter un chez BRIGITTE - Tchin! Ma petite sœur, je te souhaite le meilleur. moi. (Malaise général.) Enfin ! J'ai deux filles, c'est déjà pas mal. (Elle choque le verre d'Octave.) À l'époux idéal. Tchin !

ÉLIANE (s'empare de la bouteille et la donne à Octave) - Octave, OCTAVE - Monsieur? Tu veux bien faire sauter le bouchon?

Octave rapproche son verre de celui du Père, qui le choque LA MÈRE - Excellente idée. brutalement. Les verres se brisent. Tout tombe.

LE PÈRE (à Octave qui s'apprête à ouvrir la bouteille) - Vous LE PÈRE - C'est une plaisanterie? allez y arriver?

ÉLIANE - Oh ! mon dieu! LA MÈRE - J'adore le champagne. Je trouve que nous n'en

buvons pas assez souvent. LA MÈRE - Vous n'êtes pas taché, Octave? Ne bougez surtout

BRIGITTE - Tu as raison maman, nous devrions faire la fête tous pas. Où se trouve le balai? Brigitte !

les jours. OCTAVE - Je suis désolé.

LE PÈRE - Ce que tu fais de tes nuits ne te suffit pas? LA MÈRE (à Octave) - Vous n'y êtes pour rien.

On entend le bruit du bouchon qui saute. LE PÈRE - Je n'apprécie pas du tout cette comédie.

BRIGITTE - Au succès de ce couple prometteur ! LA MÈRE - Tu pourrais au moins t'excuser ! Heureusement que

LE PÈRE - Quel couple? le verre cassé, ça porte bonheur.

LA MÈRE - Édouard! À votre succès, ma chérie... Tchin! Éliane revient avec deux verres qu'elle remplit et tend aux deux hommes. Brigitte balaie.

ÉLIANE - Merci maman. Tchin !

LA MÈRE - Merci Octave. Tchin ! ÉLIANE - Papa, Octave et moi, nous nous fréquentons depuis

deux ans, nous avons décidé de vivre ensemble et de célébrer notre OCTAVE - Mais... je vous en prie, madame. future union. (Suppliante.) S'il te plaît, papa.

LA MÈRE - Je vous souhaite beaucoup de bonheur à tous les BRIGITTE (à son père) - Je vais enfin devenir ta grande fille deux. unique, tu n'es pas content?

LE PÈRE (à sa femme) - Que signifie cette mascarade? LE PÈRE (à Éliane) - Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé plus tôt?

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Page 32: Octave et les valeureuses

LA MÈRE (à Octave) - Il ne se passe pas un jour sans qu'Éliane LE PÈRE - Ah oui !? Il n'est jamais trop tard. Et vous comptez

nous parle de vous, Octave, mais mon mari n'entend que ce qu'il l'obtenir? veut bien entendre.

OCTAVE - Non ! ... (Ça jette un froid.) Oui, bien sûr... si j'arrive ÉLIANE (à son père) - Tu n'es pas heureux pour moi? à l'heure.

LA MÈRE - Bien sûr qu'il l'est... Édouard? Il est juste un peu LA MÈRE - Il est si drôle !

saisi. C'est normal, c'est pas facile pour un père de se voir aban- LE PÈRE - Éliane heureusement enseigne dans un très bon lycée. donné par sa fille. Mais je ne désespère pas qu'elle trouve une place à l'université très

ÉLIANE (à son père) - Je ne t'abandonne pas. rapidement.

LA MÈRE (aux deux hommes) - Voilà, maintenant vous allez OCTAVE - Je n'en doute pas, votre fille est brillante.

pouvoir trinquer comme deux personnes responsables et nous ÉLIANE (avec humour) - Tel père, telle fille. allons tous boire au bonheur. Brigitte, laisse ce balai tranquille et

viens te joindre à nous. (Les deux hommes choquent leurs verres BRIGITTE - On parle de moi?

mollement. Tout le monde boit en silence.) Hum ! c'est du bon. Tes LE PÈRE - Elle a réussi l'agrégation avec mention l'année dernière.

étudiants ne se sont pas fichus de toi. (À Octave.) Oui, parce que OCTAVE - Oui, c'est moi qui l'ai fait réviser. mon mari entretient des relations très étroites avec ses étudian... tes.

Il les accompagne dans leurs travaux. Pour ça, il est vraiment LE PÈRE - Moi aussi.

dévoué, et ses étudian... tes le lui rendent bien. Il ne se passe pas OCTAVE - C'est peut-être grâce à vous. Allez savoir! une semaine sans qu'il nous ramène quelque chose à la maison : du

champagne, des chocolats, du saumon... Nous en avons plein la LA MÈRE - J'espère que j'y suis un peu pour quelque chose, moi

réserve. aussi.

ÉLIANE (suppliante) - Je t'en prie, papa. BRIGITTE - Alors papa, tu ne nous as toujours pas dit comment

tu trouvais ton futur gendre ? BRIGITTE - Détends-toi mon petit papa, ce n'est pas si grave. ÉLIANE (mal à l'aise, sur un ton de reproche) - Brigitte !

OCTAVE (au Père) - J'ai eu l'occasion d'assister à quelques-unes BRIGITTE - Quoi? Qu'est-ce que j'ai dit? de vos conférences sur Proust à l'université. C'est remarquable.

LE PÈRE - L'agrégation, c'est encore du sérieux. Très peu la

LE PÈRE - Éliane m'a dit que vous enseigniez encore dans le réussissent du premier coup. primaire. Ce n'est pas trop débilitant?

ÉLIANE - Toi, papa! (À Octave.) Et tu sais que papa a aussi obtenu ÉLIANE - Octave va passer l'agrégation. son doctorat avec mention très bien?

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Page 33: Octave et les valeureuses

LA MÈRE (à Octave) - Il ne se passe pas un jour sans qu'Éliane LE PÈRE - Ah oui !? Il n'est jamais trop tard. Et vous comptez

nous parle de vous, Octave, mais mon mari n'entend que ce qu'il l'obtenir? veut bien entendre.

OCTAVE - Non ! ... (Ça jette un froid.) Oui, bien sûr... si j'arrive ÉLIANE (à son père) - Tu n'es pas heureux pour moi? à l'heure.

LA MÈRE - Bien sûr qu'il l'est... Édouard? Il est juste un peu LA MÈRE - Il est si drôle !

saisi. C'est normal, c'est pas facile pour un père de se voir aban- LE PÈRE - Éliane heureusement enseigne dans un très bon lycée. donné par sa fille. Mais je ne désespère pas qu'elle trouve une place à l'université très

ÉLIANE (à son père) - Je ne t'abandonne pas. rapidement.

LA MÈRE (aux deux hommes) - Voilà, maintenant vous allez OCTAVE - Je n'en doute pas, votre fille est brillante.

pouvoir trinquer comme deux personnes responsables et nous ÉLIANE (avec humour) - Tel père, telle fille. allons tous boire au bonheur. Brigitte, laisse ce balai tranquille et

viens te joindre à nous. (Les deux hommes choquent leurs verres BRIGITTE - On parle de moi?

mollement. Tout le monde boit en silence.) Hum ! c'est du bon. Tes LE PÈRE - Elle a réussi l'agrégation avec mention l'année dernière.

étudiants ne se sont pas fichus de toi. (À Octave.) Oui, parce que OCTAVE - Oui, c'est moi qui l'ai fait réviser. mon mari entretient des relations très étroites avec ses étudian... tes.

Il les accompagne dans leurs travaux. Pour ça, il est vraiment LE PÈRE - Moi aussi.

dévoué, et ses étudian... tes le lui rendent bien. Il ne se passe pas OCTAVE - C'est peut-être grâce à vous. Allez savoir! une semaine sans qu'il nous ramène quelque chose à la maison : du

champagne, des chocolats, du saumon... Nous en avons plein la LA MÈRE - J'espère que j'y suis un peu pour quelque chose, moi

réserve. aussi.

ÉLIANE (suppliante) - Je t'en prie, papa. BRIGITTE - Alors papa, tu ne nous as toujours pas dit comment

tu trouvais ton futur gendre ? BRIGITTE - Détends-toi mon petit papa, ce n'est pas si grave. ÉLIANE (mal à l'aise, sur un ton de reproche) - Brigitte !

OCTAVE (au Père) - J'ai eu l'occasion d'assister à quelques-unes BRIGITTE - Quoi? Qu'est-ce que j'ai dit? de vos conférences sur Proust à l'université. C'est remarquable.

LE PÈRE - L'agrégation, c'est encore du sérieux. Très peu la

LE PÈRE - Éliane m'a dit que vous enseigniez encore dans le réussissent du premier coup. primaire. Ce n'est pas trop débilitant?

ÉLIANE - Toi, papa! (À Octave.) Et tu sais que papa a aussi obtenu ÉLIANE - Octave va passer l'agrégation. son doctorat avec mention très bien?

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Page 34: Octave et les valeureuses

LE PÈRE - Avec félicitations du jury, ma chérie. LE PÈRE (excédé, à Éliane) - Vous n'êtes pas obligés de vous

OCTAVE - Félicitations. installer sur-le-champ. Attendez de savoir s'il est en mesure de décrocher l'agrégation.

LA MÈRE - C'est pas avec ça qu'on touche au bonheur! N'écoutez pas mon mari l'important c'est d'aimer ce qu'on fait. Vous aimez BRIGITTE - Cela dit, je doute que tes petits-enfants soient blonds,

ce que vous faites? maman. Octave n'est pas trop du genre suédois.

OCTAVE - J'aime beaucoup les enfants. LE PÈRE (à Brigitte) - Ne m'interromps pas quand je parle.

ÉLIANE (ajoute précipitamment) - Et c'est réciproque, les enfants LA MÈRE - Si je peux ajouter quelque chose... je ne partage pas

l'adorent! ton avis, Édouard : Éliane n'est plus toute jeune. Déjà que pour Brigitte, c'est presque irréversible... Enfin ! ... Vous savez ce que

LA MÈRE - Avoir des enfants, ça donne un sens à la vie. Oui, oui, vous avez à faire. Mais j'avoue que l'idée d'être grand-mère m'em- j'étais comblée quand vous étiez petites. Tu entends, Édouard? plit de joie. Bientôt nous entendrons plein de petites têtes blondes débouler LE PÈRE (à Octave) - Et vos parents? dans le couloir de notre appartement. Je vois ça d'ici. (À son mari.) J'ai du mal à t'imaginer en grand-père gâteau! Ha! ha! hal... Pauvres ÉLIANE - Papa, je t'ai déjà dit que le père d'Octave était décédé

petits ! et sa maman... est...

LE PÈRE - Et moi je t'imagine tout à fait en train de te ridiculi- OCTAVE (abruptement) - Ma mère a très mal réagi au suicide de

ser à quatre pattes. mon père. Elle vit seule dans une HLM.

LA MÈRE - Ça me ferait un bien fou de me dégourdir le corps, LA MÈRE - C'est affreux !

ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé. LE PÈRE (dubitatif) - Je vois.

LE PÈRE (à sa femme, incisif) - Ce n'est pas faute de t'avoir OCTAVE - Vous voyez quoi? mise en garde. Mais tu étais prête à sacrifier nos deux existences LA MÈRE - Vous devez être très attaché à votre mère. pour m'attirer dans tes rets. Même si Odette n'était pas faite pour Swann, il l'a au moins aimée, lui. OCTAVE - Une fois par semaine, je lui rends visite, nous man-

geons de la soupe. BRIGITTE - Qu'en pensez-vous, Octave?

LA MÈRE - Ah ! ... Elle doit la faire très bonne. OCTAVE - Le champagne est très bon, merci.

LE PÈRE (à sa femme) - Mais tu t'entends parler? ÉLIANE - Vraiment très bon.

LA MÈRE - Oui, ça me fait du bien de converser avec des gens BRIGITTE - Et moi en tante Brigitte, je m'y vois tout à fait. qui m'écoutent.

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Page 35: Octave et les valeureuses

LE PÈRE - Avec félicitations du jury, ma chérie. LE PÈRE (excédé, à Éliane) - Vous n'êtes pas obligés de vous

OCTAVE - Félicitations. installer sur-le-champ. Attendez de savoir s'il est en mesure de décrocher l'agrégation.

LA MÈRE - C'est pas avec ça qu'on touche au bonheur! N'écoutez pas mon mari l'important c'est d'aimer ce qu'on fait. Vous aimez BRIGITTE - Cela dit, je doute que tes petits-enfants soient blonds,

ce que vous faites? maman. Octave n'est pas trop du genre suédois.

OCTAVE - J'aime beaucoup les enfants. LE PÈRE (à Brigitte) - Ne m'interromps pas quand je parle.

ÉLIANE (ajoute précipitamment) - Et c'est réciproque, les enfants LA MÈRE - Si je peux ajouter quelque chose... je ne partage pas

l'adorent! ton avis, Édouard : Éliane n'est plus toute jeune. Déjà que pour Brigitte, c'est presque irréversible... Enfin ! ... Vous savez ce que

LA MÈRE - Avoir des enfants, ça donne un sens à la vie. Oui, oui, vous avez à faire. Mais j'avoue que l'idée d'être grand-mère m'em- j'étais comblée quand vous étiez petites. Tu entends, Édouard? plit de joie. Bientôt nous entendrons plein de petites têtes blondes débouler LE PÈRE (à Octave) - Et vos parents? dans le couloir de notre appartement. Je vois ça d'ici. (À son mari.) J'ai du mal à t'imaginer en grand-père gâteau! Ha! ha! hal... Pauvres ÉLIANE - Papa, je t'ai déjà dit que le père d'Octave était décédé

petits ! et sa maman... est...

LE PÈRE - Et moi je t'imagine tout à fait en train de te ridiculi- OCTAVE (abruptement) - Ma mère a très mal réagi au suicide de

ser à quatre pattes. mon père. Elle vit seule dans une HLM.

LA MÈRE - Ça me ferait un bien fou de me dégourdir le corps, LA MÈRE - C'est affreux !

ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé. LE PÈRE (dubitatif) - Je vois.

LE PÈRE (à sa femme, incisif) - Ce n'est pas faute de t'avoir OCTAVE - Vous voyez quoi? mise en garde. Mais tu étais prête à sacrifier nos deux existences LA MÈRE - Vous devez être très attaché à votre mère. pour m'attirer dans tes rets. Même si Odette n'était pas faite pour Swann, il l'a au moins aimée, lui. OCTAVE - Une fois par semaine, je lui rends visite, nous man-

geons de la soupe. BRIGITTE - Qu'en pensez-vous, Octave?

LA MÈRE - Ah ! ... Elle doit la faire très bonne. OCTAVE - Le champagne est très bon, merci.

LE PÈRE (à sa femme) - Mais tu t'entends parler? ÉLIANE - Vraiment très bon.

LA MÈRE - Oui, ça me fait du bien de converser avec des gens BRIGITTE - Et moi en tante Brigitte, je m'y vois tout à fait. qui m'écoutent.

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Page 36: Octave et les valeureuses

OCTAVE - En effet' elle est très bonne' ça me rappelle mes ÉLIANE - Pourquoi dis-tu ça? années au pensionnat.

ÉLIANE - Et si nous passions à table? LE PÈRE - Tu fais fausse route. Avec lui tu n'iras nulle part. Il

n'a rien à te proposer, il sort avec toi uniquement par intérêt. LE PÈRE - Et c'est dans cette «mansarde » que vous avez l'in- ÉLIANE - Tu te trompes. C'est moi qui lui ai proposé de l'épouser'

tention de fonder une famille? ce n'est pas lui. ÉLIANE - Enfin papa, nous allons trouver un appartement plus

LE PÈRE - Mais non' mais non' il n'attendait que ça' il s'est arrangé grand. Avec nos deux salaires' ça ne sera pas trop difficile. pour te laisser croire que tout venait de toi.

LE PÈRE - J'imagine que... instituteur, ça ne doit pas rapporter beaucoup. LA MÈRE - Tu as décidé de nous empoisonner l'existence jusqu' au

dernier soupir. LA MÈRE (à Éliane) - Où se trouve le pain' ma chérie?

OCTAVE - Votre mari nous fait une mauvaise réaction' c'est typique. OCTAVE - Je gagne et je vis ma vie comme je l'entends' mon- Je suis tout le contraire de ce qu'il imaginait pour sa fille. Je n'aime-

sieur. Et je ne pense pas que votre fille m'épouse pour des considé- rais pas être à sa place. rations aussi basses.

LE PÈRE - Je ne suis pas certain qu'avec un homme comme LA MÈRE - Moi, je vous trouve bien bon. Édouard a dépassé les

vous' elle y trouve son compte. bornes.

ÉLIANE - Mais enfin papa! ÉLIANE (à son père) - Mais je l'aime.

LA MÈRE - Édouard ! Tu es tombé sur la tête. LE PÈRE (toujours à Éliane, hors de lui) - Tu t'es entichée de lui, c'est différent. Tu crois qu'il t'aime, lui!? Mais regarde-toi, regarde-

LE PÈRE - Maintenant on va me reprocher de m'inquiéter pour le, tu nages en plein brouillard. Ce n'est pas ça l'amour ! le bonheur de mon enfant.

LA MÈRE - Je serais curieuse de connaître ta définition. LA MÈRE - Excusez-le' Octave. Ce doit être le champagne, il n'a

pas l'habitude. LE PÈRE - La ferme !

LE PÈRE - Vas-tu finir par la mettre en sourdine ! ÉLIANE - Non papa, tu te trompes. Octave est formidable, il est

OCTAVE - Vous avez une curieuse façon de parler à votre femme. généreux, intelligent, honnête, il aime les enfants et... et il m'aime' bien sûr.

LE PÈRE - Et vous' vous avez des manières et des regards qui ne me reviennent pas. Il est hors de question que je me taise davantage. BRIGITTE - Et en plus il est beau.

(À Éliane) Ma chérie, je ne le sens pas. (Catégorique.) Cet homme LE PÈRE (avec mépris) - Éliane n'a rien à faire avec un homme n'est pas fait pour toi ! de votre espèce.

40 41

Page 37: Octave et les valeureuses

OCTAVE - En effet' elle est très bonne' ça me rappelle mes ÉLIANE - Pourquoi dis-tu ça? années au pensionnat.

ÉLIANE - Et si nous passions à table? LE PÈRE - Tu fais fausse route. Avec lui tu n'iras nulle part. Il

n'a rien à te proposer, il sort avec toi uniquement par intérêt. LE PÈRE - Et c'est dans cette «mansarde » que vous avez l'in- ÉLIANE - Tu te trompes. C'est moi qui lui ai proposé de l'épouser'

tention de fonder une famille? ce n'est pas lui. ÉLIANE - Enfin papa, nous allons trouver un appartement plus

LE PÈRE - Mais non' mais non' il n'attendait que ça' il s'est arrangé grand. Avec nos deux salaires' ça ne sera pas trop difficile. pour te laisser croire que tout venait de toi.

LE PÈRE - J'imagine que... instituteur, ça ne doit pas rapporter beaucoup. LA MÈRE - Tu as décidé de nous empoisonner l'existence jusqu' au

dernier soupir. LA MÈRE (à Éliane) - Où se trouve le pain' ma chérie?

OCTAVE - Votre mari nous fait une mauvaise réaction' c'est typique. OCTAVE - Je gagne et je vis ma vie comme je l'entends' mon- Je suis tout le contraire de ce qu'il imaginait pour sa fille. Je n'aime-

sieur. Et je ne pense pas que votre fille m'épouse pour des considé- rais pas être à sa place. rations aussi basses.

LE PÈRE - Je ne suis pas certain qu'avec un homme comme LA MÈRE - Moi, je vous trouve bien bon. Édouard a dépassé les

vous' elle y trouve son compte. bornes.

ÉLIANE - Mais enfin papa! ÉLIANE (à son père) - Mais je l'aime.

LA MÈRE - Édouard ! Tu es tombé sur la tête. LE PÈRE (toujours à Éliane, hors de lui) - Tu t'es entichée de lui, c'est différent. Tu crois qu'il t'aime, lui!? Mais regarde-toi, regarde-

LE PÈRE - Maintenant on va me reprocher de m'inquiéter pour le, tu nages en plein brouillard. Ce n'est pas ça l'amour ! le bonheur de mon enfant.

LA MÈRE - Je serais curieuse de connaître ta définition. LA MÈRE - Excusez-le' Octave. Ce doit être le champagne, il n'a

pas l'habitude. LE PÈRE - La ferme !

LE PÈRE - Vas-tu finir par la mettre en sourdine ! ÉLIANE - Non papa, tu te trompes. Octave est formidable, il est

OCTAVE - Vous avez une curieuse façon de parler à votre femme. généreux, intelligent, honnête, il aime les enfants et... et il m'aime' bien sûr.

LE PÈRE - Et vous' vous avez des manières et des regards qui ne me reviennent pas. Il est hors de question que je me taise davantage. BRIGITTE - Et en plus il est beau.

(À Éliane) Ma chérie, je ne le sens pas. (Catégorique.) Cet homme LE PÈRE (avec mépris) - Éliane n'a rien à faire avec un homme n'est pas fait pour toi ! de votre espèce.

