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OCE/Lésions NC/E. BONTE/2008 1 D.C.E.O. 2 Odontologie Conservatrice et Endodontie TRAITEMENT DES LESIONS NON CARIEUSES (Dr E. BONTE) I- Introduction – Définitions Plusieurs formes de processus de destruction chronique de la dent, autres que la carie, et conduisant à une perte irréversible de tissus dentaires à partir de la surface externe sont décrits dans la littérature. Différents termes correspondant à différentes situations cliniques ont été proposés, sachant que la perte de tissus a souvent une origine multi-factorielle (Tableau 1) TERMINOLOGIE CAUSE DE LA PERTE DE TISSUS Abrasion Processus mécanique impliquant des substances ou objets exogènes Démastication Interaction mécanique entre le bol alimentaire et les dents Attrition Processus mécanique impliquant les contacts dento-dentaires Abfraction Liée à la concentration de contraintes occlusales au niveau de la JAC provoquant des microfissures dentinaires Erosion Mordançage et dissolution chimiques Résorption Dégradation biologique II- EROSION On pense que l'érosion dentaire est provoquée par la déminéralisation de la matrice inorganique de la dent. Au niveau de la dentine, l’érosion acide affecte d’abord la surface de la dentine intertubulaire avec une décalcification de la dentine péritubulaire limitée à l’ouverture des canalicules. La déminéralisation peut aussi se poursuivre latéralement à l’intérieur des canalicules ouverts. La déminéralisation de subsurface n’excède jamais 100 μm, c’est à dire beaucoup moins que celle observée au cours d’une lésion carieuse. Les lésions érosives sont souvent douloureuses. Dans certains cas, l’absence de douleur, ou l’aspect vernissé des lésions, peuvent être dus à la formation d’une couche de dentine sclérotique et à la fermeture des orifices des canalicules. L’alimentation joue un rôle déterminant dans le développement et la configuration des lésions érosives. Les patients qui adoptent un régime végétarien ont un taux de prévalence des érosions cervicales de 33,1 %, les lésions étant plus sévères chez les patients âgés. L’acidité des aliments est associée à l’apparition de ces lésions : vinaigre, agrumes. Les bonbons acidulés possèdent un pouvoir de dissolution sur l’émail de 4 à 27 fois plus élevé que celui du chocolat. Le rôle de la salive ainsi que celui supposé du fluide gingival ne sont pas clairement établis à ce jour, même si on les suspecte d’intervenir. Les patients asthmatiques sont particulièrement vulnérables de par leurs médicaments : réduction de la protection salivaire, reflux gastro-oesophagien pour 60 % des asthmatiques (Sivasithamparam, 2002).

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D.C.E.O. 2 Odontologie Conservatrice et Endodontie

TRAITEMENT DES LESIONS NON CARIEUSES (Dr E. BONTE)

I- Introduction – Définitions Plusieurs formes de processus de destruction chronique de la dent, autres que la carie, et conduisant à une perte irréversible de tissus dentaires à partir de la surface externe sont décrits dans la littérature. Différents termes correspondant à différentes situations cliniques ont été proposés, sachant que la perte de tissus a souvent une origine multi-factorielle (Tableau 1)

TERMINOLOGIE CAUSE DE LA PERTE DE TISSUS Abrasion Processus mécanique impliquant des substances ou objets

exogènes Démastication Interaction mécanique entre le bol alimentaire et les dents

Attrition Processus mécanique impliquant les contacts dento-dentaires Abfraction Liée à la concentration de contraintes occlusales au niveau de la

JAC provoquant des microfissures dentinaires Erosion Mordançage et dissolution chimiques

