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OCE/F & F/PARIS DESCARTES/2008/EB 1 D.C.E.O. 2 Odontologie Conservatrice et Endodontie LES FELURES ET FRACTURES (Dr E. BONTE) Les traumatismes dentaires constituent une entité qui regroupe plusieurs affections d'ordre accidentel: les fêlures et les fractures, les contusions ou ébranlements, les subluxations et luxations. Ces lésions appellent un traitement d'urgence immédiat, au cours duquel le stress du patient doit être réduit grâce aux 1ers gestes appropriés, qui conditionnent le pronostic et le devenir de la dent. L'importance d'un diagnostic immédiat précis est capitale. Face à un traumatisme alvéolo-dentaire, l’interrogatoire du patient, de l'entourage, devra déterminer si le sujet a perdu connaissance. Dans l'affirmative, un bilan céphalique clinique et radiologique devra être réalisé et le traumatisme crânio-facial éventuel pris en charge avant toute considération strictement bucco-dentaire. I- ETIOLOGIES Accidentelles Iatrogènes Facteurs favorisants Accidents de la voie publique Rixe Tentatives d'autolyse Accident du travail Pratique sportive Chute Troubles occlusaux Au décours d'une intubation d'AG Extractions difficiles Tenons radiculaires ou dentinaires Epilepsie Promaxillie ou proalvéolie supérieure Dentinogénèse imparfaite Parodontolyse avancée Abfraction II- FORMES CLINIQUES L'OMS a défini une classification des lésions alvéolo-dentaires : - Lésions des tissus dentaires durs et de la pulpe § Fêlure coronaire (émail sans perte de substance) § Fracture coronaire non compliquée (émail, ou émail et dentine sans exposition pulpaire) § Fracture coronaire compliquée (émail, dentine et pulpe) § Fracture corono-radiculaire non compliquée (émail, dentine et cément, sans exposition pulpaire) § Fracture corono-radiculaire compliquée ( émail, dentine, cément et pulpe) § Fracture radiculaire (cément, dentine et pulpe). - Lésions des tissus parodontaux

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D.C.E.O. 2

Odontologie Conservatrice et Endodontie LES FELURES ET FRACTURES

(Dr E. BONTE) Les traumatismes dentaires constituent une entité qui regroupe plusieurs affections d'ordre accidentel: les fêlures et les fractures, les contusions ou ébranlements, les subluxations et luxations. Ces lésions appellent un traitement d'urgence immédiat, au cours duquel le stress du patient doit être réduit grâce aux 1ers gestes appropriés, qui conditionnent le pronostic et le devenir de la dent. L'importance d'un diagnostic immédiat précis est capitale. Face à un traumatisme alvéolo-dentaire, l’interrogatoire du patient, de l'entourage, devra déterminer si le sujet a perdu connaissance. Dans l'affirmative, un bilan céphalique clinique et radiologique devra être réalisé et le traumatisme crânio-facial éventuel pris en charge avant toute considération strictement bucco-dentaire. I- ETIOLOGIES

Accidentelles

Iatrogènes

Facteurs favorisants

Accidents de la voie publique Rixe

Tentatives d'autolyse Accident du travail Pratique sportive

Chute Troubles occlusaux

Au décours d'une intubation d'AG

Extractions difficiles Tenons radiculaires ou

dentinaires

Epilepsie Promaxillie ou proalvéolie

supérieure Dentinogénèse imparfaite Parodontolyse avancée

Abfraction

II- FORMES CLINIQUES L'OMS a défini une classification des lésions alvéolo-dentaires : - Lésions des tissus dentaires durs et de la pulpe § Fêlure coronaire (émail sans perte de substance) § Fracture coronaire non compliquée (émail, ou émail et dentine sans exposition pulpaire) § Fracture coronaire compliquée (émail, dentine et pulpe) § Fracture corono-radiculaire non compliquée (émail, dentine et cément, sans exposition pulpaire) § Fracture corono-radiculaire compliquée ( émail, dentine, cément et pulpe) § Fracture radiculaire (cément, dentine et pulpe). - Lésions des tissus parodontaux

