NOVEMBRE 1961 (XIV« ANNÉE) -...

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UNE FENÊTRE OUVERTE SUR LE MONDE Ji El ï NOVEMBRE 1961 (XIV« ANNÉE) - FRANCE : 0,70 NF. - BELGIQUE : 10 Fr

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UNE FENÊTRE OUVERTE SUR LE MONDE

Ji El ïNOVEMBRE 1961 (XIV« ANNÉE) - FRANCE : 0,70 NF. - BELGIQUE : 10 Fr

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FRANCE

QUINZE ANS DE TIMBRESDE L'UNESCO

Le 4 de ce mois, l'Unesco va célébrer son quinzième anniver¬saire. Le nombre des États membres, au début de 20 Étatsfondateurs, est aujourd'hui de 101.- Il s'est donc accru deplus de cinq fois en quinze ans. Des timbres ont jalonnéces étapes. Le premier timbre commémoratif de l'Unesco(à gauche) a été émis par le gouvernement français. Le plusrécent est également une émission française (ci-dessus, àdroite), du 21 janvier 1961. Certains des timbres de l'Unescoont été primés dans des concours internationaux, commepar exemple le timbre de 70 kips émis par le Laos, l'un dela série des quatre représentés ci-dessous à droite. Les autrestimbres de cette page représentent différents aspects dubâtiment de l'Unesco inauguré en 1958. On peut se pro¬curer tous ces timbres et les enveloppes oblitérées dupremier jour de l'émission au Service Philathélique del'Unesco, placé de Fontenoy, Paris-7*.

FRANCE

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AFGHANISTAN

Enveloppe souvenir offi¬cielle; journée des tim¬bres des Nations Unies

avec un timbre françaiscommémoratif de

l'Unesco et un timbre

spécial des Nations Unies.REPUBLIQUE

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LeUNESCO

NUMÉRO 11

CourrierNOVEMBRE 1961

XIV© ANNÉE

Publié en

8

FRANÇAISEANGLAISE

ESPAGNOLE

RUSSE

ALLEMANDE

ARABE

AMÉRICAINE

JAPONAISE

Pages

4 LA FORÊT, GAGE DE NOTRE AVENIR

par K.-H. Oedekoven

12 LA CRISE MODERNE DE L'ANTHROPOLOGIE

par Claude Lévi-Strauss

18 L'ÉQUIPE DES NATIONS UNIES A L'

22 LES RAYONS COSMIQUES

par Alexandre Gusev

NOTRE COUVERTURE

Un Jeune Indien de Guyanefrançaise préparant les orne¬ments rituels de plumespour une cérémonie tribale.Aujourd'hui, la disparitiondes peuples " primitifs "menace-t-elle de faire de

l'anthropologie une sciencesans objet? Voir l'article deClaude Lévi-Strauss page 12.

Photo © Dominique Darbois

25 NANSEN OU L'AVENTURE EXEMPLAIRE

par Robert Gladwell

30 LES CARTES DE VAUX 1962 DE L'UNICEF

31 ARTISTES DU GRAND NORD CANADIEN

32 NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT

33 LES GAIETÉS DE LA GRANDE FAUNE

34 LATITUDES ET LONGITUDES

Mensuel publié par :L'Organisation des Nations Unies pour l'Education,la Science et la Culture

Bureaux de la Rédaction :

Unesco, Place de Fontenoy, Paris-7*, FranceDirecteur-Rédacteur en Chef :

Sandy Koffler

Rédacteur en Chef adjoint :Gordon R. Behrens

Secrétaires de rédaction :

Edition française : Jane Albert Hesse (Paris)Edition anglaise : Ronald Fenton (Paris)Edition espagnole : Arturo Despouey (Paris)Edition russe : Veniamin Matchavariani (Moscou)Edition allemande : Hans Rieben (Berne)Edition arabe : Amin Chaker (Le Caire)Edition japonaise : Shin-lchi Hasegawa (Tokyo)

Maquettiste :Robert Jacquemin

Ventes et distribution :

Unesco, place de Fontenoy, Paris-7*.Belgique : Louis de Lannoy, 11, Place de Brouckère, Bruxelles.

Les articles et documents non-copyright peuvent être reproduits àcondition d'être accompagnés de la mention « Reproduit du Courrierde l'Unesco », en précisant la date du numéro en question. Deuxjustificatifs devront être envoyés à la direction du Courrier. Les articlessignés ne pourront être reproduits qu'avec la signature de leur auteur.Les manuscrits non sollicités par la Rédaction ne sont renvoyés ques'ils sont accompagnés d'un coupon-réponse International. Les articlesparaissant dans le Courrier expriment l'opinion de leurs auteurs etnon pas nécessairement celles de l'Unesco ou de la Rédaction.

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LA FORÊT

GAGE

DE NOTRE

AVENIRpar K.-H. Oedekoven

DI Epuis les origines inconnues de l'humanité, lecours de l'activité humaine a été marqué par

la destruction aveugle des forêts et de la végétation.Tout au long de l'histoire, des civilisations se sont épa¬nouies et ont disparu, détruisant arbres et plantes pourne laisser après elles que la steppe ou le désert.

Il y a quelques siècles seulement, l'homme s'est aperçuqu'il travaillait à sa propre perte, que la nature se ven¬geait et qu'il avait le devoir non seulement de sauvegar¬der ses ressources déclinantes, mais encore de développerle fondement même de son existence la terre fertile

pour répondre aux exigences de plus en plus impérieusesd'une population en constant accroissement.

La couverture du sol la plus étendue et la plus dura¬ble la forêt si longtemps considérée comme unobstacle au peuplement, à l'agriculture et aux commu¬nications, et, par suite, aveuglément brûlée ou exploitéeest devenue soudain l'objet du plus vif Intérêt. On s'estrendu compte que les deux éléments les plus importantsde notre existence le sol et l'eau doivent leur sta¬

bilité et leur abondance à la présence d'une couverturesylvestre suffisante.

Dans de nombreux pays, cette idée n'est pas limitéeà un petit cercle de spécialistes, mais est devenue fami¬lière à chaque citoyen. Après avoir parcouru les monta¬gnes dénudées du Natal, le premier ministre de l'Unionsud-africaine, Jan Smuts, déclarait au Parlement : « Ils'agit d'un problème vital pour notre peuple, plus impor¬tant que toute la politique ! »

A l'histoire future, cette conversion, ce revirement dela destruction des forêts au reboisement, apparaîtra peut-être comme un phénomène plus important dans l'évo¬lution de l'humanité que toutes les grandes1 guerres denotre époque.

Mais cette prise de conscience ne suffit pas à résoudrele problème. Dans de nombreux pays, les ministres del'Agriculture sont profondément angoissés. La populationmondiale s'accroît de plus de 50 000 habitants chaquejour, mais la superficie disponible des terres productivesne cesse de diminuer. Les trois quarts de la populationmondiale sont sous-alimentés.

La surface consacrée à la production vivrière ne repré¬sente que 0,4 ha par habitant ; il en faudrait au moins ledouble pour assurer une alimentation suffisante. Dans lemonde, l'ennemi numéro un n'est pas un adversaire poli-

En 1958, K.H. Oedekoven était vice-président de la Commis¬sion européenne des Forêts. Il est spécialiste régional de sylvi¬culture du Bureau régional pour le Proche-Orient (Le Caire)de la F.A.O., après avoir travaillé au Bureau forestier centralà Berlin, au Service forestier de l'Etat de Basse-Saxe, puis àla division de sylviculture du Ministère fédéral de l'Alimentation,de l'Agriculture et des Forêts à Bonn.

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<:- ^ÜEfaSí.

Des sables arides

où doraient jadis

de fabuleuses

moissons

tique ou militaire : c'est la détérioration du sol, l'aridité,le progrès irrésistible des semi-déserts et des déserts.Dans certains pays, comme les Etats-Unis d'Amérique etl'U.R.S.S., la conservation du sol est devenue une sortede « religion d'Etat ».

En Amérique du Sud, dans toute l'Afrique, en Asie eten Australie, on se préoccupe sérieusement des multiplesdangers qui menacent le sol. Les rivalités internationalesse modifient, les chefs politiques apparaissent et dispa¬raissent, mais le processus destructeur qu'est la détério¬ration du sol demeure un péril permanent.

Il y a quelques années seulement, une tempête de sablea balayé les rues de Swakopmund, dans le Sud-Ouestafricain, accumulant sur son passage des dunes de6 mètres de haut. L'expérience des cinq cents dernièresannées montre que le désert du Sahara progresse vers lesud à raison d'un mètre par an, environ, sur un front de3 000 kilomètres. Le lac Tchad offrait il y a quelques dé¬cennies encore un abri idéal aux oiseaux migrateurs d'Eu¬rope ; mais il ne cesse de diminuer en superficie et enprofondeur, et ses rivages verdoyants revêtent peu à peula couleur brune de la steppe.

LA VENGEANCE DE LA NATURE EST TERRIBLE, quandl'homme détruit inconsidérément la végétation et la forêt. La couver¬ture forestière naturelle, comme ces étendues boisées à flanc de mon¬

tagne, en Russie (ci-dessus) retient au maximum les eaux d'infiltrationet réduisent l'érosion au minimum. Mais quand disparaît l'abri desfeuillages et la solide étreinte des racines, la couche d'humus est peu

Tous les projets à long terme pour le dévelop¬pement de l'Afrique, « continent de l'avenir »,

tous les plans d'utilisation de l'eau et d'industrialisationéchoueront si l'on n'accorde pas toute l'attention néces¬saire à l'important problème des arbres et des forêts.

