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1 Cours DCEO2/ 2007-2008/ Florence TOUMELIN-CHEMLA URGENCES ENDODONTIQUES COMPLICATIONS PER ET POST OPERATOIRES NB : Illustrations et cas cliniques présentés en cours. Par définition, du latin urgens: pressant, la thérapeutique d’urgence ne peut être différée et doit être conduite sans délai. De ce fait, le temps imparti à l’acte opératoire est généralement court et non programmé, imposant l’acquisition de réflexes sûrs et fondés tant au plan de l’établissement du diagnostic que de la mise en place de la thérapeutique. Les trois quarts des patients consultant en urgence pour des douleurs buccales ou maxillo-faciales relèvent d’une thérapeutique endodontique. C’est dire l’importance d’une parfaite maîtrise de la gestion de l’urgence. Si l’évolution des connaissances, associée à la modernisation de la philosophie endodontique, rendent incontournable pour le praticien de se former aux nouvelles technologies, il est tout aussi pertinent de s’interroger sur ses attitudes, voire ses habitudes, en matière d’urgence endodontique. PRINCIPES DE BASE Nous considèrons ici les urgences douloureuses relevant d’une thérapeutique endodontique en écartant volontairement les urgences traumatiques ainsi que les pathologies endo-parodontales. Pour chacune des situations envisagées, nous dégageons une attitude clinique: quels gestes précis préconiser en urgence, quelles pharmacopées locale voire générale conseiller.

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Cours DCEO2/ 2007-2008/ Florence TOUMELIN-CHEMLA

URGENCES ENDODONTIQUES

COMPLICATIONS PER ET POST OPERATOIRES

NB : Illustrations et cas cliniques présentés en cours.

Par définition, du latin urgens: pressant, la thérapeutique d’urgence ne peut être

différée et doit être conduite sans délai. De ce fait, le temps imparti à l’acte

opératoire est généralement court et non programmé, imposant l’acquisition de

réflexes sûrs et fondés tant au plan de l’établissement du diagnostic que de la mise

en place de la thérapeutique.

Les trois quarts des patients consultant en urgence pour des douleurs buccales ou

maxillo-faciales relèvent d’une thérapeutique endodontique. C’est dire

l’importance d’une parfaite maîtrise de la gestion de l’urgence. Si l’évolution des

connaissances, associée à la modernisation de la philosophie endodontique, rendent

incontournable pour le praticien de se former aux nouvelles technologies, il est tout

aussi pertinent de s’interroger sur ses attitudes, voire ses habitudes, en matière

d’urgence endodontique.

• PRINCIPES DE BASE

Nous considèrons ici les urgences douloureuses relevant d’une thérapeutique

endodontique en écartant volontairement les urgences traumatiques ainsi que les

pathologies endo-parodontales. Pour chacune des situations envisagées, nous

dégageons une attitude clinique: quels gestes précis préconiser en urgence, quelles

pharmacopées locale voire générale conseiller.

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Parler d’urgence oblige tout d’abord à savoir de quoi on parle exactement: pour

cela la connaissance de la pathologie pulpaire, en particulier sémiologie et

diagnostic, constitue un pré-requis incontournable que nous ne développerons pas

ici. Néanmoins, J. de La Palice pourrait dire que, face à une situation clinique

donnée, le praticien devrait mettre en œuvre une thérapeutique adaptée; plus

encore, dans les situations d’urgence, le paramètre temps impose une démarche

précise sous-tendue par des objectifs thérapeutiques spécifiques.

Dans cette perspective, il est utile de se référer à une classification des pulpopathies

basée sur l’observation des signes et symptômes cliniques et permettant d’orienter

la thérapeutique en terme d’objectifs et de moyens. On retient encore aujourd’hui la

classification de l’O.M.S, introduite par Baume en 1962, qui, si elle gagnerait à être

revue dans une forme plus moderne, reste tout à fait compatible avec les

thérapeutiques actuelles [fig. 1].