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§ Ebranlement (ni mobilité, ni déplacement, percussion positive) § Subluxation (mobilité anormale, sans déplacement) § Luxation avec intrusion (déplacement, comminution et fracture alvéolaire) § Luxation avec extrusion (déplacement partiel) § Luxation latérale (déplacement non axial, comminution et fracture alvéolaire) § Avulsion (expulsion totale) - Lésion de l'os de soutien § Comminution de l'alvéole § Fracture d'une paroi § Fracture du procès alvéolaire § Fracture des maxillaires - Lésion de la gencive ou de la muqueuse buccale § Déchirure (objet pointu) § Contusion (objet mousse) § Abrasion (frottement). * Classification de Vanek, à but clinique, anatomique et thérapeutique, avec une forme globale et détaillée - Classe 1: fêlures coronaires - Classe 2: fracture coronaire sans exposition pulpaire - Classe 3: fracture coronaire avec exposition pulpaire - Classe 4: fracture coronaire complète - Classe 5: fracture corono-radiculaire oblique (division 1 et 2, dents antérieures et postérieures) - Classe 6: fracture radiculaire: tiers apical, moyen, coronaire, dents antérieures après 10 ans, apex mature ou presque) - Classe 7: luxations division 1: ébranlement sans déplacement division 2: subluxation, mobilité sans déplacement division 3: intrusion division 4: extrusion division 5: latérale - Classe 8: Avulsion: expulsion hors de l'alvéole. III - Conduite et finalité de l'examen d'un patient traumatisé Lorsque le patient se présente pour un traumatisme en urgence, il est anxieux et la région orale est généralement blessée et souillée. 1- Rassurer, mettre en confiance. Nettoyer superficiellement la face pour pratiquer l'examen. 2- Interroger le patient pour obtenir des données précises sur les conditions du traumatisme: * comment l'accident est arrivé: notion d'impact? * où l'accident est arrivé: implications médico-légales? * quand l'accident est arrivé: délais?

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* le patient a-t-il perdu connaissance longtemps, existe-t-il des troubles amnésiques, vomissements, nausées qui entraîneraient une prise en charge médicale? * l'occlusion est elle perturbée? (luxation, fracture ATM) * a-t-il déjà subi un traumatisme dans la région? (explication radio) * la dent réagit-elle au chaud et au froid? (exposition dentinaire) * antécédents médicaux 3- Pratiquer l'examen clinique: * Examen des tissus mous: nature des lésions, corps étrangers * Examen des tissus durs: fractures coronaires, exposition dentinaire... * Tests de mobilité par dent et groupe de dents * Tests de percussion axiale: lésion desmodontale * Tests de percussion latérale: intrusion, luxation, ankylose * Tests électrocinétique pulpaire: seuil de réponse. 4- Pratiquer l'examen radiographique: * radiographie occlusale (mordu) de la région antérieure, si nécessaire * rétroalvéolaire: plusieurs incidences. *panoramique dentaire (examen des ATM). 5- Poser un diagnostic final et déterminer le plan de traitement * soins immédiats: suture des parties molles, repositionnement dentaire, contention, lavage des blessures, prescription * soins différés: suivi opératoire, endodontie, chirurgie, orthodontie, restauratrice. IV - Les fractures coronaires Les fractures coronaires constituent le traumatisme le plus fréquent en dentition permanente. L'exposition ou non de la pulpe est le fruit du hasard. En général, la fracture coronaire est due à un choc frontal. Le trait de fracture peut passer par l'émail, l'émail et la dentine, ou l'émail, la dentine, et la pulpe selon la violence et la direction de l'impact. Le devenir de la pulpe en cas de fracture coronaire dépendra: * de l'existence ou non d'une luxation concomitante de la dent, * de l'état de maturité radiculaire * de l'exposition ou non de la pulpe et de l'intervalle de temps écoulé après exposition. La pénétration bactérienne dans la pulpe directement en cas d'exposition, ou indirectement par la dentine exposée est la première source de complication pulpaire des fractures coronaires. - Si la dentine est exposée, et non protégée: plaque ⇒ canalicules dentinaires ⇒ pulpe. - Si la pulpe est exposée: inflammation aiguë localisée, qui peut rester confinée à ce stade pendant plusieurs jours. Mais risque de nécrose par ischémie ou autolyse de la pulpe, si luxation associée.

