Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

12
Célébrer les anniversaires doit être bon pour la santé, puisque plus on les fête, plus on est vivant. Pour autant, l’actualité favorisant d’autres festivités, celui-ci ne fera pas l’objet de manifestations particulières hormis la parution d’un Numéro spécial. Quant à l’actualité, énumérons la créa- tion à Biarritz de Don Juan, les retrouvailles avec New York pour une série de représentations des Créatures, Boléro et La Mort du cygne entrant au répertoire du Singapore Dance Theater. Enfin, les répétitions d’Orphée et Eurydice, un opéra dont l’Esplanade Opéra Théâtre de Saint-Étienne m’a confié la mise en scène. Ce sera une première, comme celle de nous produire en mai dans un grand théâtre parisien. Mais avant, profitant d’un créneau favorable, les personnels au sol et naviguant de Ballet Biarritz, vous souhaitent une bonne et heureuse année. Rêvons à un ciel dégagé, même si la réalité est loin d’être une classe affaire. Thierry Malandain, janvier 2006. * Les Années Dupond au Ballet Français de Nancy – PUF – 1990 ÉDITO Invité par Didier Deschamps et le Ballet de Lorraine, c’est avec émotion que Ballet Biarritz s’est produit fin décembre à Nancy. Car à quelques heures de l’année nouvelle, le calen- drier rappelait que vingt ans plus tôt, nous quittions cette ville et le Ballet Théâtre Français pour créer la Compagnie Temps Présent. «Temps de galère, temps de misère, temps de bonheur grâce à la puissante solidarité qui soude le groupe » écrira Jacqueline Thuilleux de nos débuts*. Temps d’insouciance aussi, car en 1986, voir de jeunes danseurs d’air classique s’avancer sur la piste au moment où soufflaient d’autres courants chorégraphiques parut anachronique. De Nancy nous fîmes escale à Élancourt, puis à Saint- Étienne avant de découvrir Biarritz. À bord, les heures de vol servirent d’expérience, mais sans le soutien de ceux qui balisèrent d’encouragements notre plan de vol, nous serions probablement en train de nous grignoter comme des survi- vants andins. Alors qu’évitant le crash, vingt ans plus tard et la chair moins tendre, une bonne partie de l’équipe (Yves, Françoise, Richard, Adriana, Dominique, Oswald, Angélito et Jean-Claude) survole toujours la Cordillière des Ans. Certes, le long cours de cette liaison ne fut pas sans turbulences, maintes fois il fallut se serrer la ceinture et relever la tablette, mais en choisissant l’Amitié comme compagnie d’assurance considérons que nous respections une consigne lumineuse. SOMMAIRE L’ÉVÉNEMENT 2 LA DANSE À BIARRITZ N°24 5 COULISSES 8 ACTIVITÉ DU BALLET BIARRITZ JUNIOR 10 EN BREF 11 CALENDRIER 12 BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ / THIERRY MALANDAIN JANVIER – FÉVRIER – MARS 2006 Miguel Pla Boluda et Annalisa Cioffi dans Mozart à 2. © Olivier Houeix

description

Malandain Ballet Biarritz 2006

Transcript of Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

Page 1: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

BA

LLET

BIA

RR

ITZTH

IER

RY

MA

LAN

DA

INC

EN

TRE

CH

OR

ÉG

RA

PH

IQU

EN

ATION

AL

Célébrer les anniversaires doit être bon pour la santé,puisque plus on les fête, plus on est vivant. Pour autant,l’actualité favorisant d’autres festivités, celui-ci ne fera pasl’objet de manifestations particulières hormis la parutiond’un Numéro spécial. Quant à l’actualité, énumérons la créa-tion à Biarritz de Don Juan, les retrouvailles avec New Yorkpour une série de représentations des Créatures, Boléro etLa Mort du cygne entrant au répertoire du Singapore DanceTheater. Enfin, les répétitions d’Orphée et Eurydice, un opéradont l’Esplanade Opéra Théâtre de Saint-Étienne m’a confiéla mise en scène. Ce sera une première, comme celle denous produire en mai dans un grand théâtre parisien. Maisavant, profitant d’un créneau favorable, les personnels ausol et naviguant de Ballet Biarritz, vous souhaitent unebonne et heureuse année. Rêvons à un ciel dégagé, mêmesi la réalité est loin d’être une classe affaire.

Thierry Malandain, janvier 2006.* Les Années Dupond au Ballet Français de Nancy – PUF – 1990

ÉDITO

Invité par Didier Deschamps et le Ballet de Lorraine, c’estavec émotion que Ballet Biarritz s’est produit fin décembre àNancy. Car à quelques heures de l’année nouvelle, le calen-drier rappelait que vingt ans plus tôt, nous quittions cetteville et le Ballet Théâtre Français pour créer la CompagnieTemps Présent. «Temps de galère, temps de misère, tempsde bonheur grâce à la puissante solidarité qui soude legroupe» écrira Jacqueline Thuilleux de nos débuts*. Tempsd’insouciance aussi, car en 1986, voir de jeunes danseursd’air classique s’avancer sur la piste au moment où soufflaientd’autres courants chorégraphiques parut anachronique.

De Nancy nous fîmes escale à Élancourt, puis à Saint-Étienne avant de découvrir Biarritz. À bord, les heures de volservirent d’expérience, mais sans le soutien de ceux quibalisèrent d’encouragements notre plan de vol, nous serionsprobablement en train de nous grignoter comme des survi-vants andins. Alors qu’évitant le crash, vingt ans plus tard etla chair moins tendre, une bonne partie de l’équipe (Yves,Françoise, Richard, Adriana, Dominique, Oswald, Angélito etJean-Claude) survole toujours la Cordillière des Ans. Certes,le long cours de cette liaison ne fut pas sans turbulences,maintes fois il fallut se serrer la ceinture et relever latablette, mais en choisissant l’Amitié comme compagnied’assurance considérons que nous respections une consignelumineuse.

