NUMÉRO SPECIAL CAS CLINIQUES - capm.macapm.ma/uploads/documents/39.pdf · Toxicologie Maroc - N°...

16
Maroc N° 26- 3 ème trimestre 2015 Publication officielle du Centre Anti Poison du Maroc Ministère de la santé NUMÉRO SPECIAL CAS CLINIQUES

Transcript of NUMÉRO SPECIAL CAS CLINIQUES - capm.macapm.ma/uploads/documents/39.pdf · Toxicologie Maroc - N°...

MarocN° 26- 3ème trimestre 2015 Publication officielle du Centre Anti Poison du MarocMinistère de la santé

NUMÉRO SPECIALCAS CLINIQUES

2 - Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015

Edito

Directrice de PublicationPr Rachida Soulaymani Bencheikh

COMITÉ DE RÉDACTION

Rédactrice en Chef

Dr Naima Rhalem

Secrétaire de rédaction Mme Rachida Aghandous

Rapports et alertes du CAPMDr Hanane Chaoui

Comité de lecturePr Sanae Achour

Mme Rachida Aghandous Dr Hanane Chaoui Dr Asmae Khattabi

Pr Bruno MegarbanePr Abdelghani Mokhtari

Mr Lahcen Ouammi Dr Naima Rhalem

Pr Rachida Soulaymani Bencheikh Pr Abdelmajid Soulaymani

Responsable diffusion Mme Hind Jerhalef

EDITION

Directrice de l’Edition Dr Siham Benchekroun

Directeur artistiqueChafik Aaziz

Société d’EditionSociété Empreintes EditionRés. Alia, 8, rue Essanaani.

Appt 4. Bourgogne. [email protected]

IMPRESSIONImprimerie Maarif El Jadida. Rabat

Dossier de presse : 14 /2009ISSN : 2028-4152

Dépôt légal : 2009 PE 0052

Tous les numéros sont disponibles sur le site : www.capm.ma

Partageons le savoir :bienvenue à tous les auteurs

toxicologues et autres scientifiques

La revue Toxicologie Maroc a permis de véhiculer les concepts, outils et méthodes utilisés par le Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM) dans le domaine de Toxicovigilance. Publiée trimestriellement, Toxicologie Maroc traite tous les aspects de la toxicologie aussi bien clinique, qu’analytique, médico-judiciaire, envi-ronnemental, santé au travail, dopage, addiction .. Aujourd’hui, elle s’ouvre à tous ceux qui travaillent dans le domaine du risque toxique et de toxicovigilance afin qu’ils puissent trouver un point d’achoppement pour publier leurs travaux, confronter leurs expériences, informer la communauté scientifique des avancées toxicologiques, faire connaitre les données marocaines et évaluer l’efficience des programmes de santé dans ce domaine. Toxicologie Maroc accueillera désormais dans ses pages tous les auteurs, toxicologues et autres scientifiques, qui désirent faire connaitre le fruit de leurs recherches, contribuer à l’information scientifique et participer à la formation des jeunes. Vous trouverez dans ce numéro les Recommandations aux Auteurs dé-sireux de soumettre leurs publications. Un comité de lecture composé de spécialistes nationaux et internationaux jugera de la pertinence des articles soumis.Ce numéro initie notre ouverture aux auteurs exterieurs au CAPM en pu-bliant des cas cliniques traitant de problèmes particuliers en toxicologie, qu’ils soient répertoriés par le CAPM ou par d’autres institutions.

Nous vous espérons nombreux, aussi bien en tant que lecteurs qu’en tant qu’auteurs et souhaitons une longue vie à Toxicologie Maroc.

Pr Rachida Soulaymani-BencheikhDirectrice de Publication

Appelez, nous écoutonsNotifiez, nous agissons

N° éco : 0801 000 180Tel d’urgence : 05 37 68 64 64

Rue Lamfedel Cherkaoui , Madinate Al Irfane, BP: 6671, Rabat 10100, Maroc.

Standard : 05 37 77 71 69/ 05 37 77 71 67 Fax : 05 37 77 71 79 - www.capm.ma

Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015 - 3

Cas Cliniques

Introduction

L’intoxication par le paracétamol repré-sente la première cause d’intoxication médicamenteuse volontaire au Royaume Uni et d’insuffisance hépatique aiguë aux USA [1-4]. Au Maroc, selon les données du Centre Antipoison et de Pharmaco-vigilance du Maroc (CAPM), l’intoxication par le paracétamol représente 3,2% des intoxications médicamenteuses [5].Le paracétamol est un toxique lésionnel avec peu ou pas de symptômes à la phase initiale d’intoxication. La prédiction de la survenue d’atteinte hépatique pour l’instauration précoce du traitement antidotique : la N-acétyl-cystéine (NAC) est primordiale en cas d’intoxication. Parmi les éléments de cette prédiction figure la paracétamolémie [6].Nous rapportons deux cas cliniques d’intoxication au paracétamol ayant bénéficiés de dosage plasmatique du paracétamol au laboratoire du CAPM (CAPM-LAB) pour montrer l’intérêt de la paracétamolémie dans la prise en charge de ces intoxications.

Cas cliniques

CAS CLINIQUE 1

Un enfant de deux ans, pesant 10 kg a été admis aux urgences de l’Hôpital d’Enfants de Rabat à 11h00 pour une somnolence et des douleurs abdominales.

A l’interrogatoire, la maman a révélé la prise accidentelle par l’enfant à 9h00 de 30 comprimés de paracétamol dosés à 750 mg et donc une dose supposée ingérée de 2250 mg/kg.

Il s’agit d’une présentation contenant du paracétamol, ramenée par un membre de la famille des USA. L’enfant a été attiré par la couleur et le goût des comprimés.

A l’examen clinique, l’enfant présentait une somnolence et une sensibilité abdominale diffuse. Il était apyrétique, stable sur le plan hémodynamique et respiratoire, avec absence de signes méningés. Les bilans hépatique et rénal et la glycémie étaient sans anomalie.

Le traitement par la NAC par voie orale a été initié en raison de 140 mg/kg en dose de charge et 70 mg/kg/4h

pendant 72 heures en dose d’entretien. Un prélèvement sanguin a été réalisé à la 4ème heure post-ingestion pour doser le paracétamol au laboratoire du CAPM.

La paracétamolémie était de 259,3 mg/l au-dessus de la ligne du traitement au niveau du nomogramme de Rumack-Matthew (Figure1).

Le traitement par la NAC a été maintenu avec une bonne évolution clinique et biologique de l’enfant.

APPORT DE LA PARACÉTAMOLÉMIE DANS LA PRISE EN CHARGE DES CAS D’INTOXICATION AIGÜE

PAR LE PARACÉTAMOL

Badrane Narjis1,2, Chafiq Fouad1,2, Sefiani Houda1, 2, ElBouazzi Omaima1,2, Benjelloun Dakhama Badr Saoud3 Soulaymani-Bencheikh Rachida 1,4

1-Centre Antipoison et de Pharmacovigilance du Maroc2- Faculté des Sciences Ibn Tofail de Kénitra

3- Hopital d’enfant, CHU de Rabat4- Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat, Université Mohamed V Souissi.

Figure 1 : Paracétamolémie chez un enfant de 2 ans (Cas 1) et risque d’hépatotoxicité élevé sur le nomogramme de Rumack-Matthew. (Normogramme de toxicité en ligne offert par la base de données Micromedex) (GIF decompression code copyright 1990, 1991, 1993, by David Koblas Non-LZW-based GIF compression code copyright 1998, by Hutchison Avenue Software Corporation)

4 - Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015

CAS CLINIQUE 2

Le CAPM a reçu l’appel d’un pharmacien de la ville de Larache concernant un nourrisson d’un mois, de 5,5 kg, qui présentait des cris incessants après que la maman ait administré par erreur un suppositoire de paracétamol de 1g à 18 heures et un autre à 23 heures pour traiter une fièvre. La dose administrée était ainsi de 363,7 mg/kg. Le CAPM a conseillé de transférer le nour-risson vers l’hôpital afin de commencer le traitement par la NAC et de réaliser un dosage du paracétamol et du taux de l’alanine amino transférase (ALAT).

L’admission à l’hôpital a été faite à la douzième heure post-intoxication.L’enfant était stable sur le plan neuro-logique, hémodynamique et respi-ratoire.

Le traitement par la NAC a été démarré par voie injectable à raison de 150 mg/kg comme dose de charge. Le taux des ALAT était à 29 UI/l et la paracétamolémie à 30 mg/l. La dose de charge a été suivie d’une dose de 50mg/kg sur 4 heures et d’une troisième dose de 100 mg/kg sur 16 heures.

Le nourrisson a bien évolué avec un bilan hépatique normal à la sortie.

