Obésité : Regard médical, regard societal

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OBI SITE : REGARD MI DICAL, REGARD SOCII TAL Arnaud Basdevant a,* 1. Introduction M edicalement, I'obesite se definit comme une inflation de la masse grasse entrafnant des consequences sur la sante. Uobesite resulte d'une incapacite du systeme reglant les reserves energetiques & faire face une pression environnementale et comportementale et/ou & des determinants internes (psychologiques ou biologiques en particulier genetiques et neuro-hormonaux) [3, 19]. D'un extreme & l'autre, il existe des formes d'obesite purement biologiques, generalement genetiques, et des formes purement comportementales. La realite clinique est celle d'un continuum. Uobesite est une maladie chronique qui evolue en plusieurs stades cor- respondant & des mecanismes differents. Lors de la phase de prise de poids, c'est un desequilibre de la balance energetique lid a. des fac- teurs comportementaux et environnementaux qui est en cause. Les adipocytes se chargent en triglycerides, la masse grasse augmente de m~me que la masse maigre. Ce qui entrafne une augmentation de la depense 6nergetique de repos. Puis le poids se stabilise, le bilan d'energie est equilibre. Ce ,, nouveau poids d'equilibre >> para~t ~tre defendu par des facteurs biologiques et les mesures pour faire perdre du poids deviennent de moins en moins efficaces. Au fil du temps se constitue une pathologie d'organe avec des profonds remaniements anatomiques, biologiques et fonctionnels qui concernent I'ensemble des cellules du tissu adipeux (au-del& des adipocytes) et qui alterent le dialogue de ce tissu avec le reste de rorganisme. 2. G nes, comportements et environnement L'obesite est une maladie de la mutation economique. La genetique intervient comme facteur de predisposition aux effets de I'environne- ment et des comportements [7]. Des genes predisposeraient certains individus & une meilleure efficacite metabolique. Cette predisposition pourrait egalement provenir d'une empreinte intra-uterine ou postna- tale [4, 6, 1 1, 1 2, 14.17]. Si la genetique joue manifestement un rele a Inserm, Nutriomique U755 Universite Pierre-et-Marie-Curie- Paris 6 Faculte de medecine Les Cordeliers - Paris AP-HP, Piti~ Salp~tri~re - Service de nutrition Service de nutrition HeteI-Dieu 1, place du Parvis Notre-Dame 75181 Paris cedex 04 * Correspondance [email protected] © 2006 - Elsevier Masson SAS - Tous droits reserves. dans le developpement de I'obesite, elle ne permet pas d'expliquer la spectaculaire progression de la prevalence de la maladie sous I'in- fluence des evolutions de la societe. L'augmentation des apports alimentaires peut resulter d'une variete de determinants : stimuli sensoriels, disponibilite et palatabilite des ali- ments, circonstances exterieures, convivialite, habitudes familiales et culturelles, sollicitations professionnelles, troubles du comportement alimentaire, etc. L'augmentation des prises alimentaires peut etre liee aux repas ou resulter de grignotages ou de compulsions alimentaires. II faut egalement prendre en compte des facteurs tels que I'augmen- tation de la taille des portions, de la densite calorique de I'alimenta- tion et des boissons, la diminution de la consommation de glucides complexes, la disponibilite alimentaire, I'evolution des habitudes fami- liales et professionnelles, I'influence croissante des stimuli sensoriels atimentaires. Plusieurs arguments indiquent une responsabilite des lipides alimentaires du fait de leur faible capacite & promouveir leur oxy- dation, d'un faible effet rassasiant [2]. Le contr61e de la prise alimentaire est un processus complexe impli- quant un systeme biopsychologique qui fait intervenir de multiples determinants internes et externes. Un ensemble neuro-hormonal sert de support & la transmission d'informations sur la situation digestive, absorptive et post-absorptive, sur le niveau des reserves 6nergetiques et plus globalement sur la situation nutritionnelle [8, 9]. Des voles ana- boliques et cataboliques maintiennent I'equilibre des reserves ener- getiques et I'integrite de la composition corporelle. La neurobiologie moderne a mis en evidence le caractere systemique de ce contrele dent on connaft de mieux en mieux les acteurs moleculaires et cellu- laires. Le systeme hypothalamique est un element cle du systeme, ce n'en est qu'un element. Les recherches visent & identifier des anomalies physiopathologiques de ces systemes pouvant rendre compte des obe- sites chez I'animal comme chez I'homme. Au niveau hypothalamique, quatre structures sent particulierement impliquees dans I'homeosta- sie energetique :le noyau paraventriculaire (PVN), le noyau arqu6 (ARC), le noyau ventromedian (VMN) et le noyau dorsomedian (DMN). De ces structures centrales emergent des voles effectrices anaboliques ou cataboliques organisees en reseaux. Les premieres stimulent les conduites alimentaires, diminuent la depense energetique et favorisent le stockage de triglycerides. Les autres ont des effets inverses. Le sys- teme anabolique imptique le neuropeptide Y (NPY) et I'agouti related protein (AgRP), la melanin concentrating hormone (MCH). Le NPY, synthetise dans le noyau arque et libere dans le noyau paraventricu- laire, est un puissant agent orexigene. D'autres substances stimulent la prise alimentaire : le systeme cathecolaminergique o~2, la MCH, les agonistes opioi'des qui augmentent le comportement de recherche de la nourriture palatable. Dans I'hypothalamus lateral, le systeme hypo- cretine/orexine est un puissant stimulateur de la prise alimentaire et de I'eveil. Le systeme du ,< reward - (recompense), avec sa structure cle, le noyau accumbens, o(J intervient la dopamine, est implique darts les prises alimentaires induites par autostimulation. Le syst#me cata- bolique se situe egalement dans le noyau arque. Ici les melanocortines jouent un rSle central. La serotonine et les catecholamines ~ sent inhi- biteurs de la prise alimentaire. La leptine est produite proportionnel- Supplement au N ° 389, RevueFrancophone des Laboratoires, fevrier2007 '7