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Page 38: Octave et les valeureuses

La mère se lève et gifle son mari. Les deux filles poussent un ÉLIANE (à Octave) - Tout va s'arranger, attends un peu' je t'en petit cri de surprise. Chacune à sa façon. Temps suspendu. prie...

LA MÈRE - Ah ! ... Il fallait que ça sorte... Ouf! (Petit temps.) LE PÈRE - Vous êtes un imposteur, vous n'avez aucune ambi- J'en peux plus' je n'en peux plus de toi. Tu ne m'as jamais consi-

dérée pendant toutes ces années. Sans cesse à rabâcher que tu n'as tion' aucune attache' votre masque est celui de la dérision et de la

jamais voulu m'épouser' comme si je t'avais obligé, pauvre impuis- séduction. J'en côtoie tous les jours des étudiants qui vous ressem-

sant, incapable de dire non. Si mes parents n'avaient pas été diplomates blent' et encore eux... ils sont jeunes' on peut espérer qu'ils se

et si j'avais été moins séduisante à l'époque' tu aurais peut-être su bonifient; vous n'avez même pas le temps pour vous rattraper, vous

t'imposer davantage. T'es complètement ringard. Tu as tout raté êtes pitoyable.

dans l'éducation que tu as donnée à nos filles... Tu en as fait une OCTAVE - J'avoue que je ne m'étais pas penché aussi obscur& dégénérée et une putain' et moi' tu m'as toujours rabaissée. Seule Éliane a retenu ton attention parce que tu as cru qu elle te ressem- ment sur moi-même... Cependant ça me rassure de vous inspirer

blait' en tout cas tu as tout fait pour la façonner à ton image. autant d'aversion. Je ne suis pas certain de vouloir vous ressembler.

Moralité' elle ne peut pas exister sans tes yeux' sans ton approba- Il s'apprête à sortir tion, ton consentement... mais je ne te permettrai pas de bousiller

sa vie à elle aussi. L'amour? (À tous.) Si je vous racontais notre ÉLIANE - Que fais-tu? Où vas-tu? première nuit d'amour, vous en feriez des cauchemars' et encore' OCTAVE - Puisque personne ne veut s'en aller, je me dévoue.

c'était la plus réussie. (Éliane pleure.) Je m'en vais. Je suis sincè- J'étouffe. Je ne suis pas fait pour cette vie-là. Oui, ton père a raison. rement navrée' Octave. Nous sommes de vrais sauvages. Non mais,

vous vous rendez compte, chez vous en plus' alors que vous nous Il y a trop de barrières entre nous' Éliane. Et puis tu as les pieds

avez accueillis si gentiment' quelle honte ! Pardonnez-nous. Nous froids' c'est très désagréable. Et tu n'as pas assez de poitrine : quand

ne sommes pas une famille fréquentable. je l'embrasse' j'ai l'impression de chercher midi à quatorze heures. Je n'aime pas tes sous-vêtements' ça me rappelle mon voyage dans

OCTAVE - Je ne pense pas qu'il en existe. la Creuse. Tout compte fait' Éliane, je me demande ce qui a bien pu

LA MÈRE - Moi je vous aimais bien. m'attirer chez toi. (Au Père.) Alors vous voyez' monsieur' vous

BRIGITTE - Maman' tu veux que je t'accompagne? avez encore toutes vos chances.

LA MÈRE - Non merci Brigitte. Occupe-toi de ta sœur' elle en a Éliane s'effondre. grand besoin. LE PÈRE (à Éliane) - Tu as vu ce à quoi tu as échappé? Sortons

Elle sort. d'ici au plus vite. Vile canaille ! Maraud ! Foireux !

OCTAVE - Je crois qu'il serait préférable que vous vous en alliez OCTAVE - C'est l'effet que je fais aux hommes. Ils ont toujours vous aussi, monsieur. peur que je leur prenne quelque chose' et bien souvent ils ont raison.

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Page 39: Octave et les valeureuses

La mère se lève et gifle son mari. Les deux filles poussent un ÉLIANE (à Octave) - Tout va s'arranger, attends un peu' je t'en petit cri de surprise. Chacune à sa façon. Temps suspendu. prie...

LA MÈRE - Ah ! ... Il fallait que ça sorte... Ouf! (Petit temps.) LE PÈRE - Vous êtes un imposteur, vous n'avez aucune ambi- J'en peux plus' je n'en peux plus de toi. Tu ne m'as jamais consi-

dérée pendant toutes ces années. Sans cesse à rabâcher que tu n'as tion' aucune attache' votre masque est celui de la dérision et de la

jamais voulu m'épouser' comme si je t'avais obligé, pauvre impuis- séduction. J'en côtoie tous les jours des étudiants qui vous ressem-

sant, incapable de dire non. Si mes parents n'avaient pas été diplomates blent' et encore eux... ils sont jeunes' on peut espérer qu'ils se

et si j'avais été moins séduisante à l'époque' tu aurais peut-être su bonifient; vous n'avez même pas le temps pour vous rattraper, vous

t'imposer davantage. T'es complètement ringard. Tu as tout raté êtes pitoyable.

dans l'éducation que tu as donnée à nos filles... Tu en as fait une OCTAVE - J'avoue que je ne m'étais pas penché aussi obscur& dégénérée et une putain' et moi' tu m'as toujours rabaissée. Seule Éliane a retenu ton attention parce que tu as cru qu elle te ressem- ment sur moi-même... Cependant ça me rassure de vous inspirer

blait' en tout cas tu as tout fait pour la façonner à ton image. autant d'aversion. Je ne suis pas certain de vouloir vous ressembler.

Moralité' elle ne peut pas exister sans tes yeux' sans ton approba- Il s'apprête à sortir tion, ton consentement... mais je ne te permettrai pas de bousiller

sa vie à elle aussi. L'amour? (À tous.) Si je vous racontais notre ÉLIANE - Que fais-tu? Où vas-tu? première nuit d'amour, vous en feriez des cauchemars' et encore' OCTAVE - Puisque personne ne veut s'en aller, je me dévoue.

c'était la plus réussie. (Éliane pleure.) Je m'en vais. Je suis sincè- J'étouffe. Je ne suis pas fait pour cette vie-là. Oui, ton père a raison. rement navrée' Octave. Nous sommes de vrais sauvages. Non mais,

vous vous rendez compte, chez vous en plus' alors que vous nous Il y a trop de barrières entre nous' Éliane. Et puis tu as les pieds

avez accueillis si gentiment' quelle honte ! Pardonnez-nous. Nous froids' c'est très désagréable. Et tu n'as pas assez de poitrine : quand

ne sommes pas une famille fréquentable. je l'embrasse' j'ai l'impression de chercher midi à quatorze heures. Je n'aime pas tes sous-vêtements' ça me rappelle mon voyage dans

OCTAVE - Je ne pense pas qu'il en existe. la Creuse. Tout compte fait' Éliane, je me demande ce qui a bien pu

LA MÈRE - Moi je vous aimais bien. m'attirer chez toi. (Au Père.) Alors vous voyez' monsieur' vous

BRIGITTE - Maman' tu veux que je t'accompagne? avez encore toutes vos chances.

LA MÈRE - Non merci Brigitte. Occupe-toi de ta sœur' elle en a Éliane s'effondre. grand besoin. LE PÈRE (à Éliane) - Tu as vu ce à quoi tu as échappé? Sortons

Elle sort. d'ici au plus vite. Vile canaille ! Maraud ! Foireux !

OCTAVE - Je crois qu'il serait préférable que vous vous en alliez OCTAVE - C'est l'effet que je fais aux hommes. Ils ont toujours vous aussi, monsieur. peur que je leur prenne quelque chose' et bien souvent ils ont raison.

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Page 40: Octave et les valeureuses

LE PÈRE - Allez' viens ! ! ! (Il prend sa fille dans ses bras et l'en- pensais que tous les appartements étaient pareils. Ça fait longtemps traîne vers la sortie.) Il ne te mérite pas. Je suis là' mon trésor' je que vous habitez là? (Elle constate les assiettes vides sur la table.) suis là. Vous attendez du monde?

Ils disparaissent. OCTAVE - C'est une erreur. BRIGITTE (à Octave) - On n'a pas été très gentil ce soir. JOËLLE - Ah ! ... Célibataire ?

Elle sort. Octave saute sur son lit et s'enfouit la tête sous l'oreiller. Il est dix-huit heures. On sonne à la porte. OCTAVE - Oui. J'ai failli ne plus l'être, mais j'ai fait mon retour

OCTAVE - Quoi' encore!!! à la case départ.

JOËLLE - Soulagé? Il va tout de même ouvrir. Il s'agit d'une nouvelle femme.

OCTAVE - C'est un peu la confusion dans ma tête.

JOËLLE - Difficile de sauter dans la mare. Moi' j'ai beaucoup

SCÈNE 7 hésité quand Jérôme — c'est mon mari — m'a proposé de m'installer avec lui. Je me suis dit que ce ne serait plus jamais comme avant.

OCTAVE/JOËLLE Et puis j'ai vite compris que non, ça ne dépendait que de moi. Parce que faut pas croire, on ne s'habitue jamais quand on n'a pas la fibre conjugale. En tout cas, moi, j'ai pas envie de m'habituer. (Elle sou-

JOELLE - Je vous dérange? pire.) Un jour ou l'autre, on finit tous par craquer. Un petit remon- OCTAVE - Heu ! ... C'est-à-dire que là... tant' ça ne vous ferait pas de mal. (Elle aperçoit la bouteille de

JOËLLE - Je suis votre nouvelle voisine j'habite au-dessus je whisky. Elle sert un verre à Octave et un pour elle.) Allez ! Mettez-

viens d'emménager avec mon mari. Il est en déplacement en ce vous à l'aise et dites-moi tout.

moment... jusqu'à la fin de la semaine. Ma télévision ne marche OCTAVE - Ça faisait deux ans qu'on se voyait par intermittence, pas' je voulais savoir si c'était général? Éliane et moi. Remarquez c'est énorme pour moi. Elle semblait si

OCTAVE - Je n'ai pas de télévision. fragile quand elle m'a proposé de l'épouser... si malléable... si amoureuse...

JOËLLE - C'est pas vrai !

OCTAVE -Mais... oui. JOËLLE (pas convaincue) - Ouais...

JOËLLE - C'est fou! Ça existe encore? (Elle ne se fait pas prier OCTAVE - C'est important de se sentir aimé.

pour pénétrer dans le studio.) C'est pas très grand chez vous. Je JOËLLE (idem) - Ouais...

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Page 41: Octave et les valeureuses

LE PÈRE - Allez' viens ! ! ! (Il prend sa fille dans ses bras et l'en- pensais que tous les appartements étaient pareils. Ça fait longtemps traîne vers la sortie.) Il ne te mérite pas. Je suis là' mon trésor' je que vous habitez là? (Elle constate les assiettes vides sur la table.) suis là. Vous attendez du monde?

Ils disparaissent. OCTAVE - C'est une erreur. BRIGITTE (à Octave) - On n'a pas été très gentil ce soir. JOËLLE - Ah ! ... Célibataire ?

Elle sort. Octave saute sur son lit et s'enfouit la tête sous l'oreiller. Il est dix-huit heures. On sonne à la porte. OCTAVE - Oui. J'ai failli ne plus l'être, mais j'ai fait mon retour

OCTAVE - Quoi' encore!!! à la case départ.

JOËLLE - Soulagé? Il va tout de même ouvrir. Il s'agit d'une nouvelle femme.

OCTAVE - C'est un peu la confusion dans ma tête.

JOËLLE - Difficile de sauter dans la mare. Moi' j'ai beaucoup

SCÈNE 7 hésité quand Jérôme — c'est mon mari — m'a proposé de m'installer avec lui. Je me suis dit que ce ne serait plus jamais comme avant.

OCTAVE/JOËLLE Et puis j'ai vite compris que non, ça ne dépendait que de moi. Parce que faut pas croire, on ne s'habitue jamais quand on n'a pas la fibre conjugale. En tout cas, moi, j'ai pas envie de m'habituer. (Elle sou-

JOELLE - Je vous dérange? pire.) Un jour ou l'autre, on finit tous par craquer. Un petit remon- OCTAVE - Heu ! ... C'est-à-dire que là... tant' ça ne vous ferait pas de mal. (Elle aperçoit la bouteille de

JOËLLE - Je suis votre nouvelle voisine j'habite au-dessus je whisky. Elle sert un verre à Octave et un pour elle.) Allez ! Mettez-

viens d'emménager avec mon mari. Il est en déplacement en ce vous à l'aise et dites-moi tout.

moment... jusqu'à la fin de la semaine. Ma télévision ne marche OCTAVE - Ça faisait deux ans qu'on se voyait par intermittence, pas' je voulais savoir si c'était général? Éliane et moi. Remarquez c'est énorme pour moi. Elle semblait si

OCTAVE - Je n'ai pas de télévision. fragile quand elle m'a proposé de l'épouser... si malléable... si amoureuse...

JOËLLE - C'est pas vrai !

OCTAVE -Mais... oui. JOËLLE (pas convaincue) - Ouais...

JOËLLE - C'est fou! Ça existe encore? (Elle ne se fait pas prier OCTAVE - C'est important de se sentir aimé.

pour pénétrer dans le studio.) C'est pas très grand chez vous. Je JOËLLE (idem) - Ouais...

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Page 42: Octave et les valeureuses

OCTAVE - On n'est pas faits l'un pour l'autre. C'est évident. Il OCTAVE - Non. suffit de nous mettre côte à côte pour flairer l'anachronisme.

JOËLLE - Ah ! ah ! Et ça ne vous exciterait pas une partie de

Même si elle ne comprend pas tout en détail, elle se doute jambes en l'air à trois? bien qu'il a évité le pire.

JOËLLE - C'est dangereux ce machin-là. Mais qu'est-ce qui vous OCTAVE - Avec vous?

a pris? Enfin' heureusement, vous vous êtes récupéré. C'est l'affaire JOËLLE - Mais non! Qu'il est bête! Pas encore. Avec les deux

de deux ou trois jours et vous serez de nouveau d'attaque. Moi' ce frangines.

qui m'excite' c'est tout ce qu'on fait en dehors du lit. Bon, avec OCTAVE - Certainement pas. Jérôme' c'est pas le cas' il est plutôt de l'ancienne école' mais par-

fois je tombe sur certains' waouh' ils savent comment vous balader. JOËLLE - Vous êtes un chaud vous.

OCTAVE - Ah bon !? OCTAVE - Mais non.

JOËLLE - Je suis sûre que vous êtes du genre à avoir de l'imagi- JOËLLE - Mais si. Ça transpire ces choses-là. nation' vous, ça se voit tout de suite. OCTAVE - À quoi vous voyez ça?

OCTAVE - Ah oui ? JOËLLE - Tout ! La façon dont vous avez trempé vos lèvres dans

JOËLLE - Si ça se trouve, vous ne le savez même pas. le whisky, j'aurais bien aimé être au bord du verre; le ton que vous

OCTAVE - Je crois que j'ai pris la bonne décision. avez pris quand vous vous êtes imaginé votre fiancée se jeter dans l'eau... C'était comme si vous la poussiez vous-même.

JOËLLE - Parfois c'est mieux de tout faire péter, ça soulage et ça OCTAVE - Mas c'est terrible ! rend bien service.

JOËLLE - Oui, ça promet de sacrés moments. Et c'est ça qui vous OCTAVE - J'ai peur qu'elle fasse une grosse bêtise. Elle m'aime angoisse' vous avez peur qu'une fois marié, plus rien ne pourra

tellement. Elle serait capable de se jeter du haut d'un pont. vous arriver. Vous êtes du genre coupable? JOËLLE - Oh' ça! On a de la ressource nous autres' faut pas croire. OCTAVE - À culpabiliser, vous voulez dire? OCTAVE - En plus' j'ai un problème avec sa sœur. JOËLLE - Oui, enfin c'est pareil. Moi par exemple' j'ai mon JOËLLE - Elle est amoureuse de vous elle aussi? homme à la maison et ça ne m'empêche pas de continuer à ne pas

OCTAVE - J'aime pas sa façon de me regarder. Comme si elle me sentir coupable.

voulait me pénétrer. OCTAVE - D'aller voir ailleurs' vous voulez dire.

JOËLLE - Ce serait du joli' ça! Elle est mariée? JOËLLE - Vous comprenez vite. Vous êtes psychologue?

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Page 43: Octave et les valeureuses

OCTAVE - On n'est pas faits l'un pour l'autre. C'est évident. Il OCTAVE - Non. suffit de nous mettre côte à côte pour flairer l'anachronisme.

JOËLLE - Ah ! ah ! Et ça ne vous exciterait pas une partie de

Même si elle ne comprend pas tout en détail, elle se doute jambes en l'air à trois? bien qu'il a évité le pire.

JOËLLE - C'est dangereux ce machin-là. Mais qu'est-ce qui vous OCTAVE - Avec vous?

a pris? Enfin' heureusement, vous vous êtes récupéré. C'est l'affaire JOËLLE - Mais non! Qu'il est bête! Pas encore. Avec les deux

de deux ou trois jours et vous serez de nouveau d'attaque. Moi' ce frangines.

qui m'excite' c'est tout ce qu'on fait en dehors du lit. Bon, avec OCTAVE - Certainement pas. Jérôme' c'est pas le cas' il est plutôt de l'ancienne école' mais par-

fois je tombe sur certains' waouh' ils savent comment vous balader. JOËLLE - Vous êtes un chaud vous.

OCTAVE - Ah bon !? OCTAVE - Mais non.

JOËLLE - Je suis sûre que vous êtes du genre à avoir de l'imagi- JOËLLE - Mais si. Ça transpire ces choses-là. nation' vous, ça se voit tout de suite. OCTAVE - À quoi vous voyez ça?

OCTAVE - Ah oui ? JOËLLE - Tout ! La façon dont vous avez trempé vos lèvres dans

JOËLLE - Si ça se trouve, vous ne le savez même pas. le whisky, j'aurais bien aimé être au bord du verre; le ton que vous

OCTAVE - Je crois que j'ai pris la bonne décision. avez pris quand vous vous êtes imaginé votre fiancée se jeter dans l'eau... C'était comme si vous la poussiez vous-même.

JOËLLE - Parfois c'est mieux de tout faire péter, ça soulage et ça OCTAVE - Mas c'est terrible ! rend bien service.

JOËLLE - Oui, ça promet de sacrés moments. Et c'est ça qui vous OCTAVE - J'ai peur qu'elle fasse une grosse bêtise. Elle m'aime angoisse' vous avez peur qu'une fois marié, plus rien ne pourra

tellement. Elle serait capable de se jeter du haut d'un pont. vous arriver. Vous êtes du genre coupable? JOËLLE - Oh' ça! On a de la ressource nous autres' faut pas croire. OCTAVE - À culpabiliser, vous voulez dire? OCTAVE - En plus' j'ai un problème avec sa sœur. JOËLLE - Oui, enfin c'est pareil. Moi par exemple' j'ai mon JOËLLE - Elle est amoureuse de vous elle aussi? homme à la maison et ça ne m'empêche pas de continuer à ne pas

OCTAVE - J'aime pas sa façon de me regarder. Comme si elle me sentir coupable.

voulait me pénétrer. OCTAVE - D'aller voir ailleurs' vous voulez dire.

JOËLLE - Ce serait du joli' ça! Elle est mariée? JOËLLE - Vous comprenez vite. Vous êtes psychologue?

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Page 44: Octave et les valeureuses

OCTAVE - Instituteur. OCTAVE - Il y a méprise, chère voisine. Je ne suis pas celui que

JOËLLE - Moi je suis caissière. Venez me voir à l'occasion, j'ai vous croyez. C'est vous' avec vos allusions, votre façon de poser

trois pauses par jour. D'habitude, c'est mon chef de caisse qui en les problèmes, j'ai laissé vagabonder mon esprit, histoire de penser

profite, mais il commence à me fatiguer et il a mauvaise haleine. Je à autre chose. suis sûre qu'on peut faire des choses, vous et moi. JOËLLE - Mais moi j'ai pas envie de penser' ça me plaît bien

OCTAVE - On pourrait aller forniquer dans des lieux publics. votre idée. Dimanche, c'est mon jour de repos et Jérôme ne rentre

JOËLLE (n'a pas tout compris) - Niquer quoi?... (Elle vient de que le soir. Vous avez quelque chose de prévu?

comprendre.) Oh !... Vous êtes une grOSse bête' un petit coquin ! OCTAVE - J'avais l'intention de revoir le Subleyras au Musée Vous voulez piquer dans les prés ? national.

OCTAVE - Mais non, mais non' ça m'a échappé' je ne parlais pas JOËLLE - C'est quoi? sérieusement, je ne sais pas ce qui m'a pris' c'est vous... OCTAVE - De la peinture.

JOËLLE - Ça a toujours été mon truc de faire ça devant les JOËLLE - Ah ! ... Dans un musée... Mais bien sûr ! ... Alors vous,

autres : dans les parcs' sous un porche' dans les toilettes d'un ciné- c'est tout ou rien! Vous voulez qu'on commence fort. C'est très

ma... Ça j'ai déjà fait. Foutre mal à l'aise une coincée du vagin en intéressant. Y aura du monde en plus, et de l'international' toutes

se faisant des cochonneries devant elle, dans un endroit tout à fait les races; pour peu qu'y ait un fanatique' on va se faire lyncher sur convenable... dans une salle d'attente de dentiste' par exemple. place.