Discussion

En l’absence de consensus international de stratification de l’indication de la NAC, les différentes recommandations des guidelines dans des pays comme le Canada, l’Australie, et la Grande Bretagne, convergent vers l’intérêt de commencer la NAC le plus tôt possible après l’intoxication aiguë. Ce traitement serait adapté selon les résultats de la prédiction de l’hépatotoxicité notamment les résultats de la paracétamolémie [6-8]. Dans les deux cas que nous avons rapportés, la NAC a été démarrée et main-tenue en se basant sur les résultats de la paracétamolémie.En cas de prise unique et si l’heure d’intoxication est connue et que le patient ne présente pas de facteurs de risque d’hépatotoxicité, la paracétamolémie est interprétée sur le nomogramme de Rumack-Matthew ou de Prescott. D’autres nomogrammes ont été proposés et adaptés en cas de présence de facteurs de risque [6,8]. Cette interprétation permet ainsi de prendre la décision de commencer, continuer ou arrêter le traitement antidotique selon le cas.En cas de prise de paracétamol répétée, une paracétamolémie supérieure à 20 mg/kg avec ou sans augmentation du taux des ALAT constitue un risque d’hépatotoxicité[6].

Dans le deuxième cas clinique, la paracéta-molémie supérieure à 20mg/kg était une indication à maintenir le traitement par la NAC. Certaines études en préconisent un contrôle à la fin de la troisième phase de l’antidote, afin de décider de sa poursuite éventuelle [7]. Selon les recommandations australiennes, le contrôle de la paracétamolémie n’est préconisé qu’en cas d’intoxication chroni-que lorsque la première est détectable ou qu’une cytolyse est présente sur le bilan initial [6]. Plusieurs méthodes ont été utilisées pour doser le paracétamol dans les différents milieux biologiques. Il s’agit de méthodes colorimétriques, spectrophotométriques, immunologiques, électrophorétiques et chromatographiques [9]. Au sein du CAPM-LAB, nous utilisons la chromatographie liquide haute performance couplée au détecteur UV qui reste la méthode de choix sensible et spécifique pour le dosage du paracétamol dans le sang.

Conclusion

La paracétamolémie a permis dans ces deux cas de rationaliser l’utilisation de l’antidote. En effet, le coût élevé de la NAC par voie injectable ainsi que la nécessité d’hospitalisation en milieu adapté pour l’administration et la surveillance du traitement antidotique exige de poser l’indication précise de son utilisation.

Cas Cliniques Apport de la paracétamolémie dans la prise en charge des cas d’intoxication aigüe par le paracétamol

1- Sheen CL, Dillon JF, Bateman DN, Simpson KJ, Macdonald TM. Paracetamol toxicity: epidemiology, prevention and costs to the health-care system. QJM. 2002;95:609-19.2- Larson AM, Polson J, Fontana RJ, Davern TJ, Lalani E, Hynan LS, et al. Acetaminophen-induced acute liver failure: results of a United States multicenter, prospective study. Hepatology. 2005;42:1364–72. 3- Rowden AK, Norvell J, Eldridge DL, Kirk MA. Updates on acetaminophen toxicity. Med Clin North Am. 2005;89:1145–59. 4- Bernal W, Cross TJ, Auzinger G, Sizer E, Heneghan MA, Bowles M, et al. Outcome after wait-listing for emergency liver transplantation in acute liver failure: a single centre experience. J Hepatol. 2009;50:306–13.5- Badrane N, Abadi F, Chafiq F, Soussi Tanani D, Soulaymani A, Rhalem N, Soulaymani-Bencheikh R. Characterization of paracetamol overdose: Report of the Moroccan Poison

Control Centre (2006–2011). Clin Toxicol. 2014;52:308-09.6- Daly FF, Fountain JS, Murray L, Graudins A, Buckley NA. Guidelines forthe management of paracetamol poisoning in Australia and New Zealand explanation and elaboration. A consensus statement from clinical toxicologists consulting to the Australasian poisons information centres. Med J Aust. 2008 Mar 3;188:296-301.7- Dubé PA. Protocole de traitement de l’intoxication à l’acétaminophène. Inst Nat Santé Publique Québec. 2011;28. 8- Nfila G, Lee S, Binchy J. Impact of new UK paracetamol overdose guidelines on patients presenting to the emergency department. Ir Med J. 2014;107:47-8.9- Shihana F, Dissanayake D, Dargan P, Dawson A. A modified low-cost colorimetric method for paracetamol (acetaminophen) measurement in plasma. Clin Toxicol. 2010;48:42-6.

Références

Cas clinique 2 : Une maman a administré par erreur un suppositoire de paracétamol (1g) à 18 heures et un autre à 23 heures chez un nourrisson d’un mois (dose totale de 363,7mg/kg). A la douzième heure post intoxication, le taux des ALAT était à 29 UI/l et la paracétamolémie à 30 mg/l. Le traitement antidotique a été maintenu avec une bonne évolution du nourrisson.

Résumé

Mots clés : Paracétamolémie, antidote, nomogramme, Maroc

Nous rapportons deux cas cliniques d’intoxication au paracétamol ayant bénéficié de paracétamolémie au laboratoire du Centre AntiPoison et de Pharmacovigilance du Maroc pour montrer l’intérêt de la paracétamolémie dans la prise en charge de ces intoxications.Cas clinique 1 : Un enfant de 2 ans a ingéré accidentellement une dose de 2250 mg/kg de paracétamol et présente une somnolence et une sensibilité abdominale. Le traitement antidotique a été initié. La paracétamolémie à la 4ème heure post ingestion était de 259, 3 mg/l au-dessus de la ligne du traitement du nomogramme de Rumack-Matthew. Le traitement antidotique a été maintenu avec une bonne évolution de l’enfant.

Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015 - 5

Cas Cliniques

INTOXICATION GRAVE PAR MÉDICATION TRADITIONNELLE CHEZ LE NOUVEAU-NÉ :

À PROPOS D’UNE OBSERVATION

Hmami Fouzia¹, Ismaili Leila¹, Lakhssassi Zeineb¹, Achour Sanae², Bouharrou Abdelhak¹1-Service de Néonatalogie et Réanimation Néonatale, CHU Hassan II, Université Sidi Mohammed Ben Abdellah, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Fès, Maroc

2- Laboratoire de toxicologie, CHU Hassan II, Université Sidi Mohammed Ben Abdellah, Faculté de Médecine et de Pharmacie Fès, Maroc

Introduction

Les intoxications par les plantes chez le nouveau-né représentent 21% des cas d’intoxication rapportés dans cette tranche d’âge selon les données du Centre Antipoison du Maroc (CAPM) entre 1980 et 2008 [1] et 5,1% des cas, tous âges confondus. Elles sont le plus souvent en rapport avec une automédication par des substances qui échappent à toute évaluation ou contrôle scientifique. Nous rapportons un cas d’hépatite aiguë grave chez un nouveau-né, secondaire à une poly-intoxication aux plantes et à d’autres produits administrés par la maman dans un but thérapeutique. Notre objectif est de dénoncer les menaces sanitaires qui guettent les citoyens, en particulier nos enfants, lorsqu’ils pratiquent une médication populaire anarchique et irrationnelle.

Observation

R.B. est un nouveau-né de sexe masculin, cadet d’une fratrie de 3, admis au service de réanimation néonatale du CHU Hassan II de Fès, au 21ème jour de vie, pour prise en charge d’un état de choc et d’une pâleur intense. La grossesse et l’accouchement s’étaient déroulés normalement avec une bonne adaptation à la vie extra-utérine. Le début de la symptomatologie remontait au 3ème jour de vie et consistait en un ictère isolé que la maman a traité par des points de feu associés à une polymédication traditionnelle à base de verveine, de carvi et de morelle noire (Atropa belladona L) connue sous le nom vernaculaire de “Bouqnina”, le mélange ayant été donné par voie orale sous forme d’infusion mélangée au miel naturel. L’ictère a régressé progressivement mais le nouveau-né est

devenu de plus en plus hypotonique, hyporéactif d’où l’application répétée sur son corps, avec friction, d’une solution à base de tabac et d’alcool bleu. Il y a eu aggravation des signes neurologiques, puis installation brutale d’une pâleur s’accentuant rapidement sur trois jours.

A son admission à l’hôpital, le nouveau-né était très pale, en état de choc. Sa respiration était acidosique et il présentait une hépato-splénomégalie et une chéilite hémorragique. Le bilan a objectivé une anémie sévère à 2g/dl d’hémoglobine, une hépatite grave avec cytolyse importante (ASAT à 4754 UI/l, ALAT à 870 UI/l), une cholestase (bilirubine totale à 38 mg/l, bilirubine conjuguée à 28 mg/l), une insuffisance hépatocellulaire (TP à 20% et TCA allongé), une insuffisance rénale (urée à 1,40 g/l, créatinine à 23 mg/l) et une acidose métabolique.

Figure 1 : TDM abdominale : hématome splénique Figure 2 : TDM abdominale : hématome hépatique

6 - Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015

Cas Cliniques Intoxication grave par médication traditionnelle chez le nouveau-né : à propos d’une observation

L’imagerie (échographie et scanner abdominal) a mis en évidence deux hématomes profonds : splénique occu-pant toute la loge et hépatique mesurant 17,5 mm d’épaisseur (Figures 1 et 2).