SOMMAIRE

L’ÉVÉNEMENT 2LA DANSE À BIARRITZ N°24 5COULISSES 8ACTIVITÉ DU BALLET BIARRITZ JUNIOR 10EN BREF 11CALENDRIER 12

BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ / THIERRY MALANDAINJANVIER – FÉVRIER – MARS 2006

Miguel Pla Boluda et Annalisa Cioffidans Mozart à 2. © Olivier Houeix

Page 2: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

PAGE 2 NUMÉRO 29 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ

L’ÉVÉNEMENT

Les Petits Riens et Don Juan à Biarritz

Musique Wolfgang Amadeus Mozart et Christoph Willibald GluckChorégraphie Thierry Malandain Décor et costumes Jorge GallardoDirecteur de la production – conception lumière Jean-Claude AsquiéMaîtres de ballet Richard Coudray et Françoise DubucRégie générale Oswald RooseRéalisation costumes Véronique MuratRéalisation décors Chloé Breneur et Michel PocholuAvec Véronique Aniorte, Camille Aublé, Giuseppe Chiavaro,Annalisa Cioffi, Frederik Deberdt, Gaël Domenger, Roberto Forléo,Cédric Godefroid, Mikel Irurzun del Castillo, Silvia Magalhaes,Arnaud Mahouy, Christopher Marney, Miguel Pla Boluda,Magali Praud, Rosa Royo, Nathalie VerspechtCoproduction Grand Théâtre de Reims, Esplanade Opéra Théâtrede Saint-Étienne – partenaire permanent, CCN Ballet Biarritz,Association Les Amis de Ballet BiarritzAvec le soutien de :

Après Les Petits Riens évoqués dans la précédente édition de Numéro,le moment est venu de retrouver Don Juan. Présenté avec succès auBurgtheater de Vienne le 17 Octobre 1761, ce ballet-pantomime en troisactes associait à sa création le chorégraphe Gasparo Angiolini au com-positeur Christoph Willibald Gluck. Un témoin, le comte Carl vonZinzendorf commente la représentation en ces termes : «Au spectacleon dansa un ballet de pantomimes, Don Juan ou Le Festin de pierre. Lesujet est extrêmement triste, lugubre et effroyable. Don Juan porte unesérénade à sa maîtresse et entre chez elle, le Commandeur le trouvesur le fait, se bat avec lui en duel, est blessé mortellement, et tombe surle théâtre. On l’emporte, Don Juan entre avec des dames et danse unballet, puis on se met à souper ; sur ses entrefaites arrive leCommandeur en statue, tous les convives se sauvant. Don Juan s’enmoque, et imite tous les mouvements du spectre. Le spectre s’en va etd’un coup l’enfer paraît, les furies dansent avec des torches alluméeset tourmentent Don Juan. Dans le fond on voit un beau feu d’artifice,qui représente les feux de l’enfer. Enfin, les diables emportent DonJuan et se précipitent avec lui dans un gouffre de feu. Tout cela étaittrès bien exécuté, la musique fort belle. »

Passant pour être le premier ballet au sens moderne du terme, DonJuan exercera une grande influence sur l’avenir de la musique et de la

danse en Europe. Loin du pur divertissement,l’ambition de traduire une action dramatique parla pantomime et la danse, rapproche Don Juandes réformes exposées par Jean George Noverredans ses Lettres sur la danse et les balletspubliées en 1760. À ce titre, un différent opposerales deux chorégraphes : Angiolini reprochant àNoverre de s’accorder le mérite des innovationsen proposant le terme de ballet d’action contrecelui de ballet-pantomime. Alors que l’initiatived’imiter les passions et les actions des hommesà travers une pantomime à caractère dansantrevient selon lui à son maître Franz Hilverding.

Né à Florence en 1731, Angiolini débute sa carrière en se produisantdans plusieurs villes italiennes avant de rejoindre Hilverding à Vienne en1754. Il lui succède trois ans plus tard, composant quelques balletsavant de partager avec Gluck la réussite de Don Juan. Un succèsconfirmé l’année suivante par la création de l’opéra Orphée et Eurydicedont il régla les danses. Gluck qui visait à une interprétation chantéed’un drame, se rapproche ici des théories mises en œuvre avec DonJuan et fait date dans l’histoire de la musique. De la sorte, la danse pré-céda l’art lyrique dans les innovations qui bouleversèrent les conven-

Samedi 25 février à 21hDimanche 26 février à 17h

Représentations scolaires des Petits Riens organisées par Biarritz Culture les jeudi 23 et vendredi 24 à 14h30

De haut en bas, Angiolini (DR) et Gluck

Nathalie Vespecht et Cédric Godefroid dans Mozart à 2. © Olivier Houeix

Page 3: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ – NUMÉRO 29 PAGE 3

tions théâtrales de la fin du XVIIIe siècle. S’inspirant en partie de l’œuvrede Molière, Angiolini va rédiger en français le livret du ballet tout enexposant dans le programme ses principes chorégraphiques. Comme lerapporte le comte Zinzendorf : le sujet extrêmement triste, lugubre eteffroyable, l’apparition surnaturelle de la statue du Commandeur ajou-tée à la danse des furies, impressionna les spectateurs de l’époque. Cecaractère fantastique incitera par la suite nombre de chorégraphes às’emparer du thème. Quant à Angiolini, toujours en collaboration avecGluck, il montera une Sémiramis à partir de la tragédie de Voltaire en1765. L’année suivante, on le voit quitter Vienne pour Saint-Petersbourgoù il va diriger la reprise de ses œuvres tout en offrant de nouvellescréations dont il compose parfois la musique. Il retourne ensuite àVienne, avant de travailler à Venise, Turin et Milan. Puis, à nouveau,il retrouve la Russie pour enseigner à l’école des Théâtres Impériaux.Sa carrière s’achèvera en Italie où il meurt en 1803.

Don Juan est né à Séville au siècle d’or. À l’origine, une légende médié-vale présente un homme qui pour se rendre à ses noces doit traverserun cimetière. Déjà ivre, il donne un coup de pied dans une tête de mortavant de l’inviter au banquet. À cette invitation blasphématoire, le spec-tre du défunt répond en apparaissant au beau milieu de la fête pourdonner rendez-vous à notre homme. Lorsque celui-ci se rend au cime-tière, il découvre une table dressée sur une tombe, le spectre le saisitalors par la main et l'entraîne avec lui aux Enfers. C’est Tirso de Molina,qui le premier aborde cette légende avec son El Burlador de Sevilla yconvidado de piedra publié en 1650. Dans ce drame, Don Juan est letype du sensualisme raffiné, il court d'un pays à l'autre, d'un duel à unrendez-vous amoureux, tout en unissant l'impiété à l'égoïsme. Depuislors, Don Juan, pour qui toute femme est bonne à séduire, n’a cessé deconquérir le monde et de se métamorphoser : de Goldoni à Molière etMozart, en passant par Byron, Baudelaire, Lenau et d’autres. Au gré des

Répétition Don Juan© Olivier Houeix

Véronique Aniorte et Annalisa Cioffi Répétition Don Juan© Olivier Houeix

Page 4: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

PAGE 4 NUMÉRO 29 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ

inspirations qu’il suscite, il change de physionomie. On le voit proche dela Commedia dell’arte, libre-penseur, coureur de jupons, mélancolique,assoiffé d’absolu, à peine épuisé par cette course littéraire tant il fascine.Pour Gluck et Angiolini, il est l’aristocrate libertin esquissé par Molière.Nous retenons ces traits convenus tout en lui attribuant d’autresexpressions. Notamment l’idée d’un homme qui à travers les femmescherche la femme. À moins qu’il ne se cherche lui-même? La raisonvoudrait qu’il s’arrête un jour, tombant réellement amoureux. Mais DonJuan n’est pas raisonnable, ne respecte rien ni personne et, à défaut deconnaître l’extase dans l’unique et l’immobilité, ce séducteur impénitentcourt avec avidité pour jouir du multiple. Jusqu’au moment fatal où laterre s’ouvre sous ses pieds pour l’engloutir.