OCTAVE - Il faudrait au moins que l'un de nous deux ait des OCTAVE - C'est peut-être pas le bon endroit, alors. problèmes de dents.

JOËLLE (rit) - Et en plus' vous êtes drôle. Moi, je vous le dis' à JOËLLE - Non, non' non' non' pas de ça avec moi. J'avance' je

recule' j'avance, je repars en courant, vous croyez que je ne vous ai part dans les toilettes, j'en ai jamais trouvé un qui a eu le culot de pas cerné? Avec Joëlle, c'est tout droit et on ne se retourne pas, m'envoyer en l'air en société. Même pas dans les transports en compris? Vous verrez, avec moi vous allez progresser très vite. Alors, commun. Mais vous' pas besoin de supplier' vous démarrez au comment vous voyez la scène? On arrive en même temps' on se quart de tour! C'est bon de se sentir comprise. déshabille sur place ou on va directement dans les toilettes? Faites-

OCTAVE - Écoutez... moi un petit topo.

JOËLLE - ... Joëlle. On commence quand? OCTAVE (mal à l'aise) - Écoutez Joëlle, ce que je vous propose c'est que je vais y réfléchir' et je vous envoie mon plan par Internet.

OCTAVE - Pardon ?

JOËLLE - À piquer fort? JOËLLE - J'ai pas le réseau. Mon mari a un ordinateur, mais il

s'en sert seulement pour faire ses comptes.

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OCTAVE - Instituteur. OCTAVE - Il y a méprise, chère voisine. Je ne suis pas celui que

JOËLLE - Moi je suis caissière. Venez me voir à l'occasion, j'ai vous croyez. C'est vous' avec vos allusions, votre façon de poser

trois pauses par jour. D'habitude, c'est mon chef de caisse qui en les problèmes, j'ai laissé vagabonder mon esprit, histoire de penser

profite, mais il commence à me fatiguer et il a mauvaise haleine. Je à autre chose. suis sûre qu'on peut faire des choses, vous et moi. JOËLLE - Mais moi j'ai pas envie de penser' ça me plaît bien

OCTAVE - On pourrait aller forniquer dans des lieux publics. votre idée. Dimanche, c'est mon jour de repos et Jérôme ne rentre

JOËLLE (n'a pas tout compris) - Niquer quoi?... (Elle vient de que le soir. Vous avez quelque chose de prévu?

comprendre.) Oh !... Vous êtes une grOSse bête' un petit coquin ! OCTAVE - J'avais l'intention de revoir le Subleyras au Musée Vous voulez piquer dans les prés ? national.

OCTAVE - Mais non, mais non' ça m'a échappé' je ne parlais pas JOËLLE - C'est quoi? sérieusement, je ne sais pas ce qui m'a pris' c'est vous... OCTAVE - De la peinture.

JOËLLE - Ça a toujours été mon truc de faire ça devant les JOËLLE - Ah ! ... Dans un musée... Mais bien sûr ! ... Alors vous,

autres : dans les parcs' sous un porche' dans les toilettes d'un ciné- c'est tout ou rien! Vous voulez qu'on commence fort. C'est très

ma... Ça j'ai déjà fait. Foutre mal à l'aise une coincée du vagin en intéressant. Y aura du monde en plus, et de l'international' toutes

se faisant des cochonneries devant elle, dans un endroit tout à fait les races; pour peu qu'y ait un fanatique' on va se faire lyncher sur convenable... dans une salle d'attente de dentiste' par exemple. place.

OCTAVE - Il faudrait au moins que l'un de nous deux ait des OCTAVE - C'est peut-être pas le bon endroit, alors. problèmes de dents.

JOËLLE (rit) - Et en plus' vous êtes drôle. Moi, je vous le dis' à JOËLLE - Non, non' non' non' pas de ça avec moi. J'avance' je

recule' j'avance, je repars en courant, vous croyez que je ne vous ai part dans les toilettes, j'en ai jamais trouvé un qui a eu le culot de pas cerné? Avec Joëlle, c'est tout droit et on ne se retourne pas, m'envoyer en l'air en société. Même pas dans les transports en compris? Vous verrez, avec moi vous allez progresser très vite. Alors, commun. Mais vous' pas besoin de supplier' vous démarrez au comment vous voyez la scène? On arrive en même temps' on se quart de tour! C'est bon de se sentir comprise. déshabille sur place ou on va directement dans les toilettes? Faites-

OCTAVE - Écoutez... moi un petit topo.

JOËLLE - ... Joëlle. On commence quand? OCTAVE (mal à l'aise) - Écoutez Joëlle, ce que je vous propose c'est que je vais y réfléchir' et je vous envoie mon plan par Internet.

OCTAVE - Pardon ?

JOËLLE - À piquer fort? JOËLLE - J'ai pas le réseau. Mon mari a un ordinateur, mais il

s'en sert seulement pour faire ses comptes.

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OCTAVE - Comment vous vous y prenez pour faire des rencontres ? OCTAVE - Joëlle' vous n'êtes pas du tout mon genre.

JOËLLE - La rue. Y a encore des hommes qui marchent' vous savez. JOËLLE - C'est plutôt bon signe. Moi' vous voyez, j'ai toujours OCTAVE - Ah oui !? cru que je n'aimais pas les huîtres, je trouvais ça dégoûtant, et pour-

tant j'en avais jamais mangé. Et un jour' j'ai rencontré un homme Il est soufflé. Il n'en a jamais vu des comme elle. qui me plaisait bien. Il m'a obligée à en manger, eh ben' vous me

JOËLLE - Alors on dit dimanche. Mais je vous préviens, pas croirez si vous voulez' je pouvais plus m'arrêter d'en gober telle- question d'amour entre nous. Juste... for-ni-quer. (Elle rit.) ment j'étais devenue accro. Vous avez envie, là' maintenant?

OCTAVE - Y a rien à craindre. Elle glisse sa main dans son pantalon.

JOËLLE - Avec ces choses-là, on ne peut pas prévoir. En tout cas OCTAVE - Écoutez...

je vous aurai prévenu, pas question de changer d'avis en cours de Elle se lève subitement. route, je ne le supporterais pas.

JOËLLE - Non' non, je préfère pas. C'est trop tôt. Il faut laisser OCTAVE - Promis. mûrir. Au musée' ça va être explosif. Bonne soirée !

Elle lui prend la main et scrute sa paume. Il est dix-neuf heures, on sonne à la porte.

JOËLLE - Vous avez envie de moi' c'est purement sexuel ! (Il OCTAVE - Oh ! mon Dieu! C'est elle ! dégage sa main, effrayé.) C'est la première fois que ça vous arrive d'avoir une envie aussi spontanée ! JOËLLE - Votre fiancée?

OCTAVE - Heu!... OCTAVE - Oui' elle revient pour me tuer, j'en suis sûr.

Elle se rapproche de lui, il recule, se retrouve contre le lit, JOËLLE (admirative) - Quel phénomène ! Vous en avez de elle le fait basculer et bascule avec lui. l'imagination.

JOËLLE - C'est la première fois que vous vous écoutez vraiment. OCTAVE - Faut pas qu'elle vous voie là' ce serait la catastrophe.

Y a pas de honte. Faut pas laisser passer. (Elle passe sa main sous JOËLLE - Calmez-vous' on lui expliquera qu'on n'a encore rien

sa chemise, caresse sa poitrine) Faut faire sortir le loup à l'intérieur fait. de vous' écoutez vos pulsions, libérez-les, c'est à ce prix que vous

trouverez la légèreté. Regardez-moi! Est-ce que j'ai l'air lourde? OCTAVE - Ça promet une scène insupportable, je préfère éviter.

Non ! Je me sens légère comme une pie. Allez vous cacher dans la salle de bains' s'il vous plaît.

Il s'agrippe à la commode pour se dégager, elle l'enjambe et JOËLLE - Combien de temps ça va durer?

l'immobilise. OCTAVE - Je ferai court, promis.

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Page 47: Octave et les valeureuses

OCTAVE - Comment vous vous y prenez pour faire des rencontres ? OCTAVE - Joëlle' vous n'êtes pas du tout mon genre.

JOËLLE - La rue. Y a encore des hommes qui marchent' vous savez. JOËLLE - C'est plutôt bon signe. Moi' vous voyez, j'ai toujours OCTAVE - Ah oui !? cru que je n'aimais pas les huîtres, je trouvais ça dégoûtant, et pour-

tant j'en avais jamais mangé. Et un jour' j'ai rencontré un homme Il est soufflé. Il n'en a jamais vu des comme elle. qui me plaisait bien. Il m'a obligée à en manger, eh ben' vous me

JOËLLE - Alors on dit dimanche. Mais je vous préviens, pas croirez si vous voulez' je pouvais plus m'arrêter d'en gober telle- question d'amour entre nous. Juste... for-ni-quer. (Elle rit.) ment j'étais devenue accro. Vous avez envie, là' maintenant?

OCTAVE - Y a rien à craindre. Elle glisse sa main dans son pantalon.

JOËLLE - Avec ces choses-là, on ne peut pas prévoir. En tout cas OCTAVE - Écoutez...

je vous aurai prévenu, pas question de changer d'avis en cours de Elle se lève subitement. route, je ne le supporterais pas.

JOËLLE - Non' non, je préfère pas. C'est trop tôt. Il faut laisser OCTAVE - Promis. mûrir. Au musée' ça va être explosif. Bonne soirée !

Elle lui prend la main et scrute sa paume. Il est dix-neuf heures, on sonne à la porte.

JOËLLE - Vous avez envie de moi' c'est purement sexuel ! (Il OCTAVE - Oh ! mon Dieu! C'est elle ! dégage sa main, effrayé.) C'est la première fois que ça vous arrive d'avoir une envie aussi spontanée ! JOËLLE - Votre fiancée?

OCTAVE - Heu!... OCTAVE - Oui' elle revient pour me tuer, j'en suis sûr.

Elle se rapproche de lui, il recule, se retrouve contre le lit, JOËLLE (admirative) - Quel phénomène ! Vous en avez de elle le fait basculer et bascule avec lui. l'imagination.

JOËLLE - C'est la première fois que vous vous écoutez vraiment. OCTAVE - Faut pas qu'elle vous voie là' ce serait la catastrophe.

Y a pas de honte. Faut pas laisser passer. (Elle passe sa main sous JOËLLE - Calmez-vous' on lui expliquera qu'on n'a encore rien

sa chemise, caresse sa poitrine) Faut faire sortir le loup à l'intérieur fait. de vous' écoutez vos pulsions, libérez-les, c'est à ce prix que vous

trouverez la légèreté. Regardez-moi! Est-ce que j'ai l'air lourde? OCTAVE - Ça promet une scène insupportable, je préfère éviter.

Non ! Je me sens légère comme une pie. Allez vous cacher dans la salle de bains' s'il vous plaît.

Il s'agrippe à la commode pour se dégager, elle l'enjambe et JOËLLE - Combien de temps ça va durer?

l'immobilise. OCTAVE - Je ferai court, promis.

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Page 48: Octave et les valeureuses

JOËLLE - Vous préférez pas que je me mette toute nue sur votre Il lui tend un verre d'eau. lit, comme ça elle comprendra qu'elle n'a plus d'illusions à se faire?

OCTAVE - Où allez-vous passer la nuit? OCTAVE - Pour l'instant restez habillée dans la salle de bains. Et

enfermez-vous derrière vous. JOSY - Votre fiancée est partie? Je l'ai croisée ce matin' en sortant de l'immeuble.

Il attend qu'elle s'enferme avant d'aller ouvrir. C'est Josy. OCTAVE - C'est terminé.

Josy - Oh !

SCÈNE 8 OCTAVE - Et... vous n'avez pas d'amis... de petit ami... qui

pourraient vous accueillir? OCTAVE/JOSY

Josy - Ils sont tous en colocation.

OCTAVE - Dommage. OCTAVE - Josy !

Elle pense encore à ce qu'il vient de lui révéler Josy - Je suis désolée...

Josy - Elle était avec une autre femme. OCTAVE (extrêmement soulagé) - Vous me voyez ravi, ravi, ravi.

OCTAVE - Qui ça? (Il comprend.) Ah!... C'est sa sœur. JOSY - Sérieux? Tant mieux parce que j'ai perdu les clés de chez

moi. Josy - Elles ne se ressemblent pas. Faut toujours voir le côté positif... À partir de maintenant, vous allez avoir davantage de soirées

OCTAVE - Dur. Et vous n'avez pas de double? de libres. Si ça vous intéresse, je peux vous donner l'adresse d'un Josy - Chez ma mère mais... elle est dans le Sud en ce moment. cours de yoga très sérieux. Sinon, comment on fait' parce que j'ai

Un serrurier à cette heure-ci, ça va me coûter bonbon. une grande envie de m'étendre.

OCTAVE - Vous n'avez pas d'amis qui pourraient vous dépanner? OCTAVE - C'est-à-dire, comme vous pouvez le constater, je n'ai

Josy - J'ai soif. pas de canapé.

OCTAVE - Ah! Josy - Je préfère dormir dans un lit, moi aussi.

Josy - Vous n'auriez pas un peu d'eau par hasard? OCTAVE - Je connais un hôtel pas loin d'ici, je peux payer la

chambre, si c'est ce qui vous tracasse. OCTAVE - Entrez.

Josy - Ne me traitez pas comme une grue, s'il vous plaît. (Il est Josy - Merci. (Elle entre.) C'est gentil chez vous. mal à l'aise.) Je peux me brosser les dents?

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Page 49: Octave et les valeureuses

JOËLLE - Vous préférez pas que je me mette toute nue sur votre Il lui tend un verre d'eau. lit, comme ça elle comprendra qu'elle n'a plus d'illusions à se faire?

OCTAVE - Où allez-vous passer la nuit? OCTAVE - Pour l'instant restez habillée dans la salle de bains. Et

enfermez-vous derrière vous. JOSY - Votre fiancée est partie? Je l'ai croisée ce matin' en sortant de l'immeuble.

Il attend qu'elle s'enferme avant d'aller ouvrir. C'est Josy. OCTAVE - C'est terminé.

Josy - Oh !

SCÈNE 8 OCTAVE - Et... vous n'avez pas d'amis... de petit ami... qui

pourraient vous accueillir? OCTAVE/JOSY

Josy - Ils sont tous en colocation.

OCTAVE - Dommage. OCTAVE - Josy !

Elle pense encore à ce qu'il vient de lui révéler Josy - Je suis désolée...

Josy - Elle était avec une autre femme. OCTAVE (extrêmement soulagé) - Vous me voyez ravi, ravi, ravi.

OCTAVE - Qui ça? (Il comprend.) Ah!... C'est sa sœur. JOSY - Sérieux? Tant mieux parce que j'ai perdu les clés de chez

moi. Josy - Elles ne se ressemblent pas. Faut toujours voir le côté positif... À partir de maintenant, vous allez avoir davantage de soirées

OCTAVE - Dur. Et vous n'avez pas de double? de libres. Si ça vous intéresse, je peux vous donner l'adresse d'un Josy - Chez ma mère mais... elle est dans le Sud en ce moment. cours de yoga très sérieux. Sinon, comment on fait' parce que j'ai

Un serrurier à cette heure-ci, ça va me coûter bonbon. une grande envie de m'étendre.

OCTAVE - Vous n'avez pas d'amis qui pourraient vous dépanner? OCTAVE - C'est-à-dire, comme vous pouvez le constater, je n'ai

Josy - J'ai soif. pas de canapé.

OCTAVE - Ah! Josy - Je préfère dormir dans un lit, moi aussi.

Josy - Vous n'auriez pas un peu d'eau par hasard? OCTAVE - Je connais un hôtel pas loin d'ici, je peux payer la

chambre, si c'est ce qui vous tracasse. OCTAVE - Entrez.

Josy - Ne me traitez pas comme une grue, s'il vous plaît. (Il est Josy - Merci. (Elle entre.) C'est gentil chez vous. mal à l'aise.) Je peux me brosser les dents?

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Page 50: Octave et les valeureuses

OCTAVE - La salle de bains est... (Il se reprend.) Non ! ... La JOSY - Je vous dis ça parce que j'ai remarqué que votre ex-copine salle de bains... ne s'ouvre plus. Je ne sais pas ce qui s'est passé' était du genre assez classique. j'ai refermé trop fort sans doute' et hop, coincé...

OCTAVE - J'ai des goûts très éclectiques. Josy - La violence avec laquelle vous avez refermé a certaine- Josy - Je me sens une autre femme ce soir. Donc' ça c'est le lit.

ment dû actionner la targette. Elle s'allonge vivement.

OCTAVE - Certainement. (On entend un bruit qui provient de la salle de bains.) Et depuis ça n'arrête pas' des chutes d'objets, des OCTAVE - Ben oui.

bruits insolites' c'est très curieux' un peu effrayant même. (Plus Josy - Vous dormez de quel côté? fort, en direction de la salle de bains.) Mais je ne désespère pas que

OCTAVE - Je préfère à droite si ça ne te dérange pas. cela cesse.

Josy - C'est pas grave' je vais utiliser l'évier de la cuisine. Elle sourit, il vient de la tutoyer.

Josy - Tout me va. OCTAVE - Ben oui ! C'est la seule chose qui reste à faire. (Josy

sort une brosse à dents et du dentifrice de son sac et commence à Elle glisse sur le côté gauche.

se brosser les dents.) Josy, je sais que vous vous trouvez dans une OCTAVE - Seulement pour cette nuit' on est bien d'accord? J'éteins situation délicate... C'est pas facile quand on ne sait pas où dormir... la lumière et on s'endort très vite. Et ce ne serait pas fair-play de ma part de ne pas vous aider... (Josy commence à se déshabiller.) Mais... moi aussi j'ai mes problèmes, je

J. Pa - Cool ! (Octave éteint et se réfugie côté droit) Je me sens

viens de vivre, comme vous ne l'ignorez pas... un moment difficile... bien. Pas toi?

OCTAVE - Dodo. Josy se retrouve en tee-shirt et petite culotte.

Josy - C'est que je n'ai pas sommeil. Josy - Nous n'irons nulle part sans votre consentement.

OCTAVE (sursaute) - Qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que tu fais? OCTAVE - C'est pas une bonne idée.

Josy - Tu as la cuisse chaude. Josy - Je n'ai que vous' Octave. Vous ne voudriez pas me livrer

aux intentions perverses et sordides des hommes en manque qui OCTAVE - Ce n'est pas bien, on pourrait nous voir.

errent la nuit dans notre cité? S'il m'arrivait quelque chose, vous ne Josy (rit) - Pourquoi? Tu es sous télésurveillance? Tu es tout vous le pardonneriez jamais. Vous n'avez rien contre les piercings brûlant.

au nombril ? OCTAVE - J'ai peut-être de la fièvre.

OCTAVE - Non' pourquoi ? Josy - J'espère bien !

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Page 51: Octave et les valeureuses

OCTAVE - La salle de bains est... (Il se reprend.) Non ! ... La JOSY - Je vous dis ça parce que j'ai remarqué que votre ex-copine salle de bains... ne s'ouvre plus. Je ne sais pas ce qui s'est passé' était du genre assez classique. j'ai refermé trop fort sans doute' et hop, coincé...

OCTAVE - J'ai des goûts très éclectiques. Josy - La violence avec laquelle vous avez refermé a certaine- Josy - Je me sens une autre femme ce soir. Donc' ça c'est le lit.

ment dû actionner la targette. Elle s'allonge vivement.

OCTAVE - Certainement. (On entend un bruit qui provient de la salle de bains.) Et depuis ça n'arrête pas' des chutes d'objets, des OCTAVE - Ben oui.

bruits insolites' c'est très curieux' un peu effrayant même. (Plus Josy - Vous dormez de quel côté? fort, en direction de la salle de bains.) Mais je ne désespère pas que

OCTAVE - Je préfère à droite si ça ne te dérange pas. cela cesse.

Josy - C'est pas grave' je vais utiliser l'évier de la cuisine. Elle sourit, il vient de la tutoyer.

Josy - Tout me va. OCTAVE - Ben oui ! C'est la seule chose qui reste à faire. (Josy

sort une brosse à dents et du dentifrice de son sac et commence à Elle glisse sur le côté gauche.

se brosser les dents.) Josy, je sais que vous vous trouvez dans une OCTAVE - Seulement pour cette nuit' on est bien d'accord? J'éteins situation délicate... C'est pas facile quand on ne sait pas où dormir... la lumière et on s'endort très vite. Et ce ne serait pas fair-play de ma part de ne pas vous aider... (Josy commence à se déshabiller.) Mais... moi aussi j'ai mes problèmes, je

J. Pa - Cool ! (Octave éteint et se réfugie côté droit) Je me sens

viens de vivre, comme vous ne l'ignorez pas... un moment difficile... bien. Pas toi?