Résorption Dégradation biologique II- EROSION On pense que l'érosion dentaire est provoquée par la déminéralisation de la matrice inorganique de la dent. Au niveau de la dentine, l’érosion acide affecte d’abord la surface de la dentine intertubulaire avec une décalcification de la dentine péritubulaire limitée à l’ouverture des canalicules. La déminéralisation peut aussi se poursuivre latéralement à l’intérieur des canalicules ouverts. La déminéralisation de subsurface n’excède jamais 100 µm, c’est à dire beaucoup moins que celle observée au cours d’une lésion carieuse. Les lésions érosives sont souvent douloureuses. Dans certains cas, l’absence de douleur, ou l’aspect vernissé des lésions, peuvent être dus à la formation d’une couche de dentine sclérotique et à la fermeture des orifices des canalicules. L’alimentation joue un rôle déterminant dans le développement et la configuration des lésions érosives. Les patients qui adoptent un régime végétarien ont un taux de prévalence des érosions cervicales de 33,1 %, les lésions étant plus sévères chez les patients âgés. L’acidité des aliments est associée à l’apparition de ces lésions : vinaigre, agrumes. Les bonbons acidulés possèdent un pouvoir de dissolution sur l’émail de 4 à 27 fois plus élevé que celui du chocolat. Le rôle de la salive ainsi que celui supposé du fluide gingival ne sont pas clairement établis à ce jour, même si on les suspecte d’intervenir. Les patients asthmatiques sont particulièrement vulnérables de par leurs médicaments : réduction de la protection salivaire, reflux gastro-oesophagien pour 60 % des asthmatiques (Sivasithamparam, 2002).

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Nomenclature et classification des lésions érosives 1. Classification basée sur l’étiologie En fonction de l’origine de la production d’acides génératrice d’érosion, on parlera d’érosion extrinsèque, intrinsèque ou idiopathique. L’érosion extrinsèque est le résultat d’acides exogènes : environnement acide, eau des piscines, certains médicaments, fruits, sodas, vins, Vitamines (dont C),… L’érosion intrinsèque est provoquée par des régurgitations d’acide gastrique : vomissements, régurgitations, reflux. On retrouvera dans cette catégorie des patients sujets à l’anorexie, la boulimie, l’alcoolisme. Mais d’autres pathologies sont à explorer : dysfonction gastrique, hernie hiatale, ulcère du duodénum,… L’érosion idiopathique est provoquée par des acides dont on ne connaît pas l’origine. 2. Classification basée sur la sévérité de la lésion Cette classification est basée sur un examen visuel des lésions et sur l’attribution de notes en fonction de l’étendue de la lésion (Eccles, 1979).

CLASSE ETENDUE DE LA LESION Classe I Lésion superficielle n’impliquant que l ‘émail. Classe II Lésion localisée dont moins d’un tiers de la surface concerne la dentine Classe III Lésion étendue dont plus du tiers de la surface est dentinaire. 3. Classification basée sur l’activité pathogénique Elle a été proposée par Mannerberg (1960 et 61) qui distingue les érosions « manifestes », c’est à dire actives, et les érosions « latentes » ou inactives (voir tableau 3). 4. Terminologie basée sur la localisation Les régurgitations chroniques sont à l’origine d’une distribution particulière des érosions sur chaque dent et chaque arcade : on parle alors de périmolyse ou de périmylolyse. En fonction du chemin emprunté par l’acide de régurgitation sur le dos de la langue, le long des surfaces linguales des dents maxillaires et sur les surfaces occlusales des dents mandibulaires, la périmolyse affecte différemment le maxillaire et la mandibule. Au niveau des dents maxillaires, seules les surfaces linguales et occlusales sont atteintes, les surfaces vestibulaires étant protégées par la salive parotidienne. A la mandibule, les érosions concernent les faces vestibulaires et occlusales des prémolaires et molaires, les faces linguales étant protégées par la langue et par la salive sous maxillaire et sublinguale. On observera souvent des obturations intactes surplombant les limites dentinaires. 5. Classification basée sur la localisation et la sévérité de la lésion (Lussi et al., 1996)

• Surfaces vestibulaires Grade 0 : Aucune érosion. La surface présente un aspect soyeux sans striation de l’émail. Grade 1 : Perte d’émail en surface. De l’émail sain est observé cervicalement. Concavité de l’émail dont la largeur est supérieure à la profondeur. Pas d’implication dentinaire.

