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Les Annales de l’Université de Parakou, Série "Lettres, Arts et Sciences Humaines", Vol. 1, n°3(2018) 8
Obstruction routière par des pratiques économiques et socio-politiques … AGBAMARO M. (pp. 8-16)
RESUME
Capitale du Togo, la ville de Lomé connaît de nos jours une
circulation routière de plus en plus intensifiée. Les artères
principales sont envahies au quotidien par les piétons et les
engins roulant de toutes roues et de toutes marques. Les
commerçants, artisans, fonctionnaires, élèves, étudiants sont
les usagers habituels de la route. Les routes sont de ce fait
surexploitées surtout aux heures de pointe créant des
embouteillages, des accidents de circulation et des querelles
entre les différents usagers de la route.
L’étude vise à recenser les comportements et les causes
indésirables qui provoquent des perturbations dans la
circulation routière et propose des palliatifs pour un bon
déroulement des activités de transport. Une analyse des
documents relatifs au thème d’étude, des photographies, des
observations et les enquêtes de terrain ont permis de parvenir à
des résultats.
L’encombrement des rues selon 85 % des passagers est dû à la
disposition excentrique des centres de services au lieu
d’habitation, à la pression démographique, et à l’étroitesse de
certaines voies. Pour 76 % des riverains, ces problèmes sont
exacerbés par des mouvements sportifs de masse qui drainent
des centaines de personnes dans les rues, des pratiques
funéraires, des cérémonies de sorties d’enfants et même des
jeux de football. Selon 90 % des conducteurs, les occupations
des trottoirs par des commerçants détaillants privent les piétons
de leur droit d’usage de la route et créent des dérangements
dans les manœuvres des véhicules. A ces facteurs gênants à la
mobilité routière, se greffent d’après les observations directes
sur le terrain, le non-respect du code de la route, des
mouvements politiques caractérisés par des marches de
protestations ou de soutien au gouvernement.
Mots clés : Circulation routière, pratiques socio-économiques,
obstruction, Lomé.
ABSTRACT
Capital of Togo, the city of Lome knows nowadays a road
traffic more and more intensified. The main arteries are
stormed every day by pedestrians and vehicles traveling on all
wheels and makes. Merchants, craftsmen, civil servants, pupils,
students are the usual users of the road. Roads are therefore
overexploited, especially during rush hour, creating traffic
jams, traffic accidents and blackmail or quarrels between
different road users.
The study aims to identify the undesirable causes and
behaviors that cause disturbances in the road traffic and
proposes palliatives for a good progress of the transport
activities. An analysis of the study theme papers, photographs,
observations and field surveys yielded results.
The congestion of the streets according to 85% of the
passengers is due to the eccentric provision of the service
centers to the place of residence, to the demographic pressure,
and to the narrowness of certain ways. 76% of local residents
find that these problems are exacerbated by mass sports
movements draining hundreds of people on the streets,
funerary practices, children's exit ceremonies and even football
games often seen on the streets of Lome. For 90% of drivers,
the use of sidewalks by retailers deprives pedestrians of their
right to use the road and creates disturbances in the
maneuvering of vehicles. To these inconvenient factors to road
mobility, grafted on direct observations on the ground, the non-
compliance with the Highway Code, political movements
characterized by marches of protest or support to the
government that block at times the transport activities.
Keywords : Road trafic, socio-economic practices,
obstruction, Lomé.
INTRODUCTION
Les voies de communication sont des facteurs indispensables dans la mise en valeur économique et
conditionnent le développement de toutes les activités socioculturelles : l’éducation, la santé, la religion,
l’habitat, la politique, les migrations, les us et coutumes. P. Talla (1998, p. 474) affirme que les transports et
les communications modifient les structures économiques, sociales et culturelles d’un pays ou d’une zone
donnée. Le rôle économique et social de la route à Lomé se remarque à travers l’intensité de la mobilité
quotidienne des personnes et des biens, la commercialisation des produits agricoles et industriels, les actions
publicitaires, funéraires et sportives. La route apparaît aussi comme un outil d’expression pour les acteurs
politiques. Selon J. Aloko-N’guessan (1989, p. 17) les routes ont une fonction sociale, religieuse et
politique. Il est constaté à des moments dans les rues de Lomé des mouvements politiques caractérisés par
des marches de protestations ou de soutiens à la politique du gouvernement en place. L’envahissement des
rues par des pratiques socio-économiques perturbe la circulation des personnes et crée des problèmes de
sécurité routière. La question de la sécurité routière a des causes multiples (K. Besseh, 2013, p. 3) dont l’état
défaillant de la route, la vétusté de l’engin roulant, le non-respect des feux tricolores, les dépassements
défectueux, les mauvaises conditions météorologiques (le brouillard), l’état d’ébriété des conducteurs, le
stationnement incontrôlé et le surcharge des véhicules, la baisse de visibilité, les défauts de signalisation.