OCTAVE - Dodo. Josy se retrouve en tee-shirt et petite culotte.

Josy - C'est que je n'ai pas sommeil. Josy - Nous n'irons nulle part sans votre consentement.

OCTAVE (sursaute) - Qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que tu fais? OCTAVE - C'est pas une bonne idée.

Josy - Tu as la cuisse chaude. Josy - Je n'ai que vous' Octave. Vous ne voudriez pas me livrer

aux intentions perverses et sordides des hommes en manque qui OCTAVE - Ce n'est pas bien, on pourrait nous voir.

errent la nuit dans notre cité? S'il m'arrivait quelque chose, vous ne Josy (rit) - Pourquoi? Tu es sous télésurveillance? Tu es tout vous le pardonneriez jamais. Vous n'avez rien contre les piercings brûlant.

au nombril ? OCTAVE - J'ai peut-être de la fièvre.

OCTAVE - Non' pourquoi ? Josy - J'espère bien !

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Page 52: Octave et les valeureuses

OCTAVE - Tu es sûre ? SCÈNE 9 Josy - Avec toi j'ai envie' pourquoi tergiverser? OCTAVE/LA MÈRE

OCTAVE - Et si on mettait un peu de musique ?

Josy - Tu veux bien ! ... Oh ! c'est chouette' j'osais pas te le LA MÈRE - Déjà debout? Tu es bien matinal, ça ne te ressemble demander! (Elle se lève d'un bond, récupère son CD dans son sac pas. et l'insère dans le lecteur) J'ai toujours un CD avec moi. De la musique méditative transcendantale. Ça promet d'être profond. (Elle OCTAVE - Qu'est-ce que tu fais là?

se colle à lui.) Ça te plaît? LA MÈRE - C'est un reproche?

OCTAVE - C'est pas banal. OCTAVE - Mais pas du tout.

JOSY - Depuis le début c'est pas banal, sinon à quoi ça servirait? LA MÈRE - J'ai bien senti au téléphone que ça te posait problème

Ils font l'amour. Joëlle choisit cet instant pour tenter l'éva- que j'annule notre déjeuner hebdomadaire. Je ne veux rien avoir à

Sion. Elle traverse à pas feutrés la pièce. Au moment où elle me reprocher. Alors je t'ai apporté ta soupe. Je ne pensais pas que

arrive près de la porte d'entrée, on entend des clés qui tour- tu serais réveillé, j'avais l'intention de te la déposer dans le frigo.

nent dans la serrure. Joëlle s'immobilise. J'ai mon car dans deux heures. Ou tu peux la manger maintenant si tu veux, ça te fera ton petit déjeuner. T'es pas content? T'as pas

JOSY (extase ou souffrance) - Ah! l'air content.

OCTAVE (extase ou souffrance) - Maman! OCTAVE - Je suis juste un peu surpris... Laisse-moi reprendre

Josy - Quoi? Qu'est-ce que tu dis? mes esprits.

OCTAVE - C'est ma mère qui est en train d'entrer chez moi. LA MÈRE - Tu aimais pourtant ça les soupes quand tu étais petit' non ?

Joëlle retourne rapidement s'enfermer dans la salle de bains. Octave enfile son boxer, puis se lève. OCTAVE - Pas vraiment' mais maintenant que je suis grand' je

supporte. T'étais pas obligée tu sais. Je suis ravi que tu partes avec OCTAVE (à Josy) - Cache-toi sous les draps, ne bouge pas' ne te des copines.

montre pas' n'interviens surtout pas ! LA MÈRE - Des copines ! Tu m'as bien regardée? Je vais à Lourdes.

Josy s'exécute. Il est deux heures du matin, la Mère pénètre Un aller-retour dans la journée. Toute seule. Enfin' avec un groupe' dans le studio. mais toute seule quand même.

OCTAVE - C'est une bonne idée.

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Page 53: Octave et les valeureuses

OCTAVE - Tu es sûre ? SCÈNE 9 Josy - Avec toi j'ai envie' pourquoi tergiverser? OCTAVE/LA MÈRE

OCTAVE - Et si on mettait un peu de musique ?

Josy - Tu veux bien ! ... Oh ! c'est chouette' j'osais pas te le LA MÈRE - Déjà debout? Tu es bien matinal, ça ne te ressemble demander! (Elle se lève d'un bond, récupère son CD dans son sac pas. et l'insère dans le lecteur) J'ai toujours un CD avec moi. De la musique méditative transcendantale. Ça promet d'être profond. (Elle OCTAVE - Qu'est-ce que tu fais là?

se colle à lui.) Ça te plaît? LA MÈRE - C'est un reproche?

OCTAVE - C'est pas banal. OCTAVE - Mais pas du tout.

JOSY - Depuis le début c'est pas banal, sinon à quoi ça servirait? LA MÈRE - J'ai bien senti au téléphone que ça te posait problème

Ils font l'amour. Joëlle choisit cet instant pour tenter l'éva- que j'annule notre déjeuner hebdomadaire. Je ne veux rien avoir à

Sion. Elle traverse à pas feutrés la pièce. Au moment où elle me reprocher. Alors je t'ai apporté ta soupe. Je ne pensais pas que

arrive près de la porte d'entrée, on entend des clés qui tour- tu serais réveillé, j'avais l'intention de te la déposer dans le frigo.

nent dans la serrure. Joëlle s'immobilise. J'ai mon car dans deux heures. Ou tu peux la manger maintenant si tu veux, ça te fera ton petit déjeuner. T'es pas content? T'as pas

JOSY (extase ou souffrance) - Ah! l'air content.

OCTAVE (extase ou souffrance) - Maman! OCTAVE - Je suis juste un peu surpris... Laisse-moi reprendre

Josy - Quoi? Qu'est-ce que tu dis? mes esprits.

OCTAVE - C'est ma mère qui est en train d'entrer chez moi. LA MÈRE - Tu aimais pourtant ça les soupes quand tu étais petit' non ?

Joëlle retourne rapidement s'enfermer dans la salle de bains. Octave enfile son boxer, puis se lève. OCTAVE - Pas vraiment' mais maintenant que je suis grand' je

supporte. T'étais pas obligée tu sais. Je suis ravi que tu partes avec OCTAVE (à Josy) - Cache-toi sous les draps, ne bouge pas' ne te des copines.

montre pas' n'interviens surtout pas ! LA MÈRE - Des copines ! Tu m'as bien regardée? Je vais à Lourdes.

Josy s'exécute. Il est deux heures du matin, la Mère pénètre Un aller-retour dans la journée. Toute seule. Enfin' avec un groupe' dans le studio. mais toute seule quand même.

OCTAVE - C'est une bonne idée.

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Page 54: Octave et les valeureuses

LA MÈRE - Qu'est-ce que tu veux' c'est comme ça' moi aussi LA MÈRE - Pour information. Qu'est-ce que tu me racontes' ça j'aurais préféré que tu sois encore en train de dormir. T'as des va l'école? insomnies' tu as des soucis? (Elle sort un bol de son sac.) Elle est encore chaude si tu en veux. OCTAVE - Ça va. J'ai les tout-petits cette année' ils sont très

attachants. OCTAVE - Non' ça va.

LA MÈRE - Ça ne te manque pas? Elle verse la soupe dans le bol et le pose sur la table.

OCTAVE - Quoi donc? LA MÈRE - Assieds-toi, tu m'en diras des nouvelles. (Elle le fait

manger à la cuillère.) C'est de la bonne. Là, c'est bien. Pas trop salé? LA MÈRE - De ne pas en avoir à toi.

OCTAVE - C'est parfait. OCTAVE - Pas vraiment. Ce doit être génétique.

LA MÈRE - Tant mieux. Je le dirai à Mme Pernet. LA MÈRE - Et qu'est-ce qu'en dit ta... Comment elle s'appelle

OCTAVE - Mme Pernet? déjà cette grande bringue à lunettes?

OCTAVE - Éliane. Je ne sais pas' on n'en a pas encore parlé. LA MÈRE - C'est la voisine. C'est elle qui l'a préparée. Tu sais

bien que je déteste cuisiner. LA MÈRE - Vous êtes encore ensemble? (Tout en parlant, elle se

OCTAVE - Non' je savais pas. Alors quand je viens te voir tous rapproche du lit et constate le tas sous les draps) Tu n'es pas seul!?

les jeudis... OCTAVE - Justement' c'est... C'est elle. Elle dort. Quand elle est

LA MÈRE - C'est le repas de Mme Pernet. Non' parfois c'est le partie' même un train ne pourrait pas la réveiller.

traiteur. À son âge ! Je ne peux tout de même pas la réquisitionner LA MÈRE - T'aurais pu prévenir que t'étais pas seul. toutes les semaines.

OCTAVE - Tu ne m'en as pas laissé le temps. OCTAVE - Tu ne me prépares jamais rien, alors? Et comment tu

fais le reste du temps? LA MÈRE - Le temps de quoi? « Maman' je ne suis pas seul »'

ça peut se caser n'importe où' non? Il va falloir parler plus bas LA MÈRE - Je me fais livrer. maintenant. T'es sûr qu'elle ne fait pas semblant de dormir?

OCTAVE - Ça doit te revenir cher? OCTAVE - Qu'est-ce que tu vas t'imaginer! Quand bien même'

LA MÈRE - Je te signale que j'ai travaillé toute ma vie' et avec la on n'est pas en train de dire des horreurs sur son compte.

pension de ton père' je peux assurer. T'auras même pas à débourser LA MÈRE (dubitative) - T'es encore avec elle. Et tu comptes pour mon enterrement' si c'est ce qui t'inquiète' j'ai tout prévu. l'épouser?

OCTAVE - Mais pourquoi tu dis ça? OCTAVE - Tu ne m'en crois pas capable?

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LA MÈRE - Qu'est-ce que tu veux' c'est comme ça' moi aussi LA MÈRE - Pour information. Qu'est-ce que tu me racontes' ça j'aurais préféré que tu sois encore en train de dormir. T'as des va l'école? insomnies' tu as des soucis? (Elle sort un bol de son sac.) Elle est encore chaude si tu en veux. OCTAVE - Ça va. J'ai les tout-petits cette année' ils sont très

attachants. OCTAVE - Non' ça va.

LA MÈRE - Ça ne te manque pas? Elle verse la soupe dans le bol et le pose sur la table.

OCTAVE - Quoi donc? LA MÈRE - Assieds-toi, tu m'en diras des nouvelles. (Elle le fait

manger à la cuillère.) C'est de la bonne. Là, c'est bien. Pas trop salé? LA MÈRE - De ne pas en avoir à toi.

OCTAVE - C'est parfait. OCTAVE - Pas vraiment. Ce doit être génétique.

LA MÈRE - Tant mieux. Je le dirai à Mme Pernet. LA MÈRE - Et qu'est-ce qu'en dit ta... Comment elle s'appelle

OCTAVE - Mme Pernet? déjà cette grande bringue à lunettes?

OCTAVE - Éliane. Je ne sais pas' on n'en a pas encore parlé. LA MÈRE - C'est la voisine. C'est elle qui l'a préparée. Tu sais

bien que je déteste cuisiner. LA MÈRE - Vous êtes encore ensemble? (Tout en parlant, elle se

OCTAVE - Non' je savais pas. Alors quand je viens te voir tous rapproche du lit et constate le tas sous les draps) Tu n'es pas seul!?

les jeudis... OCTAVE - Justement' c'est... C'est elle. Elle dort. Quand elle est

LA MÈRE - C'est le repas de Mme Pernet. Non' parfois c'est le partie' même un train ne pourrait pas la réveiller.

traiteur. À son âge ! Je ne peux tout de même pas la réquisitionner LA MÈRE - T'aurais pu prévenir que t'étais pas seul. toutes les semaines.

OCTAVE - Tu ne m'en as pas laissé le temps. OCTAVE - Tu ne me prépares jamais rien, alors? Et comment tu

fais le reste du temps? LA MÈRE - Le temps de quoi? « Maman' je ne suis pas seul »'

ça peut se caser n'importe où' non? Il va falloir parler plus bas LA MÈRE - Je me fais livrer. maintenant. T'es sûr qu'elle ne fait pas semblant de dormir?

OCTAVE - Ça doit te revenir cher? OCTAVE - Qu'est-ce que tu vas t'imaginer! Quand bien même'

LA MÈRE - Je te signale que j'ai travaillé toute ma vie' et avec la on n'est pas en train de dire des horreurs sur son compte.

pension de ton père' je peux assurer. T'auras même pas à débourser LA MÈRE (dubitative) - T'es encore avec elle. Et tu comptes pour mon enterrement' si c'est ce qui t'inquiète' j'ai tout prévu. l'épouser?

OCTAVE - Mais pourquoi tu dis ça? OCTAVE - Tu ne m'en crois pas capable?

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Page 56: Octave et les valeureuses

LA MÈRE - C'est pas une réponse qui respire l'engagement. LA MÈRE - Et alors? De toute façon t'étais là' j'étais bien forcée J'espère pour toi qu'elle dort. Et que font ses parents? de te garder. J'en voulais pas d'autres, c'est ce que ça voulait dire.

OCTAVE - Son père est professeur d'université et sa mère direc- OCTAVE - T'en voulais pas du tout. trice de collège. Mais je te l'ai déjà dit. LA MÈRE - T'étais au bord de l'asphyxie' ils ont dû te secouer

LA MÈRE - C'est sûr que c'est mieux que ton père et moi. par les pieds pour te faire pousser ton premier cri' je me souviens,

OCTAVE - Je ne vois pas le rapport. je me suis dit : si en plus il y passe, j'aurais souffert pour rien.

LA MÈRE - T'as toujours eu honte de nous. OCTAVE - Ça t'aurait évité de chercher à m'éliminer par la suite.

OCTAVE - Non' mais tu plaisantes là? LA MÈRE - Qu'est-ce que tu racontes?

OCTAVE - J'avais à peine un an' on m'a retrouvé sur le rebord de LA MÈRE - Ton père, tu l'as jamais supporté et moi... la fenêtre du septième étage de notre immeuble. Y avait que toi

OCTAVE - Mais c'est toi... dans l'appartement' tu ne vas pas me dire que j'y suis allé tout seul. Heureusement que tante Cécile a eu la bonne idée de te rendre visite

LA MÈRE - Quoi ! C'est moi... ? ce jour-là. Quand tu as entendu frapper à la porte' tu as dû avoir un

OCTAVE - Laisse tomber ! C'est pas le moment. lourd moment d'hésitation. Tu avais peut-être l'espoir que le temps que tu ailles ouvrir' je finirais par sauter.

LA MÈRE - Pourquoi? T'as peur qu'elle se réveille, tout à coup' LA MÈRE - C'est ma dépressive de sœur qui t'a raconté ces

ça te préoccupe d'imaginer qu'elle puisse entendre les saloperies inepties?

que tu as sur la conscience?

OCTAVE - C'est toi qui ne m'as jamais supporté. Dès le premier À OCTAVE - Mais je me contentais de regarder les oiseaux voler.

ton grand désespoir. jour, tu m'as rejeté.

LA MÈRE - Mon pauvre Octave' tu en es encore à ressasser des LA MÈRE - Ça recommence ! Tu fais encore ta crise d'adoles- histoires que tu n'as même pas vécues. Toi qui n'as aucune mémoire'

cence? À ton âge, c'est un peu ridicule' tu ne penses pas? (Un comment pourrais-tu te souvenir de ce qui s'est passé quand tu temps.) C'est parce que tu refusais de sortir. Déjà tu voulais me n'étais même pas en âge de prononcer « caca » correctement? Ça prouver que tu étais le plus fort. J'avais beau pousser à m'éclater le m'aurait évité de te changer deux fois par jour. machin, tu résistais. J'ai passé vingt-quatre heures de souffrances OCTAVE - Grâce à toi' on peut dire que j'ai été propre très rapi- sur les étriers' j'ai cru que j'y passais' alors forcément' quand tu as dement. Dès l'âge de neuf mois, tu m'obligeais à faire dans le pot. enfin daigné t'éjecter, j'ai... Je t'en ai voulu.

LA MÈRE - Plains-toi. Au moins t'as pu aller à l'école avant tout OCTAVE - Tu as dit : plus jamais ! le monde.

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LA MÈRE - C'est pas une réponse qui respire l'engagement. LA MÈRE - Et alors? De toute façon t'étais là' j'étais bien forcée J'espère pour toi qu'elle dort. Et que font ses parents? de te garder. J'en voulais pas d'autres, c'est ce que ça voulait dire.

OCTAVE - Son père est professeur d'université et sa mère direc- OCTAVE - T'en voulais pas du tout. trice de collège. Mais je te l'ai déjà dit. LA MÈRE - T'étais au bord de l'asphyxie' ils ont dû te secouer

LA MÈRE - C'est sûr que c'est mieux que ton père et moi. par les pieds pour te faire pousser ton premier cri' je me souviens,

OCTAVE - Je ne vois pas le rapport. je me suis dit : si en plus il y passe, j'aurais souffert pour rien.

LA MÈRE - T'as toujours eu honte de nous. OCTAVE - Ça t'aurait évité de chercher à m'éliminer par la suite.

OCTAVE - Non' mais tu plaisantes là? LA MÈRE - Qu'est-ce que tu racontes?

OCTAVE - J'avais à peine un an' on m'a retrouvé sur le rebord de LA MÈRE - Ton père, tu l'as jamais supporté et moi... la fenêtre du septième étage de notre immeuble. Y avait que toi

OCTAVE - Mais c'est toi... dans l'appartement' tu ne vas pas me dire que j'y suis allé tout seul. Heureusement que tante Cécile a eu la bonne idée de te rendre visite

LA MÈRE - Quoi ! C'est moi... ? ce jour-là. Quand tu as entendu frapper à la porte' tu as dû avoir un

OCTAVE - Laisse tomber ! C'est pas le moment. lourd moment d'hésitation. Tu avais peut-être l'espoir que le temps que tu ailles ouvrir' je finirais par sauter.

LA MÈRE - Pourquoi? T'as peur qu'elle se réveille, tout à coup' LA MÈRE - C'est ma dépressive de sœur qui t'a raconté ces

ça te préoccupe d'imaginer qu'elle puisse entendre les saloperies inepties?

que tu as sur la conscience?

OCTAVE - C'est toi qui ne m'as jamais supporté. Dès le premier À OCTAVE - Mais je me contentais de regarder les oiseaux voler.

ton grand désespoir. jour, tu m'as rejeté.

LA MÈRE - Mon pauvre Octave' tu en es encore à ressasser des LA MÈRE - Ça recommence ! Tu fais encore ta crise d'adoles- histoires que tu n'as même pas vécues. Toi qui n'as aucune mémoire'

cence? À ton âge, c'est un peu ridicule' tu ne penses pas? (Un comment pourrais-tu te souvenir de ce qui s'est passé quand tu temps.) C'est parce que tu refusais de sortir. Déjà tu voulais me n'étais même pas en âge de prononcer « caca » correctement? Ça prouver que tu étais le plus fort. J'avais beau pousser à m'éclater le m'aurait évité de te changer deux fois par jour. machin, tu résistais. J'ai passé vingt-quatre heures de souffrances OCTAVE - Grâce à toi' on peut dire que j'ai été propre très rapi- sur les étriers' j'ai cru que j'y passais' alors forcément' quand tu as dement. Dès l'âge de neuf mois, tu m'obligeais à faire dans le pot. enfin daigné t'éjecter, j'ai... Je t'en ai voulu.

LA MÈRE - Plains-toi. Au moins t'as pu aller à l'école avant tout OCTAVE - Tu as dit : plus jamais ! le monde.

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Page 58: Octave et les valeureuses

OCTAVE - Et j'y suis encore. C'était pas toi qui allais faire la loi. Et c'est ça qui t'a gêné : de voir

LA MÈRE - Preuve que ça t'a plu. Mais si tu penses autant de tes parents heureux' s'aimer comme des fous et de ne pas avoir

saletés à mon sujet' pourquoi tu continues à me voir? (Elle observe prise sur cet amour.

avec mépris le tas censé représenter Éliane) T'as vraiment l'inten- OCTAVE - Je ne me doutais pas que tu me détestais à ce point-là. tion de l'épouser?

LA MÈRE - De toute façon ton père est mort. Tu veux du clafoutis ? OCTAVE - Pourquoi? Elle ne te plaît pas? Dis-le-moi, j'ai encore

le temps de la remplacer. OCTAVE - Toujours Mme Pernet?

LA MÈRE - Tu vas la faire souffrir. LA MÈRE - Non' cette fois, c'est le traiteur.

OCTAVE - Tu me verrais avec quel genre de fille? Je serais curieux OCTAVE - Merci, j'ai plus trop faim là.

de le savoir. LA MÈRE - Qu'est-ce que j'en fais maintenant? J'ai horreur de ça!

LA MÈRE - Avec personne. OCTAVE - T'as qu'à le donner à ta voisine' elle ne va pas en reve-

OCTAVE (blessé) - Qu'est-ce que tu connais de l'amour? nir de recevoir quelque chose de toi.