Traiter de Don Juan, se lier avec le personnage c’est essayer de le retenir,ce qui est contraire à sa nature. Aussi, avons-nous préféré en saisirl’éclat, les éclats puisque ici le rôle bénéficie de trois interprètes, tandisque la figure d’Elvire reflète toutes les conquêtes du personnage.Ce processus de division la scénographie en rend compte par l’usaged’une table de banquet se scindant en triangles acérés pour à la foisénumérer et commenter les assauts de Don Juan, témoigner du désordreamoureux qui s’en suit ou figurer les mâchoires de l’enfer. Enfin, à l’exception de Sganarelle, personnage servant habituellement de faire-valoir au héros et souvent prétexte aux galéjades, seuls les protagonistesnécessaires au drame sont en scène : Don Juan, Elvire, le Commandeur.

Billetterie Office du Tourisme de Biarritz Tél. 05 59 22 44 66 –Fnac www.fnac.com – Carrefour, France Billet Tél. 0 892 683 622– www.ticketnet.fr 0892 69 70 73 – Virgin Bayonne – Centre Culturel Leclerc Anglet (RN 10) •Plein tarif 25€ •Tarif réduit 20€ Carte Biarritz Culture, Les Amis du Théâtre, Les Amis du Musée de Guéthary, Les Amis d’Arnaga, Scène nationale de Bayonne, Tournées Charles Barret, groupe de 10 personnes, parents d’élèves des écoles de danse, des scolaires sensibilisés par le CCN et du Conservatoire national de région de Bayonne, Carte Synergie 2000•Tarif jeune 10€ moins de 18 ans, Carte étudiant, Carte jeune, demandeursd’emploi, élèves écoles de danse, du Conservatoire national de région de Bayonne et scolaires sensibilisés par le CCN) •Amis du Ballet Biarritz 16€

Un dispositif triangulaire, fragilisé par l’apparition de la Mort, sans qui,jamais la figure légendaire de Don Juan n’aurait fait couler autant d’encre et de larmes. Thierry Malandain

Magali Praud et Frederik Deberdt Répétition Don Juan. © Olivier Houeix

Page 5: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ – NUMÉRO 29 PAGE 5

Plagesd’histoires

Yvette Chauviré

La danse à Biarritz # 24

qui subsiste du style français et le brio italien. «Plus italien que fran-çais » précise-t-elle dans l’ouvrage que lui a consacré Gérard Mannoni«Le style français, c’est Saint-Pétersbourg qui en avait hérité. SergeLifar allait nous montrer toute la différence». C’est donc auprès de lui,mais surtout de Boris Kniaseff qu’elle ajoute à son art l’expressivité etle lyrisme qui émaillent sa danse. Première danseuse à 20 ans en1937, elle est choisie pour tourner La Mort du cygne, un film de JeanBenoît Lévy d’après la nouvelle de Paul Morand dont Serge Lifar règlela chorégraphie. La révélation de ses talents de comédienne lui ouvreles portes d’une carrière cinématographique américaine, mais sesaspirations profondes vont à la danse. Elle reviendra au cinéma plustard, avec le film Le Carossello napolitano d’Ettore Gianini, chorégra-phie de Leonide Massine, aux côtés de Sophia Loren. Yvette Chauviréest nommée Étoile le 31 décembre 1941 à la suite de son interpréta-tion magnifique d’Istar, musique de Vincent d’Indy. Suivront Joan deZarissa, Les Animaux Modèles, Suite en blanc de Serge Lifar. Après lalibération, ce dernier contraint à l’exil, quitte Paris pour Monte-Carlo. Enson absence, Yvette Chauviré danse Giselle, Le Lac des Cygnes etCoppélia. Le Palais Garnier est sa maison, mais les relations avec sonadministration seront parfois orageuses, c’est pourquoi à deux repriseselle s’en échappe : En 1946, elle rejoint Serge Lifar aux Ballets deMonte-Carlo et en 1949, à la fin de son contrat, elle part en tournées àl’étranger et en province. Entre temps elle y sera revenue pour créer lerôle de l’Ombre dans Les Mirages (1947), chorégraphie de Serge Lifar,musique d’Henri Sauguet, qu’elle marquera d’autorité et d’abandonpoétique. En 1949, Victor Gsovsky règle pour elle et WladimirSkouratoff le Grand pas classique sur une musique de Daniel FrançoisEsprit Auber ; un pas de deux composé à la gloire de l’art académiqueoù les interprètes rivalisent d’élégance et de virtuosité. Le monde entierfait appel à son art, et les compagnies les plus renommées comme laScala de Milan, Les Ballets Russes de Monte-Carlo ou le LondonFestival Ballet, l’invitent. En 1953, elle revient à l’Opéra avec un contratplus souple qui lui permet de continuer sa carrière internationale. C’estalors la création de la Belle Hélène de John Cranko qui révèle uneartiste piquante, pleine d’humour et de fantaisie. Elle retrouve égale-ment le catalogue lifarien et les grands rôles du répertoire, notammentGiselle qu’elle interprètera auprès de Rudolf Noureev en 1961. C’estdans cet ouvrage où elle sublime le souvenir des grandes ballerinesromantiques qu’elle fait ses adieux à l’Opéra de Paris en 1972 avecCyril Atanassoff pour partenaire. Suivront des représentations enFrance et à l’étranger avant qu’elle ne décide de transmettre le secretde son art aux futures étoiles. Ce sera le sujet d’un film de Dominique

Inspirant les légendes et les rêves des poètes, lecygne, cet oiseau des eaux et des airs, est aussile nom donné à une constellation. Sans douteparce qu’elle se présente sous la forme d’unecroix rappelant un oiseau déployant ses ailes. Desailes harmonieuses et fluides comme les bras desdanseuses interprétant Le Cygne de Saint-Saënset Fokine. Au coeur de cette constellation est uneétoile : Yvette Chauviré, Prima Ballerina Assoluta,qui a fait du cygne son oiseau de compagnie etd’un trait de plume sa signature.

