Numéro 131 Avril • Mai 2004

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Communiquer de façon appropriée Numéro 131 Avril • Mai 2004

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Communiquer de façon appropriée

Numéro 131 Avril • Mai 2004

2004sommairemot de la rédaction

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LA COMPÉTENCE DE L’ORDRE DE LACOMMUNICATION :MATRICE ORIGINELLE DETOUTES LES COMPÉTENCESpar Michel Aubé

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QUAND APPRENDRE ÀCOMMUNIQUER OCCUPEUNE PLACE IMPORTANTE :par Luce Brossard

25À L’ÉCOLE SECONDAIRESAINT-LUC

26AU COLLLÈGE MONT-SACRÉ-CŒUR

28À L’ÉCOLE SECONDAIREHORMISDAS-GAMELIN

33À LA POLYVALENTENICOLAS-GATINEAU

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COMMUNIQUER DE FAÇON APPROPRIÉE : PIERRE ANGULAIRE DE LA FORMATION DES JEUNESCette compétence transversale, souvent associée naturellement au cours de français est une responsabilitépartagée par l’ensemble de la communauté éducative. Ce dossier tente d’en cerner l’ampleur et de bien camper ses différentes facettes.

dossier12

COMMUNIQUER À L’HEURE D’INTERNETpar Marie-France Laberge

16LA COMMUNICATION AU CŒUR DE LA VIEPROFESSIONNELLETable ronde sur la communication dans le monde du travailpar Guy Lusignan

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LA BIBLIOTHÈQUESCOLAIRE : LIEUSTRATÉGIQUE POURDÉVELOPPER LACOMPÉTENCE ÀCOMMUNIQUERpar Lise Lagacé

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UNE MOSAÏQUECHATOYANTE DE PROJETSRASSEMBLEURSpar Paul FrancœurFidèle à la tradition, le comité de rédaction de la revue a tenu saréunion en région, où il a pu êtretémoin du dynamisme de l’Estrie.

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Vie pédagogique, avril-mai

LIRE ET ÉCRIRE… PAS TOUJOURS UN JEU D’ENFANTpar Jacinthe FortinUn texte qui vous fera partagerl’intérêt d’une enseignante pour un projet de littératie à l’école Saint-Pierre, au Lac-St-Jean.

52DE L’ÉNERGIE, DE LA CRÉATIVITÉ : UNE BIBLIOTHÈQUE FAIT PEAU NEUVEpar Chantal Guérin et Michel ClémentIci la réalité rejoint la fiction. À l’école Laure-Gaudreault, les élèves de « Madame Claudette »,à l’instar de l’héroïne de Dominique Demers, ont décidé de se prendre en main et deréaménager leur bibliothèque.

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UNE APPROCHE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE ET DEL’ÉCRITURE ENTIÈREMENTCENTRÉE SUR L’ÉLÈVE…par Jocelyne PrenoveauUn exemple utile pour tous lesenseignants et enseignantes quiveulent faire de leurs élèves deslecteurs et des scripteurs actifs.

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impressions

55lus, vus et entendus

56www.viepedagogique.gouv.qc.caRésumé des articles déposésdans le site Internet.

57histoire de rire

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PÉDAGOGIE PAR PROJETS :DES « GAZELLES » POUR DONNER LE GOÛT DE RÊVERpar Christine Simonnet-BarbergerAvoir un rêve et le réaliser. Partagersa passion avec ses élèves : tel estl’élément déclencheur d’un projetqui s’est déroulé dans une école deSaint-Philémon, dans le comté deBellechasse.

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À LA COMMISSIONSCOLAIRE DE LA RIVIÈRE-DU-NORD

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LE DÉFI DE LACOMMUNICATION POURL’ÉLÈVE QUI PRÉSENTE DES DIFFICULTÉSpar Ulla Hoff et Anne Paradis, avec la collaboration de Annie Beaupré, Lyne Gingras, Lyse Lapointe, Liette Picard et Charles Robitaille

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LE FRANÇAIS ÉCRIT DANS TOUTES LESDISCIPLINES : D’ABORD LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉLÈVEpar Gilles Fortier et Clémence Préfontaine

44MÉTACOGNITION ETCOMMUNICATION : DEUX PROCESSUS ENINTERRELATIONpar Louise Lafortune et Ginette Dubé

47LA COMPÉTENCE ÀCOMMUNIQUER DE FAÇONAPPROPRIÉE : UNEILLUSTRATION DE SONDÉVELOPPEMENT CONTINUpar Marie-France Laberge, CamilleMarchand et Emmanuel Roux

57et site Internet

VIE4 2004Vie pédagogique 131, avril-mai

mot dela

rédac-tion

mot de la rédaction

CONVERGENCES

Numéro 131Avril-mai 2004Revue québécoise de développement péda-gogique publiée par le Secteur de l’éducationpréscolaire et de l’enseignement primaire etsecondaire en collaboration avec la Directiondes communications et la Direction desressources matérielles.Secteur de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaireMinistère de l’Éducation600, rue Fullum, 10e étageMontréalH2K 4L1Tél. : (514) 873-8095Téléc. : (514) 864-2294Courrier électronique :[email protected] ADJOINT

Robert BisaillonVie pédagogiqueDIRECTIONCamille MarchandCOMITÉ DE RÉDACTIONGhislaine BolducRéjeanne CôtéYvon CôtéSuzanne DesjardinsThérèse Des LierresCyrias FortinNicole GagnonCamille MarchandArthur MarsolaisDaryl NessMarie-France NoëlMarthe Van NesteMarc-Yves VolcySECRÉTARIATJosée St-AmourCOORDINATION À LA PRODUCTIONMichel MartelDISTRIBUTIONFrance PleauSUPERVISION DE LA RÉVISION LINGUISTIQUESuzanne VinetPHOTOCOMPOSITION TYPOGRAPHIQUEET PHOTOGRAVURE

Composition OrléansIMPRESSIONTranscontinental QuébecPHOTO DE LA PAGE COUVERTURE

Denis GaronPUBLICITÉDonald BélangerTél. : (450) 974-3285Téléc. : (450) 974-7931Dépôt légal, Bibliothèque nationale du QuébecISSN 0707-2511Les textes publiés dans Vie pédagogique sontindexés dans le Répertoire canadien surl’éducation et dans Repère.Les opinions émises dans les articles de cette revue n’engagent que les auteurs et non le ministère de l’Éducation.Toute reproduction est interdite. Cependant, les étudiants et le personnel d’un établissementd’enseignement situé au Québec peuvent, à des fins personnelles ou d’enseignement,reproduire la totalité ou une partie des articlesfigurant dans la revue Vie pédagogique, à condition d’en citer la source, lorsqu’appli-cable. Toute autre reproduction, notamment à des fins commerciales, nécessite l’autorisation du titulaire de droit.On peut recevoir, gratuitement, au Québec,Vie pédagogique en écrivant à :Distribution de Vie pédagogiqueService de la diffusionMinistère de l’Éducation3220, rue Watt, bureau 101Sainte-Foy (Québec) G1X 4Z798-0808

E n ces temps de convergences,s’il en est une dont il fautsouligner l’importance, c’est

bien celle des liens à faire entre les dernières recherches dans ledomaine des sciences cognitives etles résultats empiriques venus del’observation de la réalité de laclasse.En effet, la pédagogie a souvent étéperçue comme une science qui n’apas toujours d’assises théoriquesvalidées.Plusieurs pratiques pédagogiques « gagnantes », observées dans lecadre de recherches quantitativesisolant des variables pour en per-mettre la généralisation, n’ont pastoujours eu d’effets tangibles etpour cette raison, ont souvent étéreléguées à un effet de mode.Les expérimentations opérées sur leterrain qui donnaient des résultatsauprès des élèves étaient générale-ment minimisées sous prétexte que« cela dépendait ». Oui, il est vraique cela dépend d’une multitude devariables telles que la disciplineenseignée, la motivation des élèves,la composition du groupe, le mo-ment de la journée, le lieu, l’espacede la classe, le statut de l’enseignantdans l’école, le milieu social ou la relation de l’enseignant avec lesélèves. Il serait d’ailleurs intéres-sant d’aligner l’ensemble des fac-teurs qui influencent la relationpédagogique, laquelle se résumetrop souvent à un seul vecteur, celuide la transmission de connaissances.C’est d’ailleurs en partant de cepostulat qu’il devient intéressant dese demander si un acte si complexeet soumis à autant de variables peutse résumer à un rapport strictementcognitif au savoir.Il y a déjà quelques années, lesrecherches de Damasio démontraient– dans L’erreur de Descartes – que

notre faculté de raisonnement sefonde sur les émotions. Pour sapart, Francesco Varela affirme dansl’un de ses ouvrages que l’inscrip-tion corporelle de l’esprit est uneréalité. Dans un autre domaine desconnaissances, et c’est là la véri-table convergence, David Servan-Schreiber a recensé des recherchescliniques qui étayent les liens (cequ’on devinait de façon empirique)entre le corps et l’esprit dans le pro-cessus de guérison. Ces recherchesdémontrent l’existence d’un cerveaudes émotions. C’est donc ici unconstat médical des liens à faireentre les trois dimensions de l’être,l’esprit, le corps et les émotions,qui sont régies par le cerveau.Ailleurs, on tente de préciser lareprésentation que l’on se fait del’intelligence, non plus en se basantsur l’aspect strictement cognitif, maisaussi sur plusieurs autres dimen-sions. Mentionnons des chercheurscomme Goleman, qui a fait la pro-motion de l’importance de recon-naître la dimension émotionnelle del’intelligence en analysant la capa-cité d’adaptation de l’humain etGardner, qui considère l’intelligenceà travers un ensemble de dimen-sions qui ne demandent qu’à êtrereconnues.La pédagogie appuyée par cesrecherches n’a plus à être seule-ment un art intuitif, elle devient unespécialité qui réunit un ensemble deconnaissances issues de domainesvariés, entre autres la psychologie,les sciences cognitives et la didac-tique. Le praticien devient alors unprofessionnel capable d’intervenirdans la complexité de l’acte d’ap-prendre. Toutes ces avancées dansle domaine des sciences cognitivesnous obligent à reconsidérer cer-taines pratiques pédagogiques jugéesaccessoires et souvent peu fondées

(mais qui, bizarrement, faisaient ladifférence) :• des pratiques qui témoignent

de l’importance de travailler laconcentration que l’enfant peutdévelopper dans des exercices de relaxation ou de respirationdirigés, au primaire comme ausecondaire;

• l’existence dans la vie scolaire delieux et de moments d’expressionverbale, picturale ou sonore per-mettant à des jeunes en déve-loppement de s’approprier deslangages qui les aident à structurerleur identité;

• la prise en compte de la dimen-sion affective et des attitudes dansla classe et plus spécifiquement lerôle des émotions dans l’appren-tissage.

Il est vrai que de nombreux projetsfont déjà appel à ces pratiques etVie pédagogique en témoigne, maiscelles-ci sont parfois trop éloignéesdu contexte de l’apprentissage pro-prement dit et reléguées au statutd’activités para ou périscolaires,alors que tout converge à consi-dérer ces approches comme descomposantes essentielles du rap-port enseignant-enseigné. Il faudraitalors reconnaître l’ensemble dessciences contributives et ajuster lesmodèles d’intervention en enseigne-ment et en évaluation à ces nou-velles découvertes des sciences quicherchent à faire comprendre lesmécanismes de notre cerveau.Camille Marchand

Références bibliographiquesDAMASIO, A. L’erreur de Descartes, Paris,Odile Jacob, 1995.GARDNER, H. Les formes de l’intelligence,Paris, Odile Jacob, 1997.GOLEMAN, D. L’intelligence émotionnelle,Paris, Robert Laffont, 2000.SERVAN-SCHREIBER, D. Guérir, Paris, RobertLaffont, 2003.VARELA, F. L’inscription corporelle de l’esprit,Paris, Seuil, 1993.

PÉDAGOGIQUE5

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DUNE MOSAÏQUE CHATOYANTE DE PROJETS RASSEMBLEURS

Un véritable bain de jouvence attendait les membres du comité de rédaction de Vie pédagogique à Sherbrooke, le 12 novembre 2003, alors que sept écoles

des quatre horizons de la région de l’Estrie présentaient un défilé de quelques réalisations marquantes sur le plan pédagogique.

par Paul Francœur

D e Lac-Mégantic à Asbestos,en passant par Saint-Isidore-de-Clifton, de Kate-

vale à Windsor, avec un détour parCompton et un arrêt à Sherbrooke,des exposés succincts d’expériencesfort diversifiées attestaient quelquesvaleurs communes aux éducateursde ce beau coin de pays : vision,souffle, énergie, créativité, soli-darité.Ces dernières années, l’opérationdite des plans de réussite et les défisde la réforme scolaire ont provoquél’éclosion d’heureuses initiativesdans la vie de plusieurs écoles,notamment :• l’éclatement des murs de la classe

par l’intégration dynamique desTIC;

• la synergie proactive avec les res-sources du milieu;

• l’exploitation de l’approche orien-tante;

• le stimulant d’une émulation debon aloi chez les élèves;

• la tenue de manifestations au con-tenu culturel audacieux.

En voici donc, brossés à grandstraits, quelques exemples convain-cants.

DES HAUTEURS DE KATEVALEAUX FJORDS DE NORVÈGEDepuis l’année 2002-2003, une pla-teforme d’apprentissage en réseau(ZAR, pour « zone de développementdes apprentissages en réseau ») apris naissance en Estrie. Elle per-met d’abolir toute distance entre lesécoles et d’abattre virtuellement lecloisonnement entre les classes.Hugues Émond, directeur de l’écoleDominique-Savio, à Katevale, avaitreçu du ministère de l’Éducation lemandat de mettre au point un dis-positif de communication instanta-

née au profit des écoles éloignéesdes grands centres. Avec la collabo-ration d’Yvan Lessard, conseillerpédagogique à la Commission sco-laire des Sommets et l’assistanced’un programmeur, il a conçu unsystème qui favorise les échangesconstants.Cette plateforme fournit à la foisune interface de développement etde partage de projets pour le per-sonnel enseignant, un système decommunication entre les classes etun espace organisé offert aux élèvespour l’apprentissage en réseau.Par l’intermédiaire de la ZAR, unenseignant peut donc concevoir desprojets avec leurs composantes de domaines, de compétences et decritères d’évaluation, et en partagerla réalisation avec des collèguesintéressés. L’interface met à la dis-position des élèves et des enseignantsune trousse complète d’outils degestion des apprentissages, com-modément intégrés, et rend pos-sible la coopération organique entredifférentes classes. Au moyen d’unepage d’accueil qui lui est person-nelle, chaque élève peut avoir accèsà des outils de communication,joindre ses coéquipiers et concré-tiser ainsi ses projets. Cette com-munication emprunte différentes

formes, parmi lesquelles l’élèvepeut choisir : forum de discussion,clavardage, vidéoconférence, papil-lon (sorte de post it signifiant unemain levée).En intégrant un projet, la plate-forme fournit à ses utilisateurs uncadre dynamique pour son élabo-ration, sa présentation et sa grilled’évaluation. La page d’accueil del’élève constitue la base de sonportfolio, lequel est accessible auxparticipants du réseau. Sur cettepage, les différentes versions dutravail de l’élève sont conservéessystématiquement. On garde ainsi latrace de la progression de ses ap-prentissages. Ce dossier de l’élèveest même sauvegardé pour la duréed’un cycle, ce qui assure une con-tinuité d’une année à l’autre etfacilite la supervision par l’en-seignant.En fermant la fenêtre, l’élève enre-gistre le document qui devient auto-matiquement accessible aux autrespartenaires du projet en cours. Car il est loisible à des équipes de se constituer et de se mettre autravail avec d’autres classes oud’autres écoles, même lointaines.Par exemple, un groupe d’anglaisintensif à Katevale s’est mis en rap-

port avec des jeunes Norvégiens quiétudiaient l’anglais comme langueseconde. Les parents peuvent aussiavoir accès à cette plateforme à titred’invités et constater les progrès deleur enfant.La ZAR est ouverte à toutes les com-missions scolaires désireuses de s’yjoindre et l’accès est gratuit. Unenseignant peut rapidement s’initierà son usage, car le système est tech-niquement simple et convivial dansson mode de fonctionnement. Surdemande, les responsables acceptentde se déplacer pour la formationdes nouveaux membres du réseau.En Estrie, 198 enseignants sont déjàdes usagers fidèles de la ZAR, quiconstitue un outil pédagogique glo-bal au service d’une communautéapprenante.Pour en savoir davantage, on est invitéà consulter le site [http://www.zar.ca].

UNE PLACE DES ARTS ÀSAINT-ISIDORE-DE-CLIFTONLe petit village de Saint-Isidoreoccupe une hauteur entouréed’érables et de sapins, tout près denotre frontière avec la pointe norddu New Hampshire. Son école pri-maire, dite des Trois-Cantons,regroupe 101 élèves recrutés aussidans les communautés voisines de

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Sawyerville et de Saint-Mathias-de-Bonneterre. Paradis de la nature,direz-vous, mais bien éloigné descentres culturels…Qu’à cela ne tienne! Tous les deuxou trois ans, Julie Saint-Pierre etStéphanie Perron, enseignantes depremière, deuxième et troisièmeannée, préparent avec leurs jeunesélèves une manifestation culturellede grande qualité. Au cours desmois de janvier et février, ces en-fants se familiarisent avec quelquesœuvres littéraires, historiques etartistiques, ainsi qu’avec leursauteurs. À la fin de ce parcours, ilsfont part de leurs découvertes à unpublic élargi, en ouvrant une « gale-rie des arts », montée et animée parleurs soins.Un ou deux après-midi par semaine,pendant six semaines, les élèves desdeux classes se regroupent dans unatelier thématique animé par l’uneou l’autre enseignante. Ils y sontconviés à une activité de coopé-ration. Par exemple, en 2003, leséquipes ont eu l’occasion de décou-vrir la vie et l’œuvre d’une douzained’écrivains et d’artistes, tout en exé-cutant ensemble une tâche concrète :• Gilles Tibo, auteur-illustratreur :

reproduction d’une illustration deleur choix;

• Robert Munsch, auteur : critiquede l’une de ses œuvres et illustra-tion de la couverture du livre;

• Gilles Vigneault, poète : interpré-tation d’une chanson et illustra-tion d’un poème;

• Clarence Gagnon, peintre : repro-duction d’une toile inspirée dustyle de l’artiste;

• Félix Leclerc, poète : étude dupoème Le petit bonheur, rechercheen équipe d’un « petit bonheur »et travail d’illustration du sujetretenu;

• Claude Monet, peintre : reproduc-tion en équipe du tableau intituléPont au-dessus d’un bassin denénuphars;

• Ginette Anfousse et DominiqueDemers, auteures : lecture d’unlivre préféré et expression desraisons de son choix;

• Stéphane Poulin, illustrateur :découverte de l’art naïf et créa-tion collective d’un tableau s’ins-pirant du style et de la techniquede l’artiste;

• Saint Nicolas : découverte dumonde de la légende;

• Jean de La Fontaine, fabuliste :découverte d’un auteur du dix-septième siècle et exploration deses fables;

• Atelier complémentaire portantsur l’origine des chiffres : mise enévidence du lien entre les mathé-matiques et les arts à l’aide d’unehistoire imagée des nombres.

À la mi-février, au terme de cecheminement à travers les douzeateliers, chaque équipe fut invitée àmonter un stand pour présenter sesdécouvertes et ses réalisations :deux semaines de travaux intensifsfurent nécessaires pour préparercette présentation et cette anima-tion, sans oublier la conceptiond’un décor approprié et la rédac-tion des invitations. À la fin du mois,la « galerie des arts » était prête àrecevoir ses visiteurs : les autresélèves de l’école et les gens dumilieu qui vinrent nombreux ets’émerveillèrent de la variété et dela qualité du matériel exposé ainsique des comptes rendus oraux desélèves, lesquels ont démontré uneexpertise impressionnante.Il va de soi qu’à travers cette initia-tive, les compétences en lecture eten écriture furent particulièrementtouchées, de même que plusieurscompétences transversales : exercicede la pensée créatrice, développe-ment du jugement critique, respectdes opinions des autres, méthodo-logie, etc.

QUATRE-VINGTS ADOLESCENTSD’ASBESTOS À LA DÉCOUVERTEDE LEUR MILIEULe jeudi 8 mai 2003, se tenait àl’école secondaire polyvalente del’Escale, à Asbestos, un congrèsinusité, organisé par le mouvement« Place aux jeunes @dos ». Tous lesélèves de quatrième secondaireétaient conviés, sur une base volon-

taire, à participer à un choix d’ac-tivités particulièrement signifiantesdans le cadre de leur démarched’orientation, tout en ayant l’occa-sion d’intensifier leur sentimentd’appartenance à leur milieu socio-économique – la MRC d’Asbestos.Au moyen de sept ateliers et de trois circuits de visites, animés pardes personnes-ressources prove-nant d’organismes et d’entreprisesimplantés dans leur région immé-diate, les jeunes congressistespurent ainsi entrer en contact avecleur environnement de manièreconcrète, directe et dynamique.Après la conférence d’ouvertureprononcée par Marcel Lebœuf, pré-sident d’honneur de cette journée,les ateliers offraient un choix desept thèmes couvrant plusieurschamps d’intérêt :• Journalistes d’un jour : participa-

tion à une table ronde avec desélus et des personnalités diri-geantes de la région, diffuséedans la presse écrite et parlée;

• Salon de l’emploi : occasion dedécouvrir différentes facettes de l’économie régionale et de repé-rer quelques possibilités d’emploialléchantes;

• As-tu la « boss » des affaires? :expérience d’apprentissage desconditions requises pour lelancement réussi d’une entrepriseet des rudiments de l’art dedevenir son propre patron;

• Le jeu géant : au moyen d’unprocédé multimédia, participa-tion à un jeu-questionnaire met-tant à l’épreuve ses connaissancesde la région;

• La culture et le tourisme : invi-tation à prendre conscience dudynamisme de la région sur les plans culturel et touristique, à partir de réalisations concrètes :le p’tit bonheur de Saint-Camille,le symposium des arts deDanville, etc.;

• Expérience théâtrale : partici-pation à un essai de théâtre etd’improvisation animé par desprofessionnels du domaine;

• Signé MRC d’Asbestos : visited’une caverne d’Ali Baba présen-tant des entreprises régionalesnovatrices qui ont conçu et misau point une gamme de produitsoriginaux.

En alternance avec les ateliers, les jeunes participants pouvaientprendre la route vers des visitesguidées aux quatre coins de larégion, en empruntant l’un oul’autre des trois circuits disponibles.Ils se familiarisaient ainsi avec dif-férents organismes ou entreprises :le Centre de santé, les ÉcuriesLambert, la Sûreté du Québec, le journal local « Les Actualités »,Airablo Pompes, la radio locale,etc.Le dîner fut servi au Club de chasseet de pêche Larochelle, dans unbeau décor naturel. Et la journée setermina tardivement avec un cocktailoffert par des adultes qui faisaientoffice d’hôtes. Les réactions desjeunes furent quasi unanimemententhousiastes et ils formulèrent lesouhait qu’un pareil événement serépète chaque année.Francine Jourdain, enseignanted’éducation au choix de carrière, etNathalie Labonté, conseillère en em-ploi, furent les chevilles ouvrièresde cette importante collaborationentre l’école et son milieu. Elles ontbon espoir qu’une telle initiative,liée à l’approche orientante, con-tribue à éclairer le choix de car-rière des jeunes et à renforcer leurattachement à leur région d’origine,si vulnérable à l’exode de ses forcesvives.Même si le projet avait une portéepédagogique limitée par les con-traintes inhérentes à un événementd’une seule journée, il illustrenéanmoins avec vigueur le potentield’un partenariat harmonieux entrel’institution scolaire et son environ-nement. En tout cas, la passion setrouvait au rendez-vous de part etd’autre. Des jeunes plus motivéssont retournés à leur banc d’école.

PÉDAGOGIQUE7

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VERS UNE RÉUSSITEGRÂCE AU JEU DU DÉFIDepuis septembre 1999, deuxclasses de sixième année de l’écoleSacré-Cœur (Lac-Mégantic) con-juguent leurs travaux scolaires avecun « jeu du défi », dans la perspec-tive d’une réussite pour tous.C’est à la faveur d’un congé de ma-ladie dont elle fit bon usage quel’enseignante Annie Julien mit aupoint cet ingénieux programme qui,de septembre à juin, tient en haleineses élèves et ceux de sa collègue,Lise Lapierre. Chaque élève se voitassigner, de semaine en semaine,un défi personnel adapté à sesforces et à ses faiblesses. On estappelé à se dépasser en fonction deson développement et de son pro-pre potentiel. De puissants incitatifsfouettent la motivation de l’élève,d’étape en étape : promotion dansun parcours accéléré de scolarisa-tion fictive selon un choix personnelde carrière, trophées, médailles,argent scolaire, etc. Chaque con-trôle réussi rapproche l’élève del’objectif qu’elle ou il s’est libre-ment fixé, en accord avec l’en-seignante.La démarche est judicieusementfondée sur une exploitation desdevoirs et des leçons, des évalua-tions formatives régulières, uneanalyse systématique des progrès,des reculs, des stagnations et desdifficultés – tout en recourant àl’agrément d’une activité ludique –et associée à des défis gradués etaccessibles par l’application, l’effortet la persévérance.Ce grand jeu se déroule en troistemps :1. Formation selon l’orienta-

tion professionnelle choisieCette étape débute en septembre etse poursuit jusqu’en mars :• On propose à chaque élève un

plan taillé sur mesure de devoirset de leçons à faire chaque semaine,avec la collaboration des parents;

• À la fin de chaque semaine, onévalue l’état des acquis par rap-port aux notions vues en classe etaux travaux effectués à la maison;

• Le défi attribué à chacun eststrictement personnalisé au débutde chaque étape, de même que lanote attribuée;

• Avec l’atteinte ou le dépassementde l’objectif fixé, l’élève progressedans une scolarisation fictive(secondaire, collégial, universi-taire), empoche de l’argent sco-laire et récolte des mentions deréussite.

De cette façon, on assure un trans-fert des apprentissages dans destravaux pratiques stimulants. Onamorce en même temps une dé-marche de réflexion sur l’orienta-tion professionnelle, donnant unsens à l’effort scolaire.2. Stages en milieu de travailDe janvier à juin, tout en parache-vant leur « scolarisation », les élèvespeuvent se qualifier pour un staged’une demi-journée dans un milieude travail correspondant à leurorientation.Munis d’un journal de bord pourconsigner leur expérience et d’unappareil photo, ils sont alors ac-cueillis comme stagiaires par unepersonne-ressource. Les milieuxd’accueil sont très diversifiés : ate-lier d’électricien, salon d’esthé-tique, clinique vétérinaire, bureaude la Sûreté du Québec, hôpital,service de douanes, studio de télévi-sion, centre d’éducation physique,etc. L’ouverture et la disponibilitédes gens du milieu se révèlentremarquables à cet égard.À leur retour à l’école, les élèvespréparent un compte rendu de leurexpérience, en font part oralement

à leurs pairs et montrent les photosqu’elles ou ils ont prises. Ils doiventégalement adresser une lettre deremerciement aux personnes quiles ont reçus.3. Transformation d’une

classe en mini-sociétéD’avril à juin, les élèves s’initient àla vie en société, en appliquant lesrègles qui y sont effectivement enusage. Selon les compétences, lesqualités, les habiletés et les « di-plômes » reconnus par les évalua-tions, ils se trouvent outillés pourjouer un rôle social et profession-nel déterminé, en interaction avecleurs condisciples : artiste, agentimmobilier, architecte, coiffeur,vendeur de voitures, etc. Sur la basedes fonds accumulés depuis le débutde l’année, ils peuvent aussi devenirchefs d’entreprise ou commerçants,propriétaires ou locataires, etc.Dans ce jeu de société, les transac-tions appropriées se multipliententre les élèves : émission de fac-tures et de chèques, calcul desimpôts et des taxes, etc.Les deux enseignantes se félicitentdes résultats obtenus par ces procé-dés qui ont maintenant largementprouvé leur efficacité. Les témoi-gnages enthousiastes des élèves etde leurs parents le confirment, spé-cialement en ce qui a trait à la mo-tivation. Si bien qu’on envisagemaintenant d’étaler ce jeu du défisur une période de deux ans, encommençant en cinquième année.Cette expérience tendrait à prouverqu’un usage judicieux, équilibré etcréatif du système de récompenses

(par ailleurs souvent décrié) trouveencore une justification en péda-gogie. Surtout quand l’élève estplacé en concurrence par rapport àlui-même, en fonction d’objectifs etet de sous-objectifs qu’il a lui-même déterminés comme appâts.Elle prouve encore une fois qu’uneactivité à caractère ludique serévèle un catalyseur puissant duprocessus naturel d’apprentissageet de progrès dans l’acquisition deconnaissances. Elle confirme enfinque des travaux scolaires branchéssur la vie réelle suscitent un intérêtspontané et durable chez les élèves.Mais le plus grand mérite de ce jeudu défi tient sans doute à la brèchequ’il ouvre face à l’avenir. Même s’ils’agit d’une fiction, le jeu de la sco-larité accélérée plonge l’élève dansl’univers – encore abstrait pour lui –des parcours de formation possibles,avec leurs exigences et leurs dé-bouchés. On incite ainsi l’élève à seprendre en main de façon plus poin-tue en fonction d’un objectif qu’ilpeut se fixer avec plus de lucidité etde réalisme par rapport à lui-même.Et cela, grâce à une meilleure con-naissance pratique du cheminementscolaire et de ses mécanismes. Lestage proposé renforce cette prisede conscience d’une formationpréalable indispensable, en four-nissant un visage concret à l’exer-cice d’une fonction dans la société.

LES PETITS CHOCOLATSDE WINDSORAux environs de Noël 2001, lesélèves de trois classes de sixièmeannée de l’école Saint-Philippe,

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à Windsor, se sont associés pour lamise sur pied et le fonctionnementd’une chocolaterie dont les succu-lents produits se sont envolés rapi-dement. L’expérience s’inspirait del’approche orientante et mettait enjeu l’intégration des matières – sur-tout le français et les mathéma-tiques – et incluait l’exploitationdes TIC.La nécessité d’assurer le finance-ment d’une sortie culturelle à Torontofut à l’origine de l’entreprise, à lasuite d’un sondage auprès desparents qui avait démontré la renta-bilité garantie d’une vente de cho-colats. De fait, la caisse enregistraun profit net de 6 000 $.Cinq équipes de travail furent doncformées, en tenant compte desgoûts, des habiletés, des aptitudeset des compétences de chacun :• Acheteurs : pour l’évaluation des

coûts de production, la détermi-nation du prix de vente, l’achatdes matières premières, etc.

• Producteurs : pour la fabricationdu produit dans une chaîne detravail;

• Emballeurs : pour le choix dumoyen à la fois le plus écono-mique, le plus pratique et le plusattrayant de présenter le produit;

• Rédacteurs : pour la conceptionet la réalisation du matériel depromotion (lettres aux parents,affiches, annonces, etc.);

• Trésoriers : pour la gestion descoûts de production et la comp-tabilité des revenus des ventes.

Cette même année, on travailla aus-si de façon complémentaire à laproduction d’un livre de recettes età la présentation d’une pièce dethéâtre. L’année suivante, on choisitplutôt de vendre des sapins et desboules de Noël, tout en conservantla présentation d’un spectacle, évé-nement toujours populaire auprèsdes parents.Manon Pothier et Isabelle Larente,toutes deux enseignantes de sixièmeannée, soulignent le grand succèsremporté par le projet de la choco-laterie, même s’il exigea de leurpart beaucoup d’énergie et de tra-

vail. Elles ont pu en vérifier deseffets mesurables chez leurs élèves,dont plusieurs manifestaient desproblèmes d’apprentissage et decomportement :• amélioration notable du com-

portement de quelques élèves quise sont valorisés dans l’exécutionde leurs tâches;

• motivation accrue chez tous, avecun engagement dans un projetcommun qui les passionnait etqui leur donna l’occasion de vivreune réussite personnelle et col-lective;

• mise en situation de communica-tion réelle en lecture et en écri-ture, occasion d’un transfert enmathématique et exploitation sys-tématique de l’informatique.

Tous les participants furent mobi-lisés dans ce projet et fortementmotivés aux différentes étapes de saconcrétisation. La collaboration desparents se révéla particulièrementsoutenue et efficace. Succès notoiredont on parle encore à Windsor et qui permit ce déplacement inou-bliable vers la métropole du Canada.

L’HISTOIRE DES MOTSRACONTÉE PAR DES ENFANTSL’école Louis-Saint-Laurent, àCompton, se caractérise par undynamisme qui se concrétise chaqueannée dans la mise en œuvre d’ungrand projet mobilisateur del’ensemble des élèves et du person-nel. L’année 2002-2003 fut par-ticulièrement remarquable à cetégard, souligne Marielle Genest, ladirectrice.Dans le cadre du programme visantla valorisation de la culture d’unmilieu, on a choisi un thème unifi-cateur : l’histoire de l’écriture au fildu temps, de la préhistoire à nosjours. Un cheminement engageanttoutes les classes et qui s’étendaitsur toute l’année scolaire fut plani-fié autour d’un objectif prioritaire :développer l’habileté des élèves às’exprimer oralement avec aisance,fluidité et clarté. La préparationd’un grand spectacle de fin d’annéedevait polariser et soutenir l’intérêtdes élèves et permettre d’intégrer

l’initiation à plusieurs formes d’art :musique, chant, danse, mime, des-sin, etc.De septembre à janvier, chaqueenseignante ou enseignant présentaun atelier tous les neuf jours.Plusieurs genres littéraires furentainsi abordés : fables de La Fontaine,théâtre de Shakespeare, légendes,comptines, etc. Puis, on proposades activités variées, par exemple,un cercle de poésie, l’étude du Petitprince de Saint-Exupéry ou l’ap-prentissage d’un instrument ancien,le psaltérion.Au retour de la semaine de relâche,au cœur de l’hiver, on afficha une « ligne du temps » dans la salle desprofs; chaque classe choisit alorsun segment de l’histoire de la civili-sation qu’elle aurait à étudier demanière plus poussée. Et chaquegroupe commença la lointaine pré-paration d’un numéro en vue duspectacle qu’il donnerait au moisde juin :• Maternelle : préhistoire,• Première année : chant et danse,• Deuxième année : Mozart,• Troisième année : adaptation et

mime d’une légende amérindienne,• Quatrième année : conte : Le chat

botté,• Cinquième année : journal de

bord des marins découvreurs del’Amérique,

• Sixième année : bandes dessinées.Une personne-ressource vint à larescousse pour assurer l’unité et la liaison entre les différentes piècesdu programme. Des entrevues per-mirent de répartir les rôles selon legoût et les talents de chaque élève.Après quelques semaines de répéti-tions fébriles et de travaux prépara-toires (costumes, décors, accessoires,etc.) qui envahirent l’établissementd’un bourdonnement incessant etqui unirent les efforts de tous dansun élan de solidarité incroyable, legrand jour arriva. Un public nom-breux et enthousiaste vint applaudirla performance des élèves dans unspectacle qui s’afficha sous un titreévocateur : « Des mots qui nousrassemblent ».

Dans une riche variété de numéros,tous les élèves défilèrent sur lascène : danses, jongleries, acrobaties,musique, chant, livre géant illustrépar les élèves et dont on tournait lespages accompagnaient l’expressionorale d’un captivant panorama del’histoire des mots. Tous ces jeunesrassemblés sur les planches clô-turèrent le spectacle par la chansond’Yves Duteil La langue de chez-nous .L’événement a fait époque dans lesannales du village de Compton. Lacollégialité des enseignants s’en esttrouvée consolidée. La coopérationentre les élèves, déjà amorcée parune pratique généralisée du jume-lage, a connu un progrès marquant.Dix-sept élèves se sont initiés au jeudu psaltérion. Quelques-uns se sontrendus à Saint-Venant-de-Paquette,chez Richard Séguin, pour parti-ciper à un « Sentier poétique ». Lesrevenus du spectacle ont contribuéà la réalisation du parc-école. Voilàun bilan dont les artisans sont trèsfiers. « Une école qu’on ne voudraitpas quitter », assurent avec convic-tion Kathy Lapointe, enseignante decinquième et de sixième année, etHélène Bureau, responsable de laclasse maternelle, qui nous ont faitle récit enthousiaste de cette belleaventure.

LES CONQUÉRANTS DE LAMONTÉE OU DU BON USAGEDE LA COMPÉTITIONAlors que toute concurrence seraiten principe suspecte dans nosécoles, au profit des valeurs de col-laboration et de coopération, voiciqu’un établissement scolaire deSherbrooke met en relief une exploi-tation saine d’une forme de com-pétition entre des groupes d’élèves,qui invite au dépassement de seslimites et au plein développementde son potentiel. Le pavillon Saint-François de l’école secondaire de laMontée propose à ses 600 élèves de première et deuxième année departiciper en permanence à ungrand jeu inspiré de la légende deschevaliers de la Table ronde, dont

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l’émulation sert d’aiguillon con-stant. Ce programme, lancé depuisseptembre 2002 sous le titre LesConquérants de la Montée, tientmaintenant lieu de projet éducatifde l’établissement. Il fut élaborédans la mouvance des plans deréussite.Vingt-quatre classes, chacune étantplacée sous la responsabilité d’unenseignant titulaire, sont regroupéesen douze clans de quarante à cin-quante élèves. On a choisi délibé-rément d’associer deux groupeshétérogènes, par exemple une classede cheminement particulier de pre-mière secondaire et une classeordinaire de deuxième. Chaqueclan reçoit un nom : Île du Loch,Hautes Terres, Druides de la Crypte,etc. De cette façon, on estime quetous les élèves peuvent contribuerau succès de leur clan en mettanten valeur leur forces personnelles.Dès le début de l’année scolaire,tous les clans amorcent – sous lagouverne des deux titulaires – unparcours de conquête du Saint-Graal : un trophée très convoité,exposé en permanence dans le halld’entrée de l’école. Cinq axes dedéveloppement servent de base à lagrille d’évaluation des aspirantschevaliers, qui peuvent enrichirleur clan respectif de points attri-bués à chaque étape par un GrandConseil des sages :• Résultats scolaires : la perfor-

mance est prise en compte, maisaussi le maintien du rendement etsurtout l’amélioration;

• Vie communautaire : toutes lesformes d’engagement des jeunesdans leur communauté sontreconnues;

• Vie scolaire : le respect du règle-ment de l’école est récompensé,mais aussi les progrès enregistréspar les élèves dans leur com-portement;

• Environnement : tout projet de pro-motion, de sauvegarde et de respectde l’environnement obtient unereconnaissance (activités de récu-pération et de nettoyage, décora-tion de locaux, etc.);

• Tournois : la performance, la par-ticipation et l’encouragementfournis à l’occasion des tournoisorganisés à divers moments del’année permettent aussi auxclans d’accumuler des points.

Enfin, la catégorie « Honneur aumérite et à la bravoure » permet desouligner et de récompenser lesélèves qui s’illustrent de façon par-ticulière à l’école ou dans leurmilieu de vie.À la fin de chaque étape, le GrandConseil des sages (dix enseignants,la direction et un membre desservices complémentaires) se réu-nissent pour décerner les pointsdont le total le plus élevé désignerale clan gagnant de l’étape. Ce clanreçoit alors un montant d’argentdestiné à la réalisation d’une acti-vité. À la fin de l’année, le clan quiobtient le plus grand nombre depoints au tableau cumulatif est con-sacré grand champion des Conqué-rants de la Montée. Il passe alors àla postérité : son nom est gravé surla coupe du Saint-Graal. Une men-tion d’excellence lui est attribuée augala Méritas et un camp de deuxjours est organisé à l’intention deschampions et championnes.Des projets concrets sont aussiréalisés à l’intérieur de l’horairescolaire. Tous les titulaires sontalors en classe avec leur groupe ettravaillent à la mise en œuvre d’unprojet commun. Par exemple, lepremier travail proposé aux élèvesfut d’identifier les armoiries de leurclan : signification du nom du clan,définition historique, choix d’unedevise, conception d’armoiries selonles règles de l’héraldique, etc. Lestravaux furent jugés remarquablespar leur qualité et à cause de l’ima-gination dont les jeunes ont faitpreuve.Si les retombées de ce projet édu-catif pour la réussite scolaire pro-prement dite restent encore àanalyser, on peut déjà établir unpremier bilan général positif :• Tout le personnel de l’école est

maintenant plus uni et travaille de

concert à la mise en œuvre de ceformidable projet;

• Le Conseil de la table ronde (ouconseil des élèves) est désormaisprésent, visible et engagé plus quejamais dans la vie de l’école;

• Les élèves participent avec entrainà toutes les activités liées au pro-jet. Leur lien d’appartenance àl’école est particulièrement mani-feste au moment où les clans sontréunis : tournoi de la rentrée,tournoi de l’Halloween, périodes-projets sur les armoiries, etc.;

• Les élèves développent des rela-tions significatives avec les jeunesdes autres classes;

• Le système de pointage adoptéamène les élèves à se centrer da-vantage sur les forces de leurscamarades de classe plutôt quesur leurs faiblesses. Chaque clanespère récolter le maximum depoints en faisant ressortir le meil-leur de chacun de ses membres;

• L’école jouit maintenant d’unemeilleure visibilité et d’une meil-leure reconnaisssance sociale,comme en témoignent les repor-tages dans des revues et des jour-naux, les entrevues télévisées, etc.