Traitement des fractures coronaires:

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1- Fractures de l'émail: Meulage sélectif de la zone fracturée, avec harmonisation de la forme de la dent adjacente pour rétablir la symétrie. Collage de composite après mordançage. 2- Fractures amélo-dentinaires: Requiert une restauration systématiquement pour sceller les canalicules dentinaires exposés et rétablir esthétique et fonction. La restauration peut faire appel: - à une restauration collée par composite - à un réattachement du fragment coronaire par collage - à une restauration céramique partielle ou totale de la couronne (différée). Plusieurs facteurs peuvent influencer le choix d'une restauration définitive ou temporaire, mais en toutes circonstances, la denture doit être protégée. Une restauration temporaire est préférée quand la pulpe est impliquée, quand il y a eu luxation associée, en cas de manque de coopération du patient. La protection de la denture peut être réalisée par un hydroxyde de calcium, un CVI, un adhésif dentinaire, mais non par un eugénate, qui bien que donnant un scellement antibactérien, n'est pas recommandé car interfère avec la polymérisation. * Restauration par composite: Chanfrein amélaire, digue puis : - soit CaOH2 et/ou CVI, mordançage de l'émail, collage amélo-dentinaire, composite photopolymérisable. - soit collage amélodentinaire direct avec un système adhésif de dernière génération. * Réattachement d'un fragment coronaire: Possible si le fragment est unique: restitution des conditions anatomophysiologiques idéales pour la pulpe. si la fracture n'est pas compliquée (pulpe et ligament non atteint), collage immédiat du fragment si la fracture est compliquée (ou non compliquée mais profonde) : collage immédiat du fragment avec adhésif mono-composant, contention. Surveillance à trois mois : tests vitalité, examen radiographique. 3- Complications des fractures coronaires: considérations pulpaires: Le traitement des fractures coronaires avec exposition pulpaire dépend de la possibilité de maintenir la santé pulpaire ou de guérir, ou du souhait de maintenir cette vitalité pulpaire. * En cas de fracture profonde sur une dent mature, la pulpectomie est indiquée pour permettre une restauration avec ancrage radiculaire. * S'il est préférable de conserver la pulpe (individu jeune), 2 conditions sont nécessaires: absence d'inflammation pulpaire avant le traumatisme absence de lésions associées du LPD, afin d'avoir une vascularisation supplétive de la pulpe après le traumatisme. * 2 options de traitement existent: le coiffage pulpaire direct et la pulpotomie.