Ceci étant, les problèmes de mobilité de personnes et de biens posent de sérieux soucis qui se traduisent par
des accidents de circulation routière, des disputes, des insultes, des blessés et des pertes en vies humaines.
La pression et l’intensité de la circulation routière est préoccupante dans les villes des pays en
développement où la route est perçue comme une entreprise génératrice de désolations. L’augmentation sans
cesse des populations, fruit de l’accroissement naturel et surtout des mouvements migratoires dans les
OBSTRUCTION ROUTIERE PAR DES PRATIQUES ECONOMIQUES ET SOCIO-
POLITIQUES DANS LA VILLE DE LOME
AGBAMARO Mayébinasso
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grandes villes africaines (Dakar, Nouakchott, Nairobi, Ouagadougou, Bamako, Abidjan, Ndjamena, Lagos,
Yaoundé, Niamey, Accra, Libreville, Cotonou, Lomé etc.) suscite des déplacements intensifs de personnes
et provoque des embouteillages dans les lieux de carrefours (M. Agbamaro, 2015, p. 198).
Les rues de Lomé, présentent des hiatus et des défaillances du point de vue de leur tracé, orientation,
configuration et de leur état. Ces rues malgré leur état défectueux, sont encombrées au quotidien par des
pratiques économiques et socio-politiques : le marché de détail avec des étalages des marchandises sur les
trottoirs, les stationnements des taxi-motos dans les grands nœuds routiers, les manifestations populaires, les
cérémonies funéraires, les activités sportives de masse. La question de mobilité de personnes se pose avec
acuité dans le contexte où les rues jouent des missions qui ne sont pas les leurs. Ces constats libèrent une
interrogation importante. En quoi des pratiques économiques et socio-politiques constituent-elles une
entrave à la mobilité des personnes et des biens dans les rues de la ville de Lomé ? L’objectif de cette
recherche est de montrer les désagréments socio-économiques créés par les pratiques économiques et les
manifestations socio-politiques dans les rues de la capitale togolaise. Pour atteindre cet objectif, la présente
recherche s’est appuyée sur une approche méthodologique appropriée.
1. Méthodologie de recherche
Les enquêtes de terrain sont caractérisées par les observations, les entretiens libres et l’administration du
questionnaire. La population cible est constituée des conducteurs, des riverains, des commerçants ou des
artisans (installés dans les
périmètres immédiats des
grands axes routiers). Les
quartiers d’enquête sont choisis
à 87,5 % dans Lomé commune
où le phénomène d’obstruction
des rues est quotidiennement
observé. Il s’agit des quartiers
d’Agbalépédogan, de Bè-
Klikamè, de Doumassessé,
d’Amoutivé, de Kélégougan,
d’Akodesséwa, de Bè-
Gbényédji et de Sagbado
Assiyéyé (figure 1).
L’enquête a porté sur 308
individus repartis dans le
tableau I. Ces individus ont été
choisis par la méthode
d’échantillonnage aléatoire.
Les individus enquêtés ont
fourni des renseignements
relatifs aux objectifs visés par
cette recherche. Les logiciels
Excel et ArcGis ont permis
respectivement de réaliser les
figures et les cartes. Le but de
ce traitement est d’analyser et d’interpréter le niveau d’obstruction de la voirie de Lomé.
2. Les résultats
2.1. Les rues de Lomé et leur importance économique et socio-politique
2.1.1. L’armature des rues de la ville de Lomé
La région Maritime où se situe la ville de Lomé est l’une des régions les plus nanties en infrastructures
routières comme l’indique le tableau II.