Le malade est resté hospitalisé en réanimation pendant 24 jours et a nécessité des transfusions itératives avec des mesures symptomatiques.

Le bilan étiologique a éliminé une hémolyse, une origine infectieuse (les sérologies hépatiques B, C, toxoplasmose, rubéole, syphilis, CMV, VIH, herpès sont négatifs).

L’amélioration a été très progressive jusqu’à normalisation complète du bilan hépatique. L’évolution après un recul de 7 mois est resté sans incident avec disparition de l’hépato-splénomégalie et résorption progressive des hématomes sur les échographies de contrôle, ce qui a éliminé la possibilité d’une maladie métabolique.

Ce tableau clinique atypique, qu’il a été impossible de rattacher à une étiologie précise, a pu être expliqué par la prise de ces multiples produits ayant comme effet un tableau d’insuffisance hépatocellulaire avec acidose méta-bolique.

Discussion

La médication populaire représente un grand problème culturel et sanitaire, plus observé dans les milieux défavorisés, ceci par ignorance ou inconscience du danger qui peut être induit par des produits non sécurisés et dont l’efficacité repose sur une tradition ancestrale d’utilisation sans aucune base scientifique permettant d’expliquer leurs modes d’action. La difficulté est accrue lorsqu’il s’agit d’une poly-chimiothérapie avec de multiples substances dont on ne sait laquelle est potentiellement efficace ou à l’inverse potentiellement toxique. La réputation et/ou la conviction d’innocuité, et parfois la crainte de culpabilisation, font que les gens omettent souvent de mentionner la prise de plantes au médecin. Un tel comportement est la base des difficultés habituelles entravant l’établissement d’une relation de cause à effet entre un événement indésirable et une prise de toxique.

Dans notre observation, la maman nous a parlé, à l’admission, juste de l’antécédent d’ictère traité par les points de feu et qui a régressé progressivement. Elle a rapporté que son enfant a pré-senté une pâleur avec hypotonie et refus de tétée quelques jours avant son admission au service. Ceci nous a conduit à demander des examens complémentaires pour éliminer toutes les étiologies possibles. Après l’amélioration clinique de son enfant, elle a dénoncé progressivement, avec un fort sentiment de culpabilité, la pratique de ces différentes médications pour traiter plusieurs signes apparus successivement. Elle a révélé qu’elle utilisait la verveine, le carvi et le miel naturel à visée antispasmodique alors que les feuilles de la plante “Bouqunina”, ont été données sous forme d’infusion après la constatation de l’ictère, en croyant la plante bénéfique pour le foie. Une détermination botanique de ces plantes aurait pu résoudre ce problème de doute mais la maman a affirmé qu’elle n’en gardait plus d’échantillons.Le mélange tabac et alcool a été appliqué plusieurs fois sur le corps avec friction en cherchant un effet neuro-stimulateur et tonique.

Certains facteurs spécifiques à la phyto-thérapie augmentent sa toxicité. Les plus importants sont la dose utilisée qu’on doit rapporter au poids, le mode de préparation, et la sélection d’une mauvaise partie de la plante [2] ainsi que le stockage inapproprié, la conta-mination de la plante par divers agents chimiques et micro-organismes et l’al-tération du produit végétal lors du conditionnement [3, 4].

La plante “Bouqnina” peut désigner, dans le langage courant des marocains, soit la morelle noire (Solanum nigrum), soit la belladone (Atropa belladona L). Notons ainsi que plusieurs plantes peuvent porter le même nom vernaculaire, ce qui ouvre la porte au risque de confusions, de mauvaises utilisations et d’intoxications. Les deux plantes sont toxiques, avec un effet anti cholinergique essentiel et une toxicité accrue surtout pour la belladone. Les signes neurologiques, essentiel-lement les troubles de conscience, les signes oculaires, principalement la mydriase, les signes cardiovasculaires

et les signes cutanéo-muqueux à type de sécheresse des muqueuses et xérostomie sont les principales manifestations notées lors des intoxications par ce type de plantes.D’autres signes ont été rapportés, quoique moins fréquemment: respi-ratoires, hépatiques avec élévation des transaminases, hématologiques avec allongement du taux de prothrombine, rhabdomyolyse, acidose…[5, 6, 7].

Le carvi est une plante à effet spasmolytique. La plupart des auteurs sont d’accord pour sa très bonne tolérance et qu’il ne montre aucun effet toxique [8]. Lewiss, en 1977, a soulevé le problème de photosensibilisation avec le carvi et l’a classé parmi les plantes pouvant entraîner des dermatites de contact du fait qu’elle contient des traces de furucoumarines [9].La présence de résidus de nitrates, nitrites et de pesticides peuvent être potentiellement dangereux et entraîner une méthémoglobinémie.

Rappelons que dans la pharmacopée traditionnelle marocaine, les feuilles de la belladone ne sont pas utilisées à cette fin, mais beaucoup d’intoxications peuvent avoir lieu par confusion des feuilles de la plante voulue et celles de la belladone. En effet, les feuilles de la Bardane (Arctiumlappa L.), à activité détoxifiante, dépurative et hépatoprotectrice, peuvent être confondues avec celles de la Belladone à l’état jeune.

La verveine est une plante inoffensive.

L’alcool bleu ou alcool isopropylique utilisé comme désinfectant peut donner des intoxications graves chez le nouveau-né et le jeune nourrisson. La pénétration cutanée est possible dans cette tranche d’âge surtout après friction de la peau avec le produit. Les signes neurologiques apparaissent rapidement, le coma est hypotonique avec des pupilles variables. L’acidose métabolique est habituelle. L’insuffisance rénale et hépatique, et l’anémie hémolytique ont également été décrites [10].

La toxicité nicotinique du tabac suite à une absorption cutanée est décrite surtout chez les jeunes manipulant les feuilles vertes et humides du tabac.

Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015 - 7

Cas CliniquesIntoxication grave par médication traditionnelle chez le nouveau-né : à propos d’une observation

1- Rhalem N, Khattabi A, Soulaymani A, Ouammi L, Soulaymani-Bencheich R. Etude rétrospective des intoxications par les plantes au Maroc : Expérience du centre anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (1980-2008). Toxicologie Maroc.2010 ; 5,2: 5-82- Khattabi A, Rhalem N, Chabat A, Skali S, Soulaymani-Bencheich R. Plantes toxiques : Définition et classification. Toxicologie Maroc. 2010 ; 5, 2: 3-4

3- Gaudreault P, Cremer R, Lacroix J, et al. Intoxications: généralités. In: Lacroix J, Hubert P, et al. Editors. Urgences et soins intensifs pédiatriques. Paris: Masson; 2007. p.1033–49.4- Peyrin-Biroulet L, Barraud H, Petit-Laurent F et al. Hépatotoxicité de la phytothérapie : données cliniques, biologiques, histologiques et mécanismes en cause pour quelques exemples caractéristiques. Gastroentérologie Clinique et Biologique. June 2004 ;28, 6-7 :540-550

Références

Tableau I : Correspondance entre les perturbations notées et la toxicité théorique des plantes prises

Perturbations notées Explications

Signes neurologiques- Etat de choc- Toxicité : Atropa belladona L. - Toxicité : Alcool

Anémie - Syndrome hémorragique - Toxicité : Alcool (anémie hémolytique)

Syndrome hémorragique - Insuffisance hépato-cellulaire- Toxicité hématologique : Atropa belladona L. (allongement du TP)

Insuffisance hépato-cellulaire - Toxicité : Atropa belladona L. (cytolyse), - Toxicité : Alcool (insuffisance hépato-cellulaire)

Insuffisance rénale - Etat de choc- Toxicité : Alcool

Acidose métabolique - Toxicité : Alcool, - Toxicité : Atropa belladona L.

Les anomalies notées chez notre malade peuvent donc avoir ainsi plusieurs explications. Elles peuvent être en rapport soit avec l’état de choc, soit avec la prise de ces multiples toxiques essentiellement la belladone et l’alcool (Tableau I). Mais si on arrive à décrire les effets de chaque produit pris isolément, on se pose toujours la question : quel est l’effet cumulatif de ces différentes substances prises simultanément?

Il faut par ailleurs souligner les nombreuses conséquences et risques de ces intoxications :- charges financières : l’hospitalisation en réanimation néonatale, sans ventilation, coûte entre 2000 et 2500 dirhams par jour, multipliée par les 24 jours

d’hospitalisation de notre patient, ce qui donne entre 50000 et 60000 dirhams minimum de frais, - risques iatrogènes : risques liés à la transfusion sanguine et à l’infection nosocomiale lors du séjour en réanima-tion car le pronostic vital était mis en jeu.Pour tout ce qui précède, la lutte efficace contre ces pratiques populaires irresponsables devient une obligation.

Ceci doit concerner tous les niveaux de participation et impliquer une éducation sanitaire, un accès aux soins équitable et surtout un contrôle et une législation avec des pénalités rigoureuses permettant de fermer la voie à tous les dérapages concernant la collecte, la vente et l’utilisation de ces produits.