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OBI SITE : REGARD MI DICAL, REGARD SOCII TAL

Arnaud Basdevant a,*

1. Introduction

M edicalement, I'obesite se definit comme une inflation de la masse grasse entrafnant des consequences sur la sante. Uobesite resulte

d'une incapacite du systeme reglant les reserves energetiques & faire face une pression environnementale et comportementale et/ou & des determinants internes (psychologiques ou biologiques en particulier genetiques et neuro-hormonaux) [3, 19]. D'un extreme & l'autre, il existe des formes d'obesite purement biologiques, generalement genetiques, et des formes purement comportementales. La realite clinique est celle d'un continuum.

Uobesite est une maladie chronique qui evolue en plusieurs stades cor- respondant & des mecanismes differents. Lors de la phase de prise de poids, c'est un desequilibre de la balance energetique lid a. des fac- teurs comportementaux et environnementaux qui est en cause. Les adipocytes se chargent en triglycerides, la masse grasse augmente de m~me que la masse maigre. Ce qui entrafne une augmentation de la depense 6nergetique de repos. Puis le poids se stabilise, le bilan d'energie est equilibre. Ce ,, nouveau poids d'equilibre >> para~t ~tre defendu par des facteurs biologiques et les mesures pour faire perdre du poids deviennent de moins en moins efficaces. Au fil du temps se constitue une pathologie d'organe avec des profonds remaniements anatomiques, biologiques et fonctionnels qui concernent I'ensemble des cellules du tissu adipeux (au-del& des adipocytes) et qui alterent le dialogue de ce tissu avec le reste de rorganisme.