C’est avec une juste fierté queMaxime Lamirande (enseignant en adaptation scolaire) et MarcDeslauriers (professeur d’arts plas-tiques) ont présenté cette réalisa-tion franchement exceptionnelle. Ilscomptent continuer de l’améliorer,notamment en l’intégrant mieuxdans l’horaire scolaire.

SOUFFLE DE FRAÎCHEUR, DECRÉATIVITÉ ET DE SOLIDARITÉCette parade de sept projets – parmitant d’autres sans doute – témoignede l’imagination, de l’énergie et del’engagement du personnel desécoles :• Tous les exposés ont souligné

scrupuleusement le lien avec laréforme scolaire : on a précisé lesdomaines touchés, les compé-tences développées et les critèresd’évaluation. Presque tous lesprojets supposaient une intégra-tion des matières;

• La plupart des initiatives pro-viennent de milieux situés enrégion éloignée ou en zone défa-vorisée économiquement, et sou-vent dans un contexte où l’ondénombre plusieurs élèves en dif-ficulté;

• La solidarité croissante du per-sonnel enseignant est maintes foismise en évidence : il s’agit en majo-rité de projets d’école ou de pro-jets mobilisant plusieurs classesou plusieurs écoles vers un objec-tif commun;

• Le contenu culturel de certainesréalisations est souvent de hautniveau : l’enfant de la maternellede Saint-Isidore qui plonge dansla préhistoire, les dix-sept élèvesde Compton qui s’initient aupsaltérion, ceux de Katevale quientrent en communication avecleurs pairs de Norvège, ces jeunesdu quartier est de Sherbrooke quimaîtrisent les règles de l’héral-dique, etc.;

• Le partenariat avec les ressourcesdu milieu enregistre des progrès :la forte participation des parentsà la galerie des arts de Saint-Isidore et au spectacle de find’année à Compton, la collabo-ration des organismes et des en-treprises au congrès d’Asbestos,l’engagement des parents dans lachocolaterie de Windsor, l’accueildes stagiaires à Lac-Mégantic,l’intérêt des médias pour lesexploits des conquérants de laMontée, etc.;

• La consécration des TIC commeoutils pédagogiques quasi indis-pensables illustrée par la ZAR;

• Enfin, la confirmation de la viabi-lité d’un objectif : la réussite pourtous, à partir de cibles et de défistaillés sur mesure, dans une am-biance stimulante et valorisante.

Merci aux enseignants et aux ensei-gnantes de l’Estrie de nous fournircette éclatante marque de foi dansles ressources des jeunes en forma-tion et en apprentissage.M. Paul Francœur est consul-tant en éducation.

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ÀUNE APPROCHE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE ET DE L’ÉCRITURE ENTIÈREMENTCENTRÉE SUR L’ÉLÈVE : UN BILAN POSITIF DE LA PREMIÈRE ANNÉE D’EXPÉRIMENTATIONpar Jocelyne Prenoveau

À l’aube des vacances estivales,une élève me demande : « Est-ce qu’on va pouvoir

venir emprunter des livres dans taclasse quand on sera en deuxièmeannée? » Rien ne pourrait meréjouir davantage. C’est le fruitd’une année d’expérimentation et larécompense que j’attendais.J’enseigne à des élèves de premièreannée dans une école d’un milieuprincipalement allophone et défa-vorisé. Depuis un an, ma collègue etmoi utilisons une nouvelle approchede l’enseignement de la lecture etde l’écriture que j’ai rapportée d’unséjour de deux années aux États-Unis. À notre grande joie, nous cons-tatons que les résultats obtenus ence qui concerne la lecture et l’écri-ture auprès de nos élèves sontépatants.Pendant mes études à l’Universitéd’Arizona (programme menant à

l’obtention d’une maîtrise en édu-cation terminé en juin 2001), j’étaisfascinée par cette approche de l’en-seignement de la lecture et del’écriture adoptée par mes con-sœurs américaines. Une approcheentièrement centrée sur l’élève,adaptée à la vitesse de développe-ment de chacun et où les livresoccupent une place très importante.Une approche qui se marie parfaite-ment au Programme de formationde l’école québécoise. Une approcheà l’égard de laquelle nous avionstout de même certaines réserves…Les changements font toujours unpeu peur.Nous avons affronté nos peurs endélaissant tout doucement lesmanuels scolaires et les cahiersd’exercices pour faire une placeplus grande aux livres de littératurejeunesse. Maintenant, nos activitésquotidiennes incluent notamment lalecture partagée, la lecture guidée,la lecture autonome, la lecture delivres par l’enseignante, des ana-lyses de textes littéraires et docu-mentaires ainsi qu’un momentd’écriture. Nous prévoyons égale-ment des sorties régulières à labibliothèque de notre quartier et authéâtre, des rencontres avec desauteurs ainsi que de nombreuxmoments d’échange et de coopéra-tion entre les élèves.

LA LECTURE PARTAGÉELa lecture partagée s’effectue engrand groupe avec des livres géants(que nous fabriquons à l’aide d’al-bums découpés) ou d’affiches dontles textes sont prévisibles. Lors decette activité, l’enseignante lit enpointant chaque mot et invite lesélèves à lire avec elle lorsqu’ils sesentent prêts. La relecture du grandlivre à quelques reprises au coursde la semaine permet éventuelle-

ment à tous les élèves de se joindreà la lecture à l’unisson. C’est àpartir des grands livres, donc encontexte, que nous enseignons leslettres et les sons.

LA LECTURE GUIDÉEPour la lecture guidée, nous for-mons des groupes homogènes dequatre ou cinq élèves en fonction de leur niveau d’habileté. Nous tra-vaillons avec de petits livres gra-dués. Il est fondamental de choisirdes livres dont les élèves pourrontdécoder au moins 90 p. 100 desmots. Si leurs résultats se trouventen deçà de ce pourcentage, ilsseront en situation de frustration,ce que nous devons éviter à toutprix. Cette année, pour débuter,nous avons surtout utilisé les livretsde lecture de la série « À motsdécouverts », un peu empoussiérés,mais bien adaptés aux besoins desélèves. Pour la seconde partie del’année, sur la recommandation de Mme Jocelyne Giasson, profes-seure à l’Université Laval, nousavons acheté des livres plus récentsde collections telles que « À pas de loup », « Chanteloup » et « Milanpoche benjamin ».Chaque jour, pendant une périodede 15 à 20 minutes, nous réunis-sons un groupe d’élèves. Chaqueélève a le même livre en main. Celasuppose que nous ayons plusieursexemplaires de chacun des livretsutilisés. L’activité débute par unepréparation à la lecture : présenta-tion de l’intention de lecture, obser-vation des images, discussion,prédictions et attention particulièreaux mots difficiles qui seront ren-contrés. Ensuite, chaque élève lit lelivre tout seul. Pendant cette lectureà voix basse, l’enseignante doit s’as-surer que chaque élève utilisetoutes les stratégies de décodage et

de compréhension à bon escient.Elle le guide et l’oriente vers lesstratégies qui ne sont pas acquises.Après la lecture, les élèves se réu-nissent de nouveau pour faire unretour sur leurs prédictions et dis-cuter du texte. Nous faisons égale-ment le point sur les stratégies delecture utilisées : « Est-ce qu’il y aun mot que tu as eu de la difficulté à lire? Qu’as-tu fait pour tedébrouiller? Quelle stratégie as-tuutilisée? » Avec le temps, les élèvesont développé la capacité de recon-naître clairement et d’utiliser effica-cement les stratégies de dépannage.Lorsque celles-ci sont bien maî-trisées et quand ils se sentent prêts,ils peuvent tout doucement com-mencer à lire en silence. Les livressélectionnés minutieusement parl’enseignante pour la lecture guidéesont ensuite distribués dans despaniers dûment identifiés pour lalecture autonome.

LA LECTURE AUTONOMELors de la période de lectureautonome (au moins 15 minutespar jour), les élèves sont invités àrelire les livres qu’ils ont lus pen-dant la lecture guidée. Cette périodeest consacrée à la pratique. Chacunse trouve un petit coin tranquilledans la classe ou dans le corridorpour lire. Même la prof! Les élèvesadorent ce moment parce qu’ilsdécouvrent leur capacité à lire deshistoires complètes, des livresentiers. C’est très motivant poureux. Plus le temps avance et plus lenombre de livres à lire augmentedans les paniers. Plus de livres, plusde choix et de plus en plus deplaisir au fil des jours!La relecture de livres est fonda-mentale dans le contexte de notreapproche. Elle permet de dévelop-per l’habileté à reconnaître les motsPh

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PÉDAGOGIQUE11

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courants globalement ainsi que lafluidité et l’assurance de l’élève.Pendant la lecture autonome, lesélèves doivent être capables de lireau moins 98 p. 100 des mots dulivre qu’ils choisissent. Il importedonc que l’enseignante sélectionnede façon appropriée (en fonctiondes différents niveaux d’habileté)les livres qu’elle met à la dispositionde chaque groupe d’élèves.

LA LECTURE DE LIVRESPAR L’ENSEIGNANTEL’enseignement des stratégies delecture n’est pas suffisant, il fautaussi donner le goût de lire auxélèves et les amener à développerleur niveau de compréhension àl’écoute (Trelease, 1989). Uneautre activité importante est donccelle où nous lisons des livres dequalité aux élèves. Nous avons tou-jours lu des livres à nos élèves, maisnous n’avions jamais planifié quoti-diennement un temps pour le faire.Nous lisions quand nous avions unmoment libre. Depuis cette année,nous prévoyons une période quo-tidienne de ce type de lecture.Chaque jour, nous lisons un livre dequalité (fiction ou documentaire)aux élèves. Parfois nous le faisonssimplement pour le plaisir. Parfois,nous faisons suivre la lecture d’unediscussion et d’une analyse.

LES ANALYSES DE TEXTESLITTÉRAIRES ETDOCUMENTAIRESLes analyses de livres permettent dedévelopper le niveau de compré-hension et le plaisir des élèves.Ainsi, en 2001-2002, dans maclasse, nous avons fait une étudecomparative d’histoires sur lethème de la différence, une étudedes auteurs Charles Perrault etJasmine Dubé, une recherche sur le chien, une autre sur les ours ainsi qu’une analyse d’histoiresd’ours (distinction entre la vérité etla fiction). Mes élèves ont présentéleurs travaux sur les ours au Festivaldes sciences de la Commission sco-laire de Montréal à la fin du moisd’avril 2002.

L’ÉCRITURE PROVISOIREET PERSONNELLEL’apprentissage de l’écriture estintimement lié à celui de la lecture.C’est pourquoi nous prévoyons unepériode complète d’écriture parjour. Journal personnel, lettres,poèmes, histoires, rapports derecherche... tous les types de textessont d’abord modelés par l’en-seignante à l’aide du rétropro-jecteur. Celle-ci réfléchit à voixhaute en écrivant ses propres textes.Elle modèle ce qu’une auteureexperte fait : la recherche des idées,la préparation de la phrase, le lienentre les sons et les lettres, lesespaces entre les mots, la majus-cule, le point, etc. Les élèves obser-vent l’experte, l’aident à rédiger,puis ils écrivent leur propre texte.Dans ce contexte, nous encoura-geons l’écriture provisoire et per-sonnelle des élèves. Ces derniers seservent de ce qu’ils connaissent desmots pour rédiger des textes per-sonnels. Plus question de leurfournir les mots qu’ils ne savent pasencore écrire. Ils peuvent copierceux qui sont affichés en classe,mais ils doivent également faire l’ef-fort d’établir la relation entre lessons et les lettres, entre l’oral etl’écrit. Cela renforce leur habileté àlire et à écrire.Au début de l’année scolaire,lorsque les élèves sont invités àécrire leur journal, ils se limitentsouvent à un dessin. Puis, petit àpetit, nous voyons apparaître deslettres, des mots, des sons et desphrases sous le dessin. Chacun pro-gresse à son rythme. Nous avons étéravies de constater que l’écritureprovisoire et personnelle facilite lesprogrès en matière de lecture etd’écriture. Les craintes que nousavions de ne pas voir ces progrèsapparaître (nous ne faisons pasassez confiance aux élèves!) se sontrapidement dissipées pour faireplace à un sentiment d’émerveil-lement. Dans nos classes précé-dentes, nous n’avons jamais eu dejeunes auteurs (et lecteurs) aussiprolifiques.

D’autres activités d’écriture, tellesque l’écriture partagée, l’écritureinteractive et l’atelier d’écriture,complètent nos interventions pédago-giques à cet égard. Pendant l’activitéd’écriture partagée, l’enseignanteécrit sur des tablettes géantes letexte que les élèves lui dictent.L’écriture interactive implique lepartage du marqueur entre lesélèves qui composent un texte engroupe. Guidés par l’enseignante,les élèves écrivent à tour de rôle surdes feuilles géantes. Des ateliersd’écriture sont également organiséssporadiquement par l’enseignantepour travailler certains aspects del’écriture. Ces ateliers peuvent êtreindividuels ou en groupe. Il importede bien observer les rédactions dechacun pour y relever des points àtravailler. Par exemple, en exami-nant les textes très longs que cer-tains de mes élèves produisaient àla fin de l’année, je me suis renducompte qu’ils étaient déjà prêts à apprendre le concept de para-graphe. J’ai donc réuni les quelquesélèves visés pour une minileçon surce sujet.

UN BILAN TRÈS POSITIFNous croyons que la pratique quoti-dienne de la lecture partagée, de lalecture guidée, de la lecture auto-nome, de la lecture de livres parl’enseignante, des analyses de texteslittéraires ou documentaires ainsique de l’écriture provisoire et per-sonnelle a mené nos élèves de pre-mière année au succès et au plaisirde la lecture et de l’écriture.En avril 2002, une collègue et amied’une autre école a assisté à unepériode de lecture autonome dansma classe. Elle était emballée par cequ’elle voyait : « Tous tes élèveslisent avec une aisance remar-quable! » Oui. Ils lisent tous aisé-ment les livres qui sont à leurniveau. Quelques-uns en sontencore aux livres de débutants,mais la plupart lisent leurs pre-miers romans. L’important, c’estqu’ils se sentent capables et qu’ilsaient développé le goût de lire.

Bien sûr, Maha, que tu vas pouvoirvenir dans ma classe emprunter teslivres préférés quand tu seras endeuxième année. J’en serai trèsheureuse!Mme Jocelyne Prenoveau estenseignante à l’école Saint-Benoît de la Commission sco-laire de Montréal.

Références bibliographiquesCUNNINGHAM, P.M., D.P. HALL et C.M.SIGMON. The Teacher’s Guide to the FourBlocks, Greensboro, NC, Carson-Dellosa,1999.FOUNTAS, I. C. et G. S. PINNELL. GuidedReading : Good First Teaching for AllChildren, Portsmouth, NH, Heinemann, 1996.GIASSON, J. La lecture : de la théorie à lapratique, Montréal, Gaëtan Morin, 1995.HOFFMAN, J.V. « Critical Reading/ThinkingAcross The Curriculum : Using I-Charts toSupport Learning », Language Arts, vol. 69,février 1992, p. 10-16.MOONEY, M.. « Guided Reading Beyond thePrimary Brades », Teaching K-8, septembre1995, p. 75-77.ROSER, N.L. et J.V. HOFFMAN. « LanguageCharts : A Record of Story TimeTalk »,Language Arts, vol. 69, janvier 1992, p. 44-51.TRELEASE, J. « Jim Trelease Speaks onReading Aloud to Children », The ReadingTeacher, décembre 1989, p. 200-206.

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dossier

L a compétence transversale « Communiquer de façon ap-propriée » est associée natu-

rellement au cours de français.Toutefois, ses composantes « s’ap-proprier divers langages », « recourirà divers modes de communication »et « gérer sa communication » endémontrent bien la dimension trans-versale. L’acte de communiquern’est-il pas un besoin vital pour toutindividu? Le langage ne vient-il pasde ce désir de se faire entendre,d’entrer en relation avec autrui etd’être reconnu?Pourtant, la communication est tropsouvent reléguée à une fonction uti-litariste prise en charge par le coursde français dans sa composantestrictement linguistique, laquelleévacue toutes les autres formes delangages.Ne faut-il pas réhabiliter toutes cesautres formes de communication,soient-elles non verbales ou sym-boliques?De fait, le geste de communiquersuppose la socialisation et la struc-turation de l’identité en permettantà l’individu de s’exprimer tout enexploitant les ressources des diffé-rents langages. Cette compétencetransversale, pierre angulaire de laformation des jeunes, s’inscrit danscette mouvance qui souligne l’inter-dépendance des compétences.Communiquer, c’est aussi être cons-cient de l’importance de la variété descodes pour arriver à transmettre un

message qui tienne compte descomposantes de la communicationen fonction d’une intention préciseet claire. Le rôle de l’école, dans cecontexte, n’est-il pas de faire con-naître à l’élève l’importance du codedans sa rigueur pour permettre unecommunication moins empreinted’équivoques? Si le langage estsource de malentendus…, c’estsouvent à la périphérie des cours etdes programmes que les consé-quences du manque de communi-cation se manifestent. Par exemple,les graffitis pourraient être, à l’instarde la violence verbale, des manifes-tations de manque de ressourcesémotives, linguistiques et artistiquespour exprimer une colère, unepeur ou une révolte.D’autre part, il existe une étiquettepropre à la communication parInternet dont l’école devrait main-tenant se préoccuper pour éviter untrop grand divorce entre l’impriméet le virtuel.Toutes ces constatations ont soulevéplusieurs questions auxquelles nousavons tenté de répondre.• Comment rendre l’élève sensible

à l’importance de communiqueren tenant compte de la diversitédes situations?

• Comment faire de la communica-tion, dans toutes ses dimensions,une préoccupation de la commu-nauté éducative qu’est l’école?

• Comment permettre à l’élève dese bâtir un éventail de stratégiesde communication?

• Comment développer chez lesjeunes leur sens critique par rap-port aux nouvelles technologiesen ayant conscience des dérivespossibles?

• Comment amener les enseignanteset les enseignants, sur une baseindividuelle mais aussi collective,à prendre conscience de l’impor-tance de cette compétence clédans la formation du jeune, enayant à cœur de toujours dévelop-per la leur? Citons ici Pinker(1993) : « … le langage humainest une merveille de la naturepuisqu’il constitue un systèmeinfini qui est maîtrisé par desêtres aux capacités cérébraleslimitées… » donc toujours endéveloppement…

Devant l’ampleur du sujet, nousavons fait des choix dans le traite-ment du dossier. Pour l’amorcer, unarticle de fond signé par MichelAubé précise la place de la com-munication dans l’ensemble de laformation des jeunes. Marie-FranceLaberge dresse ensuite un portraitde la communication à l’ère dunumérique. Nous ne voulions pasnon plus négliger ce qui se fait déjàdans les écoles quant à la prise en compte de la compétence trans-versale à communiquer de façonappropriée. Luce Brossard relate icicinq projets qui touchent différentsdomaines disciplinaires du Pro-gramme de formation de l’école qué-bécoise. De son côté, Lise Lagacé a visité une bibliothèque qui s’estdonné un mandat particulier enlaissant à cette compétence toute laplace qui lui revient.Nous avons aussi pensé aux élèvesqui éprouvent des difficultés sur le plan de la communication. Uneéquipe de la Direction de l’adaptationscolaire et des services complémen-

taires du ministère de l’Éducations’est penchée sur la question.Il nous fallait également aborderl’épineuse question du français écritdans toutes les disciplines. Deuxexperts du domaine, ClémencePréfontaine et Gilles Fortier, nousfont part de résultats de recherche.La langue et les langages sont desoutils essentiels pour permettre à chaque élève de décrire des pro-cessus et des stratégies. LouiseLafortune et Ginette Dubé, cher-cheures dans le domaine de lamétacognition, ont fait ressortir lesliens qui existent entre ce champ derecherche encore peu exploré et lacommunication.Cet ensemble de textes saura, nousl’espérons, cerner une question fortcomplexe en illustrant les différentsenjeux qu’elle suscite. Certainsnous reprocheront, de ne pas avoirpris le risque de parler de la ques-tion de l’évaluation de cette compé-tence. Nous y avons pensé, maisavons voulu dans un premier tempsbien camper l’ampleur de la com-pétence, avec l’intention arrêtée derevenir sur l’évaluation dans unprochain numéro.C’est d’ailleurs avec la volonté d’illus-trer de façon différente l’évolutionde la compétence à communiquerque nous avons mis à profit notresite Internet, sur lequel vous pour-rez trouver une illustration multi-média de cette compétence.Nous espérons, que les différentsarticles proposés pourront soutenirles échanges et la réflexion deséquipes-écoles parce que les inno-vations nécessaires à la prise encharge de cette compétence émerge-ront, d’abord et avant tout, de l’en-gagement et de la créativité de chaquemilieu.

COMMUNIQUER DE FAÇON APPROPRIÉE :

PIERRE ANGULAIRE DE LAFORMATION DES JEUNES

Photo : Denis Garon

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D ans le Programme de for-mation de l’école québé-coise, à l’énoncé des

diverses compétences transversales,celle qui concerne l’ordre de lacommunication arrive en queue deliste. Un tel positionnement peutfacilement laisser croire qu’elleapparaît moins importante que lesautres, ou en tout cas qu’elle n’oc-cupe pas de statut privilégié dansl’ensemble des compétences viséespar le programme. Elle semble par-fois même reléguée à une fonctionplus ou moins utilitariste, comme sile fait de communiquer ne constituaitqu’un moyen, aisément maîtrisableparmi d’autres, de témoigner de sesconnaissances et de ses acqui-sitions.Or, il y a au contraire de fortesraisons de croire que cette compé-tence constitue le terreau mêmedu développement de toutes lesautres. Dans le présent article, nousallons tout d’abord rassembler uncertain nombre d’arguments quipermettent de cerner ce rôle fonda-mental. Nous expliciterons ensuiteles liens qui tissent une trameserrée entre cette compétence, lamission même de l’école et les prin-cipaux axes du programme queconstituent les domaines générauxde formation et chacune des autrescompétences transversales. Nousaborderons, dans un troisièmetemps, quelques-unes des carac-téristiques qui font de la communi-cation une compétence bien pluscomplexe qu’il n’apparaît au pre-mier abord. Car celle-ci n’est passeulement l’expression libre et gra-tuite de quelques états d’âme, maisun processus de socialisation inten-sive où l’acquisition d’un code con-ventionnel, issu d’une communautéculturelle, joue un rôle absolumentdéterminant. Communiquer reposeaussi sur un travail de modélisationcomplexe, où chaque interlocuteur

doit se construire une représen-tation adéquate des intentions del’autre et valider cette interprétationde façon dynamique tout au long del’échange. Cette brève analyse de lacomplexité de l’acte de communi-cation nous permettra d’énumérerquelques dérives qui peuvent aisé-ment en découler dans la mise enœuvre du programme de formation.

LA COMMUNICATION AU CŒURDE L’IDENTITÉ HUMAINEÉnoncer que la capacité de commu-niquer contribue à l’unicité de notreespèce constitue pratiquement unlieu commun. Bien sûr, celle-ci existechez d’autres espèces animales,mais il est à peu près certain qu’au-cune autre ne dispose des capacitésdéclaratives qui nous permettentd’utiliser un code conventionnelpour décrire des objets, des événe-ments ou des sentiments à d’autresindividus dotés des mêmes capa-cités. Certains primates témoignent,il est vrai, d’une capacité minimaled’utilisation d’un code convention-nel, mais l’exercice de cette capa-cité reste toujours extrêmementlimité en regard de ce qu’un jeuneenfant arrive à maîtriser dès les pre-mières années de sa vie.Par ailleurs, cette tendance à com-muniquer constitue la trame defond de plusieurs des activitéshumaines les plus « nobles » et lesplus complexes. Ainsi, toute pro-duction artistique ou culturelleconstitue fondamentalement un actede communication, qu’il s’agissed’un texte littéraire, d’un film, d’unepeinture, d’une sculpture, d’unechorégraphie ou d’une pièce musi-cale. L’art est en effet toujours untémoignage et un message adresséspar l’artiste à un public interlocu-teur qui, par la lecture qu’il en fait,confère vie et dynamisme à l’œuvreproduite. Le public peut se renou-veler de génération en génération etl’œuvre rester toujours aussi vivante,

pourvu qu’elle soit chaque fois réac-tualisée par une « lecture » nouvelle.Mais la communication est tout aussiétroitement imbriquée au cœurde l’activité scientifique quedans l’art, car il n’existe pas descience en dehors de savoirs échan-gés entre pairs et négociés farou-chement avec eux. Ce processus devalidation réciproque des savoirsconstitue d’ailleurs la source pre-mière de la rigueur scientifique,bien au-delà de tous les forma-lismes (Aubé et David, 2003). Iln’existe en effet pas de test plusrobuste de la validité d’une théorieque le crible tassé de centaines decerveaux, chacun rompu à unediversité de corpus de données, de paradigmes théoriques et deméthodologies de traitement. Lacommunication scientifique cons-titue ainsi le moyen le plus épuré etle plus achevé par lequel s’élaborele savoir humain.La capacité de communiquer estaussi intimement liée à notre expé-rience émotionnelle, car il semblebien que les émotions jouent leurrôle et déploient leurs fonctions adap-tatives précisément par le moyen del’expression. Que seraient en effetla joie, la colère ou la tristesse endehors de l’expression qui rap-proche les êtres, qui manifeste leplaisir des retrouvailles, qui réagitau risque d’une transgression ouqui lance désespérément un appel àl’aide. À quoi servirait le cri dedétresse du jeune animal — outrel’alerte au prédateur — si lesecours d’un parent ou d’un alliébienveillant n’était pas du mêmecoup sollicité? Du point de vue del’évolution, pourquoi aurait pu êtresélectionnée la joie exubérante devotre chien emmené en promenade,sinon pour raffermir les liens d’at-tachement qui lui garantissent votreattention et les soins requis? Chaqueémotion particulière opère ainsi,

par le biais de l’expression, commeun puissant véhicule des intentionséprouvées par les acteurs en pré-sence et des engagements qui lesrelient (Aubé, 2001).Mais si elle est déjà tissée à mêmeles profondeurs ancestrales denotre cerveau, l’activité de commu-nication se prolonge aussi au cœurdes avancées les plus récenteset les plus audacieuses de notretechnologie. Les technologies del’information et de la communi-cation (TIC) envahissent ainsi à une allure débridée chacune dessphères de l’activité humaine, seconjuguant avec force à la tech-nologie de l’imprimé qui, depuisGutenberg, a si radicalement in-fluencé le déploiement de toutes lesactivités humaines. Or jusqu’ici,c’est surtout le « I » des TIC — levolet de l’information — qui a étéprévalent, en facilitant l’accès à unemultiplicité et à une diversité explo-sive de connaissances, mais il y atout lieu de croire que le « C » — levolet de la communication — quien est encore à ses premiers balbu-tiements avec le développement desoutils de travail collaboratif, devien-dra de plus en plus important etoccupera sans doute l’avant-plan de cette technologie. Or, les TICimpulsent déjà la majorité desdomaines de recherche, en assu-rant le regroupement et la diffusionde leurs savoirs respectifs et encatalysant un échange et une inter-action plus intenses entre leschercheurs.Finalement, la communication cons-titue aussi l’un des fondementsde l’institution scolaire et elle amême présidé à son apparition,puisque l’école a suivi de près l’ap-parition de l’écriture en assurant sanécessaire diffusion. On considèreen effet que la nature même del’écriture, qui repose intrinsèque-ment sur le code conventionnel et

LA COMPÉTENCE DE L’ORDRE DE LA COMMUNICATION : MATRICE ORIGINELLE DE TOUTES LES COMPÉTENCESpar Michel Aubé

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l’arbitraire du signe, requérait untel dispositif de transmission et desocialisation. Alors que plusieursdes apprentissages quotidiens pou-vaient s’appuyer sur l’observationpersonnelle et sur l’imitation, lecaractère conventionnel et arbi-traire du code écrit obligeait aucontraire à une transmission orga-nisée et systématisée. La nature del’école reste ainsi traversée de cettecaractéristique intrinsèque, qu’elleharnache à son tour au service demultiples constructions, aussi bienpersonnelles que sociales.La communication apparaît en effetessentielle pour la constructionde l’identité personnelle, commel’ont déjà si bien compris despenseurs tels que Georges HerbertMead (1963) ou Vygotsky (1978).Cette identité est avant tout cons-truite socialement par l’insertion del’individu dans une collectivité quile « nomme » et lui confère uneplace et un rôle. C’est en effet l’in-tériorisation du regard des autres etde la position qui nous est assignéedans le réseau familial et social quiservira de matériau premier pour laconstruction identitaire. Car à quoisert cette identité, sinon à nouspositionner en nous distinguant desautres et à nous établir en relationavec eux? Or, ce sont précisémentles échanges et les interactions quidéterminent ce positionnement etcette mise en relation. Nous verronsplus loin que la communication sertprécisément la coordination desintentions par la formulation d’en-gagements implicites qui nousrelient aux autres et nous spécifientcomme interlocuteurs distincts etresponsables. Nous verrons aussique le code linguistique constitueun dispositif extrêmement efficacepour véhiculer ces intentions et cesengagements.L’activité de communication appa-raît également indispensable à laréalisation d’apprentissages com-plexes. C’est d’ailleurs l’un despostulats de base du socioconstruc-tivisme que l’on doive communi-quer pour apprendre. Dans cetteperspective, les connaissances appa-raissent indispensables à la coordi-

nation des actions; de plus, elles nepeuvent servir efficacement cettecoordination que si elles ont étésocialement construites et que leursens a été activement négocié entreles membres d’une même commu-nauté. L’une des caractéristiques les plus fondamentales de l’activitéscientifique adulte consiste précisé-ment dans une validation réciproquedes savoirs, où chaque spécialistemet en partage et défend âprementsa compréhension des phénomènes.Il serait fort surprenant que le méca-nisme qui assure la plus granderobustesse et la meilleure validitépossible des savoirs construits parles adultes n’opère pas égalementde façon tout aussi profonde et effi-ciente dans la construction des con-naissances des plus jeunes.L’activité de communication joueégalement un rôle crucial dans laformation civique des citoyens.Les recherches dans le domaine de la pragmatique et des « actes delangage » révèlent en effet que l’onne parle pas « pour ne rien dire » etque chaque énoncé linguistique estun acte qui engage les interlocu-teurs (Austin, 1970; Searle, 1972).Si vous demandez l’heure à quelqu’undans le métro et que sa réponseerronée entraîne un retard impor-tant à une réunion de bureau, oupire encore, vous fait rater l’avion,vous serez en droit d’être profon-dément irrité. Car lorsque l’on sol-licite une telle information, c’estgénéralement pour agir sur cettebase et l’on peut s’attendre à ce quel’interlocuteur ait livré une informa-tion fiable. C’est de cela que l’onparle lorsque l’on dit que chaqueénoncé comporte au moins unengagement implicite qui relie les

interlocuteurs sur une base quasicontractuelle. C’est la fonction mêmedu langage que d’assurer la coordi-nation des actions et le partage deressources. Il s’agit donc d’un dis-positif qui repose intrinsèquementsur la fiabilité des échanges et sur lerespect d’un code conventionnel.Par sa capacité à induire la coordi-nation au sein d’un groupe et lerespect des conventions de partage,la communication constitue du mêmecoup l’un des fondements essentielsde la vie en société. Elle instituela mise en réseau d’appartenance,elle permet la circulation des infor-mations et des ressources vitalesqu’elles représentent et elle rendpossible des rapports de coopé-ration et de réciprocité entre lesmembres d’un groupe. Elle se situeainsi d’emblée au cœur même de lamission de socialisation de l’école.

LA COMMUNICATIONAU CŒUR DU PROGRAMMEDE FORMATIONPar l’importance extrême qu’ellerevêt au cœur de l’identité humaineet au cœur de l’institution scolaireelle-même, la compétence de l’ordrede la communication occupe évi-demment une place prépondérantedans la structure du programme deformation. Elle sert d’abord étroite-ment la triple mission de l’école :socialiser, bien sûr, comme on vienttout juste de le mentionner, maisaussi instruire et qualifier, puisquedans une perspective sociocons-tructiviste, ces deux volets requièrentune construction collective et unenégociation du sens qui ne peuts’effectuer que dans et par des gestesde communication où chaque inter-locuteur tient alors un rôle respon-sable.

Mais la compétence transversale del’ordre de la communication seprofile également derrière cha-cune des autres compétences.C’est bien évidemment le cas, commenous l’avons déjà souligné plus haut,pour les compétences à coopérerde façon réciproque, à actualiserson potentiel et structurer son iden-tité et à exploiter les TIC. Étroitementliée à cette dernière, la compétenceà exploiter l’information repose surla capacité de sélectionner dessources pertinentes, notamment à travers les médias, mais aussi àtravers l’échange avec des experts.Elle invite aussi à l’analyse critique,à l’évaluation de la validité des don-nées et à la capacité de confronterplusieurs sources. Cela nous con-duit directement à la compétence àexercer son jugement critique, dontcertaines composantes consistentjustement à exprimer son opinionet à la relativiser en la comparant àcelle des autres à travers l’échange.La compétence à mettre en œuvresa pensée créatrice repose entreautres sur la capacité à exprimerses idées sous formes diverses, à être réceptif à de nouvelles idéeset à se représenter divers points devue, notamment en intégrant ceuxdes autres.Les deux compétences qui semblentles moins directement liées à la com-pétence en communication concer-nent la résolution de problèmes etla mise en œuvre de méthodes detravail efficaces. Et pourtant ellessont alimentées toutes les deux parla compétence à communiquer defaçon appropriée et elles sont l’uneet l’autre très étroitement apparen-tées. La compétence à résoudre desproblèmes repose d’abord sur lacapacité à analyser les éléments dela situation et à se représenter leproblème. Elle se poursuit par l’in-ventaire de pistes de solution et parl’évaluation de leur pertinencerespective. Elle se caractérise égale-ment par la capacité d’effectuerfréquemment des retours sur lesétapes de résolution et par la capa-cité de produire un jugement enbout de parcours sur les conditionsde réussite ou d’échec. D’une façon

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très semblable, la compétence à sedonner des méthodes de travail effi-caces repose sur la capacité initialeà visualiser la tâche dans sonensemble, à identifier les res-sources disponibles et à imaginer,là aussi, différentes voies de solu-tion. Elle repose aussi sur la miseen œuvre du plan retenu et sur l’ex-ploitation des ressources identifiées,qui peuvent évidemment inclure despersonnes (avec lesquelles il fautdonc communiquer). Elle se con-clut par un retour rétrospectif surles conditions de réussite ou d’échecet un jugement posé sur la perti-nence et les limites de la démarchede résolution adoptée. Les ressem-blances entre les deux compétencessont extrêmement grandes sur lefond et la passerelle qui les relie esten fait celle de la métacognition,c’est-à-dire de la capacité à régulersoi-même ses apprentissages et sadémarche de résolution.Le lien subtil mais profond qui relieces deux compétences avec la com-pétence de l’ordre de la communi-cation, c’est que l’autorégulation etla métacognition consistent en fait àentretenir une communicationavec soi-même, d’une façon fortsemblable à celle qui opère entredeux personnes distinctes. De lamême façon que la communicationentre deux individus requiert lacapacité à élaborer un modèlemental de ce que l’autre a compris

et des intentions qu’il s’apprête àpartager, la métacognition consistedans la capacité à réfléchir surnotre propre compréhension duproblème, sur les stratégies quenous avons adoptées et sur lesraisons de nos propres choix. En cesens, la communication fournit leterreau où se développe lamétacognition. Georges HerbertMead (1963) et Vygotsky (1978)considéraient d’ailleurs, chacun deleur côté, que les capacités argumen-tatives d’un individu se construi-saient par l’intériorisation progressivede confrontations réelles effectuéesentre des individus différents. Lapensée articulée devient ainsi lethéâtre privé où nous confrontonsintimement avec nous-mêmes nosdivers points de vue à propos d’unsujet ou d’une question.Finalement, bien que nous n’ayonsabordé jusqu’ici que les compé-tences transversales, il n’est pasexagéré de proposer que la plupartdes compétences disciplinairesreposent aussi sur l’exercice de lacompétence en communication,dans la mesure où elles se présen-tent souvent comme une actua-lisation ou une spécification descompétences transversales. Cela estmanifeste, par exemple, dans ledomaine de la mathématique, de la science et de la technologie, où lapremière compétence porte sur la résolution de situations problèmeset la troisième sur la communica-tion dans les langages propres à ladiscipline. Par ailleurs, la compé-tence en communication se profileégalement derrière chacun dessavoirs essentiels retenus dansles différentes disciplines, puisqueceux-ci ont d’abord été nécessaire-ment construits et validés collective-ment à travers des activités intensesde communication. Ensuite, leuraccès est conditionné par d’autresactivités de communication entredes élèves, entre ces derniers etleurs enseignants et enseignantes,avec les « messages » contenus dansle matériel didactique ou encore,éventuellement, avec les expertsmêmes de ces diverses disciplines.La compétence de l’ordre de lacommunication traverse également

chacun des domaines générauxde formation, bien que de façonparfois inégale de l’un à l’autre. Lefait est évident pour le domaine des« Médias » et assez transparent aussipour le domaine « Vivre ensembleet citoyenneté». Dans ce dernier cas,il est clairement question de sensi-bilisation aux situations de coopé-ration, de respect des ententes oudes contrats et de recours au débatet à l’argumentation. Le domaine « Orientation et entrepreneuriat »recouvre diverses questions liées àla conscience de soi, à l’identifica-tion et à l’expression du potentielpersonnel, à la connaissance desrôles sociaux et à l’insertion socialeainsi qu’aux stratégies de coopé-ration. Toutes des questions quinécessitent, comme on l’a vu, l’ex-ercice d’une bonne compétence encommunication. Le domaine « Santéet bien-être » suppose une actionconcertée de l’ensemble du person-nel, des parents, des professionnelsde la santé et des jeunes. Il con-cerne étroitement les relations desélèves avec leurs parents et leursamis, leurs relations sexuelles etamoureuses ou leurs comportementsà risques, qui sont le plus souventd’ordre social et qui relèvent fré-quemment de problèmes d’inser-tion dans des sous-groupes de pairs.Ici encore, l’appel à la compétenceen communication est quasi stri-dent. Finalement, le domaine « Envi-ronnement et consommation » estcelui qui semble solliciter le moinscette compétence. C’est oublier unpeu rapidement que l’incitation à laconsommation se fait essentiel-lement par les médias, à proposdesquels il importe pour les jeunesde développer un solide jugementcritique. C’est aussi oublier quel’attitude de responsabilisation àl’égard de l’environnement s’exer-cera souvent par le biais de prisesde position publiques et d’actes decommunication.

LA COMPLEXITÉ DE LACOMMUNICATION ET QUELQUESDÉRIVES QUI EN DÉCOULENTNous avons vu jusqu’ici que la com-pétence en communication est extrê-mement riche et complexe et qu’elle

joue un rôle de premier plan dansle développement de toutes lesautres compétences visées dans leprogramme de formation. Pourtant,il semble exister un préjugé tenaceet répandu selon lequel la commu-nication consiste en un processusrelativement simple et spontané, quirelève surtout de la personne.Chacun aurait ainsi le droit et leloisir de communiquer ce qu’il veut,quand cela lui convient, de la façondont il le choisit, et cette expressionserait plus ou moins souveraine. Unexemple de cette attitude s’exprimeà tout propos à travers le fameux « T’sais, veux dire… ». Or, cetteexpression paradoxale laisse plusou moins entendre que le messageva de soi et que l’interlocuteur doit forcément savoir de quoi il retourne.C’est pourtant tout l’inverse qui sepasse dans la majorité des situa-tions de communication. On n’a pasaccès à ce qui se passe dans la têtede l’interlocuteur, on n’en est qu’auxprésomptions, on doit élaborer unmodèle provisoire de ce qu’il sait etpeut comprendre et on utilise lesdispositifs de la langue pour essayerde traduire nos propres intentionset interpréter de la façon la plusintelligible possible celles de l’inter-locuteur. Une conversation typiqueest un peu comme une chorégra-phie entre des danseurs aveugles,où des bribes de sens seulementsont à peu près partagées et où cha-cun essaie de suivre l’autre sanstrébucher et en recherchant cons-tamment son équilibre. Mais c’esttout à fait grisant, car c’est la naturemême de toute communication;quand chaque danseur est soucieuxde suivre l’autre, et qu’ils sont tousles deux mutuellement engagésdans le processus, cela donne desrésultats plutôt satisfaisants, mêmes’ils ne sont jamais complètementgarantis.Or, être compétent à communiquer,c’est justement manifester cetteextrême attention au message del’autre qui se traduit en réponse parun réajustement fréquent de nospropos, à la rencontre d’une inter-prétation mutuellement cohérente.