On considèrera donc ici les urgences appartenant aux catégories III et IV de Baume

et relevant donc d’un syndrôme pulpaire irréversible. Les pulpopathies des

catégories I et II, étant justiciables de traitements conservateurs de l’organe

dentino-pulpaire vivant (syndrôme pulpaire réversible), doivent être traitées dans

des séances programmées. D’emblée on notera qu’à l’intérieur des catégories

irréversibles (III et IV) qui nécessitent toutes deux un traitement endodontique, les

objectifs thérapeutiques devront tenir compte de l’état du tissu pulpaire, vivant ou

nécrosé: le maître mot qui dirige le traitement d’une pulpe vivante est l’asepsie,

alors que le traitement d’une pulpe nécrosée est dominé par la notion d’antisepsie.

Ces différences sont capitales à considérer et ce, même dans le cadre du traitement

de l’urgence, dans la mesure où l’on cherche à optimiser les résultats attendus de

nos thérapeutiques. En effet, dans un cas, l’absence présumée de bactéries intra-

pulpaires oblige à adopter une méthode de protection vis à vis d’une contamination

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secondaire, dans l’autre la thérapeutique mise en jeu doit en outre préserver contre

l’infection en détruisant les microorganismes toujours présents.

OBJECTIFS THERAPEUTIQUES DU TRAITEMENT D’URGENCE

L’objectif princeps étant de soulager le patient, 3 mots clés vont diriger l’urgence:

temps, diagnostic et efficacité du traitement.

Le problème du temps déjà évoqué et non spécifique à l’Endodontie réside dans le

fait que le problème se pose au praticien de façon inopinée, souvent intercalé au

sein de ses consultations programmées. Ceci lui impose d’être capable de poser un

diagnostic immédiat (positif et différentiel) et de réaliser un traitement efficace

rapidement (mais néanmoins avec rigueur) permettant la sédation de la douleur.

Même dans les situations d’urgence où la cause du problème apparaît évidente, un

diagnostic précis doit être établi en préalable de toute intervention: entretien

attentif, examen clinique et tests complémentaires appropriés sont primordiaux.

Il nous semble également important de rappeler que même si la célérité est

appréciée en urgence, le praticien ne doit pas occulter l’examen de l’état général du

patient. En effet c’est dès la séance d’urgence que d’éventuelles précautions ou

contre-indications de traitement sont à envisager.

Dans l’optique d’une rationalisation, on peut schématiquement dégager 4 réflexes

que nous considèrerons en fonction des différentes situations d’urgence [fig. 2].

1- Le maître-mot de l’urgence endodontique est la surpression. Un des objectifs

majeurs spécifiques va donc être de réduire la compression des terminaisons

nerveuses intrapulpaires et/ou parodontales, engendrée par l’inflammation. La

pulpe, emprisonnée dans une cavité inextensible aux murs rigides, est caractérisée

par une circulation terminale. Si l’on considère une lignée d’évolution aigüe du

processus inflammatoire, les situations d’urgence endodontique correspondront à la

pulpite aiguë irréversible (qui fait suite à la pulpite réversible ou hyperhémie), puis

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à la parodontite apicale aiguë débutante ou installée, à l’abcès périapical aigu ou

parodontite apicale aiguë suppurée, et enfin à la cellulite révélatrice du passage de

l’infection dans les tissus lâches. Le terme de parodontite apicale est préféré au

terme de desmodontite trop restrictif et traduit bien le fait que l’inflammation,

initialement confinée à la cavité pulpaire coronaire puis radiculaire s’étend

ultérieurement dans la région péri-apicale (cément, desmodonte et os). Cette

évolution pathologique se traduit également par une modification de la douleur

ressentie. D’une douleur initiale viscérale diffuse et difficilement localisable par le

patient (pulpite sans parodontite apicale), on passe à des douleurs de type

articulaire ou osseux dès lors que les tissus péri-apicaux sont atteints; les récepteurs

parodontaux concernés permettent au patient de reconnaître la dent causale,

facilitant ainsi l’établissement du diagnostic.