2. G nes, comportements et environnement

L'obesite est une maladie de la mutation economique. La genetique intervient comme facteur de predisposition aux effets de I'environne- ment et des comportements [7]. Des genes predisposeraient certains individus & une meilleure efficacite metabolique. Cette predisposition pourrait egalement provenir d'une empreinte intra-uterine ou postna- tale [4, 6, 1 1, 1 2, 14.17]. Si la genetique joue manifestement un rele

a Inserm, Nutriomique U755 Universite Pierre-et-Marie-Curie - Paris 6 Faculte de medecine Les Cordeliers - Paris AP-HP, Piti~ Salp~tri~re - Service de nutrition Service de nutrition HeteI-Dieu 1, place du Parvis Notre-Dame 75181 Paris cedex 04

* Correspondance [email protected]

© 2006 - Elsevier Masson SAS - Tous droits reserves.

dans le developpement de I'obesite, elle ne permet pas d'expliquer la spectaculaire progression de la prevalence de la maladie sous I'in- fluence des evolutions de la societe.

L'augmentation des apports alimentaires peut resulter d'une variete de determinants : stimuli sensoriels, disponibilite et palatabilite des ali- ments, circonstances exterieures, convivialite, habitudes familiales et culturelles, sollicitations professionnelles, troubles du comportement alimentaire, etc. L'augmentation des prises alimentaires peut etre liee aux repas ou resulter de grignotages ou de compulsions alimentaires. II faut egalement prendre en compte des facteurs tels que I'augmen- tation de la taille des portions, de la densite calorique de I'alimenta- tion et des boissons, la diminution de la consommation de glucides complexes, la disponibilite alimentaire, I'evolution des habitudes fami- liales et professionnelles, I'influence croissante des stimuli sensoriels atimentaires. Plusieurs arguments indiquent une responsabilite des lipides alimentaires du fait de leur faible capacite & promouveir leur oxy- dation, d'un faible effet rassasiant [2].

Le contr61e de la prise alimentaire est un processus complexe impli- quant un systeme biopsychologique qui fait intervenir de multiples determinants internes et externes. Un ensemble neuro-hormonal sert de support & la transmission d'informations sur la situation digestive, absorptive et post-absorptive, sur le niveau des reserves 6nergetiques et plus globalement sur la situation nutritionnelle [8, 9]. Des voles ana- boliques et cataboliques maintiennent I'equilibre des reserves ener- getiques et I'integrite de la composition corporelle. La neurobiologie moderne a mis en evidence le caractere systemique de ce contrele dent on connaft de mieux en mieux les acteurs moleculaires et cellu- laires. Le systeme hypothalamique est un element cle du systeme, ce n'en est qu'un element. Les recherches visent & identifier des anomalies physiopathologiques de ces systemes pouvant rendre compte des obe- sites chez I'animal comme chez I'homme. Au niveau hypothalamique, quatre structures sent particulierement impliquees dans I'homeosta- sie energetique : le noyau paraventriculaire (PVN), le noyau arqu6 (ARC), le noyau ventromedian (VMN) et le noyau dorsomedian (DMN). De ces structures centrales emergent des voles effectrices anaboliques ou cataboliques organisees en reseaux. Les premieres stimulent les conduites alimentaires, diminuent la depense energetique et favorisent le stockage de triglycerides. Les autres ont des effets inverses. Le sys- teme anabolique imptique le neuropeptide Y (NPY) et I'agouti related protein (AgRP), la melanin concentrating hormone (MCH). Le NPY, synthetise dans le noyau arque et libere dans le noyau paraventricu- laire, est un puissant agent orexigene. D'autres substances stimulent la prise alimentaire : le systeme cathecolaminergique o~2, la MCH, les agonistes opioi'des qui augmentent le comportement de recherche de la nourriture palatable. Dans I'hypothalamus lateral, le systeme hypo- cretine/orexine est un puissant stimulateur de la prise alimentaire et de I'eveil. Le systeme du ,< reward - (recompense), avec sa structure cle, le noyau accumbens, o(J intervient la dopamine, est implique darts les prises alimentaires induites par autostimulation. Le syst#me cata- bolique se situe egalement dans le noyau arque. Ici les melanocortines jouent un rSle central. La serotonine et les catecholamines ~ sent inhi- biteurs de la prise alimentaire. La leptine est produite proportionnel-