Figure 1: Zone d’étude et localisation des sites enquêtés
Source : Institut Géographique National, carte modifiée par AGBAMARO, 2017
Tableau I : Effectif total des composantes de l’échantillon
Population
Localités
Passagers /
Riverains
Revendeurs
ou artisans
Conducteurs
4 roues 2 roues
Agbalépédo 13 9 8 9
Sagbado Assiyéyé 15 11 4 4
Bé Glikamé 17 10 5 7
Doumasséssé 12 12 6 4
Kélégougan 14 13 7 6
Akodesséwa 16 15 7 6
Amoutivé 18 14 5 8
Bè Gbényédji 12 10 6 5
Total 117 94 48 49
Source : Enquêtes de terrain, octobre 2017
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Tableau II : Répartition régionale du réseau routier togolais en 2015
Types de routes Région
Maritime
Région des
Plateaux
Région
Centrale
Région de
Kara
Région des
Savanes
Total
Routes nationales revêtues (RNR) 373,7 527,5 347,5 300 183 1731,9
Routes nationales non revêtues (RNNR) 267,6 337,6 88,3 375,9 285,6 1355
Pistes rurales classées (PRC) 209 180 171,8 309,3 22 892,1
Pistes rurales non classées (PRNC) 645 2930,8 721,85 884,4 27,95 5910
Voiries urbaines (VU) 1056,06 270,7 150,16 201,17 104,91 17383
Total 2251,36 4246,8 1479,61 2070,77 1323,46 11672
Source : Direction Générale des Travaux Publics, 2017
A la lecture des données inscrites du tableau II, il se dégage selon les régions une inégale répartition des
infrastructures routières au Togo. Pour des mobiles de l’économie rentière (café cacao, coton etc.), la région
des Plateaux la plus étendue (29,68 % du territoire national) concentre 36,4 % du réseau routier total.
Occupant seulement 11 % du pays, la région Maritime, la plus restreinte, suit de près avec 21,29 % du
réseau routier national. La région Maritime compte plus de voiries urbaines avec 59,25 % des rues urbaines
togolaises. La ville de Lomé enregistre à elle seule 50 % de la voirie urbaine du Togo avec 60 % du parc
automobile qui s’élève à près de 10 000 véhicules dont 20 % sont hors d’usage (Banque Mondiale, 2015, p.
98).
La forte densité du réseau routier et le nombre important de véhicules de la ville de Lomé sont fonction de la
forte occupation humaine, elle-même tributaire de la constance des activités socio-économiques. De 73 000
habitants en 1960, la population de Lomé est passée de 186 000 en 1970 pour atteindre 300 000 âmes au
recensement de la population de 1981. Au 1er juillet 1995, Lomé comptait 850 000 habitants, 1 000 000 de
personnes en l’an 2000 et atteint 1 762 518 au recensement général de 2010, soit 28,46 % de la population
togolaise. La croissance de la population de Lomé ne rime pas avec les infrastructures routières existantes.
Selon la Direction des Travaux
Publiques, la ville de Lomé compte
958 446,73 km de route, soit 5,4
habitants pour 10 km. Le tableau III
indique la répartition de la voirie de
la ville Lomé selon les types de
revêtement en 2015.
Au regard du tableau III, les rues en
terre sont plus nombreuses et
occupent 84,88 % de la voirie
urbaine. Ces rues en terre sont
difficilement praticables en saison
des pluies car sujettes de glissades,
de nids de poules et des
embourbements. Les rues bitumées
et en pavés concernent surtout les
boulevards importants du noyau de
la ville (figure 2).
Les boulevards sont ces routes à 2 x
2 voies : il s’agit des boulevards du
Mono, Circulaire ou du 13 janvier,
des Armées, Eyadema, du 30 Août
et celui de la Kara.
Les rues de Lomé ont une armature d’une charpente d’un éventail. Les artères secondaires et tertiaires
relient les habitations aux grands boulevards ou aux routes principales. Les grands axes de communication
collectent les flux de personnes ou de marchandises des rues secondaires et tertiaires et les convergent vers
Tableau III : Répartition des rues de Lomé selon les types de revêtement en
2015
Types de revêtement Longueur de route (km) Taux (%)
Bitume 111967,97 11,68
Pavé 25618,79 2,67
Rechargement en latérite 9259,41 0,96
Terre 811620,76 84,68
Total 958 446,73 100
Source : Direction des Travaux Publics, 2017
Figure 2 : Importantes rues de la ville de Lomé
Source : Institut Géographique National, carte modifiée par AGBAMARO, 2017
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les quartiers périurbains et le centre-
ville. Le centre-ville et les quartiers
périurbains sont des lieux
d’encombrement des rues. Les lieux
d’implantation des feux tricolores (figure
3) indiquent les points d’embouteillages
de circulation routière.