2- Les tableaux cliniques relevant d’un syndrome pulpaire irréversible aigu sont

généralement sévères. Après un diagnostic précis, c’est l’acte clinique chirurgical

qui soulagera le patient et en aucun cas telle ou telle médication. Hormis certaines

situations exceptionnelles, le praticien doit donc pratiquer en urgence l’intervention

adaptée à la situation rencontrée en mettant en œuvre un protocole précis et

rationnel dont la standardisation garantit sans nul doute la rapidité de l’intervention.

3- Une fois l’intervention réalisée, il est de règle de placer dans la cavité pulpaire

une médication locale à des fins de renforcement de l’acte chirurgical et

d’optimisation des résultats post-opératoires. Le choix d’une médication locale est

à envisager en fonction de la pathologie initiale et du contexte clinique, à partir du

cahier des charges des produits préconisés à l’heure actuelle.

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4- Dans certaines circonstances, une ou des médications générales peuvent être

indiquées. Qu’il s’agisse de suppléance antalgique, anti-inflammatoire ou anti-

infectieuse, la prescription doit être dictée par l’ analyse précise du tableau clinique

et doit être justifiée en prenant garde d’éviter toute prescription abusive.

TRAITEMENT D’URGENCE DES PULPITES

Il s’agit là d’une urgence inflammatoire (pulpopathies irréversibles de la

cat.III) dont les clés essentielles du diagnostic sont brièvement rappelées sur la

figure 3 [Fig 3].

• Attitudes

L’objectif global du traitement est la réalisation, sous champ opératoire stérile,

d’une biopulpectomie suivie d’une obturation canalaire hermétique et d’une

obturation coronaire étanche et fonctionnelle. Le geste clinique d’urgence consiste,

après anesthésie, à pratiquer l’extirpation de tout (pulpectomie sur monoradiculée)

ou partie (pulpotomie sur pluriradiculée) du parenchyme pulpaire enflammé. La

pulpotomie est la procédure de choix du traitement d’urgence d’une pulpite

sur pluriradiculée.

Il est important de prendre conscience du caractère microchirurgical de cette

intervention imposant le respect de principes thérapeutiques: nettoyage du site

d’intervention, élimination des restaurations et des tissus infectés, mise en place

d’un champ opératoire, accès à la pulpe et préparation de la cavité pulpaire

coronaire (cavité d’accès) sous irrigation à l’hypochlorite de sodium (ClONa) [fig.

4]. La prise en considération de la notion essentielle d’asepsie impose, même en

urgence , l’isolement du site opératoire au moyen d’une digue étanche. En cas de

carie importante, la reconstitution pré-endodontique, difficile à réaliser en urgence,

peut être avantageusement remplacée par des matériaux de calfatage (Oraseal®,

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Bisico) [fig. 5]. Le plus souvent, le temps nécessaire à l’isolement du champ

opératoire est inférieur au temps requis pour l’obtention de l’anesthésie: ne pas

poser la digue pour des raisons de temps n’est pas acceptable!

A ce stade déjà on peut évaluer d’éventuelles contre-indications locales au

traitement endodontique: dents non restaurables, non fonctionnelles, support

parodontal déficient.

• Quelle médication locale?

Concernant la solution d’irrigation, qui doit être utilisée dès l’accès pulpaire, un

consensus est aujourd’hui établi autour de l’hypochlorite de sodium. Classiquement

on retient une concentration de la solution à 2,5% qui constitue un bon compromis

entre propriétés antibactériennes et toxicité tissulaire.

Le pansement médiat, inter-séances comprend à la fois l’éventuelle médication

locale intra-pulpaire et l’obturation provisoire coronaire, la qualité de cette dernière

ayant sans doute beaucoup plus d’importance.