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lement au niveau de reserves energetiques : elle agit au niveau du noyau arque comme un signal de retrocontrele pour inhiber la prise alimentaire et augmenter la depense energetique en cas d'inflation des reserves adipeuses. D'autres signaux interviennent au niveau hypo- thalamique telle que I'insuline. Les endocannabindldes augmentent la motivation b ̀manger. Uhypothese d'une hyper-activite du systeme can- nabino'fde, due b ̀une alimentation riche en graisses, d'une disponibi- lite accrue en precurseurs des endocannabinoides, a ete emise pour expliquer certaines formes d'obesite. Uutilisation d'antagonistes CB1 dans l'obesite trouve ici sa justification [8, 9]. Les opio'ides sont impli- ques eux dans la recherche et la consommation d'aliments palatables et dans le systeme de recompense.

Sedentarite et obesite sont associees [16, 18]. Le comportement sedentaire joue un rele central dans le desequilibre du bilan d'ener- gie. Le developpement de I'obesite est parallele b ̀la diminution de I'ac- tivite physique, au style de vie sedentaire. Le niveau d'activite physique initial est negativement associe b ̀la prise de poids ulterieure. La reprise d'une activite physique est un facteur de maintien de la perte de poids.

3. Anomalies cellulaires du tissu adipeux

Le tissu adipeux blanc comporte differentes cellules : des adipocytes matures qui contiennent de grandes quantites de triglycerides sous forme d'une gouttelette lipidique, des adipocytes de tres petite taille, des precurseurs adipocytaires, des cellules endotheliales, des macro- phages, des vaisseaux et des nerfs, des ganglions lymphatiques, un tissu de soutien. Les adipocytes matures representent environ un tiers des cellules. Le tissu adipeux est un organe endocrine et paracrine [1, 1 0]. Ce tissu est d'une exceptionnelle plasticite [13]. L'augmentation de la masse grasse resulte d'une augmentation de [a taille des adi- pocytes (hypertrophie) ou de leur nombre (hyperplasie), soit des deux. L'hypertrophie precede generalement I'hyperplasie. L'hypertrophie resulte d'une accumulation de triglycerides. La taille des adipocytes est le resultat de la balance lipogenese/lipolyse. Au-delb` d'une cer- taine taille, la cellule adipeuse ne grossit plus, I'augmentation des capa- cites de stockage necessite une augmentation du nombre de cellules. C'est I'hyperplasie. Le nombre des adipocytes peut ainsi s'accroftre dans de larges proportions. L'augmentation du nombre d'adipocytes resulte du processus d'adipogenese qui implique un processus de pro- liferation des cellules souches et leur differenciation en adipocytes. De nombreux facteurs intrinseques ou extrinseques, moleculaires et cel- lulaires sent impliques dans la proliferation du tissu adipeux.

Selon I'hypothese dite de la ,< taille critique ,,, il existerait une taille cellu- laire maximale. Ainsi, la cellule adipeuse differenciee se charge en tri- glycerides jusqu'& atteindre une taille critique au del& de laquelle elle ,, recrute ,, un nouveau pre adipocyte. C'est ainsi que peut se consti- tuer une augmentation du nombre des adipocytes, c'est-b`-dire une hyperplasie. Le nembre des cellules adipeuses peut continuer d'aug- menter si le stockage d'energie est rendu necessaire par un bilan ener- getique positif. En revanche, une lois differenciees, les cellules ne retour- nent pas au stade de precurseurs. Elles restent disponibles pour stocker de nouveau. L'hyperplasie semble irreversible. Ceci expNque pourquoi, au-delb` d'une certaine ampleur et d'une certaine duree, le retour au poids anterieur n'est plus possible. II n'est pas possible de maintenir la taille cellulaire en dessous d'une certaine valeur sans declencher Fen- semble des mecanismes de reconstitution de la masse grasse ;le niveau minimum de masse grasse qu'il est possible d'atteindre est limite par le nombre des adipocytes. Si ce nombre est eleve soit constitution- nellement, soit b ̀la suite de recrutement de nouvelles cellules Iors de la prise de poids, il est difficile d'abaisser le volume de la masse grasse en de?a_ d'un certain seuil (sauf restriction alimentaire permanente). Ainsi, la physiologie des reserves energetiques ne se limite pas b ̀la question

d'une balance entre entrees et sorties mais dolt tenir compte des capa- cites cellulaires et anatomiques de stockage.