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Grade 2 : Implication dentinaire inférieure à la moitié de la surface dentaire Grade 3 : Implication dentinaire supérieure à la moitié de la surface dentaire

• Surfaces linguales et occlusales Grade 0 : Aucune érosion. La surface présente un aspect soyeux sans striation de l’émail. Grade 1 : Légère érosion, cuspide arrondies, restaurations en surplomb, stries sur les faces occlusales. Perte d’émail en surface. La dentine n’est pas impliquée. Grade 2 : Erosion sévère, aggravation de tous les signes du grade 1. Dentine impliquée. Tableau 3 : Récapitulation des nomenclatures

SOURCE NOMENCLA-TURE

ETIOLOGIE CORRELATION CLINIQUE

Origine de l’acide - Extrinsèque - Intrinsèque - Idiopathique

Alimentation, médication, Piscine, environnement Désordres digestifs et alimentaires, grossesse, alcool Inconnue

Classe I à III, surtout L et O Classe I à III, surtout avec périmolyse Classe I à III

Sévérité clinique Classe I Classe II Classe III

Toutes possibles Toutes possibles Toutes possibles

Email seulement <1/3 de la lésion est dentinaire >1/3 de la lésion est dentinaire

Activité pathogénique « Manifeste » « Latente »

Toutes possibles Toutes possibles

Progression active ; Fine bordure d’émail ; Perte de l’aspect vernissé Inactive et arrêtée ; Epaisse bordure d’émail, aspect vernissé.

Localisation Périmolyse/ Périmylolyse

Intrinsèque Maxillaire : faces L et O surtout Mandibule : Faces V et O des PM et Mol.

PREVALENCE Prévalence des pertes de substance d’origine non carieuse en fonction de l’âge du patient. ETUDE JEUNE ADULTE AGE Kitchin, 1941 42 %

(20-29 ans) 42 % (30-39 ans)

76 % (50-59 ans)

Ervin et Bucher, 1944 45 % (20-29 ans)

68 % (30-39 ans)

83 % (40-49 ans)

Zipkin et Mc Clure, 1949

21 % (27-29 ans)

32 % (>40 ans)

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Sangnes et Gjermo, 1976

32 % (18-29 ans)

50 % (>30 ans)

Bergström et Lavstedt, 1979

16 % (18-25 ans)

38 % (26-35 ans) 41 % (36-45 ans)

40 % (46-55 ans) 41 % (56-65 ans)

Bergström et Eliasson, 1988

67 % (21-30 ans)

90 % 31-60 ans)

On s’aperçoit donc à la lecture de ce tableau que les résultats obtenus varient en fonction de l’échantillonnage choisi et de l’âge du patient. La prévalence et la sévérité des lésions augmentent avec l’âge du patient. III- ABRASION Ces lésions sont provoquées par des forces mécaniques. Le brossage traumatique des dents est souvent évoqué en ce qui concerne les lésions cervicales. Ces lésions sont en général exemptes de plaque et non colorées. La forme de ces lésions est assez variable : en « C » ou en « V ». Indices d’usure abrasive (Lussi et al., 1993) Surfaces vestibulaires

- Grade 0 : Aucune lésion en encoche ou cunéiforme. La surface présente un aspect lisse, absence possible des périkymaties.

- Grade 1 : Lésion en encoche ou cunéiforme de moins d’un mm de profondeur : usure de brossage modéré.

- Grade 2 : Lésion en encoche ou cunéiforme de plus d’un mm de profondeur : usure de brossage sévère.

Incidence du brossage des dents. Fréquence Les patients qui se brossent les dents au moins deux fois par jour présentent un taux d’abrasion dentaire significativement supérieur aux autres. Ces brossages fréquents pourraient annihiler la reminéralisation in vivo. Durée Un brossage supérieur à 1 ou 3 minutes augmente la fréquence des lésions. Méthode Une technique de brossage verticale ou en rouleau est préférable à une technique horizontale. Un patient droitier aura tendance à plus abraser le côté gauche de ses arcades, et vice versa. La force déployée pendant le brossage, les brins de la brosse peuvent aussi influencer le développement de ces lésions. Aucune différence entre les hommes et les femmes n’a été clairement établie. Incidence du dentifrice

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Des études menées au début du siècle ont montré que des dentifrices abrasifs étaient susceptibles de provoquer des abrasions cervicales (Miller, 1907). Il semble qu’à l’heure actuelle, le degré d’abrasion des dentifrices soit insuffisant pour favoriser la progression des lésions. Quoi qu’il en soit, le degré d’abrasion engendré par un dentifrice donné varie en fonction de la force appliquée, de l’individu,... L’étiologie de ces lésions est donc multifactorielle.