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La communication est donc unconstant processus d’édition. Et dans ce partage justement, larigueur du code constitue souventl’une des rares balises sûres et l’undes seuls référents stables entre lespartenaires. Tout discours sur lasoi-disant spontanéité de la com-munication, sur un relâchementpermissif dans la maîtrise du codeou sur le droit à une expressiontotalement libre et idiosyncrasiquene constitue en définitive qu’uneentrave au développement de cettecompétence si précieuse et sicomplexe.La prolifération des médias demasse, ces dernières décennies, etplus récemment des TIC et des tech-nologies hypermédias n’a pas étésans complexifier le problème et aulieu de le simplifier, elle l’a parfoismême dénaturé. L’une des diffi-cultés qui découle de ces technolo-gies, c’est souvent qu’elles offrentun « prêt à porter » médiatique quine recouvre pas nécessairement lesintentions de l’interlocuteur. Utilisermassivement des images tirées desmédias pour ses propres messages,c’est un peu comme puiser TOUTESses phrases pour une lettre amou-reuse dans les livres d’autres auteurs,sans couler soi-même ses proprespassions dans le code ouvert et pal-pitant. Comme on l’a vu plus haut àpropos des actes de langages, unénoncé que l’on formule soi-mêmeest automatiquement porteur d’en-gagements et il établit un rapport à l’autre. Il est possible, bien sûr,d’utiliser tel ou tel vers particulière-ment poétique comme véhicule deses propres intentions; mais recou-rir systématiquement aux phrasesdes autres équivaut à abdiquer de son propre message. Or, peud’élèves et même d’enseignantsréalisent que le recours intensif àdes illustrations réalisées par d’autrespersonnes– recueillies par exemplesur un site Internet – opère defaçon tout à fait semblable. Le plussouvent, une image ainsi repiquéese retrouve vidée ou amputée del’engagement personnalisé qu’ellevéhiculait dans la communicationinitiale. On assiste ainsi à une véri-

table industrialisation de la commu-nication, qui n’est pas sans rappelerl’industrialisation de l’alimentation.On croit produire plus, bien sûr,mais ces produits ont de moins enmoins de saveur, ils sont hyper-caloriques, mais ont perdu unegrande partie de leur valeur nutri-tive et ils génèrent souvent, à longterme, des effets secondaires désas-treux pour la santé.Aux prochaines générations quiseront si bruyamment sollicitéespar des produits médiatiques detoutes sortes, c’est donc l’un desdéfis majeur du programme de for-mation que d’assurer à ces jeunesle développement d’une solide com-pétence à communiquer. On a vuqu’il s’agit d’une porte d’entréefabuleuse dans le programme etd’un levier extrêmement puissantpour favoriser, du même coup, ledéveloppement de toutes les autrescompétences et la prise en comptedes domaines généraux de forma-tion. C’est aussi une clé irrempla-çable pour l’accès à l’extrêmediversité des savoirs humains et unentraînement durable à l’améliora-tion du sens civique. Améliorer lescompétences en communication detoute une génération de jeunes,c’est finalement resserrer de façonsignificative et à long terme rien demoins que le tissu social desQuébécois.M. Michel Aubé est professeurà la Faculté d’éducation del’Université de Sherbrooke.

Références bibliographiquesAUBÉ, M. « From Toda’s urge theory to the commitment theory of emotions »,Cybernetics and Systems : An InternationalJournal, vol. 32, no 6, 2001, p. 585-610.AUBÉ, M. et R. DAVID. Communauté derecherche et formation scientifique desjeunes. Dans DEAUDELIN, C. et T. NAULT,(dir.), Collaborer pour apprendre et faireapprendre : La place des outils techno-logiques, Montréal, PUQ, Collection Éduca-tion/Recherche, 2003, p. 211-228.AUSTIN, J. L. Quand dire, c’est faire, Paris,Le Seuil, 1970.MEAD, G. H. L’esprit, le soi et la société,Paris, PUF, 1963.SEARLE, J. R. Les actes de langages, Paris,Hermann, 1972.VYGOTSKY, L. S. Mind in Society : TheDevelopment of Higher PsychologicalProcesses, Cambridge, Harvard UniversityPress, 1978.

L’utilisation régulière de tech-nologies de l’information etde la communication trans-

forme-t-elle nos relations et com-munications interpersonnelles? Sioui, que signifie communiquer defaçon appropriée dans le cadre desnouvelles pratiques sociales et deshabitudes de communication quenous développons autour des TIC?

DE NOUVELLES FORMESDE COMMUNICATIONCommuniquer, c’est structurer sapensée pour diffuser des connais-sances, confronter des idées, négo-cier, argumenter, choisir, partagerdes sentiments, valeurs, émotions,intuitions, perceptions. C’est grâceà la communication que chacunconstruit des idées et des concepts,les exprime et les confronte avecceux des autres. Étant donné l’ac-croissement prodigieux des moyensd’information et de communication,il importe plus que jamais des’interroger avec les élèves sur leslangages qui conviennent le mieux àl’expression de nos pensées et sen-timents dans un contexte donné…ce qui ne manquera pas de souleverbon nombre de questions d’impor-tance, dont voici quelques exemples :avec les nouveaux outils de com-munication dont nous disposons,parlons-nous des mêmes chosesaux mêmes destinataires? L’écoledoit-elle apprendre à adapter descontenus au médium de présen-tation? Quel nouveau sens nosespaces de communication virtuelsdonnent-ils aux concepts de dis-tance et proximité, de présence etd’absence?Temps : Parmi les modificationsprofondes que subit la communi-

cation humaine, le facteur tempsjoue un rôle important. Urgence et instantanéité sont les nouvellesmesures du temps. Elles semblentdevenues des composantes à partentière de notre vie tant personnelleque professionnelle. Qu’advient-ildu temps ralenti nécessaire à l’en-seignement et à l’apprentissage?Certains moyens de communicationfavorisent le ponctuel alors quesouvent, tout le sens se trouve dansla durée…Codes : On assiste aussi à un renou-vellement des langages à travers lestechnologies, la communication parles TIC ayant son propre système de signes et de structures. Le livrevéhicule une culture, des valeurs;son apparence et le texte qu’il com-porte suscitent des réactions affec-tives et sa mise en page révèle sonorganisation. Selon Lombard (2001),de plus en plus, les messages affec-tifs véhiculés dépendent d’élémentstextuels et visuels, mais aussi d’élé-ments sonores et d’interactivité. « Lapuissance d’évocation de l’image etdes sons décuple le message affectifque peut porter un simple énoncéde mots. » Nos jeunes ont main-tenant des attentes et des réactionsliées à leur connaissance du mondetélévisuel, cinématographique, vidéo-graphique et du multimédia et ilsinterprètent des signes et des sym-boles en fonction de leurs expé-riences antérieures liées à cesmédias. Ce qu’ils doivent apprendreest que l’intérêt d’un document nese situe pas dans le fait qu’il bougebeaucoup ou propose les dernièresinventions logicielles, mais plutôtdans le fait qu’il intrigue et suscite ledésir d’aller plus loin. Les appren-tissages de codes informatiques ne

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COMMUNIQUER À L’HEURED’INTERNETpar Marie-France Laberge

« Dans les années 60, au grand scandale des philosophes, j’ai dit qu’Hermès remplacerait Prométhée, c’est-à-dire

que la société de communication remplacerait la société de production. J’ai dû attendre longtemps,

quinze à vingt ans, pour que cela arrive… »(Michel Serres, Le virtuel est la chair même de l’homme)

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se font pas nécessairement au détri-ment d’autres moyens; ainsi, il n’y apas lieu de créer de divorce entreles différentes formes de communi-cation et les divers codes.Le langage texto (SMS), par exemple,regroupe différents procédés quivont des rébus aux frimousses enpassant par les abréviations, lessigles, les répétitions de lettres etles formules expressives. Les SMSétant limités à 160 caractères, il fautfaire court… mais l’utilisation deces nouveaux systèmes de signesajoute aussi « du vécu, des émotionset des sentiments dans la communi-cation des réseaux, qui ne contientaucune trace de la personne : lachaleur de la voix, l’originalité de la calligraphie, le parfum de l’êtreaimé, le clignement de l’œil ou lesourire qui nuancent une phrase unpeu brutale » (Anis, 2001). La com-munication contribue largement à façonner les relations avec lesautres. Lorsque la posture, la voix,

le ton, les gestes, les mimiques, lesvêtements sont absents de la com-munication, l’attitude, les images etles symboles prennent évidemmentune place importante. Beaucoupsont inquiets pour notre langue faceà de telles pratiques, cependant lesjeunes savent très bien que nousn’utilisons pas le même langagepour nous adresser à nos amis, à notre grand-père ou à la directricede l’école. La cyberlangue sert untype de communication bien défini(pensons également à la télégra-phie, par exemple), celui des petitsmessages que les jeunes (et d’autres)échangent sur leurs téléphones por-tables, dans certains forums et dansle clavardage. Il importe égalementde préciser qu’on assiste chez cer-tains à une réduction des inhibi-tions liées à l’écriture et que lapossibilité d’écrire « à chaud » et derecevoir une réponse tout aussirapidement en attire plus d’un. Biensûr, certains phénomènes bien réels

méritent d’être étudiés par rapport à cette question, dont celui de lalégitimation de ce langage aux yeuxdes jeunes lorsque sorti de soncadre par des agences de publicité,des institutions bien établies commedes musées, certains magazines, etc.La question de l’orthographe enincommode également plus d’un. Il est vrai que dans un courriel, une discussion en ligne ou un forum,on écrit souvent vite et on ne se relitpas. Dans une discussion en ligne, ilfaut être rapide pour bien partici-per à l’échange, et rapidité et ortho-graphe ne font pas toujours bonménage.Espaces : Avec Internet, les dis-tances et les frontières sont abolies.Où qu’il se trouve, l’apprenant peutatteindre la mer d’informationsofferte en ligne. Pas besoin de sedéplacer, la source se trouve par-tout. Si loin, si proche, c’est lecyberespace. Espace d’information,de discussion, de communication,d’échanges. Chacun peut communi-quer instantanément avec tous etréciproquement… mais pour direquoi?Publics : Pour les élèves, déposerleur travail sur le réseau signifies’adresser à une communauté pluslarge et sortir du carcan scolaire; le travail pourra être vu et commen-té par des gens de divers horizonsce qui aide, entre autres choses, à prendre conscience de l’intérêtdes pratiques interdisciplinaires. Lasensibilisation des jeunes à l’impor-tance d’un travail de qualité trouveégalement ici tout son sens.

Toutefois, même si mettre ses pro-ductions personnelles à la disposi-tion de tous est un rêve aujourd’huiréalisable, gare aux désillusions…On ne parle plus d’un émetteur dif-fusant à des millions de récepteurs,mais de millions qui diffusent à desmillions de façon interactive, saufqu’on s’aperçoit bien vite que n’im-porte qui peut dire n’importe quoiet que, pour plusieurs, une initia-tion à la créativité ferait le plusgrand bien.

DE LA MAISON À L’ÉCOLESelon le sondage Jeunes Canadiensdans un monde branché, réaliséen 2001 par le Réseau Éducation-Médias, Internet est utilisé à la mai-son pour (par ordre d’importance) :échanger des courriels, chercherdes informations de toutes sortesliées à ses champs d’intérêt et loi-sirs, jouer, clavarder et téléchargerde la musique et des vidéoclips. Cesont des pratiques ludiques liées àla simplicité de l’outil. L’interface del’ordinateur exerce également unattrait si extraordinaire chez l’élèvequ’il oublie d’être sur ses gardes etcroit accéder à la vérité et à la com-munication transparente. Internetest le média de référence des jeuneset chez ceux qui disposent d’unaccès à domicile, la consommationest souvent quotidienne. De ma-nière générale, l’aspect « communi-cation » d’Internet semble le plusapprécié par les jeunes, mais celasignifie le courriel, les forums, leclavardage (première activité enligne qu’ils apprennent à maîtriser

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Deux exemples d’intégration des outilsde communication virtuels à l’apprentissage

Le volet communication du Monde de Darwin http://darwin.cyberscol.qc.ca/Science/Accueil.htm : « L’on voit comment lacommunication traverse toutes ces activités. Par le biais de conférencesélectroniques, les élèves pourront échanger entre eux et avec des natu-ralistes. Des phénomènes d’observation seront présentés aux élèves qui devront rechercher et partager des informations afin de construire,collectivement, une interprétation du comportement des composantesd’un écosystème. Le modèle du site américain “ Why Files ” nous sembleintéressant, dans la mesure cependant où les apprenants eux-mêmesprennent une part active à la formulation et à la résolution des pro-blèmes redistribués sur la communauté. Nous entendons aller encoreplus loin cependant, en organisant à l’occasion des colloques virtuels,notamment sur des thématiques relatives à la protection de l’environ-nement, qui pourraient être suscitées par l’actualité… » (Michel Aubé,1996)Le Cercle de lecture et d’écriture virtuel http://www.recitlangues.org/cercle.htm : Ce projet tire ses sources du Plan de valo-risation de la langue française, plus précisément de son troisième axed’intervention « Stimuler le goût du français ». L’activité respecte lessous-objectifs suivants : en lecture : Développer la compétence « Appré-cier des œuvres littéraires »; en écriture : Inviter les élèves à écrire àpropos de leurs lectures.Le volet virtuel du Cercle permet entre autres de : recevoir par courrieldes requêtes envoyées par des animateurs responsables des différentesclasses; pouvoir poser des questions ou faire des commentaires auxanimateurs du Cercle; pouvoir être en relation avec des jeunes d’autresclasses; faire des sessions de clavardage avec des auteurs, des illus-trateurs…Les élèves ont accès au courriel, à un forum, à une zone de clavardageet à un portfolio.

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avant de découvrir les autres res-sources que propose le Web).

LES ACTIVITÉSLES PLUS RÉPANDUESCôté navigation, les visites de sitesse limitent souvent à de brefs pas-sages en territoire connu; les sitesles plus consultés étant les portailsqui donnent accès aux servicescommunicationnels dont le contenuvarie au quotidien (journaux enligne, cinéma, sport, portails dejeux, etc.). Les jeunes apprécienttout particulièrement le dynamismelié à ce média ainsi que les espacesd’expression accessibles à tous. LeNet n’entretient donc pas, pour eux,un rapport de « pouvoir distant ».Bien que le clavardage représenteun « jeu » en direct sur Internet etque le fait de se faire passer pourquelqu’un d’autre amuse plusieursjeunes, ceux pour qui cette formede communication s’est limitée àquelques séances soutiennent queles propos qui y sont échangés sontinsignifiants et que les rares « rela-tions » qui s’y développent demeurenttrès superficielles. S’ils désirentcommuniquer plus sérieusement,ils passent plutôt au courriel.Les forums auxquels les jeunesparticipent ont souvent pour thèmedes émissions télévisées; ils les con-sultent surtout et posent parfois desquestions. On est très loin du débatsur la place publique. Les messagesenvoyés sont très brefs et con-tiennent plutôt des pièces jointes(photos, sons, démos).Les jeunes qui démontrent un vifintérêt pour la conception depages Web demeurent aussi l’ex-ception. La fonction création duWeb reste peu exploitée. Les goûtsdes élèves différant bien souvent deceux de leurs enseignants, certainsy voient un obstacle; pourtant, il devrait être possible que même enpoursuivant des objectifs péda-gogiques précis, la création d’unepage Web dans le contexte scolairedevienne un véritable lieu de paroleà la couleur du jeune et dont lesparamètres ne seraient pas entière-ment établis par l’enseignant.

ENRICHIR LES PRATIQUESSMS, avatars, MOO, bavardoirs nesont pas votre tasse de thé? Peut-être… mais les TIC, c’est aussi lemonde qui entre dans l’école etavec lui des questions d’ordre cul-turel, moral ou intellectuel aux-quelles l’enseignant d’aujourd’huine peut se permettre de rester indif-férent. « Les technologies nouvellesmodifient les façons de vivre, des’amuser, de s’informer, de tra-vailler et de penser. Cette évo-lution affecte donc les situationsauxquelles doivent et devront faireface les élèves, dans lesquelles ilssont et seront censés mobiliser cequ’ils ont appris à l’école. C’est ainsiqu’on ne devrait pas aujourd’huipouvoir penser une pédagogie etune didactique du texte sans êtreconscient des transformations quel’informatique fait subir aux pra-tiques de lecture et d’écriture. »(Perrenoud, 1998)Démontrer de l’ouverture et tenterde comprendre les pratiques des

adolescents dans le domaine de lacommunication par les TIC peutdevenir porteur en termes d’ap-prentissages et de formation. Diri-gées de manière souple, même desséances de clavardage mèneront àdes découvertes tant sur le plantechnique que sur celui de l’usageet des enjeux. On peut y attacherd’autres actions, glisser tranquille-ment d’une activité à une autre ainsique traiter des excès inhérents àl’utilisation de toute technologie. De plus, plusieurs des activités auxquelles s’adonnent les jeunes en réseau (jeux de rôles, jeux enligne) favorisent l’intelligence intui-tive, laquelle est de plus en plusnécessaire dans un monde où les règles changent sans cesse(Kerdellant et Grésillon, 2003),mais il y a perte d’imaginaire etd’une partie de la capacité d’abs-traction dans ces jeux où tout estcadré, proposé et structuré. Toujoursselon ces auteurs, « les enfantsd’Internet ont une culture plusprospective et réactive, mais plus

éphémère, moins patrimoniale etancrée dans l’histoire. » Pourl’école, intégrer Internet devraitpasser par le développement del’esprit critique et de la penséecréatrice, la production de don-nées, la possibilité de faire deschoix réfléchis et le respect de règles.Beaucoup des jeux et des activitésen ligne des jeunes sont d’ailleursassez complexes et leur demandentde se plier à de nombreuses règlesainsi que d’échanger des stratégieset des astuces entre eux.Pour les élèves, il est facile de trans-mettre, à l’aide de ces nouveauxoutils, mais se préparer à commu-niquer intelligemment demandepatience et longueur de temps.À l’école, l’intérêt d’une activitérelève d’abord de son organisationpédagogique et de son intégrationdans un véritable projet. Dans quelprojet s’inscrit l’échange? Quis’adresse à qui et pourquoi? Langagesoutenu, courant, familier, de tribu?Avec les TIC, une fois le premierstade d’engouement passé, la poli-tesse et la présence critique etdynamique aux communicationsdes autres doivent resurgir. Com-ment améliorer le fond et la formede nos écrits personnels? Qu’est-cequi est original et ne lassera pasl’autre? Qu’est-ce qu’une réelleargumentation par rapport à uneimbrication de prises de positiondiverses (en quelques décenniesnous sommes passés des grandsdiscours aux inondations de pers-pectives; n’y a-t-il pas un justemilieu?) Nos communications fontressortir notre culture personnelleet utiliser quotidiennement le réseaunécessite aussi une bonne baseculturelle.Dans son ouvrage intitulé Le Chocdu numérique, Fischer (2001)soulève le problème des nouveauxmoyens pédagogiques qui s’im-posent à un enseignement dont lescontenus sont encore souvent fon-damentalement classiques. « L’ensei-gnement, dans la culture classique,était fondé sur la pensée linéaire, lacausalité, l’exigence de la logiqueidentitaire donc, sur la langue

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écrite, la grammaire et l’effort derigueur, mais aussi de mémoire[…] La cyberpédagogie propose lapensée associative, l’arborescenceinteractive, l’hybridité, l’obsessiondu nouveau, la désaffectation de lamémoire […] Valorisant la vitesse,elle néglige la langue et la gram-maire et pratique le style télégra-phique; elle préfère le jeu à l’effort,la superficialité de la navigation àl’approfondissement des questionsdifficiles, l’événementiel à la perma-nence, les couleurs, les apparences[…] Elle consomme et efface unepensée jetable, alors que la cultureclassique préservait et demandaitculte et respect. » Ne peut-il résulterde tout cela, pour le moment, queconflit et confusion ou la contradic-tion n’est-elle pas moins marquéeque l’auteur ne le laisse paraître?Communiquer de façon appropriéeà l’aide des TIC, c’est établir desliens entre la culture d’une sociétéet les disciplines scolaires; c’estdéterminer les forces spécifiques de la trilogie écrit-oral-image et ap-prendre à les maîtriser; c’estappréhender la nature, le rôle, lessupports et les formes des messageset des images; c’est comprendre les signes et les symboles de notre

époque. La rencontre entre la cul-ture de l’écrit et la civilisation del’image interactive ne se fait pasfacilement. Quelles utilisations desTIC représentent vraiment un gainsur le plan de l’apprentissage?Pour ce qui est des messages trans-mis, les exigences devraient être lesmêmes qu’auparavant : clarté, origi-nalité, richesse du vocabulaire etpensée structurée de façon cohé-rente. L’élève doit fournir des effortssoutenus. L’activité ludique doit-ellenécessairement faire partie de la nou-velle pédagogie pour que les jeunessoient intéressés à apprendre? Enfait, il est clair que communiquerpour communiquer n’a pas sa placeà l’école, où on doit le faire d’abordpour apprendre; cependant, un boncommunicateur puise à plusieurscodes; l’élève doit donc apprendreà maîtriser ces langages spécifiques(oral, écrit, plastique, médiatique,symbolique, musical) et à transpo-ser ses informations d’un langage àun autre. La composition de mes-sages multimédias, par exemple,pose des problèmes particuliers,tant pour l’écriture que pour la lec-ture, d’où l’importance de l’acquisi-tion de compétences langagièresadaptées. La compétence à commu-

niquer des élèves peut considéra-blement s’enrichir par la consciencede la diversité des langages et desregistres d’utilisation de ces lan-gages. L’école devient lieu d’expéri-mentation de divers langages et lesTIC ont beaucoup à offrir sur ce plan.On vise à développer des capacitéscréatives d’expression autour dutexte et de l’image en utilisant lesTIC.Soyons cependant conscients queles internautes québécois se voientoffrir des sites, des applicationslogicielles ou des produits culturelsmultimédias qui leur ressemblentplus ou moins et qui peuvent influen-cer la façon dont ils se définiront.Comme le précise Serge Proulx(2003), « … la configuration tech-nique et linguistique du dispositifconstitue en quelque sorte une “ programmation ” des possibilitésd’usage ». En ce qui concerne lesusages des technologies « ils s’arti-culent en effet aux manières de fairesuggérées à travers la langued’usage et le design des sites, desinterfaces, des logiciels et desconfigurations techniques des sys-tèmes ». Adopter Internet signifieaccepter des manières de commu-niquer et de produire des connais-sances ainsi que s’identifier à desvaleurs. L’école devrait donc sensi-biliser les jeunes à cette question et les amener à s’affirmer et às’exprimer par la création et ladiffusion de produits médiatiquesquébécois. Avant la constructiond’une citoyenneté mondiale, ne doit-on pas développer notre citoyen-neté québécoise dont la languefrançaise serait partie intégrante?

IDENTITÉ PERSONNELLE,SOCIALISATION ETCITOYENNETÉLe besoin de contact permanentavec le réseau d’amis est caractéris-tique de l’adolescence et l’élabora-tion de codes particuliers quimarquent leur appartenance à ungroupe représente pour eux unefaçon de s’affirmer et de se dis-tinguer. Le clavardage est un nouvel

élément de l’univers des adoles-cents et le langage SMS, entreautres, leur permet de s’intégrerparmi leurs pairs; mais peut-onparler de nouveaux liens de socia-bilité qui sont développés au moyendes TIC? Rappelons que surfer,clavarder, utiliser les forums etjouer en ligne sont des comporte-ments essentiellement solitaires,même s’ils peuvent relier desdizaines d’individus entre eux. Deplus, la communication par les TICétant plus anonyme et décontex-tualisée et ses normes difficiles àidentifier (un certain flou entourel’apparence de l’interlocuteur, lasituation dans laquelle on se trouve,la nature de la relation à autrui, ses intentions, etc.) les messagespeuvent être moins compréhen-sibles. Ici encore, l’école devraitjouer un rôle important. L’intro-duction de la distance et la désin-carnation des relations modifientconsidérablement la façon dontl’énonciateur s’implique dansl’échange. Il semble que les élèvesaient aussi des difficultés à sereprésenter leurs interlocuteurs :où sont-ils, qui sont-ils? En prenanten compte cette difficulté, lesenseignants peuvent aider les élèvesà la surmonter : sensibiliser les uti-lisateurs à l’importance de l’authen-ticité sur le NET, toujours rendreperceptible le statut et la prove-nance des discours, promouvoirl’engagement de l’auteur à l’égarddes lecteurs extérieurs. La proli-fération des réseaux numériques nesignifie pas nécessairement un plusgrand nombre de communicationsintéressantes; il y a aussi une éduca-tion à faire en ce sens. Qu’entraînentles relations humaines sans obli-gation de présence corporelle?Relations ambiguës, déréalisationprogressive de l’autre? Une formed’échange qui n’engage pas vrai-ment ne porte pas autant à con-séquence, car on n’aura pas à vivreavec les hauts et les bas de la per-sonne à qui l’on s’adresse. Si lesconfrontations réelles disparaissent,les choses sont-elles vraiment plus

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Nétiquette

Quelques exemples :• Utiliser les salutations ou formules de politesse telles que « bonjour »,

«à bientôt», «cordialement», dans ses messages... même sur Internet!• Être poli : remercier après réception d’un envoi, répondre aux mes-

sages (rapidement, mais pas nécessairement instantanément);• Rédiger avec précaution les réponses formulées par courriel, parce

que ces messages laissent des traces écrites;• Être concis : il faut faire court et léger; pas de documents attachés de

plus de un Mo, qui demandent plusieurs minutes de chargement àvotre destinataire;

• Éviter le harcèlement textuel : le multipostage n’est pas un jeu (envoyerdes centaines de courriels à des prospects qui n’ont rien sollicité).Éviter aussi de divulguer les adresses de courriel de vos amis sansleur autorisation;

• Éviter les mots en majuscules, ils signifient que l’on crie;• Se relire en se mettant à la place du destinataire du message et se

souvenir qu’un courriel peut être redistribué à de très nombreusespersonnes;

• Être honnête par rapport à son identité : ne pas emprunter le courrield’un autre, ne pas parler sous couvert d’anonymat;

• Pour indiquer rapidement votre humeur, avoir recours aux frimousses.

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simples? Écrire dans un cadre im-matériel, parfois de façon anonyme,peut laisser entendre qu’il n’y a pasd’obligation de vérité et de sin-cérité.

L’ANONYMAT QUE PROCUREINTERNETLorsque les individus sont masquéspar des avatars et des pseudonymeset qu’une même personne utiliseplusieurs pseudonymes, qu’advient-ilde l’unicité de l’identité? Différentesadresses, différents noms, diffé-rentes identités pour différentesparties de vie… une certaine cons-tance de tempérament et de penséeest habituellement caractéristiquede l’être humain, mais dans le casprésent, comment se définir parrapport aux autres? Qui suis-jeexactement? La véritable communi-cation est essentielle dans la cons-truction de l’identité personnelle.Entretenir un ciment social, maislequel? Une communauté n’est pasune somme d’individus; l’engage-ment réciproque y est essentielleainsi que les principes d’éthique,d’authenticité, de collaboration etd’échange. Nous souhaitons quenos élèves puissent participer acti-vement et en toute lucidité à ladéfinition de leur société; cela com-mence par des situations authen-tiques de communication, de larigueur et du sérieux dans la prisede parole en public et la consciencedu pouvoir de la langue et de lacommunication dans l’exercice dela citoyenneté et dans toute relationavec autrui.Dans des lieux de discussion où lesusagers peuvent se faire passerpour n’importe qui, l’identité devientquelque chose de flou; or, l’identitéest notre essence. Pouvons-nousavoir plusieurs vies qui n’existentqu’en interaction avec la technolo-gie et une autre vie faite de relationset d’expériences bien réelles?Selon Turkle (1995), les êtreshumains vivent de plus en plus eninterrelation avec la technologie, etcommuniquent avec leurs sem-blables en utilisant celle-ci, les

vieilles distinctions entre ce qui estspécifiquement humain et ce qui est spécifiquement technologiquedevenant plus complexes. D’aprèscette chercheure, cette nouvelleculture crée aussi une nouvellesociété qui émerge lentement sousnos yeux, « non pas une sociétéasociale où chacun se dissimuleraderrière l’écran de son ordinateur,mais une société qui se nourrira,qui a déjà commencé à se nourrir,de ce que chacun de nous va cher-cher derrière l’écran ». Plutôt quede devenir esclave de la machine,l’utiliser pour développer l’hu-main… Il reste le danger, commele montre le phénomène des Otaku(fils de l’empire du virtuel), auJapon, que pour certains jeunescette vie ou ces vies à l’écran soientplus intéressantes que celle qu’ilsvivent dans le monde « réel ». Pourquelques millions de jeunes Japo-nais, la vérité n’est plus dans le rap-port à autrui, mais dans un universultra-technologique où l’on vit sesrêves par procuration sans s’enga-ger véritablement. C’est la recherchede la simplicité et de la sécuritédans un monde de plus en pluschaotique!Il reste que séances de clavardageet forums permettent des échangesdirects et francs et une prise deparole facilitée. Certaines discus-sions difficilement envisageables lorsde rencontres réelles s’y tiennent ets’avèrent être d’un grand secourspour certains jeunes. Puis, Internetne crée pas l’isolement, il le révèle(Pourquoi es-tu toujours à cla-varder?).

LE PARTAGE ETLA COOPÉRATIONUne autre facette d’Internet com-porte l’échange et le travail coopé-ratif; or, on rencontre encore trèspeu ce genre de travaux actuelle-ment. Les valeurs de partage et decoopération promues par Internetauraient avantage à se retrouverdans la plupart de nos sphères d’ac-tivités. Selon Cerisier (2000), « cesont les élèves dont la maîtrise de lalangue est la plus grande qui maî-trisent également le mieux les outilsde communication, quels que soientles outils ». Lorsqu’on regroupe desenfants devant des ordinateurs pourdu clavardage collectif, par exemple,ce sont eux qui prennent rapide-ment « les commandes ». Ils lisentplus vite, ils peuvent mieux formu-ler leurs messages. Cela étant dit, « malgré ces différences, l’usagedes outils de communication offreun espace d’expression aux moinsaguerris. Une organisation collabo-rative permet une entraide quifacilite l’expression de ceux qui,seuls, n’enverraient peut-être pasde messages ou alors dans uneforme très insatisfaisante. Le mes-sage “entrant ” est le plus souvent luspontanément à voix haute par unbon lecteur, ce qui permet à ceuxqui le sont moins d’engager sansretard une réflexion. Les avis desélèves en difficulté pourront égale-ment être pris en compte, faisant, lecas échéant, l’objet d’une reformu-lation collective avant d’être incor-porés au message de réponse ».Intelligence du groupe, initiativesdes uns et des autres et créativité

composent une sorte de puissanceintellectuelle dont le tout égale plusque la somme des parties et quipourrait nous amener à réaliser deschoses nouvelles et intéressantes!Le réseau permet à tous d’échangerfacilement et de construire des pro-jets à plusieurs, ce qui offre à cha-cun la possibilité de partager sesidées, son savoir-faire et ses réali-sations. La coopération, c’est entre-prendre ensemble, en offrant àchacun les espaces d’expression etd’épanouissement dont il a besoin.La pratique en réseau ouvre auprojet collectif, mais les groupes de travail doivent inventer de nou-velles manières de vivre et de faireensemble : plus important que l’or-dinateur est le type de partage actifqu’on met en œuvre. Car, bien quel’outil soit puissant, l’usage nesemble pas avoir beaucoup évoluédepuis son introduction dans lesclasses. Il est grand temps d’entre-prendre autrement! «Dans un espaceoù la communication est moinssimulée que dans la classe, lessituations d’écriture retrouvent uneactualité et une créativité qui n’ontrien de virtuel. Et l’on voit des jour-nalistes et des écrivains collaboreravec les élèves et les professeurs lesplus actifs pour nourrir les sitesd’établissements et les colonnes dela presse régionale. Il est d’ailleursprobable que des formes éditorialesdifférentes seront un jour issues despratiques collectives d’écritureouvertes vers le réseau. »(Bézard,2003)

MISSIONS ET MANDATSQuelle culture informatique vise-t-onà l’école, plus précisément en cequi a trait à la compétence à com-muniquer de façon appropriée? Surquels plans l’école a-t-elle un rôleparticulièrement important à jouer?• Travailler à la valorisation de la

langue, même sur le Net, et fairedécouvrir aux élèves le pouvoirde la langue;

• Faire apprendre grâce à des situa-tions authentiques et de véritablesprojets clairs et bien définis;

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RDico texto Frimousses

A2M1 : à demain :-) : je souris@+ : à plus tard je suis mécontent :-(cad : c’est-à-dire ;-) clin d’œil positifKdo : cadeau je suis déçu : -eNRV : énervé :-/ je suis sceptiqueslt : salut je rigole : -Ddak : d’accord :-o : je suis surprisbsr : bonsoirMDR : mort de rire1posibl : impossible

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• Dans la classe, voir à ce que lestâches visent le développementdes différentes dimensions del’acte de communiquer. Celui-cisuppose :– un contexte,– une intention, donc une prise

en compte du destinataire : jel’informe, je lui donne monavis, je réfute ses arguments,j’accepte son avis, etc.,

– la maîtrise de codes langagiers,– une maîtrise discursive : savoir

argumenter, expliquer, raconter,– la maîtrise de rituels : la façon

de prendre contact, de prendreou de laisser la parole, etc.;

• Établir des liens entre la cultured’une société et les disciplinesscolaires;

• Développer de bons scénariosd’apprentissage intégrant la com-munication au moyen des TIC;

• Revaloriser la politesse, réintro-duire le protocole là où cela sejustifie;

• Amener les jeunes à s’interrogersur les langages qui conviennentle mieux à l’expression de leurspensées et sentiments;

• Réfléchir sur l’importance del’engagement à titre de produc-teur de documents pour le Web;

• Replacer la cyberlangue en con-texte;

• Se servir des forums commeoutils d’entraide et d’échanged’idées;

• Utiliser le clavardage (avec desécrivains, des journalistes, etc.)pour des entretiens pédagogiquesliés aux diverses disciplines;

• Penser à l’organisation collabora-tive dans les scénarios proposés;

• Prendre le temps de réfléchir :apprendre à préparer une com-munication, réaliser des docu-ments originaux qui intriguent,qui donnent envie de continuer àfouiller;

• Transposer un message dansdivers langages;

• Insister sur l’obligation de véritéet de sincérité dans ses commu-nications en ligne; assurer une

présence critique et dynamiqueaux communications des autres ettenir compte de leurs réactions;

• Valoriser la rigueur et le sérieuxdans la prise de parole en public;

• Outiller les élèves pour qu’ilssoient en mesure de s’exprimer etde participer activement et entoute lucidité à la définition de lasociété;

• Promouvoir aussi dans l’école lesvaleurs de partage et de coopéra-tion transmises par Internet;

• Déterminer les forces spécifiquesde la trilogie écrit - oral – imageet apprendre aux élèves à lesmaîtriser;

• Faire de l’éducation aux médias,entre autres en sensibilisant lesélèves à leurs habitudes de con-sommation médiatique et en déve-loppant leur jugement critiqueface à leur fréquentation ducyberespace;

• Remettre les choses en perspec-tive par rapport à l’anonymat queprocure Internet;

• Encourager la communicationfamille-école en utilisant de nou-veaux outils qui peuvent s’avérertrès efficaces.

La tâche du pédagogue d’aujour-d’hui, bien que complexe et exi-geante, s’avère des plus stimulantes.C’est lui qui offrira des possibilitésd’utilisation des TIC qui permet-tront des pratiques créatives et ladécouverte de nouveaux champsd’exploration. Il encouragera l’élèveà ouvrir ses horizons dans un nou-vel univers qui bouleverse autant laculture et la communication que lesmodes de transmission. Il aideral’élève à maîtriser « l’environne-ment mental » créé par l’ordinateuret à surmonter les difficultés cogni-tives auxquelles il fera face. Il con-tinuera à transmettre certainesvaleurs « traditionnelles » dans cenouvel espace; malgré l’accélérationde la transmission des données, desinformations, des messages et desparoles, il demeure essentiel deprendre le temps de digérer ce dis-cours. Ce sera alors à l’école defaire l’éloge de la lenteur dans lesens de réflexion et de doute. Ainsiqu’on peut le lire dans les actes ducolloque français De l’art ou dumultimédia? : « Cette nécessairere-création des outils avec leursutilisateurs demande un temps, une

formation et une expérimentation. »Il nous faut inventer la pédagogiequi convienne à l’introduction dumultimédia; cela prend du temps…Prenons-le!Mme Marie-France Laberge estanimatrice au Service nationaldu RÉCIT-Domaine des langues.

Références bibliographiquesANIS, J. Parlez-vous texto? — Guide desnouveaux langages du réseau, Paris, Lecherche midi éditeur, 2001.BARRAL, É. Otaku, les enfants du virtuel,Paris, J’ai Lu, 2001.BÉZARD, M. « Des outils pour les lettres »,éditorial dans Les dossiers de l’ingénierieéducative », [En ligne], 2003, [http://www.cndp.fr/dossiersie/].CERISIER, J. F. Les outils de communica-tion modifient-ils la nature des interac-tions entre élèves et avec les enseignants?,[En ligne], 2000, [http://www.crdp-poitiers.cndp.fr/manifestations/ PNF/pnf2000/jfcerisier.htm].FISCHER, H. Le choc du numérique, Montréal,VLB, 2001.KERDELLANT, C et G. GRÉSILLON. Les enfants-puces, Paris, Denoël, 2003.LAPOINTE, P. L’identité reléguée au secondplan : naissance d’une nouvelle culture,[En ligne], 2001, [http://www.sciencepresse.qc.ca/cyber-express/lectures/turkle.html].LOMBARD, J.F. Le multimédia : où l’affectifreprend le dessus sur la technique, [Enligne], 2001, [http://www.epi.asso.fr/revue/76/b76p113.htm].PERRENOUD, P. Se servir des technologiesnouvelles, [En ligne], 1998, [http://www.ac-grenoble.fr/stismier/textes/divers/perrenou9.htm].PROULX, S. « L’identité de la société québé-coise à l’ère des réseaux numériques », dansLes défis du cybermonde, sous la directionde Hervé Fischer, Québec, Presses de l’Uni-versité Laval, 2003.RÉSEAU ÉDUCATION-MÉDIAS. Jeunes cana-diens dans un monde branché, [En ligne],2001, [http://www.media-awareness.ca/francais/projets_speciaux/sondages/sondage_eleves.cfm].SERRES, M. Le virtuel est la chair même del’homme, [En ligne], 2001, [http://www.lemonde.fr/rech_art/0,5987,197697,00.html].TURKLE, S. Life on the Screen. Identity inthe Age of the Internet, New York, Simonand Schuster, 1995.

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Quelques définitions

MOO : Modélisation orientée objet (service interactif en temps réel).Chaque objet ou classe dispose d’une identité et d’un comportement quilui sont propres. Ils communiquent entre eux par différents types derelations qui ont chacun leur propre symbole.SMS (texto) : En anglais, Short Message Service : messages courts quipeuvent être envoyés et reçus sur des téléphones mobiles.Avatar : Personnage représentant un surfeur dans le monde virtuel.Bavardoir : En anglais, Chat room : lieu où l’on poursuit une conver-sation dans le monde virtuel.Frimousses (binettes) : Petits symboles composés à partir de carac-tères simples du clavier (dont le sens apparaît en les tournant d’un quartde tour dans le sens des aiguilles d’une montre : on voit alors apparaîtreun visage expressif).Nétiquette : Code de bonne conduite sur Internet.Objets nomades : Technologies mobiles : téléphones cellulaires, ordi-nateurs portables, lecteurs de disques compacts, etc.Otaku : Les Otaku ne se sentent à l’aise qu’à l’intérieur de l’universvirtuel qu’ils se sont créé. Grâce aux nouvelles technologies, il leur estdésormais possible d’expérimenter le monde sans sortir de chez eux.Site portail : Terme générique pour désigner un site qui sert de pointd’entrée sur Internet pour un nombre significatif d’utilisateurs.

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L a communication, on le saitpar expérience, est un élé-ment central des rapports

entre les humains et elle occupeune place de choix dans la vieprofessionnelle. Compte tenu del’importance de la question, Viepédagogique a voulu en discuter.Pour ce faire, une table ronde aréuni une avocate, un policier de laSûreté du Québec, un administra-teur public, une psychologue, deuxenseignantes, une adjointe à ladirection d’une école primaire etun spécialiste en multimédias1.Différents aspects de la question ontété abordés par les participants, dontl’importance de la communicationdans leurs secteurs respectifs, lescaractéristiques d’une communi-cation efficace et les aspects les plusimportants de la communication.Toutes les personnes étaient bienconscientes que les quelque deuxheures consacrées à discuter decette question ne pouvaient appor-ter que des réponses incomplètes;toutefois, en puisant dans leursexpériences personnelles et profes-sionnelles, elles ont exprimé despoints de vue fort intéressants.

DANS VOS DOMAINESRESPECTIFS, QUELLE PLACEOCCUPE LA COMMUNICATIONDANS VOTRE VIEPROFESSIONNELLE?C’est sans hésiter que tous les par-ticipants affirment que la communi-cation occupe une place essentielle.« Au centre de mon travail », diral’un, « au centre de mes activités »,diront d’autres. D’entrée de jeu,Akos Verboczy a apporté une miseau point intéressante : « D’abord,spontanément, je ne dirais pas queje suis dans le domaine de la com-munication, je suis administrateurpublic. » Cependant, il ajoute aus-sitôt : « Tout ce que je fais, c’est

communiquer : animation ou par-ticipation à différentes réunions,rédaction de rapports, lettres, docu-ments divers. » Pour tous les parti-cipants, la communication écrite etorale est un outil de travail impor-tant, mais chacun en fait des expé-riences bien différentes. RobertDesrochers, de la Sûreté du Québec,met en évidence que la communica-

aussi entre eux. Leur apprendre àcommuniquer oralement et parécrit, à entrer en contact avec lesautres est une préoccupation detous les instants : « Leur faire réus-sir leurs études, c’est important,mais il faut surtout en faire descitoyens responsables. » Désirercommuniquer, entrer en contactavec l’autre, c’est vouloir quitter lamarginalité sociale.Enseignante de sciences au secon-daire depuis une vingtaine d’an-nées, Sylvie Barma précise que « pour l’enseignant, la communi-cation en classe doit aboutir à la co-construction du savoir avecl’élève ». Elle ajoute : « On ne peutpas être seul devant la classe etprétendre qu’on va passer notrematière sans tenir compte de ça. »En tant qu’avocate, Marie-AndréeThomas perçoit la communicationcomme un instrument de travailprésent dans tous les aspects de laprofession : « Dans la préparationd’un dossier, il faut discuter avecdes experts, faire une recherched’informations verbalement ou parécrit, rédiger une procédure etprésenter verbalement le dossier autribunal. »Valérie Legendre, psychologue,mentionne que la communicationest au cœur de ses interventions etelle insiste sur les aspects affectifsprésents dans certains contextesrelationnels : « … la communica-tion implique un savoir être, unsavoir vivre et un savoir faire sur leplan émotif, sur la façon de com-muniquer ce que l’on ressent, ceque l’on est, ce que l’on vit. » Elleajoute que c’est d’autant plusimportant quand on travaille auprèsdes jeunes, « qu’il s’agisse de ceuxqui vivent dans la souffrance àl’hôpital Sainte-Justine ou de ceuxque l’on rencontre dans le milieuscolaire ».