Pour une pluriradiculée, une fois la pulpotomie réalisée, la mise en place d’un

hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) dense dans la cavité pulpaire coronaire présente

l’avantage de concilier propriétés anti-bactériennes et biocompatibilité. La

médication est préparée à partir d’une poudre de Ca(OH)2 pure (Prolabo) mélangée

à un véhicule stérile, sérum physiologique ou solution anesthésique. Pour une

monoradiculée, une fois la pulpectomie réalisée, le Ca(OH)2 est utilisé sous forme

fluide et injecté au moyen d’un bourre-pâte. L’efficacité de cette procédure est

garante de succès à plus de 95% mais demande tout de même suffisamment de

temps. Pour pallier à cet inconvénient, elle peut être envisagée en faisant appel à

des formes commerciales du produit, plus rapides d’emploi mais plus onéreuses

(Calxyl® OCO, Calasept® Scania Dental, Hy-Cal® P.Rolland, Endocal® Septodont).

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Dans la mesure où l’acte chirurgical a pu être correctement mené, on peut

également opter pour un pansement plus simple associant un coton sec stérile ou

imbibé de ClONa plaçé sous une obturation coronaire étanche (IRM).

En cas de manque de temps réel ou de difficulté d’anesthésie, le recours à une

médication sédative, Eugénol ou spécialité type Pulperyl® (Septodont), utilisée avec

parcimonie sur un coton exprimé, au contact de la pulpe exposée après curetage de

la carie, peut se justifier. Toute autre médication est à proscrire, l’utilisation

d’anhydride arsénieux étant condamnable. Dans tous les cas, un grand soin doit être

apporté à l’obturation coronaire transitoire afin d’éviter qu’une pathologie

initialement inflammatoire n’évolue pas vers un processus infectieux.

• Quelle médication générale?

En principe le seul traitement local chirurgical permet la sédation des symptômes et

n’appelle pas de prescription générale.

Dans certains cas néanmoins, une médication générale peut être indiquée:

- pulpite avec parodontite apicale associée (l’inflammation déborde sur le

parodonte apical, douleur à la percussion): en fonction de la sévérité du tableau

clinique initial, on peut avoir recours à une prescription antalgique ou

antiinflammatoire pour diminuer les risques d’exacerbation de la douleur en post-

opératoire .

—> douleur faible : antalgique pur: paracétamol

—> douleur plus importante: analgésique anti-inflammatoire: acide

acétylsalicylique ou ibuprofène (mieux toléré) :1,2 à 2,4 g/J. Donner 1g

immédiatement après le soin.

- obligation de surseoir: doit être exceptionnel

Il peut s’agir par exemple d’un problème d’anesthésie, parfois difficile à obtenir

rapidement du fait de l’inflammation, ou d’un problème réel de temps: recours à

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l’association paracétamol + codéine (Efferalgan codéine®, Codoliprane®

120mg/j), ou paracétamol+ dextropropoxiphène (Di-Antalvic® 150mg/j).

Ce type de prescription doit être exceptionnel et de très courte durée; il faut revoir

le patient dès que possible pour réaliser l’acte chirurgical.

- l’antibiothérapie n’a dans ce cadre aucune justification hormis chez les patients

suceptibles d’endocardites bactériennes (porteurs de valves). Pour ces derniers les

recommandations de l’ANDEM font référence: Amoxicilline 3g per os 1H avant le

geste , ou en cas d’allergie à la pénicilline, Clindamycine 600 mg per os 1H avant

le geste (Dalacine®).

TRAITEMENT D’URGENCE DES NECROSES PULPAIRES AVEC

COMPLICATIONS PERIAPICALES

Il s’agit là d’une urgence infectieuse (pulpopathies irréversibles de la cat.IV)

dont les clés essentielles du diagnostic sont brièvement rappelées sur la figure 6

[Fig 6].