LA MÈRE - Quoi? Répète un peu pour voir? Avec ton père' j'ai LA MÈRE - C'est préférable que je m'en aille. Si tu sors' couvre-

vécu ce que tu ne seras même pas capable d'éprouver, de ressentir toi, le vent se lève.

une seule fois dans ton existence. Depuis le premier jour et jusqu'à OCTAVE - On peut éviter de se voir pendant quelque temps si tu

sa mort, on était comme ça' liés, unis' le partage, la communion, tu préfères. sais ce que ça veut dire ?

LA MÈRE - Je préfère rien du tout. (Elle ouvre la porte et tombe OCTAVE - Ne t'énerve pas ! nez à nez avec un homme. Elle pousse un cri.) Ah !

LA MÈRE - Tant mieux si elle entend' ça la fera réfléchir. Comme OCTAVE - Ça ne va pas ?

on s'aimait! On ne s'est pas lâchés d'une semelle. La seule fois où LA MÈRE - Y a un homme devant ta porte.

il a dû partir sans moi, c'était pour l'enterrement de son père' parce

que j'avais trouvé personne pour te garder. On s'appelait toutes les C'est le Père d Éliane. Il entre, la Mère se retrouve de nou-

demi-heures, tellement on pouvait pas assurer l'un sans l'autre. veau dans le studio. Oui' je t'en ai voulu, je t'en ai voulu d'être là parce qu'à cause de toi' on n'a pas pu en profiter comme on aurait dû. Quand tu étais petit' et ça a duré longtemps, tu pleurais toutes les nuits, déjà tu étais jaloux, tu voulais nous séparer. Heureusement on n'a pas cédé.

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OCTAVE - Et j'y suis encore. C'était pas toi qui allais faire la loi. Et c'est ça qui t'a gêné : de voir

LA MÈRE - Preuve que ça t'a plu. Mais si tu penses autant de tes parents heureux' s'aimer comme des fous et de ne pas avoir

saletés à mon sujet' pourquoi tu continues à me voir? (Elle observe prise sur cet amour.

avec mépris le tas censé représenter Éliane) T'as vraiment l'inten- OCTAVE - Je ne me doutais pas que tu me détestais à ce point-là. tion de l'épouser?

LA MÈRE - De toute façon ton père est mort. Tu veux du clafoutis ? OCTAVE - Pourquoi? Elle ne te plaît pas? Dis-le-moi, j'ai encore

le temps de la remplacer. OCTAVE - Toujours Mme Pernet?

LA MÈRE - Tu vas la faire souffrir. LA MÈRE - Non' cette fois, c'est le traiteur.

OCTAVE - Tu me verrais avec quel genre de fille? Je serais curieux OCTAVE - Merci, j'ai plus trop faim là.

de le savoir. LA MÈRE - Qu'est-ce que j'en fais maintenant? J'ai horreur de ça!

LA MÈRE - Avec personne. OCTAVE - T'as qu'à le donner à ta voisine' elle ne va pas en reve-

OCTAVE (blessé) - Qu'est-ce que tu connais de l'amour? nir de recevoir quelque chose de toi.

LA MÈRE - Quoi? Répète un peu pour voir? Avec ton père' j'ai LA MÈRE - C'est préférable que je m'en aille. Si tu sors' couvre-

vécu ce que tu ne seras même pas capable d'éprouver, de ressentir toi, le vent se lève.

une seule fois dans ton existence. Depuis le premier jour et jusqu'à OCTAVE - On peut éviter de se voir pendant quelque temps si tu

sa mort, on était comme ça' liés, unis' le partage, la communion, tu préfères. sais ce que ça veut dire ?

LA MÈRE - Je préfère rien du tout. (Elle ouvre la porte et tombe OCTAVE - Ne t'énerve pas ! nez à nez avec un homme. Elle pousse un cri.) Ah !

LA MÈRE - Tant mieux si elle entend' ça la fera réfléchir. Comme OCTAVE - Ça ne va pas ?

on s'aimait! On ne s'est pas lâchés d'une semelle. La seule fois où LA MÈRE - Y a un homme devant ta porte.

il a dû partir sans moi, c'était pour l'enterrement de son père' parce

que j'avais trouvé personne pour te garder. On s'appelait toutes les C'est le Père d Éliane. Il entre, la Mère se retrouve de nou-

demi-heures, tellement on pouvait pas assurer l'un sans l'autre. veau dans le studio. Oui' je t'en ai voulu, je t'en ai voulu d'être là parce qu'à cause de toi' on n'a pas pu en profiter comme on aurait dû. Quand tu étais petit' et ça a duré longtemps, tu pleurais toutes les nuits, déjà tu étais jaloux, tu voulais nous séparer. Heureusement on n'a pas cédé.

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SCÈNE 10 LA MÈRE - Quoi? C'est bizarre quand même! T'es sûr qu'elle OCTAVE/LA MÈRE/LE PÈRE D'ÉLIANE est vivante?

OCTAVE (bas, le début de la réplique) - Maman' tais-toi' je

LE PÈRE - Je m'en doutais, je savais que vous versiez dans la t'expliquerai. Rentrez chez vous, monsieur Deville' vous avez

débauche. Si c'est pas malheureux ! Mais qu'est-ce que vous leur suffisamment causé de dégâts pour aujourd'hui.

faites pour qu'elles s'accrochent à vous comme un bébé à son pied? LE PÈRE - Mais c'est vous' monstre d'imbécile' qui avez semé

LA MÈRE - Mon chéri' tu connais cet homme? la confusion dans notre famille ! Et maintenant mon Éliane... ma petite... (Il est très ému.) Elle...

LE PÈRE - Vous n'êtes pas très regardant sur la date de fabrica- OCTAVE - Quoi? tion' vous vous feriez payer que ça ne m'étonnerait pas...

LA MÈRE - Qui êtes-vous monsieur? LA MÈRE - Elle dort.

LE PÈRE - Apprenez que je suis le père de la fille que votre gigolo LE PÈRE - Non. (Il marmonne, on ne comprend pas ce qu 'il dit.)

a promis d'épouser. LA MÈRE - Qu'est-ce qu'il dit?

LA MÈRE - Chéri, tu peux traduire? OCTAVE - Comprends pas.

LE PÈRE - En d'autres termes' vous êtes cocufiée. À moins que LE PÈRE - Elle menace de se tuer. Voilà, vous êtes content? C'est vous ne soyez dans la confidence' auquel cas j'espère qu'il vous en de votre faute. Alors vous allez l'appeler et la raisonner, ensuite donne pour votre argent. vous allez lui promettre de l'épouser et vous allez l'épouser' vous

LA MÈRE (le gifle) - Mufle ! Octave' qui est cet homme ? avez compris, ou je ne réponds plus de rien ! Ça me coûte, ça me

OCTAVE - Le père d'Éliane. coûte tellement de vous demander ça, si vous saviez, mais j'ai pas le choix : Hélène m'attend en bas de votre immeuble.

LA MÈRE - C'est ça le père de ton Éliane!? Professeur à l'uni- OCTAVE - Qu'est-ce qu'elle a dit exactement? versité? T'es allé vérifier? Si ça se trouve' il est seulement vigile à l'entrée. Non' mais pour qui vous prenez-vous? Mon fils n'a aucune LE PÈRE - Elle a dit : « Si tu ne vas pas le voir' je te quitte et je

leçon à recevoir d'un énergumène de votre espèce, goujat, je suis sa prends tout ce qui me revient. » (Catastrophé) Ce qui signifie : tout !

mère' et je n'ai jamais aimé qu'un seul homme : mon mari. Pervers ! OCTAVE - Je parle de votre fille' pas de votre femme. Ça ne m'étonne pas qu'avec un père comme vous' votre fille ait un sommeil si profond. LE PÈRE - Elle est enfermée dans sa chambre depuis qu'on est

OCTAVE - Maman ! rentrés. Elle ne veut ouvrir à personne' pas même à sa sœur. Elle ne cesse de répéter que désormais plus rien n'a de sens.

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SCÈNE 10 LA MÈRE - Quoi? C'est bizarre quand même! T'es sûr qu'elle OCTAVE/LA MÈRE/LE PÈRE D'ÉLIANE est vivante?

OCTAVE (bas, le début de la réplique) - Maman' tais-toi' je

LE PÈRE - Je m'en doutais, je savais que vous versiez dans la t'expliquerai. Rentrez chez vous, monsieur Deville' vous avez

débauche. Si c'est pas malheureux ! Mais qu'est-ce que vous leur suffisamment causé de dégâts pour aujourd'hui.

faites pour qu'elles s'accrochent à vous comme un bébé à son pied? LE PÈRE - Mais c'est vous' monstre d'imbécile' qui avez semé

LA MÈRE - Mon chéri' tu connais cet homme? la confusion dans notre famille ! Et maintenant mon Éliane... ma petite... (Il est très ému.) Elle...

LE PÈRE - Vous n'êtes pas très regardant sur la date de fabrica- OCTAVE - Quoi? tion' vous vous feriez payer que ça ne m'étonnerait pas...

LA MÈRE - Qui êtes-vous monsieur? LA MÈRE - Elle dort.

LE PÈRE - Apprenez que je suis le père de la fille que votre gigolo LE PÈRE - Non. (Il marmonne, on ne comprend pas ce qu 'il dit.)

a promis d'épouser. LA MÈRE - Qu'est-ce qu'il dit?

LA MÈRE - Chéri, tu peux traduire? OCTAVE - Comprends pas.

LE PÈRE - En d'autres termes' vous êtes cocufiée. À moins que LE PÈRE - Elle menace de se tuer. Voilà, vous êtes content? C'est vous ne soyez dans la confidence' auquel cas j'espère qu'il vous en de votre faute. Alors vous allez l'appeler et la raisonner, ensuite donne pour votre argent. vous allez lui promettre de l'épouser et vous allez l'épouser' vous

LA MÈRE (le gifle) - Mufle ! Octave' qui est cet homme ? avez compris, ou je ne réponds plus de rien ! Ça me coûte, ça me

OCTAVE - Le père d'Éliane. coûte tellement de vous demander ça, si vous saviez, mais j'ai pas le choix : Hélène m'attend en bas de votre immeuble.

LA MÈRE - C'est ça le père de ton Éliane!? Professeur à l'uni- OCTAVE - Qu'est-ce qu'elle a dit exactement? versité? T'es allé vérifier? Si ça se trouve' il est seulement vigile à l'entrée. Non' mais pour qui vous prenez-vous? Mon fils n'a aucune LE PÈRE - Elle a dit : « Si tu ne vas pas le voir' je te quitte et je

leçon à recevoir d'un énergumène de votre espèce, goujat, je suis sa prends tout ce qui me revient. » (Catastrophé) Ce qui signifie : tout !

mère' et je n'ai jamais aimé qu'un seul homme : mon mari. Pervers ! OCTAVE - Je parle de votre fille' pas de votre femme. Ça ne m'étonne pas qu'avec un père comme vous' votre fille ait un sommeil si profond. LE PÈRE - Elle est enfermée dans sa chambre depuis qu'on est

OCTAVE - Maman ! rentrés. Elle ne veut ouvrir à personne' pas même à sa sœur. Elle ne cesse de répéter que désormais plus rien n'a de sens.

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Page 62: Octave et les valeureuses

LA MÈRE - Elle n'a pas tort. SCÈNE 11 OCTAVE - Ça ne veut pas forcément dire qu'elle veut en finir. OCTAVE/LA MÈRE

LE PÈRE - C'est ma fille, je la connais par cœur. Jamais elle n'est tombée si bas dans la désespérance. S'il lui arrivait malheur' LA MÈRE - Qu'est-ce que c'est que cette histoire? (Elle montre je ne me le pardonnerais jamais... Appelez-la' je vous en prie' le tas sur le lit.) C'est qui cette fille? promettez-lui n'importe quoi' mais qu'elle sorte de sa chambre.

OCTAVE - Tu vas rater ton car. OCTAVE - Je vais voir ce que je peux faire.

LA MÈRE (hausse le ton) - J'espère que là où elle est, elle va LA MÈRE - Mon pauvre Octave. Je prierai pour toi. Et pour toutes

ces pauvres femmes aussi. pouvoir t'entendre.

Elle sort. Il est quatre heures du matin. Josy émerge de sous LE PÈRE - Merci. Vous savez... à propos des allusions que ma les draps.

femme a proférées au sujet de mes relations avec mes étudiantes...

OCTAVE - Ça ne m'intéresse pas.

LE PÈRE - C'est plus fort que moi, je ne peux pas m'en empêcher. SCÈNE 12 OCTAVE - Pourquoi vous me dites ça? OCTAVE/JOSY

LE PÈRE - Pour vous mettre à l'aise. (Pour un peu il l'embras-serait.) Vous serez toujours le bienvenu dans notre famille' Octave. Je vous prie d'excuser ma méprise, madame. Josy - C'est bon' y a plus personne?

LA MÈRE - Monsieur... OCTAVE - Josy' je suis désolé.

LE PÈRE (à Octave) - Je compte sur vous. Sauvez mon enfant. Josy - Quelle aventure ! En quelques heures chez toi, j'en ai

plus appris que pendant mes trois années à l'université. T'as du Il sort. travail à faire sur toi-même. Tu en as conscience? Je comprends

pourquoi tu ne te sens jamais prêt. T'étais même pas programmé pour commencer. Elle est coriace ta mère.

OCTAVE - Grâce à elle' j'ai appris que rien ne mérite qu'on s'y attache vraiment.

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LA MÈRE - Elle n'a pas tort. SCÈNE 11 OCTAVE - Ça ne veut pas forcément dire qu'elle veut en finir. OCTAVE/LA MÈRE

LE PÈRE - C'est ma fille, je la connais par cœur. Jamais elle n'est tombée si bas dans la désespérance. S'il lui arrivait malheur' LA MÈRE - Qu'est-ce que c'est que cette histoire? (Elle montre je ne me le pardonnerais jamais... Appelez-la' je vous en prie' le tas sur le lit.) C'est qui cette fille? promettez-lui n'importe quoi' mais qu'elle sorte de sa chambre.

OCTAVE - Tu vas rater ton car. OCTAVE - Je vais voir ce que je peux faire.

LA MÈRE (hausse le ton) - J'espère que là où elle est, elle va LA MÈRE - Mon pauvre Octave. Je prierai pour toi. Et pour toutes

ces pauvres femmes aussi. pouvoir t'entendre.

Elle sort. Il est quatre heures du matin. Josy émerge de sous LE PÈRE - Merci. Vous savez... à propos des allusions que ma les draps.

femme a proférées au sujet de mes relations avec mes étudiantes...

OCTAVE - Ça ne m'intéresse pas.

LE PÈRE - C'est plus fort que moi, je ne peux pas m'en empêcher. SCÈNE 12 OCTAVE - Pourquoi vous me dites ça? OCTAVE/JOSY

LE PÈRE - Pour vous mettre à l'aise. (Pour un peu il l'embras-serait.) Vous serez toujours le bienvenu dans notre famille' Octave. Je vous prie d'excuser ma méprise, madame. Josy - C'est bon' y a plus personne?

LA MÈRE - Monsieur... OCTAVE - Josy' je suis désolé.

LE PÈRE (à Octave) - Je compte sur vous. Sauvez mon enfant. Josy - Quelle aventure ! En quelques heures chez toi, j'en ai

plus appris que pendant mes trois années à l'université. T'as du Il sort. travail à faire sur toi-même. Tu en as conscience? Je comprends

pourquoi tu ne te sens jamais prêt. T'étais même pas programmé pour commencer. Elle est coriace ta mère.

OCTAVE - Grâce à elle' j'ai appris que rien ne mérite qu'on s'y attache vraiment.

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Page 64: Octave et les valeureuses

JOSY - Il faut savoir déposer les armes, pardonner. Il faut avoir JOËLLE - Vous fatiguez pas ! Vous avez de la chance que mon le culot de grandir, tu ne crois pas?... En dehors du lit, je veux dire. mari soit en déplacement, sinon j'aurais pas pu faire autrement que (Elle s'étire, satisfaite.) Je tiens à vous remercier pour la délicatesse de me montrer. Remarquez, si j'étais sortie au bon moment, j'aurais dont vous avez fait preuve à mon égard. pu me joindre à vous. (Elle glousse.)

Joëlle déboule de la salle de bains. Josy - Vous étiez... là... et... ?

JOËLLE - Oui' rien ne m'a échappé. Bon, quand vous avez mis la musique' c'était plus difficile' mais pas besoin de me faire un

SCÈNE 13 dessin. J'ai compris tout de suite : Tiens' ils mettent de la musique, ça ne va pas tarder à s'enflammer. Sauf que c'est pas le genre de

OCTAVE/JOSY/JOËLLE musique qui me ferait grimper, moi.

OCTAVE - Josy... Joëlle' j'aimerais dire un mot à Josy.

JOËLLE - J'aimerais pouvoir en dire autant. (Josy pousse un petit JOËLLE - Pas de problème. cri) Mademoiselle. (À Octave) J'ai un peu foutu le bordel là-dedans' Elle ne bouge pas. j'ai essayé de me faire un matelas avec vos serviettes de bain' c'était pas des plus confortable. (À Josy.) Alors? OCTAVE - C'est du genre confidentiel.

JOSY - Madame... ? Josy - Détends-toi' c'est pas parce que tu m'as dépucelée que je vais m'accrocher à toi comme le croissant à sa lune.

JOËLLE - Veinarde ! (Elle regarde Josy d'un air entendu.) Je prendrais bien un petit café' moi. JOËLLE - Oui ! ! ! Ce qui explique le fameux cri que vous avez

Octave fait les présentations. poussé avant l'arrivée de la mère ! Je me disais aussi : soit M. Octave a un membre au-dessus du supportable' soit ça vire sado-maso.

OCTAVE - Josy... Joëlle. (À Josy.) Quand tu as sonné, j'ai cru JOSY - Eh non' c'était juste la première fois. qu'il s'agissait d'Éliane, Joëlle a gentiment accepté de me venir ' en aide. OCTAVE - J'imaginais que tu avais eu des tas d'expériences.

JOËLLE (rit) - Rassurez-vous, on n'avait encore rien fait. Je suis JOSY - Ça me rassurait de le faire croire.

la nouvelle voisine. JOËLLE (à Octave) - Alors? Vous allez finir par l'appeler votre

OCTAVE - A un moment j'ai cru pouvoir vous libérer' mais tout Éliane?

est allé trop vite. OCTAVE - J'ai bien l'intention de le faire' figurez-vous...

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Page 65: Octave et les valeureuses

JOSY - Il faut savoir déposer les armes, pardonner. Il faut avoir JOËLLE - Vous fatiguez pas ! Vous avez de la chance que mon le culot de grandir, tu ne crois pas?... En dehors du lit, je veux dire. mari soit en déplacement, sinon j'aurais pas pu faire autrement que (Elle s'étire, satisfaite.) Je tiens à vous remercier pour la délicatesse de me montrer. Remarquez, si j'étais sortie au bon moment, j'aurais dont vous avez fait preuve à mon égard. pu me joindre à vous. (Elle glousse.)

Joëlle déboule de la salle de bains. Josy - Vous étiez... là... et... ?

JOËLLE - Oui' rien ne m'a échappé. Bon, quand vous avez mis la musique' c'était plus difficile' mais pas besoin de me faire un

SCÈNE 13 dessin. J'ai compris tout de suite : Tiens' ils mettent de la musique, ça ne va pas tarder à s'enflammer. Sauf que c'est pas le genre de

OCTAVE/JOSY/JOËLLE musique qui me ferait grimper, moi.

OCTAVE - Josy... Joëlle' j'aimerais dire un mot à Josy.

JOËLLE - J'aimerais pouvoir en dire autant. (Josy pousse un petit JOËLLE - Pas de problème. cri) Mademoiselle. (À Octave) J'ai un peu foutu le bordel là-dedans' Elle ne bouge pas. j'ai essayé de me faire un matelas avec vos serviettes de bain' c'était pas des plus confortable. (À Josy.) Alors? OCTAVE - C'est du genre confidentiel.

JOSY - Madame... ? Josy - Détends-toi' c'est pas parce que tu m'as dépucelée que je vais m'accrocher à toi comme le croissant à sa lune.

JOËLLE - Veinarde ! (Elle regarde Josy d'un air entendu.) Je prendrais bien un petit café' moi. JOËLLE - Oui ! ! ! Ce qui explique le fameux cri que vous avez

Octave fait les présentations. poussé avant l'arrivée de la mère ! Je me disais aussi : soit M. Octave a un membre au-dessus du supportable' soit ça vire sado-maso.

OCTAVE - Josy... Joëlle. (À Josy.) Quand tu as sonné, j'ai cru JOSY - Eh non' c'était juste la première fois. qu'il s'agissait d'Éliane, Joëlle a gentiment accepté de me venir ' en aide. OCTAVE - J'imaginais que tu avais eu des tas d'expériences.

JOËLLE (rit) - Rassurez-vous, on n'avait encore rien fait. Je suis JOSY - Ça me rassurait de le faire croire.

la nouvelle voisine. JOËLLE (à Octave) - Alors? Vous allez finir par l'appeler votre

OCTAVE - A un moment j'ai cru pouvoir vous libérer' mais tout Éliane?

est allé trop vite. OCTAVE - J'ai bien l'intention de le faire' figurez-vous...