QU’EST-CE QUI REND UNECOMMUNICATION EFFICACEDANS VOTRE DOMAINE?COMMENT POUVEZ-VOUSDIRE QUE VOUS AVEZ RÉUSSIÀ COMMUNIQUER QUELQUECHOSE EFFICACEMENT?Akos Verboczy souligne l’impor-tance de la qualité de la langue, dela maîtrise du vocabulaire, desrègles, etc. Pour lui, il est évidentqu’une personne qui maîtrise bienla langue ou le vocabulaire propre àun domaine aura plus de facilité à se faire comprendre et, de façongénérale, à communiquer. Tout enétant d’accord avec le fond de laquestion, plusieurs participantscroient que la maîtrise de la langueest le point de départ essentiel, maisque ce n’est pas suffisant. On doitaussi tenir compte des dimensionssociales et affectives.

LA COMMUNICATION AU CŒUR DE LA VIE PROFESSIONNELLETABLE RONDE SUR LA COMMUNICATION DANS LE MONDE DU TRAVAILpar Guy Lusignan

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SYLVIE BARMA

tion tant orale qu’écrite fait partieintégrante du travail du policier : « C’est par la communication ver-bale que les patrouilleurs commu-niquent avec les automobilistes, queles enquêteurs interrogent destémoins, que les inspecteurs pré-sentent un dossier en cour et qu’enprévention dans les écoles, les for-mateurs s’adressent aux élèves. Etc’est par écrit qu’une personne lefait, lorsqu’elle rédige des rapports,construit des sessions de formationou transmet de l’information à unprocureur. »Marianne Thibodeau est ensei-gnante et elle travaille avec desjeunes de la rue. Elle constate qu’ilssont de plus en plus nombreux à refuser de communiquer, nonseulement avec les adultes, mais

Une communication est efficacequand « on a réussi à établir unerelation, établir un contact entredeux personnes », s’entendent pourdire la majorité des participants. « Une communication réussie dépendde la qualité de la réponse; si la

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AKOS VERBOCZY

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réponse de l’autre montre qu’il acompris. » Ou encore, quand « monintention d’écriture est perçue dansle même sens que lorsque je l’aiproduite ».

per la communication que l’on aeue ensemble de façon autonome,sans maintenir le contact avecmoi… quand je sens que l’élèves’engage, qu’il est d’accord avec moiet que je suis d’accord avec lui…quand je sens que la lumière estallumée, qu’il se met en action, qu’ila le goût de mettre ça sur papier,qu’il a le goût de développer sarecherche ».Il existe des façons concrètes devérifier si le message est passé.Ainsi que le précise RobertDesrochers, en prévention, parexemple, on va chercher du feed-back : « Est-ce que le message a étébien compris? Les statistiques con-cernant le taxage indiquent-ellesque ce problème a diminué dansune région? On fait également dessondages. »Pour Valérie Legendre, l’efficacitéd’une communication suppose lavolonté du communicateur de s’en-gager dans un dialogue honnête etresponsable. « On est responsablede ce que l’on dit et de la façondont on le dit. » Elle a souventobservé dans sa pratique que « laconsultation n’est pas plus facileavec les gens qui s’expriment bien.Parce qu’il y a manipulation quandon parle de communication. Il y ena qui s’expriment très bien, qui ontun vocabulaire très élaboré et quiessaient de nous mener en bateaupar toute sorte de rationalisation(…). Ce n’est pas la qualité du lan-gage ou du vocabulaire qui fait ensorte que c’est plus ou moins facile».Dans certains environnements, lacommunication peut être plus oumoins bonne. S’il faut de bonnesconditions matérielles pour biencommuniquer, il est égalementnécessaire que les personnes enprésence désirent communiquer.Comme le fait remarquer l’un desparticipants, « quand deux per-sonnes veulent émettre leur opinionet n’écoutent pas l’autre, il n’y a pasde communication, c’est de l’af-frontement et aucune action ne peutêtre entreprise ».Une dernière condition est soulevéepar un participant, à savoir la capa-

cité de décoder des messages nonverbaux, de décoder les silences : « Il y a des jeunes qui sont fermés,des jeunes qui ne parlent pas… Parleur fermeture, leur refus de com-muniquer sur le plan verbal, qu’est-ce qu’ils essaient de me dire? Quedois-je décoder? »

DE FAÇON CONCRÈTE, DANSVOTRE TRAVAIL, QUEL ESTL’ASPECT LE PLUS IMPORTANTDE LA COMMUNICATION?La réponse des participants estpresque unanime : le message, lecontenu. Non pas que la façon oules outils que l’on utilise ne soientpas importants, mais ils n’exis-teraient pas sans le contenu. Defaçon imagée, un participant faitbien ressortir cet aspect en affir-mant : « Une conférence où l’onutilise Power Point n’est pas néces-sairement plus intéressante qu’uneconférence où le conférencier con-naît sa matière et n’utilise pasPower Point. Il faut qu’il y ait unmessage qui parte de quelqu’un,qu’il se rende à l’autre et qu’il soitbien compris. »

sion existe particulièrement dansdes contextes où la communications’inscrit à l’intérieur d’un processusà long terme, celle où il est né-cessaire d’entretenir des relationsinterpersonnelles positives, commedans une classe ou une famille.Il n’empêche que lorsque l’objectifde la communication est de trans-mettre de l’information, ce quidevient le plus important, c’est lafaçon de procéder, comme l’affirmeRobert Desrochers : « Moi, dansmon travail, je suis en relation avecdes policiers que je ne reverrai pasavant deux ou trois ans (…). Mapriorité, c’est d’adapter la façon detransmettre le message pour quemon objectif soit atteint. J’ai sou-vent une heure pour transmettre lemessage, alors la façon de faire estla plus importante. » Pour JulieDuchesne, la façon de transmettrele message est également impor-tante : « C’est le message, mais aussila façon de le transmettre. C’est çaqui va me préoccuper. Avec lesenfants, est-ce que je vais me servird’un exemple pour illustrer le mes-sage, de fables, d’allégories? Avecles enseignants, c’est la façon dontje vais le transmettre… sur quel ton?Avec les parents, la même questionse pose aussi. »Il est difficile de trancher, difficilede séparer le contenant du contenudans certaines situations de com-munication. « S’il n’y a pas tous les

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Pour Stéphane Lestage, une com-munication est efficace « quand onarrive ensemble à bien définir lesbuts et les finalités de ce que l’onveut faire et que l’on arrive à cons-truire quelque chose ensemble ».« Dans la communication, on saitque le message est reçu quand uneaction en découle. On sait que l’ona semé des idées quand les gensagissent, vont de l’avant, réflé-chissent à travers les questionsqu’ils se posent; c’est là qu’on voitle cheminement. » Toutefois, enéducation comme dans d’autresdomaines, on est conscient que laréponse ou que l’action n’est pasnécessairement immédiate. Il fautsouvent faire preuve de patience carles réponses sont à long terme,comme le fait remarquer SylvieBarma : « Une communication estréussie quand elle a un impact, cequi n’est pas toujours immédiat,mais à long terme. Je pense que lelong terme pour nos jeunes, c’estune action sociale dans leur milieu.»En accord avec cette affirmation,Marianne Thibodeau, dans une per-spective à court terme, considèrequ’elle a réussi avec ses élèves « lorsqu’ils ont le goût de dévelop-

Le partage, la relation, dira unautre. Plusieurs mentionneront queparfois, l’essentiel c’est de garder lecontact. Bien des conversationsdans un couple ou avec des enfants,par exemple, ne servent qu’à con-server le contact. Mais cette dimen-

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JULIE DUCHESNE

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ROBERT DESROCHERS

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STÉPHANE LESTAGE

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autres éléments autour du message,la communication ne sera pas réus-sie », affirme Stéphane Lestage.

QU’EST-CE QU’UN MAUVAISCOMMUNICATEUR?Un mauvais communicateur, « c’estquelqu’un qui manque de respect àson auditoire, soit par mépris, soitpar mauvaise volonté; c’est celuiqui n’écoute pas ou qui ne peut passe mettre à la place de l’autre »,croit un participant. Pour d’autres,le mauvais communicateur est celuiqui ne connaît pas sa matière, n’enmaîtrise pas le contenu. Le mauvaiscommunicateur, « c’est celui qui n’apas de crédibilité, dans la mesureoù il parle de quelque chose qu’ilne connaît pas », précisera un par-ticipant.Akos Verboczy mentionne que dansl’administration scolaire, il y a sou-vent des situations tendues, car desvaleurs interculturelles différentesse côtoient et la communications’avère parfois difficile. Dans detelles situations, il a souvent obser-vé que le mauvais communicateurest celui qui manque d’objectivité.La personne ne réagit pas en fonc-tion d’une analyse rigoureuse, maisplutôt en fonction de ses préjugés,qui sont soit toujours favorables auxparents et à l’élève, soit toujoursfavorables aux administrateurs sco-laires. « C’est le problème despréjugés ou des cultures… de gensqui viennent de différents endroitset qui ont différentes conceptionsdu rôle de l’école par rapport aurôle des parents… »D’autres caractéristiques sont éga-lement relevées. Le mauvais com-municateur est aussi celui qui a dela difficulté à se mettre à la portéede son interlocuteur, qui n’utilisepas correctement les moyens audio-visuels ou les outils informatiques,qui transmet un message qui n’estpas adapté ou pertinent pour l’in-terlocuteur. C’est aussi celui qui est incapable d’anticiper commentl’autre va réagir ou encore, « qui nepossède pas son message et qui a la prétention de croire que l’inter-locuteur est tellement bête que, de

toute façon, il va lui apprendrequelque chose ».

UNE COMPÉTENCE ÀCOMMUNIQUER PEUT-ELLE SEDÉVELOPPER? QU’EST-CE QUEL’ÉCOLE POURRAIT METTREEN ŒUVRE POUR FAIRE DENOS ÉLÈVES DE BONSCOMMUNICATEURS?Tous les participants reconnaissentle rôle essentiel de l’école. ValérieLegendre est « convaincue quel’école a beaucoup à voir dans le développement des habiletés àcommuniquer ». Pour MarianneThibodeau, ce que propose laréforme des programmes est debon augure : « Les projets, faire tra-vailler les élèves en équipes, les

niquer, il faudra que tous les inter-venants travaillent dans le mêmesens. « Au regard de la réforme,(…) c’est important que la langueécrite et parlée soit une préoccupa-tion de tous les enseignants danstoutes les disciplines. Il faut que cesoit une préoccupation communede tous les intervenants de l’école, il faut que tout le monde soit con-vaincu », précise Sylvie Barma. Ellerappelle que la réforme des pro-grammes d’études met l’accent surla communication et encouragel’utilisation de différents langagesdans toutes les matières. « Dans leprogramme de sciences et de tech-nologie, par exemple, c’est majeur.Maintenant on parle de dessins, deschémas, d’outils informatiques, de traitement de texte, de logiciels,…on ne peut plus parler de con-tenu sans parler de communication.Dans notre programme, la com-pétence transversale ne peut sedévelopper sans l’appui des con-naissances disciplinaires. »Julie Duchesne mentionne, qu’à sonécole, « tous les projets sont orien-tés vers la communication, les dif-férentes formes de communication.On ne peut pas juste miser sur leverbal. C’est l’expression corpo-relle, la danse, la rythmique, c’estautant de moyens pour apprendre àcommuniquer ».Les TIC, bien entendu, doivent êtremis à contribution, mais il existedes façons fort simples pour aiderles élèves à développer leurs com-pétences à communiquer, parexemple en favorisant les situationsde communication interactives : « On n’a pas besoin d’une panopliede moyens ou d’outillage pour fairecommuniquer les jeunes. Seule-ment les placer le plus souvent pos-sible, au cours d’une journée, ensituation authentique de commu-nication. Placer des enfants en-semble, les faire parler d’un livrecoup de cœur qu’ils ont lu, leurdemander de parler d’un person-nage qu’ils ont préféré… On leurdemande d’échanger sur quelque

chose qui leur tient à cœur, qui leurplaît. Pas besoin de technologiepour cela », affirme Julie Duchesne.

DANS VOS MILIEUXRESPECTIFS, EXISTE-T-ILDES DISPOSITIFS POURDÉVELOPPER LES HABILETÉSCOMMUNICATIONNELLES DESJEUNES QUE VOUS RECEVEZ?Ce qui ressort des interventions,c’est que les nouveaux arrivés sontlaissés à leur initiative personnelle.Pour différentes raisons d’ordreorganisationnel, il y a peu de res-sources mises à la disposition desjeunes pour les aider à perfec-tionner leur compétence à com-muniquer. Seuls ceux qui désirent être conseillés entreprennent desdémarches auprès de collègues. Unparticipant révèle qu’il va consulter,sur une base informelle, des col-lègues « qui m’inspirent le respect,que je reconnais comme des gensqui ont une compétence, un talent.Ça se fait amicalement ». StéphaneLestage fait part toutefois d’un casd’exception : dans son entreprise,ils ont décidé « de responsabiliser

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encourager à rassembler leursidées ou à convaincre et à partageravec les autres, c’est sûr que c’estune compétence essentielle. » Marie-Andrée Thomas rappelle que l’écoleest un lieu de socialisation et qu’ilest nécessaire de faire travailler les élèves ensemble « pour qu’ilspuissent développer des habiletésde communication en groupe ».Mais est-ce suffisant s’il n’y a pasune volonté collective de valoriserla compétence à communiquer?Selon plusieurs participants, pourque l’école réussisse à faire déve-lopper la compétence à commu-

les employés qui doivent gérer undossier du début à la fin. Ces der-niers deviennent alors autonomes,ils sont plus engagés dans le projetet ils communiquent mieux l’infor-mation à leurs collègues. Il y a un

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VALÉRIE SOLEDAD-LEGENDRE

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MARIANNE THIBODEAU

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plus grand sentiment d’apparte-nance et les employés s’exprimentbeaucoup mieux, discutent beau-coup (…) ça fait des échanges trèsintéressants et la qualité du travails’est grandement améliorée; tout lemonde s’en trouve grandi dans l’en-treprise ».

Un participant rappelle que l’unedes façons d’améliorer la commu-nication avec les différents interlo-cuteurs, « c’est de faire des retourssur la communication, soit en for-mulant un commentaire positif, soiten valorisant une communicationefficace et intéressante. Dans le cascontraire, quand le message a malpassé ou que le non-verbal estnégatif, il est important de revenirsur la situation, de faire réfléchir ».

CONCLUSIONL’importance de la communicationdans le domaine du travail ne faitpas de doute. Elle est la base desrelations professionnelles, des actionsà long terme et de l’engagementsocial. Les participantes et parti-cipants à la table ronde estiment que la compétence à communiquerrepose sur la qualité du message, laconnaissance de la langue écrite etparlée, la maîtrise de différents lan-gages, le choix de moyens appro-priés pour communiquer et, sur leplan affectif, la capacité d’entrer en

S i la communication est lepivot des relations avec lesautres dans la société, elle

est aussi le pivot des activités àl’école. En effet, qui dit école ditcommunication. À commencer parla classe, qui est essentiellement unlieu de communication où circulentde multiples messages verbaux etnon verbaux : paroles de l’ensei-gnant et de plus en plus parolesd’élèves, mais aussi messages émispar les attitudes, les gestes, les mi-miques, etc.Lieu de communication par sa naturemême, la classe, et par extension

l’école, peut devenir l’endroit pri-vilégié pour apprendre à mieuxcommuniquer, en même tempsqu’on y apprend le français, l’his-toire ou la chimie. Il suffit que tousles professionnels de l’enseigne-ment se soucient de faire acquérircette compétence, manifestent ex-plicitement l’importance qu’ils yaccordent et multiplient les occa-sions de la mettre en œuvre. Et ilssont nombreux à le faire déjà, quine seront pas pris au dépourvulorsque le Programme de formationde l’école québécoise deviendra obli-gatoire au secondaire et prescrira

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QUAND APPRENDRE À COMMUNIQUER OCCUPE UNE PLACE IMPORTANTE À L’ÉCOLEpar Luce Brossard

le développement de la compétencetransversale « communiquer defaçon appropriée ».Nous avons rencontré des ensei-gnants et des enseignantes ainsiqu’un conseiller pédagogique quise préoccupent d’amener les élèvesà acquérir cette compétence. Cha-cun y contribue à sa manière. Dansdes milieux différents et des situa-tions variées, les moyens utiliséspar ces professionnels de l’ensei-gnement constituent des bonsexemples de ce qu’il est possible defaire en classe et à l’école lorsqu’onest déterminé et créatif. Il est pos-

sible que des enseignants et desenseignantes se reconnaissent dansles pratiques que nous décrivons ci-après. D’autres auraient sans doutedes façons de faire très efficaces àproposer. Il nous était impossiblede les découvrir toutes, mais nousavons trouvé cinq belles réalisationsqui peuvent inspirer les équipes quisont à la recherche de moyens de contribuer au développement decette importante compétence quiest de savoir communiquer.

que la réussite de cette entrepriserepose sur une volonté commune etun engagement de tous les acteursdu milieu scolaire.M. Guy Lusignan est consultanten éducation.

1. La table ronde réunissait, par ordre alpha-bétique : Sylvie Barma, enseignante dechimie au secondaire; Raphaël Bergeron,policier à la Communauté urbaine deMontréal, Robert Desrochers, sergent à laSûreté du Québec, au Service des rela-tions avec la communauté, responsablede la conception et de la mise en place de programmes de prévention; JulieDuchesne, directrice adjointe à l’annexeCharlevoix, de la Commission scolaire deMontréal; Valérie Legendre, psychologue;Stéphane Lestage, vice-président commu-nication d’une entreprise privée en multi-médias; Marianne Thibaudeau, enseignanterattachée au Centre de Recherche éduca-tive et pédagogique et qui travaille pourl’organisme au service des jeunes sans-abri Dans la rue, dirigé par le pèreEmmett Johns; Marie-Andrée Thomas,avocate au ministère de la Justice duQuébec; Akos Verboczy, du Conseil régio-nal de développement de la Ville deMontréal et commissaire représentant lequartier Côte-des-Neiges-Westmount à laCSDM.

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MARIE-ANDRÉE THOMAS

relation de façon respectueuse,adaptée et positive avec l’interlo-cuteur.Conscients que la communicationest un élément majeur dans lemonde du travail, tous reconnais-sent l’importance de l’école pour ledéveloppement de la compétence àcommuniquer et insistent pour dire

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RAPHAËL BERGERON

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G ina Thésée a commencé sacarrière dans l’enseignementen 1990, à l’école secondaire

Saint-Luc, de la Commission scolairede Montréal. Elle y enseigne cetteannée le programme de sciencesphysiques aux élèves de quatrièmesecondaire. D’entrée de jeu, Gina Thésée admetque la composante « communica-tion » est la parente pauvre de l’en-seignement des sciences. Non pasque les enseignantes et les ensei-gnants de sciences y soient moinssensibles que leurs collègues, maisils ne disposent pas du temps quiest essentiel au développement decette compétence, comme de toutecompétence d’ailleurs. Le mode defonctionnement de l’école ne favo-rise pas l’utilisation de stratégies dedéveloppement de la compétence àcommuniquer efficaces, mais « chro-novores », selon le mot de Gina.Cependant, cette compétence estaussi extrêmement importante, dit-elle en riant : « Je la prends en con-sidération, mais ça me joue destours parce que j’opère dans lemodèle actuel. » Pour boucler leprogramme, elle doit parfois aug-menter un peu le rythme, mais sonexpérience lui permet de savoirdans quelles parties du programmeet à quel moment elle peut donnerun petit coup d’accélérateur.

TRAVAILLER SUR LES MOTSL’école secondaire Saint-Luc, rap-pelle Gina, c’est un peu les NationsUnies. On y trouve plus d’une cen-taine de groupes culturels différentsqui parlent une quarantaine delangues maternelles. Les classesregroupent souvent des élèves quisortent d’une classe de francisationoù ils ont passé dix mois et qui nepossèdent que des rudiments dufrançais, d’autres qui ont été scolari-sés au Québec, mais qui ne parlentpas le français à la maison et unpetit nombre d’élèves dont la languematernelle est le français. Heureu-

sement, Gina considère que c’est unbeau défi pour elle d’amener cesélèves à communiquer dans unelangue commune, le français. Aussicommence-t-elle l’année en étu-diant l’étymologie des mots science,physique et chimie. D’où viennentces mots? Quelle a été leur histoiredans l’espace et le temps, à traversdifférentes langues et différentspays? « Cela nous amène à voir quelest le champ d’étude de la physique,celui de la chimie ainsi que les dif-férents sous-domaines de chacune.Cela éclaire ce vers quoi on sedirige », affirme-t-elle. Puis elle faitde même au début de chaquechapitre, concernant les notions quiseront étudiées. Elle estime quelorsque les élèves rencontrerontpar la suite les mêmes racines, pré-fixes ou suffixes, ils pourront direoù ils les ont déjà vus et les trans-poser dans un nouveau mot. Ellefait aussi remarquer qu’en mettantl’accent sur les racines des mots,celui ou celle qui s’approprie unnouveau mot apprend par le faitmême toute une famille de mots, cequi aide beaucoup les élèves allo-phones à découvrir le français. Leurapprentissage de la langue ne s’ar-rête pas avec leur intégration dansla classe ordinaire et le travail surles mots durant les cours de sciencescontribue à l’accélérer. Ce travailpermet également d’accroître laculture des élèves puisqu’il met en relief l’apport des Grecs, desRomains et des Arabes à l’évolutiondes sciences. Gina ne veut pasnégliger ces aspects linguistiques etculturels même s’ils exigent beau-coup de temps : « On a l’impressionde ne pas avancer, mais c’est for-mateur. »L’autre aspect du travail sur les motsconcerne l’utilisation de termes dulangage courant pour exprimer desconcepts scientifiques. Par exemple,le mot travail n’a pas en électricitéle même sens que dans la vie quoti-

dienne. Il en est de même du motpuissance. Il faut amener l’élève àdistinguer le sens courant d’un motde celui qu’il a dans le langagescientifique. Pour cela, Gina ima-gine des situations où les élèvespourront faire des comparaisons.Ainsi, pour faire saisir le sens dumot puissance, en physique, elledésigne une fille plutôt menue et ungarçon grand, bien bâti, et elleannonce qu’ils ont tous les deuxeffectué le même travail, mais quela fille a pris moins de temps pourle faire. Puis, elle demande à laclasse laquelle de ces deux per-sonnes est la plus puissante. Le plussouvent on lui répond que c’est legarçon, parce que dans le langagecourant, le mot puissance est asso-cié à une personne virile, un hommegrand et fort. Or en physique, lemot puissance n’a rien à voir avecla taille ou les muscles mais se rap-porte au rythme du travail. Lesélèves ont beaucoup de difficulté àadmettre une telle chose. Décons-truire la représentation premièrepour en construire une nouvellerequiert du temps, mais comme ledit l’enseignante, « au moment où ledéclic se fait, le concept scientifiqueest mieux compris ». Les élèves sai-sissent que le mot a un sens diffé-rent selon le contexte et qu’un sensn’est pas meilleur que l’autre. Pourcommuniquer efficacement, il fautdonner à un mot le sens qui lui con-vient, selon le contexte.

FAVORISER LA DISCUSSIONCOMME MOYEN D’APPRENDREOn le constate, les élèves de GinaThésée sont invités à discuter enclasse. Pour les amener à prendreconscience de la conception qu’ilsont des mots énergie, force ou puis-sance, il faut leur donner l’occasionde s’exprimer. « En sciences, affirmeGina, parler, dire, définir ne suf-fisent pas. La conceptualisation estle défi important. Comment amenerl’élève à conceptualiser autrement

sans l’amener à prendre conscienced’une première conceptualisation?C’est là que la discussion prendtoute son importance. »Cependant, ce n’est pas si facile defaire discuter les élèves. Certainsont une idée bien arrêtée de lascience et de la façon dont elledevrait être enseignée. Selon eux,c’est le rôle du professeur – quiconnaît sa matière – de donner l’in-formation. Ils préféreraient queGina leur dise ce qu’il en est au lieude discuter pour le découvrir. Maispour l’enseignante, la discussionjoue un rôle essentiel parce qu’ellepermet de construire et d’éprouverson savoir. « Comment peut-on serendre compte de ce que l’on sait si on n’a pas l’occasion de l’expri-mer? », demande-t-elle. Aussi, ladiscussion est omniprésente danssa classe : «Ce n’est pas une activité àpart, c’est notre manière de faire. »La discussion se tient avec la classeentière, mais aussi en équipes. Ellesert même dans des situationsd’évaluation. Par exemple, Ginasoumet un questionnaire à uneéquipe formée de quatre élèves quidoivent s’entendre sur les réponses,puisqu’ils ne remettent qu’une seulefeuille sur laquelle sont inscrits lesnoms des quatre personnes. Pourse mettre d’accord, ils doivent dis-cuter et apporter de bons argu-ments. Gina circule discrètement

À L’ÉCOLE SECONDAIRE SAINT-LUC, UNE ENSEIGNANTE DE SCIENCES BRANCHÉE SUR LA COMMUNICATION

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GINA THÉSÉE

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sans intervenir et elle les écoute.Elle trouve que ces occasions dedire ce qu’ils ont appris et ce qu’ilssavent, d’éprouver leur savoir et dele raffiner sont très enrichissantespour les élèves. « À ce moment-là,constate-t-elle, l’évaluation n’estplus une fin en soi, elle est tout sim-plement une autre étape dans leprocessus d’apprentissage. » Puis,c’est aussi une occasion d’inverserles rapports de pouvoir dans laclasse, les élèves qui apportent leursavoir dans l’équipe n’étant pastoujours ceux ou celles qui s’expri-ment en grand groupe.

ÉTABLIR UN LIENAVEC L’ACTUALITÉGina Thésée ne veut pas que sesélèves perçoivent la science commeune matière désincarnée, qui ne setrouve qu’en salle de classe ou enlaboratoire. Elle ne souhaite pasnon plus qu’ils considèrent le savoirscientifique comme l’unique, levrai. Le programme l’incite déjà àétablir le lien entre science, tech-nologie et société et comme ellejuge ce lien primordial, elle se faitsouvent l’avocat du diable en classeen posant des questions qui amènentles élèves à réfléchir aux aspectssociaux, économiques, culturels etéthiques de certaines découvertesscientifiques. De plus, elle réserveun moment particulier à un typeprécis de discussion, à partir decapsules-sciences qui sont pro-posées au début des cours. Cinq àdix minutes sont consacrées à dis-cuter d’un sujet d’actualité – amenépar les élèves – qui a un rapportavec la science. Les jeunes glanentles sujets dans les médias ou dansles conversations qu’ils ont avecleurs parents. Ce sont des sujets quiles préoccupent ou qui les intriguent.

Les filles proposent surtout dessujets liés à la vie, par exemple cequi a trait aux manipulations géné-tiques; les garçons s’intéressentplus à l’énergie ou à l’espace, entreautres choses. Ces derniers temps,on parlait de la planète Mars. Queveut-on y faire? Pense-t-on qu’il yaura de la vie? Belle occasion pourGina de leur demander si les béné-fices que l’on compte en retirervalent tout l’argent qui est investidans cette recherche. Son but n’estpas de donner de l’information auxélèves. Au contraire, elle veut quece soit eux qui en apportent. Elleaime bien cette inversion des rôles :« La capsule-science c’est le momentde faire le lien avec l’actualité, maisc’est le moment aussi où ils m’ap-portent des choses. » C’est égale-ment l’occasion de faire prendreconscience aux élèves que choixscientifiques et valeurs ne s’op-posent pas, de leur faire voir « qu’iln’y a pas la science d’un côté et leshumains de l’autre. La science estune activité humaine faite par leshumains, pour les humains et sou-vent malgré les humains. »Bien qu’elle leur pose beaucoup dequestions, Gina remarque que lesélèves, quant à eux, ne sont pashabitués à poser des questions. « On dit que tout processus derecherche scientifique commencepar un questionnement, mais dansleur formation en sciences, lesélèves sont rarement appelés à seposer des questions. Ils sont deve-nus experts dans l’art de répondre àdes questions, mais ils se sententperdus lorsqu’il leur faut en poser. »Elle parle, bien sûr, des questionsqui permettent de faire le tourd’une problématique. Pour leurapprendre, elle utilise l’évaluation :les élèves, regroupés en équipe,doivent construire des questionsportant sur les notions étudiées aulieu d’eux-mêmes répondre à unquestionnaire. Encore là, ils doiventdiscuter et s’entendre sur des ques-tions pertinentes.

COMMUNIQUER DANSLES FORMES APPROPRIÉESLes élèves de Gina ne se limitent pasà communiquer oralement; ils

doivent aussi écrire. Outre la rédac-tion des résultats de leurs discus-sions, ils ont à effectuer des travauxde recherche. Au moment de notrerencontre, ils venaient juste de luiremettre un long travail de chimie.Comme ils sont de provenancesdiverses, Gina leur avait demandéde choisir un produit typique deleur pays d’origine, naturel ou fabri-qué, et de l’étudier sous diversaspects : chimique, géographique,économique, historique ou culturel.À titre d’exemple, deux jeunesélèves d’origine chinoise lui avaientremis un travail sur le riz : descrip-tion de la substance, conditions deproduction, données sur la consom-mation, transport, produits dérivés,importance culturelle, etc. Ce travailde recherche a permis aux élèvesde constater que la science fait vrai-ment partie de la vie, qu’ils peuventy intégrer d’autres disciplines et illeur a donné l’occasion de faireappel à leur famille et même à leurcommunauté pour obtenir des ren-seignements.Ce travail de recherche a de pluspermis à l’enseignante d’expliquerla façon appropriée de présenter unrapport de recherche. Pour ce faire,Gina a apporté en classe des articlesscientifiques publiés dans des revuesafin que les élèves puissent cons-tater ce qu’ils avaient en commun,quels types d’information s’y trou-vaient et comment ils étaient pré-sentés. Tout cela pour que les élèvesse rendent compte qu’il existe uncertain langage et une façon de fairereconnue par la communautéscientifique et qu’ils doivent s’yconformer. Il ne s’agit pas unique-ment de consignes propres auxtravaux scolaires, mais d’exigencesqui font consensus. « Pour toutécrit, leur rappelle-t-elle, il y a unensemble de normes à respecter. »Elle leur parle ensuite de la valeurdes sources et de l’honnêteté intel-lectuelle. Comme ils trouvent detout sur Internet, ils doivent êtrecritiques et savoir faire des choixappropriés. Qui dit quoi? À quiappartient ce site? Ils doivent don-ner une liste complète des sourcesde référence consultées, qu’il s’agisse

de manuels, de revues, de journauxou de sites Web. Elle leur apprendaussi qu’ils doivent citer le nom del’auteur lorsqu’ils empruntent unephrase ou un paragraphe. Contrai-rement à d’autres enseignants, Ginane s’inquiètent pas trop des opéra-tions « copier-coller » que font sesélèves pourvu qu’ils donnent à l’au-teur le crédit qui lui revient et quece qu’ils retiennent soit en rapportavec ce qu’ils veulent expliquer. Ilsdoivent lire l’information et juger sielle est pertinente, ce qui représentedéjà un certain travail. Toutefois,elle insiste sur l’importance decommuniquer de façon appropriéesi l’on veut que ses écrits soientacceptés dans la communautéscientifique. Elle n’hésite pas à leurdire qu’elle a elle-même dû sesoumettre à ces exigences au coursde ses études et que les plus grandschercheurs doivent faire de mêmes’ils veulent faire connaître leursrésultats de recherche.

COMMUNIQUERPOUR APPRENDREIl ressort des propos de Gina que lacommunication est à la fois lemoyen et la fin de l’enseignement. « Le développement de compétencestransversales fait beaucoup plusappel au processus dans lequel l’in-dividu est inscrit pour apprendrequ’au produit. Il faudrait remettreen question l’accent qui est mis surle produit du travail (réponses àdes questions, travaux, épreuves) etmettre plutôt l’accent sur le proces-sus dans lequel cet individu estappelé à développer une compé-tence. Pour moi, le processus de lacommunication est plus importantque le produit. » Cette enseignantecroit que c’est la rencontre avec despersonnes beaucoup plus qu’avecdes objets d’apprentissage qui estimportante. « Ce sont des êtreshumains qui se rencontrent et quis’apportent quelque chose. » Cesrencontres sont certes fructueusessur tous les plans pour les élèves de Gina qui, d’année en année,réussissent très bien en sciences.Pourquoi s’empêcherait-elle, alors,d’être constamment branchée sur lacommunication?

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S i vous deviez vous présen-ter à la Cour des petitescréances, sauriez-vous com-

muniquer de façon appropriéepour effectuer votre réclamation sivous vous estimez lésés ou pour vousdéfendre si vous êtes poursuivis? Le groupe d’élèves de cinquièmesecondaire inscrits au cours dedroit, qui est un cours à optiondonné par Benoît Leduc au collègeMont-Sacré-Cœur à Granby, sau-raient sans aucun doute le faire, euxqui ont eu à s’exécuter devant unvéritable juge de la Cour. Il fallaitvoir le sérieux des élèves qui arri-vaient devant le juge, dossier enmain, pour exposer les faits, preuvesà l’appui, et réclamer le paiementdes dommages subis ou contester la demande de la partie adverse.Cette séance de la Cour des petitescréances, fictive bien sûr, a eu lieu à la bibliothèque de l’école le 10 novembre dernier devant le jugeBissonnette, qui s’est obligeammentprêté à l’exercice pour le bénéficedes élèves. Ce fut un grand momentpour eux, devenus pour une mati-née des consommateurs lésés dansleurs droits par un garagiste, unefleuriste ou une propriétaire oujouant un rôle d’expert en infor-matique, en taxidermie ou en chiro-praxie.

UNE SITUATIOND’APPRENTISSAGE COMPLEXEET ORIGINALECette situation de communicationplutôt inusitée constitue l’étapefinale d’une démarche d’apprentis-sage qui a fourni aux élèves biend’autres occasions d’apprendre àcommuniquer de façon appropriée.En effet, explique Benoît Leduc, lesélèves regroupés en équipes ontd’abord eu à choisir un litige sus-ceptible d’être présenté à la Courdes petites créances, à décider quiserait la partie demanderesse et lapartie défenderesse, à rédiger dansles formes la mise en demeure et àl’envoyer par courrier recommandé,à remplir les documents pour les

AU COLLÈGE MONT-SACRÉ-CŒUR, LA COMMUNICATION AU CŒUR DU COURS DE DROITgreffes de la Cour du Québec et àfaire le chèque pour payer les fraisjuridiques. Puis, ils ont dû composerleurs preuves : factures, rapportsd’experts, etc. On comprend doncqu’il leur a fallu consulter desexperts et entreprendre diversesdémarches pour trouver de l’infor-mation.Tout au long du projet, les élèvesont pris conscience de l’importancede savoir communiquer de façonappropriée puisque, fait remarquerleur professeur, dans le domaine dudroit et de la justice, même une vir-gule peut avoir un effet non négli-geable. Pour accentuer leur prise deconscience, Benoît Leduc a amenéses élèves au Palais de justice afinqu’ils voient par eux-mêmes ce quiest attendu des personnes qui s’yprésentent. Ils ont assisté à desprocès intéressants et ont constatéque les personnes qui n’étaient pasbien préparées, qui n’arrivaient pasà exposer les faits de façon suc-cincte et claire ou qui n’avaient pasde preuves solides ont perdu leurcause. Après la séance, les élèvesont rencontré le juge et lorsque cedernier leur a demandé « Êtes-vousprêts? », ils ont compris qu’ilsavaient encore du travail à fairepour se préparer. Ils ont égalementconstaté qu’un protocole doit êtreobservé à la Cour, ce qui a mêmeconvaincu un élève de porter unecravate le 10 novembre dernier, cequ’il n’avait jamais fait auparavant!Ils ont noté qu’on ne s’adresse pasde n’importe quelle façon au juge età l’autre partie, que le vouvoiementest de rigueur et qu’on ne s’assoit eton ne se lève pas quand on veut.Le contact avec le monde de la jus-tice était entièrement nouveau pourles élèves. Le formalisme qui y règnepermettait de faire vivement ressor-tir le fait que, dans la vie, il existedes contextes différents dans lesquelsla façon de communiquer ne peutpas toujours être la même. Leurcomportement, leur attitude et leur langage au cours des procèsqu’ils avaient préparés ont montré

qu’ils avaient saisi le message, mêmesi de temps à autre ils devaient sereprendre, n’ayant pas l’habitudede vouvoyer leurs camarades.Les élèves savaient que leur pres-tation devant le juge allait êtreévaluée, comme l’avaient été lesdiverses étapes de la démarche quiavaient précédé, car ils avaient enmain la grille d’évaluation. Leurprofesseur attendait d’eux qu’ilsarrivent avec un dossier bien pré-paré, qu’ils exposent les faits claire-ment et brièvement sans lire leurtexte et qu’ils répondent correcte-ment aux questions du juge. Il lesavait prévenu que dans la commu-nication orale, les émotions jouentun grand rôle et que parfois ellesnous paralysent littéralement; c’estpourquoi il est important d’êtrebien préparé. Il a noté que les élèvesles mieux préparés n’ont pas étépris au dépourvu par les questionsdu juge, mais aussi que les élèvesn’avaient pas prévu qu’ils auraienteux-mêmes à poser des questions àl’autre partie. Il a également remar-qué que certains élèves étaient telle-ment absorbés dans leur propreexposé qu’ils n’écoutaient pas suf-fisamment l’autre partie.Benoît Leduc se proposait de faire,avec ses élèves, un retour sur lafaçon dont les choses s’étaient pas-sées, de relever certaines erreursde langage et de leur faire prendreconscience qu’à certains moments,ils étaient désarçonnés parce qu’ilsn’avaient pas écouté l’autre partie.Cependant, dans l’ensemble il était

satisfait de la performance de sesélèves. Ils avaient su être articulés,structurés et précis dans leur expo-sé des faits, ils avaient présenté debonnes preuves et démontré qu’ilsavaient fait une démarche auprèsd’une personne experte. L’ensei-gnant était convaincu que la raisonqui avait motivé les élèves à faire unbon travail était beaucoup plus laprésence du juge et de leurs cama-rades dans la salle que le fait qu’ilsseraient évalués.