SI l'on veut dresser la liste des terres productives per¬dues ou menacées, on constate d'abord que deux grandesceintures désertiques se sont développées de part et d'au¬tre de l'Equateur. L'une s'allonge de l'Australie à l'Afriqueaustrale et à l'Amérique du Sud ; l'autre traverse toutel'Asie depuis la Chine du Nord, et s'étend jusqu'en Amé¬rique du Nord et au Mexique.

La ceinture septentrionale englobe des pays qui nousenseigne l'histoire ont jadis dominé le monde. La géo¬graphie nous apprend aujourd'hui que de vastes étenduesde ces pays, jadis puissants, sont devenues stériles. Ellesne l'étaient pas dans l'Antiquité.

Stésiphon et Bagdad, jadis capitales de grands empires,ont été décrites par Hérodote, il y a plus de deux milleans : « De tous les pays que nous connaissons, c'est celuiqui convient le mieux à la culture des céréales. Il est à

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à peu arrachée et finalement entraînée par les eaux et les vents. C'estalors que commence une réaction en chaîne dont les effets sont désas¬treux le sol se fendille, se crevasse, puis se ravine profondément.Il ne reste plus à la fin que le roc nu, déchiqueté, un paysage lunairecomme dans cette zone d'érosion d'une désespérante hostilité, enBolivie, que montre la photo ci-dessous.

Photo © Paul Almasy

Photo officielle, Union Soviétique

ce point favorisé que chaque grain semé en produit 200,et jusqu'à 300 dans les régions où les conditions sont lesmeilleures. L'épaisseur des épis de froment et d'orge peutatteindre quatre doigts. Quant à la hauteur des tiges demillet et de sésame, je ne la révélerai pas, bien que je laconnaisse exactement : nul ne me croira, s'il n'est allé àBabylone. »

Ainsi, pour Hérodote, Babylone était le symbole de lafertilité. Cet auteur accorde le même honneur au Cinyps,région du Nord de l'Afrique.

Les soldats de la dernière guerre, dans les sables et sousle climat torride de cette région (le Cinyps est une partiede la Cyrénaïque), auraient eu peine à imaginer que ledésert désolé était, il y a deux mille ans, la plus prospèredes terres.

Au cours de la période historique, l'humanité a perduune portion considérable de ses terres cultivables ; de cefait, des nations qui étaient jadis les maîtresses du mondeont sombré dans l'indigence et la misère. On distingueaujourd'hui sur le globe trois zones qui ont été successi¬vement le foyer des civilisations brillantes mais dont lesol a été progressivement dévasté d'autant plus que lepeuplement était plus ancien :

Au Sahara, des centaines de découvertes archéo¬logiques et de peintures rupestres montrent que c'étaitjadis une région florissante, semée de nombreux lacs etarrosée de nombreux cours d'eau. Une peinture rupestrereprésente des nageurs : comment en imaginer aujour¬d'hui dans le désert du Sahara !

S ur la Chine occidentale, le Turkestan, l'Afgha¬nistan, l'Iran, l'Irak, la Jordanie, le Sinaï, et

jusqu'à l'Afrique du Nord, s'étend aujourd'hui une suc¬cession ininterrompue de déserts de pierre, de sel et desable. Dans l'Antiquité, ces latitudes ont été habitées parles Sumériens, les Babyloniens, les Perses, les Macédo¬niens, les Phéniciens dont les noms évoquent tous uneidée de puissance et de richesse.

Enfin, la troisième de ces zones : la Palestine, la Syrie,l'Asie mineure, la Grèce, l'Italie et l'Espagne. Les pays del'Europe méridionale Grèce, Italie, Espagne ne sontcertes ni des steppes ni des déserts, mais leurs montagnesdéboisées justifient cette parole de Henry C. Wallace,anclen ministre de l'Agriculture des Etats-Unis : « Lesnations vivent aussi longtemps que leur humus ! ». Lesétrangers ont afflué pendant des siècles dans ces régions,en quête de terres fertiles ; maintenant ce sont leurshabitants qui émigrent pour trouver de meilleures condi¬tions de vie.

Les zones de terre épuisées progressent lentement dusud vers le nord, et cette épidémie dévastatrice semblecontagieuse. Les essais de reboisement tentés en Espa¬gne, en Italie et en Grèce auraient certainement mieuxréussi si le rivage opposé de la Méditerranée était encorebordé, comme jadis, d'une large bande de terre fertile.

Mais le redoutable désert qui a déjà atteint les côtesméditerranéennes sur un large front, envoie jusqu'enEurope son sable desséchant. Le ciel immuablement bleude l'Italie ne l'a pas toujours été. Il y a deux mille ans,Il était aussi gris et nuageux que celui du nord de l'Eu-

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DE MAGNIFIQUES RESSOURCES, suffisantes pour couvrir les besoins d'une population plus nom¬breuse que celle d'aujourd'hui, peuvent être fournies par les quelque 4 milliards d'hectares de forêtsexistantes dans le monde. Mais pour exploiter ces ressources sans compromettre l'avenir, il faut les ména¬ger, veiller à leur renouvellement et mettre un terme aux destructions imprudentes.

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Quand disparaît la forêt tutélaire

rope, et les plaintes des anciens Romains au sujet desgelées et des chutes de neige, qui paraissent si étrangesaujourd'hui à ceux qui connaissent l'Italie, étaient pro¬bablement justifiées.

Une grande partie de la population mondiale (sauf enAsie du Sud et de l'Est )a abandonné son habitat primi¬tif pour se déplacer toujours plus au nord. Commentexpliquer que le paradis se soit changé en désert ? Cettefuneste transformation était-elle fatale, ou est-cel'homme lui-même qui en porte la responsabilité ?

S'il fallait jadis des millénaires, ou au moins des siè¬cles, pour épuiser un sol fertile, l'histoire moderne fournitla démonstration que l'homme peut déclencher et faireaboutir cette désastreuse réaction en chaîne en quelquesdécennies seulement. Il y a cent ans à peine, les pionniersaméricains pénétraient dans le Middle West, pleins d'ini¬tiative et d'énergie.

Au début, les forêts paraissaient inépuisables. Elles fu¬rent abattues pour construire des maisons et des ponts,chauffer les fours et les chaudières des locomotives et des

navires. De vastes étendues furent purement et simple¬ment incendiées pour créer des terres vierges, fertiliséespar les cendres. Un peu plus tard, les monocultures et lestracteurs firent disparaître les derniers boqueteaux et lesdernières haies.

Qu'en est-il résulté ? L'écoulement trop rapide de l'eau

a favorisé l'érosion, provoqué des inondations et des pé¬riodes de sécheresse. L'évolution s'accélère pendant lapremière guerre mondiale lorsque de vastes étendues deprairies encore boisées furent livrées à la culture pourintensifier la production de céréales.

Une partie de ces terres fut ensuite laissée en friche,mais il ne restait plus d'herbes à racines profondes oud'autre couverture végétale pour conserver l'humidité etstabiliser le terrain. Les tempêtes nées dans le golfe duMexique ou au Canada balaient la terre sans rencontrerde résistance, car il n'y a plus de forêts pour briser leurforce. Le vent emporte la couche superficielle fertile ;seules subsistent les couches stériles et les roches.

Dans les zones déboisées, le sol, n'étant plus protégépar les arbres et solidement fixé par leurs racines, n'ayantplus d'humus, est arraché. Dans le Sud, où il n'y a ni ge¬lées persistantes pour stabiliser le sol en hiver ni couchede neige protectrice, l'érosion par l'eau et le vent produitdes effets désastreux.

Comme un réseau de veines, apparaissent des ravines,d'abord peu profondes, mais qui se creusent ensuite en devéritables gorges. Ce processus est à l' sans cesse,sur toute l'étendue du pays, si bien qu'il ne subsiste plus,dans certaines régions, que la roche nue. Aujourd'hui, lesfleuves d'Amérique charrient de telles quantités de terrefertile qu'un vieil Indien a pu dire : « Notre pays est une

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CETTE ÉTENDUE DÉSOLÉE de souches mortes, voilà ce qui reste d'une forêt verdoyante de la provincede Magellan (Chili méridional) après un incendie. De telles catastrophes ne sont pas toujours accidentelles.Beaucoup d'incendies de forêts sont provoqués par des fermiers pour qui le feu est un moyen commodede déboiser; ils ont anéanti depuis un siècle des centaines de milliers d'hectares de forêts chiliennes.

nouvelle Atlantide ; im jour, 11 sera tout entier engloutidans l'Océan ! ».

Il est symptomatlque que les Américains, conscients dela responsabilité de l'homme dans cette destruction du solproductif, appellent leurs déserts man-made deserts (dé¬serts créés par l'homme).