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JOËLLE - Si c'est à cause de nous, soyez pas gêné, on se prépare JOËLLE - Ça n'empêchera jamais le monde de continuer à tour- un café et on fait comme si vous n'étiez pas là. ner autour de vous. Et ça ne vous empêchera pas non plus de venir

OCTAVE - C'est-à-dire que... me retrouver.

Josy - Tu ne vas pas nous foutre à la porte comme des malpropres ! OCTAVE - Vous avez été très chouettes toutes les deux. Merci. Josy... C'était...

JOËLLE - Après tout ce qu'on a fait pour vous ! Josy - Ça m'a plu moi aussi.

OCTAVE - Très juste. (Elles fouillent dans les placards et se pré- parent un café pendant qu'Octave téléphone à Éliane. Évidemment, OCTAVE - Et... pour tes clés?

elles ne peuvent pas s'empêcher d'écouter.) Allô ! Éliane? Ne rac- JOSY - Oh ! elles doivent être dans mon sac, ne t'en fais pas. croche pas s'il te plaît. Écoute, je ne pensais pas tout ce que je t'ai

OCTAVE - Ah oui ! dit. C'est ton père qui m'a poussé à bout... Tu comprends... Mais non!... Enfin' oui, il est venu, mais j'allais t'appeler quand même. Josy - Je me suis un peu trop emballée... De voir ta famille, d'un coup' ça m'a fait paniquer... J'ai vraiment JOËLLE - Pour dimanche, ça tient toujours? été nul. Éliane, Pardonne-moi... J'avais besoin d'un peu de recul. Maintenant, j'ai l'impression que c'est possible. Je sens que ça va OCTAVE - Joëlle...

être normal avec toi. (Il craque brusquement.) Mais je ne veux pas JOËLLE - Ne dites rien' j'adore les surprises. devenir comme ton père' je ne veux pas qu'on finisse comme tes

Josy - Allez' file, je claquerai la porte en sortant. parents. Promets-moi qu'on ne prendra pas le même chemin. On pourrait faire un essai? Qu'est-ce que tu en dis? Éliane... Éliane? OCTAVE (s'agite) - Vous ne préférez pas que nous sortions tous Oui. Près du kiosque à journaux?... D'accord. Très bien. Je viens' ensemble? je viens tout de suite. Merci, merci. (Il raccroche. Pour la première JOËLLE - J'ai pas fini mon café. fois, il semble apaisé. Il se retourne vers les deux femmes.) Elle veut bien qu'on se voie. JOSY - C'est bête, vous allez me trouver fleur bleue' mais ça me

plaît bien cette idée de rester quelques minutes toute seule ici, après JOËLLE - Qui sait? Elle va peut-être vous faire l'effet d'une que tu auras refermé la porte. Et que Joëlle aura terminé son café.

princesse cette fois-ci. J'ai besoin de me mettre dans cette situation. Comme toutes les

Josy - Tu vas être en retard à l'école. choses que je ne vivrai jamais' j'ai besoin de m'imaginer que ça

OCTAVE - Je crois que je n'irai pas aujourd'hui. aurait pu être possible.

JOËLLE - C'est que le début mon petit. Vous avez le temps de le Josy - Tu es sûr de toi cette fois ? rencontrer celui qui va vous enchaîner tout entière.

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JOËLLE - Si c'est à cause de nous, soyez pas gêné, on se prépare JOËLLE - Ça n'empêchera jamais le monde de continuer à tour- un café et on fait comme si vous n'étiez pas là. ner autour de vous. Et ça ne vous empêchera pas non plus de venir

OCTAVE - C'est-à-dire que... me retrouver.

Josy - Tu ne vas pas nous foutre à la porte comme des malpropres ! OCTAVE - Vous avez été très chouettes toutes les deux. Merci. Josy... C'était...

JOËLLE - Après tout ce qu'on a fait pour vous ! Josy - Ça m'a plu moi aussi.

OCTAVE - Très juste. (Elles fouillent dans les placards et se pré- parent un café pendant qu'Octave téléphone à Éliane. Évidemment, OCTAVE - Et... pour tes clés?

elles ne peuvent pas s'empêcher d'écouter.) Allô ! Éliane? Ne rac- JOSY - Oh ! elles doivent être dans mon sac, ne t'en fais pas. croche pas s'il te plaît. Écoute, je ne pensais pas tout ce que je t'ai

OCTAVE - Ah oui ! dit. C'est ton père qui m'a poussé à bout... Tu comprends... Mais non!... Enfin' oui, il est venu, mais j'allais t'appeler quand même. Josy - Je me suis un peu trop emballée... De voir ta famille, d'un coup' ça m'a fait paniquer... J'ai vraiment JOËLLE - Pour dimanche, ça tient toujours? été nul. Éliane, Pardonne-moi... J'avais besoin d'un peu de recul. Maintenant, j'ai l'impression que c'est possible. Je sens que ça va OCTAVE - Joëlle...

être normal avec toi. (Il craque brusquement.) Mais je ne veux pas JOËLLE - Ne dites rien' j'adore les surprises. devenir comme ton père' je ne veux pas qu'on finisse comme tes

Josy - Allez' file, je claquerai la porte en sortant. parents. Promets-moi qu'on ne prendra pas le même chemin. On pourrait faire un essai? Qu'est-ce que tu en dis? Éliane... Éliane? OCTAVE (s'agite) - Vous ne préférez pas que nous sortions tous Oui. Près du kiosque à journaux?... D'accord. Très bien. Je viens' ensemble? je viens tout de suite. Merci, merci. (Il raccroche. Pour la première JOËLLE - J'ai pas fini mon café. fois, il semble apaisé. Il se retourne vers les deux femmes.) Elle veut bien qu'on se voie. JOSY - C'est bête, vous allez me trouver fleur bleue' mais ça me

plaît bien cette idée de rester quelques minutes toute seule ici, après JOËLLE - Qui sait? Elle va peut-être vous faire l'effet d'une que tu auras refermé la porte. Et que Joëlle aura terminé son café.

princesse cette fois-ci. J'ai besoin de me mettre dans cette situation. Comme toutes les

Josy - Tu vas être en retard à l'école. choses que je ne vivrai jamais' j'ai besoin de m'imaginer que ça

OCTAVE - Je crois que je n'irai pas aujourd'hui. aurait pu être possible.

JOËLLE - C'est que le début mon petit. Vous avez le temps de le Josy - Tu es sûr de toi cette fois ? rencontrer celui qui va vous enchaîner tout entière.

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Page 68: Octave et les valeureuses

Josy - Je n'en ai aucune envie. Je ne suis pas faite pour cette Josy - Octave c'est différent. À le voir presque tous les jours vie-là... venir réclamer son pain au chocolat' je me suis dit que je n'aurais

JOËLLE - À mon avis, elle est déjà arrivée. rien à craindre.

OCTAVE - Qui ça? JOËLLE - Et du coup' ça vous a ouverte à l'équipe au complet.

Josy - Ton Éliane' pardi ! Tu voudrais pas la reperdre? Josy - Non Joëlle, ça m'a ouverte à la voie céleste. Je me sens prête à embrasser une vie spirituelle. Ça faisait longtemps que ça

OCTAVE - Alors j'y vais. Bonne chance. me titillait, mais je ne trouvais pas l'impulsion. Je crois que je vais

Il disparaît. Il est six heures. commencer par les temples bouddhistes en Thaïlande.

JOËLLE - C'était si terrible que ça avec M. Octave?

Josy - Mais pas du tout' c'était formidable, j'espère que vous y

SCÈNE 14 aurez droit.

JOSY/JOËLLE Il est six heures quinze, on frappe à la porte avec insistance.

SYLVIE (voix off) - Ouvre ! Je sais que tu n'es pas seul. J'ai entendu des voix.

JOËLLE et Josy - Qu'il est chou!

JOËLLE - C'était vraiment votre première fois? Josy - La poisse ! Qui ça peut être?

Josy - Oui. JOËLLE - Ça sent les problèmes.

SYLVIE (voix off) - Je te préviens, je ne décollerai pas avant de JOËLLE - Ça alors ! Vous n'avez jamais eu d'amoureux? t'avoir en face de moi. Josy - Quelques-uns. Mais dès qu'il s'agissait de passer à l'acte, JOËLLE - C'est peut-être sa fiancée.

ça me faisait paniquer' je les repoussais systématiquement.

JOËLLE - D'où ça vient? Josy va ouvrir: Sylvie entre comme une furie.

Josy - J'ai dû être violée par mon oncle quand j'étais petite' mais je ne m'en souviens pas.

JOËLLE - C'est plus fréquent qu'on ne pense. Moi' mon grand-père me faisait toujours sauter sur ses cuisses.

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Page 69: Octave et les valeureuses

Josy - Je n'en ai aucune envie. Je ne suis pas faite pour cette Josy - Octave c'est différent. À le voir presque tous les jours vie-là... venir réclamer son pain au chocolat' je me suis dit que je n'aurais

JOËLLE - À mon avis, elle est déjà arrivée. rien à craindre.

OCTAVE - Qui ça? JOËLLE - Et du coup' ça vous a ouverte à l'équipe au complet.

Josy - Ton Éliane' pardi ! Tu voudrais pas la reperdre? Josy - Non Joëlle, ça m'a ouverte à la voie céleste. Je me sens prête à embrasser une vie spirituelle. Ça faisait longtemps que ça

OCTAVE - Alors j'y vais. Bonne chance. me titillait, mais je ne trouvais pas l'impulsion. Je crois que je vais

Il disparaît. Il est six heures. commencer par les temples bouddhistes en Thaïlande.

JOËLLE - C'était si terrible que ça avec M. Octave?

Josy - Mais pas du tout' c'était formidable, j'espère que vous y

SCÈNE 14 aurez droit.

JOSY/JOËLLE Il est six heures quinze, on frappe à la porte avec insistance.

SYLVIE (voix off) - Ouvre ! Je sais que tu n'es pas seul. J'ai entendu des voix.

JOËLLE et Josy - Qu'il est chou!

JOËLLE - C'était vraiment votre première fois? Josy - La poisse ! Qui ça peut être?

Josy - Oui. JOËLLE - Ça sent les problèmes.

SYLVIE (voix off) - Je te préviens, je ne décollerai pas avant de JOËLLE - Ça alors ! Vous n'avez jamais eu d'amoureux? t'avoir en face de moi. Josy - Quelques-uns. Mais dès qu'il s'agissait de passer à l'acte, JOËLLE - C'est peut-être sa fiancée.

ça me faisait paniquer' je les repoussais systématiquement.

JOËLLE - D'où ça vient? Josy va ouvrir: Sylvie entre comme une furie.

Josy - J'ai dû être violée par mon oncle quand j'étais petite' mais je ne m'en souviens pas.

JOËLLE - C'est plus fréquent qu'on ne pense. Moi' mon grand-père me faisait toujours sauter sur ses cuisses.

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Page 70: Octave et les valeureuses

SCÈNE 15 Josy (extasiée) - Comme ces rêves qu'on fait, qui vous condui- JOSY/JOËLLE/SYLVIE sent tout humide jusqu'au réveil, et dont le souvenir s'estompe avec

grâce au fil des heures.

Josy - Vous désirez? JOËLLE - Il venait de quitter sa fiancée, il avait besoin d'un peu

de réconfort, on est arrivées au bon moment, c'est tout. SYLVIE - Lui parler. SYLVIE - Apprenez que nous avons été amants pendant deux ans, Josy - Vous êtes... ? Octave et moi.

SYLVIE - Ne jouez pas à la plus fine avec moi' vous perdriez. JOËLLE - Mince alors !

JOËLLE - Bonjour. Vous l'avez raté de peu, il vient de sortir. SYLVIE - Ça fait bizarre, n'est-ce pas? Avec un peu de chance, si vous courez' vous arriverez peut-être en même temps. Josy - Oui.

Josy (à Joëlle) - C'est pas elle. SYLVIE - Vous ne le saviez pas?

JOËLLE - Ah ! ... Bonjour quand même. Josy - Non.

SYLVIE - Qui êtes-vous? SYLVIE (ironique) - J'espère ne pas avoir commis d'impair.

Josy et JOËLLE (en même temps) - Josy/Joëlle. Sylvie Dupuis.

JOËLLE - Je suis sa voisine du dessus. JOËLLE - Perdu ! Joëlle Damas.

Josy - Et moi j'étais sa boulangère. SYLVIE - Sylvie Dupuis c'est moi. Il ne vous a jamais parlé de moi?

SYLVIE - Et vous avez décidé de changer de crémerie !? Josy - Je ne le connais vraiment que depuis hier au soir, vous

Josy - Comment vous savez? savez.

SYLVIE - Vous avez passé la nuit avec lui. JOËLLE - On avait prévu de faire un truc dimanche, mais à JOËLLE - Moi j'étais plutôt en retrait' mais on peut dire ça l'allure où c'est parti, je suis pas sûre que ça se concrétise.

comme ça. SYLVIE - Quel genre de truc ? SYLVIE - Une ça ne lui suffisait pas, il a fallu qu'il se décharge

sur deux pauvres créatures. JOËLLE - Vu que vous êtes seulement son ex' je peux bien vous

le dire. On avait prévu de faire des cochonneries au musée. Comment JOËLLE - Rassurez-vous, tout s'est très bien passé. il a dit? Niquer... Niquer fort, forniquer! Moi j'adore tout ce qui

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SCÈNE 15 Josy (extasiée) - Comme ces rêves qu'on fait, qui vous condui- JOSY/JOËLLE/SYLVIE sent tout humide jusqu'au réveil, et dont le souvenir s'estompe avec

grâce au fil des heures.

Josy - Vous désirez? JOËLLE - Il venait de quitter sa fiancée, il avait besoin d'un peu

de réconfort, on est arrivées au bon moment, c'est tout. SYLVIE - Lui parler. SYLVIE - Apprenez que nous avons été amants pendant deux ans, Josy - Vous êtes... ? Octave et moi.

SYLVIE - Ne jouez pas à la plus fine avec moi' vous perdriez. JOËLLE - Mince alors !

JOËLLE - Bonjour. Vous l'avez raté de peu, il vient de sortir. SYLVIE - Ça fait bizarre, n'est-ce pas? Avec un peu de chance, si vous courez' vous arriverez peut-être en même temps. Josy - Oui.

Josy (à Joëlle) - C'est pas elle. SYLVIE - Vous ne le saviez pas?

JOËLLE - Ah ! ... Bonjour quand même. Josy - Non.

SYLVIE - Qui êtes-vous? SYLVIE (ironique) - J'espère ne pas avoir commis d'impair.

Josy et JOËLLE (en même temps) - Josy/Joëlle. Sylvie Dupuis.

JOËLLE - Je suis sa voisine du dessus. JOËLLE - Perdu ! Joëlle Damas.

Josy - Et moi j'étais sa boulangère. SYLVIE - Sylvie Dupuis c'est moi. Il ne vous a jamais parlé de moi?

SYLVIE - Et vous avez décidé de changer de crémerie !? Josy - Je ne le connais vraiment que depuis hier au soir, vous

Josy - Comment vous savez? savez.

SYLVIE - Vous avez passé la nuit avec lui. JOËLLE - On avait prévu de faire un truc dimanche, mais à JOËLLE - Moi j'étais plutôt en retrait' mais on peut dire ça l'allure où c'est parti, je suis pas sûre que ça se concrétise.

comme ça. SYLVIE - Quel genre de truc ? SYLVIE - Une ça ne lui suffisait pas, il a fallu qu'il se décharge

sur deux pauvres créatures. JOËLLE - Vu que vous êtes seulement son ex' je peux bien vous

le dire. On avait prévu de faire des cochonneries au musée. Comment JOËLLE - Rassurez-vous, tout s'est très bien passé. il a dit? Niquer... Niquer fort, forniquer! Moi j'adore tout ce qui

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Page 72: Octave et les valeureuses

est exotique. Il est incroyable' vous ne deviez pas vous ennuyer JOËLLE - Ah là là! avec lui.

SYLVIE - C'est monstrueux. (À Josy.) Et vous, qu'est-ce qu'il SYLVIE - Où est-il?

vous a promis? Josy et JOËLLE - Qui ça?

Josy - Je ne peux plus miser sur ma virginité. SYLVIE (très agitée) - Vous avez dit qu'il venait de sortir, où est-

SYLVIE - Vous voulez dire qu'il vous a... ? il allé ? Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici? Pourquoi seriez-vous encore là si vous n'aviez rien à faire avec lui? Vous mentez' depuis

Josy - Totalement. le début, vous me mentez tous' c'est une conspiration' vous avez

SYLVIE - Et maintenant? l'intention de me rendre folle.

Josy - C'est terminé. JOSY - Calmez-vous' calmez-vous. Joëlle' aidez-moi ! (Elles la conduisent vers le lit et l'obligent à s'allonger) Étendez-vous' là'

SYLVIE - Le goujat! détendez-vous.

Josy - Non, non, vous vous méprenez. C'est d'un commun SYLVIE (au bord des larmes) - Tu le connais depuis un jour et accord. C'est si bon de savoir où l'on va. déjà il te fait venir chez lui. Moi, il a fallu que j'attende six mois

SYLVIE (fragile) - Quand je pense qu'il m'a quittée parce qu'il pour qu'il daigne m'ouvrir sa porte. voulait construire et qu'il me jugeait pas assez solide pour faire Josy - Prenez-le comme un signe. Ça prouve que ce n'était pas équipe avec lui... gagné d'avance.

Josy - On ne dirait pas. SYLVIE - Ça prouve surtout que le sort s'acharne contre moi. SYLVIE - Je suis cantatrice. Mais je ne comprends pas. Vous prétendez qu'il ne vous a jamais

Josy - C'est sympa. parlé de moi et pourtant vous dites qu'il venait de quitter sa fiancée?

SYLVIE - C'est pas facile. JOËLLE - Ça c'était hier. Aujourd'hui il est allé la retrouver.

Un temps. SYLVIE - Qui donc?

JOËLLE - Et vous, ça fait longtemps que vous n'êtes plus avec Josy - Sa fiancée, pardi !

M. Octave? SYLVIE - Il est allé me retrouver' moi !?

SYLVIE - Hier matin. Josy - Elle s'appelle Éliane.

Josy - C'est pas possible! SYLVIE - Il vous a dit que je m'appelais Éliane?

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est exotique. Il est incroyable' vous ne deviez pas vous ennuyer JOËLLE - Ah là là! avec lui.

SYLVIE - C'est monstrueux. (À Josy.) Et vous, qu'est-ce qu'il SYLVIE - Où est-il?

vous a promis? Josy et JOËLLE - Qui ça?

Josy - Je ne peux plus miser sur ma virginité. SYLVIE (très agitée) - Vous avez dit qu'il venait de sortir, où est-

SYLVIE - Vous voulez dire qu'il vous a... ? il allé ? Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici? Pourquoi seriez-vous encore là si vous n'aviez rien à faire avec lui? Vous mentez' depuis

Josy - Totalement. le début, vous me mentez tous' c'est une conspiration' vous avez

SYLVIE - Et maintenant? l'intention de me rendre folle.

Josy - C'est terminé. JOSY - Calmez-vous' calmez-vous. Joëlle' aidez-moi ! (Elles la conduisent vers le lit et l'obligent à s'allonger) Étendez-vous' là'

SYLVIE - Le goujat! détendez-vous.

Josy - Non, non, vous vous méprenez. C'est d'un commun SYLVIE (au bord des larmes) - Tu le connais depuis un jour et accord. C'est si bon de savoir où l'on va. déjà il te fait venir chez lui. Moi, il a fallu que j'attende six mois

SYLVIE (fragile) - Quand je pense qu'il m'a quittée parce qu'il pour qu'il daigne m'ouvrir sa porte. voulait construire et qu'il me jugeait pas assez solide pour faire Josy - Prenez-le comme un signe. Ça prouve que ce n'était pas équipe avec lui... gagné d'avance.

Josy - On ne dirait pas. SYLVIE - Ça prouve surtout que le sort s'acharne contre moi. SYLVIE - Je suis cantatrice. Mais je ne comprends pas. Vous prétendez qu'il ne vous a jamais

Josy - C'est sympa. parlé de moi et pourtant vous dites qu'il venait de quitter sa fiancée?

SYLVIE - C'est pas facile. JOËLLE - Ça c'était hier. Aujourd'hui il est allé la retrouver.

Un temps. SYLVIE - Qui donc?

JOËLLE - Et vous, ça fait longtemps que vous n'êtes plus avec Josy - Sa fiancée, pardi !

M. Octave? SYLVIE - Il est allé me retrouver' moi !?

SYLVIE - Hier matin. Josy - Elle s'appelle Éliane.

Josy - C'est pas possible! SYLVIE - Il vous a dit que je m'appelais Éliane?

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Page 74: Octave et les valeureuses

Josv - Non. C'est vraiment quelqu'un d'autre, je la connais' je JOËLLE - C'est moins embarrassant. On est sûr qu'ils ne vous l'ai déjà vue à la boulangerie. Elle a l'air assez tarte. feront pas d'ennuis.