Nombre de nécroses pulpaires sont asymptomatiques, qu’il y ait ou non une lésion

périapicale associée, suivant une lignée pathogénique chronique: nécrose

asymptomatique—> parodontite apicale chronique avec ou sans suppuration.

L’urgence infectieuse concerne la parondontite apicale aigue installée, avec ou sans

suppuration (abcès peri-apical ou alvéolaire aigu) qui peut aller jusqu’à la cellulite

par diffusion de l’infection, à travers l’os, dans les tissus lâches.

• Attitudes et pharmacopée sont dictées par les objectifs du traitement:

drainage et désinfection canalaire.

Le facteur le plus important dans la symptomatologie de la parodontite apicale

aigue est l’élévation de la pression dans les tissus périapicaux : seul le drainage et la

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normalisation de la pression tissulaire permettent la sédation des douleurs souvent

très violentes. Donc là aussi le geste opératoire l’emporte sur la médication. Sans

anesthésie, ou en injectant à distance du foyer infectieux si nécessaire, il faut ouvrir

et drainer. Il s’agit ici encore d’une intervention chirurgicale, nécessitant après

nettoyage du site, la mise en place d’un champ opératoire (digue) et l’utilisation

d’hypochlorite de sodium. Une fois la cavité pulpaire ouverte, le drainage est

recherché et le contenu canalaire aspiré. Il faut laisser le tarissement de la

suppuration se faire et entreprendre si possible le traitement chimio-mécanique

étant donné que c’est l’infection canalaire qui a causé la parodontite apicale aigue.

Les impératifs biologiques imposent de respecter un nettoyage progressif et

d’éviter l’ensemencement bactérien; à cet effet, une mise en forme corono-apicale

(« crown-down ») est recherchée: forets de Gates ou instruments endodontiques à

forte conicité utilisés en rotation continue (« orifice opener »), puis lavage canalaire

abondant à l’hypochlorite de sodium utilisé en seringue, ou mieux, véhiculé par les

ondes ultra-sonores (système EMS par exemple).

On gardera également à l’esprit que le classique « cleaning and shaping » se voit

avantageusement remplacé par « shaping and cleaning ».

Le contrôle de l’occlusion est également très important: l’œdème périapical

toujours présent impose un meulage coronaire doux et sélectif.

Dans les cas où le réseau canalaire est inaccessible ou impénétrable (canaux

obturés, ancrage radiculaire), un drainage par voie chirurgicale sera recherché.

- Cas favorable: le drainage est obtenu et il n’existe pas de symptomatologie

loco-régionale ni générale

La dent est refermée après mise en place d’une médication locale antiseptique,

Ca(OH)2 fluide dans le canal et plus dense dans la cavité pulpaire coronaire,

associée à une obturation coronaire étanche.

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—> Il faut se garder de laisser la dent ouverte à la septicité buccale au risque

de compliquer la suite du traitement, ceci pour plusieurs raisons:

- contamination bactérienne supplémentaire

- possible pénétration intra-canalaire de débris alimentaires

- multiplication des rendez-vous associée à une difficulté majorée à obtenir

la sédation des symptômes, nécessaire pour l’oburation canalaire définitive.

En terme de médication générale, l’antibiothérapie ne doit pas être systématique

mais régie par la considération de l’état général du patient et son passé

pathologique. (voir cas défavorables évoqués ci-dessous). La douleur ne constitue

en aucun cas un critère valable pour l’instauration d’une antibiothérapie, cette

dernière ne devant pas se substituer au diagnostic et à la thérapeutique chirurgicale.

La prescription antalgique est indiquée, à la demande du patient. Le choix et la

posologie de la médication doivent tenir compte de la sévérité du tableau clinique

initial. La prise en considération à la fois de l’état pulpaire et péri-apical initial, et

de la puissance antalgique des médications, orienteront vers un antalgique pur

(paracétamol), un AINS à faible dose (Ibuprofène 200mg) ou vers l’association

paracétamol-morphinique mineur.