UN COURS AXÉ SURLA COMMUNICATIONDès le début de l’année scolaire etmême avant, lorsqu’il va dans lesclasses de quatrième secondaireprésenter le contenu de son coursde droit, Benoît Leduc prévient lesélèves que dans son cours, ilsauront souvent à s’exprimer orale-ment et à faire des présentationsdevant la classe. Il affirme qu’unavocat doit savoir parler; aussi,outre leurs plaidoiries devant lejuge, les élèves exposeront un oudeux points juridiques devant laclasse. Pour ce faire, ils devronts’informer et consulter des per-sonnes compétentes (notaires, con-seillers juridiques ou autres).L’enseignant apporte son aide, certes,et au cours de la présentation, lesautres élèves peuvent fournir desexemples ou des témoignages. Pources présentations, les élèves pré-parent des questions qui appellentdes réponses courtes, des choix de réponses ou des réponses par vrai ou faux. Ces questions sont af-fichées sur un grand babillard,apposé sur le mur du corridor, quetous les élèves peuvent consulter.Comme il enseigne aussi l’écono-mie à toutes les classes de cin-quième secondaire, Benoît a invitéces derniers à poser des questions àpropos des points de droit qui sontinscrits sur le babillard. Il consi-dère que le droit est intimement liéà l’économie, puisqu’il voit avec euxla Loi sur la protection du consom-mateur, la Loi sur les normes du

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BENOÎT LEDUC

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travail ainsi que les types de sociétéparmi lesquelles on peut choisirquand on crée une entreprise.Les élèves du cours de droit ne fontpas que parler; ils doivent aussiécrire. On l’a vu avec la mise endemeure et la préparation des do-cuments relatifs au procès ainsi que les questions et les réponsesportant sur des points juridiques.Comme ils étudient des notions dedroit qui ont trait aux divers événe-ments de la vie d’une personne, ilsont d’autres documents à rédiger,notamment leur testament, qui doitcomme tout le reste être écrit dansles formes appropriées.L’enseignant encourage l’utilisationd’autres moyens de communica-tion, aussi a-t-il proposé aux élèvesd’appuyer par un document visuel– une vidéo par exemple – leur

présentation du Code de la sécuritéroutière.On peut sans crainte affirmer que lacommunication est au cœur ducours de droit élaboré par BenoîtLeduc et intitulé « De la naissance àla mort ». Ce professeur d’expé-rience, qui, après avoir terminé unelicence en droit et des études enpédagogie, a enseigné les mathé-matiques, l’éducation physique etl’anglais pendant de nombreusesannées et enseigne maintenantl’économie et le droit, veut fournir àses élèves un contenu pratiquequ’ils pourront utiliser dans leurvie. À partir de la Charte des droitset libertés, qui a des effets surplusieurs dossiers, il examine tousles aspects du droit qui touchent la vie quotidienne. Tout au long ducours, il montre à ses élèves à quel

point la façon appropriée de com-muniquer est importante. Il insistesur la nécessaire précision desécrits qui engagent deux parties. Enmême temps qu’il fait découvrir defaçon vivante des notions utiles, il aide ses élèves à améliorer leurcompétence à communiquer.Benoît Leduc veut proposer à sesélèves des situations d’apprentis-sage stimulantes et leur donnerl’occasion de vivre des expériencesriches, qui leur permettent de don-ner du sens à ces apprentissages.C’est pourquoi, dans le contexte deson cours de droit, il les emmènesur les lieux où l’action réelle sedéroule, il invite des experts – unjuge du Tribunal de la jeunessevient dans sa classe parler auxjeunes des difficultés d’administrerla justice dans certains cas –, il simule des procès et il incite lesélèves à entrer en communicationavec d’autres personnes pour trou-ver de l’information. En économie,il met les élèves en situation de viede couples qui ont des enfants et unvrai budget à élaborer. Il commu-nique avec les parents pour établir

un lien et leur demander de colla-borer au projet. Il met aussi enplace une simulation boursière.Bref, il cherche des moyens de faireparticiper les élèves et de lesengager à fond dans leurs appren-tissages. Pourquoi?Parce que, dit-il, c’est cette rechercheconstante, ce désir d’être meilleurqui l’a maintenu aussi longtempsdans l’enseignement : « J’ai toujourseu le feu sacré. J’ai toujours adorétravailler avec les jeunes, c’est telle-ment différent d’un groupe à l’autreet parfois d’une journée à l’autre. Il faut composer, effacer, recom-mencer, expliquer d’une autre façonet si ça ne marche pas, chercherune autre manière encore. »Il ne faut pas s’étonner si, il y a sixans, il a accepté de construire cenouveau cours de droit pour lesélèves de cinquième secondaire. « C’était un défi en même tempsqu’un plaisir de bâtir un cours àoption, parce que cela permet auprofesseur d’enseigner ce qu’il est.On est plus créatif que lorsque toutest préparé d’avance. »

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D eux équipes de quatreélèves de l’école Hormisdas-Gamelin, de la Commission

scolaire au Cœur-des-Vallées, àBuckingham, ont accepté de reprendrepour nous la présentation des ma-gnifiques fresques qu’elles ont réa-lisées l’année dernière, l’une sur la société précolombienne et l’autresur la société actuelle. Inscrites à ceque l’on a longtemps appelé la voieartistique, mais qui porte mainte-nant un nom qui décrit mieux laréalité depuis qu’on y a ajoutéModèle ART-E.R.E., ces élèves ontfait preuve de dynamisme dans leurprésentation et d’une bonne con-naissance de leur sujet. Elles nousont permis d’avoir un aperçu de laplace qu’occupe la communicationdans le Modèle ART-E.R.E.; un aper-çu seulement, car la grande exposi-tion au cours de laquelle les élèvesde deuxième secondaire ont pré-senté leurs fresques de l’histoire auxautres élèves de l’école et aux pa-rents était grandiose, si l’on en jugepar les quelques photos que nousavons vues. Costumes, décors etchansons ont démontré la créativitédes élèves. L’exposition, qui a eulieu à la médiathèque pendant deuxjours et une soirée, a permis auxvisiteurs de suivre un ruban dutemps et d’avoir un aperçu des huitsociétés que les jeunes avaientreprésentées sur des fresques de ladimension d’une fenêtre. Cet événe-ment marquait la fin d’un projet quis’était échelonné sur trois mois etqui intégrait plusieurs matières,notamment les arts, l’histoire, le fran-çais, la mathématique et les sciencesphysiques. Pour nous parler de l’im-portance de la communication dansla voie artistique Modèle ART-E.R.E.,nous avons rencontré ChristianeLalonde, enseignante en troisièmesecondaire et Micheline Maillé, quienseigne actuellement en premièresecondaire mais qui suivra ses élèvesen deuxième, comme cela se fait dans

cette voie depuis plusieurs années.Sa collègue de première secondaire,Sylvie Laflamme, s’est jointe à nousau cours de l’entrevue.

UNE VOIE QUI A DE L’HISTOIRECréée il y a dix ans sur le modèle dela voie technologique, la voie artis-tique privilégiait deux véhiculesintégrateurs des apprentissages : lesarts et l’éducation relative à l’envi-ronnement. Le projet innovateurbénéficiait alors d’une subventiondu ministère de l’Éducation venantdu domaine des arts. Au début, leprofesseur d’arts, François Monière,travaillait dans la classe avec l’en-seignante principale, ChristianeLalonde. Aujourd’hui, le projet nereçoit plus de soutien financier et ilfonctionne selon les normes habi-tuelles de l’organisation scolaire, cequi ne facilite pas l’indispensableconcertation des enseignants. Nosinterlocutrices, des pionnières,s’estiment chanceuses d’avoir denouveaux collègues qui ont acceptéd’enseigner plus d’un an dans cettevoie et saluent leur courage, carelles jugent qu’il faut au moins trois ans pour y être parfaitement à l’aise. La voie artistique ModèleART-E.R.E. comprend actuellementcinq classes : deux de premièresecondaire, deux de deuxième etune de troisième. Un enseignant et quatre enseignantes titulairesprennent en charge plusieursmatières. Une professeure d’arts,Nathalie Chabot, enseigne à la fois àtous les groupes les arts ainsi que laformation personnelle et sociale.L’anglais et l’éducation physiquesont dispensés par des spécialistes.On tente maintenant toutefois d’in-tégrer l’anglais dans les projets thé-matiques.Lorsque la voie artistique a étéinstaurée à l’école, les autres choixn’existaient pas encore. Maintenant,les élèves – et leurs parents – peuvent opter pour une voie axéesur les sciences, une voie sportive ou

même pour l’école internationale,ce qui a pour effet d’amener dans lavoie artistique Modèle ART-E.R.E.des élèves qui ont beaucoup de dif-ficultés d’apprentissage. Les parentsles y inscrivent pour éviter qu’ilsaillent dans les cheminements parti-culiers ou parce qu’ils les jugentbons en dessin, ce qui n’a rien àvoir avec les exigences propres à cette voie. Celle-ci avait d’abordété conçue à l’intention des élèvesqui aiment apprendre d’une façonglobale.Le Modèle ART-E.R.E. privilégie lapédagogie du projet et adopte unedémarche en trois étapes : j’analyse,j’organise, je communique. Un grandthème est choisi chaque année,auquel se rattachent quelques sous-thèmes qui peuvent varier selon les classes. Certains projets sontdéjà structurés, comme celui desfresques, d’autres seront élaborésavec les élèves. Tous les projetsintègrent les arts.

LA COMMUNICATION, UN INCONTOURNABLELorsque la professeure d’arts etl’enseignante titulaire présentent unprojet aux élèves, elles leur posentun problème accompagné de con-traintes. Deux de ces contraintesreviennent toujours : les élèvesdoivent présenter leurs résultats

avec rigueur et faire preuve de créa-tivité et d’authenticité. Qu’il s’agissed’apprentissages effectués en géo-graphie, en arts, en histoire ou ensciences, les élèves doivent les com-muniquer de façon appropriée,c’est-à-dire en ciblant bien leursdestinataires et en utilisant le lan-gage propre aux matières en cause.Par exemple, en arts, les élèvesdoivent être capables de dire qu’ilsont utilisé des couleurs complé-mentaires, qu’ils ont travaillé destextures, qu’ils ont fait des superpo-sitions ou qu’ils ont employé de lagouache ou de l’encre.« Si on avait à nommer certainesforces de notre projet, affirmeChristiane Lalonde, la compétence àcommuniquer en serait une. Elle esttoujours présente. Il n’y a pas unesemaine où les élèves n’ont pas à présenter quelque chose. » Celasignifie que la communication nedevient pas une préoccupation qu’àl’étape finale du projet, à la toute fin de la démarche, mais qu’elle setrouve partout en cours d’appren-tissage. En effet, tout au long de laréalisation des projets, on demandeaux élèves de faire le point sur leurtravail : Où en sont-ils? Pourquoiont-ils choisi tel élément ou tellecouleur dans leur fresque? Cet élé-ment correspond-il à l’époque? Ils

À L’ÉCOLE SECONDAIRE HORMISDAS-GAMELIN, LA COMMUNICATION, POINT FORT DU MODÈLE ART-E.R.E.

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CHRISTIANE LALONDE ET MICHELINE MAILLÉ, ABSENTE DE LA PHOTO : SYLVIE LAFLAMME

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ont à expliquer et à justifier leurschoix en utilisant le vocabulaire quiconvient. Ils doivent également utili-ser les techniques appropriées. Ainsi,dans le projet sur les fresques, lesélèves qui travaillaient sur la pré-histoire avaient utilisé la couleurbrune sans y avoir mis de texture.La professeure d’arts leur a alorsdemandé : « C’est quoi ce brun : dela toile, de la pierre, du bois, de labrique? » Si les élèves ne le savaientpas et qu’ils avaient répondu, parexemple, de la brique, elle auraitalors posé cette autre question : « Êtes-vous certains qu’on connais-sait la brique à cette époque? »Les élèves ont ainsi constaté qu’ilsdoivent toujours vérifier leurs infor-mations. Ils ont également biencompris qu’ils ne peuvent pas sepermettre de « faire n’importe quoiparce qu’ils sont en arts »! Ils ont aussi découvert que ce qu’ilsapprennent dans le cours d’artss’applique également quand ils fontdes sciences. Ainsi, en écologie, lesélèves qui continuaient à repro-duire des sapins triangulaires avecle tronc brun et les branches orien-tées vers le bas ont été invités àobserver les conifères et les feuillusau cours d’une sortie dans le boiséet à tracer des croquis plus fidèles àla réalité.Quel que soit le projet, les élèvessavent qu’ils doivent soigner lacommunication de leurs résultatssous toutes ses formes : textes,films, fresques, personnages, standsd’information, saynètes, pièces dethéâtre, etc. Et ils arrivent souvent à étonner leurs enseignants et leursenseignantes par la qualité de leurs réalisations. À titre d’exemple,la pièce de théâtre créée par lesélèves en réponse au problème queleur avaient posé leurs enseignantes.Travaillant sur le thème inspiréd’une œuvre de Gauguin « D’oùvenons-nous? Que sommes-nous?Où allons-nous? », elles avaientajouté la question « Qu’y pouvons-nous? ». La pièce démontrait l’im-portance de la communication de lapréhistoire à nos jours. L’histoirecommençait dans une classe où desélèves qui n’aimaient pas l’écolejetaient un livre par la fenêtre. L’en-

seignante, mécontente, les envoyaitle chercher, mais comme le livreétait tombé dans une forêt enchan-tée, le texte écrit avait disparu. Unarbre magique révélait aux jeunesqu’ils devaient retourner dans letemps et découvrir l’importance dechaque époque. Les élèves ont explo-ré la communication par la danse,par le feu, par la peinture. De nou-velles pages du livre se sont écritesà chaque époque, en allant du scribejusqu’à l’ordinateur. Les grandesépoques de l’histoire étaient repré-sentées par une suite de tableaux.L’arrivée des immigrants en Amériqueétait particulièrement émouvante,paraît-il. De grands philosophes oumathématiciens illustraient l’évolu-tion de la pensée. « C’était fantas-tique, de la haute voltige et trèsphilosophique en même temps », serappelle Christiane avec fierté.Certes, les projets n’ont pas tous la même envergure. Certains sedéroulent sur une année entière et d’autres sont plus courts. Celadépend un peu des élèves aussi. Ilfaut savoir s’adapter, fait remarquerMicheline Maillé : « On peut avoirprévu le plus beau projet, si enentrant dans la classe on s’aperçoitque ça ne passera pas, il fautaccepter de sortir notre deuxièmevalise et travailler sur autre chose.Autrement, on va brûler des projets. »Encore faut-il avoir une deuxièmevalise, observe-t-elle. Il faut êtrecapable de diversifier ses stratégies.La pédagogie de projet en est une,mais elle n’est pas la seule. De toutefaçon, admet-elle, il est impossiblede demander aux élèves d’être cons-tamment en équipe en train de cons-truire. Il faut varier ses méthodes enfonction des besoins des élèves. Enarts, par exemple, les élèves doiventapprendre à utiliser diverses tech-niques. En biologie, Christiane – qui ne raffole pas du laboratoire –

y a amené ses élèves parce qu’ellejugeait qu’ils avaient besoin des’exercer à suivre des instructionsprécises et séquentielles. En his-toire, les enseignantes construisentdes tableaux-synthèses qui aidentles élèves à se retrouver dans lesdifférentes sociétés qu’ils ont àétudier.

LA DÉMARCHE AU SERVICEDU DÉVELOPPEMENTDES COMPÉTENCESDans la voie artistique Modèle ART-E.R.E., l’accent est mis sur ladémarche plus que sur le produit.Les élèves sont constamment invitésà nommer ce qu’ils apprennent, à réfléchir et à se remettre en ques-tion, à prendre conscience de leurfaçon d’apprendre et aussi à s’éva-luer. « On vise le développement decompétences tranversales, rappelleChristiane. La compétence à com-muniquer en est une, mais il y a ena d’autres : coopérer, organiser sontravail de façon efficace, etc. On aaussi la responsabilité des compé-tences dans les disciplines. De plus,l’éducation relative à l’environne-ment touche à deux des domainesgénéraux de formation : Environne-ment et consommation et Vivre-ensemble et citoyenneté. » Il fautétablir des liens entre tout cela etévaluer les compétences acquises,ce qui nécessite des outils nom-breux et variés. Par exemple, la grilleutilisée pour évaluer les apprentis-sages des élèves dans le projet « Lesfresques de l’histoire » portait surtrois éléments : 1) le cahier de bord,dans lequel les élèves devaient con-signer les stratégies de travaild’équipe, les ressources utilisées et les responsabilités de chaquemembre; 2) la communication vi-suelle par la fresque elle-même, quidevait être originale et authentique,faire la synthèse de l’époque et être

utilisée comme outil dans la présen-tation; 3) la communication oraledans la présentation, que les ensei-gnantes évaluaient par rapport à sixpoints : l’introduction, le contenude la présentation, le vocabulaire,le dynamisme de la présentation,l’équilibre entre les élèves et la con-clusion de la présentation.À la fin de l’année, l’évaluation s’ef-fectue sur deux semaines. Les ensei-gnantes soumettent un problèmecomplexe aux jeunes et deux jourssont consacrés à la productionfinale. Puis les enseignantes ren-contrent les jeunes et revoient leurportfolio avec chacun d’eux. Ellesleur précisent leurs forces et leurproposent des défis pour l’annéesuivante. Elles discutent avec eux duclassement qui leur convient lemieux. « L’évaluation est vraimentau service de l’apprentissage, ajouteChristiane. On accompagne lesélèves. Quand ils nous présententleur portfolio à la fin de l’année, ilssont capables de dire des chosescomme : “ En mathématiques, il fautque je travaille pour me rattraper, jen’ai pas eu l’engagement que j’au-rais dû avoir. ” Même en préparantleur bilan, les élèves continuentd’apprendre. »Pour mes interlocutrices, le ModèleART-E.R.E. favorise vraiment ledéveloppement de compétencestransversales et apporte davantageaux jeunes que le ferait une ap-proche encyclopédique. Cependant,il n’est pas toujours aisé d’en con-vaincre les élèves et leurs parents.Aussi, se proposaient-elles, poursouligner leur 10e anniversaire, d’or-ganiser une fête au cours de laquelleleurs anciens élèves viendraientdire aux jeunes en quoi cette façond’apprendre les a aidés à aller plusloin, à se faire confiance, à prendredes risques et à accepter qu’on n’apas toujours raison et qu’on ne pos-sède pas toujours les réponses nonplus. Nul doute que cette fête seraune réussite et que ces anciensélèves sauront trouver les motspour dire aux plus jeunes tous lesbénéfices qu’ils ont retirés de leurpassage dans les classes de la voieartistique Modèle ART-E.R.E..

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T ous ceux qui fréquentent deprès ou de loin le monde de l’éducation ont entendu

des enseignantes ou des enseignantsaffirmer qu’ils sont toujours entrain d’évaluer et qu’ils n’ont plus le temps d’enseigner. À Gatineau,dans l’Outaouais, à la polyvalenteNicolas-Gatineau de la Commissionscolaire des Draveurs, les ensei-gnants et les enseignantes de fran-çais s’entendent depuis une dizained’années pour donner aux élèves letemps de vraiment améliorer leurspratiques langagières avant de lesévaluer en leur donnant une note.Comment? En ne faisant pas d’éva-luation sommative avant la troisièmeétape de l’année scolaire. Les ferventsde l’évaluation s’étonneront du faitque les élèves n’aient pas de note defrançais dans leur bulletin. Et alors?Ils reçoivent plutôt des commen-taires sur leurs forces et leurs fai-blesses qui les aident à progresseren même temps qu’ils découvrentque l’on n’apprend pas pour passerl’examen mais pour acquérir descompétences pour la vie, soutiennentJohanne Hotte et Roch Laflamme,qui enseignent le français, elle enpremière secondaire et lui, en cin-quième.

LA QUALITÉ DU FRANÇAIS : UNE LONGUE TRADITIONLa décision de retarder à la troi-sième étape l’évaluation sommativedu français a été prise dans un con-texte de réflexion et d’effervescenceautour de la qualité de la langue,racontent nos interlocuteurs. Àl’époque existait à l’école un comitéde français auquel participaient desreprésentants de toutes les matières.Ce comité avait fait des recomman-dations pour que la qualité dufrançais devienne un souci danstoutes les matières, mais aussi danstoutes les situations de communica-tion propres à l’école : message dujour, radio étudiante, journal, etc.Une spectaculaire semaine de fran-

çais durant laquelle se déroulaientdes activités de toutes sortes étaitorganisée chaque année. Puis, l’es-soufflement s’est fait sentir et lecomité a mis fin à ses travaux.Cependant, le projet éducatif con-tient toujours une orientation quiporte sur la qualité de la langue et les enseignants de français – une trentaine dans cette école de 3 000 élèves – ont poursuivi leurréflexion sur l’évaluation et main-tenu leur décision en ce qui con-cerne l’importance d’accorder auxélèves du temps pour apprendreavant de leur attribuer des notes quiseront inscrites au bulletin.Cette décision s’appuyait sur le cons-tat que, malgré tout l’enseignementdispensé, les productions orales etécrites des élèves ne s’amélioraientpas beaucoup. Aussi, après plusieursrecherches et formations, on a con-clu qu’il fallait procéder autrementet prendre le temps nécessaire pourpermettre aux élèves de progresser.Les enseignants de français esti-maient que cela n’avait aucun sensd’évaluer les élèves après un moiset demi d’école, soit durant la pre-mière étape qui se termine à la mi-novembre. Ils étaient obligés decommencer l’évaluation vers le 15 octobre. Et comme il aurait étéindécent d’évaluer les élèves sansleur avoir fait faire au moins unepratique d’écriture, on constataitque l’évaluation occupait tout letemps qui aurait dû être consacré àl’apprentissage. « On évaluait quoiau juste? », se demande RochLaflamme. « En première secon-daire, on faisait écrire un petit texteet une page pour mettre une notesur le bulletin », reconnaît JohanneHotte.D’autre part, les enseignants defrançais trouvaient que le décou-page en étapes avait quelque chosed’artificiel qui découlait beaucoupplus d’une logique administrativeque d’une logique pédagogique.C’est pourquoi ils ont préféré mettre

l’accent sur l’évaluation formative etinscrire au bulletin des deux pre-mières étapes de l’année des lettresaccompagnées d’une légende dutype « il répond aux exigences » ou« il a besoin d’aide ».

TRAVAILLER AUTREMENTLe fait de reporter à plus tard l’ins-cription d’une note au bulletin aamené les enseignants de français à faire écrire les élèves davantagesans devoir appliquer à chaque foisla grille de correction en dix-huitpoints. Ils portent leur attention surquelques aspects seulement, parexemple l’organisation textuelle oule découpage du texte ou la ponc-tuation et indiquent aux élèves cesur quoi ils doivent travailler enpriorité. Ainsi, pour le premier bul-letin, Johanne Hotte avait en mainsix données pour situer ses élèves,trois en lecture et trois en écriture.Les élèves avaient effectué des tra-vaux sur les deux romans qu’ilsavaient lus. Elle disposait des don-nées nécessaires pour établir unpremier bilan et donner à chaqueélève un défi personnel à relever.Johanne Hotte et Roch Laflammeconsidèrent qu’ils peuvent ainsimieux répondre aux besoins desélèves. Lui, par exemple, a pu con-

sacrer plus de temps à la poésie.Les deux enseignants pensent égale-ment que cette façon de faire leurdonne plus de latitude pour intro-duire des éléments culturels dansleurs cours. Ils sont convaincus quel’évaluation formative sert mieuxl’élève. « Avant, observe Johanne,on avait l’impression qu’après l’éva-luation il n’y avait plus rien tandisque là, au contraire, il faut se servirdes commentaires pour progresser.C’est une tout autre approche. Dansle fond, mettre une note, c’est lavoie facile, cela permet de ne riendire. »« Lorsque l’évaluation change, lamanière d’enseigner change aussi »,rappelle Roch Laflamme. C’est peut-être pour cela qu’il n’est pas facilede discuter d’évaluation entre col-lègues, certains craignant une intru-sion dans leur pratique pédagogique.Il n’est pas facile non plus d’en parleraux parents – et même aux élèves –qui ont tendance à s’inquiéterlorsqu’ils ne reçoivent pas de note.Il faut sans cesse justifier notredécision de ne pas donner de noteen français avant la troisième étapealors qu’on leur en donne pour lesautres matières. Les enseignants defrançais font la comparaison avecun musicien qui se prépare pour un

À LA POLYVALENTE NICOLAS-GATINEAU, PRENDRE LE TEMPS D’AMÉLIORER L’OUTIL DE LA COMMUNICATION

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ROCH LAFLAMME ET JOHANNE HOTTE

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concert ou un sportif qui s’entraînepour atteindre un certain niveau;les élèves comprennent l’explica-tion, mais ils reviennent quand mêmeà la charge de temps à autre. Ilsvont même jusqu’à dire que s’ils nesont pas évalués tout de suite, ilsoublieront ce qu’ils ont appris. C’estun peu comme si l’évaluation som-mative les autorisait à oublier ce surquoi ils ont été évalués pour passerà autre chose! Le message qui devraitse dégager du choix effectué par lesenseignants de français, c’est qu’onapprend pour la vie, pas pourpasser l’examen.Quoi qu’il en soit, ce qui importepour Johanne Hotte et RochLaflamme, c’est que les élèves pro-gressent et désirent s’améliorer.Johanne, qui suivra ses élèves endeuxième secondaire comme ellel’a fait pour la cohorte précédente,veut avant tout que ces derniers seconnaissent comme scripteurs etcomme lecteurs et qu’ils arrivent àtrouver eux-mêmes ce qu’ils doiventaméliorer. « De toute façon, dit-elle,lorsqu’on applique notre démarche,cela ne prend pas beaucoup detemps pour que les élèves se con-naissent et puissent dire : “moi j’aiun problème avec l’organisationtextuelle”, “moi c’est avec la struc-ture des phrases”, “moi je manquede vocabulaire”. Mais, ajoute-t-elle,l’évaluation formative, c’est plus exi-geant que l’évaluation sommative. »Johanne leur démontre à quel pointcela peut leur servir dans l’appren-tissage des autres matières. Roch,quant à lui, leur fait prendre con-science qu’ils ne vont pas que tra-vailler, ils vont avoir des loisirs. Ilsvoudront alors être intéressants.Mais, observe-t-il avec réalisme, « pour des adolescents, le discoursqui les incite à travailler pour cons-truire leur personne est loin de leurpréoccupation ». Cependant, Johanneet lui sont d’avis qu’il faut quandmême dire ces choses aux jeunes. À force de les répéter, il en resterapeut-être quelque chose. Puis, enclasse, ils s’efforcent de rendre lesélèves actifs intellectuellement, deles amener à réfléchir et à douter.Ils les incitent à consulter celles

et ceux qui sont plus habiles pourtrouver les mots qui leur manquent,à faire relire leurs textes par leurscamarades, à en discuter et à fairepreuve d’esprit critique. En com-munication orale, les élèves parti-cipent à l’évaluation. Les enseignantsinsistent pour que les élèves em-ploient le mot juste et construisentdes phrases correctes. « Nommer lemonde, c’est se l’approprier, estimeRoch Laflamme. Construire unephrase correcte, c’est établir desliens entre les choses. »

UNE PROGRESSION CONFIRMÉEQuant aux traces qu’il faut garderpour suivre la progression desélèves et pour porter des jugementscrédibles, Johanne Hotte pensequ’elles sont indispensables, maisqu’il y a diverses façons de les con-server. Elle en a essayé plusieurs et,cette année, ce sont les élèves quigardent dans une partie de leurcartable les travaux qu’elle aannotés ou qu’ils ont eux-mêmescorrigés ainsi que certains docu-ments d’autoévaluation.Roch Laflamme estime qu’à l’évalua-tion finale, les élèves de cinquièmesecondaire s’en tirent bien, comptetenu du fait qu’ils vivent dans unerégion frontalière fortement expo-sée à l’anglais. Nos deux interlocu-teurs sont convaincus que l’approchepédagogique rendue possible parl’assouplissement de l’évaluationsommative y est pour quelque chose.Les enseignants se sentent pluslibres de travailler en fonction desbesoins des élèves plutôt qu’enfonction des parties du programmeà couvrir pour l’examen. En fa-vorisant l’amélioration de l’outilmême de la communication, RochLaflamme et Johanne Hotte sontcertains de contribuer au dévelop-pement de la compétence à com-muniquer de façon appropriée. Ilsrêvent cependant du jour où lesenseignantes et les enseignants detoutes les matières mettront enœuvre des moyens pour y contri-buer à leur manière, même s’ils nevoient pas bien comment ce rêvepourra se réaliser dans les condi-tions actuelles d’exercice de la pro-fession.

P réoccupé par l’enseigne-ment de la communicationorale, Jean-Luc Lamoureux,

conseiller pédagogique de françaisà la Commission scolaire de laRivière-du-Nord, à Saint-Jérôme, a voulu attirer l’attention des ensei-gnants et des enseignantes de françaisdu premier cycle du secondaire surle fait que ce volet du programmeétait plutôt négligé. Il avait en effetconstaté que la communicationorale n’était pas vraiment enseignéeet qu’elle était évaluée d’une façonqui ne correspondait pas aux exi-gences du programme de françaisde 1995. La plupart du temps, ondemandait aux élèves de présenterdevant la classe un roman qu’ilsavaient lu, seuls d’abord, puis après1995, en équipe de trois ou quatre,puisque le programme prescrivaitla discussion. Cependant, les élèvescontinuaient de faire chacun leurexposé et, à la fin, ils devaient livrerleurs réactions concernant ce roman.L’évaluation de la présentation por-tait avant tout sur le contenu. Lesenseignantes et les enseignantsvoulaient s’assurer que les élèvesavaient bien lu le roman et qu’ilsl’avaient compris. En fait, ils éva-luaient la compréhension en lecturebeaucoup plus que la communica-tion orale. Ils relevaient toutefois lesfautes de langage les plus flagrantes,ce qui avait pour conséquence defaire détester la communicationorale. Les élèves n’apprenaient doncpas à discuter – comme le voulait leprogramme – parce qu’on ne leursoumettait pas de sujet de discus-sion et aussi parce qu’on n’avait pasmis au point une méthode pourévaluer des élèves qui discutent.

UNE DÉMARCHEPOUR ENSEIGNERLA COMMUNICATION ORALEAfin que le volet communicationorale cesse d’être le parent pauvredu programme, Jean-Luc Lamou-

reux a organisé une demi-journéede formation sur l’enseignement del’oral selon le modèle de Dolz etSchneuwly1.La personne-ressource, LizanneLafontaine, avait préparé une inté-ressante démonstration de la dé-marche proposée et elle avait filmédes élèves pour l’illustrer. On com-mence par demander aux élèvesd’exprimer ce que signifie pour eux« discuter ». L’enseignant écrit autableau ce que les élèves répondent :« Discuter, c’est être en avant à troisou quatre », « Discuter, c’est parlerd’un sujet », « Discuter, c’est essayerde s’entendre », etc. Après avoir faitémerger les représentations que lesélèves ont de l’action de discuter,l’enseignant leur propose un sujetde discussion et quelques élèvesviennent discuter devant les autres.Évidemment cela tourne au chaos.Il apparaît clairement que les élèvesne savent pas discuter.Les élèves travaillent ensuite en atelierpour analyser ce qui s’est passé etvoir ce qui n’a pas fonctionné. L’en-seignant n’a pas besoin de leur direquoi que ce soit; ils sont capablesde constater par eux-mêmes, parexemple, qu’il y avait un élève quijouait à la vedette, une autre qui n’écoutait pas celui qui parlait,une troisième qui regardait ailleursou essayait d’attirer l’attention ouun qui ne prenait jamais la parole et ne participait d’aucune façon.

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À LA COMMISSION SCOLAIRE DE LA RIVIÈRE-DU-NORD, UNE GRILLE POUR ÉVALUERLA COMMUNICATION ORALE

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Ils constatent donc que cette « dis-cussion » ne mène à rien. L’ensei-gnant demande alors aux élèves cequ’il conviendrait de faire pouraméliorer la situation.Au cours de cette formation, on pro-pose aux enseignants d’organiserdes ateliers avec leurs élèves. Cesderniers sont invités à observerquelques-uns d’entre eux quitiennent une brève discussion et àtravailler ensuite sur l’un ou l’autredes aspects d’une discussion réus-sie. Quelques exemples : Qu’est-ceque reformuler? Qu’est-ce qu’unequestion pertinente? Comment faireavancer le débat? Les élèves se ren-dront compte que pour reformuler,il faut d’abord avoir écouté l’autre,que pour poser une question perti-nente, il faut être bien préparé etque pour faire avancer le débat, il faut apporter un point de vue dif-férent. Ils découvriront que pourdiscuter, il faut être capable d’ex-pliquer son point de vue, d’ar-gumenter, mais aussi parfois de serallier si les arguments de l’autresont plus convaincants que les siens.En prenant conscience de ce quediscuter représente vraiment, onse rend compte que l’élève quiobtiendra une bonne note n’est pasnécessairement celui qui a raison,ou qui écrase les autres ou qui tientà tout prix à son point de vue, maisplutôt celui qui écoute et tientcompte du point de vue de l’autre,tout en exposant le sien, faisant ainsiavancer la discussion.

UN BESOIN : CONSTRUIREUN OUTIL D’ÉVALUATIONÀ la suite de cette formation, Jean-Luc Lamoureux avait l’impressionque les enseignants possédaienttout ce qu’il leur fallait pour ensei-gner la communication orale. Aussia-t-il été un peu surpris quand, à lafin de l’année, on lui a retournél’examen qu’il avait préparé en lui disant que c’était irréaliste etqu’on ne pourrait pas faire ce qu’ildemandait, c’est-à-dire mettre lesélèves en situation de discussionafin de recommander à la classe lalecture d’un roman. Les enseignantsse sentaient incapables d’évaluerquatre élèves qui discutent. Celaleur paraissait une tâche insurmon-table. Comment juger du contenu si tout le monde parle en mêmetemps. La démarche d’enseigne-ment de l’oral qui leur avait étéexposée était tellement contraire àleurs croyances et à leurs habitudesqu’ils ne l’avaient pas appliquée.Jean-Luc Lamoureux a alors invitéun représentant par école pour tra-vailler avec lui à bâtir une grilled’évaluation. Leur plus grande diffi-culté au cours de ce travail a été d’ac-cepter de porter un autre regardsur les jeunes et d’admettre que,désormais, on n’évaluait plus lacompréhension en lecture. Lorsquela construction de la grille d’évalua-tion a été terminée, les représen-tants des écoles – appelons-leschefs de groupe – ont réuni tous les enseignants et enseignantes aucours d’une journée pédagogique et

ont repris la formation portant surla démarche de Dolz et Schneuwly.Pour les besoins de la cause, ilsavaient filmé leurs élèves en coursde discussion, ce qui était trèscourageux car il s’agissait de four-nir un contre-exemple à leurs col-lègues. « Paradoxalement, souligneJean-Luc, plus la situation est ratée,plus elle est riche pédagogique-ment. » Regroupés en ateliers, lesenseignants et les enseignantes ontapprofondi la démarche d’ensei-gnement de l’oral et examiné lagrille d’évaluation conçue par leschefs de groupe. Elle a été acceptéeet elle a été utilisée. Les élèves l’onteue en main et se sont exercés à ladiscussion afin de passer l’examende juin 2003, lequel n’a pas étérefusé cette fois.Cette grille, qui permet d’évaluerquatre élèves à la fois, accorde 40 p. 100 de la note à l’interaction,30 p. 100 au contenu, 10 p. 100 àla prosodie et 20 p. 100 au langage(voir la grille dans le site Internetwww.viepedagogique.gouv.qc.ca).Elle a été mise à la disposition des conseillers pédagogiques de la Région 6 nord, mais Jean-LucLamoureux ne saurait dire si sescollègues l’ont utilisée. Quant à lui,il est satisfait du travail accompli encommunication orale au premiercycle du secondaire, même s’il saitqu’il y aurait encore beaucoup à faire.

UNE COMPÉTENCEDE PREMIER PLANLe choix de Jean-Luc Lamoureuxd’insister sur la communication orale

repose sur sa conviction que lacompétence à communiquer orale-ment est le fondement de nos rela-tions avec les autres et qu’elle estun préalable à la compétence àcoopérer. Il est en effet impossiblede travailler en équipe, de collabo-rer avec ses collègues, de partagerdes responsabilités pour effectuerune tâche ou de faire confiance auxautres si on est incapable de s’ex-primer et de discuter de façonappropriée. Or, avec la mise enœuvre de la réforme, les élèvesdevront communiquer davantage,les enseignants également d’ailleurs.Il s’agit là d’une compétence debase qu’on a longtemps oubliée.C’est pourquoi Jean-Luc Lamoureuxsouhaite que les enseignants et lesenseignantes consacrent du temps àl’enseignement de l’oral, non paspour faire converser les élèves surtoutes sortes de sujets comme on le fait autour d’un café, mais pourleur permettre d’acquérir les habi-letés et les attitudes nécessaires à une communication fructueuse.Ce ne sera pas du temps perdupuisque, dit-il, « on apprend aussien parlant, ce qui va à l’encontredes croyances des enseignants quipensent que l’on n’apprend qu’ensilence ». Et il ajoute : « Il ne fautpas oublier que, dans la vie, onparle beaucoup plus qu’on écrit. »

1. DOLZ, Joaquin et Bernard SCHNEUWLY,Pour un enseignement de l’oral. Ini-tiation aux genres formels à l’école,Paris, ESF, 1998.

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RA u cours des entretiens que

nous avons eus pour lesbesoins du présent article,

toutes les personnes interrogées ontfait référence à la réforme et à lamise en œuvre du Programme deformation pour le secondaire. Ellessont convaincues du bien-fondéd’apprendre aux élèves à commu-niquer de façon appropriée, puis-qu’elles y travaillent déjà. Ellescroient qu’effectivement, tous lesacteurs de l’école doivent contri-

buer à l’acquisition des compé-tences transversales, mais elles nepeuvent s’empêcher de s’interrogersur les possibilités réelles d’y arri-ver. Elles voient bien que tous leurscollègues n’attachent pas la mêmeimportance à la communication, nipour leurs élèves ni pour eux-mêmes.Elles savent aussi que la culture del’école favorise le silence beaucoupplus que la communication.La réticence des enseignantes et desenseignants à parler de leur pra-

tique pédagogique est bien connue.C’est leur jardin secret. En ouvrirles portes leur semble risqué. Deplus, ils sont habitués à travaillerseuls. Il leur faudra du temps pouraccepter de s’entendre avec leurscollègues sur leur contribution audéveloppement de la compétence àcommuniquer. Il leur faudra dutemps pour acquérir eux-mêmesdes habiletés et des habitudes detravail en équipe afin d’être desmodèles pour leurs élèves. Bref, il

leur faudra faire des apprentissagesdans le domaine de la communica-tion, ce qui ne sera pas facile quandon a pendant si longtemps fermé les portes de sa classe et mené sabarque à sa guise. Mais, on peutsupposer que les enseignants et lesenseignantes croient fermement quetout être humain peut apprendres’il le veut et s’il dispose de condi-tions favorables pour le faire.Mme Luce Brossard est rédac-trice pigiste.

UNE COMPÉTENCE À DÉVELOPPERCHEZ LES JEUNES ET CHEZ LES ADULTES

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I l est difficile d’associer spon-tanément communication oraleet bibliothèque et d’imaginer

cet espace jouant un rôle de pre-mier plan dans l’acquisition de la compétence linguistique; notremémoire nous rappelle plutôt lesilence presque religieux que nousdevions observer quand nous enfranchissions les portes. Et pour-tant…L’école primaire Plein Soleil, de laCommission scolaire des Navigateurs,dans la région de Québec, a choisisa bibliothèque comme lieu stra-tégique pour développer chez lesjeunes la compétence à communi-quer, la maîtrise de leur compré-hension du monde et la constructionde leurs savoirs1. À travers plusieursprojets, les élèves apprennent àtransmettre un message clair, préciset adapté à diverses situations.

LA BIBLIOTHÈQUE AU CŒURDU DÉVELOPPEMENT DE LACOMPÉTENCE À COMMUNIQUERLa bibliothèque présente, en géné-ral, une image froide, intellectuelleet ordonnée, mais celle de l’écolePlein Soleil offrait plutôt une appa-rence désordonnée, avec ses amasde vieux livres un peu collants quitraînaient sur les tablettes.Il fallait, au départ, rendre la biblio-thèque bien vivante en lui refaisantune beauté, pour donner aux élèveset au personnel le goût de la fré-quenter. Pendant qu’une équipe deparents bénévoles s’affairait à luidonner un aspect rangé et uneambiance confortable, le personnelde l’école se lançait dans l’achatmassif de livres et imaginait plu-sieurs projets pour qu’elle devienneun foyer d’animation pédagogiqueet un laboratoire pour l’apprentis-sage de la communication.

Mais n’est-ce pas un peu démodé, àl’heure des nouvelles technologies,de vouloir une bibliothèque scolaireplacée au cœur du développementde la compétence à communiquer?Pour Alice, Guylaine, Martine, Lucyet les autres enseignants et ensei-gnantes de l’école, la bibliothèqueest, au contraire, un lieu privilégiéoù chaque élève peut faire desdécouvertes et apprendre à exploi-ter divers langages.