Les conséquences désastreuses qu'entraîne directementpour la société humaine la destruction des forêts seraientlongues à énumérer. En voici quelques-unes :

Détérioration du sol, difficultés accrues pour la régu¬larisation du débit des cours d'eau, détérioration du cli¬mat ; manque de bois pour les multiples usages qu'en faitl'homme ; nécessité d'importer du bois à des prix élevés ;perte des possibilités d'emploi et de revenus qu'offrentnaturellement les forêts et l'industrie forestière ; dimi¬nution des espaces verts ; perte du revenu complémen¬taire que constitue le bois pour les agriculteurs en cas decrise ou de mauvaise récolte ; manque d'ombrage pourle bétail et les autres animaux.

Chacune de ces conséquences provoque à son tour uneréaction en chaîne, qu'il serait trop long d'exposer endétail dans cet article. Pour énoncer le problème en ter¬mes généraux, disons que toutes les mesures et tous lesefforts doivent être combinés et intégrés dans le cadred'une saine politique forestière.- Plus simplement : ils'agit de définir, pour chaque pays, le rôle que doiventjouer les forêts, les industries forestières primaires et lesactivités subsidiaires, en fonction du milieu physique,économique et social.

Le milieu physique se modifie peu avec le temps ; lesconditions économiques et sociales au contraire peuvent

changer à mesure qu'un pays s'efforce d'élever le niveaude vie de sa population. La politique forestière doit doncêtre une création continue.

Il se produit des Interactions extrêmement complexes,et il n'est pas étonnant que notre époque technique lesait grandement négligées. Les écoliers, qui savent iden¬tifier au premier coup d'oeil à peu près n'importe quellemarque d'automobile, sont bien souvent incapables dedistinguer un chêne d'un hêtre.

Cette action protectrice résulte principalement du faitque la couverture sylvestre augmente le taux d'infiltrationdes précipitations et régularise l'écoulement. Même depetites plantes forestières, comme les arbustes <et les buis¬sons des régions arides chaudes, constituent une défenseefficace si elles sont suffisamment denses.

Dans de nombreuses régions où les forêts ont été dé¬truites ou épuisées, tout l'humus fertile et toute la cou¬che superficielle du sol ont été emportés par les eaux ;la roche stérile est à nu sur les pentes.

Non seulement les versants ainsi dégarnis sont voués àla stérilité, mais encore de vastes étendues de vallées etde plaines sont souvent recouvertes de matériaux sté¬riles d'origine sédimentaire pour ne rien dire des dom¬mages causés aux routes, aux édifices, etc. Si l'on pou¬vait évaluer les dégâts provoqués par l'érosion dans lemonde et les frais nécessaires pour réparer ces dégâts onobtiendrait un chiffre fantastique.

L'érosion n'est d'ailleurs que la première étape d'une 9dangereuse réaction en chaîne qui commence avec lerecul ou la disparition de la forêt. Les sédiments déposés

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A L'ARBRE TYPIQUE DU LIBAN, le cèdre, on a substitué (ci-dessus) près de Beyrouth ces pinsparasols, rejetons de ceux que planta, il y a un siècle, un émir perspicace qui voulait empêcher l'envahis¬sement des dunes de sable. Autrefois, le bois du cèdre servit à édifier le temple de Salomon (un cèdrefigure toujours sur le drapeau de la République du Liban). Mais nombre des vastes forêts qui s'étendaientjadis dans le Moyen Orient et l'Afrique du Nord ont malheureusement disparu depuis longtemps.

Planter un arbre, c'est nourrir un hommedans les bassins de retenue, dans les cours d'eau, dansles champs et dans les villes sont responsables d'impor¬tants dommages. Le processus de sédimentation n'attirepas l'attention, car il est le plus souvent invisible.

Les sédiments augmentent aussi le volume et la den¬sité des eaux, rendant les crues plus hautes et plus des¬tructives. Dans les bassins de drainage et de retenue,les débris et les sédiments risquent de réduire rapidementla capacité de rétention.

Une récente étude faite en Italie révèle que les eauxde l'Arno transportent chaque année 2 670 000 tonnes dematériaux solides ce qui correspond à un abaissementmoyen de 2,5 centimètres par an du niveau des terres.

La sédimentation est presque toujours liée au déboi¬sement. Les. barrages dont l'aire du drainage est forte¬ment boisée ne s'envasent pratiquement jamais. Les expé¬riences effectuées en 1955 par la Tennessee Valley Autho¬rity ont montré que le volume des sédiments transportéspar la rivière avait diminué de 90 % après l'achèvementdes travaux de reboisement et de protection. En Algérie,le barrage de Bini-Bahdel, dont l'aire de drainage estcouverte de forêts, ne présente pratiquement pas d'indicesd'envasement.

La forêt joue un rôle important dans la protection du10 sol contre l'érosion éolienne et contre l'ensablement. La

stabilisation des dunes par des plantations d'arbres estcouramment pratiquée dans de nombreuses régions. En

fait, à peu près n'importe quelle couverture végétale suffità stabiliser un sol meuble et à le protéger, mais, la forêtest probablement la couverture la plus efficace en raisonde sa hauteur, de sa densité, de la profondeur de ses raci¬nes, et aussi de sa permanence par comparaison avec lescultures saisonnières.

La forêt peut-elle provoquer un accroissement des pré¬cipitations, ou du moins en améliorer la répartition ? Cer¬tains faits indiquent qu'il est possible que la présence deforêts accroisse les précipitations locales, mais l'influencedes forêts sur les précipitations à l'échelon régional oucontinental n'est pas démontrée.

Plus la forêt est dense, plus elle contribue à réduire lavitesse du vent. On. a démontré ce rôle protecteur de laforêt et noté des réductions de plus de 85 % de la vitessedu vent. Pavari signale qu'en Italie la forêt de Cecina ré¬duit la vitesse du vent de 56 % ; dans un taillis touffude la même région, on a constaté une réduction de vi¬tesse de 89 %. Des expériences faites dans le Tennessee(Etats-Unis d'Amérique) montrent que ces vitesses rédui¬tes atteignent, en moyennes annuelles, 20 à 50 % de cellesqu'on enregistre en terrain découvert.

Il est difficile de surestimer l'importance d'une telleprotection contre l'érosion éolienne. En période sèche eten terrain dénudé, les particules de certains types de solse désagrègent au point qu'un vent violent les emporteaisément. .

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RECONSTITUER LA FORET. Près de Gaza un écolier arabe plante un jeune arbre pendant la campagnede reboisement. Ici, les réfugiés arabes jeunes et vieux aident à repeupler les sables d'arbres et d'arbustes.Cette sorte de campagne ne représente que l'un des nombreux efforts entrepris par l'UNRWA pendantces 12 dernières années approvisionnement, relogement, écoles, apprentissage, reclassement de lamain-d'yuvre, etc.. pour aider près d'un million de réfugiés à refaire leur vie.

Les particules les plus fines forment des nuages ; lesplus grosses roulent et bondissent sur le sol, s'arrêtant dèsque le vent tombe. Elles s'accumulent dans les creux, lesfossés, les canaux, les routes encaissées, ou au Voisinagedes écrans protecteurs, où elles peuvent étouffer lescultures. Mais ce n'est pas là, le seul danger d'un ventviolent : celui-ci dessèche le sol, cause directement desdégâts aux cultures délicates telles que les fruits, entravela croissance des arbres isolés, etc.

Les programmes de sylviculture et de reboisement for¬ment un élément important de la politique de nombreuxpays en matière de travaux publics. Pour être efficaces,de tels programmes doivent tenir pleinement compte desavantages indirects des forêts, qui peuvent justifier desinvestissements même en l'absence de tout bénéfice di¬

rect. Dans les pays où la reconstitution des forêts s'im¬pose, le reboisement fournit un excellent débouché provi¬soire à une main-d' qui trouvera peut-être un emploidéfinitif dans des industries du bois encore à créer.

En Grèce, par exemple, le programme de reboisementproposé pourrait occuper plusieurs milliers d'ouvriers desdistricts montagneux, où l'on trouve difficilement du tra¬vail. En Espagne, le programme forestier du gouver¬nement a occupé en 1956 de 30 000 à 100.000 ouvriers sui¬vant les saisons.

Un programme hardi de reboisement pour la région dela Méditerranée orientale permettrait d'employer de145 0000 à 200 000 travailleurs par an au cours des dix ouvingt prochaines années, jusqu'à ce que la plus grandepartie des nouvelles forêts aient été plantées.

C'est un fait patent que nombre de pays n'ont encoreni politique ni législation forestières, malgré des symp

tômes évidents de détérioration du sol et malgré des aver¬tissements répétés, quant aux effets d'une négligence pro¬longée dans ce domaine.

S'il est vrai que les zones boisées et les réserves de boisdiminuent constamment, il existe cependant quelques rai¬sons d'espérer une amélioration de la situation. La super¬ficie totale des forêts du globe est évaluée à 4 milliardsd'hectares environ, et la production de ces forêts devraitpouvoir raisonnablement répondre aux besoins d'une po¬pulation plus nombreuse que la population actuelle.

Mais il faudrait pour cela exploiter toutes les forêtsproductives comme des cultures renouvelables, étendrecette exploitation aux forêts encore Inaccessibles, et met¬tre un terme à la destruction des forêts qui se poursuitencore un peu partout au xx* siècle.

Sur les 1 600 millions d'hectares de forêt primitive dé¬truits par l'homme, il serait certainement possible de re¬boiser 400 millions d'hectares d'autant plus que lamajeure partie de ces terrains se trouvent dans des ré¬gions où la population a le plus grand besoin des produitsde la forêt.