Les feux de signalisation indiquent les
points de forte circulation routière. Les
rues de Lomé sont occupées à des
niveaux par les riverains pour des
pratiques économiques et socio-
politiques.
2.1.2. Importance économique des rues de Lomé
Les rues de Lomé jouent un rôle économique indéniable et permettent le développement des activités
commerciales et artisanales. La vente des produits fruitiers et vivriers, de la friperie se fait aux abords des
grands axes routiers de la ville. C’est le cas du commerce de fruits et du pain à Bè-Klikamè, des portables et
leurs accessoires à Amoutivé, des articles scolaires à Adidogomé, l’exposition des engins à 2 roues à
Agoényévé et à Amoutivé, la vente des bicyclettes à Cacavéli. De ce fait, les rues de Lomé offrent dans leurs
alentours des espaces géographiques où se développent divers services commerciaux. Le rôle économique et
structurant de la route se traduit par l’implantation dans ses périmètres immédiats des banques, des hôtels,
des stations de services, des supermarchés et des grandes structures étatiques et paraétatiques. Les marchés
de Lomé étant trop restreints, les routes sont des outils de relai pour la distribution des biens et des
marchandises à l’intérieur de la ville. Le grand marché de Lomé (Assigamé) assure la vente des produits
commerciaux en gros. Par contre, le commerce de détails se fait dans les boutiques installées aux abords des
rues. Des services scolaires, universitaires, ecclésiastiques, bancaires, d’assurance proposent leurs produits
par des affiches publicitaires implantées sur les abords des rues importantes (photo 1).
Les médias (la radio, la télévision, la presse) par le
passé, étaient les modes de publicité les plus
sollicités ; mais de nos jours, la tendance s’est
inversée en faveur de la route. La publicité sur la
route présente l’avantage d’être moins coûteuse et
plus accessible aux populations. La municipalité en
tire profit à travers les taxes et des devises qu’elle
prélève. Outre leurs divers rôles économiques, les
rues de Lomé ont une importance socio-politique.
2.1.3. La fonction socio-politique des rues de Lomé
L’acheminement des biens et des personnes est
l’objectif premier des routes. Aussi, la route a-t-elle
une mission économique incontestable et primordiale.
Elle constitue l’un des fondements clés du
développement des activités agricoles, industrielles,
touristiques et surtout commerciales. L’enjeu socio-
culturel et politique de la route n’est pas une priorité
puisque sa construction n’en tient souvent pas
compte. La route a pourtant un rôle politique
indéniable.
La photo 2 indique une manifestation politique dans
une rue de Lomé.
Les manifestants politiques comme le montre la
Figure 3 : Localisation des feux de signalisation à Lomé
Source : AGBAMARO, d’après les données de la DGSCN, 2011.
Photo 1 : Des affiches publicitaires le long de la route
Avénou-Adidogomè
Prise de vue : M. Agbamaro, août 2018
Photo 2 : Marche de l’opposition togolaise pour le retour de
la constitution de 1992
Prise de vue : M. Agbamaro, novembre 2017
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photo 2, ont occupé entièrement la rue pour exprimer leur mécontentement à la situation constitutionnelle du
pays.
La route a aussi une importance sociale car les structures socio-culturelles (centres santé, écoles, universités,
hôtels, centres communautaires, terrains de sport, centres de loisirs) établissent un lien de proximité
géographique avec les infrastructures de transport.
L’usage abusif des rues de Lomé à des fins commerciales et socio-culturelles contribue malheureusement à
l’étouffement de la circulation routière.
2.2. L’encombrement des rues de Lomé par des activités économiques et socio-politiques
2.2.1. L’envahissement des rues par des commerçants
Les activités économiques à Lomé se déroulent non seulement dans les marchés, supermarchés, boutiques
mais aussi tout au long des grands axes de communication et des carrefours. Les commerçants détaillants ou
ambulants qui n’ont pas de moyens pour s’installer dans les marchés ou louer des boutiques occupent les
places publiques pour l’exercice de leurs activités. Pour 90 % des conducteurs, l’occupation des trottoirs par
des commerçants prive les piétons de leur droit d’usage de la route. Le phénomène prend des proportions
inquiétantes dans les rues qui se transforment progressivement en lieux de distribution de marchandises
(photo 3).