Conclusion

Il est regrettable que des individus mettent en danger leur vie et celle de leurs proches en croyant à l’efficacité et l’inocuité de médications anarchiques, quelque soient leurs motivations. Il est aussi regrettable que la phyto-thérapie, qui était l’honneur chez les anciens professionnels de santé, soit de nos jours négligée. Nous encourageons donc la promotion d’une pharmacopée traditionnelle codifiée et officielle tout en fermant la voie aux pratiques populaires irresponsables.

L’objectif de ce travail est de soulever l’ampleur de ce problème en termes de difficultés diagnostiques, du risque encouru et des dépenses sanitaires secondaires. Nous rapportons l’observation d’un nouveau-né admis au service de réanimation néonatale du CHU Hassan II de Fès après avoir reçu un cocktail de plantes comportant la verveine et le carvi à visée antispasmodique. Les feuilles de “Bouqnina” (Morelle noire) ont été données sous forme d’infusion avec le miel naturel pour traiter l’ictère. Le tabac et l’alcool ont été appliqués sur son corps pour

traiter une hypotonie apparue après ces premiers soins. Le nouveau-né était en défaillance mutiviscérale avec état de choc hypovolémique, anémie sévère, insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire et acidose métabolique. Le bilan a objectivé deux hématomes profonds splénique et hépatique. Le traitement a été symptomatique pendant 24 jours d’hospitalisation en réanimation jusqu’à nette amélioration du tableau clinique et biologique. Une législation rigoureuse s’impose pour arrêter ce genre de dérapage.

Résumé

Mots clés : Intoxication, effets indésirables, médication populaire, nouveau-né, Maroc

8 - Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015

INTOXICATION PAR LA PARAPHÉNYLÈNE DIAMINE

RÉVÉLÉE PAR L’ANALYSE TOXICOLOGIQUE Iken Imane1,2, Bazine Meriem3, Berrada Aicha3, Kharbouch Souad1, El Attari Ahmed1, Boukatta Brahim3, Kanjaa Nabil3, Achour Sanae1

1-Service de toxicologie, Laboratoire centrale d’analyse médicale, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès2- Faculté des sciences, Université Ibn Tofail, Kénitra

3-Service d’Anesthésie et de Réanimation Adulte A4, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès

Introduction

La paraphénylènediamine (PPD) est une amine aromatique dérivée de l’aniline, et utilisée depuis la fin du XIXème siècle dans un but cosmétique pour ses propriétés tinctoriales. Elle est aussi mise à profit en milieu industriel comme colorant (fourrures, tannerie,...) et comme révélateur photographique. Au Maroc, elle est librement vendue chez les herboristes traditionnels sous le nom de Takaout Roumia par analogie à un produit végétal connu sous le nom de Takaout Beldia. La PPD a été responsable d’un nombre important d’intoxications surtout dans un cadre suicidaire. C’est en effet un toxique lésionnel qui génère une intoxication systémique grave, dont la principale manifestation clinique est la rhabdomyolyse, précédée généralement de troubles digestifs. Les conséquences rénales, cardiaques, métaboliques et surtout respiratoires décident de sa gravité. L’analyse toxicologique revêt un grand intérêt dans l’orientation du diagnostic des cas suspects d’intoxication. Nous rapportons un cas d’intoxication grave non avouée, par la PPD, révélée par l’analyse toxicologique.

Observation

Il s’agit d’une patiente âgée de 30 ans, originaire et habitante à la ville de Missour, sans antécédents pathologiques notables et en particulier pas de terrain atopique.

Elle a été admise au CHU Hassan II de Fès pour la prise en charge d’un œdème de Quincke d’origine inconnue.

L’histoire de la maladie remonte au jour de son admission par l’apparition de nausées et de vomissements 3 heures après l’ingestion d’une quantité non précisée d’un miel que, selon la famille, la patiente a l’habitude de consommer.

La symptomatologie s’est aggravée par l’apparition d’un gonflement de la langue et de la glotte occasionnant chez elle une détresse respiratoire.

La patiente a consulté à l’hôpital périphérique de Missour où elle a bénéficié d’une trachéotomie de sauvetage avec l’administration de corticothérapie puis elle a été référée au CHU de Fès pour complément de prise en charge.

A l’admission, la patiente était consciente, apyrétique, stable sur le plan hémodynamique et respiratoire, avec une saturation à 100% sous deux litres d’oxygène.

La diurèse était conservée avec des urines très foncées.

Le bilan biologique effectué en urgence a montré une cytolyse hépatique avec des GOT à 220UI/l soit 5 fois la normale, des GPT à 280UI/l soit 6 fois la normale, une rhabdomyolyse débutante avec des CPK à 1400 UI/l soit 10 fois la normale, des CPKmb à 63UI/l soit 9 fois la normale et la troponine était normale à 0,09 µg/l.

Le reste du bilan était sans particularité notamment la fonction rénale et la radiographie thoracique.

Devant ce tableau de rhabdomyolyse associé à l’œdème de Quincke, la notion de conflit avec la famille et l’aspect du miel consommé contenant des grains noirâtres éparpillés (Figure 1), une intoxication à la PPD a été suspectée et un bilan toxicologique sur des prélèvements urinaire et gastrique a été réalisé à la 12ème heure en post ingestion. La recherche de PPD est revenue positive, en faveur du diagnostic soupçonné (Figure 2).Un deuxième bilan toxicologique sur les urines a été effectué au 3ème jour revenant négatif, témoignant de l’élimination complète de la PPD .

Suite à l’incrimination du miel par la famille comme produit suspect de l’intoxication, une analyse toxicologique a été réalisée sur ce dernier et elle s’est révélée fortement positive (Figure 3), ce qui a consolidé le diagnostic d’intoxication par du miel contenant la PPD.

Une deuxième anamnèse orientée dans ce sens a révélé la notion d’ingestion dans un but suicidaire de la PPD mélangée volontairement avec du miel.

Sur le plan thérapeutique, la patiente a bénéficié d’une voie veineuse centrale avec un remplissage vascu-laire, d’une corticothérapie à base de méthyl-prednisolone 2mg/kg pendant 3jours,

Cas Cliniques

Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015 - 9

d’un traitement antihistaminique, d’un traitement antalgique, d’une protection gastrique par l’oméprazole 20mg/jr et d’un traitement anticoagulant à dose préventive.Au 5ème jour d’hospitalisation, la patiente a présenté une régression de la macroglossie et de l’œdème facio-labial. Le tableau de la rhabdomyolyse est devenu évident avec une accentuation des myalgies localisées surtout au niveau des deux membres inférieurs et une élévation des paramètres biologiques notamment les enzymes musculaires avec des CPK à 42670U/l soit 300 fois la normale; des CPKmb à 1647UI/l soit 70 fois la normale et la troponine à 0,40 µg/l par rapport à 0, 09µg/l. La cytolyse hépatique s’est aggravée avec une GOT à 3045 UI/l soit 87 fois la normale, une GPT à 924UI/l soit 25 fois la normale et la LDH était à 3325UI/L soit 13 fois la normale.

Le bilan biologique de contrôle a révélé aussi l’apparition d’une insuffisance rénale aigue (urée à 1,02g/l et créatinine à 29g/l) avec une diurèse conservée traitée par un remplissage vasculaire.

L’évolution clinique et biologique a été favorable après 15 jours d’hospitalisation avec normalisation des paramètres de la rhabdomyolyse et persistance de l’insuffisance rénale (urée 1,18g/l et créatinine à 20g/l) d’où le transfert de la patiente au service de néphrologie pour complément de prise en charge.

La patiente a bénéficié ensuite d’un avis psychiatrique puisqu’il s’agissait d’une intoxication suicidaire.

Discussion

La paraphénylène diamine est une amine aromatique dont l’utilisation a été détournée vers un usage d’autolyse. Plusieurs travaux scientifiques témoignent de son usage dans des circonstances suicidaires, la série la plus importante est celle rapporté par Moutaouakkil et al et qui a concerné 315 cas d’intoxications colligés sur 5 ans au CHU de Casablanca dont l’âge moyen était de 23 ans avec une prédominance féminine (91%) et la circonstance suicidaire a été retrouvée chez 93% des cas [1].

Face à cette situation, le CAPM a mené plusieurs actions en particulier la sensibilisation du public et des herboristes quant aux risques liés à l’utilisation déviée de ce produit, la standardisation de la conduite à tenir et aussi la sensibilisation des autorités pour l’intérêt du contrôle de la vente de ce produit ; ce qui a abouti à une nette régression des cas d’intoxications à la PPD[2].Cependant, des cas sporadiques d’intoxication dans un but suicidaire et dans des circonstances particulières peuvent encore être rencontrés, ce qui était le cas chez notre patiente qui a mélangé la PPD au miel pour faciliter son ingestion.

Les effets toxiques de l’intoxication aiguë par la PPD apparaissent en moyenne 2 à 3 heures après l’ingestion [3]. Le syndrome asphyxique apparaît en premier et est parfois le seul motif de consultation menaçant le pronostic vital et imposant l’intubation trachéale voire une trachéotomie de sauvetage [4].