On évalue à un peu plus de 500 millions de dollars lecoût journalier de la seconde guerre mondiale. Pour leprix d'une journée de guerre, on aurait pu reboiser 8 mil¬lions d'hectares au moins, et pour le prix de cinquantejournées la totalité des 400 millions d'hectares dévastés.

Certes, il serait naïf de croire à la possibilité d'une telleentreprise dans un avenir proche. Mais nous possédons lesconnaissances scientifiques, les ressources industrielles etl'équipement technique qui permettraient d'étendre lesbienfaits que dispense la forêt jusqu'aux plus extrêmesconfins du monde habité.

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LA CRISEERNEI

DE L'ANTHRO¬

POLOGIE

par Claude Lévi-Strauss

DANS UN MONDE QUE RÉTRÉCISSENT lesmoyens de communication, des affluents de l'Amazone(ci-dessus) aux profonds repaires de Nouvelle-Guinée (ci-dessous), les modes dévie traditionnels semétamorphosent. Mais ce qu'on appelait les « popu¬lations archaïques » ne s'évanouissent pas dans levide. Elles s'affirment rapidement dans d'autres struc¬tures de civilisation. Ci-dessous, en Nouvelle-Guinée,

les membres du clan Irabun, arborant les coiffures

tribales traditionnelles, écoutent attentivement un

chef (aujourd'hui homme d'affaires et propriétairede plantations) qui leur montre sur une carte la situa¬tion du « gouvernement central », situé à PortMoresby.

Unesco - Dominique Darbois.

Photos W. Bindle. Bureau Australien d'Information

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D ans la pensée contemporaine, l'anthropologieoccupe une place dont l'importance peut sem¬

bler paradoxale. C'est une science à la mode, -comme l'at¬testent, non seulement la vogue des films et récits devoyage, mais aussi la curiosité du public cultivé pour lesouvrages d'ethnologie : vers la fin du xix* siècle, ons'adressait de préférence aux biologistes, pour leur deman¬der une philosophie de l'homme et du monde ; on s'esttourné ensuite vers les sociologues, les historiens et lesphilosophes même.

Mais, depuis quelques années, l'anthropologie accède aumême rôle, et c'est d'elle, aussi, qu'on attend les grandessynthèses, en même temps que des raisons de vivre etd'espérer.

Le mouvement paraît avoir débuté aux Etats-Unis. Unpays jeune, confronté à la tâche de créer un humanismeà sa mesure, n'avait aucune raison de s'en tenir à l'exclu¬sive vénération des civilisations grecque et romaine, sousprétexte que, dans la vieille Europe, au moment oùpendant la Renaissance l'homme apparut à l'hommecomme l'objet d'étude le plus convenable et le plus néces¬saire, ces civilisations étaient les seules sur lesquelles oneût des informations suffisantes. Mais, au xix" siècle, etplus encore au xx', c'est l'intégralité, ou presque, des socié¬tés humaines qui deviennent accessibles.

Dès lors, pourquoi se limiter? Or, quand on prétendconsidérer l'homme dans sa totalité, il est impossible denégliger le double fait que, pendant les 99/100 de sa durée,et sur la plus grande partie de la terre habitée, l'humanitén'a connu d'autres genres de vie, d'autres croyances, etd'autres institutions, que celles qu'il incombe aux anthro¬pologues d'étudier.

La dernière guerre a encore accentué cette orientation.Une stratégie à l'échelle mondiale a brusquement donnéune présence et une réalité aux régions les plus reculéesde la planète, celles-même où les derniers peuples « sau¬vages » avaient trouvé refuge : Grand-Nord américain,Nouvelle-Guinée, l'intérieur de l'Asie du Sud-Est et desîles indonésiennes.

Depuis, des noms chargés de mystère et d'exotisme sontdemeurés inscrits sur la carte, mais pour désigner lesescales des long-courriers. Et, en même temps qu'avec lesprogrès de l'aviation, les distances raccourcissaient et quenotre globe terrestre se contractait, ceux de l'hygiène ma¬nifestaient leur plein effet : l'accroissement de la popu¬lation devenait d'autant plus sensible qu'il était, en quel¬que sorte, démultiplié, sur le plan psychologique et moral,par l'intensification des échanges et des communications.

Sur une Terre plus petite, où s'agite une population deplus en plus dense, il n'est plus de fraction de l'humanité,aussi lointaine et arriérée qu'elle puisse encore paraître,qui ne soit, directement ou indirectement, en contact avectoutes les autres, et dont les émotions, les ambitions, lesprétentions et les peurs ne concernent, dans leur sécurité,leur prospérité et leur existence même, celles auxquellesle progrès matériel avait semblé conférer une intangiblesouveraineté.

Dans un monde fini, la vogue de l'anthropologie cethumanisme sans restrictions et sans limites apparaîtdonc comme la conséquence assez naturelle d'un concoursde circonstances objectives. Même si nous le voulions, nousne serions plus libres de ne pas nous intéresser, disons,aux derniers chasseurs de têtes de la Nouvelle-Guinée,pour la raison bien simple que ceux-ci s'intéressent à

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ANTHROPOLOGIE (suite)

Une planète plus exiguënous, et que, comme un résultat imprévu de nos démarcheset de notre conduite à leur égard, eux et nous faisons déjàpartie du même monde, et bientôt, de la même civilisation.

Des cheminements insidieux amènent, par toutes sortesde détours connus et inconnus, les formes de pensée lesplus éloignées les unes des autres, et les habitudes diver¬gentes depuis des millénaires, à se compénétrer. En serépandant sur toute la Terre, les civilisations qui à tortou à raison se jugeaient les plus hautes : la chrétienne,l'islamique et la bouddhiste, et, sur un autre plan, cettecivilisation mécanique qui les rassemble, s'imprègnent degenres de vie, de modes de penser et d'agir, qui sont ceux-là même dont l'anthropologie fait son objet d'étude, etqui, sans que nous en ayons clairement conscience, lestransforment par le dedans. Car les peuples dits « primi¬tifs » ou « archaïques » ne tombent pas dans le néant.Ils se dissolvent plutôt, en s'incorporant, de façon plus oumoins rapide, à la civilisation qui les entoure. En mêmetemps, celle-ci acquiert un caractère mondial.

Loin, donc, que les primitifs perdent progressivementleur intérêt, ils nous concernent chaque jour davantage.Pour se borner à un exemple, cette grande civilisation,dont l'Occident est justement fier, et qui a fécondé la terrehabitée, renaît partout « créole » ; elle se charge, en serépandant, d'éléments moraux et matériels qui lui étaientétrangers, et avec lesquels elle doit dorénavant compter.De ce fait, les problèmes anthropologiques cessent d'ap¬partenir à une spécialité, ils ne sont plus réservés auxsavants et aux explorateurs : de la façon la plus directeet la plus Immédiate, ils sont devenus l'affaire des citoyens.

Aquoi donc tient le paradoxe ? Il est double. Enpremier lieu et dans la mesure où notre

science s'est principalement attachée à l'étude des popu¬lations « primitives » on peut se demander si, au mo¬ment où l'opinion publique reconnaît sa valeur, l'anthro¬pologie n'est pas sur le point de devenir une science sansobjet.

Car ces mêmes transformations, qui motivent l'intérêtcroissant qu'on porte, sur le plan théorique, aux « primi¬tifs », provoquent pratiquement leur extinction. Sansdoute, le phénomène n'est pas récent ; inaugurant sachaire d'anthropologie sociale, en 1908, Frazer le signa¬lait, en termes dramatiques, à l'attention des gouverne¬ments et des savants. Et pourtant, il y a un demi-siècle,le rythme était sans commune mesure avec celui qui s'estinstauré, et n'a fait que se précipiter, depuis.

On nous permettra de donner quelques exemples. De250 000 au début de la colonisation, les indigènes austra¬liens ne sont plus que 40 000 environ, et les rapports offi¬ciels les décrivent, tantôt parqués dans les missions, tantôt,au voisinage des exploitations minières, réduits en lieuet place de la collecte et du ramassage des produits sau¬vages au pillage clandestin des ordures, à la porte desbaraquements ; tantôt enfin, chassés des plus ingratsdéserts qui leur servaient de refuge, par l'installation debases pour les explosions atomiques et le lancement desfusées.

Protégée par un milieu naturel exceptionnellement hos¬tile, la Nouvelle-Guinée apparaît encore, avec ses quelquesmillions d'indigènes, comme le dernier sanctuaire des ins¬titutions primitives. Mais la civilisation pénètre si rapi¬dement que les 600 000 habitants des montagnes centrales,totalement inconnus il y a vingt ans, fournissent déjà leurcontingent de travailleurs à ces routes, dont les avionsparachutent les poteaux indicateurs et les bornes kilomé¬triques au-dessus de forêts inexplorées, ou encore, unemain-d' recrutée sur place, et transportée par airjusqu'aux mines ou aux plantations côtières.

En même temps, s'installent, avec toute leur puissancedestructrice, ces maladies importées contre lesquelles lesindigènes n'ont encore acquis aucune Immunité : tuber¬culose, malaria, trachome, lèpre, dysenterie, gonorrhée,syphilis, ou encore, cette séquelle mystérieuse d'une civi¬lisation qui l'a suscitée sans l'introduire : le kuru, dégéné¬rescence génétique dont l'issue est mortelle et dont onignore le traitement.