L’UNIVERS DU LIVRE AU CŒURDU PROJET D’APPRENDREET DE COMMUNIQUERÀ l’école Plein Soleil, l’engagementet la créativité du personnel ensei-gnant ont permis que plusieurs pro-jets individuels et collectifs voient lejour. Des projets parfois discrets,parfois éclatants, parfois d’enver-gure, mais qui placent la biblio-thèque scolaire au cœur de l’actionéducative et qui favorisent le déve-loppement de divers modes decommunication.L’Enfance de l’Art, par exemple,est un projet de classe qui vise la promotion du livre québécoisparallèlement à la découverte depeintres du Québec. Les jeuneschoisissent collectivement un romand’un auteur québécois – un livrequ’ils ont découvert dans leur bi-bliothèque scolaire – l’illustrentpour en faire la promotion et asso-cient à cette gravure un croquis quiévoque l’œuvre d’un peintre québé-cois. Les dessins, ainsi répertoriés,sont ensuite gravés sur des signetsaimantés que les parents et amis sefont un plaisir d’acheter et d’utili-ser. Les enfants sont ravis de pré-senter leurs chefs-d’œuvre, réalisésd’après le roman de FrançoisGravel David et le fantôme oud’après celui de Rollande St-Onge

Le chat qui voulait voler; ils ont,de plus, dessiné à la manière despeintres Albert Rousseau ou GérardDansereau. Cette belle initiative per-met de créer autour du livre unelogique culturelle et affective quiincite les enfants à structurer leurpensée; ils apprennent non seule-ment à utiliser le vocabulaire lié à lapromotion, mais aussi à rendrecompte verbalement des liens quiexistent entre deux formes d’art.Vous devriez être là quand desjeunes de 7ou 8 ans parlent le plussérieusement du monde de toutesles merveilleuses découvertes queles auteurs et les peintres québécoisleur ont permis de faire.Les petits de la classe maternelleemboîtent le pas, eux aussi, avec leprojet Atelier de masque. Cetteactivité consiste à bien comprendreun message, à exprimer clairementsa pensée et à manifester de l’in-térêt pour le langage verbal et écrit.À la première étape, les jeunes fa-briquent un masque avec du papiermâché, mais sans le décorer; à ladeuxième étape, un comédien pro-

fessionnel propose des scénariosoù les jeunes, sous leur masque,peuvent exprimer des sentiments :la peur, la joie, la crainte, etc.Durant la troisième étape, à partirdes livres qu’ils choisissent sur les rayons de la bibliothèque, lesenfants composent une histoire col-lective où ils font vivre leurs émo-tions. Enfin, à la dernière étape, ilsont la possibilité de décorer leurmasque en faisant le lien avec l’his-toire inventée en classe. Tout ici est mis en œuvre pour développerl’intérêt pour la communication, yassocier un contact visuel et pro-duire un message respectueux dusujet pour lequel il faut utiliser unvocabulaire approprié. Inutile desouligner que les petits raffolent de cette activité. D’ailleurs, queladulte n’a-t-il pas rêvé lui-même dese cacher derrière un masque pourexprimer ses propres émotions?L’école Plein Soleil vit aussi aurythme de quelques projets collec-tifs que toute l’école s’engage àréaliser. Le projet De la Science à la Terre est un de ceux-là. C’est

LA BIBLIOTHÈQUE SCOLAIRE :LIEU STRATÉGIQUE POUR DÉVELOPPER LA COMPÉTENCE À COMMUNIQUERpar Lise Lagacé

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DE GAUCHE À DROITE : MARTINE TREMBLAY, ALICE GODBOUT, LUCY LAROCHELLE ET GUYLAINE DESCHÊNES

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un projet captivant, qui s’échelonnesur toute l’année et qui favorise lapromotion et l’utilisation des res-sources documentaires de la biblio-thèque. C’est également une occasionpour les élèves d’exploiter différentscontextes pour communiquer : scien-tifique, plastique et informatif. Leprojet intègre les ressources docu-mentaires et la dimension culturelleau processus d’apprentissage en uti-lisant la démarche de la recherchescientifique, les livres, les arts et lesnouvelles technologies de l’infor-mation. La rencontre de tous lesélèves de l’école avec une scien-tifique2 très originale, qui solliciteleur aide pour poursuivre sesrecherches en sciences de la nature,donne le coup d’envoi au projet.Les jeunes ont choisi de mieux con-naître certains animaux et pouralimenter leurs recherches, un ani-mateur leur présente des animauxvivants ou naturalisés, des diaposi-tives et des activités écrites ainsi queplusieurs livres. Un modèle infor-matique est aussi créé par une per-sonne-ressource de l’école pourservir de base aux recherches. Cesadultes sont présents pour accom-pagner les enfants dans leur dé-marche de communication. Tout cetravail se concrétise finalement dansune exposition de dicos géants quisont codifiés et intégrés à la biblio-

thèque pour devenir de nouvellessources d’information pour l’en-semble des élèves de l’école. Lesjeunes réinvestissent finalement lesconnaissances acquises en réali-sant, avec l’aide d’une céramiste3,une œuvre artistique.Ce projet collectif et concret favo-rise la rencontre avec l’univers dulivre ainsi que l’accès à une œuvrescriptovisuelle et à son appropria-tion. Non seulement cette rencontreest nécessaire pour donner du sensau projet, mais la transformation en un message original et adapté au contexte ainsi que la diffusion de l’œuvre permet également d’ap-prendre à communiquer.Une bibliothèque, c’est aussi unendroit pour… lire! Le projetConte à rebours veut développerle goût de la lecture et de l’écriturechez les élèves, tout en permettant à l’école de s’ouvrir sur son envi-ronnement culturel. Chaque élèvereçoit un passeport qui l’invite àfranchir différentes étapes : lecturede livres, quiz, présentation orale,etc. Chaque fois que l’élève relèveun défi, son passeport est estam-pillé par son enseignante ou sonenseignant. Au quotidien, les élèvesprésentent à leurs pairs les livresqu’ils préfèrent afin d’en faire lapromotion; ils peuvent aussi fré-quenter la bibliothèque de leur

quartier. Dans le contexte de ceprojet, on propose d’enrichir labibliothèque scolaire de seize livrescomposés par les élèves de chacunedes classes de l’école. Pour entre-prendre cette merveilleuse aventure,une auteure4 de littérature-jeunesseest invitée à encourager les jeunes à composer leur propre histoire. La rédaction terminée, les élèvesapprennent l’art de la reliure,5 cequi leur permet de finaliser leurœuvre qu’ils exposeront ensuite auSalon du livre de l’école PleinSoleil. Pour l’ensemble du person-nel scolaire, ce magnifique projetest une occasion pour chaqueenfant d’éveiller et d’affirmer sesgoûts et ses champs d’intérêt, d’ex-primer ses émotions et de traduiresa perception du monde à traversun mode de communication.

L’UNIVERS DU LIVRE AU CŒURDE LA STRUCTURATIONDE SON IDENTITÉLes projets énumérés ici ne sont pasnécessairement innovateurs. Ce quiles rend riches et porteurs de sens,c’est avant tout l’esprit dans lequelils sont réalisés. Les projets viventgrâce à l’esprit d’équipe qui animecette école et à la collaboration dela communauté. Ils sont perfor-mants parce que tous partagent lamême volonté de développer chezles élèves plusieurs formes de com-munication : verbale, artistique etscientifique. Ils sont passionnantsparce qu’ils offrent à tous lesjeunes, quelles que soient leurs dif-ficultés, la possibilité de prendrepart à une œuvre collective qui per-met à chacun de se faire entendre,d’entrer en relation avec les autreset d’être reconnu.Les projets gravitant autour de labibliothèque scolaire atteignent leurcible à chaque fois qu’il y a média-tion entre les découvertes que faitl’élève et son environnement. L’ensei-gnante ou l’enseignant, le parent oule membre de la communauté sertd’intermédiaire entre ce que l’en-fant apprend et la connaissance dumonde dans lequel il vit; c’est là,

croit-on à l’école Plein Soleil, le rôlefondamental que doit jouer l’adulteauprès de chaque enfant.La diffusion des œuvres créées parles jeunes contribue aussi à donnerun sens à leurs apprentissages.Quand on donne à un enfant l’occa-sion de traduire ses découvertes àtravers une production tangible,présentée à un ensemble d’inter-locuteurs, on lui ouvre la porte dela communication.Ce qu’on apprend dans un projet,selon Mme Larochelle, est signifiantdans la mesure où chaque jeunepeut traduire, sous diverses formes,son interprétation de la réalité à tra-vers une communication exploitantun langage adapté au contexte, qu’ilsoit plastique, kinesthésique, expres-sif, informatif ou ludique.Cette école, vous vous en doutezbien, avec tous les projets qu’elleinvente, regorge d’histoires tou-chantes et… imaginaires.Il était une fois un petit garçontrès curieux qui voulait savoirquelle histoire se cachait à traversles pages du gros livre de son pro-fesseur. « C’est l’histoire d’unchien à qui il arrive plein d’aven-tures », dit-elle, sans en dévoilerle contenu. Le lendemain, le gaminarrive à l’école : « Je t’apporte uncadeau, je te raconte l’histoire demon chien. » « Merci, dit-elle,c’est gentil, mais je ne savais pasque tu avais un chien à la mai-son. » Oh! Je n’ai pas de chien!Mais ai-je besoin d’avoir un chienpour raconter son histoire? »Mme Lise Lagacé est consultanteen éducation.

1. Propos tenus par Mme Lucy Larochelle,directrice de l’école Plein Soleil et, depuisjanvier 2004, directrice de l’école secon-daire l’Aubier, de la même commissionscolaire.

2. Mme Lise Boily est animatrice littérairedans la région.

3. Mme Lise Bolduc est céramiste dans larégion.

4. Mme Claire Mallet, auteure de littérature-jeunesse, anime des contes en jouant dela guitare.

5. Mme Diane Blais anime des ateliers sur lareliure.

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L a communication est au cœurdu développement global detoute personne, peu importe

son origine, sa culture ou son milieusocio-économique. Elle constitue lapierre angulaire non seulement dela formation de l’identité de chaqueindividu, mais également de la créa-tion de ses relations avec autrui, enpermettant l’expression et la com-préhension de concepts et de pointsde vue, la confrontation et le partaged’idées. Par surcroît, elle est étroi-tement liée à la structuration de lapensée et du développement affectifet cognitif. Comprendre et s’exprimerexigent des habiletés langagièresqui sont constamment requises àl’école; la communication constitued’ailleurs une compétence transver-sale du Programme de formation del’école québécoise.Communiquer représente cepen-dant un défi tout particulier pour unbon nombre d’élèves qui éprouventdes difficultés ou qui vivent des situa-tions de handicap, notamment àcause d’une déficience langagière,intellectuelle, auditive ou encored’un trouble envahissant du déve-loppement (TED)1. Dans toutes lesactivités d’écoute, de lecture oud’échange, ces jeunes sont sollicitésdans ce qui constitue pour eux unefaiblesse.Dans le présent article, nous allonsd’abord examiner la nature et lesmanifestations concrètes de cer-taines de leurs difficultés et par lasuite présenter des interventionsqui peuvent être mises en avantpour les atténuer ou afin d’y remé-dier. Nous allons aussi jeter un brefregard sur l’apport de ces jeunes àla vie d’une classe et aux appren-tissages sociaux de leurs pairs. Enconclusion, nous verrons que sinous réussissons à aider ces élèvesà relever leurs défis et même à aller

plus loin, nous pouvons espérer desrépercussions positives, non seule-ment sur le plan scolaire, maiségalement sur leur développementsocial et cognitif.

NATURE ET MANIFESTATIONDES DIFFICULTÉSLa communication peut emprunterplusieurs modes autres que la langueparlée ou écrite. Elle constitue uncarrefour complexe où une multi-tude d’habiletés doivent concourirpour assurer son efficacité. De laréception du message, qui sollicitenon seulement la perception audi-tive et visuelle, mais également desfonctions cognitives de traitementde l’information telles que la con-ceptualisation, l’organisation desidées et la compréhension de laperspective d’autrui, à la capacitéd’exprimer un message, tous les sys-tèmes organiques sollicités doiventêtre intacts et les capacités et fonc-tions requises doivent être biendéveloppées pour réussir une bonnecommunication. Les éléments im-pliqués sont donc nombreux et desdifficultés peuvent apparaître toutau long du processus. Par surcroît,l’éventail des combinaisons pos-sibles ainsi que l’existence de diversdegrés de sévérité des difficultéscompliquent le tableau.

RÉCEPTION DES MESSAGES

Une diminution plus ou moins pro-noncée de la capacité d’entendreles sons touche les élèves qui ontune déficience auditive et entraînegénéralement un retard de dévelop-pement du langage expressif etréceptif.D’autres élèves, tels que les enfantsatteints de dysphasie ou d’un TED,présentent des difficultés plus oumoins sévères sans toutefois souf-frir de surdité. Il peut s’agir de dif-férentes particularités de leur

perception auditive, comme l’hy-persensibilité aux sons, la difficultéà focaliser sur la voix humaine ou à filtrer les bruits ambiants, quirendent ainsi complexe la discri-mination des sons, l’analyse de laséquence sonore et subséquem-ment, la différenciation des mots etdes phrases. Pour ces jeunes, il estdonc difficile d’acquérir des notionsuniquement par voie auditive. Deplus, pour certains de ces élèves, il semble que le traitement centralde l’information peut égalementêtre en cause. Par exemple, unetrop faible « cohérence centrale »(Frith, 1989) ne leur permet pas desynthétiser l’information de manièreà en dégager le sens, ce qui rendévidemment difficile l’établissementde liens avec les connaissances anté-rieures ainsi que la compréhensiondu vocabulaire, des notions abs-traites, des consignes orales et desmessages verbaux complexes. Selonla sévérité du trouble et l’âge del’enfant, les manifestations peuventvarier de la capacité de comprendreseulement quelques mots ou desconsignes simples énoncées encontexte, à la tendance à tout inter-préter de façon littérale et à unecompréhension très limitée desexpressions figurées, des blaguesau deuxième degré ou d’autresformes de messages de cet ordre.La difficulté additionnelle à prendreen compte le langage non verbal,qui est présente chez certains élèves,alourdit souvent la situation. Lesrépercussions de toutes ces difficul-tés de compréhension sont forcémentnombreuses, non seulement sur lacommunication expressive (verbaleet non verbale) mais également, defaçon plus fondamentale, sur lesplans cognitif, social et affectif,entraînant souvent des problèmesde conceptualisation, d’abstraction,

de généralisation, d’interaction so-ciale et de contrôle des émotions.Pour leur part, les jeunes qui sonthandicapés par une déficience in-tellectuelle font souvent face, euxaussi, à des difficultés de compré-hension du langage dont la sévéritéest généralement associée aux li-mites cognitives présentées et quisont le plus souvent des répercus-sions directes de ces limites.Certaines embûches peuvent égale-ment survenir dans l’organisationde la pensée et le développementd’un langage intérieur. Des diffi-cultés de cet ordre peuvent êtreobservées non seulement dans lecas des jeunes cités plus haut, maiségalement chez des élèves présen-tant un trouble de déficit de l’atten-tion. Selon Barkley (1993, 1994 et1997), spécialiste américain de cedéficit, la communication et le fonc-tionnement social adéquat exigentle développement de quatre méca-nismes cognitifs qui concourent à inhiber les réponses trop impul-sives. Ces mécanismes sont : la repré-sentation mentale, la séparation desaffects et des informations perti-nentes associées aux stimuli, l’élabo-ration et l’utilisation d’un langageintérieur et, finalement, la synthèseet la réorganisation des informa-tions permettant d’expérimenterplusieurs réponses possibles. Leurabsence entrave les habiletés deplanification, l’autodiscipline, lavolonté et le développement d’unecertaine prudence dans l’action.Par contre, le recours au discoursintériorisé constitue la base d’unemultitude d’apprentissages qui semanifestent entre autres dans lescommunications écrites ou verbalesde l’élève. Cette aptitude favorise,de plus, la relation harmonieuse etconstructive avec l’environnement.

LE DÉFI DE LA COMMUNICATION POUR L’ÉLÈVE QUI PRÉSENTE DES DIFFICULTÉSpar Ulla Hoff et Anne Paradis, avec la collaboration de Annie Beaupré, Lyne Gingras, Lyse Lapointe, Liette Picard et Charles Robitaille

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EXPRESSION DES MESSAGES

La gamme des difficultés d’expres-sion est vaste et peut toucher aussibien la forme ou le contenu quel’utilisation de la communication.Selon le diagnostic et la sévérité dudéficit ou de la difficulté, quelques-unes ou plusieurs des manifesta-tions suivantes peuvent être notées :absence totale de parole, troubled’élocution, écholalie, vocabulairelimité, problèmes syntaxiques, évo-cation lente de mots ou d’idées,intentions de communication peuvariées, propos semblant hors con-texte ou tangentiels et discours malorganisé. De plus, certaines habi-letés conversationnelles peuventêtre réduites, par exemple le tourde parole, le maintien du sujet oules demandes de clarification. L’ex-pression non verbale peut égalementse révéler limitée et nous observonsalors, par exemple, une pauvretédans les mimiques et le contactvisuel, ainsi que dans certains élé-ments de la prosodie, telle l’into-nation de la voix. Ajoutons que,disposant de moyens limités d’ex-pression, de clarification et de né-gociation, ces élèves ont souventrecours à des comportements plusou moins adaptés pour s’exprimer.De plus, du fait qu’ils vivent souventdes frustrations majeures sur ceplan, des comportements tels quedes crises, des réactions catas-trophiques, de l’opposition et del’agressivité peuvent en résulter.Pour certains élèves, notammentceux qui présentent un TED, lanature même de la communica-tion, impliquant l’intérêt à échan-ger avec autrui et la réciprocité,

semble difficile à saisir. Ces jeunesont des difficultés sérieuses de com-préhension sociale, aujourd’huiconçues comme la conséquenced’une « cécité sociale » (Baron-Cohen, 1989, 1995) qui les rendraiten quelque sorte aveugles aux étatsmentaux d’autrui. Cette « cécitésociale » a pour effet de rendreobscure la distinction entre leurspropres expériences et connais-sances et celles de l’interlocuteur et amène certains d’entre eux àengager des conversations sousforme de monologues. Pour cer-tains élèves plus jeunes ou plussévèrement atteints, les intentionscommunicatives se limitent à desbuts régulateurs, comme faire desdemandes, alors que les intentionsà caractère social, comme le soucide partager, faire des commen-taires, rechercher une interactionou attirer l’attention sur soi, semanifestent rarement.

INTERVENTIONSPLAN D’INTERVENTION

Le point de départ de tout proces-sus d’aide consiste en la connais-sance et la prise en compte descaractéristiques de l’élève parl’établissement d’un plan d’inter-vention. Cette façon de faire permetd’avoir une vision globale de lasituation de l’élève et surtout, dedéployer une action concertée etcohérente. Basée sur une évaluationindividuelle des capacités et desbesoins de l’élève, cette démarchepermet d’analyser la progression de celui-ci sur les plans scolaire et social, puis d’en identifier lesleviers ou les obstacles. Il est alors

possible de mieux planifier et orga-niser les interventions, ainsi que de prévoir des actions permettantd’agir en amont des situations pro-blématiques afin de faire vivre dessuccès à l’élève. Pour porter fruit,certaines conditions de réalisationdoivent être présentes. À cet égard,la participation de l’élève au proces-sus ainsi que la collaboration avecles parents devront fonder touteaction. La concertation et la com-munication efficace entre les inter-venantes et intervenants scolaires,la famille, le personnel du servicede garde et les autres partenairessociaux et communautaires facilite-ront la poursuite d’objectifs com-muns et le partage des expertises.Autant que possible, on retiendrades interventions portant sur plu-sieurs dimensions de la situation del’élève et misant sur différents typesde moyens. Une évaluation régulièredu plan d’intervention est aussiessentielle à son succès. En ce sens,on cherchera, avec réalisme et pa-tience, à ajuster l’intensité des inter-ventions aux besoins de l’élève. Enfin,on prendra en compte les besoinsdu milieu, notamment en ce quiconcerne la formation et l’accom-pagnement des intervenantes etintervenants ainsi que des parents.

STRUCTURATION DE

L’ENVIRONNEMENT PÉDAGOGIQUE

Pour les élèves qui présentent desdifficultés sur le plan de la commu-nication, l’encadrement et la struc-ture leur permettent de mieuxcomprendre et maîtriser leur envi-ronnement. Ainsi, l’organisation del’espace dans la classe, par exempleen dédiant un coin pour les ateliers,la collation, la lecture, etc., facilitel’appropriation de ces activités. Lesnotions temporelles étant abstraites,il faut non seulement s’assurer deleur compréhension en utilisant dessupports visuels, comme un horaireimagé, mais aussi en veillant à laconstance des routines et des acti-vités, la préparation des transitionset l’annonce des changements. L’or-ganisation du matériel, par exempleen donnant des codes de couleurou en identifiant les espaces derangement dans la classe, permet à

l’élève d’être davantage autonomeen lui donnant des repères. On se gardera, toutefois, de surchar-ger visuellement l’environnementscolaire.

STRATÉGIES SPÉCIFIQUES

DE COMMUNICATION

Certaines interventions permettentde pallier les difficultés des jeunes etde rendre ceux-ci plus autonomesdans leurs apprentissages. On pren-dra soin d’utiliser un langage pré-cis, concret, clair et adapté auxcapacités de l’élève, de se servir derepères visuels, de préciser le mes-sage par des gestes et des mimiqueset de s’assurer que le langage nonverbal soit en accord avec le mes-sage verbal. Il importe aussi deralentir le débit, de formuler desconsignes contenant une idée à lafois et de prévenir le jeune lors d’unchangement de sujet. S’adresser àl’élève en le nommant et maintenirle contact visuel avec lui lors deséchanges verbaux s’avère aussi unestratégie efficace. Lui laisser un délaipour traiter l’information, prendrele temps de l’écouter et vérifier sa compréhension sont autant demoyens qui faciliteront ses interac-tions et sa participation active enclasse. En cours de communication,on prendra soin de le ramener ausujet traité, de lui donner desindices pour faciliter l’accès lexical,de l’encourager à se questionner, à émettre des hypothèses et à justi-fier ses réponses. Il est aussi suggéréde ne pas tenir pour acquis que leshabiletés expressives supposent unmême niveau de compréhension etne pas hésiter à répéter les con-signes ou à faire un rappel d’infor-mation. De plus, on aura le souci defaire vivre à l’élève des situations de communication significatives etd’éliminer les demandes visant seu-lement la correction de la parole.Pour soutenir la motivation etdévelopper chez lui le plaisir decommuniquer, il est recommandéde tenir compte des demandes etdes champs d’intérêt de l’élève et d’encourager la variété desmodes de communication et d’ex-pression. Il importe aussi de choisirjudicieusement la place de l’élève

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dans la classe et de réduire le pluspossible le bruit ambiant.

FACILITER LES INTERACTIONSSOCIALESLa sensibilisation des pairs auxcaractéristiques de l’élève est uneétape importante pour faciliter sonintégration au sein du groupe etpour faire de cette expérience unenrichissement pour tous. Par lasuite, les interventions des adultesmodèleront des attitudes, souligne-ront des façons de faire respec-tueuses et constructives pour l’élèveet donneront le ton aux interactionsavec lui. Ces apprentissages accroî-tront, chez les élèves du groupe, lacapacité d’adaptation et l’ouvertureaux différences et faciliteront l’émer-gence de qualités personnelles, tellesl’empathie et le respect. Le dévelop-pement des habiletés sociales del’élève est une avenue à explorer,notamment en contexte d’appren-tissage coopératif ou de travaild’équipe. Le tutorat par des pairs oula conversation avec des pairs expertssont des moyens qui peuvent amé-liorer de façon significative lescompétences conversationnelles del’élève et l’amener à développer desliens significatifs. Lui donner uneresponsabilité dans la classe oufaciliter sa participation à une acti-vité physique valorisante représen-tent des manières de lui faire jouerun rôle positif dans le groupe.Enfin, le maintien d’un encadre-ment efficace et d’un climat propiceà l’apprentissage favorisera l’inté-gration de ces élèves plus sensiblesaux perturbations en classe.

Mélanie a reçu un diagnostic detrouble autistique vers l’âge de 4 ans. Le début de sa scolarisations’est fait dans une classe spécia-lisée en autisme. Malgré de grandesdifficultés de communication etde comportement inhérentes à sonhandicap, son évolution constanteainsi que son intérêt pour lesapprentissages scolaires ame-nèrent une réorientation vers uneclasse ordinaire de son école dequartier à l’âge de 7 ans. Desadaptations sur les plans matérielet pédagogique, un accompagne-

ment de qualité ainsi que la col-laboration étroite entre tous lesacteurs impliqués lui ont permisde s’adapter à ce milieu et d’évo-luer de façon constante. Aujour-d’hui, elle fréquente une classe du deuxième cycle et elle reçoittoujours des services de soutiend’une technicienne en éducationspécialisée. Certaines difficultésde communication persistent, maisles progrès réalisés sont impres-sionnants. Elle s’exprime main-tenant avec de courtes phrases etréussit même à faire des présenta-tions orales en classe. Elle par-vient aussi, en se servant desinformations visuelles disponiblesdans la classe, à comprendre lesconsignes et la plupart des expli-cations.Nous avons dernièrement rencon-tré trois des compagnons de classede Mélanie afin de connaître leursperceptions des défis et des enri-chissements inhérents au fait devivre, jouer et travailler à ses côtés.Malgré leurs difficultés à com-prendre certaines de ses réac-tions, leurs réponses étaient trèspositives :• ils ont appris à interagir avec

elle tout en utilisant certainesstratégies aidantes,

• leur connaissance personnellede ses difficultés et de ses ef-forts engendre beaucoup d’em-pathie et de respect,

• ils sont en mesure d’apprécierses qualités personnelles.

Abordant les apprentissages faitsen sa compagnie, Jérôme nousexplique :

« Mélanie est capable de nouscomprendre, mais des fois il y ades choses trop compliquées,qu’il faut lui répéter plus endétail; il faut diviser les phrasesen plus petits bouts, c’est plusfacile pour elle de comprendrecomme ça. » Catherine ajoute : « Ilfaut pas lui dire n’importe quoi,faut pas faire de bruits bizarres,parce qu’elle va les répéter; il faut être des bons modèles. »Vincent enchaîne : « Dans le tra-vail d’équipe, des fois moi jeprenais un peu plus de travailqu’elle, et je lui donnais le plusfacile, et Caroline (accompagna-trice) nous aidait aussi. Mélanietravaille bien, c’est juste que desfois pendant le travail elle parledans sa bulle, des fois elle peutparler fort, mais moi je reprendsvite ma concentration, nous ons’habitue. »Au sujet de sa différence, Catherineexplique : « Avant il y avait dumonde dans les autres classesqui ne savait pas ce qu’elle avaitet qui riait d’elle, mais moi je lesavais. Elle a eu une maladiequand elle est venue au mondeet je ne trouvais vraiment pas çagentil; si ça arrive encore je vaisintervenir, pas en violence, maisje vais expliquer qu’elle a euune maladie. »Finalement, Vincent complète : « Les personnes dans notre classepensent du bien d’elle; ils pensentqu’elle est généreuse et gentille,par exemple, tantôt on a fait du découpage pour faire notretravail dans l’agenda, alors là,elle a passé le bac de recyclage :

elle ramassait les retailles pournous rendre service et elle s’estarrangée pour que ça ne dérangepas, c’était excellent! »

FACILITER LA RÉCEPTION

DES MESSAGES

Il est parfois nécessaire d’envisagerla mise en place d’interventions plusspécifiques, adaptées aux caracté-ristiques particulières et à l’impor-tance des besoins de l’élève. Il enest ainsi lorsque le jeune présenteune difficulté liée à la perceptiondes sons ou à l’analyse de la sé-quence sonore. Des activités dedéveloppement des habiletés méta-linguistiques, notamment la cons-cience phonologique, sont alorsindiquées. On peut, selon l’âge et la nature des difficultés des élèves,proposer de jouer avec les syllabes,les sons des mots, afin de les aider àfaire le lien phonème - graphème.De leur côté, les jeunes qui pré-sentent une déficience auditive déve-loppent de façon optimale, avecl’aide de prothèses ou par des mé-thodes d’entraînement particulières,leur potentiel auditif; ils peuventaussi profiter de l’utilisation, parleurs enseignantes ou enseignants,d’un appareil d’amplification de lavoix, se servir de la lecture labialeou apprendre un mode de commu-nication gestuel. Pour les élèves quiéprouvent des difficultés de com-préhension lexicale et grammati-cale, des périodes de lecture guidéeou de rédaction assistée peuventapporter une aide significative. Ilpourrait aussi être opportun d’avoirrecours à l’enseignement réciproqueou d’utiliser du matériel didactique

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adapté pour l’apprentissage de lalecture, par exemple en présentantdes textes accompagnés de picto-grammes. Ces formules, en permet-tant aux jeunes de saisir la structuredu langage, favorisent non seu-lement le développement des com-pétences liées à la lecture, maiségalement leurs capacités expres-sives.Par ailleurs, il est fréquent d’obser-ver chez ces élèves des difficultésde conceptualisation, de généra-lisation et de catégorisation. Onpeut les soutenir dans l’enrichisse-ment du vocabulaire abstrait, enutilisant ou en fabriquant avec euxdes dictionnaires de synonymes,d’homonymes, d’expressions figu-rées ou un lexique à partir de motssignificatifs. Il pourra aussi êtrepertinent de varier le type dequestions posées à l’élève afin desusciter des réponses ouvertes quil’amènent à développer sa pensée.Utiliser la méthode du langage paral-lèle ou de l’autoconversation, endécrivant à voix haute ses propresactions ou celles de l’élève, permetaussi d’atteindre cet objectif.Dans d’autres cas, c’est l’organisa-tion des idées et le développementd’un langage intérieur qui posentproblème. Pour les élèves plusjeunes, soulignons l’importance dujeu symbolique dans l’évolution descapacités de représentation mentaleet de séquence d’événements, d’in-teraction réciproque et de tour derôle et d’imitation. Pour d’autres,des organisateurs graphiques etcartes d’exploration, des aide-mémoire et listes de vérification,des guides d’étude, des schémasintégrateurs et des grilles séman-tiques seront appropriés. Notonsque l’entraînement systématique àl’utilisation de ces outils est essen-tiel à leur efficacité. Par la suite,l’enseignante ou l’enseignant pour-ra les utiliser comme rappel encours de tâche ou demander àl’élève de les réviser avant d’amor-cer le travail.

FACILITER L’EXPRESSION

DES MESSAGES

Plusieurs élèves présentent une limi-tation importante de leur capacité

d’expression verbale. S’ils utilisentdes gestes naturels pour se fairecomprendre, il est recommandé d’y ajouter des mots pour qu’ilsapprennent à les dire eux-mêmes. Il serait aussi indiqué de fabriqueravec l’élève un carnet ou un tableauà l’aide de pictogrammes, d’utiliserun système de communication paréchange d’images ou de symboleset d’enseigner des comportementssociocommunicatifs comme expri-mer ses émotions, demander del’aide et signifier son incompréhen-sion. Progressivement, on leur pro-posera de s’ouvrir à de nouveauxsujets d’intérêt, à prêter attentionaux éléments du milieu et à recon-naître les indices verbaux et nonverbaux des émotions d’autrui. Lecas échéant, il pourra être appro-prié d’offrir à certains jeunes unmoyen complémentaire de la com-munication verbale tel que le langagegestuel ou un soutien technique detype tableau électronique.Par ailleurs, plusieurs de ces élèvesne saisissent pas la nature de lacommunication. La compréhen-sion de la perspective d’autruipourra être développée par desexercices et des jeux qui rendentplus concrète cette réalité complexe.Pour soutenir ces apprentissages, il est utile d’afficher les règles de lacommunication dans la classe, defournir des modèles et d’en fairedes démonstrations et des pratiquesguidées et autonomes. Par des jeuxde rôle ou des ateliers d’expressiondramatique ou de théâtre, il est pos-sible d’accroître leurs moyens decommunication. On pourra aussifaire appel à des scénarios sociauxafin de rendre plus explicites les si-tuations sociales de la vie courante.Malgré tout, les capacités de cesélèves ne sont pas affectées dansl’ensemble de leurs dimensions.Certaines forces particulières, tellesque le sens de l’observation, la mé-moire ou la persévérance, peuventservir de leviers pour mettre enœuvre des interventions qui favo-riseront leur réussite éducative.Certains principes doivent cepen-dant être respectés pour assurerl’efficacité, l’intégration et la géné-

ralisation des moyens proposés : laparticipation active de l’élève, despratiques répétées et la concerta-tion des intervenantes et interve-nants ainsi que de la famille.

CONCLUSIONNous le savons, la compétence àcommuniquer est centrale dans ledéveloppement d’autres connais-sances et habiletés. Elle constitueun point d’ancrage pour l’insertionsociale, professionnelle et citoyenne.Comme nous l’avons constaté, lesdifficultés associées à la communi-cation ne sont heureusement pasinsurmontables. Les élèves qui pré-sentent des vulnérabilités sur ce planpeuvent aussi satisfaire à des exi-gences élevées et nous surprendrepar leur réussite dans certainsdomaines. À cet effet, nous avons vuque de nombreuses stratégies per-mettent de répondre aux besoins deces jeunes, qui s’ajoutent à cellesqui sont intrinsèques à la réforme et au Programme de formation del’école québécoise.En ce qui concerne la communi-cation, les enjeux relatifs à l’ins-truction, à la socialisation et à laqualification des jeunes ainsi quel’impact important sur leur identitéet leur ouverture au monde appellentà une formidable mise en communet concertation des ressources etdes expertises.Pour assumer cette responsabilitélourde de conséquences, la com-munauté éducative est invitée à semobiliser pour mettre tout en œuvreafin d’actualiser les capacités etd’assurer le succès des élèves quiprésentent des difficultés sur le plande la communication.Mmes Ulla Hoff, Anne Paradis,Annie Beaupré, Lyse Lapointe,et Liette Picard et M. CharlesRobitaille sont membres dupersonnel professionnel de laDirection de l’adaptation sco-laire et des services complé-mentaires du ministère del’Éducation. Mme Lyne Gingrasest membre de l’équipe profes-sionnelle de la Direction régio-nale de la Capitale nationale etdes Chaudières-Appalaches dumême ministère.

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1. Parmi les élèves qui présentent un TED,nous comptons, entre autres, des jeunesatteints d’un trouble autistique, du syn-drome d’Asperger ou d’un trouble enva-hissant de développement non autrementspécifié.

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L es enseignantes et les ensei-gnants de français ont tou-jours eu la responsabilité

de développer les compétences deleurs élèves en production et encompréhension, autant de l’écritque de l’oral. Toutefois, dans lecourant actuel de la réforme sco-laire que vit le Québec, il est recon-nu que ces compétences doiventêtre sollicitées de façon explicitedans toutes les disciplines. Bien sûr,il n’est pas demandé à tous lesenseignants d’adopter des pratiquesspécifiques de la classe de français,mais bien plutôt de contribuer àfaire comprendre à leurs élèves quela qualité de la langue leur permetde mieux réussir dans toutes lesdisciplines. Les jeunes sont certai-nement en mesure de saisir ques’ils comprennent bien un textequ’on leur propose dans leur coursd’histoire et qu’ils le lisent en uti-lisant des stratégies apprises dansleur cours de français, ils serontmieux préparés pour répondre avecsuccès aux questions qui leur serontposées. Il en va de même lorsqu’ilsrédigent un texte dans un coursautre que le cours de français : plusleur écrit sera clair et précis, mieuxils prouveront leur compréhensionde la discipline! Il revient à l’élèvelui-même « d’intégrer, dans toutesles autres disciplines, les apprentis-sages qu’il effectue en français »(MEQ, 2003b, p. 13).Aussi longtemps que les élèves neferont pas le lien entre les appren-tissages linguistiques faits dans leurcours de français et l’utilisationqu’ils peuvent en faire dans leursautres cours, ils n’obtiendront pasles succès souhaités. Nous soute-nons que les élèves doivent être lespremiers à se soucier de la languedans toutes les disciplines, puisqu’ilsl’utilisent eux-mêmes, mais pour yarriver, ils ont besoin de l’aide desenseignants de toutes les disciplines,en plus de celle de leur enseignanteou enseignant de français.

Le Programme de formation del’école québécoise (MEQ, 2003a)comprend cinq domaines d’ap-prentissage : les langues, les arts, le développement personnel, la ma-thématique, la science et la tech-nologie, et l’univers social. Leprogramme Français, langue d’en-seignement (MEQ, 2003b) fait par-tie du domaine des langues et ilpropose aux enseignants de fran-çais de développer trois grandescompétences : 1) lire et apprécierdes textes variés; 2) écrire destextes variés; et 3) communiqueroralement selon des modalités va-riées. Le développement de ces com-pétences s’acquiert par diversespratiques, en classe de français etailleurs. C’est le sens de la compé-tence transversale Communiquerde façon appropriée. Il y a là une obligation qui reposeen partie sur les épaules des élèves,mais qui nécessite que les ensei-gnants les aident à faire cette inté-gration quant à la qualité du françaisdans toutes les disciplines. Le milieuse préoccupe depuis longtemps dela qualité du français écrit danstoutes les disciplines et cette préoc-cupation se poursuit aujourd’huiencore.

LE MILIEU SCOLAIRE ETLA QUALITÉ DU FRANÇAISDANS TOUTES LES DISCIPLINESLe milieu scolaire est sensibilisé à la question de la qualité du fran-çais dans toutes les disciplines etplusieurs écoles et commissionsscolaires du Québec se dotent depolitiques à cet égard. C’est le cas,par exemple, à l’école secondaireArmand-Corbeil, de la Commissionscolaire des Affluents, où le direc-teur, Raymond Durocher, a soumisen novembre 2003 le projet édu-catif 2003-2008 et le plan de réus-site pour son école. La premièredes six orientations retenues parl’ensemble du personnel (environ150 personnes, dont une centaine

d’enseignants), soit « Développer,soutenir et enrichir la qualité dufrançais dans notre milieu », pro-pose comme premier objectif de « faire de la qualité du français unepréoccupation présente dans toutesles disciplines ». Ce milieu d’ensei-gnement s’engage donc résolumentdans une démarche de sensibili-sation appuyée par une série d’ac-tivités au premier cycle. Certainesactivités sont déjà commencéesdepuis l’automne 2003, par exempleun atelier pour les enseignants du1er cycle : la lecture dans toutes lesdisciplines (à partir de textes dedifférentes disciplines). D’autres acti-vités sont prévues pour les pro-chaines années : aide aux devoirspar des pairs, semaine du français,bibliothèque ouverte, slogans-affiches, etc. À la Commission scolaire de laRivière-du-Nord, un comité a pré-paré un rapport sur la qualité dufrançais écrit dans toutes les dis-ciplines. On y soutient qu’il faut « développer le partage de la passionet de la fierté de la langue, valoriserl’élève dans son engagement àl’amélioration de la qualité de salangue, susciter un engagementpersonnel et collectif et établir desliens et des transferts entre l’école,la famille et le milieu du travail ».Ces exemples nous permettent desupposer que d’autres écoles etcommissions scolaires réfléchissent

à l’importance de la qualité du fran-çais écrit dans toutes les disciplines.Mais comme il revient à l’élève d’in-tégrer dans les autres matières lesapprentissages qu’il effectue enfrançais, voyons quelles sont lesconséquences de cette intégrationpour les élèves eux-mêmes, pourles enseignants de français et pourles autres enseignants.

ACCORDER DE L’IMPORTANCEAU FRANÇAIS DANSTOUTES LES DISCIPLINES :CONSÉQUENCES POURLES ÉLÈVES EUX-MÊMESL’une des caractéristiques du Pro-gramme de formation de l’écolequébécoise. Français, langue d’en-seignement (MEQ, 2003b) – c’està tout le moins une formulation etune insistance nouvelles – est deplacer l’élève plutôt que l’ensei-gnant au centre de la solution, pouramener le premier à se préoccuperde la qualité de la langue danstoutes les disciplines. C’est ce quenous préconisons depuis quelquetemps déjà dans nos travaux surl’enseignement et l’apprentissage del’écriture au secondaire (Fortier et Préfontaine, 2002; Préfontaine etFortier, 2003; Préfontaine et Fortier,2004). Notre position est conformeà l’esprit du programme, qui pré-cise clairement que « c’est à l’élèvequ’il revient d’intégrer, dans toutesles disciplines, les apprentissages

LE FRANÇAIS ÉCRIT DANS TOUTES LES DISCIPLINES :D’ABORD LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉLÈVEpar Gilles Fortier et Clémence Préfontaine

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qu’il effectue en français » (MEQ,2003b, p.13).À notre avis, en ce qui a trait à laformation en général ainsi qu’àl’enseignement et à l’apprentissagede l’écriture en particulier, il fautpromouvoir un principe pédago-gique de base fort important : l’élèveest le premier responsable de sesapprentissages. Lorsque l’élèveassume cette responsabilité, ses ap-prentissages sont généralementmieux réussis, car il s’y engage per-sonnellement et il tire alors ungrand profit de l’enseignement qu’ilreçoit.Il est réaliste d’affirmer que denombreux élèves s’engagent ferme-ment dans leur démarche d’appren-tissage et c’est, à notre avis, uneposition qui n’est pas aussi uto-pique qu’on pourrait le croire. C’estce que rappelait Micheline Goulet :« Il y a du bonheur à vivre sesétudes avec enthousiasme. Étudier,chercher, apprendre, c’est plus quede se rendre parfois à l’école.Étudier, c’est se mettre dans cet étatd’esprit propre à l’apprentissage.C’est reconnaître qu’il y a unchemin à parcourir et savoir qu’ilfaudra faire des efforts, voire dessacrifices. C’est dire : “ Je suis étu-diant et je veux apprendre. Je suiscurieux ”. » (Goulet, 2003) Il revientalors aux enseignants – de françaiset des autres disciplines à leurfaçon – de paver ce chemin à par-courir par leurs élèves.Nous croyons qu’en renforçantauprès des élèves cette consciencede la nécessité de bien utiliser lalangue chaque fois qu’ils doiventécrire, par l’enseignement expliciteet par le développement de leurshabiletés métacognitives, ils com-prendront mieux comment devenirvéritablement responsables de leursapprentissages, dans toutes lessituations d’écriture dans lesquellesils se retrouveront. Ils compren-dront qu’il leur revient de se préoc-cuper de la qualité de leur françaisécrit autant dans les autres disci-plines qu’en classe de français, cecipour les aider à y améliorer leursrésultats.Dans les disciplines autres que lefrançais, en particulier en mathé-

matique, « le raisonnement et lelangage sont indissociables puisquecelui-ci est le véhicule qui permet lamanifestation du résultat » (MEQ,2003c, p. 18). Par ailleurs, le déve-loppement de certaines compétencesnécessite le recours à des capacitésdéveloppées en classe de français,telles que savoir s’exprimer et argu-menter correctement (MEQ, 2003c,p. 19); ce sont donc là des compé-tences à développer en classe defrançais. En même temps, l’élève etses enseignantes et enseignants defrançais, comme celles et ceux desautres disciplines, doivent percevoir– réaliser – l’importance de cescompétences transversales danstoutes les situations d’apprentissage.

ACCORDER DE L’IMPORTANCEAU FRANÇAIS DANSTOUTES LES DISCIPLINES :CONSÉQUENCES POURLES ENSEIGNANTES ET LESENSEIGNANTS DE FRANÇAISEn classe de français, relativementaux compétences à l’écrit, l’ensei-gnant aide l’élève à comprendre, à intégrer et à exercer tous lesaspects du processus d’écriture quilui permettent d’écrire de manièrearticulée ce qu’il comprend, d’ex-primer clairement ce qu’il ressentet d’expliciter rigoureusement sapensée. Ainsi, l’élève apprend à jus-tifier ses propos, à exprimer demanière cohérente ses idées et sesopinions en prenant position surdifférents sujets et à faire des liensentre des énoncés pertinents et à lesenchaîner de manière appropriée.