LOCALISATION Toutes les dents peuvent être touchées par ces lésions cervicales, avec une nette prédominance des prémolaires. Les dents maxillaires sont plus touchées que les dents mandibulaires. IV- ABFRACTION (Grippo, 1991) Ce phénomène est lié à la concentration de contraintes occlusales au niveau de la jonction amélocémentaire , ce qui provoquerait des microfissures dans la dentine sous-jacente. Cette étiologie permettrait d’expliquer la présence de lésions isolées, mais cette théorie reste controversée. Les forces occlusales étant appliquées sur une surface plus que sur un point, la forme de la lésion dépendra de l’angle de la force avec chaque point de la surface. D’autres théories ont été émises au sujet de l’apparition de ces lésions : théorie piézo-électrique. V- ASPECT CLINIQUE DES LESIONS Les composantes érosives et abrasives sont étroitement liées dans l’aspect et le développement de ces lésions. On pourra parler de lésion cervicale d’usure (Kaleka et al., 2001) qui s’inscrivent dans un processus de friction (tribologique) en milieu buccal, comportant des paramètres physiques et chimiques.

Tribo-érosion

Attrition Abrasion

Usure dentaire

V-1 : Les lésions occlusales On observe principalement des lésions cunéiformes dans lesquelles l’aspect de la face occlusale des molaires est globalement concave. La dentine apparaît à nu et en cuvette, et

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seules subsistent quelques bandes d’émail. Ce type de lésion se retrouve surtout chez des patients soumis à un environnement acide, ce qui diminue la résistance à l’usure de l’émail. V-2 : Les lésions cervicales L’origine de ces lésions est multifactorielle, toutes les terminologies, exceptée la résorption, pouvant intervenir.

• Les lésions initiales sont délicates à objectiver en clinique. Le signe annonciateur le plus probant sera la présence d’une altération de la morphologie gingivale (fissures de Stillmann, bourrelets de Mac Call).

• Les lésions établies seront classées en trois catégories : o Les lésions en cuvette (« saucer shaped ») sont plus larges que profondes avec

des bords mal délimités. Leur étiologie est principalement tribo-érosive. L’aspect superficiel de ces lésions est satiné.

o Les lésions en encoche (« wedge shaped ») sont initiées par une focalisation du brossage à la jonction amélo-cémentaire. Ces lésions sont plus profondes que larges avec un fond dur et poli, et des bords abrupts. Leur répartition dépend en grande partie de la latéralisation manuelle du patient.

o Les lésions atypiques ne rentrent dans aucune des catégories citées ci-dessus et sont l’expression de l’origine multifactorielle de ces lésions. La position du rebord gingival ainsi que les dénudations radiculaires associées déterminent la forme atypique de ces lésions.

VI- LES RESORPTIONS La résorption cervicale invasive est un forme insidieuse et destructive de résorption radiculaire externe. Elle est caractérisée par la colonisation de la région cervicale de la racine par un tissu fibrovasculaire dérivé du ligament desmodontal. Ce processus pathologique résorbe progressivement le cément, l’émail et la dentine jusqu’à éventuellement impliquer la pulpe. L’étiologie de ces lésions est inconnue, et plusieurs facteurs prédisposants ont été suggérés : - Traumatismes - Blanchiment intracoronaire - Chirurgie - Traitement orthodontique - Surfaçage radiculaire - Bruxisme - Eruption retardée - Anomalies du développement - Autres facteurs potentiels - Obturations intracoronaires Le degré de résorption est évalué à l’aide de la classification suivante : - Classe 1 : petite invasion avec une extension étroite au niveau dentinaire. - Classe 2 : Lésion bien délimitée qui s’étend en direction pulpaire mais sans extension radiculaire. - Classe 3 : Invasion plus profonde qui intéresse à la fois la dentine coronaire et le premier tiers coronaire de la dentine radiculaire. - Classe 4 : Lésion extensive qui s’étend au delà du premiers tiers radiculaire.

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D’après une étude de Heithersay (1999), il existerait une forte association entre les résorptions cervicales invasives et les traitements orthodontiques, les traumatismes ou le blanchiment intracoronaire, seuls ou en association. Mais de nombreuses incertitudes demeurent quant à l’étiologie de ces lésions. VII- TRAITEMENTS La décision de traiter une lésion cervicale non carieuse sera basée sur une réflexion portant sur l’étiologie et l’évolution de la lésion. La première mesure à adopter est de changer les habitudes alimentaires ou le comportement du patient s’il apparaît que cette étiologie est déterminante (ou de l’adresser à un médecin pour prise en charge de certaines pathologies) Pour Hand et al., le traitement serait nécessaire pour les situations suivantes : Intégrité de la dent menacée Hyperesthésie dentinaire Perte de substance inacceptable esthétiquement Probable exposition pulpaire Interférence avec une prothèse amovible partielle.