C’est en 1927, à l’âge de dix ans, qu’Yvette Chauviré entre à l’école dedanse de l’Opéra de Paris. Elle suit les classes de Laetitia Couat et deCarlotta Zambelli, un enseignement partagé à cette époque entre ce

Page 6: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

PAGE 6 NUMÉRO 29 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ

respect et à l’admiration, s’est ajoutée l’idée romantique qu’elle étaitpour nous le « cygne» du destin, sinon « l’oiseau-lyre » qui en tourna lapage. En hommage et avec son aimable autorisation, au sein du nouvelédifice construit à Biarritz pour le Conservatoire National de RégionBayonne-Côte Basque, une classe de danse portera son nom aux côtésdu Marquis de Cuevas et de Sophie Puaux, jeune professeur de danserécemment disparu.

À lire : Yvette Chauviré – Gérard Mannoni, Éditions Le Quai, 1997.

Le corps glorieux – Dominique Delouche, Éditions La renaissance du livre, 2003.

Le Cygne – Benjamin Rossé, Éditions Art Line, 2000.

À voir : Une Etoile pour l’exemple – Dominique Delouche, Les Films du Prieuré,

1998 (en DVD chez Doriane Films, 2005).

Delouche dans lequel Yvette Chauviré devient Une Étoile pour l’exemplecar «elle a trouvé l’état de grâce auquel seulement trois ou quatre dan-seuses parviennent chaque siècle » dira un critique. Il faudrait égale-ment évoquer Yvette Chauviré chorégraphe, comédienne et artiste peintre,mais l’objet de cette page nous invite à retrouver Yvette Chauviré àBiarritz où elle est ovationnée en 1950 au Casino Bellevue entourée deGeneviève Lespagnol et Boris Traïline. Une photographie en compagniede Serge Perrault témoigne également de sa présence en 1952, maispréférer une date plus proche permet de confier qu’elle fut pour nousune bonne étoile. En 1987, grâce à Claire Sombert dont la carrière inter-nationale s’est illustrée auprès de Jean Babilée, Roland Petit, GeneKelly… Yvette Chauviré découvrit notre travail. Par la suite, nous eûmessouvent le plaisir de l’accueillir à nos représentations. Ainsi, était-elleprésente en septembre 1997, lorsque la compagnie présenta Carmen etSextet dans le cadre du Temps d’Aimer. À l’issue du spectacle, elle vintsur scène féliciter les danseurs et nous amusa d’un pastiche chorégra-phique témoignant qu’elle était très au fait de la création contempo-raine. Le lendemain, nous apprenions que la ville de Biarritz nous des-tinait le tout nouveau Centre Chorégraphique National. Un an plus tard,Yvette Chauviré était présente à son inauguration. Depuis ce jour, au

Ci-contre,Yvette Chauviré,Constantin Népo,Geneviève Lespagnol et Boris Traïline – Biarritz, 1950

Ci-dessous,Yvette Chauviré et Serge Perrault – Biarritz,1952

Page 7: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ – NUMÉRO 29 PAGE 7

Françoise Dubuc :qui c’est celle-là?

Papa, maman, danse » ou alors était-ce «Maman, danse, papa… »Je ne me souviens plus de l’ordre de mes premiers balbutie-ments. Dès que mes jambes le permirent, je me hissais sur la

pointe de mes « charentaises ». J’ignorais tout de la danse, des pointeset des tutus, n’ayant jamais vu de spectacle de ballet de ma courte vie !La seule richesse à la maison était un poste de radio au son duquel jedevenais « Isadorable » sans le savoir pour la plus grande joie de mesparents, et celle plus partagée de ma grande soeur ! Dès l’âge de cinqans, on m’inscrivit dans un cours de danse à Pau. J’y passai ma premièreheure en larmes, parmi d’autres débutantes, les jambes nues sous unjustaucorps en coton dix fois trop grand et portant aux pieds d’horribleschaussons en feutre noir. Je restai près de dix ans dans cette école, negardant hélas aucun bon souvenir. Mais je dois rendre justice à son professeur qui m’a fait connaître celle qui me fera découvrir au détourd’un stage un autre visage de la danse : Marika Besobrasova.Professeur prestigieux, unique dans son approche de la danse, pion-nière dans l’analyse du mouvement académique, Marika avait son écoleen Principauté de Monaco. J’y découvris une approche différente de ladanse toute en raffinement, souci du détail, une danse inspirée. J’étaisfascinée, admirative, idolâtrant ce professeur comme tant d’autres demes camarades. N’ayant pas encore quinze ans, nous étions encadrées

par des Sœurs Dominicaines bienveillantes et attentives aux jeunesdanseuses dont elles avaient la responsabilité. Je passai cinq annéesdans cet oasis tranquille, tenue à la discipline féroce de la danse dictéepar la haute exigence et l’autorité de Marika. J’eus la chance de côtoyerdes danseurs déjà illustres, tels Rudolf Noureev, Marcia Haydée, RichardCragun, Antoinette Sibley, Stevlana Beriosova, Elisabeth Terrabust etd’autres encore. D’assister aux débuts d’une danseuse d’exception, EvaEvdokimova, artiste humble et douce, travailleuse acharnée qui fut unexemple pour toute l’école et qui par la suite fit une très grande carrière.Afin de nous familiariser avec la « scène», nous faisions de la figurationdurant la saison annuelle d’opéras. De belles productions étaient donnéesà la salle Garnier du Casino. Je garde un souvenir bouleversant deMargherita Wallman remontant Le Dialogue des Carmélites de FrancisPoulenc. Jeune figurante parmi la « foule », je regardais, émue, ces«carmélites » monter une à une à l’échafaud, soutenue par la musiqueexpressive de Poulenc. Dans Don Quichotte, je connus Gabriel Bacquier,qui outre sa bonhomie, imposant et fier sur sa belle Rossinante, projetaitune magnifique voix au timbre chaud et généreux. Il nous semblait alorsnormal de croiser dans les coulisses, Régine Crespin, Jacques Chazot,Robert Manuel, Mady Mesplé, Suzanne Sarroca…