Au Brésil, 100 tribus se sont éteintes entre 1900 et 1950.Les Kaingang de l'Etat de Sâo Paulo, qui étaient 1 200 en1912, n'étaient plus que 200 en 1916, et sont 80 aujourd'hui.Les Munduruku, 20 000 en 1875, en 1950, 1 200. Des Nam-

J. Madeiros.

DE LA JUNGLE AU TERRAIN DE FOOTBALL. La population indiennede la forêt brésilienne a terriblement diminué ( 1 00 tribus se sont éteintes entre1900 et 1950). Mais nombre de tribus existantes continuent à vivre exacte¬ment dans les mêmes conditions que leurs lointains ancêtres et à observer lesmêmes traditions vestimentaires ou cérémonielles. Ainsi les Indiens Kuben-

kranken, qui vivent au centre du Brésil, tiennent-ils encore pour un attributde la virilité la déformation de la lèvre inférieure (ci-dessus, à gauche), progrès-

Service de la protection indienne - N. Velloso.

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Service de la protection indienne - H. Foerthmann.

sivement élargie par l'insertion de plateaux de bois. Quant aux Indiens Bororo(ci-dessus à droite), ils portent toujours lors des cérémonies tribales leursplendide coiffure (faite de plumes d'ara). Toutefois, il ne faut que quelquesannées de contact avec la civilisation pour que ces mêmes Indiens changent devêtements, de coutumes et de goûts. Ci-dessous, une équipe de footballeursindiens, originaires de la même région que les Indiens ci-dessus, posent fière¬ment devant le photographe avant le début du match.

Toutes les photos sont gracieusement communiquées par Darcy Ribeiro.

Les "primitifs" s'effacentbikwara 10 000 en 1900 je n'ai pu retrouver qu'unmillier en 1940. Les Kayapo de la rivière Araguaya, 2 500en 1902, 10 en 1950. Les Timibira, 1 000 en 1900, 40 en 1950...

Comment s'explique un effondrement aussi rapide ?D'abord, par l'importation de maladies occidentales contrelesquelles l'organisme indigène n'a pas de défense. Je mecontenterai de citer le sort d'une population du nord-estdu Brésil, les Urubu, qui, très peu d'années après leurdécouverte, contractèrent la rougeole, en 1950. Sur 750habitants il y eut, en l'espace de quelques jours, 160 morts,et un témoin oculaire décrivit ainsi la situation :

« Le premier village était désert ; tous les habitantsavaient fui, persuadés que la maladie était un être surna¬turel qui attaquait les villages et auquel on pouvait échap¬per en se sauvant très loin. Nous les avons retrouvés dansla forêt où ils campaient, fuyant le mal dont ils étaientdéjà les victimes, presque tous en proie à la maladie,épuisés, grelottant de fièvre sous la pluie, et, en raisondes complications pulmonaires et intestinales, si délabrésqu'ils n'avaient presque plus la force d'aller chercher dequoi se nourrir ; même l'eau manquait, ils mouraient defaim et de soif autant que de maladie.

Les enfants rampaient sur le sol pour essayer d'entre¬tenir les feux, sous la pluie, dans l'espoir de se réchauffer,les hommes, brûlant de fièvre, étaient paralysés, les fem¬mes inconscientes repoussaient leur bébé cherchant lesein. »

En 1954, sur le Guaporé à la frontière du Brésil et de laBolivie, l'installation d'une mission incite quatre tribusdifférentes à se grouper. Il y eut là, pendant quelques mois,400 personnes qui, toutes, ont été exterminées par la rou¬geole peu après... En plus des maladies infectieuses, lesmaladies de carence jouent aussi leur rôle : troubles mo¬teurs, lésions oculaires, caries ; inconnues quand les indi¬gènes vivaient selon leur genre de vie ancien, et qui appa¬raissent lorsqu'ils se trouvent localisés dans des villages,contraints à une alimentation qui n'est plus celle de laforêt.

Ace moment, les traitements traditionnellementéprouvés, tels que celui de blessures graves au

moyen d'emplâtres de charbon de bois, deviennent inef¬ficaces. Des maladies, pourtant habituelles, acquièrent unevirulence telle que dans les verminoses, par exemples, lesvers sortent par la bouche et par le nez des enfants.

D'autres conséquences sont moins directes. Ainsi, l'effon¬drement d'un genre de vie, ou d'une certaine organisationsociale. Les Kaingang de Sâo Paulo, déjà cités, suivaientdes règles sociales d'un type bien connu des ethnologues :l'effectif de chaque village était réparti en deux groupes,définis par la règle que les hommes d'une moitié épousentune femme de l'autre moitié et inversement.

Dès que la population diminue, dès que la base démo¬graphique s'effondre, un système aussi rigide ne permetplus à chaque homme de trouver une épouse, et, en consé¬quence, un grand nombre sont condamnés au célibat ; àmoins qu'ils ne se résignent à ce qui leur apparaît commeun inceste mais alors, à la condition que les unionsrestent stériles. Dans un tel cas, la population entière peutdisparaître en l'espace de quelques années (1).

Dès lors, comment s'étonner qu'il soit de plus en plusdifficile, non seulement d'étudier des populations dites« primitives », mais même d'en offrir une définition satis¬faisante pour l'esprit ? Au cours de ces dernières années,les législations protectrices, en vigueur dans les pays oùle problème se pose, se sont évertuées à réviser les notionsadmises.

Mais ni la langue, ni la culture, ni la conscience degroupe ne peuvent plus être retenues : comme le souli¬gnent les enquêtes du Bureau International du Travail,la notion d'indigène s'estompe, et fait place à celle d'in¬digent (2).

Pourtant, nous n'avons là qu'une moitié du tableau.

(1) Ces indications sur la disparition des Indiens du Brésil pro¬viennent, pour la plupart, d'un travail de l'èminent ethnologuebrésilien, le docteur Darcy Ribeiro : « Convivio e Contaminaçao »,Sociología, vol. XVIII, n« 1, Sao Paulo, 1956.

(2) Bureau International du Travail, Les populations aborigènes,Genève 1953.

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ANTHROPOLOGIE (suite)

L'ethnographieest-elle infamante ?

Dans d'autres régions du monde, des populations qui, dupoint de vue de leur étude, relevaient traditionnellementde l'anthropologie, se chiffrent par dizaines ou par cen¬taines de millions, et elles continuent de s'accroître : ilen est ainsi en Amérique centrale et en Amérique andine,en Asie du Sud-Est, en Afrique.

Mais, pour y être menacées d'une autre manière, lespositions de l'anthropologie ne sont pas devenues moinsprécaires. Au lieu d'être quantitatif, le péril est qualitatif,et cela de plusieurs façons. Objectivement, ces populationsse transforment et leurs civilisations se rapprochent decelle de l'Occident, que l'anthropologie a longtemps tenuepour étrangère à sa compétence.

Et surtout, d'un point de vue subjectif, il s'agit de peu¬ples qui manifestent une intolérance croissante vis-à-visdes enquêtes ethnographiques. On connaît des cas où desmusées régionaux, dits « d'ethnographie » furent débap¬tisés, ne pouvant plus être tolérés que travestis en « Mu¬sées des Arts et . Traditions Populaires ».'

L

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es universités des jeunes Etats qui ont récem-iment accédé à l'indépendance sont fort ac¬

cueillantes pour les économistes, les psychologues, les so¬ciologues ; on ne saurait dire que les anthropologues ysoient également choyés. Tout se passe donc comme sil'anthropologie était sur le point de succomber à uneconjuration, nouée par des peuples dont certains se refu¬sent à elle physiquement en disparaissant de la surfacede la Terre tandis que d'autres, bien vivants et en pleinessor démographique, lui opposent un refus d'ordre psy¬chologique et moral.

La façon de pallier le premier danger ne soulève pasde problème. Il faut hâter les recherches, profiter des der¬nières années qui restent pour recueillir des informations,d'autant plus précieuses qu'à la différence des sciencesnaturelles, les sciences sociales et humaines ne peuventpas monter leurs expériences.

Chaque type de société, de croyance ou d'institution,chaque genre de vie, constitue une expérience toute faiteet préparée par une histoire millénaire ; elle est, en cesens, irremplaçable. Quand le peuple où on peut la suivreaura disparu, une porte se fermera pour toujours, inter¬disant l'accès à des connaissances impossibles à acquérirautrement.

Le second danger est moins grave dans l'absolu, puis¬qu'il se manifeste dans des civilisations sur lesquellesaucune menace physique ne pèse ; mais il est beaucoupplus difficile à résoudre dans l'immédiat. Suffirait-il, eneffet, pour dissiper la méfiance des peuples jadis promis àl'observation des anthropologues, de poser en principe que,désormais, nos enquêtes ne se feront plus à sens unique ?

Et notre science retrouverait-elle ses assises, si desethonologues africains ou mélanésiens venaient, en échangede la liberté qui nous serait conservée, faire chez nous ceque, naguère, nous faisions seuls chez eux ?