VII-1 L’HYPERESTHESIE DENTINAIRE

FACTEURS ETIOLOGIQUES STIMULI DECLENCHANTS FACTEURS FAVORISANTS

Le brossage Les récessions gingivales Les acides, les mets sucrés ou épicés Le brossage traumatisant Le chaud, le froid L’alimentation Les composants de la plaque La maladie parodontale

LES TRAITEMENTS TRAITEMENTS CHIMIQUES TRAITEMENTS PHYSIQUES

Agents de scellement des canalicules : Chlorure de strontium Dérivés fluorés Oxalates de potassium

Agents isolants : vernis adhésifs dentinaires résines composites CVI

Agents désensibilisants nitrate de potassium

Scellement des canalicules par Laser

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HIERARCHISATION DES TRAITEMENTS

I: Traitement étiologique II: Traitement de première intention (auto-application de gel dentaire) III : Traitement de deuxième intention (application, au cabinet dentaire, d’oxalate de potassium ou de dérivés fluorurés) IV: Traitement de troisième intention (scellement des canalicules dentinaires par des biomatériaux adhésifs)

VII-2 LES LESIONS NON CARIEUSES Le traitement des lésions non carieuses comprend une phase préventive et une phase curative.

Phase préventive La phase préventive va surtout concerner le patient en lui-même, à savoir la modification de ses habitudes alimentaires ou de certains de ses comportements néfastes (régurgitations, brossage inadapté,…). L’équilibration occlusale (et/ou la confection d’une gouttière occlusale) doit être réalisée en cas de cofacteur d’abfraction.

Phase curative Désensibilisation Application locale de vernis copal, d’oxalate de potassium ou d’autres produits désensibilisants qui procurent une rémission temporaire de la douleur. Fluorures Applications multiples avec ionophorèse au fauteuil.

Dentifrices La diffusion de certains minéraux à partir d’un dentifrice peut provoquer la fermeture des canalicules ouverts à la surface dentinaire. Cependant un délai de 1 à 3 mois est souvent nécessaire avant d’observer des résultats. En présence d’acides, la balance est facilement inversée et la sensibilité réapparaît.

Adhésifs dentinaires La surface dentinaire est conditionnée, puis recouverte d’un promoteur d’adhésion et d’une résine adhésive semi-chargée de basse viscosité. Ce traitement crée un revêtement résistant avec la création de digitations de résine intratubulaires de plusieurs centaines de microns de longueur. Certains CVI fluides photopolymérisables peuvent aussi être utilisés.

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Traitements restaurateurs Le traitement restaurateur est envisagé lorsque la perte de substance rend nécessaire son comblement. L’obturation de ces lésions est restée problématique pendant de nombreuses années car la préparation de cavités conventionnelles engendrait une perte de tissus très importante. Les recherches se sont donc orientées vers le développement de matériaux adhésifs dont l’adaptation intime avec les tissus dentaires permettrait une absence d’infiltrations marginales, elles-mêmes à l’origine d’hypersensibilité post-opératoire, de colorations et de caries récurrentes.

• LES CVI Les ciments verres ionomères possèdent un pouvoir d’adhésion intrinsèque aux tissus dentaires d’environ 4 Mpa. La cavité ne demande pas de préparation particulière : nettoyage avec de la ponce et de l’eau sur une brossette montée sur contre angle ou par micro-sableuse. Un prétraitement des surfaces à l’acide polyacrylique à 25 % pendant 10 secondes est recommandé. Après rinçage et séchage modéré, le ciment est injecté dans la cavité légèrement en excès. Une légère compression à l’aide d’une matrice cervicale en haricot badigeonnée avec un isolant diminue les porosités. La réaction de prise est soit conventionnelle, soit photopolymérisable. Les excès sont ensuite éliminés à l’aide d’une fraise grain fin, disques abrasifs puis polissage à la cupule. Un vernis de surface permet d’isoler le ciment de l’humidité salivaire. Ces ciments ont l’inconvénient de présenter une rugosité de surface. En revanche, leur bon coefficient de dilatation thermique leur procure une étanchéité satisfaisante. Le taux de rétention des obturations à 3 ans est compris entre 90 et 100 % suivant les études. En raison de leur libération de fluorures, ils sont indiqués chez les patients cariosusceptibles. L’adhésion s’opérant principalement avec la phase minérale de la dent, ils sont préconisés sur des lésions très minéralisées en surface.