D’une manière générale, on gardera à l’esprit la relation existant entre la douleur

préopératoire et la survenue de complications post-opératoires: la fréquence des

douleurs après traitement est nulle pour la pulpe saine (à condition bien sûr qu’il

n’y ait pas eu de manœuvres iatrogéniques), faible dans le cas d’une pulpite et

augmente progressivement avec la parodontite apicale chronique, pour culminer

avec parodontite apicale aigue et l’abcès péri-apical [fig. 5].

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- Cas défavorables: 3 questions essentielles doivent être envisagées:

• faut-il laisser la dent ouverte?

• faut-il instituer une antibiothérapie?

• s’agit-il d’une contre-indication du traitement

endodontique?

Le cas idéal est celui pour lequel le drainage est obtenu spontanément à l’ouverture

de la dent; parfois on réussira à l’obtenir, après parage canalaire en réalisant un

élargissement très contrôlé de la zone apicale.

Si le drainage n’a pu être obtenu, bien souvent faute de temps:

Afin de soulager le patient, il est préconisé de laisser la dent ouverte, 24 à 48H

maximum et d’instaurer alors une antibiothérapie (Amoxicilline) associée à une

prescription antalgique. Le patient doit être revu impérativement dans de brefs

délais (24H) pour rechercher à nouveau l’obtention d’un drainage et refermer la

dent. La suite du traitement canalaire sera programmée, en principe en deux

séances.

S’il existe une symptomatologie loco-régionale (cellulite, trismus), ou bien si

l'on constate des signes généraux (fièvre, adénopathie, asthénie):

Dans ces conditions, et même si l’on a pu obtenir un drainage, le risque de

diffusion de l’infection est tel que l’antibiothérapie s’impose d’emblée, avec en

supplément une surveillance insdispensable à 24h pour contrôler son efficacité.

Un décontracturant sera prescrit en cas de trismus (Decontractyl®, 6cp/j).

Chez les patients à risque bactérien systémique:

L’antibiothérapie est ici de règle et c’est en général l’extraction qui devra être

programmée, compte-tenu du fait que chez ces patients, le traitement endodontique

ne peut s’envisager que s’il peut être conduit en une seule séance (

Recommandations ANAES).

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GESTION DES COMPLICATIONS POST-OPERATOIRES

❒ Urgence liée aux complications post-opératoires des thérapeutiques

endodontiques

• Recrudescence d’une parodontite apicale chronique ou réactivation

infectieuse.

Cette situation se rencontre dans le cadre du traitement endodontique d’une dent

nécrosée, présentant ou non une lésion péri-apicale et initialement asymptomatique.

Bien souvent c’est la découverte radiographique, au moment de l’observation

clinique générale, qui a permis de mettre en évidence la pathologie et indiqué le

traitement. Après la première séance de traitement, le patient revient avec tous les

signes de l’abcès alvéolaire aigu: mobilité, douleur à la pression, tuméfaction.

Il s’agit là d’une situation particulièrement frustrante, à la fois pour le patient qui

initialement ne souffrait pas, que pour le praticien qui garde la sensation d’un

traitement canalaire bien conduit, sans incident particulier.

Ce phénomène peut trouver son étiologie dans trois directions qui peuvent parfois

être associées:

- surinstrumention de la zone périapicale induisant le refoulement dans le

périapex de débris nécrosés, de bactéries ou d’endotoxines. Il s’agit

vraisemblablement de la cause la plus fréquente, ce qui met l’accent sur la nécessité

d’adopter une méthode préparation canalaire atraumatique et répondant au mieux

aux impératifs biologiques (mise en forme corono-apicale contrôlée sous ClONa).

- modification de la flore bactérienne intracanalaire du fait de l’ouverture de

la dent ou de la désinfection qui peut favoriser la virulence de certaines bactéries

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laissées en place (zones cryptiques) ou le réveil de bactéries quiescentes en position

extracanalaire.

-patient affaibli ou malade.