Cette réciprocité serait souhaitable, car elle profiteraitd'abord à notre science, qui, par la multiplication desperspectives, serait en mesure d'accomplir de nouveauxprogrès. Mais il ne faut pas se faire d'illusion : elle nerésoudrait pas le problème, car la solution proposée netient pas compte des motivations profondes, sous-jacentesau refus qu'opposent, à l'anthropologie, les anciens peu¬ples colonisés.

Ceux-ci craignent que, sous le couvert d'une visionanthropologique de l'histoire humaine, on n'essaye defaire passer pour une diversité souhaitable ce qui leurapparaît, à eux, comme une insupportable inégalité. Sil'on nous permet une formule qui, sous la plume d'unanthropologue, exclut toute acception péjorative, mêmesur le plan de l'observation scientifique, les Occidentauxne réussiront jamais sinon, peut-être, comme un jeuà tenir le rôle de « sauvages » vis-à-vis de ceux qu'ilsdominaient naguère.

Car, du temps que nous leur assignions ce rôle, ilsn'avaient pour nous d'autre réalité que celle d'objetsque ce soit des objets d'étude scientifique ou de domina¬tion politique et économique. Tandis que, responsables à

L'UN DES DERNIERS MONDES INCONNUS. La Nouvelle-

Guinée est l'un des derniers lieux du monde où ¡I existe « des tribus

primitives qui n'ont jamais vu un homme blanc ». L'une des dernièresrégions inexplorées a été récemment découverte par une expéditionethnographique française, dirigée par Pierre-Dominique Galsseau;l'expédition s'est frayé son chemin à travers la jungle épaisse, escaladant

leurs yeux, de leur sort, nous leur apparaissons inévita¬blement comme des agents, vis-à-vis desquels il est beau¬coup plus difficile d'adopter une attitude contemplative.

Par un curieux paradoxe, c'est, sans doute, par égardpour eux que beaucoup d'anthropologues avaient adoptéla thèse du pluralisme (qui affirme la diversité des cultureshumaines et conteste, par conséquent, que certaines civi¬lisations puissent être classées comme « supérieures etd'autres comme « inférieures »).

Or, ces mêmes anthropologues et, à travers eux,l'anthropologie tout entière sont maintenant accusésd'avoir nié cette infériorité, dans le seul but de la dissi-.muler, et donc de contribuer plus ou moins directementà ce qu'elle soit maintenue.

Si donc l'anthropologie doit survivre dans le monde mo¬derne, il ne faut pas se dissimuler que ce sera au prixd'une transformation beaucoup plus profonde que celle quiconsisterait à élargir son cercle (jusqu'à présent trèsfermé) selon la formule un peu puérile par laquellenous offririons aux nouveaux venus de leur prêter nosjouets, s'ils continuent à nous laisser jouer avec les leurs.

L'anthropologie devra se transformer dans sa naturemême, et confesser qu'il y a, en effet, une certaine impos¬sibilité, d'ordre logique autant que moral, à maintenircomme objets scientifiques (dont le savant pourrait mêmesouhaiter que l'identité fût préservée) des sociétés qui s'af¬firment comme des sujets collectifs, et qui, à ce titre, re¬vendiquent le droit de changer.

Cette conversion de son objet d'étude implique aussi,pour l'anthropologie, une conversion des buts et des mé¬thodes. Celle-ci apparaît heureusement possible, dès qu'onreconnaît comme une originalité de notre discipline qu'ellene s'est jamais définie dans l'absolu, mais au sein d'uncertain rapport entre l'observateur et son objet, et qu'ellea accepté de se transformer chaque fois que ce rapport aévolué. Sans doute, le propre de l'anthropologie a tou¬jours été d'étudier « du dehors ». Mais elle ne l'a faitque parce qu'il était impossible d'étudier du dedans.

De ce point de vue, la grande révolution du mondemoderne se traduit, sur le plan des sciences humaines, enceci que, des civilisations entières, prenant conscience

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des montagnes de presque 4 000 mètres d'altitude, suivant des coursd'eau de la mer Arafura au sud jusqu'à la côte nord de la Nouvelle-Guinée. C'était la première fois qu'une expédition traversait l'île dusud au nord. Pour faire ce qui représente 800 kilomètres à vol d'oiseaul'équipe dut en couvrir I 600, tour à tour en radeau, en canot ou à pied.De cet aventureux voyage de sept mois, les ethnographes ont rapporté

une foule de renseignements, et un merveilleux film sur les peuplesisolés de la Nouvelle-Guinée. Les photos de ce film Le Ciel et la Bouemontrent, dans leurs pirogues, des indigènes dont certains n'avalentauparavant jamais vu un homme blanc (ci-dessus); l'expédition étaitravitaillée par parachutage et le contact était gardé par radio avecl'expédition.

d'elles-mêmes et acquérant avec l'alphabétisationles moyens nécessaires, sont à pied d'ouvre pour entre¬prendre, comme l'Europe à la Renaissance, l'étude de leurpassé, de leurs traditions, et de tout ce qui en survit defaçon féconde et irremplaçable, dans le présent.

Si donc l'Afrique pour ne citer qu'un exemple estsur le point d'échapper à l'anthropologie, elle n'échapperapas pour autant à la science. Seulement, au lieu que sonétude dépende principalement d'anthropologues c'est-à-dire d'analystes du dehors, travaillant par le dehorselle incombera désormais à des savants du cru, ou exté¬rieurs, mais opérant avec les mêmes méthodes que leurscollègues locaux.

Ce ne seront plus des anthropologues, mais des lin¬guistes, des philologues, des historiens des faits et desidées. L'anthropologie acceptera joyeusement ce passageà des méthodes plus fines et plus riches que les siennes,certaine d'avoir rempli sa mission en maintenant, tantqu'elle était seule à pouvoir le faire, tant de richesses hu¬maines dans l'orbite de la connaissance scientifique.

Quant à son propre avenir, c'est en deçà et au-delà deses positions traditionnelles qu'il semble le mieux assuré.Au-delà, dans un sens d'abord géographique, puisqu'ilnous faut aller de plus en plus loin pour atteindre lesdernières populations dites primitives et qu'il en existe demoins en moins ; mais aussi dans un sens logique, puisquenous sommes poussés vers l'essentiel dans la mesure où,riches déjà d'un acquis considérable, nous en savons deplus en plus.

Enfin, en deçà, et également dans un double sens :l'effondrement de la base matérielle des dernières civilisa¬

tions primitives fait, de l'expérience intime, un de nosderniers moyens d'investigation, à défaut des armes, desoutils, des objets disparus ; tandis que la civilisation occi¬dentale, devenant chaque jour plus complexe, et s'éten-dant à l'ensemble de la Terre habitée, manifeste peut-êtredéjà, dans son sein, ces écarts différentiels que l'anthro¬pologie a pour fonction d'étudier, mais qu'elle ne pouvaitnaguère atteindre qu'en comparant entre elles des civili¬sations distinctes et éloignées.

Là est sans doute la fonction permanente de l'anthro

pologie. Car s'il existe, comme elle l'a toujours affirmé, uncertain « optimum de diversité » où elle voit une conditionpermanente du développement de l'humanité, on pourraêtre assuré que les écarts entre les sociétés et entre lesgroupes ne s'effaceront jamais que pour se reconstituersur d'autres plans.

Qui sait si les conflits de générations, que tant de paysvérifient en ce moment dans leur sein, ne sont pas larançon qu'ils payent, pour l'homogénéisation croissante deleur culture sociale et matérielle ?

De tels phénomènes nous apparaissent comme patho¬logiques, mais le propre de l'anthropologie, depuis qu'elleexiste, a toujours été, en les interprétant, de réintégrerdans l'humanité et dans la rationalité, des conduitesd'hommes, qui semblaient inadmissibles et incompréhen¬sibles à des hommes.

A chaque époque, l'anthropologie a ainsi contribué àélargir la conception prévalente, et toujours trop étroite,qu'on se faisait alors de l'humain. Pour envisager sa dis¬parition, il faudrait concevoir un état de la civilisationoù, quel que soit le coin de la Terre qu'ils habitent, leurgenre de vie, leur éducation, leurs occupations profession¬nelles, leur âge, leurs croyances, leurs sympathies et leursantipathies, tous les hommes seraient, jusqu'aux tréfondsde leur conscience, parfaitement transparents aux autreshommes.

Qu'on le déplore, qu'on s'en réjouisse ou que, toutbonnement, on le constate le progrès mécanique et ledéveloppement des communications ne semblent pas nousy conduire. Or, tant que les manières d'être, ou de faire,de certains hommes poseront des problèmes à d'autreshommes, il y aura place pour une réflexion sur ces diffé¬rences, qui, sous une forme toujours renouvelée, conti¬nuera d'être le domaine de l'anthropologie.

Claude Lévi-Strauss est l'un des plus grands anthropologues dumonde. Depuis 1959, il est professeur au Collège de France, àParis. De 1935 à 1939, il était professeur de sociologie à l'Uni¬versité de Sao Paulo et il a dirigé nombre d'expéditions scien¬tifiques au Brésil. Son ouvrage majeur, « Tristes Tropiques »,n'est pas seulement capital pour l'anthropologie, il est aussi l'undes chefs-d'iuvre littéraires de ces dernières années.