De façon spécifique, les enseignantsde français sont responsables defaire acquérir à leurs élèves deshabiletés de lecture, d’écriture etd’expression orale ainsi qu’uneconnaissance de la grammaire de lalangue d’enseignement, ceci endéveloppant la compréhension detextes littéraires et non-littéraires.Particulièrement en écriture, lesenseignantes et les enseignants defrançais doivent apprendre à leursélèves à réaliser une préécriturequi leur permettra de décider desdestinataires de leur texte, de s’as-surer qu’ils comprennent bien lescomposantes du type de texte àécrire, de décider d’une intentiond’écriture et de choisir les idéesqu’ils souhaitent traiter. Ils doiventles habiliter à tenir compte descomposantes choisies en effectuantla préécriture pour rédiger leurtexte (mise en texte), tout en uti-lisant leurs connaissances linguis-tiques (aspects grammaticaux etlexicaux). Ils doivent égalementleur apprendre à réviser leur texteen se référant à leur préécriture.Les élèves doivent bien comprendretous ces aspects du processusd’écriture qu’ils apprennent à prati-quer en classe de français afinqu’ils les utilisent chaque fois qu’ilsécrivent un texte, dans tous les con-textes possibles et dans toutes lesdisciplines. Ces étapes du processusd’écriture deviennent très utiles ensituation d’examen, par exemple,lorsqu’il faut choisir – le plus sou-vent rapidement – les aspects àtraiter dans une réponse ainsi que

les liens à établir entre les diffé-rents concepts qui constitueront laréponse (préécriture), rédiger uneréponse la plus claire possible (miseen texte) et s’assurer que la réponseécrite correspond bien à ce qui estdemandé (révision).Les enseignantes et les enseignantsde français doivent aussi incluredans leur enseignement le dévelop-pement chez leurs élèves de la cons-cience et de la compréhension dufait qu’apprendre et maîtriser lefrançais, et, de façon plus spéci-fique, l’écriture, est nécessaire pourréussir dans toutes les disciplines,comme le soutiennent Richardsonet Morgan (2003). Les Américainsparlent alors de « writing in con-tent area », qu’il faut comprendrecomme la préoccupation pour lalangue écrite dans toutes les disci-plines. Cette préoccupation desenseignants de langue est très bienimplantée aux États-Unis, mais auQuébec, elle suppose un change-ment de position des enseignants defrançais du secondaire vis-à-visleurs pratiques d’enseignement del’écriture et leur mentalité, puisqueles apprentissages qu’ils font faire àleurs élèves ne doivent plus êtreperçus comme étant utiles dans leseul cours de français.

ACCORDER DE L’IMPORTANCEAU FRANÇAIS DANSTOUTES LES DISCIPLINES :CONSÉQUENCES POURLES ENSEIGNANTESET LES ENSEIGNANTSD’AUTRES DISCIPLINESDans les disciplines autres que lefrançais, l’élève se retrouve fréquem-ment en situation de productionécrite : il est appelé à développerpar écrit des solutions aux pro-blèmes que lui soumet son ensei-gnant (mathématique, géographie),à formuler des hypothèses à proposdes réalités sociales qu’il explore(histoire, éducation à la citoyen-neté), à répondre à des questionsd’ordre scientifique (science, tech-nologie) ou encore à élaborer sonappréciation des productions artis-tiques (arts). Ainsi, dans les dis-ciplines autres que le français, lesactivités d’écriture auxquelles l’élève

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est invité à participer visent à l’ame-ner à utiliser ses compétences àl’écrit pour l’aider à comprendre lamatière spécifique d’une discipline :c’est par la langue écrite qu’il utilisepour lire et pour écrire que l’élèveaccède au savoir.De plus en plus souvent, dans lesdisciplines autres que le français,les enseignants proposent à leursélèves des situations d’apprentis-sage qui les obligent à recourir àleurs compétences transversalesliées à la langue, notamment enexigeant des justifications ou desréponses à des questions telles que « Pourquoi? », « Est-ce toujoursvrai? » ou encore « Qu’arrive-t-illorsque…? » (MEQ, 2003c).Par exemple, en science, les ensei-gnants pourraient proposer à leursélèves la situation suivante :Soufflez deux ballons de manièrequ’ils soient à peu près de mêmetaille. Attachez-les à une règle d’unmètre et fixez une corde au centrede cette règle de sorte que la règleet les ballons puissent être tenus enéquilibre dans l’espace. La règledevrait alors être parallèle au sol.Expliquez par écrit ce qui se pro-duirait si l’un des ballons éclatait.Ce problème incite les élèves à rai-sonner, à expliquer leur démarche,à organiser leur pensée, à faire unesynthèse et à recourir aux connais-sances apprises dans la classe descience. Les élèves peuvent donc àla fois s’approprier les savoirs spé-cifiques de cette discipline et appli-quer leurs compétences en françaisécrit (développées en classe defrançais). Ainsi, écrire dans un telcontexte devient un moyen d’ap-prentissage extrêmement utile pourque les élèves comprennent mieuxles connaissances spécifiques d’uneautre discipline. Par cette pratique,l’enseignant obtient une rétroactionimmédiate sur l’acquisition desconnaissances maîtrisées et aussisur les difficultés éprouvées par sesélèves. Comme on peut le constater,« la maîtrise de la langue ainsi quede différentes stratégies liées audomaine des langues contribue au développement et à l’exercicedes compétences mathématiques »(MEQ, 2003c, p. 9).

PROPOSITION DE MOYENSCONCRETSLes enseignantes et les enseignantsdevraient intervenir de façon expli-cite pour montrer le lien entre lescompétences des élèves à l’écrit etl’expression de leurs savoirs dansune discipline. Pour favoriser l’inté-gration des compétences en écri-ture des élèves dans les différentesdisciplines, les enseignants, incluantceux de français, devraient propo-ser aux élèves des projets interdis-ciplinaires qui entraîneraient unpartage de compétences profession-nelles entre eux et qui permettraientaux élèves d’utiliser leurs compé-tences langagières dans toutes lesdisciplines. S’il n’est pas toujourspossible d’aller jusqu’à réaliser desprojets interdisciplinaires, les ensei-gnants devraient au moins adopterdes pratiques les plus semblablespossibles pour guider leurs élèvesvers une utilisation des compétencesscripturales développées en classede français.Si l’élève comprend, dans une disci-pline autre que le français, que sescompétences en production écritecontribuent à sa réussite, c’est peut-être que l’enseignant de cette disci-pline l’aura aidé à comprendre quedes lacunes sur le plan de l’organi-sation de ses argumentations et deses justifications contribuent moinsà prouver sa compréhension ques’il s’exprime conformément auxattentes des exigences disciplinaires,ce qui met alors en valeur sa com-préhension. Ce rôle nous sembledavantage valorisant pour l’ensei-gnant d’une discipline autre que lefrançais que lorsqu’il lui est simple-ment demandé d’enlever des pointspour des erreurs de langue.Le Programme de formation del’école québécoise. Français, langued’enseignement préconise à justetitre que tous les enseignantsdoivent partager la responsabilitéd’amener chaque élève à utiliser lesressources de la langue française(MEQ, 2003b, p. 1). Cette respon-sabilité vis-à-vis de la qualité dufrançais, maintenant confiée par leMinistère à tous les enseignants, vaamener des changements chez ces

derniers : des changements dans lespratiques et des changements dementalité. Il nous semble fondamen-tal que les enseignants des disciplinesautres que le français inscrivent descommentaires portant sur la qualitéde l’expression écrite sur les copiesde leurs élèves. Par exemple, quantà l’aspect lexical, l’enseignant peutféliciter l’élève qui a utilisé destermes appropriés à sa discipline,ou au contraire, indiquer que destermes vagues rendent sa réponsefaible. Relativement à la cohérencedes réponses, l’enseignant peut féli-citer l’élève qui donne une preuve,lorsque cela lui est demandé, ou aucontraire, indiquer que des impres-sions ou des idées reçues n’ont pasleur place dans une explicationscientifique.À notre avis, il est essentiel que lesenseignants des autres disciplinesprennent l’habitude de faire com-prendre aux élèves que plus leurexpression écrite est précise, pluselle contribue à la qualité desréponses aux questions qui vérifientleurs connaissances disciplinaires.De plus, la capacité de l’élève às’exprimer par écrit de manièreappropriée « favorise l’acquisitionde concepts et de processus ainsique le développement de compé-tences » (MEQ, 2003c, p. 11).Pour maintenir l’intérêt des élèvespour la qualité de la langue et la justesse de l’expression écrite, il devrait en être question dans lescritères d’évaluation. Par exemple,on pourrait attribuer un certainnombre de points pour la précisionde l’organisation de la pensée del’élève, la justesse de son argu-mentation et la qualité de sonexpression écrite … plutôt quesimplement enlever des points pourdes erreurs de langue!La position que nous soutenons, quise veut une contribution à la valori-sation de la qualité de la langueécrite dans toutes les disciplines,s’oppose à la pratique courante quiconsiste à enlever des points auxélèves pour leurs erreurs dansl’utilisation de la langue écrite. Or,les enseignants des autres disciplinesque le français contestent souvent

cette pratique, avec raison, noussemble-t-il. Ils font par exemplevaloir qu’ils n’ont pas la formationnécessaire pour corriger la langueet qu’ils ne veulent pas se com-porter comme des policiers vis-à-vis de la qualité de la langue écrite,parce qu’ils considèrent ce rôlecomme peu valorisant. Toutefois,cette vision punitive du rôle desenseignants des autres disciplines àl’égard de la qualité de la languefrançaise semble malheureusementencore aujourd’hui une solutionfortement soutenue, notamment parles syndicats. En effet, en réaction àla nouvelle politique ministérielled’évaluation des apprentissages, quipréconise de ne plus enlever depoints aux élèves pour leurs erreursdans l’utilisation de la langue écritedans les disciplines autres que lefrançais, Louise Courtemanche, del’Alliance des professeurs et pro-fesseures de Montréal, s’y oppose etsoutient que les enseignantes et lesenseignants seraient ainsi privés deleur plus important – leur seul –moyen de pression : « Autrementdit, lors des évaluations dans toutesles disciplines sauf en français, les profs n’ont plus de moyen pour obliger l’élève à porter atten-tion à la qualité de la langue. »(Courtemanche, 2003). Comme sila seule façon de convaincre lesélèves de l’importance de la qualitéde la langue écrite dans les dis-ciplines autres que le françaisdevait obligatoirement passer par la

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soustraction de points dans leursproductions écrites!Du point de vue des élèves, leurscompétences relatives à l’écrit leurpermettent de mieux réussir leursapprentissages dans les autres dis-ciplines. Ils doivent constater queces compétences contribuent gran-dement à leur succès en général.Par exemple, l’élève qui constateraque son enseignant de mathéma-tique lui a accordé une bonne notepour un travail en partie parce qu’ila fait attention au choix du vocabu-laire, sera probablement porté àcontinuer d’accorder de l’attentionà cet aspect de son apprentissagequi contribue à ses succès scolaires.D’autre part, l’élève qui réaliseraqu’il lui aurait suffi de faire atten-tion à son vocabulaire pour mieuxfaire preuve de sa compréhensioncommencera peut-être à y porterattention. Conscient du fait qu’ilexiste différentes façons d’amélio-

rer son travail – parce que sonenseignant le lui aura expliquéclairement – il sera davantage con-fiant lorsqu’il écrira de nouveau.Ainsi, il intégrera progressivementune préoccupation pour la qualitéde la langue à ses productions dis-ciplinaires et deviendra un scrip-teur plus habile en même tempsqu’il fera des apprentissages plusprécis. Car savoir nommer est àl’origine de la compréhension con-ceptuelle.En effet, l’élève devra recourir auxcompétences qu’il aura dévelop-pées en classe de français pourorganiser et préciser sa penséechaque fois qu’une enseignante ouun enseignant lui demande, parexemple, d’écrire une définition, dedécrire un phénomène, de donneret de justifier son opinion, ou encorede réagir ou de prendre positionconcernant une affirmation liée à ladiscipline en question.

C’est pourquoi nous soutenonsfortement que, puisque l’élève est lepremier responsable de la qualitéde son français écrit dans toutes lesdisciplines, il obtiendra de plusgrands succès grâce à ses com-pétences relatives à l’écrit. C’estd’ailleurs ce que vise le programmede formation du premier cycle dusecondaire, soit « le développementde compétences par des élèves acti-vement engagés dans leur démarched’apprentissage » (MEQ, 2003a,Préambule, p. 1).M. Gilles Fortier est professeurtitulaire au Département d’édu-cation et pédagogie à l’Uni-versité du Québec à Montréal etMme Clémence Préfontaine estprofesseure titulaire au Dépar-tement de linguistique et dedidactique des langues, égale-ment à l’Université du Québec àMontréal.

Références bibliographiquesCOURTEMANCHE, L. « Politique ministérielled’évaluation des apprentissages », Supplé-ment au Bis, vol. 27, no 12, 2003.FORTIER, G. et C. PRÉFONTAINE. « Faireécrire davantage… et corriger moins »,Québec français, no 127,2002, p. 64-66.GOULET, M. « L’autre journée d’une ensei-gnante – Les va-et-vient des faux étudiants »,Le Devoir, 26 novembre 2003, p. A7.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Programmede formation de l’école québécoise. Ensei-gnement secondaire, premier cycle, Gou-vernement du Québec, 2003a.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Programmede formation de l’école québécoise. Fran-çais, langue d’enseignement, Gouverne-ment du Québec, 2003b.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Programmede formation de l’école québécoise. Do-maine de la mathématique, de la scienceet de la technologie. Mathématique, Gou-vernement du Québec, 2003c.PRÉFONTAINE, C. et G. FORTIER. Mon port-folio d’apprentissage en écriture, Montréal,Chenelière/McGraw-Hill, 2004.PRÉFONTAINE, C. et G. FORTIER. « Le codePréfontaine-Fortier : un code pour corrigerdes textes écrits », Québec français, no 131,2003, p. 55-57.RICHARDSON, J. S. et R. F. MORGAN. Readingto learn in the content areas (5e éd.),Belmont, CA, Wadsworth, 2003.

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DD ans le Programme de for-

mation de l’école québé-coise (MEQ, 2001, 2003),

on vise à ce que les élèves déve-loppent des compétences. Il nousapparaît essentiel que les élèvespuissent s’exprimer en cours d’ap-prentissage pour comparer les per-ceptions de leur propre évolution etfaire face aux réactions des autresen situation de mise en action descompétences construites, pour ainsiraffiner leurs apprentissages. Enexaminant les domaines d’appren-tissage, on constate que la com-munication est présente de façonexplicite ou elle est sous-jacenteaux composantes de plusieurs com-pétences. Déjà dans le domaine deslangues, on ne sera pas surpris quela communication occupe une placeimportante. Cependant, il n’est pashabituel que la communication soitexplicitement liée aux compétencesdu domaine de la mathématique, de

la science et de la technologie.Comme autre exemple, on peutciter le domaine des arts; on nepeut penser pouvoir créer, appré-cier ou interpréter des œuvres dra-matiques, artistiques ou musicalessans confronter notre appréciationou interprétation à celle d’autrespersonnes.Nous croyons que le développementd’habiletés métacognitives s’avèreessentiel pour devenir autonomedans la construction de compé-tences, intégrer à long terme lesapprentissages de communicationeffectués à l’école et pouvoir adap-ter ceux-ci à diverses situations. Ledéveloppement de telles habiletéspermet de se centrer sur ce qui se passe dans sa tête (le processusmental) en même temps qu’on entreen communication avec d’autres.Par exemple, au moment où onexplique une idée à une autre per-sonne, il devient possible d’organi-

ser ses explications pour faciliter lacompréhension chez cette personneet surtout de prendre conscience del’aide apportée. En bref, on peut direque de telles habiletés permettentde porter un regard sur le proces-sus mis en cause dans une situationde communication en considérantles langages oral, écrit, gestuel etsymbolique… Cela peut semblerabstrait en ces quelques mots, carcommuniquer tout en se regardantcommuniquer n’est pas facile à faire,mais cela se développe avec le temps,l’observation, l’auto-observation etla modélisation. Quand une per-sonne y arrive, elle améliore sa façond’entrer en communication en étantautant centrée sur le contenu quesur la démarche pour le partager.Pour tenter d’expliquer notre pointde vue, nous apporterons dans unpremier temps quelques explica-tions au sujet de la métacognition etde son rôle dans le développement

de la compétence « communiquerde façon appropriée », pour ensuitefournir des moyens qui allient méta-cognition et communication. Ensecond lieu, nous spécifierons com-ment la communication peut con-tribuer à favoriser la métacognitiontout en proposant des moyens poury arriver. Que ce soit de la métaco-gnition vers la communication oul’inverse, nous exploiterons le ques-tionnement et l’interaction; nousdévelopperons le moyen de l’auto-évaluation qui, par le biais de lamétacognition, favorise la commu-nication et la rétroaction, laquelleest essentielle dans la communi-cation pour développer la métaco-gnition.

1. DE LA MÉTACOGNITIONÀ LA COMMUNICATION

À partir de ce que plusieurs au-teurs (Bouffard-Bouchard, Brown,Doudin, Flavell, Lafortune, Martin,

MÉTACOGNITION ET COMMUNICATION : DEUX PROCESSUS EN INTERRELATIONpar Louise Lafortune et Ginette Dubé

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Noël, Romainville, St-Pierre) ap-portent à propos de la métacogni-tion, Lafortune et Deaudelin (2001, p. 204) adoptent la définition sui-vante de ce concept : « Le regardqu’une personne porte sur sadémarche mentale dans un butd’action afin de planifier, contrôleret réguler son processus d’ap-prentissage. Elle comprend troiscomposantes : les connaissancesmétacognitives, la gestion de l’acti-vité mentale et la prise de consciencede ses processus mentaux. » Cesmêmes auteures soulignent quel’individu métacognitif « connaît sesfaçons d’apprendre et, en compa-raison avec celles des autres, il peutreconnaître ses compétences auregard d’une tâche à réaliser et lesstratégies pertinentes pour réalisercette tâche. » (p. 203) Il peut doncévaluer, analyser et ajuster sadémarche mentale selon la tâche àeffectuer, le contexte et les per-sonnes auxquelles il s’adresse. Nousestimons qu’une meilleure connais-sance de soi sur le plan métacogni-tif favorise la communication avecles autres, car une fois la communi-cation bien amorcée, la personnepeut s’ouvrir à la métacognition del’autre et ainsi, mieux comprendrecomment elle fonctionne. C’estalors qu’il est possible d’accepterdes façons de faire, d’apprendre oude penser différentes des siennes.Le développement d’habiletés mé-tacognitives mène la personneapprenante à avoir deux préoccu-pations dans l’accomplissementd’une tâche. On peut parler de deuxregards : un regard sur ce qui est

fait et un autre sur la démarcheentreprise pour mener à terme leprojet. Si ces deux regards sontactivés pendant l’action, ils per-mettent une évaluation en coursd’action et des ajustements continuspour tenir compte de cette évalua-tion. Une telle pratique est utiledans une démarche de communica-tion. Par exemple, au lieu de seule-ment se concentrer sur ce qui estdit lors d’une conversation, on peutporter une attention sur les interac-tions; cela favorise une analyse de lacommunication pour en permettreune meilleure gestion, un ajuste-ment des modalités et un choix delangage adapté au contexte.

2. DE MÉTACOGNITIONÀ COMMUNICATION : DES INTERVENTIONS

Pour comprendre en quoi la mé-tacognition peut favoriser le dé-veloppement de la compétence « communiquer de façon appro-priée », nous avons choisi d’explo-rer trois moyens adaptables àdiverses disciplines et contextes : le questionnement, l’interaction etl’autoévaluation. Nous verrons com-ment ces moyens – vus dans uneperspective métacognitive – peuventcontribuer au processus de com-munication.

2.1 LE QUESTIONNEMENT

Le questionnement est un moyenpour susciter la verbalisation(Perraudeau, 1998), l’explicitation(Vermersch, 1994) ou la réflexionsur sa démarche mentale. Dans tousles cas, le questionnement contri-bue à la prise de conscience. Dans

une perspective métacognitive enrapport avec la communication, il pourrait mener les personnes ap-prenantes à s’interroger elles-mêmessur le processus de communica-tion. Un autoquestionnement pourcomprendre ce processus pourraitprendre la forme suivante :• Comment se fait-il que je n’aie

pas la réponse attendue à maquestion?

• Qu’est-ce qui a pu mener cettepersonne à avoir une telle com-préhension de ma question?

• Comment pourrais-je poser main-tenant ma question afin quel’échange ou la discussion sepoursuive dans le sens voulu?

• Au départ, pourquoi avais-je choisicette question?

On voit que par cet autoquestion-nement, la personne s’interroge sursa démarche plutôt que de remettrel’autre en cause en se disant parexemple : « Il n’a rien compris à maquestion qui était pourtant claire. »Une telle façon de penser ne peutque limiter la communication etmême l’interrompre.Le développement d’habiletés méta-cognitives mène donc à repenser à ses questions en fonction desprocessus mentaux de l’autre. Unetelle façon de penser peut êtreimportante pour les élèves qui tra-vaillent en équipe ou qui discutentavec d’autres, mais cela est plusimportant encore pour des ensei-gnants et des enseignantes qui ont à repenser leur façon de question-ner les élèves afin de susciter desréflexions et des remises en ques-tion dans un climat de confiance.

2.2 L’INTERACTION

Dans une perspective sociocons-tructiviste, on conçoit que les élèvesconstruisent leurs compétences eninteraction avec les autres. Cesinteractions supposent une formede communication. En quoi et com-ment la métacognition peut-ellefavoriser cette communication?Lorsque nous demandons à desélèves d’expliquer une notion ouune démarche à d’autres et que cesautres ont comme tâche de biencomprendre les explications, nous

les plaçons dans une situation decommunication qui suppose undébut de prise de conscience de lanécessité de comprendre la méta-cognition de l’autre. Si nous deman-dons aux élèves qui expliquent derelever les difficultés qu’ils ontéprouvées et les raisons qui sous-tendent ces dernières, nous leurpermettons de porter un regardmétacognitif sur ce qu’ils viennentde faire et en contrepartie, d’amé-liorer la communication.Les échanges entre pairs, les débatset les discussions sont d’autres fa-çons de susciter l’interaction. Ceséchanges ne peuvent être fructueuxen termes d’apprentissage que s’ilssont critiques, argumentés, organi-sés et structurés. Porter un regardsur la valeur des arguments relèvede la pensés critique, mais exami-ner la façon de structurer sa penséeet ses idées relève davantage de lamétacognition. Reconnaître la façondont on organise ses idées peutcontribuer à mieux les structurer,mais surtout aider à reformuler sesidées lorsque la personne aveclaquelle on discute ne semble pascomprendre. En tant qu’enseignantou enseignante, l’habileté à recon-naître la structure de sa pensée nepeut qu’aider à l’organiser, ce quipeut favoriser l’apprentissage chezles élèves.

2.3 L’AUTOÉVALUATION

L’autoévaluation étant une apprécia-tion ou une réflexion critique sur lavaleur de ses idées, de ses travaux,de ses apprentissages ou du déve-loppement de ses compétences, ellecontribue ainsi aux habiletés méta-cognitives. Une personne qui peutporter un regard critique sur cequ’elle pense et fait accepte de seremettre en question. Cette capacitéde s’ajuster favorise, selon nous, lacommunication.En soi, l’autoévaluation fait partied’une démarche métacognitive, carl’individu comprend alors sa façond’apprendre, se connaît lui-mêmedevant une tâche à effectuer etpossède des stratégies pour le faire. Il sait généralement reconnaître lestâches semblables qu’il a effectuées

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auparavant et peut les autoévaluerafin de réinvestir des stratégies per-tinentes et efficaces. Une personnecapable de s’autoévaluer est davan-tage encline à accepter une démarchede coévaluation (confrontation del’autoévaluation de son travail aveccelle d’une autre personne) et d’in-terévaluation (évaluation mutuellede productions collectives ou com-munes). Dans une démarche decommunication, l’interévaluationexige le partage et l’analyse de l’éva-luation fournie par les partenaires.Si une personne a de la difficulté à s’autoévaluer, il lui sera difficiled’entendre ce que quelqu’un d’autrepeut dire au sujet de ses productions.La communication risque d’êtreinterrompue ou à tout le moinsd’être peu harmonieuse.Ces moyens ont été examinés dansle sens où des habiletés métacogni-tives peuvent favoriser le développe-ment de la compétence transversale« communiquer de façon appro-priée ». Maintenant, nous tenteronsd’inverser notre regard en nousdemandant comment cette compé-tence transversale contribue à lamétacognition.

3. DE LA COMMUNICATIONÀ LA MÉTACOGNITION

Partant du fait que le développe-ment de la compétence « communi-quer de façon appropriée » n’estpas une simple juxtaposition de sescomposantes, nous aurons soin degarder à l’esprit cette synergie quiles alimente et qui donne vie à la compétence. Comment chacune de ces composantes, dans soninteraction avec les deux autres,contribue-t-elle au développementde la métacognition chez l’élève?La composante « s’approprier diverslangages » contribue à faire déve-lopper par l’élève un outillage trèsprécieux qui sera mis à profit toutau long du processus d’appren-tissage. Au regard de la métaco-gnition, cette capacité l’aidera àmobiliser les ressources orales ouécrites telles que le langage cou-rant, le langage mathématique outechnique, le langage plastique,musical, gestuel ou symbolique, et

ce, autant dans la planification de latâche que dans son exécution. Enfait, il est raisonnable de croire quesi l’élève s’approprie divers lan-gages, il devient plus apte à utiliserle langage approprié à chaque con-texte, pour clarifier sa pensée etsurtout son cheminement mentaldans l’action et être en mesure de lepartager avec d’autres. Non seule-ment il pourra exprimer avec acuitésa pensée dans des contextes variés,mais pourra aussi recevoir celle desautres dans toute leur subtilité. Ainsi,dans un travail d’équipe, l’élève seraen mesure de mieux comprendreles différentes démarches mentalesverbalisées par les pairs et de déco-der les diverses stratégies utiliséespour effectuer une tâche. Ce par-tage judicieux et efficient des straté-gies entre les pairs permet entreautres à chaque élève de bonifierses propres stratégies, d’en réperto-rier tout un éventail et d’être capa-ble d’en cibler quelques-unes quilui conviennent particulièrementpour un certain type de tâche.La composante « recourir à diversmodes de communication » contri-

bue de façon significative au déve-loppement du regard métacognitif.Si l’on transpose cet art de bienajuster ses façons d’agir et d’intera-gir en fonction du contexte, il estlogique de penser que ce discerne-ment sera des plus utiles dans l’exé-cution d’une tâche. N’est-il pasessentiel pour l’élève d’avoir unelecture juste de la situation d’ap-prentissage et du rôle qu’il doitjouer et d’avoir un regard cons-cient, objectif et respectueux despersonnes engagées avec lui dansune tâche? Puisque ces habiletésmises en avant par cette compo-sante exigent de l’élève qu’il puisseadopter le point de vue d’une autrepersonne, en comprenant ses idéeset ses émotions, elles sont donc toutaussi importantes pour l’aider àdévelopper cette capacité d’entrerdans la métacognition de l’autre.Dans la coconstruction d’une con-naissance en situation d’apprentis-sage, être en mesure d’entrer dansla métacognition de ses pairs per-met à l’élève, par comparaison, dese situer lui-même au regard de sonpropre processus mental, mais éga-

lement de collaborer avec l’autredans l’exécution d’une tâche. Lamise en œuvre de cette composantefavorise donc un regard métaco-gnitif qui permet d’analyser lessituations d’apprentissage avec dis-cernement et sensibilité, pour êtrecapable de s’y engager et de répondreà ses propres attentes ainsi qu’àcelles des autres. Cette capacité àrecourir à divers modes de commu-nication va de pair avec la disposi-tion à réguler en cours de tâche.L’importance de la régulation dansl’action mène donc sur les pistes dela composante « gérer sa communi-cation ». La capacité à réguler sur leplan de sa communication en situa-tion d’apprentissage devient un outildes plus précieux au regard de lamétacognition, car elle aidera l’élèveà modifier ses stratégies dans saquête d’informations, à ajuster avecpertinence ses propos afin d’ob-tenir l’aide nécessaire, à expliciterde façon précise et efficace la sub-tilité de son cheminement mental, à être en mesure d’apporter desexplications judicieuses et à être àl’écoute des besoins de ses pairs etpouvoir leur apporter de l’aide. Unebonne gestion de la communicationfavorise donc chez l’élève une bonnegestion de son activité mentale enpassant par des rapports fluides,vivifiants et constructifs avec lesautres.

4. DE COMMUNICATIONÀ MÉTACOGNITION : DES INTERVENTIONS

Orientons l’éclairage, cette foisdans l’autre sens, vers les moyensprivilégiés pour développer la com-munication que sont le questionne-ment, l’interaction et la rétroaction.Voyons comment la compétence « communiquer de façon appro-priée » contribue à développer defaçon efficiente ces moyens qui outil-leront l’élève pour qu’il puisse por-ter un regard conscient et critiquesur sa façon d’apprendre et quifavoriseront son engagement dansla construction de ses compétences.À chaque moment de ce parcoursréflexif, un dialogue intérieur ouavec les autres alimente la réflexion

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et mène vers son but, celui de réus-sir la tâche en situation d’appren-tissage.

4.1 LE QUESTIONNEMENT

La compétence à « communiquerde façon appropriée » facilite chezl’élève l’usage d’un moyen de pre-mier ordre pour développer lamétacognition : le questionnement.Faire le choix de la bonne question– compte tenu de l’étape en cours –et être en mesure de bien la for-muler, que ce soit à soi-même, à unpair ou à l’enseignant ou l’ensei-gnante qui joue un rôle de soutiendans le cheminement, permet àl’élève de garder le contrôle dudéroulement de la tâche ou d’êtreen mesure d’y apporter les ajuste-ments appropriés. Remettre en ques-tion ses propres stratégies en lescomparant avec d’autres ou ques-tionner les autres sur les leurs per-met d’avoir en main une boussoletrès utile pour arriver à destination.La question devient ainsi un moyenpour conscientiser la métacogni-tion. La communication sert d’outilpour la façonner pour en faire uneclé, non pas magique, mais effi-ciente. Travaillant également à êtreconscient de son propre processusd’apprentissage, l’enseignant oul’enseignante pourra ainsi entrerplus facilement dans la métaco-gnition de l’élève. Un questionne-ment articulé aide l’enseignant àsituer l’élève et aide ce dernier à sesituer lui-même et à aller plus loin.Mais tout ne se joue pas dans lequestionnement, encore que celui-cijoue un rôle de premier plan dansla structuration de la connaissance.

4.2 L’INTERACTION

L’interaction permet de se situerdans l’échafaudage de ses penséesen cours de tâche, que ce soit pouraller puiser à de précieuses con-naissances antérieures qui avaientété mises de côté ou pour faire des ajouts conscients de nouveauxsavoirs qui permettent d’aller plusloin dans la tâche. Être en mesure debien communiquer avec les autresen cours de route permet de validerses perceptions, ses conceptions etses convictions ou de les remettre

en question. Partager ses inquié-tudes avec les bonnes personnes,encourager un pair dans son choixet sa façon d’utiliser une stratégie,verbaliser ses efforts et partager sesmotivations sont autant de levierspour se situer dans un apprentissage.Une communication bien articuléepermet à l’élève de vivre parfois,dans son processus d’apprentis-sage, une déstabilisation qui, loind’être traumatisante, l’aide à poserles bons jalons pour son chemine-ment individuel et à s’engager defaçon dynamique à la coconstruc-tion d’une connaissance. Cette prisede conscience de la place qu’ilprend et qu’il continue de prendredans une tâche est un levier quicontribue à lui donner du pouvoirsur son propre apprentissage. C’estaussi à l’enseignant ou à l’ensei-gnante, par une communicationappropriée, de lui faire sentir qu’ila bien ce pouvoir. En fait, l’interac-tion est un véritable terreau pourfaire évoluer, à travers le regardmétacognitif, le rapport au savoirde l’élève et la communicationappropriée est en quelque sorte legage de la fertilité de ce terreau.

4.3 LA RÉTROACTION

Lors d’une rétroaction, la qualité de la communication peut avoirun impact très important quant à l’engagement ou désengagement à l’égard d’une tâche. Pour favoriserce regard métacognitif, rien de telqu’une rétroaction qui aide à voirclair sur ce qui se passe dans sa têteet à faire cheminer sa représenta-tion mentale, à reconnaître ses moti-vations, ses émotions et ses attitudes,à évaluer les efforts investis dans latâche et à tenir compte du tempsconsenti en cours de réalisation.Une communication appropriéepermet donc à la rétroaction d’êtreréflexive et d’avoir un effet mobili-sateur et non paralysant. Mais cettecapacité des élèves à rétroagir defaçon judicieuse ne vient pas tou-jours naturellement. Encore ici,l’enseignant ou l’enseignante a unrôle de premier plan pour orches-trer cette dynamique qui invite lesélèves à rétroagir sur le chemine-

ment mental des autres et à s’in-terévaluer dans l’utilisation des res-sources et dans leur engagementdans une tâche. La rétroaction peutdevenir un agent précieux de moti-vation intrinsèque pour exercer uneautoévaluation objective et cons-tructive au regard de son processusd’apprentissage et prédispose ainside façon vivifiante à des tâches àvenir. La rétroaction, exercée dansune communication appropriée,contribue ainsi au développementd’un individu métacognitif.

CONCLUSIONNous avons tenté de cerner l’impor-tance de la métacognition au regardde la communication et inverse-ment. Même si nous avons traité deces deux directions l’une à la suitede l’autre, nous sommes bien cons-cientes qu’une route prend toute sacoloration et sa richesse dans lesdeux sens qui s’interpénètrent àchaque point. Le regard métaco-gnitif qui contribue à vouloir et àpouvoir développer la compétenceà « communiquer de façon appro-priée » est ce même regard qui rendl’élève capable de qualifier cettecommunication d’ « appropriée »ou non. Aussi, c’est cette communi-cation appropriée qui contribuetrès souvent à vouloir prendre cerecul par rapport à son apprentis-sage, à en voir le bien-fondé, maissurtout à prendre plaisir à passerd’un regard externe à un regardinterne. En toute complicité, la com-munication et la métacognition con-tribuent donc à développer chezl’élève une intention d’apprendre etune autonomie qui donne une touteautre coloration au développementdes compétences. Enfin, la cons-truction des connaissances et l’or-chestration des ressources ne sontplus senties par l’élève comme untravail herculéen plutôt rebutant,mais comme un défi à relever, surlequel il a le pouvoir qu’il veut bienprendre. Le regard métacognitifjoue en quelque sorte le rôle dechef d’orchestre et une communi-cation appropriée devient un agentprimordial de prise de conscience.

Mme Louise Lafortune est pro-fesseure au Département dessciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières et responsabledu projet Accompagnement-Recherche-Formation pour l’ac-tualisation du programme deformation. Mme Ginette Dubéest une personne accompagna-trice au Projet Accompagnement-Recherche-Formation du minis-tère de l’Éducation du Québec.

Références bibliographiquesLAFORTUNE, L. et C. DEAUDELIN. Accompa-gnement socioconstructiviste. Pour s’ap-proprier une réforme en éducation,Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec,2001.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Programmede formation de l’école québécoise. Ensei-gnement secondaire, premier cycle, Québec,2003.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Programmede formation de l’école québécoise. Édu-cation préscolaire, enseignement primaire,Québec, 2001.PERRAUDEAU, M. Échanger pour apprendre.L’entretien critique, Paris, Armand Colin,1998.VERMERSCH, P. L’entretien d’explicitation,en formation initiale et en formation con-tinue, Paris, ESF, 1994.

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ÀPÉDAGOGIE PAR PROJETS DES « GAZELLES » POUR DONNER LE GOÛT DE RÊVERpar Christine Simonnet-Barberger

À Saint-Philémon, dans la cir-conscription électorale deBellechasse, les élèves de

l’école Saint-Louis ont vécu à l’heuremarocaine. Sans quitter les forêts etles montagnes qui les entourent, les élèves de cet établissement de la Commission scolaire de la Côte-du-Sud ont travaillé le français, les mathématiques, les sciences et les arts à travers le projet de l’unedes enseignantes de l’école, leRallye Aïcha des Gazelles. ChristineChouinard, enseignante avec unpartage de tâche en cinquième etsixième année, a construit toute uneétape de son année scolaire à partirdu Rallye Aïcha des Gazelles avantde partir vivre son aventure dans ledésert saharien. Son objectif étaitsimple : partager son expérienceavec ses élèves, pour leur transmettrele goût d’avoir des rêves.Il est 21 heures, en plein milieu duSahara marocain. Christine raconteaux équipes de gazelles et de jour-nalistes présentes comment, avec sacoéquipière Katia Delorme, ellesont traversé dans leur véhicule àquatre roues motrices les plusgrandes dunes du Sahara marocain :« J’ai poussé ma machine à fond.Les dunes étaient très hautes et jene savais jamais ce qu’il y avait der-rière. C’est le stress le plus élevé quej’ai jamais vécu. » Depuis quatrejours, Christine et Katia se trouventau Maroc pour participer au 13e Ral-lye Aïcha des Gazelles. Cette courseautomobile d’orientation de dixjours rassemble 72 équipes de deuxfemmes venant du monde entier.Munies de cartes topographiques etd’une boussole, au volant de leurvéhicule à quatre roues motricesarborant les couleurs de leurs com-manditaires, Christine et Katiadoivent trouver des balises disper-sées dans le désert. Une sorte dechasse au trésor moderne dans un décor fabuleux de sable et deroches, une aventure qui a permis à

Christine de relever deux défis, l’unsportif dans le désert et l’autre édu-catif à Saint-Philémon.

DES MODÈLES ACCESSIBLESTout commence en décembre 2002lorsque Christine propose à son éta-blissement l’idée d’utiliser son aven-ture comme sujet d’étude. GillesNadeau, directeur de l’école Saint-Louis, est tout de suite emballé.Deux éléments le séduisent. Pre-mièrement, explique-t-il, « Christine est une enseignante de l’école qui vit une passion, les élèves la con-naissent, la voient. Pour l’élève,c’est concret et lié à ce qu’il vit. Il peut en faire un suivi ».Deuxièmement, l’idée était de « prou-ver aux enfants que les vedettes oules sportifs de haut niveau ne sontpas les seuls à pouvoir vivre deschoses extraordinaires. On voulaitleur offrir des modèles accessibles »,ajoute Christine. Cependant, par-ticiper à cette compétition n’est pas donné à tout le monde. Parexemple, le budget nécessaire pourpayer les frais d’inscription, l’équi-pement, les déplacements et la voi-ture est de 30 000 dollars. Réunirce montant demande beaucoup detravail, de disponibilité et de per-sévérance. Pour Katia et Christine,cette étape de leur aventure a duréun an et demi, avec bien des hautset des bas. Toutefois, cela fait partiedu défi à relever et aussi du mes-sage qu’elles souhaitent transmettreaux élèves : « Tous les rêves sontréalisables si tu y mets du temps etdu travail », soutient l’enseignante.

UN PROJET LIÉ À LA RÉFORMEAu-delà de l’expérience vivante queChristine peut apporter à ses élèves,c’est surtout l’apport en connais-sances qui finit de convaincre GillesNadeau. Le directeur voit dans cetteentreprise hors du commun « l’oc-casion » pour les 74 élèves de lapetite école de Saint-Philémon « detravailler sur un projet qui est par-faitement lié à la réforme ».

Ainsi, de la mi-février à la fin dumois d’avril, le rêve de Christinedevient-il un vrai thème de travailpour tout l’établissement, de lamaternelle à la sixième année. Danschaque classe, l’enseignant va bâtirune partie de son étape à partird’un sujet rattaché au Rallye Aïchades Gazelles. Le but : fournir à l’en-seignante toute l’information impor-tante sur le Maroc avant son départet la lui présenter lors d’une grandeexposition à laquelle seront aussiinvités les parents de l’école.La classe de maternelle prend commethème d’exploration « la gazelle ».En équipe de deux, les enfantseffectuent des recherches sur l’ani-mal avant d’en confectionner unmodèle grandeur nature en pâte à papier qu’ils « nourrissent » avecdu gazon qu’ils ont eux-mêmesplanté. Ils composent et jouent éga-lement un spectacle de marionnettesautour du même thème et appro-fondissent leurs connaissances surle temps en suivant les différentesétapes de la course sur le calendrier.La classe des première et deuxièmeannées s’attache à décrire et à com-parer la faune animale au Maroc et au Québec. Les élèves font desrecherches dans Internet et dans leslivres et préparent une présentationde leurs travaux qu’ils feront lors dela grande exposition. Les troisièmeet quatrième années étudient lesaspects géographique, social etéconomique de ce pays du Maghreb :superficie, relief, population, reli-gion, etc. Les résultats de ces étudessont également présentés à lagrande exposition.Christine Chouinard choisit de fairetravailler ses élèves de cinquième etde sixième année sur le rallye lui-même : les équipages, les voitures,le désert et ses contraintes. Ellecommence par leur demander dese mettre en équipe de deux commeles participantes à la course. Elleleur explique que, pour bien colla-

borer, le mieux n’est pas forcémentde s’associer avec son meilleur amiou sa meilleure amie. « On n’est paslà pour s’amuser mais bien pourtravailler. C’est important parce quevous allez rester ensemble pendanttoute l’étape », les prévient-elle.Comme les gazelles durant le rallye,ils devront apprendre à gérer seulsleurs opinions divergentes et leursconflits. Qui choisir ne doit pas sefaire à la va-vite, car chaque élèvedevra, lors de l’exposition, expli-quer les raisons de son choix, lesforces et faiblesses de son équipe etpourquoi, ensemble, les deux parte-naires se complètent.