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Le coiffage pulpaire est plutôt indiqué quand la plaie pulpaire est de petite taille, qu'elle date de moins de 24h et qu'il est possible de placer directement une restauration étanche, capable d'empêcher la colonisation bactérienne. La pulpotomie est indiquée dans les autres cas: exposition pulpaire de plus de 24h, larges expositions, réduction de la vascularisation due à une luxation associée. La plaie pulpaire est coiffée par un hydroxyde de calcium, pur si un pont dentinaire est recherché, à prise rapide si un pont dentinaire n'est pas nécessaire. - Coiffage pulpaire: >isoler la pulpe exposée >recouvrir la pulpe par CaOH2 pur ou durcissant (Life®, Dycal®...) >restaurer définitivement immédiatement >ou restaurer temporairement, puis définitivement après 3 mois. - Pulpotomie: >isoler la pulpe exposée >amputer la pulpe sur 2 mm environ >si une restauration immédiate est décidée: CaOH2 >si une restauration définitive est envisagée après obtention d'une barrière calcifiée, CaOH2 pur + Dycal® + obturation temporaire et réintervention après 3 mois. 4- Suivi post-opératoire et pronostic: - Des complications pulpaires peuvent apparaître entre 1 à 2 mois et 1 an après le traumatisme, sous forme de nécrose à bas bruit. Les signes de nécrose sont (signes non pathognomoniques): * la perte de la sensibilité pulpaire * la discoloration des tissus coronaires * l'apparition d'images périradiculaires radioclaires. - Le pronostic général dépend en premier lieu de l'existence d'une lésion associée du LPD, et secondairement de l'extension de la dentine exposée et de l'âge de la pulpe exposée. Le taux de survie de la pulpe est décroissant selon l'atteinte parodontale (Andreasen 89). Sans lux Conc Sublux Ext Latlux Int Dent mature 96% 85% 50% 25% 25% 0% Dent immature 100% 95% 75% 55% 60% 0% V - Les fractures corono-radiculaires Les fractures corono-radiculaires posent des problèmes thérapeutiques difficiles du fait de la complexité de la lésion. Elles résultent le plus souvent d'un choc horizontal frontal sur la surface vestibulaire, le trait de fracture obliquant en direction de la crête gingivale palatine, en ce qui concerne les dents antérieures. Au niveau postérieur, le trait de fracture passera souvent par un sillon occlusal, avec mobilité d’une des cuspides. Elles peuvent impliquer ou non la pulpe, mais le plus souvent elles sont pénétrantes. Le diagnostic clinique est basé sur la mobilité du fragment coronaire, qui est à l'origine d'une douleur à la mastication La radiographie ne permet pas de préciser les limites de la fracture.

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En l'absence de traitement l'évolution se fait vers l'inflammation de la pulpe et du desmodonte, et par la colonisation du trait de fracture par la plaque.

Le traitement : Il existe 3 possibilités thérapeutiques pour les dents antérieures en fonction de l'extension de la fracture. 1- Elimination du fragment coronaire et restauration après plastie du rebord gingival. Ce traitement est indiqué lorsque la fracture est superficielle et que la pulpe n'est pas impliquée. Le traitement est effectué immédiatement: le fragment coronaire est enlevé, une gingivectomie palatine est réalisée; la face palatine est reconstituée par un collage de composite. Il se produit une cicatrisation parodontale avec un long épithélium jonctionnel. 2- Elimination du fragment coronaire associé à une gingivoplastie- ostéoplastie et une reconstitution corono-radiculaire après dépulpation. Indication: lorsque l'exposition du trait de fracture ne compromet pas le résultat esthétique (allongement de couronne clinique palatin et que la dent est reconstituable par un inlay-core de substitution. Traitement: le fragment est éliminé. L'allongement coronaire est réalisé (2 mm au-delà du trait de fracture). L'obturation canalaire peut être effectuée dans la séance de façon définitive ou provisoire (CaOH2). Une couronne provisoire à tenon est mise en place. Ultérieurement après cicatrisation parodontale l'empreinte du canal permet de réaliser le faux moignon, puis la couronne. 3- Elimination du fragment coronaire et extrusion de la racine: * soit par voie chirurgicale immédiate puis contention après avoir éliminé la pulpe et obturé au CaOH2 * soit orthodontiquement en 2 à 3 semaines, après le traitement d'urgence (élimination du fragment, obturation au CaOH2, restauration provisoire). Dans les 2 cas, le principe est de positionner le trait de fracture à un niveau supra-gingival, à condition que la longueur radiculaire le permette. VI - Les fractures radiculaires Les fractures radiculaires ne sont pas des lésions fréquentes, mais elles nécessitent un traitement complexe dû au fait que la lésion intéresse la pulpe, le ligament, la dentine et le cément. Elles résultent généralement d'un impact horizontal. Le trait de fracture est en général oblique lorsque la fracture intéresse le tiers apical ou moyen, et devient plus horizontal vers le tiers coronaire. L'impact frontal a tendance à provoquer l'extrusion du fragment coronaire, la pulpe étant plus ou moins étirée et déchirée en fonction de son élasticité. Plusieurs incidences radiographiques sont nécessaires pour évaluer la présence d'une ou plusieurs fractures, et leurs localisations. La possibilité de guérison spontanée dépend du degré de lésion de la pulpe et d'une invasion bactérienne du trait de fracture. * si la pulpe demeure intacte et en l'absence de septicité, un cal de dentine peut se former entre les 2 fragments avec une apposition cémentaire en périphérie. * si la pulpe est dilacérée, la vascularisation est rompue et il peut se produire une interposition de tissu conjonctif à partir du desmodonte, aboutissant à une guérison du type pseudoarthrose.