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LES NATIONS UNIES

UNE ÉQUIPEA L'nUVRE

L'exposition internationale du Travail à Turinde mai à octobre dernier a coïncidé avec le

premier centenaire de l'Unité italienne. Lesnations et les organisations du monde entieront contribué à former un panorama d'histoireet de civilisation, en donnant la significationprofonde du travail humain. A cette occasion,un emplacement a été offert aux Nations Uniesafin qu'elles puissent donner un tableau dutravail que leurs agences spécialisées ont accom¬pli dans ledomainede l'alimentation, de l'hygiène,de la santé, de l'éducation, de l'industrie, des

zones arides, et dans tous les secteurs qui ontune influence directe ou indirecte sur l'homme

et son travail. Le Courrier de l'Unesco a envoyéà l'exposition de Turin son photographe PaulAlmasy, qui en a rapporté les photos que nouspublions. Ci-dessus à gauche, une vue de nuitdu Palais de l'Energie avec ses parements denéon. A gauche, une représentation symboliquedu coût des armements, le prix d'un tank enbalance avec des réalisations de paix.

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Ci-dessus, une représentationplastique des problèmes de lasurpopulation, montrant l'ac¬

croissement démographique enI860, en I960 et en l'an 2000.

Les autres problèmes posésconcernent la faim, les épidémies,la destruction des sols, les métho¬

des de travail improductives, lemanque d'hygiène, l'améliorationde moyens d'éducation et le chô¬mage. L'exposition des NationsUnies montre ce que leurs agencesaccomplissent pour résoudre cesproblèmes. Ci-dessous le grandhall d'exposition qui abrite l'ex¬position des Nations Unies.

Photos © Almasy

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Un énorme vilebrequin (ci-dessus, à gauche) symboliseles Nations Unies et toutes

leurs agences spécialisées, etmontre leur commun travail.Ci-dessus : une démonstration

des usages pacifiques de l'éner¬gie atomique, partie des réa¬lisations des Nations Unies

dans la recherche atomique etles commissions économiquesrégionales. Al'extrêmegauche,la balance des dépenses. Leprix d'un sous-marin repré¬sente celui d'une école. Au

centre, à gauche, l'expositionde l'Unesco concernant les

zones arides montre l'usagede l'énergie solaire. A gauche,dans le cadre de la lutte dela FAO contre les fléauxnaturels, des sauterelles des¬tructrices.

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Photos © Almasy

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L'ÉNIGME DES RAYONSCOSMIQUES

par Alexandre Gusev

LE phénomène des rayons cosmiques a été dé-i couvert il y a une cinquantaine d'années, mais

à beaucoup d'égards il reste pour la science une énigme.Nous savons qu'un intarissable courant de ces rayons sedéverse sur notre terre, issu de toutes les directions, etnous investit jour et nuit sans relâche. Il en était ainsiquand pour la première fois les savants découvrirent cesrayons ; il en était ainsi avant que l'homme apparaissesur la terre, quand la vie s'esquissait à peine ; il en étaitainsi, il y a d'innombrables millions d'années, avant quela terre elle-même existât.

La source de ces rayons cosmiques, et l'étonnanteconstance du phénomène n'ont pas été découvertes jus¬qu'ici, parce que ces rayons « rayonnent » dans toutesles directions à la fois. S'il était possible d'imaginer qu'ilsrayonnent avec autant d'éclat que ceux du soleil, nouspourrions aussi imaginer qu'une éternelle lumière baigne¬rait partout et toujours la surface de notre planète. Or,les rayons cosmiques sont invisibles et leur « éclat » està peu près celui du ciel par une nuit sans lune.

Les physiciens se sont livrés à une étude attentive desrayons depuis qu'ils furent découverts. (Et avec l'émerveil¬lement que l'on suppose, puisqu'ils venaient de l'espacecosmique.) Les savants ont appris une foule de choses. Parexemple, que ces rayons n'étaient pas du tout des rayonsdans le sens que l'on donne à ce mot quand il s'agit derayons lumineux ou d'ondes hertziennes. Ils sont, en fait,un courant de particules extrêmement petites qui se dé¬placent à des vitesses prodigieuses cosmiques desdizaines de milliers de fois plus vite que nos fusées ounos satellites artificiels.

Ces particules qui constituent les rayons cosmiquesn'offrent rien d'exceptionnel il y a là le noyau atomiquedes gaz légers, l'hydrogène (dénommé aussi protons) etl'hélium (dénommé particules alpha), bien connus desphysiciens. Ces noyaux constituent 85 à 90 % du courant.Le reste comporte également des noyaux nucléaires, maisce sont ceux d'éléments plus lourds lithium, azote, fer...

Ces particules sont si petites que, comparées à un grainde sable, elles ont les dimensions qu'a ce grain de sablepar rapport au globe terrestre. Quelques-unes d'entre ellesrecèlent une énergie énorme.

Dès que les physiciens eurent fait cette découverte, ilsont soulevé des douzaines de « pourquoi ».

Pourquoi le courant de particules cosmiques est-il pré¬cisément constitué de ces éléments, comment ces parti¬cules sont-elles formées, où sont-elles, comment travaillele colossal générateur qui, depuis des milliards d'années,produit ces rayons cosmiques; d'où vient l'énergie qui l'ali¬mente ? La science n'a pas apporté à toutes ces questionsdes réponses vraiment concluantes. Mais elle peut nousaffirmer que les rayons cosmiques nous viennent de notresystème stellaire, de notre propre galaxie; et que leurorigine est sans doute liée à l'éclatement d'étoiles « super¬nova », et qu'une partie du courant nous vient de l'étoilela plus proche, le soleil.

Quand des personnes qui sont étrangères à la scienceentendent parler pour la première fois des rayons cos¬miques et de leur étude, elles demandent souvent : pour¬quoi les étudie-t-on ? et à quoi peuvent-ils servir ?

Disons sans plus tarder que pour l'instant on n'entre¬voit pas l'utilisation pratique des rayons cosmiques, maisqu'il y a certainement, à les étudier, un double avantage.

D'abord, l'étude des rayons cosmiques donne aux sa¬vants des aperçus précieux sur les secrets de notre uni¬vers infini, et sur le micro-monde des atomes, sur les

Alexandre Gusev, physicien. Travaille à la recherche scientifique22 à l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S. Rédacteur scientifique pour la

Maison d'édition de Littérature étrangère, Moscou. Auteur de plusieursouvrages sur la théorie du magnétisme.

secrets du noyau atomique, des particules qu'il renferme,et sur bien d'autres particules dites élémentaires. Pouren savoir davantage sur les propriétés des particules élé¬mentaires et du noyau atomique, les savants ont établiexactement ce qu'il advenait quand des particules se dé¬plaçant à de très grandes vitesses et possédant en outreune formidable énergie cinétique entrent en collision.

A cette fin, on a construit d'énormes accélérateurs quiimpriment aux particules des vitesses de 10 milliards,d'électron-volts (Institut de Recherche Nucléaire de Doub-

na, en URSS), de 29 milliards d'électron-volts (Centre Eu¬ropéen de la Recherche Nucléaire, créé par l'UNESCO etétabli en Suisse), de 33 milliards d'électron-volts (Brook-haven, Etats-Unis). On projette des accélérateurs encoreplus puissants. Toutefois, ni ceux qui existent aujourd'huini ceux que l'on prépare ne se peuvent comparer avec les"accélérateurs cosmiques dont on ne sait encore rien.

Les particules se rencontrent dans le courant cosmiquequi possède une énergie des centaines de millions de foissupérieure à celle que l'on peut obtenir dans les accéléra¬teurs. Pour les physiciens qui étudient les rayons cosmi¬ques, ce sont ces particules qui offrent les plus d'intérêt.S'il est possible d'étudier la nature et les propriétés desparticules élémentaires, et en outre du noyau nucléaire,les savants seront peut-être en mesure de créer des sour¬ces d'énergie si puissantes qu'elles dépasseront de loin lesplus fantastiques espérances suscitées par les réactionsthermo-nucléaires contrôlées ; alors la transformationdes conditions naturelles de la Terre et des autres planètesdeviendra effectivement possible, de même que les volsà partir des systèmes planétaires autour des autres étoi¬les..., etc. L'étude des rayons cosmiques est l'une desvoies qui nous conduit à ces fabuleux lendemains.

D euxièmement, l'ère des vols spatiaux, qui s'ou¬vrit grâce aux savants et aux ingénieurs sovié¬

tiques, le 4 octobre 1957, lors du lancement du premiersatellite artificiel, bientôt suivi par les vols de Youri Gaga-rine le 12 avril 1961, du commandant Alan Sheppard, le5 mai 1961, de Virgil Grissom, le 21 juillet 1961 et deGuerman Titov, le 7 août 1961, a permis à l'homme devoyager dans l'espace cosmique. Les rayons cosmiques ontdes « propriétés » semblables aux radiations radio-actives,comme celles qui provoquent les maladies de la radio¬activité. La Terre est protégée par sa cuirasse atmosphé¬rique et l'homme est habitué aux faibles rayons qui pénè¬trent à travers cette cuirasse. Mais dans l'espace cosmi¬que ? N'est-il pas possible que les voyageurs des fusées,une fois qu'ils auront quitté l'atmosphère terrestre etqu'ils atteindront le seuil de l'espace cosmique, ren¬contrent des rayons mortels ?