Notre patiente a bénéficié d’une traché-otomie de sauvetage à l’hôpital péri-phérique puis elle a été référée pour complément de prise en charge. La rhabdomyolyse s’est installée ensuite, touchant tous les muscles striés avec élévation des enzymes musculaires notamment la créatine phosphokinase (CPK) qui dépassent souvent 100 000 UI/l. L’atteinte rénale peut être soit une insuffisance rénale fonctionnelle due à l’hypovolémie secondaire à l’œdème des loges musculaires, soit une insuffisance rénale organique secondaire à la nécrose tubulo-interstitielle aiguë, caractéristique des insuffisances rénales aiguës accompagnant la rhabdomyolyse.Ces données cliniques concordent parfaitement avec la symptomatologie de notre patiente qui a présenté un tableau de rhabdomyolyse avec des myalgies et une accentuation des enzymes de lyse musculaire compliquée par une insuffisance rénale aigue à diurèse conservée.

En plus des données anamnestiques et cliniques, la confirmation d’une intoxication par la PPD repose sur l’analyse toxicologique au niveau des milieux biologiques (urines, liquide gastrique, sang) et/ou le produit suspect. Elle reste le seul moyen pour renforcer le diagnostic des intoxications non avouées comme cela était le cas chez notre patiente.Elle se base sur plusieurs méthodes qui peuvent être qualitatives comme les réactions colorées, la chromatographie sur couche mince ou bien quantitatives séparatives comme la chromatographie en phase liquide ou gazeuse couplée à la spectrométrie de masse [5,6,7].

Cas CliniquesIntoxication par la paraphénylène diamine révélée par l’analyse toxicologique

Figure 1 : Aspect suspect du miel contenant les grains noirâtres de la PPD

Figure 2 : Résultat d’analyse toxicologique des urines de la patiente

Figure 3 : Résultat d’analyse toxicologique du miel

10 - Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015

Dans notre cas, la méthode d’analyse utilisée était une réaction colorimétrique dont le principe repose sur la formation d’un dérivé coloré par réaction de diazocopulation après extraction de l’amine par éther en milieu alcalin. Elle a été réalisée sur l’urine et le liquide gastrique à à la 12ème heure puis sur l’urine à la 72ème heure en post ingestion de la PPD revenant positif pour la première et négative pour la deuxième. Ces résultats sont en parfaite concordance avec les données publiées sur la cinétique de la Paraphénylène diamine dans l’organisme dont l’élimination sanguine est bi-phasique avec une première demi-vie égale à 24 minutes et une seconde égale à 43,5 heures. L’élimination des métabolites est effectuée, par le rein dans 90% et par l’intestin dans 10% [8]. Devant l’aspect douteux du miel mélangé à des grains noirâtres de la PPD, un complément d’analyse sur le produit suspect a été réalisé revenant positif.

En l’absence de traitement spécifique, le traitement de l’intoxication par la PPD consiste en une prise en charge immédiate de la fonction respiratoire, en assurant la liberté des voies aériennes. L’épuration digestive du toxique par le lavage gastrique doit être réalisée même au-delà de la deuxième heure, compte tenu de la gravité de ses lésions. Dans notre cas, la décontamination digestive n’a pas été réalisée puisque la patiente a été admise 12 heurs après l’ingestion. Pour limiter les conséquences rénales de la rhabdomyolyse, il faudra prévenir et traiter l’hypovolémie et l’état de choc, recourir à l’alcalinisation pour combattre l’acidose métabolique et relancer la diurèse par des diurétiques.

Au Maroc, l’intoxication par la PPD est grave et peut être mortelle. Le taux de létalité varie de 20 à 42 % selon les séries [9, 10]. Le pronostic dépend de plusieurs facteurs qui sont : la dose ingérée, le délai de la prise en charge, l’existence ou

non de signes cliniques ou électriques en faveur d’une atteinte myocardique et l’existence ou non d’une insuffisance rénale aiguë anurique [11, 12].

L’évolution favorable chez notre patiente, était liée à la pratique de la trachéotomie de sauvetage et à la prise en charge rapide et adéquate en milieu de réanimation.

Conclusion

L’intoxication suicidaire par la PPD engendre des cas graves dont la prise en charge reste lourde. L’analyse toxicologique a un grand intérêt dans la confirmation des intoxications non avouées. Le traitement est purement symptomatique à défaut d’antidote. Le meilleur traitement reste préventif, il est donc primordial de poursuivre la stratégie de lutte antitoxique.

Cas Cliniques

1- Moutaouakkil S, Charra B, Hachimi A et al. Rhabdomyolyse et intoxication à la paraphénylène-diamine. Ann Fr Anesth Réanim. 2006; 25:708-13.2-Rhalem N, Aghandous R, Chaoui H, Eloufir R, Badrane N, Windy M, Hardouz H, Ouammi L, Soulaymani A, Soulaymani-Bencheikh R: Role of the Poison Control Centre of Morocco in the Improvement of Public Health. Asia Pacific Journal of Medical Toxicology 2013; (2,3):82-86.3-Bavoux C, Bonnard N, Jargot D, Lafon D. Fiche toxicologique Paraphénylènediamine. Services techniques et médicaux de l’Institut National de Recherche et de Sécurité. 2006.4-Benslama A, Hachimi A, Charr B, Motaouakkil S. L’intoxication à la paraphénylène-diamine au Maroc. urgences. 2008.5-Bousliman Y, Gay-Montchamp JP, Cherrah Y, Ollagnier M, Zeggwagh AA. Analyse de la teneur en paraphénylène diamine de “Takaout”. Annales françaises d’Anesthésie et de Réanimation. 2006;25:902-910.6-Brancaccio RR, Brown LH, Chang YT, Fogelman JP, Mafong EA, Cohen DE. Identification and quantification of paraphenylene diamine in a temporary black henna tattoo. Am Journal of Contact Dermatitis. March. 2002; 13,1:15-18.

7-Narita M, Murakani K, Kauffmann JM. Determination of hair dyeprecursors in hair coloring products by liquid chromatography with electrochemical detection. Analytica Chimica Acta. 2007; 588:316-320.8- Chung KT, Chris A, Edward S, Sing LY. Mutagenicity and toxicity studies of paraphenylene diamine and its derivatives. Toxicology Letters. 1st November 1995; 81,1:23-32.9- Bourquia A, Jabrane AJ, Ramdani B, Zaid D. Toxicité systémique de PPD. Presse Med.1988; 17:1798-800.10- Pascal A, Forget AP, Boithiaux P. Rhabdomyolyses. Encycl Med Chir Anesthésie-Réanimation. 1997;36,918-A-10.11- Baud FJ. Conduite à tenir devant les intoxications les plus fréquentes. Encycl Méd Chir, Ed Techniques urgences 1991;24:115-60.11-Baud FJ, Gaillot M, Cantineau JP et al. Rhabdomyolyse au cours d’une intoxicationaiguë par la paraphénylène diamine. Journal de toxicologie Médicale1984; 4:279-83

Références

Intoxication par la paraphénylène diamine révélée par l’analyse toxicologique

Au Maroc, la paraphénylène diamine (PPD) est librement vendue chez les herboristes sous le nom de Takaout Roumia. Elle est responsable d’un nombre important d’intoxications surtout dans un cadre suicidaire. Nous rapportons un cas d’intoxication grave par la PPD, non avouée, et révélée par l’analyse toxicologique. C’est une patiente âgée de 30 ans, admise pour la prise en charge d’un œdème de Quincke d’origine inconnue. L’histoire de la maladie remonte au jour de son admission par l’apparition d’une gastroentérite 3h après l’ingestion d’une quantité imprécise de miel. La symptomatologie s’est aggravée par l’installation d’une détresse respiratoire pour laquelle la patiente a bénéficié d’une trachéotomie de sauvetage puis elle a été référée pour complément de prise en charge.

A l’admission, la patiente était stable sur le plan hémodynamique et respiratoire avec des urines très foncées. Le bilan biologique a montré une cytolyse hépatique et une rhabdomyolyse. Devant ce tableau clinique et biologique, la notion de conflit avec la famille et l’aspect du miel consommé contenant des grains noirâtres éparpillés, une intoxication volontaire à la PPD a été suspectée et un bilan toxicologique sur des prélèvements urinaire et gastrique est revenu positif, en faveur du diagnostic soupçonné. La patiente a bénéficié d’un traitement symptomatique. L’intoxication suicidaire par la PPD est à l’origine de cas graves dont la prise en charge reste lourde. L’analyse toxicologique a un grand intérêt dans la confirmation des intoxications non avouées..