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* s'il y a invasion bactérienne du fait de la perte définitive de vascularisation du fragment coronaire, la guérison est impossible, un tissu de granulation s'interpose et la pulpe s'infecte. 1 - Le traitement: Il consiste à repositionner dans une position favorable le fragment coronaire déplacé avec les doigts; puis de réaliser une contention du fragment pendant une période de 3 mois afin de permettre une stabilité pendant la formation du cal. La contention se fait à l'aide de composite. Aucun traitement endodontique n'est entrepris immédiatement. 2 - Suivi post-opératoire: Les tests de vitalité et les contrôles radio sont effectués à 3 semaines, 6 semaines, 3 mois après le traumatisme. 2 situations peuvent se présenter: * La résorption intracanalaire au niveau du trait de fracture n'indique pas forcément que la dent se nécrose, mais qu'il s'agit d'un stade d'interposition de tissu conjonctif avant guérison. * L'apparition de résorption osseuse en regard du trait de fracture indique au contraire la nécrose du fragment coronaire. Il faut éliminer la pulpe nécrosée du fragment coronaire et obturer provisoirement à CaOH2. L'obturation définitive à la gutta n'est réalisée qu'après la formation d'un cal (6 mois à 1 an). * L'oblitération du canal peut se produire indiquant une guérison à partir de l'interposition de tissu conjonctif entre les fragments. 3 - Pronostic: Les 2 facteurs qui déterminent le pronostic sont: - le stade de développement radiculaire - l'importance du déplacement du fragment coronaire La nécrose de la pulpe n'est pas fréquente. Elle intervient approximativement dans 25% des cas: lorsque la dent est mature et en présence d'extrusion ou de luxation latérale du fragment coronaire (sur dent immature le taux de survie pulpaire est de 100% Andreasen). Une résorption progressive de la racine (résorption inflammatoire interne et externe, ou ankylose) est rare. La guérison par formation d'un cal minéralisé constitue une guérison optimum, mais la réparation par interposition de tissu conjonctif est acceptable. Finalement, la situation du trait de fracture n'est pas déterminante pour la guérison, car chez des patients où la santé parodontale et l'hygiène sont optimales, on peut guérir des fractures cervicales par simple contention interproximale après repositionnement. Les implications parodontales sont traitées ici plus sommairement en raison des cours déjà dispensés dans les autres disciplines. VII Les contusions On observe un syndrome de desmodontite avec douleurs à la percussion et en occlusion, aspect inflammatoire des tissus parodontaux et signe pulpaire lié à l’éventuelle sidération ou rupture