Vint le temps redouté des auditions ! Je fus engagée au Het NationaleBallet d’Amsterdam. Sous la direction de Rudi Van Dandzig, j’entamaisma vie professionnelle après avoir quitté le cocon monégasque et mesamis. Je découvrais l’Amsterdam des années 70, le néerlandais, lamétéo maussade, les hippies… Et quatre vingt-dix danseurs au ballet.Quelques Lac des Cygnes, Bayadère, Études et autres grands ballets durépertoire ainsi que des créations comblèrent deux saisons néerlandaises.Puis le mal du pays me ramena vers Paris. Je suivis là les fameusesclasses de Raymond Franchetti. Après une audition, je fus engagée auBallet Théâtre Français de Nancy dirigé par Jean-Albert Cartier etHélène Traïline. Au début, le répertoire était surtout dominé par des chorégraphes américains tels John Butler, Louis Falco, Viola Farber,Lar Lubovitch, héritage du Ballet Théâtre Contemporain d’Angers, crééet dirigé par Françoise Adret et Jean-Albert Cartier en 1968. Puis vint unprogramme dédié aux «Ballets Russes» avec Rudolf Noureev comme«star » invitée. J’eus alors l’immense honneur d’être sa partenairedurant trois saisons et de connaître à ses côtés de mémorables ova-tions dans Le Spectre de la Rose, l’Après midi d’un faune ou ApollonMusagète. C’est également à Nancy que je rencontrai ThierryMalandain, Yves Kordian, Richard Coudray, Oswald Roose, AngélitoLozano danseurs comme moi et Jean-Claude Asquié, faisant partie del’équipe technique. Enfin, l’année 1986 nous trouva prêts pour fondernotre propre compagnie, et c’est en juin 1986 que «Temps Présent »présenta son premier spectacle. Jamais je n’ai ressenti autant de bonheuraux saluts. Nous étions si fiers de présenter notre «bébé», nous Ü

Page 8: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

PAGE 8 NUMÉRO 29 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ

étions les meilleurs, avec le meilleur chorégraphe !!! Soit dit en passant,nous raflions tous les premiers prix lors des concours chorégraphiques…

Ma route bifurqua soudainement, puisque j’arrêtai ma carrière et devinsprofesseur, créant à Pau ma propre école de danse. Riche expériencequi me sera utile par la suite. De ma province béarnaise je suivais leparcours de la Compagnie Temps Présent. En 1998, c’est elle qui vint àmoi en devenant Ballet Biarritz, à quelques cent kilomètres de Pau.J’intégrai donc l’équipe, dans un premier temps chargée de la sensibi-lisation auprès du jeune public. Mais mon désir profond était de travailleravec les danseurs. Thierry me fit confiance, en me demandant d’allerremonter un de ses ballets à Singapour. J’avais un trac fou, mais aprèscinq semaines, le Singapore Dance Theater était fin prêt pour la«Première » et moi, plus que jamais enthousiaste de ce nouveau rôle.J’en remercie Thierry et Yves Kordian au soutien bienveillant. En 2003,je quittai définitivement mes responsabilités auprès du jeune public.Depuis lors, une part de mes activités me conduit aux quatre coins duglobe pour transmettre dans d’autres compagnies les ballets de Thierry.Celui-ci me rejoint chaque fois et apporte alors maints détails, recher-chant par des images à mieux faire comprendre ou ressentir les mou-vements et ses intentions. Ce sont des moments privilégiés. Souvent,les danseurs restent médusés, puis reconnaissants devant la générositéd’un chorégraphe sachant allier simplicité et humour. À l’étranger, tousdeux «bardés» d’un anglais très personnel, nous formons un duo pitto-

resque qui fait sourire plus d’un, notamment lors des conférences depresse. Mais heureusement ! La Danse est un Art au langage universel !

Aujourd’hui, je suis très heureuse de ce travail. Thierry, étant un desrares chorégraphes français à savoir mais aussi à vouloir utiliser le langage académique au service d’une inspiration personnelle.Naturellement, ses choix se tournent vers des danseurs ayant uneexcellente base académique, préférant ceux qui ne sont pas enfermésdans un style précis. Beaucoup de chorégraphes, durant la période oùils dansaient, ont été nourris par le travail de leurs prédécesseurs ;Thierry se situe dans cette lignée apportant depuis sa propre modernité,sa propre identité avec toujours le respect du passé. Dès lors, transmettreses ballets à d’autres compagnies m’apparaît comme une évidence,d’autant qu’ils participent me semble-t-il à l’évolution de la danse, dudanseur et du public. Outre cette activité, la saison me verra égalementprésente auprès de nos danseurs, en répétitions à Biarritz et à l’occasiondes nombreuses tournées. De ces artistes, je suis une fervente admira-trice, tout en restant dans l’exigence. Enfin, j’ai conscience de la chancequi m’est donnée de toujours baigner dans l’univers de la Danse etd’être entourée de mes amis. Situation que beaucoup d’autres collè-gues nous envient. Ce métier, aux multiples facettes, me remplit l’âme,le cœur… Et autre privilège, entretient le corps. Alors souhaitons quecette magnifique aventure dure encore très longtemps, pour le meilleur.

Au son d’une musique captivante, l’enfant bouge, saute et tournesur lui-même. Il danse dira-t-on. Rien d’alarmant en cela,puisqu’un tel comportement est courant depuis l’aube des

temps. D’ailleurs, dès qu’il y eut des Hommes, il dut y avoir des danses,et certains n’hésiteront pas à en faire un métier. Ainsi, dès laRenaissance, époque où les cours italiennes inventent le Ballet, les dan-seurs faisant preuve de capacités sont particulièrement recherchés.Souvent musiciens, les deux professions allant de pair jusqu’à la fin duXVIIe siècle, ils se présentent comme maîtres à danser : danseurs,professeurs et ordonnateurs des bals et des spectacles auxquels parti-cipent les gens bien nés. Car avec l’équitation et la pratique des armes,la danse fait partie de l’éducation du gentilhomme. En France, c’estdans l’entourage de Catherine de Médicis que ces maestri di ballo émi-grent et développent ce que les historiens nommeront le Ballet de Cour.Déjà, aux côtés des courtisans, on observe quelques professionnels,des baladins interprétant les rôles comiques, des hommes principale-ment. Car, si la présence des femmes est attestée, c’est à la fin du

règne de Louis XIV que les danseuses professionnelles sont reconnues.Elles interpréteront les rôles féminins qui jusque lors étaient tenus pardes hommes travestis. Rappelons que Louis XIV, danseur émérite marquason temps d’une politique en faveur des arts et des lettres. La danse yoccupe une place privilégiée, ce qui pourrait donner raison à la maximechinoise disant que : «L’on peut juger d’un souverain par l’éclat de laDanse durant son règne ». Ainsi, à l’instar de Richelieu fondantl’Académie Française pour réglementer l’usage de la langue française,Louis XIV crée l’Académie Royale de Danse en 1661. «Désirant rétablirledit art dans sa perfection et l’augmenter autant que faire se pourra »,il la charge de définir les règles d’un art dont les principes vont s’étendreà l’Europe avant d’être partout entendus en français. Bientôt, les spec-tacles à la cour atteindront une dimension inégalée employant toujoursplus de professionnels payés à la représentation. Leur formation associel’étude du violon à celle de la danse, et après l’obtention d’un diplôme,la règle est d’acheter une charge de maître à danser. On en compte unecinquantaine à cette époque. Aux alentours de 1669, lorsque le roi fait

C’est quoi danseur?