Résumé

Mots clés : Paraphénylène diamine, suicide, intoxication, analyse toxicologique, Maroc

Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015 - 11

INTOXICATION À L’HYDROGÈNE SULFURÉ À PROPOS D’UN CAS

Hamid Madani, Tarik Mhanna, Abdenbi Amri, Brahim Ahmadi, Hayat Berakhli, Brahim HousniService de réanimation polyvalente du CHU Mohammed VI Oujda

Faculté de médecine et de pharmacie d’Oujda

Introduction

L’hydrogène sulfuré (H2S) est un gaz lourd rapidement diffusible. A forte concentration, l’intoxication est grave et sévère. En cas d’inhalation, ce gaz diffuse dans les différents tissus en particulier le cerveau.L’intoxication à l’hydrogène sulfuré est de plus en plus rare en milieu industriel du fait des réglementations strictes et du renforcement de mesures de sécurité. L’H2S est un gaz irritant et asphyxiant très liposoluble. Parmi ses sites de production : les raffineries pétrolières et les réseaux d’assainissement [1]. La méconnaissance du risque d’exposition à ce gaz chez les profes-sionnels peut être responsable de décès.

Observation

Un jeune employé dans une station d’épuration des eaux usées à la ville de Saîdia a été retrouvé par ses collègues, inconscient au fond d’une conduite d’égout, sentant l’odeur de l’œuf pourri particulière d’un gaz asphyxiant. Ses amis ont préféré attendre le SAMU de la ville.L’extraction de la victime a été réalisée par un sapeur pompier muni d’un masque facial simple. Dès sa sortie, le secouriste a présenté aussi des quintes de toux avec irritation conjonctivale et somnolence. La victime quant à elle était toujours inconsciente en mydriase bilatérale, la mousse aux lèvres avec présence d’un pouls et d’une fréquence respiratoire ralentis. Elle a été acheminée vers le Centre Hospitalier Régional de la ville d’Oujda.

A son admission à l’hôpital, le patient était inconscient avec un GCS à six, une fréquence cardiaque à 60 bat/min,

avec des complexes QRS larges et des pic hypertensifs à 170/ 11mmHg. La saturation était à 30% sous 100% de FiO2 (Fraction inspirée en oxygène). Les sécrétions mousseuses remontaient dans la sonde d’intubation avec des râles crépitants des deux champs à l’auscultation pulmonaires. L’évaluation cardiovasculaire était nor-male avec une contractilité myocardique globale conservée mais la troponine Ic initiale était positive à 0.7 ug/ml. Le patient a été sédaté et ventilé en pression positive, faible volume courant. La radiographie thoracique a confirmé la présence d’œdème pulmonaire. L’évolution a été marquée par la disparition de la bradycardie, après amélioration de l’oxygénation tissulaire au bout de quelques heures. Sur le plan neurologique, la mydriase a aussi régressé sans signes de focalisation ni crises convulsives. Le bilan biologique a objectivé une hyperglycémie et une rhabdomyolyse, les CPK-MB étaient à 16000 UI/L. Un syndrome inflammatoire intense et une acidose métabolique sont apparus précocement. Par ailleurs il n’y avait pas de cytolyse ni d’insuffisance rénale.La sédation a été arrêtée trois jours après l’admission mais sans signes de réveil. Un scanner cérébral a objectivé des plages d’ischémies étendues avec une hémorragie méningée (Fig. 1). Le décès est survenu au 7ème jour, par l’apparition de troubles neurovégétatifs précédant une mort cérébrale.

Discussion

L’intoxication à H2S, peu connue des professionnels de santé, est aussi peu décrite dans la littérature francophone. L’H2S est un gaz lourd rapidement diffusible, et produit essentiellement

dans les raffineries pétrolières en milieu industriel et en ambiance de décomposition organique [1]. C’est aussi un gaz irritant et asphyxiant. Son absorption se fait par inhalation.Il a l’odeur de l’œuf pourri, mais sa principale caractéristique est de devenir inodore à des concentrations élevées en paralysant les récepteurs olfactifs [2]. Ceci explique l’exposition prolongée dans notre cas et l’intoxication fréquente des secouristes, qui est rapportée de façon constante dans la littérature [3]. Le sapeur-pompier était victime de l’exposition à ce gaz toxique. Il était doté d’un masque simple qui ne l’a pas protégé contre l’inhalation du gaz. La toxicité de l’H2S dépend du temps d’exposition et de sa concentration. A faible concentration, moins de 100 ppm, l’intoxication est modérée ; les symptômes sont marqués par l’irritation oculaire et des voies respiratoires et par un œdème pulmonaire si l’exposition se prolonge [4]. A forte concentration, supérieure à 500 ppm, l’intoxication est grave et sévère. Le gaz liposoluble inhalé traverse rapidement la membrane alvéolo-capillaire pour diffuser dans les différents tissus en particulier le cerveau. Il est responsable d’une perte de connaissance et de chute brutale, c’est le coup de plomb des vidangeurs [5]. A l’intérieur de l’organisme, le gaz se comporte comme les cyanures. Il inhibe la chaine respiratoire en interférant avec les cytochromes oxydases a, a3 et les succinates oxygénases [6]. Cette inhibition est responsable d’une anoxie cellulaire avec métabolisme en anaérobiose. L’hydrogène sulfuré transforme l’hémoglobine en sulfméthé-moglobine, ce qui altère le transport d’oxy-gène aggravant ainsi l’hypoxie tissulaire [7].

Cas Cliniques

12 - Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015

Cas Cliniques Intoxication à l’hydrogène sulfuré A propos d’un cas

Le cas clinique décrit présentait un œdème pulmonaire lésionnel probablement par toxicité directe du gaz vu la précocité des symptomes. L’ischémie et l’œdème cérébral témoignent de la gravité de l’intoxication lorsque la concentration du toxique dépasse les 700ppm. Ils seraient liés à la toxicité directe du gaz mais aussi aux effets secondaires de l’hypoxie prolongée[8]. L’hémorragie méningée révélée par le scanner n’a jamais été décrite dans la littérature comme une conséquence directe de l’intoxication à l’hydrogène sulfuré. Cependant l’origine traumatique de l’hémorragie ne peut être écartée.La rhabdomyolyse et l’hyperglycémie ont été rapportés aussi dans plusieurs publications [9].L’H2S est reconnu comme un inhibiteur puissant de la libération d’insuline. Le diagnostic biologique de l’into-xication à L’H2S se fait par le dosage des ions de sulfhydriles, mais ce dosage est rarement disponible [10]. Dans notre cas le contexte clinique et les circonstances sont très évocateurs.

Le traitement repose sur la rapidité de l’intervention et les mesures de réanimation. Il n’existe pour l’instant aucun antidote spécifique.

L’administration d’agents mèthémoglo-binisant (nitrites) préviendraient la forma-tion de sulfhémoglobine et amélioreraient ainsi le transport d’oxygène [11]. L’oxygène hyperbare peut aussi être utilisé avec succès en l’absence de preuve en faveur de son efficacité [12].

Cette observation soulève aussi le problème de la prévention primaire et secondaire de ce genre d’intoxication en milieu industriel. Les nouvelles stations d’épuration sont dotées de tuyaux d’aspiration d’air et des siphons sur les regards pour supprimer les remontées de gaz du réseau enterré vers les locaux [13]. Des détecteurs individuels d’oxygène et des analyseurs portables sensibles à un seuil de 0,01ppm peuvent être utilisés par les employés des stations d’épuration des eaux usées et des équipes d’intervention chimiques des sapeurs pompiers [14]. Le port de masque filtrant doit être obligatoire dès l’atteinte du seuil de 5ppm aux détecteurs portatifs.

Devant une suspicion d’intoxication à l’H2S les secouristes doivent être munis de dispositifs respiratoires à pression positive, seuls moyens de protection efficace [15].

Conclusion

L’intoxication à l’hydrogène sulfuré est souvent grave et imprévisible par le caractère inodore du gaz à fortes concentrations. Ceci impose le renforcement des législations, des mesures de protection dans les milieux industriels et la sensibilisation des secouristes qui ne doivent pas s’aventurer devant des situations pareilles.

Figure 1 : Plages d’ischémie étendues et hémorragie méningée suite à une intoxica-tion à l’H2S http://www.santeglobale.info/programme/

1- Testud. Pathologie toxique en milieu de travail. Paris: ESKA; 1998.2 - Chaari A, Bahloul M, Chelly H, Sahnoun M, Bouaziz M. Défaillance cardiaque et neurologique secondaire à une intoxication accidentelle par l’hydrogène sulfuré: a propos d’un cas. Ann Fr Anesth Reanim 2010 ; 29 : 304-7.3- Millot E, Compagnon F, Bouvet F. Les intoxications à l’hydrogène sulfuré : à propos de deux cas. Urgences 1995 XIV, 29-35.4- Hydrogène sulfide. In : http://toxnet.nlm.nih.gov/cgi-bin/sis/sersch/r?dbs+hsdb:@term+@rn+7783-06-4:Toxent;2005. 5- Milby TH, Baselt RC, Hydrogen sulfide poisoning: clarification of some controversial issues. Am J Ind Med 1999; 35: 192-5.6- Querellou B, Jaffrelot M, Savary D, Savry C, Perfus J-P.