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du paquet vasculo-nerveux. Les signes radiologiques sont très frustres, on s’appliquera à écarter une fracture radiculaire associée. La vitalité pulpaire sera surveillée régulièrement et le traitement endodontique ne sera envisagé que si ces tests se révèlent négatifs après trois semaines. VIII Les luxations On distingue la luxation partielle et la luxation totale. La luxation partielle : En fonction de la direction du traumatisme causal, la dent pourra présenter une malposition dans les trois sens de l’espace : Version vestibulaire, palatine, mésiale ou distale Rotation Intrusion ou extrusion. La dent sera mobile et douloureuse, les tests de vitalité pulpaire négatifs. L’examen radiologique recherchera une fracture radiculaire ou alvéolaire associée. Le traitement consistera en une remise en place, en l’absence de fracture. La dent sera solidarisée aux dents voisines pour assurer sa stabilité primaire. A cet effet, on aura recours soit aux collages, soit aux ligatures, soit aux gouttières préformées qui permettent la contention simultanées de plusieurs dents et d’éventuelles fractures alvéolaires associées. Cette contention sera déposée dès que la stabilisation spontanée de la dent sera obtenue. En effet la remise en condition physiologique fonctionnelle rapide optimisera les chances de réparation ad integrum de l’organe luxé. Cependant, en cas de fracture alvéolaire associée, elle devra être maintenue de 4 à 6 semaines. Le traitement endodontique de première intention est à proscrire, une surveillance régulière est préférable, jusqu’à l’éventuelle apparition d’une nécrose pulpaire. La prescription d’antalgiques et de bains de bouche antiseptiques est de règle, éventuellement associée à une prescription antibiotique. La luxation totale Le diagnostic ne doit être posé qu’après examen clinique et radiologique minutieux, afin d’écarter le diagnostic de luxation partielle par intrusion totale, pouvant simuler de prime abord, la luxation totale. Les signes cliniques et radiologiques de fractures alvéolaires risquant de contre-indiquer la réimplantation seront recherchés, la fracture d’une paroi sur les quatre ne constituant pas une contre-indication. Avant tout traitement, il faudra s’assurer de la couverture antitétanique du patient si la dent a été souillée. La prescription d’antalgiques, d’antibiotiques et de bains de bouche antiseptique doit être systématique. Le pronostic et les modalités opératoires d’une dent réimplantée seront essentiellement fonction de la durée d’exposition extra-alvéolaire, du mode de conservation et, dans une moindre mesure, du degré de maturation de la dent. On peut considérer qu’une dent à apex largement ouvert, conservée au maximum deux heures en milieu humide, présente des conditions optimales pour une récupération ad integrum des structures endo-parodontales. Dans ce cas, la technique consistera, sous anesthésie locale, en un lavage de la plaie et de la dent à l’aide de sérum physiologique tiédi. Les débris du ligament alvéolo-dentaire seront soigneusement respectés. Après repositionnement éventuel du rempart alvéolaire, la dent sera repositionnée sous pression digitale. Une contention sera mise en place pour stabiliser la dent. En l’absence de fracture alvéolaire, celle-ci devra être la plus courte possible (une semaine environ) pour favoriser la cicatrisation endo-parodontale et réduire les risques d’ankylose. Les techniques collées sont particulièrement indiquées. Par contre, en cas d’association à des lésions osseuse étendues, une contention plus rigide (gouttière thermoformée) et de plus longue durée (quatre semaines ou plus) est indiquée. Une surveillance clinique et radiologique

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stricte sera appliquée afin de dépister une éventuelle nécrose pulpaire ou résorption radiculaire impliquant un traitement endodontique. Si la dent a été conservée plus d’une heure au sec ou dans un milieu non physiologique, la perte totale de toute vitalité cellulaire conduisant à l’ankylose est quasi systématique. Dans ce cas, la réimplantation est un traitement palliatif temporaire. Pour améliorer le durée de vie de la dent réimplantée, une technique spécifique est utilisée. Le traitement endodontique est réalisé d’emblée, puis la surface radiculaire est traitée par immersion dans une solution de fluorure de sodium. Après rinçage au sérum physiologique, la dent est remise en place et une contention rigide est maintenue 6 semaines. En cas de fracture alvéolaire irréductible, le traitement conservateur sera contre-indiqué. On réalisera un lavage et un parage soigneux de l’alvéole résiduel en s’efforçant d’être le plus conservateur possible vis à vis du tissu osseux. Après cicatrisation, on réalisera la réhabilitation prothétique définitive de l’organe perdu. IX LES TRAUMATISMES DES DENTS POSTERIEURES Les traumatismes au niveau des dents postérieures reprennent la classification de l’OMS précédemment décrite. 1- Les fissures Le syndrome de la dent fissurée est une pathologie fréquente et difficile à diagnostiquer. Les douleurs qui commencent par une sensation d’inconfort à la mastication sont déclenchées par des phénomènes hydrodynamiques au sein des canalicules dentinaires engendrés par les micro-mouvements des fragments. A ce stade, les signes radiologiques sont le plus souvent inexistants et l’identification de la dent causale est souvent problématique. Puis, lorsque la fissure atteint la dentine, un grand nombre de canalicules se trouvent ouverts à la colonisation bactérienne, ce qui peut engendrer une atteinte pulpaire (Voir tableau). L’inflammation évolue par alternance d’épisodes prolifératifs et dégénératifs pouvant conduire à un tableau de pulpite aiguë. On observe aussi une activité dentino-clastique en regard de la zone de fissure. Lorsque la dentine reste longtemps exposée, de gros faisceaux de fibres de collagène sont observés en continuité avec la dentine secondaire : c’est la fibrose pulpaire. La quantité de bactéries dans une fissure étant très inférieure à celle d’une carie, l’inflammation peut évoluer vers la nécrose pulpaire pendant des mois. Un diagnostic différentiel avec une algie faciale sera à établir. (Martin et Machtou, 2008).