4. Socidte et environnement

La prevalence de I'obesite est largement influencee par des facteurs sociaux et economiques. Certains sous-groupes de population parais- sent plus vulnerables. II existe une relation inverse entre le niveau de formation, de revenus ou la CSP et la prevalence de I'obesite. I 'environnement nutritionnel, mais aussi familial (conditionnements et habitudes alimentaires, etc.), et social s'associent aux evolutions eco- nomiques et des modes de vie pour favoriser I'obesite chez les indi- vidus predisposes.

Le systeme alimentaire est au cceur de la discussion avec des evo- lutions spectaculaires dans tousles maillons de la chaine : produc- tion : la disponibilite alimentaire moyenne aux l~tats-Unis estimee & 3 800 calories/j/personne depasse les besoins ; transformation : I'ob- jectif & ce stade du processus de developpement de I'aliment est d'augmenter palatabilite, conservation, accessibilite. Ceci implique necessairement une augmentation de la densite calorique et une reduc- tion des co~ts ; distribution : disponibilite et accessibilite favorisent largement la destructuration des rythmes alimentaires et ce que I'on a pu designer comme un vagabondage alimentaire ; acquisition : plus de la moitie des calories sont consommees hors habitation ; stockage : la reduction des capacites de stockage en raison des evolutions de I'habitat favorise I'augmentation de la densite calorique ; preparation : I'essentiel de la preparation se limite de plus en plus & rajouter des calories ; consommation : la sequence ,, prise et non prise alimen- taire >, tend & s'estomper au profit d'une consommation echappant aux apprentissages et aux conditionnements. II n'y a pas que des effets negatifs dans cette evolution du systeme alimentaire : la reduction des co~ts et la disponibilite et I'accessibilite ont contribue & reduire la denu- trition et & liberer du temps pour des t&ches non menageres. Mais, cette evolution rend cempte sans doute pour une part importante de la ,, mal- nutrition ,, moderne. Nous sommes en realite devant une probiematique nutritionnelle inedite. La question centrale est celle de I'adaptation aux evolutions des modes de vie : notre modele alimentaire traditionnel n'est plus pertinent par rapport aux evolutions des modes de vie et les bouleversements du systeme alimentaire ne favorisent pas une adap- tation ,, nutritionnellement correcte ,, des modes alimentaires. Nos ancetres ont su s'adapter & I'environnement, aux famines et autres catastrophes. Nous devons apprendre & nous adapter & la plethore. Dans cette phase de transition economique, les populations les plus vulnerables sent celles qui souffrent des conditions les plus precaires. Si les effets tampon de la tradition et de la culture sont inoperants, les individus deviennent vulnerables comme le montre la progression spec- taculaire de la prevalence de I'obesite dans des populations migrantes [19].

,& cette evolution des modes alimentaires, s'ajoutent les effets de la reduc- tion globale de la depense energetique liee b ̀I'evolution de I'habillement, du chauffage, des moyens de transports, du travail manuel, du travail de conquete de la nourriture, le developpement des services, la reduction du ,, co~t ,, des activites de consommation. Les evolutions des modes de vie ont conduit la majorite de la population b ̀developper ses activi- tes dans des domaines et lieux circonscrits, equipes pour reduire le tra- vail d'adaptation b ̀I'environnement (temperature, distance, etc.).