COULISSES

Page 9: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ – NUMÉRO 29 PAGE 9

ses adieux à la scène, participer aux spectacles devient moins gratifiantpour les courtisans, certains même feront preuve de dilettante. Pourpallier à ce désagrément, Louis XIV crée une troupe professionnelle devingt danseurs en 1681. Il y adjoint une école où les élèves sont instruitsgratuitement. Sur scène, à l’image du roi, le danseur occupe la premièreplace, ses appointements sont aussi plus élevés que ceux des danseuses.Le Siècle des Lumières rétablira le juste équilibre salarial et permettral’engagement d’un grand nombre d’artistes femmes, parmi lesquellesdes figurantes non rémunérées qui ne paraissent jamais en scène, leurfonction étant de trouver l’âme généreuse suppléant à ce manque d’honoraires. De fait, entretenir une danseuse deviendra un brevet demondanité et d’élégance. Vers 1830, alors qu’une nouvelle élite se rendau spectacle pour se divertir autant que pour se soustraire à l’obscuran-tisme religieux, le statut social du danseur s’effondre. Lié à la cour parson appartenance à la Maison du Roi sous l’ancien régime, son rôled’officier (il remplit un office) est ravalé au rang de saltimbanque chargéde divertir la Bourgeoisie. Dans ce contexte, les danseuses suscitentdavantage d’intérêt que les danseurs. Et, l’apparition des pointes quileur confèrent grâce et légèreté tout en leur permettant d’incarner« l’éternel féminin » chanté par les romantiques s’ajoute à cette préfé-rence. Peu à peu délogé de son piédestal, le danseur va servir de fairevaloir, de porteur avant de disparaître, remplacé par des femmes travesties aux abords de 1860. Entre temps, l’Académie est passée aurégime privé, en conséquence, tout est mis en œuvre pour satisfaire laclientèle fortunée qui pourvoit à son fonctionnement. Fréquenter le foyerde la danse, lieu où s’exercent les danseuses avant d’entrer en scène,est l’un des privilèges accordé aux abonnés. S’y organise un commercepermettant aux « filles d’opéra» issues de milieux modestes de subsister.Les étoiles touchent un fixe, augmenté de représentations à bénéfice etde « feux» (indemnisation du bois chauffant la loge) En revanche «Vousavez les coulisses !» dira un directeur à une jeune recrue venue solliciterune augmentation. Un marché de dupes dont les conséquences vontêtre préjudiciables, puisque considérée comme l’antichambre du demi-monde, la Danse peinera à prétendre au sérieux des autres arts. Il fautattendre les débuts du XXe siècle pour qu’au déclin et à la disgrâce succède une revalorisation sensible de la profession. Elle s'esquisseavec les Ballets Russes de Diaghilev dont l’un des mérites est de susciterun regain d’intérêt pour le ballet. En 1912, éclate la première grève desdanseurs de l’Opéra. Ensuite, Serge Lifar, marque son temps de réformesnécessaires. On assistera notamment au retour du masculin au PalaisGarnier. Puis, lorsque vient le temps de la libération du corps, MauriceBéjart est le conquérant d’un nouveau public avant que n’explosentd’autres conceptions chorégraphiques. Toutefois, malgré les efforts etl’évolution des mœurs, un siècle n’aura pas suffi à faire de la dansel’égale des autres arts. Nonobstant le passage d’un corps honteux à uncorps réhabilité, le réflexe est toujours de privilégier le verbe et l’écrit.Sans compter que représentant une population réduite, les danseursont souvent moins préoccupé les pouvoirs publics. Ainsi selon uneétude*, ils étaient 5000 en 2001 contre 30000 musiciens et 25000comédiens. Parmi eux, 500 danseurs permanents pour 4 500 intermit-tents du spectacle. Un secteur où comme chez les musiciens et lescomédiens, les danseurs sont plus nombreux. Un artiste est permanent

lorsqu’il profite d’un contrat annuel. En revanche, il est intermittent àpartir du moment où rémunéré à la représentation ou à la répétition,il est indemnisé par l’assurance chômage les jours où il n’est pas souscontrat. Quant aux revenus de la danse, l’absence de règles favoriseune grande disparité entre les danseurs s’ajoutant à celle existant entreeux et les musiciens ou les comédiens. En moyenne, le salaire d’undanseur permanent se situera autour de 1 500€ brut par mois (2000€

brut sur douze mois au Ballet Biarritz). Tandis que les appointements debase d’un musicien d’orchestre seront supérieurs d’un tiers voiredavantage. Déjà au XVIIIe siècle, les musiciens étaient payés le doubledes danseurs à l’Opéra. Concernant la rémunération des intermittents,les danseurs apparaissent une nouvelle fois comme moins favorisés.Pourtant, en comparaison, la carrière d'un danseur est plus courte.Mais, dès son plus jeune âge, le danseur est préparé à ce qui l’attend.Il sait notamment qu’il peinera à trouver du travail et que plutôt qu’espérer un bon salaire, il doit simplement être satisfait de pouvoirexercer son métier. Traditionnellement, le danseur vivant de son arts’astreint à un entraînement journalier même après l’apprentissage del’enfance. C’est l’une des rares discipline où quel que soit le rang le rapportquotidien maître-élève perdure jusqu’à la fin de la carrière. Devenirdanseur, c’est apprendre une technique qu’il faudra toujours perfectionnerpour mieux l’oublier. Car si la danse est un art, ses règles sont les limitesque l’expression artistique doit dépasser. Enfin, être danseur, c’est passerdes auditions, et pour ceux qui sont engagés dans une compagnie permanente, c’est débuter la journée par un cours pour ensuite répéterentre cinq et six heures. Partir en tournées, donner des spectacles,se réjouir de la lumière ou se satisfaire de l’ombre, être exposé auxtraumatismes corporels et devoir souvent composer avec la douleur.Arrive le jour où au sommet d’une maturité artistique, le corps du dan-seur répond : merci ! Alors, se pose la question de l’avenir. Et à l’âge oùles autres sont en pleine possession de leurs facultés professionnelles,avant la quarantaine vient le moment d’envisager une nouvelle vie.Mais, c’est quoi la reconversion? est une autre question.