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Corrélation entre la localisation, les signes cliniques et les tests cliniques à utiliser afin de localiser la dent causale (Martin et al., 1995). LOCALISATION Email Email et dentine

sans signe clinique de pulpite

Email et dentine avec signe clinique de pulpite

Extension à la racine

SIGNES CLINIQUES

Aucun Sensibilité thermique Douleur à la mastication

Pulpite subaiguë ou aiguë

Atteinte parodontale

TESTS CLINIQUES Aucun Tests de vitalité pulpaire (Abaissement du seuil de sensibilité au froid et électriques) Test du mordu

Tests de vitalité pulpaire

Tests de vitalité pulpaire Sondage parodontal

La fréquence d’apparition des fissures en fonction du groupe de dent est listée dans l’histogramme ci-dessous (Hiatt, 1973)

0,00

10,00

20,00

30,00

40,00

50,00

60,00

70,00

Molairesmandibulaires

Molairesmaxillaires

Prémolairesmaxillaires

Prémolairesmandibulaires

3° molairesmandibulaires

69,00

19,0010,00

1,00 1,00

%

2- Les fractures Les fractures peuvent être la conséquence d’une fissure ou se produire spontanément au cours de la mastication ou d’un traumatisme. Les dents du secteur postérieur sont concernées de manière quasiment égale au maxillaire et à la mandibule. En revanche, à la mandibule, 75 % des dents fracturées sont des molaires, contre 50 % au maxillaire (Patel et al., 1995).

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Si la fracture est supragingivale, le fragment fracturé se détache spontanément. Si le trait de fracture est infrasulculaire, le fragment fracturé est mobile, induisant une douleur franche à la mastication. L’intervention du praticien est alors nécessaire pour l’élimination du fragment et l’établissement du pronostic et du mode de restauration de la dent. Si la fracture est infraosseuse, les fragments sont peu mobiles. Un trait de fracture mésio-distal est visualisable soit directement au niveau du matériau d’obturation, soit au niveau du plancher de la cavité après dépose du matériau d’obturation. 3- Etiologie des fissures et fractures Elles peuvent avoir pour origines : Un accident lors de la mastication par morsure sur un objet dur (noyau, os, plomb de chasse, petit caillou, ...). L’effet de coin provoqué par les rapports cuspides-fosses lors d’une situation d’intercuspidie prolongée, rencontrée lors d’un bruxisme centré. Il peut en résulter une fissure provenant de l’écartement des cuspides vestibulaires et linguales, en particulier provoqué par la cuspide mésio-palatine des molaires maxillaires sur la molaire mandibulaire. Les prémolaires maxillaires qui ont un sillon occlusal profond sont plus touchées que leurs homologues mandibulaires. Le bruxisme : un bruxiste est capable de développer des forces occlusales, pendant une activité inconsciente nocturne, de 5 à 7 fois plus importantes que celles produites durant une activité manducatrice fonctionnelle. Si le grincement prédomine sur le serrement, les fissures sont moins fréquentes. Une dysfonction occlusale, telle que l’absence de guidage antérieur. Une préparation cavitaire mutilante. Les restaurations mésio-occluso-distales ainsi que la présence d’un isthme occlusal important sont des facteurs prédisposant aux fractures. La mise en place d’un inlay engendrant des contraintes au moment du scellement. L’utilisation de tenons dentinaires peut provoquer des fêlures ou des fractures dentinaires. La rétraction de prise de matériaux adhésifs polymérisés en volume important. Les chocs thermiques, éventuellement amplifiés par un matériau de restauration dont le coefficient de dilatation thermique est différent de celui de la dent. L’expansion retardée des amalgames contaminés par la salive au moment de leur mise en oeuvre. Les produits de la corrosion des composants de l’amalgame qui, en diffusant dans les tissus dentinaires environnants, provoquent une dénaturation des protéines dentinaires ce qui rend la dent plus fragile. La plupart des auteurs s’accordent à dire que les facteurs occlusaux sont prédominant dans l’étiologie des traumatismes des dents postérieures. 4- Traitements 4.1 : Prévention On distinguera :