5. De I'adaptation ~ la maladie

La prise de poids est-elle un phenomene pathologique ou au contraire une modalite d'adaptation physiologique aux evolutions des modes de vie ? Comment, dans un contexte de sedentarisation et de disponi- bilite alimentaire, echapper & une prise de poids ? La constitution d'un

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exces de masse grasse, ne serait-elle pas ,, la ,> solution 9. ces evolu- tions ? L'augmentation de la masse grasse entrafne en effet une aug- mentation de la depense energetique qui peut ~tre consideree comme une adaptation de bon aloi dans un contexte 00 la consommation lipi- dique augmente et la sedentarite s'accroft. L'augmentation de la masse grasse serait le prix 9. payer pour retablir I'equilibre energetique. Si I'ex- c~s de masse grasse n'avait pas de consequences sur la sante, si la societe ~tait plus tolerante 9. la diversite des formes, il serait en effet possible de plaider pour I'obesite qui est un nouvel etat homeostatique caracterise par une augmentation des depenses energetiques. N'est- ce pas 19. une double solution A la diminution de la depense energe- tique liee 9. la sedentarite ? [15].

Devant chaque situation individuelle, le clinicien doit chercher 9. iden- tifier la part de I'adaptatif et du pathologique. II doit egalement s'inter- roger sur les limites que les facteurs de resistance 9. la perte de poids opposent 9. son projet therapeutique. C'est ainsi que pourra regres- ser la stigmatisation de t'obesite et la culpabilisation du sujet obese au profit d'une analyse rationnelle de cette situation d'une particuliere heterogeneite et complexite physiopathologique.

6. Consequences

La mortalite liee a. la surcharge ponderale augmente d'autant plus que I'obesite survient plus t6t dans la vie aclulte. L'obesite est significati- vement associ~e & I'hypertension arterielle, au diabete, aux hyper- lipidemies, & I'insuffisance coronaire, cardiaque et respiratoire, & la lithiase biliaire, 9. la pathologie osteo-articulaire et 9. certains cancers (tableau I) [3, 1 9].

La <, peur du gras >> est devenue un standard culturel renforce par une medicalisation intempestive des questions de poids et de sante. Cette obsession ponderale epidemique, qui concerne egalement les hommes, devient un phenomene de societ& La discrimination, la stigmatisation, la culpabilisation dont sont victimes les personnes souf- frant d'ob6site importante peuvent avoir des consequences psycho- Iogiques et sociales considerables. Mais I'exces ponderal n'a pas que des inconvenients. Le ,, gros corps >> et/ou ses determinants com- portementaux peut avoir une fonction adaptative essentielle dans I'eco- nomie psychique d'un individu.

7. Conclusion

M aladie de societe, maladie de la transition economique, I'obesite connaft un developpement epidemique dans le monde entier.

[_'interaction de determinants environnementaux, comportementaux et biologiques est la regle. Les strategies therapeutiques doivent tenir compte de I'evolutivite de la maladie et de son heterog6neite [3, 5].

[1] Ailhaud G,, Adipose tissue as an endocrine organ, Int. J. Obes. Reist. Metab. Disord. 24 (Suppl. 2) (2000) $1-3. [2] Astrup/L Toubro S., Raben A, The role of energy expenditure in the deve- lopment of obesity, In: Progress in obesity eesearch:8, Edit B. Guy-Grand, G. Ailhaud, John [.ibbey (1999) 459-465. [3] Besdevant A., Guy-Grand B. Tralte de m6decine de I'obdsit& Rammarion M6declne Sciences, Paris (2004). [4] Bouchard C Tremblay A, Despres J.P. et al,, The response to long-term overfeeding in identical t~vins, N. EngL J, Med, 322 (1990) t 477-1482. [5] Bray G.A., Tartaglia L, Medical strategies in the treatment of obesity, Nature ~,04 (2000) 672-677. [6] Clement K., Vaisse C.. Lahlou N.. Cabrel S., Pelloux V., Cassuto D.,

543. [19] WHO World Health Organizat on Obesity: preventing and managing the global epidemic, Report of a WHO Consultation on obesity, Geneva, 3-5 june 1907 (WHOINUTINCDI98.1): 1998.

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