• Les compomères Ce sont des matériaux d’apparition plus récente. On les nomme aussi composites modifiés par adjonction de polyacides. Ces matériaux ne possèdent pas de pouvoir d’adhésion spontanée aux tissus dentaires : l’interposition d’un adhésif est donc nécessaire. La cavité ne demande pas de préparation particulière : nettoyage avec de la ponce et de l’eau sur une brossette montée sur contre angle. Isolation – Application du système adhésif en deux couches successivement photopolymérisées- Application du compomère par couches successivement photopolymérisées. Finition. Les compomères ont connu un vif succès lors de leur commercialisation en raison de la simplicité de leur mise en œuvre. Un choix de teintes identique à celui des composites est proposé. En revanche, les études cliniques ont montré une dégradation de surface du matériau, des infiltrations marginales et une libération de fluorures inférieure à celle décrite pour les CVI.

• Les composites avec adhésifs amélo-dentinaires Ces matériaux se caractérisent par un résultat esthétique flatteur. Cependant, ce facteur ne doit pas être le seul à être pris en compte lors de l’obturation des lésions cervicales. En effet, le module d’élasticité et la rigidité du matériau sont déterminants pour la pérennité de

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l’obturation. En cas de stress occlusal sur une dent, les forces masticatoires sont transmises au niveau cervical. La résultante des forces est soit compressive, soit de traction. Un composite à faible module d’élasticité est recommandé. Ainsi, l’énergie transmise sera absorbée par le composite, et non pas transmise à l’interface dentine-obturation. Un composite microchargé sera donc préféré afin de moins solliciter le joint collé. L’aspect de la dentine exposée par ces lésions non carieuses est très variable, allant d’une dentine hypersensible avec des canalicules ouverts jusqu’à une dentine insensible aux canalicules fermés. Plus la dentine est sclérotique ou colorée, moins les ouvertures canaliculaires sont apparentes. Et plus la dentine est sclérotique, moins les conditionneurs sont actifs. Le volume de la dentine péritubulaire augmente et les lumières canaliculaires sont obturées. Face à une dentine sclérotique, un conditionnement acide plus agressif ou appliqué plus longtemps sera recommandé, la zone profonde de dentine sclérotique servant de barrière à la diffusion de l’acide vers la pulpe. La diffusion des digitations (« tags ») est contrariée par une dentine sclérotique. Des coupes observées en microscopie électronique montrent une absence de pénétration intracanaliculaire des digitations de résine. En outre, quelques éléments minéraux font saillie dans la couche de résine adhésive. La formation de la couche hybride, à l’origine des excellentes performances des systèmes adhésifs actuels, est imparfaite sur une dentine sclérotique. En effet, la dentine intertubulaire est hyperminéralisée et les lésions sclérotiques peuvent avoir une surface sans collagène. Ces défauts sont aussi observés sur une dentine âgée. ETAPES DU COLLAGE

CONDITIONNEMENT, PROMOTEUR D’ADHESION , ADHESIF Ou ADHESIF AUTO MORDANCANT Les adhésifs auto-mordançants récemment mis sur le marché peuvent constituer une alternative intéressante pour ces lésions malgré une étanchéité sur l’émail qui reste à prouver. Ils s’appliquent sans mordançage préalable et sans rinçage tout en créant une couche hybride : utile en cas d’hypersensibilité dentinaire.

RESINE COMPOSITE La contraction de prise est un phénomène qui doit impérativement être compensé lors de la mise en œuvre des composites. Le composite doit être déposé par couches d’épaisseur inférieure à 2 mm et être illuminées pendant au moins 40 secondes, et ce d’autant plus que les teintes choisies au niveau cervical sont sombres et saturées. La première couche sera uniquement dentinaire.