SYLVIE - Éliane !? Sa fiancée !? SYLVIE - Et ça ne vous arrive jamais de penser à la peine de tou-

Josy - Il l'a quittée hier. Mais entre-temps' certains événements tes les femmes de ces hommes avec qui vous copulez?

l'ont fait réfléchir. Bref' ils ont décidé de se revoir. JOËLLE - Mais je vois pas en quoi je fais souffrir, je les connais

SYLVIE (comme pour elle-même) - Il était déjà avec quelqu'un. pas' ces femmes.

Josy - Vous allez trouver ça drôle... enfin peut-être pas... mais SYLVIE - Je trouve ça lamentable.

ça fait deux ans qu'ils sont ensemble eux aussi. JOËLLE - Y a des hommes qui sont dans le besoin plus que d'au-

SYLVIE - J'y crois pas ! tres. Et moi ça me fait plaisir de les dépanner.

JOSY - Vous n'avez pas d'enfants? Josy - Je vous jure ! C'est fou?

JOËLLE - Non' non' c'est des embêtements à vie. Et là-dessus' JOËLLE - On n'en trouve plus beaucoup des comme lui. on est bien d'accord avec mon mari.

SYLVIE - Mais vous n'avez pas de petit ami? SYLVIE - Et si votre mari allait s'encanailler comme vous, tous

JOËLLE - J'ai même un mari. azimuts, qu'est-ce que vous diriez?

SYLVIE - Ça ne le dérange pas? JOËLLE - Vous alors' vous parlez drôlement. Ça ne m'étonne pas qu'Octave il vous a mise dans son lit, ça a dû l'exciter. Parce que je

JOËLLE - Quoi donc? le connais mon bonhomme' c'est un grand « fantasmateur ». Non'

Josy - Que vous vous envoyiez en l'air avec votre voisin. mon mari, il n'a jamais été porté sur la chose. Il me saute quand il y pense et il n'y pense pas tous les jours. Des fois je me dis que

JOËLLE - Pensez donc' je lui dis pas. Y a déjà assez de souf- c'est peut-être pour ça que je l'ai épousé. france inutile. Et puis M. Octave' c'est pas encore fait. Mais pour les autres non plus' je lui dis pas.

SYLVIE - C'est affreux! Vous ne l'aimez donc pas?

SYLVIE - Ah! parce qu'il y en a d'autres! JOËLLE - Je suis attachée à lui. Il est très gentil. Il n'a jamais

levé la main sur moi. JOËLLE - Ça va, ça vient' ne me demandez pas les prénoms' ça SYLVIE - Je ne peux pas croire qu'il existe encore des femmes

part sitôt que j'ai refermé la porte. J'arrive pas à fixer grand-chose comme vous à notre époque. là-dedans.

JOËLLE - Figurez-vous que je me disais la même chose sur votre SYLVIE - Tous des hommes mariés' je suppose. compte. Moi je vis' c'est tout ce que je peux vous dire.

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Josv - Non. C'est vraiment quelqu'un d'autre, je la connais' je JOËLLE - C'est moins embarrassant. On est sûr qu'ils ne vous l'ai déjà vue à la boulangerie. Elle a l'air assez tarte. feront pas d'ennuis.

SYLVIE - Éliane !? Sa fiancée !? SYLVIE - Et ça ne vous arrive jamais de penser à la peine de tou-

Josy - Il l'a quittée hier. Mais entre-temps' certains événements tes les femmes de ces hommes avec qui vous copulez?

l'ont fait réfléchir. Bref' ils ont décidé de se revoir. JOËLLE - Mais je vois pas en quoi je fais souffrir, je les connais

SYLVIE (comme pour elle-même) - Il était déjà avec quelqu'un. pas' ces femmes.

Josy - Vous allez trouver ça drôle... enfin peut-être pas... mais SYLVIE - Je trouve ça lamentable.

ça fait deux ans qu'ils sont ensemble eux aussi. JOËLLE - Y a des hommes qui sont dans le besoin plus que d'au-

SYLVIE - J'y crois pas ! tres. Et moi ça me fait plaisir de les dépanner.

JOSY - Vous n'avez pas d'enfants? Josy - Je vous jure ! C'est fou?

JOËLLE - Non' non' c'est des embêtements à vie. Et là-dessus' JOËLLE - On n'en trouve plus beaucoup des comme lui. on est bien d'accord avec mon mari.

SYLVIE - Mais vous n'avez pas de petit ami? SYLVIE - Et si votre mari allait s'encanailler comme vous, tous

JOËLLE - J'ai même un mari. azimuts, qu'est-ce que vous diriez?

SYLVIE - Ça ne le dérange pas? JOËLLE - Vous alors' vous parlez drôlement. Ça ne m'étonne pas qu'Octave il vous a mise dans son lit, ça a dû l'exciter. Parce que je

JOËLLE - Quoi donc? le connais mon bonhomme' c'est un grand « fantasmateur ». Non'

Josy - Que vous vous envoyiez en l'air avec votre voisin. mon mari, il n'a jamais été porté sur la chose. Il me saute quand il y pense et il n'y pense pas tous les jours. Des fois je me dis que

JOËLLE - Pensez donc' je lui dis pas. Y a déjà assez de souf- c'est peut-être pour ça que je l'ai épousé. france inutile. Et puis M. Octave' c'est pas encore fait. Mais pour les autres non plus' je lui dis pas.

SYLVIE - C'est affreux! Vous ne l'aimez donc pas?

SYLVIE - Ah! parce qu'il y en a d'autres! JOËLLE - Je suis attachée à lui. Il est très gentil. Il n'a jamais

levé la main sur moi. JOËLLE - Ça va, ça vient' ne me demandez pas les prénoms' ça SYLVIE - Je ne peux pas croire qu'il existe encore des femmes

part sitôt que j'ai refermé la porte. J'arrive pas à fixer grand-chose comme vous à notre époque. là-dedans.

JOËLLE - Figurez-vous que je me disais la même chose sur votre SYLVIE - Tous des hommes mariés' je suppose. compte. Moi je vis' c'est tout ce que je peux vous dire.

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Page 76: Octave et les valeureuses

SYLVIE - Si pour vous' vivre' c'est s'envoyer en l'air avec tous Il est huit heures. On sonne à la porte. les hommes qui vous font de l'œil c'est parfaitement réducteur. C'est

du mépris pour votre existence, pour le sexe que vous représentez. Josy - C'est lui.

JOËLLE - Oh là là! Vous faites partie d'un syndicat? Vous n'avez JOËLLE - Si c'était lui' il ne prendrait pas la peine de sonner.

rien compris. Pour moi ce qui est important' c'est tout ce qui se passe Josy - C'est pour s'assurer qu'il n'y a plus personne. Ça veut

avant : les regards, l'approche' le sourire' tout ce qu'on s'imagine dire qu'il est avec elle. Oh! je ne peux plus bouger!

dans sa tête, le rêve qu'on fait autour' le désir qu'on a que la réalité JOËLLE - On pourrait aller s'enfermer dans la salle de bains? va bien coller au rêve.

Personne ne bouge. Bruit des clés dans la serrure. La porte Josy - Ça arrive souvent? s'ouvre. C'est Octave. Il entre. Face à toutes ces femmes, il

JOËLLE - Presque jamais. C'est pour ça que je recommence sans reste sans voix.

arrêt.

Josy - Vous pratiquez régulièrement?

JOËLLE - Y a des périodes plus favorables que d'autres. Tout SCÈNE 16

dépend de mon état. Mais je suis d'un naturel ouvert. Bon' ben je OCTAVE/JOSY/SYLVIE/JOËLLE vais monter' c'est pas la peine de s'éterniser.

Josy - Oui' il serait plus prudent de libérer les lieux. OCTAVE - Ah!

SYLVIE - Je vais l'attendre ici. SYLVIE - C'est tout ce que tu trouves à dire?

Josy - Ça m'embête un peu. Il comptait sur moi pour que je Josy (explique, un peu gênée) - Nous nous apprêtions à partir, disparaisse avant son retour. Joëlle et moi, quand on a sonné à la porte. Ensuite tout s'est accéléré.

SYLVIE - Qui vous en empêche? JOËLLE - On n'a rien pu faire. Par contre on n'a pas arrêté de parler de vous. Au premier abord on n'est pas du même avis. Mais

Josy - Oui' mais s'il vous voit... moi je dis c'est que la surface. Parce que' en vérité, entre passer un

SYLVIE - Et alors ? Vous croyez que j'ai pas le droit de me moment coquin avec vous et faire du tricot, y en pas une qui choi-

soulager moi aussi? J'ai raté une audition capitale à cause de lui, je sirait la laine.

me suis fâchée avec mon professeur' et en plus... Et tout ça à cause SYLVIE - Vous! Tenez-vous-le pour dit une bonne fois pour toutes,

d'un homme lâche' méprisable, infidèle, un looser néfaste et malade ! on s'en moque de votre psychologie bon marché ! Tout ce qui vous importe, c'est d'être la prochaine sur la liste, mais enregistrez bien

JOËLLE - C'est pas gentil ça. ce que je vais vous dire : vous ne serez pas la dernière.

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Page 77: Octave et les valeureuses

SYLVIE - Si pour vous' vivre' c'est s'envoyer en l'air avec tous Il est huit heures. On sonne à la porte. les hommes qui vous font de l'œil c'est parfaitement réducteur. C'est

du mépris pour votre existence, pour le sexe que vous représentez. Josy - C'est lui.

JOËLLE - Oh là là! Vous faites partie d'un syndicat? Vous n'avez JOËLLE - Si c'était lui' il ne prendrait pas la peine de sonner.

rien compris. Pour moi ce qui est important' c'est tout ce qui se passe Josy - C'est pour s'assurer qu'il n'y a plus personne. Ça veut

avant : les regards, l'approche' le sourire' tout ce qu'on s'imagine dire qu'il est avec elle. Oh! je ne peux plus bouger!

dans sa tête, le rêve qu'on fait autour' le désir qu'on a que la réalité JOËLLE - On pourrait aller s'enfermer dans la salle de bains? va bien coller au rêve.

Personne ne bouge. Bruit des clés dans la serrure. La porte Josy - Ça arrive souvent? s'ouvre. C'est Octave. Il entre. Face à toutes ces femmes, il

JOËLLE - Presque jamais. C'est pour ça que je recommence sans reste sans voix.

arrêt.

Josy - Vous pratiquez régulièrement?

JOËLLE - Y a des périodes plus favorables que d'autres. Tout SCÈNE 16

dépend de mon état. Mais je suis d'un naturel ouvert. Bon' ben je OCTAVE/JOSY/SYLVIE/JOËLLE vais monter' c'est pas la peine de s'éterniser.

Josy - Oui' il serait plus prudent de libérer les lieux. OCTAVE - Ah!

SYLVIE - Je vais l'attendre ici. SYLVIE - C'est tout ce que tu trouves à dire?

Josy - Ça m'embête un peu. Il comptait sur moi pour que je Josy (explique, un peu gênée) - Nous nous apprêtions à partir, disparaisse avant son retour. Joëlle et moi, quand on a sonné à la porte. Ensuite tout s'est accéléré.

SYLVIE - Qui vous en empêche? JOËLLE - On n'a rien pu faire. Par contre on n'a pas arrêté de parler de vous. Au premier abord on n'est pas du même avis. Mais

Josy - Oui' mais s'il vous voit... moi je dis c'est que la surface. Parce que' en vérité, entre passer un

SYLVIE - Et alors ? Vous croyez que j'ai pas le droit de me moment coquin avec vous et faire du tricot, y en pas une qui choi-

soulager moi aussi? J'ai raté une audition capitale à cause de lui, je sirait la laine.

me suis fâchée avec mon professeur' et en plus... Et tout ça à cause SYLVIE - Vous! Tenez-vous-le pour dit une bonne fois pour toutes,

d'un homme lâche' méprisable, infidèle, un looser néfaste et malade ! on s'en moque de votre psychologie bon marché ! Tout ce qui vous importe, c'est d'être la prochaine sur la liste, mais enregistrez bien

JOËLLE - C'est pas gentil ça. ce que je vais vous dire : vous ne serez pas la dernière.

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Page 78: Octave et les valeureuses

JOËLLE - J'espère bien ! Mais vous avez raison' ma place n'est pas ici' pour l'instant. (À Octave.) Monsieur Octave' vous savez où me trouver.

OCTAVE - Ne partez pas, Joëlle, j'aime autant que vous soyez là' si ça ne vous dérange pas.

SYLVIE - Tu as retrouvé la parole?

OCTAVE - Qu'est-ce que tu veux?

SYLVIE - Ce que je veux?... Mais... Je veux que tu m'expliques.

OCTAVE - Il me semble avoir été assez clair.

SYLVIE - Tu m'as menti, tu m'as trompée sur toute la ligne' depuis le début.

OCTAVE - C'est tout ce que tu voulais?

SYLVIE - Non, c'est pas tout!

OCTAVE - Tu m'écriras la suite par mail.

JOËLLE - Faudrait vraiment que je me mette à Internet moi aussi.

SYLVIE - Vous allez la boucler !

OCTAVE - C'est toi qui vas la fermer et sortir de chez moi à l'instant.

SYLVIE - Et si je te disais que je suis enceinte? (Absence de réac-tion.) Je comptais te l'annoncer après mon audition' mais tu ne m'en as pas laissé le loisir.

JOËLLE - C'est votre premier? Moi j'ai avorté trois fois. Et croyez-moi, c'est peu à côté de ce que ça aurait pu être.

SYLVIE (à Octave, essayant de se maîtriser) - Alors? Tu fais quoi maintenant?

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OCTAVE - Qu'est-ce que tu espères de moi?

SYLVIE (désarmée) - Ça ne te fait rien d'apprendre qu'un être innocent va voir sa vie bousillée à cause d'un père qui l'aura renié?

OCTAVE - Mais bon dieu! Si tu ne penses pas être capable de pallier ses manques et ses attentes' pourquoi le mettre au monde ?

Josy - Savoir dire non : une autre voie qui mène à l'accom-plissement.

OCTAVE - Qu'est-ce que vous avez toutes à me poursuivre? Je suis damné ! Déjà quand j'étais collégien, elles me mettaient le grappin dessus. Je me souviens de notre voisine de palier' Mme Lambert... Tous les soirs' elle m'épiait quand je rentrais de l'école. J'avais à peine mis la clé dans la serrure que déjà elle ouvrait sa porte pour me proposer de venir prendre le thé chez elle. Je ne me doutais même pas que le sachet de thé ressemblait à une vieille cochonne qui voulait se soulager. J'aurais mieux fait d'accepter, ça m'aurait évité toute cette mascarade sentimentale.

SYLVIE - Pauvre petit, si on t'écoutait, c'est nous qui sommes les monstres et toi la sainte victime. Ton cas est désespéré.

OCTAVE - Maintenant va-t'en!

SYLVIE - Pourquoi? Tu attends quelqu'un? Comment ça s'est passé avec ta fiancée? Tu as pu la repêcher dans tes filets? Elle a cru à tous tes mensonges' elle aussi? C'est en sa compagnie que tu escomptes traverser ton existence de « damné»?

OCTAVE - Je suis fatigué' je te prierais de sortir.

SYLVIE - Je te connais Octave, je lis en toi' tu n'es pas très à l'aise. Elle va venir' n'est-ce pas?

Josy - Bon eh bien, je pense que mon temps de présence est écoulé. C'est bientôt l'heure de mon cours de Kundalini, je vais en

83

Page 79: Octave et les valeureuses

JOËLLE - J'espère bien ! Mais vous avez raison' ma place n'est pas ici' pour l'instant. (À Octave.) Monsieur Octave' vous savez où me trouver.

OCTAVE - Ne partez pas, Joëlle, j'aime autant que vous soyez là' si ça ne vous dérange pas.

SYLVIE - Tu as retrouvé la parole?

OCTAVE - Qu'est-ce que tu veux?

SYLVIE - Ce que je veux?... Mais... Je veux que tu m'expliques.

OCTAVE - Il me semble avoir été assez clair.

SYLVIE - Tu m'as menti, tu m'as trompée sur toute la ligne' depuis le début.

OCTAVE - C'est tout ce que tu voulais?

SYLVIE - Non, c'est pas tout!

OCTAVE - Tu m'écriras la suite par mail.

JOËLLE - Faudrait vraiment que je me mette à Internet moi aussi.

SYLVIE - Vous allez la boucler !

OCTAVE - C'est toi qui vas la fermer et sortir de chez moi à l'instant.

SYLVIE - Et si je te disais que je suis enceinte? (Absence de réac-tion.) Je comptais te l'annoncer après mon audition' mais tu ne m'en as pas laissé le loisir.

JOËLLE - C'est votre premier? Moi j'ai avorté trois fois. Et croyez-moi, c'est peu à côté de ce que ça aurait pu être.

SYLVIE (à Octave, essayant de se maîtriser) - Alors? Tu fais quoi maintenant?

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OCTAVE - Qu'est-ce que tu espères de moi?

SYLVIE (désarmée) - Ça ne te fait rien d'apprendre qu'un être innocent va voir sa vie bousillée à cause d'un père qui l'aura renié?

OCTAVE - Mais bon dieu! Si tu ne penses pas être capable de pallier ses manques et ses attentes' pourquoi le mettre au monde ?

Josy - Savoir dire non : une autre voie qui mène à l'accom-plissement.

OCTAVE - Qu'est-ce que vous avez toutes à me poursuivre? Je suis damné ! Déjà quand j'étais collégien, elles me mettaient le grappin dessus. Je me souviens de notre voisine de palier' Mme Lambert... Tous les soirs' elle m'épiait quand je rentrais de l'école. J'avais à peine mis la clé dans la serrure que déjà elle ouvrait sa porte pour me proposer de venir prendre le thé chez elle. Je ne me doutais même pas que le sachet de thé ressemblait à une vieille cochonne qui voulait se soulager. J'aurais mieux fait d'accepter, ça m'aurait évité toute cette mascarade sentimentale.

SYLVIE - Pauvre petit, si on t'écoutait, c'est nous qui sommes les monstres et toi la sainte victime. Ton cas est désespéré.

OCTAVE - Maintenant va-t'en!

SYLVIE - Pourquoi? Tu attends quelqu'un? Comment ça s'est passé avec ta fiancée? Tu as pu la repêcher dans tes filets? Elle a cru à tous tes mensonges' elle aussi? C'est en sa compagnie que tu escomptes traverser ton existence de « damné»?

OCTAVE - Je suis fatigué' je te prierais de sortir.

SYLVIE - Je te connais Octave, je lis en toi' tu n'es pas très à l'aise. Elle va venir' n'est-ce pas?

Josy - Bon eh bien, je pense que mon temps de présence est écoulé. C'est bientôt l'heure de mon cours de Kundalini, je vais en

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Page 80: Octave et les valeureuses

profiter pour aller digérer toutes les infos que j'ai emmagasinées SYLVIE (horrifiée) - Ha! durant ces dernières heures.

Les autres femmes réagissent aussi, tout de même. OCTAVE (à Sylvie) - Mais tu ne vas pas t'en aller' bon sang ! Je

ne veux plus rien avoir à faire avec toi, tu n'as pas compris? Et OCTAVE (rectifie) - Sylvie.

quelle que soit la décision que tu prendras à propos du reste, ça ne JOËLLE - Ça commence pareil. m'intéresse pas. Tu connais mon sentiment. Je n'ai rien d'autre à

OCTAVE - Déguerpis ! Tu ne m'empêcheras pas de vivre ma vie ajouter. Je n'ai rien voulu. comme je l'entends. Déguerpis !

SYLVIE - C'est peut-être ça ton problème. SYLVIE - Qu'est-ce que tu vas faire? Me frapper? Regardez' vous

OCTAVE - Laisse-moi' mais laisse-moi ! Oui ! J'ai décidé de faire êtes témoins' il m'agresse physiquement. ma vie avec Éliane. Désormais je sais que je suis dans le vrai et

JOËLLE - Il vous a seulement pris le bras, c'est normal' vous êtes personne ne pourra m'en empêcher. C'est la femme qu'il me faut, elle est faite pour moi' elle est intelligente, raisonnable' elle a les chez lui. Calmez-vous, monsieur Octave' vous avez tiré le mauvais

pieds sur terre, elle me comprend' elle me pardonne et ensemble numéro, ça arrive quelquefois, faut juste attendre que ça passe.

nous pourrons construire. SYLVIE - Tu es un lâche' un raté' tu ne construiras jamais rien et

SYLVIE - Tu as oublié de dire que tu l'aimais. tu n'auras jamais personne à tes côtés pour te soutenir, pour sim- plement t'aimer. Ta vie repose sur du néant. Tu bâtis ton existence

Josy - Et Dieu dans tout ça? sur des sables mouvants, de l'éphémère, du plaisir égoïste' rien JOËLLE - Se caser et aimer : ça fait jamais bon ménage. d'autre' parce que tu n'es capable de rien d'autre. Incapable' handi-

SYLVIE - Et quelle sera sa réaction quand elle apprendra qu'un capé, inadapté. Tu t'accroches à ton Éliane' mais tu sais au fond de

enfant de toi est en train de se former dans le ventre d'une autre? toi que c'est peine perdue. Chaque fois que tu t'enfuis de nous, c'est de toi que tu t'éloignes davantage. Tu creuses ton propre gouffre.