• L’information et l’éducation du patient : prévention des épisodes de stress, relaxation. • Modification des comportements : suppression des habitudes néfastes, prise de

conscience des épisodes destructeurs. • Protection des dents :orthèse occlusale • Stabilité de l’occlusion d’intercuspidation maximale • Guidage par les dents antérieures • Activités musculaires et observation de la contraction musculaire.

4.2 : Restauration

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Le traitement des fissures et fractures sera fonction du délabrement de la dent et de l’implication parodontale en cas de fracture. En ce qui concerne les fissures, si l’occlusion est favorable : Avec une atteinte pulpaire réversible, les techniques de restauration collée seront préconisées : composite, amalgame ou onlay. Avec une atteinte pulpaire irréversible, on réalisera : - un cerclage périphérique - Le traitement canalaire - Une obturation coronaire collée - Une couronne périphérique Si l’occlusion est défavorable : Avec une atteinte pulpaire réversible, on choisira un onlay métallique ou esthétique collé Avec une atteinte pulpaire irréversible, on réalisera : - un cerclage périphérique - Le traitement canalaire - Une obturation coronaire collée - Une couronne périphérique La priorité est d’éviter la propagation de la fissure en direction apicale. On renoncera donc à l’usage d’un tenon radiculaire. En ce qui concerne les fractures : En fonction du délabrement coronaire ou corono-radiculaire, de l’état pulpaire et du mode de restauration de la dent, on préférera soit une conservation de la vitalité, soit une dépulpation de la dent. En fonction de la situation du trait de fracture une intervention parodontale pourra être nécessaire : élongation coronaire, amputation radiculaire, hémisection. En fonction de la situation du trait de fracture, un traitement orthodontique d’extrusion pourra être préalablement envisagé. CONCLUSION Le chirurgien dentiste aura un rôle préventif à assurer afin de minimiser les risques d’accidents. En ce qui concerne les patients jeunes, la tranche d’âge 10 - 12 ans est la plus vulnérable, avec des traumatismes consécutifs à des chutes, des chocs ou des accidents de bicyclette principalement. Le taux de survenue à l’école est prépondérant pour cette classe d’âge (Onetto et al., 1994). La pratique de certains sports nécessitera la confection de protège-dents. Une proalvéolie ou une promaxillie sont des facteurs favorisants qu’il faudra prévenir par un traitement orthodontique. La pratique d’une dentisterie restauratrice basée sur l’économie tissulaire et la prévention des troubles occlusaux est impérative. Les patients plus âgés, présentant une parodontolyse importante, devront avoir une denture protégée par une gouttière en cas d’anesthésie générale. Le praticien, par un choix judicieux de ses ancrages radiculaires, participera à la prévention des traumatismes iatrogènes. Enfin, lors d’extractions difficiles, l’utilisation d’instruments rotatifs, pour morceler la dent ou réduire un obstacle osseux, permettra souvent d’éviter des fractures dentaires ou alvéolaires.

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OCE/F & F/PARIS DESCARTES/2008/EB

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