Photo 3 : Etalages de marchandises sur les trottoirs d’une rue
à Amoutivé
Photo 4 : Exposition du carburant informel sur une rue à
Amoutivé Prise de vue : M. Agbamaro, février 2018
La photo 3 montre une rue dont les trottoirs sont occupés par les revendeuses. Le boulevard Gnassingbé
Eyadema fait cas de figure des rues dont les trottoirs sont envahis à des endroits par les revendeurs du
carburant détaillant (photo 4).
Comme le montre la photo 4, les revendeurs de carburant informel ont installé leurs marchandises sur un
trottoir du boulevard Gnassingbé Eyadema dans le quartier d’Amoutivé. Ce cas de commerce est observé sur
les rues des quartiers de Lomé : Bè-Kpota, Kodjoviakopé, Adidogomé, Agoényévé, Kélégougan etc. Selon
les observations de terrain, tous les boulevards bitumés et en pavés connaissent ce type de commerce qui
obstrue la circulation routière.
Selon la mairie de Lomé, près de 45 % du commerce informel se développe dans les rues. Les marchandises
sont étalées sur des trottoirs et parfois dans les chaussées des rues créant ainsi des confusions sérieuses pour
les usagers de la route. Dans le centre-ville, les
carrefours sont occupés par des revendeurs ambulants
qui proposent leurs articles à l’arrêt des usagers de la
route aux feux tricolores (photo 5).
La presse écrite, les torches, les rasoirs, les fournitures
scolaires, les jus de fruits, l’eau glacée communément
appelée pure water, les cartes SIM de portable, le petit
cola sont les produits souvent proposés aux passagers.
Ce commerce de rue à Lomé gagne du terrain et s’étend
du centre-ville jusqu’aux quartiers périurbains
(carrefours d’Agbalépédogan, Agoényévé, Adidogomé,
Photo 5 : Revendeuses ambulantes aux arrêts des
véhicules aux feux de signalisation à Adidogomé
Prise de vue : M. Agbamaro, juin 2018
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Baguida, Kélégougan.
Les arrêts de véhicules sont difficiles et la mobilité de personnes devient confuse et gênante. Les retards de
payement ou les difficultés à rendre les reliquats de monnaie créent des blocages dans la circulation routière.
2.2.2. L’irruption des rues de Lomé par des pratiques socio-culturelles et politiques
L’insuffisance des espaces de loisir et des terrains de sport contraint des populations de Lomé à envahir les
rues pour les activités sportives et de divertissement. Pour 76 % des riverains, l’obstruction des rues est
exacerbée par des pratiques socio-culturelles et sportives
(photo 6).
La photo 6 montre une rue envahie par une foule de
populations en plein exercice sportif dans le quartier
d’Avédji. Ces populations exploitent des rues à des fins
sportives presque tous les week-ends. Munies de
tambours et autres instruments sonores, les populations
occupent toutes les parties de la route. Dans leurs
mouvements, et partout où elles passent, ces populations
imposent leur priorité de passage aux autres usagers de
la route. Il se crée à des endroits surtout dans des lieux
de carrefours, des embouteillages et des désordres de circulation routière.
L’absence des places publiques est à l’origine de l’envahissement des rues par les populations à des fins
sportives. Le manque d’infrastructures de loisirs est lié aux problèmes fonciers, de planification et au non-
respect du plan de l’urbanisation. Dans certains quartiers périphériques de Lomé (Didjolé, Agoényévé,
Vapkossito, Télessou, Adidogomé), les réserves
administratives ont été envahies (photo 7) par les
populations.
La photo 7 montre un bâtiment construit dans une
réserve administrative. Les réserves administratives
destinées à la construction des établissements
scolaires, des centres santé, des places de loisirs ont
été substitués à des constructions de maisons
précaires ou modernes, de cimetières, des ateliers de
garagistes privant ainsi les riverains des espaces de
loisirs. Les domaines des routes sont utilisés par des
riverains pour des fêtes traditionnelles et des
pratiques funéraires. Ainsi comme l’indique la photo
8, un hangar est dressé sur une rue en pavés dans le
quartier de Didjolé.
La photo 8 montre un hangar implanté sur une voie
en pavés à Didjolé. Ce hangar perturbe la mobilité
des usages de la route. La photo 9 indique un autre
hangar implanté dans une rue en terre dans le quartier
de Télessou.