OCTAVE - Mais... je le lui dirai, je le lui dirai, et elle comprendra. Tu es perdu Octave. Comme je te plains.

SYLVIE - Quand? OCTAVE (s'effondre) - Va-t'en! Allez-vous-en! Mais allez-vous-

OCTAVE - Quand il existera. en ! Foutez-moi la paix !

SYLVIE - C'est pas loyal. Appelle-la' je veux que tu le lui dises Il est neuf heures, on sonne à la porte.

devant moi. SYLVIE - Dommage !

OCTAVE - Sors d'ici Sophie... Josy - C'est elle.

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profiter pour aller digérer toutes les infos que j'ai emmagasinées SYLVIE (horrifiée) - Ha! durant ces dernières heures.

Les autres femmes réagissent aussi, tout de même. OCTAVE (à Sylvie) - Mais tu ne vas pas t'en aller' bon sang ! Je

ne veux plus rien avoir à faire avec toi, tu n'as pas compris? Et OCTAVE (rectifie) - Sylvie.

quelle que soit la décision que tu prendras à propos du reste, ça ne JOËLLE - Ça commence pareil. m'intéresse pas. Tu connais mon sentiment. Je n'ai rien d'autre à

OCTAVE - Déguerpis ! Tu ne m'empêcheras pas de vivre ma vie ajouter. Je n'ai rien voulu. comme je l'entends. Déguerpis !

SYLVIE - C'est peut-être ça ton problème. SYLVIE - Qu'est-ce que tu vas faire? Me frapper? Regardez' vous

OCTAVE - Laisse-moi' mais laisse-moi ! Oui ! J'ai décidé de faire êtes témoins' il m'agresse physiquement. ma vie avec Éliane. Désormais je sais que je suis dans le vrai et

JOËLLE - Il vous a seulement pris le bras, c'est normal' vous êtes personne ne pourra m'en empêcher. C'est la femme qu'il me faut, elle est faite pour moi' elle est intelligente, raisonnable' elle a les chez lui. Calmez-vous, monsieur Octave' vous avez tiré le mauvais

pieds sur terre, elle me comprend' elle me pardonne et ensemble numéro, ça arrive quelquefois, faut juste attendre que ça passe.

nous pourrons construire. SYLVIE - Tu es un lâche' un raté' tu ne construiras jamais rien et

SYLVIE - Tu as oublié de dire que tu l'aimais. tu n'auras jamais personne à tes côtés pour te soutenir, pour sim- plement t'aimer. Ta vie repose sur du néant. Tu bâtis ton existence

Josy - Et Dieu dans tout ça? sur des sables mouvants, de l'éphémère, du plaisir égoïste' rien JOËLLE - Se caser et aimer : ça fait jamais bon ménage. d'autre' parce que tu n'es capable de rien d'autre. Incapable' handi-

SYLVIE - Et quelle sera sa réaction quand elle apprendra qu'un capé, inadapté. Tu t'accroches à ton Éliane' mais tu sais au fond de

enfant de toi est en train de se former dans le ventre d'une autre? toi que c'est peine perdue. Chaque fois que tu t'enfuis de nous, c'est de toi que tu t'éloignes davantage. Tu creuses ton propre gouffre.

OCTAVE - Mais... je le lui dirai, je le lui dirai, et elle comprendra. Tu es perdu Octave. Comme je te plains.

SYLVIE - Quand? OCTAVE (s'effondre) - Va-t'en! Allez-vous-en! Mais allez-vous-

OCTAVE - Quand il existera. en ! Foutez-moi la paix !

SYLVIE - C'est pas loyal. Appelle-la' je veux que tu le lui dises Il est neuf heures, on sonne à la porte.

devant moi. SYLVIE - Dommage !

OCTAVE - Sors d'ici Sophie... Josy - C'est elle.

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Page 82: Octave et les valeureuses

JOËLLE (à Octave) - Relevez-vous. Vous n'avez pas d'autre SYLVIE - Ça m'étonnerait. Vous avez décidé de vous installer

choix, vous devez tout dire à votre fiancée. (Elle montre Sylvie du pour longtemps? regard.) Sinon elle le fera à votre place.

ÉLIANE - Ici' je ne crois pas... Nous espérons trouver quelque

On sonne encore. Octave est tétanisé. Joëlle et Josy ne savent chose de plus grand.

pas quoi faire. Sylvie va ouvrir. C'est Éliane, empêtrée dans OCTAVE -Éliane... ses bagages.

JOËLLE (à Éliane) - Vous n'avez pas envie de vous asseoir?

ÉLIANE - Oh non merci, je suis trop agitée, je ne tiendrais pas en place. Oui Octave ?

SCÈNE 17 JOSY - Je peux faire du thé zen si ça peut aider? J'en ai toujours OCTAVE/JOSY/SYLVIE/JOËLLE/ÉLIANE quelques sachets dans mon sac.

ÉLIANE - Du thé? Je ne sais pas. Pourquoi pas?

ÉLIANE (surprise) - Oh! je ne pensais pas trouver autant de monde ! SYLVIE - Pour moi' ce sera du café.

Bonjour. (Les trois femmes répondent à son bonjour.) Octave? Octave' OCTAVE - Maintenant ça suffit ! Josy' c'est inutile. (À Éliane) tu ne me présentes pas à tes amies ? Éliane, Josy est' comme tu le sais, ma boulangère. Ça fait trois ans

SYLVIE - Mais oui, Octave, tu manques à tous tes devoirs. qu'elle me sert quasiment tous les jours mon pain au chocolat.

JOËLLE - Je suis juste une voisine, je venais chercher du sel. ÉLIANE -Oui?

JOSY - Moi j'allais partir. Je travaille à côté, dans la boulangerie' Josy - Eh oui ! vous savez, on s'est vues quelquefois. OCTAVE - Et hier soir, figure-toi que... longtemps après ton

départ... ÉLIANE (hébétée) - Ah oui... Je ne vous avais pas reconnue.

JOSY - Je suis venue réclamer son aide. J'avais eu la bonne idée Josy - C'est sûr que sans ma blouse' ça me change un peu. de perdre les clés de chez moi.

SYLVIE - Et moi je suis Sylvie. Sylvie Dupuis. Ça ne vous dit ÉLIANE - Ah ! c'est pas de chance ! rien? OCTAVE - Non. C'est pourquoi Josy m'a demandé de bien vou-

ÉLIANE - J'avoue que non... Il faut dire qu'aujourd'hui je suis loir l'héberger pour la nuit.

dans une agitation particulière. Peut-être qu'Octave m'a déjà parlé JOSY - J'ai beaucoup insisté. Il était très mal après ce qui s'était de vous et je m'en excuse. passé entre vous. Et j'ai quand même beaucoup insisté.

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JOËLLE (à Octave) - Relevez-vous. Vous n'avez pas d'autre SYLVIE - Ça m'étonnerait. Vous avez décidé de vous installer

choix, vous devez tout dire à votre fiancée. (Elle montre Sylvie du pour longtemps? regard.) Sinon elle le fera à votre place.

ÉLIANE - Ici' je ne crois pas... Nous espérons trouver quelque

On sonne encore. Octave est tétanisé. Joëlle et Josy ne savent chose de plus grand.

pas quoi faire. Sylvie va ouvrir. C'est Éliane, empêtrée dans OCTAVE -Éliane... ses bagages.

JOËLLE (à Éliane) - Vous n'avez pas envie de vous asseoir?

ÉLIANE - Oh non merci, je suis trop agitée, je ne tiendrais pas en place. Oui Octave ?

SCÈNE 17 JOSY - Je peux faire du thé zen si ça peut aider? J'en ai toujours OCTAVE/JOSY/SYLVIE/JOËLLE/ÉLIANE quelques sachets dans mon sac.

ÉLIANE - Du thé? Je ne sais pas. Pourquoi pas?

ÉLIANE (surprise) - Oh! je ne pensais pas trouver autant de monde ! SYLVIE - Pour moi' ce sera du café.

Bonjour. (Les trois femmes répondent à son bonjour.) Octave? Octave' OCTAVE - Maintenant ça suffit ! Josy' c'est inutile. (À Éliane) tu ne me présentes pas à tes amies ? Éliane, Josy est' comme tu le sais, ma boulangère. Ça fait trois ans

SYLVIE - Mais oui, Octave, tu manques à tous tes devoirs. qu'elle me sert quasiment tous les jours mon pain au chocolat.

JOËLLE - Je suis juste une voisine, je venais chercher du sel. ÉLIANE -Oui?

JOSY - Moi j'allais partir. Je travaille à côté, dans la boulangerie' Josy - Eh oui ! vous savez, on s'est vues quelquefois. OCTAVE - Et hier soir, figure-toi que... longtemps après ton

départ... ÉLIANE (hébétée) - Ah oui... Je ne vous avais pas reconnue.

JOSY - Je suis venue réclamer son aide. J'avais eu la bonne idée Josy - C'est sûr que sans ma blouse' ça me change un peu. de perdre les clés de chez moi.

SYLVIE - Et moi je suis Sylvie. Sylvie Dupuis. Ça ne vous dit ÉLIANE - Ah ! c'est pas de chance ! rien? OCTAVE - Non. C'est pourquoi Josy m'a demandé de bien vou-

ÉLIANE - J'avoue que non... Il faut dire qu'aujourd'hui je suis loir l'héberger pour la nuit.

dans une agitation particulière. Peut-être qu'Octave m'a déjà parlé JOSY - J'ai beaucoup insisté. Il était très mal après ce qui s'était de vous et je m'en excuse. passé entre vous. Et j'ai quand même beaucoup insisté.

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Page 84: Octave et les valeureuses

ÉLIANE - Ah !... Parce qu'il vous a mise au courant? Elle s'assied.

Josy - Il était encore très choqué, vous savez. OCTAVE - Éliane...

ÉLIANE - Heureusement que vous étiez là. ÉLIANE (fébrile) - Oui, Octave.

Josy - Oui' c'est un don que je me trimballe depuis que je suis OCTAVE - Tout est réglé désormais. Plus rien ne pourra empê- haute comme ça : je sais écouter. cher notre union.

ÉLIANE - J'espère qu'il n'aura pas abusé de votre générosité. ÉLIANE - Et tu comptais me l'annoncer quand exactement? Avant

OCTAVE - Nous avons passé la nuit dans mon lit. ou après notre mariage' avant ou après la naissance de l'enfant que nous avons peut-être conçu il y a quelques minutes sous le porche

Josy - Mais n'allez rien imaginer de négatif. C'est que du bon- de ton immeuble? Quand je pense que j'ai été assez stupide pour te heur! Dès demain, je me renseigne sur les vols pour la Thaïlande. pardonner. Dis-moi que c'est un cauchemar? Tu ne peux pas être

SYLVIE - Pas moi. Je compte bien rester en ville encore quelques tombé si bas !? Tu prétends que tu ne veux pas devenir comme mon

années. père? Mais tu l'as surpassé Octave, dans la monstruosité, il a tout à t'envier. Sauf que lui il a une famille' un métier honorable' il a construit

JOËLLE - Sylvie est la sœur de Josy' elle est venue la récupérer. quelque chose. Et tu pensais m'entraîner dans cette vacuité...

Josy - Oui' oui. OCTAVE - Éliane... Je veux continuer avec toi' avec toi seule,

SYLVIE - Mais pas du tout ! j'en suis sûr. Donne-moi une chance.

OCTAVE - J'ai aussi eu une liaison avec cette femme pendant ÉLIANE - Pourquoi?

deux ans. Je lui ai annoncé hier matin que je la quittais et à son tour, JOËLLE - Dites-lui pourquoi. Vous allez trouver' cherchez bien. elle est venue m'apprendre qu'elle attendait un enfant de moi. OCTAVE - Mais bon Dieu! Je t'ai suppliée à genoux devant le

JOËLLE (à Éliane) - Vous voulez peut-être vous asseoir kiosque à journaux' j'en avais les larmes aux yeux' ensuite je t'ai maintenant? prise contre les poubelles de l'immeuble pour te montrer combien

je pouvais avoir envie de toi. Que te faut-il de plus? Je suis un être SYLVIE - Vous ne m'en voudrez pas si je pense qu'il était impor- de chair et de sang ! ... Et encore ! ... J'aurais pu en profiter bien

tant que vous soyez tenue informée. davantage!... Qu'est-ce que je t'ai fait exactement? L'important, JOËLLE (à Éliane) - Mais il ne veut pas en entendre parler, il c'est qu'au bout du compte' je te donne ma main, tu ne penses pas?

nous a dit qu'il voulait vivre avec vous. Si vous l'aviez entendu, SYLVIE - À mon avis' il n'est pas sur la bonne voie. c'était à s'arracher le cœur tellement ça avait l'air sincère.

JOËLLE - C'est parce qu'il est en panique' c'est pas facile de ÉLIANE - Je ne me sens pas très bien. trouver les mots qu'il faut dans des situations pareilles.

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ÉLIANE - Ah !... Parce qu'il vous a mise au courant? Elle s'assied.

Josy - Il était encore très choqué, vous savez. OCTAVE - Éliane...

ÉLIANE - Heureusement que vous étiez là. ÉLIANE (fébrile) - Oui, Octave.

Josy - Oui' c'est un don que je me trimballe depuis que je suis OCTAVE - Tout est réglé désormais. Plus rien ne pourra empê- haute comme ça : je sais écouter. cher notre union.

ÉLIANE - J'espère qu'il n'aura pas abusé de votre générosité. ÉLIANE - Et tu comptais me l'annoncer quand exactement? Avant

OCTAVE - Nous avons passé la nuit dans mon lit. ou après notre mariage' avant ou après la naissance de l'enfant que nous avons peut-être conçu il y a quelques minutes sous le porche

Josy - Mais n'allez rien imaginer de négatif. C'est que du bon- de ton immeuble? Quand je pense que j'ai été assez stupide pour te heur! Dès demain, je me renseigne sur les vols pour la Thaïlande. pardonner. Dis-moi que c'est un cauchemar? Tu ne peux pas être

SYLVIE - Pas moi. Je compte bien rester en ville encore quelques tombé si bas !? Tu prétends que tu ne veux pas devenir comme mon

années. père? Mais tu l'as surpassé Octave, dans la monstruosité, il a tout à t'envier. Sauf que lui il a une famille' un métier honorable' il a construit

JOËLLE - Sylvie est la sœur de Josy' elle est venue la récupérer. quelque chose. Et tu pensais m'entraîner dans cette vacuité...

Josy - Oui' oui. OCTAVE - Éliane... Je veux continuer avec toi' avec toi seule,

SYLVIE - Mais pas du tout ! j'en suis sûr. Donne-moi une chance.

OCTAVE - J'ai aussi eu une liaison avec cette femme pendant ÉLIANE - Pourquoi?

deux ans. Je lui ai annoncé hier matin que je la quittais et à son tour, JOËLLE - Dites-lui pourquoi. Vous allez trouver' cherchez bien. elle est venue m'apprendre qu'elle attendait un enfant de moi. OCTAVE - Mais bon Dieu! Je t'ai suppliée à genoux devant le

JOËLLE (à Éliane) - Vous voulez peut-être vous asseoir kiosque à journaux' j'en avais les larmes aux yeux' ensuite je t'ai maintenant? prise contre les poubelles de l'immeuble pour te montrer combien

je pouvais avoir envie de toi. Que te faut-il de plus? Je suis un être SYLVIE - Vous ne m'en voudrez pas si je pense qu'il était impor- de chair et de sang ! ... Et encore ! ... J'aurais pu en profiter bien

tant que vous soyez tenue informée. davantage!... Qu'est-ce que je t'ai fait exactement? L'important, JOËLLE (à Éliane) - Mais il ne veut pas en entendre parler, il c'est qu'au bout du compte' je te donne ma main, tu ne penses pas?

nous a dit qu'il voulait vivre avec vous. Si vous l'aviez entendu, SYLVIE - À mon avis' il n'est pas sur la bonne voie. c'était à s'arracher le cœur tellement ça avait l'air sincère.

JOËLLE - C'est parce qu'il est en panique' c'est pas facile de ÉLIANE - Je ne me sens pas très bien. trouver les mots qu'il faut dans des situations pareilles.

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ÉLIANE - Non' tu vois, là, je ne peux pas. C'est trop. On a dépassé JOËLLE - Bon eh bien moi' je retourne chez moi. Et pour diman- les limites du supportable. che' si vous avez envie de vous changer les idées, je suis libre toute

OCTAVE - Tu ne vas pas me laisser comme ça. Tu ne peux pas la journée. Franchement' vous ne le pensiez pas vraiment' c'est pas

me laisser comme ça. C'est pas humain ! Je te connais' tu te le avec elle que vous aviez envie de terminer? Regardez-moi ! C'est

reprocherais toute ta vie. bien ce que je pensais, vous n'êtes pas en état de voir plus loin que le bout de votre nez. Ça vous angoisse? Demain vous y verrez plus

ÉLIANE - Mon pauvre, pauvre Octave. Mais qu'est-ce qui se clair. Et pas de bêtises ! Je ne voudrais pas qu'elle me file entre les passe en toi? jambes, ma visite au musée. Au revoir. (Elle sort.)

SYLVIE - C'est le démon qui l'habite. Octave, enfin seul, s 'effondre. Il est dix heures du matin, jeudi.

Josy - Mais c'est pas vrai ! On vous a jamais dit qu'il y avait La porte s'ouvre lentement.

plus profond que vos histoires de cul? OCTAVE - Ça ne finira donc jamais !

OCTAVE (dans un cri) - Ne m'abandonne pas ! Apparaît Brigitte. Robe, gants et fichu noirs; impressionnante.

Elles se retournent toutes vers lui.

ÉLIANE - À qui parles-tu?

SYLVIE - Il ne sait même pas. SCÈNE 18 JOSY - Il est déjà très loin. OCTAVE/BRIGITTE

JOËLLE - Dans un musée' peut-être.

SYLVIE - Il m'a déjà fait ça plusieurs fois' c'est sa façon à lui de BRIGITTE - Vous n'espériez pas finir sans moi, tout de même !

se rendre intéressant,

ÉLIANE - Tu finiras tout seul. Adieu. (Elle reprend ses bagages et sort.)

SYLVIE (à Octave) - Maintenant tu sais ce que c'est que de se sentir abandonné. (Octave rit noir.) Ça te fait rire? Tu es encore FIN plus atteint que je ne pensais. Adieu! (Elle sort.)

Josy - J'espère que vous allez vous en sortir. Je prierai pour votre salut' je vous dois bien ça. En tout cas, merci pour tout. A... dans une autre vie ! (Elle sort.)

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ÉLIANE - Non' tu vois, là, je ne peux pas. C'est trop. On a dépassé JOËLLE - Bon eh bien moi' je retourne chez moi. Et pour diman- les limites du supportable. che' si vous avez envie de vous changer les idées, je suis libre toute

OCTAVE - Tu ne vas pas me laisser comme ça. Tu ne peux pas la journée. Franchement' vous ne le pensiez pas vraiment' c'est pas

me laisser comme ça. C'est pas humain ! Je te connais' tu te le avec elle que vous aviez envie de terminer? Regardez-moi ! C'est

reprocherais toute ta vie. bien ce que je pensais, vous n'êtes pas en état de voir plus loin que le bout de votre nez. Ça vous angoisse? Demain vous y verrez plus

ÉLIANE - Mon pauvre, pauvre Octave. Mais qu'est-ce qui se clair. Et pas de bêtises ! Je ne voudrais pas qu'elle me file entre les passe en toi? jambes, ma visite au musée. Au revoir. (Elle sort.)

SYLVIE - C'est le démon qui l'habite. Octave, enfin seul, s 'effondre. Il est dix heures du matin, jeudi.

Josy - Mais c'est pas vrai ! On vous a jamais dit qu'il y avait La porte s'ouvre lentement.

plus profond que vos histoires de cul? OCTAVE - Ça ne finira donc jamais !

OCTAVE (dans un cri) - Ne m'abandonne pas ! Apparaît Brigitte. Robe, gants et fichu noirs; impressionnante.

Elles se retournent toutes vers lui.

ÉLIANE - À qui parles-tu?

SYLVIE - Il ne sait même pas. SCÈNE 18 JOSY - Il est déjà très loin. OCTAVE/BRIGITTE

JOËLLE - Dans un musée' peut-être.

SYLVIE - Il m'a déjà fait ça plusieurs fois' c'est sa façon à lui de BRIGITTE - Vous n'espériez pas finir sans moi, tout de même !

se rendre intéressant,

ÉLIANE - Tu finiras tout seul. Adieu. (Elle reprend ses bagages et sort.)

SYLVIE (à Octave) - Maintenant tu sais ce que c'est que de se sentir abandonné. (Octave rit noir.) Ça te fait rire? Tu es encore FIN plus atteint que je ne pensais. Adieu! (Elle sort.)

Josy - J'espère que vous allez vous en sortir. Je prierai pour votre salut' je vous dois bien ça. En tout cas, merci pour tout. A... dans une autre vie ! (Elle sort.)

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