UN DÉFI MULTIDISCIPLINAIRELes équipes constituées, Christineutilise son projet pour abordertoutes les matières habituelles. L’ex-ploration du monde du désert, le terrain comme les peuples quil’habitent ainsi que ses us et cou-tumes lui permettent d’approfondirles connaissances des élèves en fran-çais, en sciences humaines et eninformatique. En sciences et tech-nologie, ils conçoivent des bolidesqui se déplacent grâce à de l’airproduit par des ballons gonflables.Puis, à la suite de la recherche surle désert, ils imaginent des véhiculespouvant se sortir sans difficulté despièges du Sahara. La palme del’invention reviendra au prototypeéquipé à l’avant de ciseaux pourcouper l’herbe à chameau! Lesspécialistes d’arts plastiques et demusique sont aussi sollicités avec laconfection d’une grande muralereprésentant des scènes de vie duMaroc, l’étude de la musique arabeet la production d’une chansonréalisée pour Christine. Le tout seraexposé aux parents avec les travauxdes autres classes avant le départ de l’enseignante. « En fait, c’est ça le but de la réforme », résumeChristine, « travailler et apprendre àtravers des projets très stimulantspour l’élève ».

Qressource rencontre un élèvedurant 30 minutes tous les joursdurant vingt semaines.Concrètement, pour arriver à mettresur pied notre programme d’in-tervention, nous avons réuni nosséances de rééducation, ce qui nousa amenées à environ 16 heures parcycle (cela dépend du nombre declasses de première année). Dansnotre école, l’intervention précocefait partie de nos convictions. De cefait, une partie du budget du plande réussite de l’école a été accor-dée à ce projet et nous a permisd’augmenter nos séances à environ 24 heures par cycle.À titre d’exemple, voici la forme quenotre projet a prise au cours del’année 2001-2002.Le projet Littératie est, à vrai dire,un moment où nous regrouponsdes élèves de première année ayantles mêmes besoins d’interventionen ce qui concerne la lecture tousles jours pendant 50 minutes, et ce,durant dix à douze semaines (auminimum). Ces élèves viennent destrois classes de première année.Deux enseignantes de premièreannée sont dégagées de leur tâchehabituelle pour superviser chacuneun groupe de 7 élèves (lecteur débu-tant aux difficultés importantes). Uneautre enseignante est responsabled’un groupe de 10 élèves (lecteursemi-fluide). Donc, durant l’annéedernière, 24 jeunes ont profité duprojet Littératie.Pourquoi faisons-nous appel auxenseignantes de première année et non à l’orthopédagogue? Toutd’abord, la tâche de cette dernière à notre école est complète. Puis,notre expertise en la matière nousporte à croire que nous sommesbien placées pour repérer les pro-blèmes et y apporter des solutions.De plus, compte tenu que le lienentre l’enseignante et l’élève est éta-bli, la dimension affective de celui-ciest préservée.

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Après trois mois de travail, le direc-teur Gilles Nadeau est fort satisfaitdes résultats. « En fait d’appren-tissage, les élèves ont travaillé lalecture, l’écriture, l’expression ettoutes les matières scolaires. Le tra-vail en équipe leur a permis dedévelopper la coopération. Et toutel’école a suivi Christine. » Pour l’en-seignante aussi, cette expérience depédagogie par projets a été trèspositive : « Cela a déclenché beau-coup d’intérêt de la part des élèves.Ils travaillaient sur quelque chosede très concret et de significatif.Cependant, c’est le travail sur lacoopération qui a donné le plus derésultats : « J’avais peur qu’aprèsune activité ils ne veuillent plusgarder les mêmes équipes, maiscela a très bien fonctionné. » Ap-prendre à se faire confiance et à se respecter est l’une des grandesleçons que l’enseignante tenait àleur transmettre et à partager avecles autres écoles qui le souhaitent,lors de conférences qu’elle orga-nise avec son amie Katia Delorme.L’équipe a fini 21e au classementgénéral. Un score qu’elle comptebien améliorer en 2004 lors d’uneseconde participation. De retour auQuébec avec le défi sportif enpoche, restait pour Christine lasuite de son défi éducatif, soit lerécit de son aventure aux élèves etles conclusions qu’ils en tireront. À l’annonce de sa 21e place, lesélèves la consolent alors en lui affir-mant que « l’objectif que l’on sedonne est plus important que lapremière place ». Un élève lui con-fie que son exemple l’a encouragé à« faire de son mieux, à foncer et à repousser ses limites » quand ilparticipe à une compétition spor-tive. Et le mot de la fin revient àl’une de ses élèves qui conclut quele fait de voir Christine réaliser sonrêve lui a donné confiance en elle-même. Le désert est un monde hos-tile où rien ne pousse, si ce n’est dela roche et du sable, dit-on. Vrai-ment? Les élèves de Saint-Philémonsont allés y cueillir des rêves et degrandes leçons.Mme Christine Simonnet-Barbergerest journaliste pigiste.

Quelle joie immense ressen-tons-nous, enseignantes depremière année, à entendre

les premiers balbutiements de lec-ture de nos élèves!Lire pour le plaisir, pour rêver; lirepour partager des moments de joie,de tristesse; lire pour dire ou pourse dire... pour confirmer, pour con-vaincre, pour rigoler. Lire, tout sim-plement.Faire découvrir aux élèves le plaisirde lire en leur offrant des condi-tions optimales et les aider à deve-nir des lecteurs et des scripteurscompétents tout en respectant lerythme de chacun sont nos plusgrands défis en première année. Lesmoyens d’accomplir notre missionsont multiples.Pour notre part, nous avons choiside donner la plus grande place à lalittérature jeunesse dans nos classes.Nous croyons que, pour susciterl’intérêt et conserver la motivationchez nos jeunes, il faut les mettre encontact avec de beaux textes.Nous voulons que nos enfantsdécouvrent de grands auteurs, deshistoires qui inspirent, des mots quifont vibrer, qui nourrissent... Noussommes heureuses quand nous ob-servons nos élèves qui discutent entreeux de personnages, d’intrigues,d’auteurs, d’actualité, d’émotionsressenties... Nos bibliothèques declasse sont bien garnies et les élèvespeuvent y emprunter des livres quo-tidiennement pour les apporter à lamaison.L’écriture est aussi au premier plan.Nous voulons développer le plaisird’écrire chez l’enfant et lui donnerle goût du risque. En laissant émer-ger les sujets qui le touchent, nousl’aidons à développer sa créativitéet répondons à son besoin de com-muniquer. Notre expérience nousconfirme que les élèves apprennentà lire plus rapidement en écrivant.Nous saisissons donc toutes les occa-sions pour les faire écrire.

Bref, nous essayons de fournir ànos élèves un cadre scolaire stimu-lant pour qu’ils s’épanouissent har-monieusement dans la « grandeaventure » de l’apprentissage de lalecture et de l’écriture. Malheureu-sement, apprendre à lire et à écriren’est pas toujours un jeu d’enfantpour tous nos apprenants.En effet, il faut reconnaître que cer-tains élèves ont un départ plus « laborieux » en ce qui concerne lalecture. Comment leur permettre devivre des réussites en ce domaine etd’améliorer leur propre perceptionen tant que lecteur?

NOTRE PROJETDepuis quelques années, notrepréoccupation relativement à cesapprentis lecteurs nous a amenéesà mettre en avant un projet poursoutenir ces élèves dont les besoinssont si grands.Ce projet aurait pu porter l’un desnoms suivants : « Bain de lecture »ou « Vivre la réussite » ou « Lectureintensive »... cependant, nous l’avonsplutôt appelé : « Littératie ». Le mot« littératie » est employé pourdéfinir l’habileté à lire et à écriredans le contexte qui ressemble leplus au milieu naturel de l’enfant.Que de questions nous nous sommesposées pour trouver une organisa-tion qui profiterait au plus grandnombre d’élèves, avoir plus de mi-nutes à leur consacrer dans lagrille-horaire et mener des actionsefficaces et appropriées. Nous étionsconscientes que le service de réédu-cation offert à nos élèves était nette-ment insuffisant (de trois à quatreheures par groupe de premièreannée sur un cycle de neuf jours).Nous avions une bonne idée dumodèle que nous voulions appliquer.Nous souhaitions nous rapprocherdu programme d’interventionReading Recovery élaboré parMarie Clay. Pour soutenir les élèvesen difficulté, celle-ci a conçu unprogramme où une personne-

LIRE ET ÉCRIRE... PAS TOUJOURS UN JEU D’ENFANTpar Jacinthe Fortin

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Le déroulement de la séance... Nousobservons chez tous ces élèves uneconscience phonologique limitée etune compréhension réduite desstratégies en matière de lecture. Parle fait même, les difficultés vécuespar les élèves entraînent chez ceux-ci une image négative d’eux-mêmesen tant que futurs lecteurs. Outre lefait de travailler les habiletés debase concernant la lecture, notrebut est d’amener ces élèves à vivredes réussites.Voici un bref aperçu du déroule-ment de cette rencontre. Tous lesjours, nous commençons la séanceen invitant les élèves à discuter surles habiletés attendues d’un lecteuret leur propre façon d’apprendre àlire. Nous répétons quotidiennementdes activités pour les amener à déve-lopper une bonne conscience pho-nologique (les élèves tracent leslettres dans le sel, jouent avec les lettres magnétiques, etc.) et àmaîtriser les stratégies de lecture.

À partir d’un message du jour écritpar l’enseignante, l’élève jongleavec les stratégies, les isole et lesmanipule jusqu’à ce qu’il devienneà l’aise avec elles. L’écriture est uneactivité importante dans l’apprentis-sage de la lecture. Nous savons quel’élève adore écrire s’il est mis dansdes situations authentiques (le plusprès possible de sa réalité). L’élèveapprofondit la lecture en compo-sant et en écrivant ses propres mes-sages.Nous l’encourageons à écrire avecses connaissances langagières (lettreset sons). Peu à peu, nous l’amenonsà approfondir sa connaissance dusystème orthographique et sesrègles de base.Les « petits » ont des merveilles ànous faire découvrir. Leur langageest simple, coloré, riche d’images.Notre philosophie : nous laisserpénétrer par ce qu’ils ont à nousdire et leur permettre d’écrire avecles mots du cœur.

les élèves ont développé suffisam-ment de compétences en matière delecture pour parcourir un courttexte de façon autonome.Pour leur part, les parents évaluentque le projet Littératie est commeun privilège et un cadeau que l’onoffre à leur enfant. Le bilan qu’ilsreçoivent à la fin des rencontresleur permet d’observer le chemine-ment de leur enfant et de le soutenirà la maison.Le projet pour soutenir ces enfantspeut prendre bien entendu desformes innombrables, mais celuique nous avons élaboré répondbien aux besoins de la populationvisée.Ainsi, en tant qu’enseignantes, nousvoyons ce projet comme un trem-plin vers la réussite.Mme Jacinthe Fortin est ensei-gnante de première année àl’école Saint-Pierre, de la Com-mission scolaire du Lac Saint-Jean.

Pour terminer l’exercice, rien demieux que de plonger dans un bonlivre. Individuellement, en équipeou collectivement, les élèves expéri-mentent la lecture avec de beauxtextes, des livres pour lecteursdébutants, les écrits des enfants,etc. Cette étape de la rencontre peutprendre différentes formes.

LES CONSÉQUENCESLes élèves réintègrent leur classe aufur et à mesure que la lecture secristallise. Ils y retournent avecbeaucoup de fierté et le cœur enfête. Ces jeunes vivent maintenantdes réussites en ce qui a trait à lalecture et leurs progrès sont pal-pables et mesurables.Nous expérimentons ce projetdepuis deux ans et les résultats sontconcluants. L’élève prend beaucoupd’assurance concernant la lectureet la perception qu’il a de lui en tantque lecteur est grandement amélio-rée. Le projet prend fin lorsque tous

IDE L’ÉNERGIE, DE LA CRÉATIVITÉ : UNE BIBLIOTHÈQUE FAIT PEAU NEUVEpar Chantal Guérin et Michel Clément

I maginez une école dans unpetit village de Charlevoix.Imaginez une radio scolaire

que l’on peut entendre quotidien-nement dans les environs commeun phare de la vie scolaire. Le sujet,en cet après-midi de printemps, estune critique littéraire sur des bandesdessinées faite par des élèves de lafin du troisième cycle. Pour nous, la visite s’annonce sous le sceau dudynamisme…L’école Laure-Gaudreault est uneécole primaire de la Commissionscolaire de Charlevoix accueillant desélèves des trois cycles du primaire.Nous avons rencontré sa direction,ses enseignantes et ses élèves. Ilsavaient une séduisante histoire ànous raconter…

ET SI ON SE PRENAIT EN MAINEn septembre, des élèves du troi-sième cycle se rendent à la biblio-

thèque pour emprunter des volumes.Ils se faufilent entre les rayons pourparler et se bousculer, pendant qued’autres se disputent les livresneufs. Après plusieurs avertisse-ments, Mme Claudette Savard, ensei-gnante, discute avec eux afin decomprendre leur comportement.Certains élèves répondent qu’ilsagissent ainsi « pour rien », maisquelques-uns finissent par dire quela bibliothèque est « plate et laite ».L’enseignante, affectueusement nom-mée par les élèves « Mme Claudette »,leur propose alors de créer unprojet de réaménagement de leurbibliothèque. « J’ai toujours faitavec mes élèves des projets dethéâtre et je me disais qu’il seraitintéressant de vivre un nouveauprojet cette année. Les élèves m’onttout naturellement ouvert les portes»,précise-t-elle.

Le projet de réaménagement de labibliothèque avait pour objet,affirme l’enseignante, d’améliorerle milieu de vie des élèves tout enles incitant sans aucun doute à lirepar goût et par plaisir. Mme Savardprécise que ce moyen allait aussi luipermettre d’exploiter les forces dece groupe qui manifestait de façonévidente une réelle autonomie. Et,ce qui lui faciliterait la tâche, elleavait constaté que les talents de sesélèves étaient fort diversifiés : « Cer-tains élèves aimaient dessiner,d’autres s’exprimaient avec aisanceet d’autres encore manifestaient destalents en informatique. » Lorsqu’onsonge plus particulièrement à laréforme de l’école québécoise, cetype de projet ne pouvait mieuxtomber. Le développement de sescompétences étant pour l’élèvel’objet d’une mobilisation de sesressources internes et externes, le

réaménagement de la bibliothèquepouvait devenir un terrain signifiantd’apprentissages diversifiés et quigarderait toujours un sens très con-cret pour lui.C’est ainsi que les élèves de Mme Savard se sont engagés avec

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CLAUDETTE JEAN ET CLAUDETTE SAVARD

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enthousiasme dans ce projet dès ledébut de l’année.

L’AVENTURE SE BÂTITAU JOUR LE JOUR…OCTOBRE : Les élèves élaborent leprojet d’aménagement de façonplus précise, discutent de leurs idéesen vue d’établir un consensus, rédi-gent une lettre présentant le projetet le soumettent à Mme ClaudetteJean, directrice de l’école. « Lors-qu’on m’a présenté ce projet, je l’aiaccepté immédiatement puisque lesélèves allaient être ainsi à l’originemême d’un mieux-être à l’école. Cetapport est précieux et importantpour une école », affirme-t-elle.Après avoir obtenu l’approbation dela directrice, l’enseignante rencontreMme Stéphanie Lavoie, bibliotechni-cienne de la Commission scolaireaffectée ponctuellement à l’école.Celle-ci accepte avec grand plaisirde participer au projet.Un temps fort de planification com-mence alors : l’enseignante imagineun certain nombre de compétencesdisciplinaires et transversales sus-ceptibles d’être mises à contribu-tion et structure une démarchesouple.NOVEMBRE : Afin de se donner desidées d’aménagement, les élèvesvisitent quatre bibliothèques de larégion : la bibliothèque municipalede Clermont, la bibliothèque muni-cipale de La Malbaie, la bibliothèquemunicipale et scolaire de Saint-Fidèle ainsi que la bibliothèquemunicipale et scolaire de Saint-Aimé-des-Lacs.Des idées plein la tête, les élèvescommencent par discuter des carac-téristiques particulières aux quatrebibliothèques visitées. Dans un con-texte d’approche coopérative, chaqueéquipe établit les points qu’elle atrouvés les plus intéressants et lespartage avec les membres desautres équipes.Et le travail concret commence.En vue de comparer l’avant-projetet l’après-projet, des photos de labibliothèque sont prises. Et voici nosjeunes architectes-mathématiciensà l’œuvre… Des mesures précisesdu local à aménager sont établies et

sept hypothèses de plans à l’échellesont dessinées par des groupesd’élèves avant de faire l’objet dediscussions. Après cette étape dedélibération, les idées les plusintéressantes sont retenues et unplan définitif est élaboré. C’est alorsque deux élèves de la classe sontmandatés pour présenter et expli-quer le plan à la directrice, en vued’obtenir son assentiment.Le but est atteint, le projet peut allerde l’avant; les apprentissages sonten cours, l’enseignante observe,régule, fait prendre conscience…DÉCEMBRE : Voici venue l’étape dutraitement technique de la docu-mentation. Deux heures par jour, etce, deux fois par semaine, la biblio-technicienne accompagne les élèvesdans le traitement des livres. Tout letravail d’étiquetage est effectué enutilisant l’ordinateur. À la fin dedécembre, l’étiquetage des fiches,le remplacement des pochettes deprêt et le classement des volumess’effectuent, ce qui nécessitera lafermeture de la bibliothèque durantquelques jours.JANVIER : Les équipes de réflexion semettent encore une fois à l’œuvre :il s’agit cette fois de déterminer lesrègles d’utilisation de la nouvellebibliothèque. Par la suite, en équipede deux ou trois, les élèves de Mme Savard font la tournée desclasses pour informer les autresélèves de leur projet et communi-quer les nouvelles directives con-cernant le fonctionnement de labibliothèque. Ils en profitent pourannoncer la date de l’inaugurationofficielle : le 21 mars.FÉVRIER : Une lettre collective estécrite et expédiée à M. Jean Lapointe,directeur des finances de la Com-mission scolaire, et à Mme Jean,directrice de l’école, dans le butd’obtenir un budget pour :• peindre les étagères et les fenêtres

intérieures;• acheter des présentoirs pour le

rangement des bandes dessinées;• décorer le coin lecture, acheter

des affiches; etc.Des réponses positives suivent cettedemande : la Commission scolairemandate des employés pour peindre

et transformer les rayonnages de labibliothèque. La direction de l’école,quant à elle, accorde le budgetnécessaire pour l’achat de présen-toirs supplémentaires et pour ladécoration.Le succès de cette opération est inti-mement lié au travail que les élèvesont accompli dans leur maîtrise dela langue française, fait remarquerl’enseignante, Mme Savard. Dévelop-per une argumentation solide, bienl’exprimer en respectant les règlesde fonctionnement de la langue etétablir clairement ses besoins sontautant d’éléments essentiels auxquelsil faut prêter attention. Elle préciseque l’écriture de la lettre et l’analysede la réponse obtenue ont consti-tué des contextes d’enseignement-apprentissage très riches pourdévelopper des compétences enécriture.MARS : Signe de leur engagementtotal dans le projet, c’est durant lasemaine de relâche que les élèvesprocèdent au nettoyage, à l’amé-nagement physique ainsi qu’à ladécoration du local. En équipe, ilsse relaient afin que la bibliothèquesoit prête pour l’inauguration offi-cielle prévue le 21 mars.Au cours des jours qui suivent, laruche bourdonne d’activités :• une équipe prépare les cartes

d’invitation pour le « quatre à six »d’inauguration : M. Girard, com-missaire représentant l’école, desmembres du conseil d’établis-sement, dont la présidente, desparents, des enseignants et, bienentendu, les élèves seront de lafête. La coopération est de mise;

• une rencontre de planification del’événement est organisée; on dis-tribue les tâches que chacun d’euxdevra accomplir lors de cettesoirée;

• une équipe s’occupe des entrevuespour la télévision communautaireVents et marées (TVCVM); unevidéo intitulée Une classe amé-nage la bibliothèque de sonécole a d’ailleurs été produite surce projet;

• une équipe planifie le buffet;• une équipe prépare l’horaire ainsi

que le mandat de chacun pour la

visite des élèves des autres classesqui se déroulera le 21 mars;

• une équipe fabrique des signetsqui seront remis aux élèves del’école et aux invités de la soirée.

Et le 21 mars, comme cela étaitprévu, l’inauguration a lieu : la nou-velle bibliothèque naît, au bénéficede tous les élèves de l’école Laure-Gaudreault, qui voient ainsi leurcoffre à outils pédagogiques et cul-turels prendre une valeur accrue.Au cours des mois d’avril, de mai etde juin, les élèves qui ont lancé leprojet se sont penchés avec leurenseignante sur l’évaluation detoutes les étapes du projet qu’ilsvenaient de vivre, outre qu’ils ontassuré l’entretien hebdomadaire dela bibliothèque.

LE BILAN DU CHEMINPARCOURULors de l’étape de rétroaction, il estressorti clairement pour tous lesacteurs qu’ils n’auraient aucunehésitation à reprendre l’expériencemalgré tout le travail qu’ils avaientdû accomplir ou peut-être à causede celui-ci. Avoir une idée créatriceet porteuse de sens, transformercette idée en projet, chercher l’in-formation disponible sur le sujet,l’analyser, la critiquer, organiser le travail pour qu’il soit efficace,coopérer avec les autres en profi-tant de leurs divers talents pour

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PÉDAGOGIQUE55

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enrichir le projet, utiliser de façonefficace tous les outils de la com-munication afin que tous répondentpositivement au projet, n’est-ce pas làmettre en action toutes les compé-tences transversales du Programmede formation de l’école québé-coise?Apprendre à gérer un projet demieux-être collectif, le réaliser dansle contexte de la démocratie d’uneclasse et d’une école, utiliser lesmédias comme outil de diffusion del’information, n’est-ce pas incarnerson action au cœur des grandsdomaines généraux de formation?Maîtriser la langue en lisant, enécrivant et en discutant, résoudrecertaines situations-problèmes, ex-plorer divers outils technologiquespossibles, analyser des stratégiesefficaces, créer de toutes pièces unenvironnement désirable et fonc-tionnel, prendre position en établis-sant des règles de fonctionnement

social dans une bibliothèque notam-ment, n’est-ce pas se situer au cœurdes divers domaines de formation?Travailler à l’amélioration de la bi-bliothèque comme ressource essen-tielle sur les plans pédagogique etculturel, n’est-ce pas aussi parti-ciper au rehaussement culturelsouhaité par le Programme de for-mation?Tous ces aspects du Programme ontété à un moment ou l’autre mis enaction par l’équipe-école et lesélèves de l’école Laure-Gaudreault.

LES LENDEMAINS…Au-delà de tout, l’expérience humainevécue par ces jeunes qui terminentleur troisième cycle du primairedemeure fondamentale.La relève? Oui, elle a été prévue. Les élèves de première année dutroisième cycle assureront le suivide la bibliothèque pour l’année2003-2004.

Bien sûr, certains des élèves con-cepteurs du projet désirent que labibliothèque soit maintenue tellequelle. C’est d’ailleurs avec nostal-gie qu’une jeune fille mentionnececi : « On laisse une partie denous-mêmes. » Leur fébrilité àl’idée de laisser quelqu’un d’autreprendre la relève est presque pal-pable.D’autres arrivent tout de même àdire : « On l’a fait pour les autresaussi! »Le plus important demeure cepen-dant ce que les élèves ont vécu duranttout le processus, et la grande fiertéqui les habite.

LA FIERTÉ DANS LES YEUXFierté dans les yeux et les parolesdes élèves : « On a beaucoup donnéde notre temps pour réaliser ceprojet. Sans le travail d’équipe, onn’y serait jamais arrivé », dit l’un. « J’ai un peu plus le goût de liremaintenant », ajoute l’autre.

Fierté et satisfaction dans les yeuxde l’enseignante : « Le groupe a ététransformé de façon majeure entrele début et la fin de l’année, grâce àce projet. » Elle avoue s’être enri-chie énormément en voyant que sesélèves pouvaient aller beaucoupau-delà de ses propres attentes.Fierté enfin de la directrice : « Lesélèves ont goûté au pouvoir de chan-gement qu’ils peuvent opérer. Ils neseront jamais plus les mêmes. »Le mot de la fin revient à une élèvede cette classe. Julie exprime dufond du cœur son impression : « Endonnant de la vie à la bibliothèque,on s’est donné de la vie à nous. »Mme Chantal Guérin est char-gée du Service des ressourcesdocumentaires à la Directiondes ressources didactiques et M. Michel Clément est spécia-liste en sciences de l’éducationà la Direction générale de laformation des jeunes du minis-tère de l’Éducation.

DImpressions

D epuis vingt-cinq ans déjàque je visite les enfantsdans leur milieu d’appren-

tissage, j’ai constaté l’évolution quis’est produite à tous les maillons dela chaîne de l’enseignement et plusparticulièrement en ce qui a trait àla connaissance toujours croissante,parfois impressionnante, que mani-festent les jeunes. Malgré tout, lesenfants demeurent pour moi desindividus en quête d’apprentissageset de réalisations, une source iné-puisable pour un faiseur d’images.La même passion m’habite tou-jours, avec en plus, l’expérience qui me permet aujourd’hui d’avoirune meilleure approche de travail,que je définirai en ces quelquespoints :

REGARDS D’UN PHOTOGRAPHEpar Denis Garon

me guider vers les meilleurs clichés.Il ne me reste que l’instant d’antici-pation et le moment du déclic pourparvenir à une photo spontanée etnaturelle. Un geste qui ne dure, engénéral, qu’un cent vingt-cinquièmede seconde, mais qui aura exigé,dans les faits, plusieurs heures depréparation.Je me souviens d’avoir lu un jourcette petite pensée : « La valeur del’expérience tient moins à la qualitédes choses qu’on a vues qu’à lasagesse du regard qu’on a porté surelles. » Le jour où je deviendraisage, je me sentirai redevable engrande partie à ces jeunes que j’au-rai côtoyés durant toutes ces années.M. Denis Garon est photographeà la revue Vie pédagogique.

d’établir une complicité sans dis-crimination. Je dois reconnaîtreet respecter le malaise de l’in-dividu qui ne veut pas se fairephotographier mais qui veut par-ticiper à l’événement. Il faut aussiréussir à faire la différence entrele « oui non » et le « non oui »,phénomène marqué chez les ado-lescents.

• La discrétion : Je dois me trans-former en caméléon pour pou-voir m’intégrer à leurs activités,travailler avec réserve et fairepreuve d’assurance mais sansjamais m’imposer.

Aussitôt que je ressens l’acceptationet la complicité, c’est là que vrai-ment mon travail commence. L’ob-servation et la concentration vont

• L’apprivoisement : Cette étape con-siste à préparer mon matériel pho-tographique, sous leurs yeux, enles regardant occasionnellementafin de pouvoir juger du degréd’acceptation et de répondre auxquestions de ceux chez qui je sus-cite un certain intérêt. Une fois lematériel prêt, je me promènedans la classe afin qu’ils oublientl’intrus que je suis et pour établiravec eux une communication nonverbale.

• Le langage visuel : Celui-ci me per-met de pouvoir leur démontrertoute l’importance qu’ils ont àmes yeux, de constater le niveaud’énergie du groupe, la sponta-néité chez certains ou encore laconcentration chez d’autres et

vus etentendus

lus,LAFORTUNE, LOUISE ET

BERNARD MASSÉ, AVEC

LA COLLABORATION DE

SERGE LAFORTUNE. CHÈRES MATHÉMATIQUES.SUSCITER L’EXPRESSION DES

ÉMOTIONS EN MATHÉMATIQUES,PRESSES DE L’UNIVERSITÉ DU

QUÉBEC, 2002 (COLLECTION

ÉDUCATION INTERVENTION).Qui n’a pas entendu parler du stresslié aux mathématiques? Qui ne con-naît pas quelqu’un pour qui lesmaths représentent un enfer? Adulteou enfant, les maths ne laissent pasindifférent. Parler des émotions enmathématiques, c’est vouloir lesrendre plus humaines, les démo-cratiser, les dépouiller d’une aurainaccessible au commun des mor-tels. Le livre de Lafortune et Masséarrive à point au moment où, dansl’histoire de l’éducation, on com-prend que les émotions jouent unrôle de premier plan dans toutapprentissage. Même si les mathé-matiques sont omniprésentes dansnos sociétés, même si, avec l’avancéede la technologie, elles occupentune place prépondérante dans nosvies, nous ne pouvons nier queplusieurs problèmes sont associésau manque d’intérêt pour les maths :des gens qui sont surendettés,d’autres qui s’adonnent aux jeux dehasard en y perdant énormémentou encore des consommateurs qui,par manque de calcul, se font rou-ler. On pourrait également souli-gner la pénurie d’enseignants demathématiques et de sciences àlaquelle on fait face actuellement.Ce livre apporte donc un éclairagefort utile, non pas pour faire de nosélèves des passionnés des mathé-matiques, mais au moins pour lesamener à ne pas les éviter et peut-être à relativiser les difficultés qu’ilséprouvent.L’ouvrage s’intéresse à la personnedans l’univers des mathématiques.

lus, vus et entendus

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Il s’adresse aux enseignants quiveulent aider leurs élèves à prendreconscience de leurs émotions àl’égard de la discipline. Chacun deschapitres traite d’un aspect parti-culier : la bosse des maths ou letalent qu’on croit inné, les efforts, la peur, l’indifférence, la haine oul’amour des maths, les malaisesphysiques, l’utilité des maths et lapoésie qui peut y être liée. Lesauteurs proposent divers scénariosmettant en vedette des élèves quivivent toutes sortes de situations oùles maths sont mises à contribu-tion. On présente des jeunes qui sequestionnent, réfléchissent, font desliens avec d’autres domaines del’activité humaine et qui apprennentégalement à nuancer leur jugementet à éventuellement changer leurperception. Un autre aspect intéres-sant de cet ouvrage est qu’il fournitdes outils d’autoévaluation aux élèvesqui peuvent les aider à comprendreleurs attitudes et leurs émotions. Ony suggère aussi plusieurs exemplesde discussions à mener en classe. Il s’agit donc d’un livre de référenceintéressant, à utiliser au besoin etqui veut permettre aux jeunes decheminer vers un mieux-être dansun domaine qui est bien utile dansla vie de tous les jours, de mêmeque dans bon nombre d’emplois.Apprivoiser les mathématiques, c’estcomme apprivoiser toute chose :avoir une attitude positive, recon-naître ce qui crée des blocages, sepermettre d’exprimer ses émotions,échanger avec d’autres et utiliser sapetite voix intérieure de façon posi-tive pour arriver à effectuer unchangement. C’est un livre qui rap-proche le cœur et la tête et qui peutmême servir dans d’autres disci-plines, lorsque des difficultés del’ordre affectif se manifestent dansl’apprentissage.Carole Morelli

ROSENBERG, MARSHALL B.. LES MOTS SONT DES FENÊTRES

(OU DES MURS). INTRODUCTION

À LA COMMUNICATION NON

VIOLENTE, ÉDITIONS JOUVENCE, 1999, 235 P.Disciple de Rogers, l’auteur décritdans cet ouvrage un processus de communication qui permet derésoudre les différends de façonpacifique.Dans un monde où la violence ver-bale et la violence physique sonttrop souvent des réponses à desconflits exprimés, ce livre constitueun outil pour les enseignants et lesenseignantes, ainsi que pour tousles acteurs de la communauté édu-cative qu’est l’école. C’est une res-source pour trouver des solutionsaux conflits suscités par la vie ensociété.Que ce soit lors d’une interventionen situation de crise ou dans uncontexte plus préventif, l’ouvrage deRosenberg propose des pistes con-crètes. Chacun des principes de lacommunication non violente estd’abord expliqué et résumé, pourensuite être illustré dans la pra-tique, à travers le compte rendud’une interaction réelle entre desparticipants et un animateur, deuxamis, un père et son fils, un mari etsa femme ou même entre collègues,par exemple.Le quatrième chapitre, « Identifieret exprimer les sentiments », pour-rait être un point de départ inté-ressant pour bâtir des pratiquesinterdisciplinaires, tant en françaisqu’en enseignement moral. L’auteury présente des outils pour dévelop-per un vocabulaire affectif.Cet ouvrage propose également desexercices qui permettent de s’exercerindividuellement à la communica-tion non violente (CNV). Toutefois,bien que le livre soit distribué auQuébec, la liste de références nepermet pas de trouver un centrepour y pratiquer la CNV en groupe.

Toutefois au Québec, il est possibede joindre des groupes en contac-tant le projet Cultivons la paix :(514) 271-9198.Camille Marchand

CHOUINARD, CAMIL. 1 300PIÈGES DU FRANÇAIS PARLÉ ET ÉCRIT,ÉDITIONS LA PRESSE, 316 P.Dans la catégorie « livre-outil », cerecueil des pièges à éviter remplitbien son rôle.Facile à consulter, cet ouvrage écritpar un journaliste québécois estadapté à nos besoins et traitel’essentiel des erreurs communesqui sont commises par nos élèves.Le recueil de Camil Chouinard estune ressource pour les enseignantset les enseignantes de toutes les dis-ciplines pour corriger les erreursles plus usuelles et faciles à éviteren intervenant de façon continue etcohérente. À la lecture agréable dece petit guide, le lecteur prendraconscience de la présence perni-cieuse des anglicismes dans notre « parler »; il pourra aussi découvrirla prononciation exacte de certainsmots parfois malmenés phonéti-quement.Ce livre ne s’adresse donc pas qu’auxspécialistes de la langue. Il offreune synthèse de plusieurs ouvragesde référence et épargnera certai-nement beaucoup de travail derecherche à tous les écrivains enherbe et les autres…Des découvertes, tout en s’amusant,sont au menu, car la lecture de cetouvrage est plaisante et l’expériencede communicateur de l’auteur trans-paraît rapidement dans son styleclair et concis.Seul bémol : les entrées fautivessont en italiques, et il est nécessairede bien lire l’avis préalable poursaisir cette nuance typographiquelorsque le livre est utilisé commeouvrage de référence.Camille Marchand

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UNE ILLUSTRATION DE SONDÉVELOPPEMENT CONTINUNe sommes-nous pas tous amenés àdévelopper, tout au long de notreexistence, la compétence à com-muniquer de façon appropriée?En effet, subordonnée à la facultéde penser propre aux êtres humains,elle serait le moyen dont nous dis-posons pour en manifester concrè-tement l’exercice et l’existence.Certes, les premières années sontcelles de l’apprentissage des habi-letés de base, mais rapidement, lesouci d’exprimer, de dire, de sefaire entendre… nous confronteaux limites de cette compétence et àl’importance de toujours la faireévoluer.Aux différents stades de la vie, leslangages se développent et se raf-finent selon les besoins et les situa-tions : le bébé qui communique parses pleurs, ses cris ou ses sourires,l’enfant dont le corps s’exprimeinstantanément à travers la somati-sation et l’adolescent pour qui lecode vestimentaire est un langageessentiel à la construction de sonidentité.Ces exemples sommaires démontrentnon seulement l’ampleur de cettecompétence, qui dépasse l’aspectstrictement linguistique, mais aussison évolution constante en parallèlede la structuration de l’identité de lapersonne.Nous avons voulu, dans le siteInternet de Vie pédagogique, illus-trer la compétence à communiquerà différents stades de son dévelop-pement.En premier lieu, vous pourrez ap-précier comment se manifeste cetteaptitude chez l’enfant, dès le pré-scolaire.Par la suite, le jeune élève du pri-maire découvre les possibilités quelui offrent les langages pour com-muniquer; plus tard, l’adolescent

prendra vraiment conscience de laforce du langage pour s’affirmer etstructurer son identité.L’évolution de la compétence tellequ’elle est décrite dans le Programmede formation de l’école québécoisepermet de bien cerner les indicesqui en marquent la progression.Les cinq vidéoclips que vous pouveztélécharger à partir du site Internet

en donnent une illustration partielle.Ils vous permettent d’apprécier lesdimensions verbales et non verbalesde la communication et exposentles moyens que les différents locu-teurs ont développés pour réussir à faire passer le message qu’ilsveulent nous transmettre, soit pardes mots, des images, une ponctua-tion de l’œil ou un dessin de la main.

Pour sélectionner les communica-teurs que vous observerez dans cesvidéoclips, nous nous sommes lais-sé guider par la représentation quenous nous faisions d’un « bon com-municateur » à un âge donné.À votre tour d’apprécier leurs qua-lités.Camille Marchand

LA COMPÉTENCE À COMMUNIQUER DE FAÇON APPROPRIÉE

UN ENVIRONNEMENT CULTUREL POUR L’ÉDUCATIONEntrevue avec M. Roland ArpinPropos recueillis par Arthur Marsolais

M. Arpin nous livre ici ses réflexionssur la place de la culture dans l’évo-lution des transformations du sys-tème d’éducation au Québec depuisquelques décennies.Cette entrevue campe concrètementles conditions qui facilitent l’émer-gence d’une école où la culture estancrée dans les pratiques.Pour ce faire, M. Arpin définitquatre niveaux d’intervention : unpremier, très concret et plus maté-

riel. Le deuxième, relationnel, s’ins-crit dans le respect que les jeunesportent à leurs éducateurs et letroisième, dans la même foulée,concerne la cohérence dans lesinterventions sur le plan des valeurs.Enfin, le dernier niveau concerne leprojet collectif dans lequel s’inscritl’école.M. Arpin nous entretient égalementde l’accent neuf mis sur L’ÉDUCATION

À LA CITOYENNETÉ dans le nouveaucurriculum.

L’entrevue apporte en outre desprécisions sur la mission culturellede l’école, réflexion à laquelle M. Arpin a beaucoup collaboré àtravers les différentes fonctions qu’ila occupées.Ce dernier illustre de faits etd’exemples une pensée qui s’appa-rente aux grands enjeux soulevéspar la mise en place de la réformeactuelle du curriculum, entre autresl’interdisciplinarité et les domainesde connaissance.

SITE INTERNETLes caractères en majuscules réfèrent aux titres et sous-titres des textes déposés dans le site.

L’ENTRÉE DANS LE MONDE DE L’ÉCRIT : UNE QUESTION D’ÉQUILIBRE,UNE APPROCHE PROMETTEUSE.par Anne Longpré et Pierre Achim

Dur apprentissage que celui del’écrit pour beaucoup de nosélèves. Il est également un indiceimportant de réussite scolaire.L’école Dansereau-St-Martin, de laCommission scolaire de la Rivière-du-Nord, poursuit une démarchevisant à faire de l’expérience del’apprentissage de l’écrit un événe-ment positif et motivant pour l’élève.Les auteurs de l’article nous fontd’abord le PORTRAIT DU MILIEU, puisnous présentent DEUX ENSEIGNANTES EN

DÉMARCHE, Nathalie et Marie-Josée.

On propose la PLANIFICATION D’UNE

SEMAINE sous la forme d’un tableaufacile à consulter. On fait égalementpart des RÉSULTATS obtenus par lesélèves que les enseignantes ont puconstater.On présente ensuite les orientationsqui ont guidé le plan d’intervention.Deux principes sont énoncés et sedéploient en QUATRE FORMULES qui sontmises en œuvre avec les élèves :1. LA LECTURE EXPRESSIVE ANIMÉE

2. LA LECTURE ACCOMPAGNÉE ET PARTAGÉE

3. LA LECTURE AUTONOME GUIDÉE

4. LA LECTURE AUTONOME LIBRE

Les auteurs ont réussi un beau tourdu jardin sur cette question et vontmême jusqu’à proposer quelquespistes concernant le choix de textes.C’est là un témoignage qui naviguebien entre la théorie et la pratiqueet illustre, avec brio, l’apport duretour réflexif pour améliorer lesinterventions auprès des jeunes.

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histoire de rireChers lecteurs et lectrices, cette rubrique vous est ouverte. Ne soyez pas égoïstes, faites-nous partager les « bons » mots de vos élèves ou les faits cocasses,absurdes même, dont vous êtes les témoins dans vos classes ou dans l’école. Adressez vos envois à : Vie pédagogique, Ministère de l’Éducation, 600, rue Fullum,10e étage, Montréal (Québec) H2K 4L1. Les élèves de M. Stéphane Lauzon, du Collège Marie-Clarac, ont réalisé les illustrations ci-dessous durant lestage de Mme Cathy Marchessault, étudiante en enseignement des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal.

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À quel titre travaillez-vous en éducation ou vous intéressez-vous à ce domaine?• administrateur scolaire 13• commissaire d’école 14• directeur d’école ou directeur adjoint 15• enseignant 16• étudiant 17• personnel du ministère de l’Éducation 18• professionnel non enseignant 19• parent 20• autre 65

« Regarde papa, il y a des fantômes qui s’envolent de ton café. »

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« Qu’est-ce qu’un oiseau migrateur? C’est celui qui ne peut se gratter que lamoitié du dos. »

Gene

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