Intoxication accidentelle mortelle par hydrogen sulfuré. Ann Fr Anesth Reanim 24 (2005) 1302-1304.7- Tanaka S, Fujimoto S, Tamagaki K, Wakayama K, Shimada K, Yoshikawa J. Bronchial injury and pulmonary edema caused by hydrogen sulfide poisoning. Am J Emerg Med 1999; 17: 427-9.8- Gabbay DS, De Roos F, Perrone J. Twenty-foot fall averts fatality from massive hydrogen sulfide exposure. J Emerg Med 2001; 20: 141-4.9- Yang W, Yang G, Jia X, Wu L, Wang R. Activation of KATP channels by H2S in rat insulin-secreting cells and the underlying mechanisms. J Physiol 2005; 569: 519-31.10- Claudet I, Marcoux M-O, Karenty C, Rittié J-L, Honorat R, Lelong-tissier M-C. Intoxication accidentelle grave à l’hydrogène sulfuré: un cas pédiatrique de survie. Ann Fr Anesth Reanim 31 (2012) 255-258.

11- Smilkstein MJ, Bronstein AC, Pickett HM, Rumack BH. Hyperbaric oxygen therapy for severe hydrogen sulfide piosning. J Emerg Med 1985; 3: 27-30.12- Lindenmann J, Matazi V, Anegg U, Neuboeck N, Porubsky C, Fell B, et all. Hyperbaric oxygen in treatment of hydrogen sulfide intoxication. Acta Anaesthesiol Scand 2010; 54: 784-5.13- Vidal A, Blanchemain JF, Verdun-Esquer C, Rinaldo M, Brochard P. Les effets respiratoires d’une exposition chronique et subaigue à l’hydrogène sulfuré : rapport de cas de salariés de stations d’épuration des eaux usées. Archives des maladies Professionnelles et de l’Environnement 2012 ; 73 : 799-805. 14- Doujaiji B, et all. Hydrogen sulfid espoxure in an adult male. Ann Saudi Med. 2010; 30 (1): 76-80.15- Watt MM, Watt SJ, Seaton A. Episode of gas exposure in sewer workers. Occup Environ Med. 1997; 54: 277-80.

Références

L’hydrogène sulfuré est un gaz lourd, rapidement diffusible. Sa principale caractéristique est de devenir inodore à des concentrations élevées en paralysant les récepteurs olfactifs. A forte concentration l’intoxication est grave et sévère. L’H2S, gaz liposoluble inhalé, diffuse dans les différents tissus en particulier le cerveau. Nous rapportons le cas d’un jeune employé dans une station des eaux usées victime d’intoxication mortelle à ce gaz. Cette observation soulève le problème de la prévention primaire et secondaire de ce genre d’intoxication

Résumé

Mots clés : Hydrogène sulfuré, gaz, Intoxication, Maroc

Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015 - 13

LES DEUXIÈMES JOURNÉES NATIONALES DE TOXICOVIGILANCE

Rhalem NaïmaCentre Antipoison et de Pharmacovigilance du Maroc

Dès 1980, le Ministère de la Santé a institué un système de notification des cas d’intoxication par les professionnels de Santé au Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM) .Ceci a permis la constitution progressive, de 1980 à 2013, d’une Base de Données comprenant aujourd’hui plus de 500 000 cas d’intoxication. Ce chiffre est loin de refléter la réalité car, comparée par exemple à l’incidence moyenne des intoxications aux USA (7,11 pour mille habitants), l’incidence au Maroc reste négligeable (0,23 pour mille habitants). Cette Base a été à l’origine de toutes les stratégies de lutte antitoxique. Trente-cinq ans après son instauration, l’évaluation du Système Marocain de Toxicovigilance, au niveau national et régional, s’est imposée pour mettre en exergue les points forts à renforcer et les points faibles à combler. Certes, chaque région doit avoir sa propre Toxicovigilance pour résoudre ses problèmes spécifiques, mais la Toxicovigilance puise sa performance dans la coordination et l’harmonisation des définitions, méthodes et techniques d’où la nécessité d’un partage de l’information à l’échelle nationale. C’est dans ce cadre que le CAPM a organisé, les 03 et 04 décembre 2015, les 2èmes Journées Nationales de Toxicovigilance sur le thème:

“Ensemble pour un système de vigilances sanitaires performant”. Ces journées avaient pour objectif le renforcement du Système National de Toxicovigilance existant par l’amélioration quantitative et qualitative de la notification spontanée et la promotion des différents outils, méthodes et techniques utilisés en Toxicovigilance. L’adoption d’une approche multisectorielle permettra une meilleure évaluation et gestion du risque.

Au cours de ces journées, trois ateliers ont permis la validation du Guide des Bonnes Pratiques de Toxicovigilance au Maroc, la validation du support d’information, ainsi que des attributions et de la constitution de la Commission Nationale de Toxicovigilance qui est l’instance officielle consultative en toxicovigilance auprès du Ministre de la Santé, et du Comité Technique de Toxicovigilance qui est un comité clinique et scientifique multidisciplinaire formé d’experts dans tous les domaines ayant trait à la toxicovigilance et ayant pour objectif d’appuyer le CAPM dans l’évaluation des risques encourus par la population exposée à un produit et valider les signaux en alertes.

Ont assisté à cette journée, 150 personnes appartenant aux structures suivantes : CAPM, Directions régionales (directeurs, responsables des services de santé publique et de surveillance épidémiologique et des observatoires régionaux de la santé, responsables des cellules provinciales d’épidémiologie et autres responsables au niveau des régions et des délégations), Directions centrales, Instituts et Centres du Ministère de la Santé), CHUs de Casablanca, Rabat, Tanger, Fès et Marrakech, Direction du Centre Hospitalier Ibn Sina, Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed V, Inspection du service de santé des FAR, Laboratoire d’Analyse et de Recherche Scientifique de la Gendarmerie Royale, Ministère de l’artisanat de l’économie sociale et solidaire, Ministère de l’Intérieur (collectivités locales et Bureaux Municipaux d’Hygiène), Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, Ministère de l’Education Nationale, Ministère de la jeunesse et du sport, Ministère délégué chargé de l’environnement, Office National de la Sécurité Sanitaire des aliments (ONSSA), Faculté des Sciences, Réseau marocain pour la défense du droit à la santé, Fédération marocaine du consommateur et médias.

Rapport

S e s s i o n d e c o n f é r e n c e s

Participants aux ateliers

14 - Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015

Auteurs

RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS

Toxicologie Maroc (TOXICO MA) est une publication à comité de lecture international. C’est la publication officielle du Centre Anti Poison du Maroc, consacrée à la toxicologie clinique et analytique. Langue : TOXICO MA est publiée en langue française. Rubriques : Ses différentes rubriques sont : Editorial, Cas Cliniques, Articles originaux, Articles à caractère institutionnel, Comptes-rendus, Actes de congrès, Info et Alertes. Périodicité : TOXICO MA apparait de façon trimestrielle, et souvent de façon thématique. A propos des articles adressés et des auteurs : L’article doit répondre à la thématique générale de la publication à savoir la toxicologie sous tous ses aspects et domaines. Les articles soumis à la Rédation ne doivent être ni déjà publiés ni plagiés. Les Auteurs sont tenus de déclarer l’absence de conflits d’intérêt. A propos du comité de Rédaction et de la publication des articlesChaque manuscrit sera confié à trois relecteurs et les corrections éventuelles seront ensuite proposées aux Auteurs. Ces derniers devront retourner au Rédacteur en chef les articles corrigés dans la semaine suivant leur réception. La Rédaction se réserve le droit de porter des corrections ou des raccourcissements qui n’altèrent pas le fond des textes et ce, sans l’aval des auteurs. En raison de la périodicité de la revue et du nombre important d’articles à publier, les Auteurs sont prévenus des longs délais d’attente pour la publication de leurs articles. Ce délai peut atteindre 1 année. Néanmoins une confirmation de l’accord de publication pourra être adressée à l’auteur, à sa demande.Présentation des articles : L’article doit être écrit en double interligne (en Times New Roman 12), sans mise en page automatique, et les pages doivent être numérotées. Les tableaux et les figures seront présentés à la fin du texte après les références et sur fichier Excel ou power point, de façon séparé du texte Les fichiers seront nommés de la façon suivante : Auteur principal-Toxico Ma-mot clé.doc (exp : Aghandous-Toxico Ma-monoxyde de carbone.doc). Tous les fichiers sont rassemblés dans un document .zip. Le tout envoyé au Rédacteur en chef : [email protected], accompagné d’un courrier de demande de publication.Titre de l’article : Le titre est bref et informatif, il est en 2 lignes au maximum sans dépasser 20 mots.Structure : Les articles originaux doivent suivre la structure IMRAD, et ne doivent pas dépasser 6 pages avec les figures.Auteurs : La liste des auteurs (noms et prénoms complets en minuscule commençant par une majuscule) est suivie des références de l’institution (nom, ville, pays). L’auteur désigné pour la correspondance sera indiqué par un astérisque et son adresse électronique, précisée en bas de page.Résumé : Il ne dépassera pas 150 mots et sera rédigé en français. Il est suivi de 3 à 5 mots-clés. Tableaux : Ils sont appelés dans le texte et numérotés dans l’ordre d’appel (chiffres romains). Le titre figurera en haut du tableau. Leur nombre devra être réduit (3 tableaux en 21 lignes au maximum). Figures : Elles sont appelées dans le texte et numérotées dans l’ordre d’appel (chiffres arabes). Le titre figurera en bas de la figure. Cartes : Elles doivent comporter une légende lisible et compréhensible. Le texte, les tableaux et les figures doivent être complémentaires et ne devront pas répéter les mêmes informations. Photos : Si besoin, l’article peut être accompagné de 3 photos au maximum, sous titrées, prises par l’auteur et non à partir d’Internet, sur fichier type Image JPEG ou Image bitmap de bonne résolution. Références : Seules figurent les références citées dans le texte. Chaque référence est appelée dans le texte par le numéro d’ordre (chiffre arabe entre crochets) qui lui est affecté dans la bibliographie. Les références sont classées en fin d’article dans l’ordre de leur numéro d’appel dans le texte. Les références à partir d’internet ne sont pas acceptées sauf pour les sites des organismes et institutions officielles. (NB : Les normes de rédaction des articles et de ponctuation des références suivent les normes de Vancouver).