Mozart à 2,Giuseppe Chiavaro et Magali Praud© Olivier Houeix

Page 10: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

ACTIVITÉ DU BALLET BIARRITZ JUNIOR

À Louhossoa, les 4 et 5 novembre derniers, le BBJ participait à la créationde Batekmila, un projet conduit par l’Institut Culturel Basque en colla-boration avec l’Orchestre de Bayonne Côte Basque, la Scène Nationalede Bayonne et du Sud Aquitain, et la Compagnie Théâtre du Rivage dirigéepar Pascale Daniel-Lacombe. La création de ce spectacle en languebasque, inspiré de légendes et contes du Pays Basque bénéficiait éga-lement du concours du chanteur Benat Achiary, tandis que GaëlDomenger signait la chorégraphie d’une Zinta Dantza composée parLaurent Martin. Formé à l’École de danse de l’Opéra de Paris, puis auConservatoire National Supérieur de Paris, Gaël Domenger a débuté sacarrière de danseur à Euroballet au Luxembourg avant de rejoindre leBallet de Leipzig. On le retrouve ensuite à l’Opéra Royal de Wallonie, auScapino Ballet Rotterdam et au Ballet Biarritz dès 2003. Passionné parla chorégraphie, il a déjà réalisé une dizaine de ballets présentés àLiège, Leipzig, Rotterdam, Hanovre et Biarritz, mais cette Zinta Dantzaintégrée au spectacle Batekmila est sa première création pour le BBJ.La Zinta Dantza remonte aux temps où on célébrait le printemps et lerenouveau de la nature par la danse. À travers cette ronde rituelle, leshommes faisaient appel aux liens les unissant au Cosmos pour s’assurerde la fertilité de la terre, des animaux et des humains. Pour rappeler quele monde est vivant et honorer sa constante renaissance, cette danseréunit à présent un cercle de jeunes filles autour d’un mât symbolisantl’arbre de vie (aussi appelé l’arbre de mai dans certaines traditions). Lesdanseuses y sont reliées par un ruban, symbole du cordon ombilical,qu’elles entremêlent puis démêlent à l’image de la vie, célébrant ainsile renouveau en toute chose. Argumentant son interprétation de la ZintaDantza, Gaël Domenger confiait : « j’ai voulu observer nos rapports ausein d’un groupe, mettant l’accent sur les échanges d’énergies entreindividus, comme entre la Terre et l’Humain. En ces temps de rupture,il m’a semblé essentiel de célébrer notre interdépendance avec laNature, pour partir à la recherche d’une force émanant du passé etrayonnant encore de nos jours. Sur ce chemin, c’est avec évidence quequelques symboles de la culture basque se sont imposés à la structure

Gaël Domenger signe Zinta Dantza et La Nuit transfigurée

chorégraphique. Mais si j’ai occulté toute représentation symbolique dumât sur scène, c’est pour rappeler avec force, qu'en chacun d’entrenous demeure un arbre de vie. »Toujours en novembre, le BBJ présentait le 17 à Donostia/San-Sebastián la première d’un spectacle intitulé Tximeleta (les papillons)composé de Boléro et de La Mort du cygne de Thierry Malandain etd’une création de Gaël Domenger, La Nuit transfigurée d’ArnoldSchöenberg : poème symphonique écrit selon le principe de la compo-sition à douze sons, à savoir l’enchaînement systématique de douzesons n’ayant entre eux d’autre rapport que celui existant d’un au suivant.La chorégraphie avait pour ambition de s’appuyer sur cette théoriemusicale pour mettre en scène les douze danseuses du BBJ. «À traversles différentes personnalités des interprètes, il s’agissait de construireun ensemble cohérent dont l’identité était définie par la relation desdanseuses entre elles. Au fil des répétitions La Nuit transfigurée estdevenue le journal de bord d’une rencontre fortuite entre douze jeunesfilles venant d’horizons différents. La structure chorégraphique a étédéfinie lors des ateliers d’improvisation que propose la formation duBBJ. Des idées et des propositions faites à chaque séance, j’ai tiré uneligne directrice adaptée instantanément à l’évolution du groupe. »Le poème de Richard Dehmel qu’illustre Schöenberg, est un dialogueamoureux entre un homme et une jeune fille, mère de l’enfant d’unautre. La transfiguration dont il est question apporte la réconciliationentre les amoureux, en les réunissant autour de la naissance future del’enfant, qui n’est plus l’enfant d’un autre, mais grâce à leur amour ;leur enfant. «Le sujet propose d’observer comment des émotions et dessentiments peuvent s’organiser ensemble pour restituer une harmonie,un apaisement, à une situation confuse et conflictuelle. Le but visé parla chorégraphie est de placer les sentiments et les émotions au centrede la recherche pour finalement évoquer la naissance d’un groupe àtravers l’harmonisation progressive des parties qui le composent touten suivant de près la nuance qu’il existe entre sentiment et émotion»indiquait Gaël Domenger.

PAGE 10 NUMÉRO 29 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ

Ballet Biarritz Junior à BiarritzTXIMELETALa Nuit Transfiguréechorégraphie Gaël DomengerLa Mort du Cygne et Bolérochorégraphie Thierry MalandainSamedi 4 et dimanche 5 février à 20h30 au Colisée de BiarritzTarif adultes : 10 euros / Tarif Amis du Ballet, enfants jusqu'à 12ans et demandeurs d'emploi : 5 eurosRéservations : Office de tourisme de BiarritzTél. 05 59 22 44 66 / Ballet Biarritz Tél. 05 59 24 67 19

Page 11: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ – NUMÉRO 29 PAGE 11

EN BREF

Cigale au Festival MassenetDans le cadre de la 8e édition du Festival Massenet de Saint-Étienne, Ballet Biarritz présentaitCigale du 10 au 15 novembre en lever de rideau du Jongleur de Notre-Dame mis en scène par Jean-Louis Pichon. À cetteoccasion, le Nouvel Orchestre de Saint-Étienne était dirigé par Laurent Campellone.

La Presse en parle«Cigale, bien oubliée de nosjours, est loin d’être une œuvremineure. Librement inspirée de la célèbre fable de La Fontainepar le librettiste Henri Cain, ellefait éclater tout à la fois la vervemélodique de Massenet,sa science de l’orchestration,et son humour (les variations surAu clair de la lune sont aussiamusantes qu’étourdissantes !).Hymne à la profonde humanitéde Massenet, aussi. Car la légèrecigale se tire d’affaire, audétriment de la triste fourmi.L’œuvre se termine très joliment

par un chœur d’enfant.Le chorégraphe Thierry Malandaina bien senti la générosité et la fraîcheur — sans mièvrerieaucune — se dégageant de l’œuvre et distille un balletanimé, vivant, joyeux, évitant le double piège de la variationdouceâtre en tutu et ducontemporain à tout prix :l’interprétation est dans la veineclassique, et en même tempsrésolument moderne. Quant à latroupe du Ballet Biarritz, elle esttout simplement excellente.Une découverte de prix,et une excellente première partie de soirée. »Resmusica, Catherine Scholler