Le fait qu’il n’existe pas de signe pathognomonique avant coureur de ce

phénomène de réactivation infectieuse dont la fréquence, estimée entre 2,5 et 25%

des cas, est majorée en cas de lésion périapicale, représente une difficulté certaine

pour le praticien. S’il n’est pas envisageable de prescrire une antibiothérapie

systématique préventive devant toute lésion périapicale, on peut cependant la

préconiser dans le cas d’une lésion qui s’est manifestée récemment; dans ce cas, la

prescription débutera la veille du rendez-vous de mise en forme et parage.

Quoiqu’il en soit, il est vivement conseillé de toujours informer le patient du risque

potentiel, et même si elle n’a pas de réelle justification scientifique, une

ordonnance « en cas de besoin » peut trouver sa place pour certains patients

inquiets. Il est en effet curieux de constater qu’un patient prévenu et qui possède

son ordonnance présente rarement des complications!

Le traitement d’urgence est identique à celui d’un abcès alvéolaire aigu: ouverture,

drainage, parage ClONa, fermeture si possible. Cependant, la sévérité du tableau

clinique impose ici d’emblée la prescription de l’association Amoxicilline (1,5g à

2g/j) + Métronidazole (1,5g/j).

• Réactivation inflammatoire

Cette complication qui se manifeste en cours ou suite à un traitement endodontique

est, à la différence de la complication précédente, toujours d’origine iatrogénique.

Elle peut être occasionnée soit par une surinstrumentation apicale résultant d’une

erreur d’estimation de la longueur de travail, soit par la mise en place de

médications intra-canalaire irritantes (phénols, solvants...) induisant alors une

parodontite médicamenteuse.

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Le recours à des méthodes rigoureuses de détermination de la longueur de

préparation (radiographie, localisateur d’apex) et l’utilisation contrôlée des

médications endodontiques (ClONa, Ca (OH)2, eugénol et solvants utilisés avec

parcimonie, à l’exclusion de tous les dérivés phénolés) permettent de prévenir ce

type de complications.

Le traitement d’urgence consiste à réouvrir la dent sous digue, ce qui met souvent

en évidence un suintement intra-canalaire ou une odeur caractéristique des dérivés

phénolés. Un parage par rinçage soigneux à l’hypochlorite est réalisé en évitant de

réinstrumenter les canaux jusqu’au foramen afin de ne pas exacerber la réaction

tissulaire. On procède alors à la mise en place d’une médication intra-canalaire

temporaire à l’hydroxyde de calcium. La dent est mise en sous-occlusion et

refermée avec un pansement coronaire étanche pour prévenir toute contamination

infectieuse. En fonction de la sévérité du tableau on pourra prescrire un anti-

inflammatoire non stéroïdien (AINS) (ex: Ibuprofène).

Dans le cas où la complication se présente après l’obturation canalaire définitive, la

situation requiert alors une prescription AINS et la mise en sous-occlusion légère

de la dent avant de réévaluer la qualité du traitement endodontique (dépassement de

gutta en particulier) dans un délai de 15 jours.

Conclusion

Encore plus que dans un traitement endodontique de routine, la thérapeutique

d’urgence requiert une parfaite connaissance des pulpopathies et de leurs différents

tableaux cliniques. Elle impose également d’agir immédiatement, avec rapidité et

méthode pour satisfaire à sa mission essentielle, soulager le patient et optimiser les

étapes ultérieures du traitement endodontique et de la restauration fonctionnelle de

la dent.

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L’évolution des concepts et des techniques privilégie aujourd’hui la qualité de

l’acte microchirugical en lui même, limitant de ce fait considérablement l’arsenal

des médications intra-canalaires encore présentes sur le marché et l’utilisation

incontrôlée des médications générales, antibiotiques en particulier.

Lectures conseillées: ANDEM. Prescription d’antibiotiques en odontologie et en stomatologie. Service des Réferences

Dentaires/ 30 avril 1996.

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