LA TECHNIQUE SANDWICH Elle consiste à interposer une base intermédiaire en CVI. Elle s’adresse à des lésions volumineuses. Il semblerait selon certaines études que la rétention et l’étanchéité soient améliorées. Ceci serait du à l’amortissement des contraintes fourni par le CVI et aux liaisons entre le CVI et les ions calcium abondants à la surface de la dentine sclérotique.

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• LES FACETTES CERAMIQUES En cas de délabrement vestibulaire important, l’indication de la facette peut être posée. Sa pérennité repose sur l’indication clinique et le collage. Ses avantages sont l’esthétique et la durabilité. En revanche, son coût est important et elle nécessite une mutilation tissulaire pour ménager l’espace nécessaire à la céramique.

• PROTHESE FIXEE Lorsque les érosions ou les périmylolyses intéressent la face occlusale des secteurs cuspidés, une reconstitution par couronnes ou onlays peut être indiquée afin de rétablir morphologie et dimension verticale. Une attention toute particulière sera portée à l’arcade antagoniste afin que les reconstitutions n’aggravent pas ou ne provoquent pas d’attrition occlusale à leur niveau. TRAITEMENTS CHIRURGICAUX Le traitement chirurgical sera indiqué pour restaurer une harmonie gingivale du sourire ou en cas d’hypersensibilité dentinaire par des techniques de recouvrement (lambeau vestibulaire déplacé coronairement). Voir cours de paro. VIII- LES FACTEURS DE RISQUES Les facteurs relatifs à l’environnement buccal , autres que ceux liés au matériau ou à la technique, contribuent significativement à la pérennité de nos obturations des lésions non carieuses. On retiendra : la nature du substrat dentinaire, la forme et la profondeur de la lésion, l’arcade (mandibulaire ou maxillaire), la position de la dent, l’hygiène, l’occlusion, contacts prématurés, travaillants ou non travaillants, mobilité de la dent, facteurs salivaires, alimentation, âge du patient, entre autres. L’étiologie de ces lésions est multifactorielle, principalement composée d’une triade d’abrasion, érosion et abfraction, avec un facteur dominant et les autres contributifs. Quoi qu’il en soit, une équilibration occlusale est souvent indiquée avant tout traitement restaurateur, si l’on veut obtenir de bons résultats à long terme. Ces lésions non carieuses sont fréquentes chez les personnes âgées. Les microfractures ainsi que qu’une épaisseur d’émail réduite sont des facteurs défavorables. En revanche, la mobilité éventuelle de la dent amortit les contraintes au niveau cervical. IX- NATURE DU SUBSTRAT DENTINAIRE La dentine observée à la surface des lésions non carieuses n’est pas une dentine primaire « idéale » et peut varier considérablement. La première différence est l’absence de boue dentinaire en raison de l’absence de fraisage, ces cavités ne demandant en général pas de préparation particulière avant obturation. En outre, cette dentine a été exposée à l’environnement buccal pendant plusieurs années, engendrant un processus de maturation d’origines diverses. Plus cette dentine est sclérotique, plus son conditionnement est délicat et plus le risque d’échec est grand. Les systèmes adhésifs actuels qui proposent le mordançage amélo-dentinaire total semblent offrir une solution fiable pour ces traitements.

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X- BIBLIOGRAPHIE Hyperesthésie dentinaire : Perspectives thérapeutiques LAFONT J., PELISSIER B. et LASFARGUES J.J. Information Dentaire, N° 11, pp 801-814, 1998. Restorative therapy for erosive lesions LAMBRECHTS P., VAN MEERBEEK B., PERDIGAO J., BRAEM M., VANHERLE G. Eur J Oral Sci, 1996 ; 104 : 229-240. Les lésions cervicales d’usure R. KALEKA et al. Réalités Cliniques, vol. 12(4), Décembre 2001.

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LES LESIONS NON CARIEUSES

TERMINOLOGIE CAUSE DE LA PERTE DE TISSUS Abrasion Processus mécanique impliquant des substances ou

objets exogènes Démastication Interaction mécanique entre le bol alimentaire et les

dents Attrition Processus mécanique impliquant les contacts dento-

dentaires Abfraction Liée à la concentration de contraintes occlusales au

niveau de la JAC provoquant des microfissures dentinaires

Erosion Mordançage et dissolution chimiques Résorption Dégradation biologique