«Délicieuse Cigale ! Enchoisissant le Ballet Biarritz pourla partie dansée, Jean-LouisPichon, a choisi une valeur sûre :Thierry Malandain, qu’il connaîtbien puisque le chorégraphe,avant d’être à la tête de ce CCN,a travaillé à l’Esplanade.Ce dernier abordait avec poésie

cette œuvre courte, dont lamusique fluide et légère offraitun espace aérien que lesdanseurs occupaient avec unebelle intensité. Très expressifs,se fondant avec rigueur dans unechorégraphie contemporaine biendosée, ils offraient un ballet trèsfrais. Sur fond de « temps descerises » les délicates et fugacescigales, au cœur pourpre et labelle grandeur d’âme palpitentface à une fourmi très noire et égoïste. Cette production se dégustait comme unegourmandise en prélude du Jongleur de Notre-Dame. »Le Progrès, Martine Goubatian

Le Ballet Biarritz Junior passe à la téléLe 12 novembre, au Kursaal deDonostia/San-Sebastián devant1800 spectateurs invités autournage d’une émission dedivertissement pour les fêtes denoël, le BBJ a enregistré La Mortdu cygne et Boléro pour ETB 1Euskal Telebista, la chaîne

publique du Pays Basqueespagnol.

Quimper – Théâtre à tout âgeDans le cadre du festival Théâtreà tout âge proposé par Très TôtThéâtre, Ballet Biarritz s’estproduit au Théâtre de Cornouaille/ Scène Nationale de Quimper du 8 au 10 décembre donnantcinq représentations de Casse-Noisette devant près de 3500spectateurs. Parallèlement,en collaboration avec l’ADDM 29,Musiques et Danses en Finistèreet Musiques et Danses enBretagne, Richard Flahaut,historien de la danse anima un séminaire de culturechorégraphique, tandis queDominique Cordemans conduisaitune série d’atelierschorégraphiques ouverts auxscolaires, aux écoles de danse et aux enseignants de primaireset collèges.

Cigale, © Jose Usoz

Page 12: Numéro 29 - Janvier/Mars 2006

Président Pierre DurandTrésorier Marc JanetSecrétaire Paul BarrièreArtistiqueDirecteur / Chorégraphe Thierry MalandainMaîtres de ballet Richard Coudray, Françoise DubucArtistes chorégraphiques Véronique Aniorte, Camille Aublé,Giuseppe Chiavaro, Annalisa Cioffi, Frederik Deberdt,Gaël Domenger, Roberto Forléo, Cédric Godefroid,Mikel Irurzun del Castillo, Silvia Magalhaes,Arnaud Mahouy, Christopher Marney, Miguel Pla Boluda,Magali Praud, Rosa Royo, Nathalie VerspechtProfesseur invité Angélito LozanoPianistes Alberto Ribera, Miyuki Brickle, Corinne VautrinResponsable sensibilisation Dominique CordemansAdministratifAdministrateur Yves KordianAssistante administrative / Chargée de diffusion Françoise GisbertChargée de communication Sabine LamburuComptable principale Rhania EnnassiriAccueil / Secrétariat Isabelle LarreDonostia/san-SebastiánConseiller technique Filgi ClaverieCoordinatrice artistique Adriana PousAssistante administrative Sofia AlforjaChorégraphe invité / Ballet Biarritz Junior Gaël DomengerArtiste invité / Ballet Biarritz Junior Asier ZabaletaDanseuses / Ballet Biarritz Junior Ione Miren Aguirre,Judith Argomaniz, Victoria De La Fuente, Pauline Fabien,Noémie Garcia, Miren Gomez, Sara Hernandez,Irma Hoffrén, Séverine Lefèvre, Aurélie Luque,Anne-Sophie Placier, Gisela RibaTechniqueDirecteur de production / Concepteur Lumière Jean-Claude AsquiéRégisseur général Oswald RooseRégisseur Lumière Frédéric BéarsTechnicien Lumière Frédéric EujolTechnicien Plateau Chloé BréneurTechnicien Son Jacques VicasiauTechniciens Chauffeurs Jean Gardera, Anthony MotaCostumière Véronique MuratRégie costumes / Couturière Habilleuse Karine PrinsResponsable construction décors Michel PocholuTechniciennes de surface Annie Alegria, Ghita Balouck

Attaché de presse Yves Mousset / MY Communications

NuméroDirecteur de la publication Thierry MalandainCréation graphique Jean-Charles FedericoImprimeur Imprimerie SAI (Biarritz)ISSN 1293-6693 - juillet 2002

BALLET BIARRITZ THIERRY MALANDAINCENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL

Gare du Midi – 23, avenue Foch – F-64200 BiarritzTél. : +33 5 59 24 67 19 – Fax : +33 5 59 24 75 [email protected]

PAGE 12 NUMÉRO 29 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ

www.balletbiarritz.com

CALENDRIER / JANVIER-FÉVRIER-MARS 2006

REPRÉSENTATIONS EN FRANCEME 25/01 Saint-Étienne Le Sang des Étoiles

SA 04/02 Biarritz Tximeleta Ballet Biarritz Junior

DI 05/02 Biarritz Tximeleta Ballet Biarritz Junior

JE 23/02 Biarritz Les Petits Riens Jeune public

VE 24/02 Biarritz Les Petits Riens Jeune public

SA 25/02 Biarritz Les Petits Riens / Don Juan

DI 26/02 Biarritz Les Petits Riens / Don Juan

MA 28/02 Saint-Raphaël Les Petits Riens / Don Juan

REPRÉSENTATIONS TRANSFRONTALIÈRESSA 21/01 Getxo Tximeleta Ballet Biarritz Junior

VE 17/02 Donostia/San-Sebastián Répétition publique Ballet Biarritz

REPRÉSENTATIONS À L’ÉTRANGER27/01 Neuchâtel (Suisse) Les Créatures

28/01 Neuchâtel (Suisse) Les Créatures

31/01 New-York (USA) Les Créatures

01/02 New-York (USA) Les Créatures

02/02 New-York (USA) Les Créatures

03/02 New-York (USA) Les Créatures

04/02 New-York (USA) Les Créatures

05/02 New-York (USA) Les Créatures

JE 02/03 Mestre (Italie) Les Petits Riens / Don Juan

SA 04/03 Vicenza (Italie) Les Petits Riens / Don Juan

24/03 Los Angeles (USA) Les Petits Riens / Don Juan Le Cercle des mécènes de Ballet Biarritz apporte son soutien aux nouvelles productions, aux tournées internationales de prestige, aux projets à caractère évènementiel.

Silvia Magalhaes et Roberto Forleo dans Les Petits Riens © Julien Palus