Trois véhicules comme le montre la photo 9 sont
garés près d’un hangar installé dans une rue de 14 m
dans le quartier de Télessou.
Cette rue, à cause des pratiques des cérémonies funéraires, est momentanément mise hors de la circulation
routière. L’occupation des rues et leur transformation à des lieux de rassemblement populaire selon 96 %
des riverains sont dues au manque de terrains publics et au coût élevé des places de loisirs. Le blocage des
voies par des hangars et des appâtâmes crée des désordres de circulation des personnes et des biens. Des
usagers de la route non renseignés sont victimes des accidents de circulation selon la Direction de la Police
Nationale. Selon la même source, 5 % des accidents de circulation sont liés à ces pratiques.
Photo 6 : Sport de masse sur une rue à Avédji Limousine
Prise de vue : M. Agbamaro, juin 2018
Photo 7 : Enseigne indiquant une réserve administrative
pourtant mise en valeur à Vakpossito
Prise de vue : M. Agbamaro, juin 2018
Photo 8 : Hangar dressé sur une voie en pavés à Didjolé
Prise de vue : M. Agbamaro, juin 2018
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Obstruction routière par des pratiques économiques et socio-politiques … AGBAMARO M. (pp. 8-16)
Les politiciens pour mieux se faire entendre empruntent
les rues importantes de la ville désorganisant la
circulation routière. Ces artères empruntées pour ces
mouvements politiques sont celles qui convergent vers le
centre-ville. Ces voies connaissent des affluences de
circulation. Il s’agit de la route Sagbado-Centre-ville en
passant par Bé-Klikamé, des voies Doumassessé-Centre-
ville et Bè Kakpoto-Centre-ville. Les itinéraires
empruntés convergent vers le centre-ville où sont
concentrées les activités économiques et administratives :
présence du grand marché, des institutions bancaires et
d’assurance, des supermarchés importants, des
infrastructures hôtelières, des services administratifs. Les manifestations politiques contribuent de ce fait à
l’accentuation de l’obstruction des rues de la capitale togolaise.
Outre, les pratiques économiques et socio-politiques qui obstruent les rues de Lomé, s’ajoutent d’autres
facteurs liés à l’état et à l’architecture des rues. Certaines rues de Lomé ont perdu en grande partie leur
bitume et seule la chaussée est praticable pour tous les usagers de la route. C’est le cas de la route
Adidogomé-Sanguéra (photo 10) où la circulation de
personnes est difficile surtout aux heures de pointe (6 h-8
h, 17 h-18 h GMT).
La portion asphaltée de la route Adidogomé- Sanguéra (photo
10) est très restreinte créant ainsi des problèmes de circulation
routière. Selon la mairie de Lomé, 60 % des rues bitumées
sont dépourvues de trottoirs et se caractérisent par une
chaussée unique. Les engins roulants et les piétons sont
contraints de partager la seule chaussée existante créant
des situations de surexploitations, de confusions et
d’accidents de route. C’est le cas (sauf les boulevards) des
rues du centre-ville construites à l’époque coloniale où les
prévisions n’ont pas tenu compte des réalités futures.
L’encombrement des rues selon 37 % des passagers est dû à l’étroitesse de certaines voies.
3. Discussion
Les travaux de K. Segbor (1990, p. 82) et de I. Dandonougbo (2010, p. 4) mettent en relief les fonctions que
revêtent les transports dans l’organisation de l’espace et dans la stimulation des activités socio-
économiques : agriculture, industrie, commerce, artisanat, tourisme, loisirs. J. Aloko-N’guessan (1989, p.
17) ajoute le rôle politique, religieux et administratif de la route. L’impact socio-culturel et religieux des
transports sur la société est appelé par l’auteur de « commerce des peuples et des hommes ». Le présent
article, dans le même sens a montré l’importance économique et socio-politique des rues dans une grande
ville d’Afrique subsaharienne (Lomé) et a ajouté leur rôle de localisation des phénomènes géographiques.