Toxicologie Maroc - N° 26 - 3ème trimestre 2015 - 15

Alertes du CAPM

Attention à la mandragore “Bed el ghûl” Benlarabi Sanae

Un médecin a rapporté au CAPM un cas d’effet indé-sirable après utilisation de la mandragore en intra va-ginal pour traiter des douleurs utérines. Il s’agit d’une femme de la soixantaine qui utilise la mandragore de façon chronique et qui a présenté des hallucinations, une confusion, une agitation et une logorrhée.La mandragore est une plante herbacée vivace appartenant à la famille des solanacées et du genre Mandragora, voisine de la belladone. Il en existe plu-sieurs espèces dont la Mandragore autumnalis bertol nommé “bed al ghûl” au Maroc, et dont la racine est utilisée comme narcotique et hallucinogène [1] et en médecine antique comme anesthésiant lors d’inter-ventions chirurgicales en raison de ses propriétés narcotiques. La racine et les feuilles sont les parties les plus toxiques de la plante. Toutes les espèces contiennent des alcaloïdes très actifs qui sont [3] : - alcaloïdes tropaniques (environ 0,4%) en majorité le tropanol ou le scopanol, de l’hyoscyamine (surtout dans la racine durant la floraison)- autres alcaloïdes représentés par la cuscohygrine (mandragorine),- coumarines et composés volatils de fruits qui lui confèrent son odeur fruitée.Les alcaloïdes sont des psychotropes parasympatho-lytiques qui, même par voie locale, peuvent traverser la peau, les muqueuses et passer dans le sang. L’intoxication se manifeste par des signes atropiniques: mydriase avec vision trouble, risque de glaucome, sécheresse de la bouche, vomissements, nausées, constipation, diminution de la transpiration, rétention d’urine, bradycardie transitoire suivie d’une tachy-cardie, étourdissements, céphalées, hyperactivité et agressivité, hallucinations, confusion, désorientation, troubles mnésiques et hyperthermie [1,2]. L’intoxica-tion peut être mortelle par dépression respiratoire et cardio-vasculaire.L’analyse de la base de données du CAPM a révélé que 42 cas d’intoxication par la mandragore ont été déclarés entre 1980 et 2014. Devant cet usage inha-bituel, nous jugeons nécessaire d’attirer l’attention des consommateurs et des médecins sur ce phéno-mène et les risques qui y sont liés.

1- Bellakhdar J. La pharmacopée marocaine traditionnelle, Médecine arabe ancienne et savoirs populaires, Paris, Ibis Press, 1997: 183-1862.- Hanus L-O, Rezanka T, Spizvek J, Dembitsky V-M, Substances isolated from Mandragora species. Phytochemistry, 2005; 66:2408-2417. Consultable à l’URL: http://www.sciencedirect.com/science/journal. Consulté le 23/07/2015.

Le N2O : un gaz hilarant aux effets sérieux

Rhalem Naima

Une enquête du CAPM a montré que l’utilisation dé-tournée du protoxyde d’azote (N2O) par des jeunes lors de soirées est une pratique en vogue attirant de plus en plus les jeunes marocains qui utilisent ce gaz comme drogue festive.Le N2O est un gaz utilisé initialement en médecine comme anesthésique et analgésique. Il sert égale-ment à l’industrie alimentaire comme gaz propulseur. Son usage a été détourné, d’abord aux USA, en Angleterre et en France et puis ces dernières années au Maroc. C’est ainsi qu’il est actuellement classé en 2ème position après le cannabis dans plusieurs pays. La consommation du N2O, souvent banalisée par les jeunes, a provoqué la mort de 17 personnes en Grande-Bretagne entre 2006 et 2012.Le N2O se présente en bouteille sous forme liquide, ou gazeuse mélangé avec l’oxygène ou sous forme de petites cartouches. Il peut être légalement vendu pour faire de la crème fouettée [1]. Il s’agit d’un agoniste partiel des récepteurs morphi-niques qui peut entrainer une tolérance. L’inhalation de grandes quantités peut avoir des conséquences immédiates en associant plusieurs signes, surtout neuropsychiatriques (euphorie, anxiété, panique, vertiges, céphalées, baisse de la vigilance, ataxie cérébelleuse..), picotements au niveau des membres avec faiblesse musculaire, ge-lures du nez, des lèvres, du larynx et des poumons, pneumothorax, douleur et distension abdominales, rupture tympanique, hyperthermie maligne, perte de conscience et/ou arrêt cardiaque chez les personnes souffrant de problèmes cardiovasculaires et atten-tionnels avec risque de décès. L’usage chronique peut entrainer une anémie méga-loblastique car le N2O oxyde le cobalt, avec risque de leucopénie voire agranulocytose et neuropathie périphérique, impuissance sexuelle chez l’homme et réduction de la fertilité féminine, troubles sphincté-riens et des hallucinations.Nous insistons sur les dangers méconnus de cette pratique, sur le risque mortel qu’elle peut entrainer et nous attirons l’attention des médecins pour y penser devant une symptomatologie similaire.

1-Nitrous oxide. Laughing Gas. Drug science [En ligne]. 2012 Octobre [Consulté 20/07/2015]. Consultable à l’URL à l’URL : http://www.drugs-cience.org.uk/drugs-info/nitrous-oxide/ »..

chenille processionnaire : un insecte dangereux

Jalal Ghyslaine

Le CAPM a reçu plusieurs cas d’intoxications d’élèves qui ont présenté des dermatoses urticariennes, suite au contact avec un “ver poilu” dont l’identification a été faite par le médecin de l’information toxicologique comme étant une chenille processionnaire.La chenille processionnaire est un insecte de l’ordre des lépidoptères qui fait partie des animaux venimeux pour l’homme et les animaux. Son aire de répartition était limitée aux zones rurales, actuellement elle colonise peu à peu les zones périur-baines et urbaines. On peut ainsi distinguer des cocons de chenilles processionnaires dans les espaces verts publics, et même dans les cours de récréation des éta-blissements scolaires où elles peuvent constituer une menace sanitaire pour les enfants.En effet, la chenille processionnaire dispose de poils urticants qu’elle projette dans l’air quand elle se sent menacée. Elle peut ainsi provoquer des lésions non seulement par contact direct, mais aussi indirectement, par dissémination aérienne et occasionner des lésions cutanées et oculaires et, plus rarement, des signes res-piratoires et des réactions anaphylactiques.

Des mesures préventives sont nécessaires surtout au niveau des écoles : -Nettoyer au jet d’eau la cour de l’établissement sco-laire afin de retirer les poils urticants qui ont pu se dépo-ser lors de leur procession de descente des arbres. Il est déconseillé de recourir à des traitements chimiques par insecticides. -Traiter les arbres infestés par la chenille par des insec-ticides biologiques, non dangereux pour l’homme et l’environnement à base de protéines produites par le bacille de Thuringe (BT). -Installer des nichoirs à mésange dans les cours de récréations. Les mésanges sont mésanges sont des petits oiseaux, principaux prédateurs naturels des che-nilles processionnaires.- Retirer les cocons par des professionnels.- Recourir à une consultation médicale en cas d’at-teintes cutanée, respiratoire ou oculaire provoquées par contact avec la chenille processionnaire.

1- Rivière J. Les chenilles processionnaires du Pin : évaluation des enjeux de santé Animale. Thèse vétérinaire ENVA, Créteil, 2011: 11 p.2- Martin J.C. Mazet R. Lutte hivernale contre la processionnaire du pin. Possibilité d’utilisation du Bacillus thuringiensis K. Phytoma. 2001; 540: 32-3

اململكة املغربية وزارة الصحة

الوقاية من التسممات الغذائية

°N Eco ٠٨٠١ ٠٠٠ ١٨٠

1

3

2

4

5