L’obstruction des rues dans la ville de Lomé par des pratiques économiques et socio-politiques affaiblit les
fonctions premières de la route. Ce travail a fait un aperçu global et sommaire sur la croissance
démographique à Lomé perçue comme un facteur lointain de l’encombrement des rues. La ville de Lomé
comptait 760 000 âmes en 1992 et atteint 1 600 000 de citadins en 2010 (K. Besseh 2013, p. 309, M. Takili,
2014, p. 6 et Y. Dziwonou, 2000, p. 78). Cette forte croissance de la population de Lomé crée selon les
auteurs les besoins en réseaux de transports urbains et leurs conséquences afférentes. Aussi, la forte densité
de la population de Lomé (9 304,9 habitants au km² au recensement de 2010) crée-t-elle des problèmes dans
les transports urbains: surcharge de passagers, pression de la circulation, accidents de route. L’absence des
réserves, l’insuffisance des places de loisirs, l’exiguïté des aires de marché, le déficit des points de
commerce et de places publiques contraignent les populations à envahir des rues pour leurs activités
commerciales et socio-culturelles. Les infrastructures de transports routiers sont insuffisantes pour supporter
les flux de personnes et de biens. Les encombrements des rues à Lomé aux heures de pointe sont fortement
liés à l’intensité du trafic de passagers comme l’a montré K. Edoh (2014, p. 124). Ce travail se penche sur
Photo 9 : Hangar érigé dans une rue en terre à Télessou
Prise de vue : M. Agbamaro, juin 2018
Photo 10 : Rue de 70 m complètement réduite à une
voie goudronnée de 6 m à Adidogomè
Prise de vue : M. Agbamaro, juin 2018
Les Annales de l’Université de Parakou, Série "Lettres, Arts et Sciences Humaines", Vol. 1, n°3(2018) 15
Obstruction routière par des pratiques économiques et socio-politiques … AGBAMARO M. (pp. 8-16)
les comportements des populations qui constituent des facteurs d’obstruction des rues de la ville de Lomé.
Les attitudes des conducteurs de taxi-motos renforcent les taux d’accidents de route: violations du code de la
route, arrêts brusques, stationnements indésirables, excès de vitesse, comme l’a dit P. Aloye (2010 p. 48). Si
dans son travail, l’accent est mis sur les attitudes des conducteurs de taxis-motos, le présent article embrasse
l’ensemble des pratiques économiques et socio-politiques qui constituent des facteurs gênants à la mobilité
des personnes et de biens. L’obstruction des rues en ville est liée aux conditions humaines : effectifs
pléthoriques des populations et besoins pressants de mobilité comme l’a révélé M. Agbamaro (2015, p. 161).
CONCLUSION
Les villes d’Afrique subsaharienne connaissent une explosion démographique et sont caractérisées par une
extrême jeunesse de la population. Les citadins éprouvent des problèmes de chômage, de santé, d’éducation,
d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de loisirs. De plus en plus, la question de mobilité des
personnes et des biens se pose avec acuité et persistance. A Lomé cadre de la présente recherche, les rues
sont encombrées par les mouvements des populations. Les accidents de circulation routière constatés dans la
mobilité des personnes sont liés à la violation des feux tricolores, l’excès de vitesse, l’état défectueux des
rues, l’usage du téléphone portable, les dépassements défectueux, les surcharges des véhicules. Les lieux de
services étant concentrés au centre-ville et les habitations dispersées dans les quartiers périphériques, il se
crée des déplacements intensifs les matins et les soirs. Les matins les flux sont orientés de la périphérie vers
le centre-ville qui est le point de convergence des grands axes de communication. Les soirs les flux sont
dirigés du centre -ville vers les quartiers périphériques. L’analyse des résultats ont suffisamment montré que
les rues du centre-ville et des quartiers périurbains sont encombrées par la forte pression de la circulation
routière. La particularité essentielle de la présente étude réside dans le fait que l’obstruction des rues déjà
générée par la forte mobilité de personnes et le caractère insuffisant et restrictif des voies est accentuée par
des pratiques économiques et socio-politiques. Les solutions à ce problème d’obstruction des rues dans la
ville de Lomé sont aussi bien multiples que complexes dont les plus évidentes sont : réhabiliter certaines
rues, construire et aménager les espaces publics pour des manifestations à caractère social, sensibiliser le
public et surtout les différents usagers de la route, prendre des mesures disciplinaires contre les
contrevenants au code de la route.
Cette recherche s’est basée sur l’observation des pratiques économiques et socio-politiques aux abords des
rues de Lomé. Pour cerner tous les contours des problèmes d’obstruction des rues, une recherche sera
effectuée sur la distribution des infrastructures commerciales en lien avec la voirie urbaine de Lomé. Elle
tiendra compte des statistiques des structures socio-économiques et administratives.
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