L'étude des rayons cosmiques a déjà permis de répondreà cette question.

Le sort de particules cosmiques qui volent vers la Terredépend de leur vitesse qui est fonction de leur énergie.Quelques-unes d'entre elles, qui se déplacent relativementlentement sont déviées de leur vol en ligne droite à unedistance considérable au-dessus de l'atmosphère terrestre,et sont prises dans le « piège » du champ magnétiqueterrestre ; celles qui ont la plus grande puissance énergé¬tique enfoncent les défenses magnétiques de la Terre etentrent dans l'atmosphère.

Là, elles se heurtent aux atomes et aux noyaux atomi¬ques de gaz formant l'oxygène atmosphérique, l'azote, etc.Ce faisant, elles modifient les atomes, et les transformenten ions, puis, se heurtant aux noyaux atomiques, elles enfont éclater quelques-uns, perdent leur énergie et se dis¬sipent dans l'atmosphère. Les plus rapides des particules,celles dont la vitesse est presqu'aussi grande que lavitesse de la lumière, offrent le plus grand intérêt car rien

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CERN

UN MICRO-MONDE

SANS RÉPITLes rayons cosmiques, les particules nucléaires qui viennentde l'espace cosmique, entrant en collision avec les atomes etles noyaux atomiques dans l'atmosphère terrestre provoquentdes « catastrophes » nucléaires qui se précipitent alors enavalanche vers la surface de la terre. Pour découvrir ce quiarrive quand il y a des collisions entre des particules qui sedéplacent à de très grandes vitesses, les savants ont construitdes appareils, dont certains sont énormes. On voit ¡ci qu'ona photographié des collisions de particules dans l'hydrogèned'une chambre à bulles. A gauche, l'une des 49.000 imagesprises pendant une série d'expériences dans une chambre à

bulles, au CERN (Organisation Européenne pour la RechercheNucléaire). Elle montre la désintégration de deux particules

une lambda zéro et une anti-lambda zéro. Ci-dessus, une

photo du Centre pour la Recherche Atomique à Doubna,U.R.S.S., montrant l'explosion qui se produit quand uneparticule cosmique entre en collision avec un atome nucléaire.Ci-dessous, un technicien du Centre de Doubna travaillant

sur le tableau de contrôle d'un accélérateur.

Photos officielles, Union Soviétique

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" RAYONS COSMIQUES " (Suite)

COLLISIONS ET AVALANCHES DANS L'INFINI

ne peut les arrêter elles ne ressentent pas l'influencedu champ magnétique, elles pénètrent même dans uneépaisseur de plusieurs milliers de kilomètres d'atmosphèreterrestre aussi facilement qu'un boulet de canon traverseune feuille de papier, et ne « meurent » seulement quelorsqu'elles ont atteint les profondeurs de la terre. Lesparticules qui entrent dans l'atmosphère à de telles vi¬tesses peuvent heurter un noyau atomique, mais elles ne-modiflent pas leur trajectoire et ressentent à peine laviolence du choc. Si toutefois, la fraction de l'énergie per¬due et transférée au noyau est une partie infinitésimalede la formidable énergie de la particule, la collision estune catastrophe pour le noyau. Alors ce noyau explose.Et ses « éclats », c'est-à-dire les particules dont il estcomposé, se dispersent dans toutes les directions. Lesparticules que la collision a projetées, heurtent alors d'au¬tres noyaux et provoquent ; de nouvelles catastrophes in¬nombrables, bien que chacune de celles qui se succèdentsoit moins puissante que celles qui l'ont précédée. C'est cequ'on appelle un processus en cascade ; les particules ainsiformées forment comme une avalanche, s'accroissant sanscesse en nombre jusqu'à ce qu'enfin elles atteignent lasurface de la terre. -

La particule à déplacement rapide provenant de l'espacecosmique, qui accomplit la totalité du processus, arrivedonc sur la Terre suivie de1, son innombrable « progéni¬ture », un cortège qui compte parfois des milliers de mil¬lions d'individus et couvre plusieurs kilomètres carrés. Lesphysiciens appellent ces courants des « averses » cos¬miques.

On étudie parfois les rayons cosmiques en cap¬turant l'une des particules dans la couche sen¬

sible des plaques photographiques revêtues d'une emulsionextrêmement épaisse. Quand on a saisi une particule àdéplacement rapide, l'un des noyaux de la couche d'émul-sion éclate, laissant un bouquet de traces ou une « étoile »,visible quand la plaque est développée. Moindre est l'éner¬gie de la particule entrant dans l'atmosphère terrestre,moindre est sa « progéniture ». Toutes ensemble, cepen¬dant, forment l'averse qui sature l'atmosphère et qui des¬cend sans cesse vers la surface de la Terre ; on a donnéà ce courant incessant le nom de « rayons cosmiques »quand il a été découvert pour la première fois. Toutefois,il est évident que les fragmente qui résultent des collisionssont des rayons secondaires ; les rayons primaires sontceux qui transpercent l'espace cosmique.

L'intensité des rayons secondaires est telle qu'une parti¬cule par seconde passe à travers chaque centimètre carréau niveau de la mer. Depuis que sur la surface de la terre,nous vivons au niveau de la mer, ou non loin au-dessus,chacun de nous est transpercé par des milliers de parti¬cules cosmiques, à toutes les secondes. Depuis des millionsd'années que la vie s'est développée sur la Terre, les plan¬tes, les animaux, et les hommes se sont « habitués » auxparticules, et ne s'en ressentent en rien ; les biologistespensent même que les rayons cosmiques constituent unfacteur important de l'évolution ; leur influence sur l'hé¬rédité a provoqué la mutation des caractéristiques envenant s'ajouter à la sélection naturelle.

L'ère des fusées spatiales et des satellites artificiéis mar¬que une nouvelle étape dans l'étude des rayons cosmiques.

Les toutes premières observations ont donné des résul¬tats dont la signification est essentielle. On a trouvé queces ceintures de particules à déplacement rapide entou¬raient la Terre l'une d'entre elles à une hauteur quivarie de 600 à 5 000 kilomètres au-dessus de la surface

terrestre ; l'autre est beaucoup plus haute, puisqu'ellea de 12 000 à 60 000 kilomètres. On les appelle les ceinturesde radiation intérieure et extérieure. Elles ont été formées

et restent maintenues par le champ magnétique de laTerre, ce champ qui fait dévier l'aiguille de la boussole(la Terre elle-même est un colossal aimant dont les pôlessont voisins des pôles géographiques sans toutefois coïn¬cider avec eux).

On sait depuis longtemps que cet aimant fait que lesparticules à déplacement lent sont déviées de leur che-

24 min, produisant alors l'effet de latitude (car l'intensité desrayons cosmiques sur la surface de la terre varie avec lalatitude, elle est plus faible à l'équateur et s'accroît au

fur et à mesure dans les plus hautes latitudes). Personnecependant ne soupçonnait alors l'existence des ceinturesde radiations. Ce sont les observations des Soviétiques etdes Américains, effectuées grâce aux satellites artificiels,qui ont permis cette découverte. Dans ce domaine ce sontle professeur S.N. Vernov, en URSS; et le docteur VanAllen aux Etats-Unis qui ont mené a bien la recherche.Et non seulement on a découvert l'existence de ces cein¬

tures, mais encore on a expliqué leur origine.

Les particules qui possèdent une énergie relativementfaible, c'est-à-dire celles dont l'énergie est inférieure à10 milliards d'électron-volts (soit l'énergie qu'il nous estpossible d'obtenir dans nos accélérateurs) sont happées parle champ magnétique terrestre et tournent en spiraleautour de la Terre. Quand elles atteignent la zone polaireoù le champ magnétique est plus fort, elles sont réflé¬chies comme les faibles rayons d'un miroir et renvoyéesvers le pôle opposé. Puisque l'espace où elles se meuventest à proprement parler un vacuum, rien ne peut entra¬ver leur mouvement, et elles ne perdent qu'une très petitequantité d'énergie ; elles sont donc capables de faire desmillions de voyages aller et retour d'un pôle à l'autre,chacune d'elles les reflétant comme dans un miroir. Elles

ne peuvent s'échapper dans l'espace cosmique parcequ'elles sont retenues dans le champ magnétique terres¬tre. Elles sont prises au piège dans le voisinage de laTerre. C'est là ce que l'on veut dire quand on parle depièges magnétiques. Le bord de la ceinture extérieure serapproche de la Terre dans la région des deux pôles, oùelle provoque le phénomène de l'Aurore Boréale, les oragesmagnétiques et les interférences d'ondes hertziennes.

La ceinture extérieure est « habitée » surtout par lesélectrons. La ceinture intérieure comprend surtout desprotons, et elle s'étend du niveau de l'équateur au 40° delatitude Nord et de latitude Sud. Elle est plus élevée dansl'hémisphère sud que dans l'hémisphère nord. La raisonen est que le pôle magnétique et le pôle géographique necoïncident pas exactement.

L'intensité du courant à l'intérieur de la ceinture

est très grande, si bien que cette découverte n'apas seulement une signification purement théoriqquemais une grande importance pratique. Les volsdans l'espace cosmique ont pu être envisagés par lessavants et les ingénieurs.

Au nombre des mille dangers qui guettent l'hommedans l'espace cosmique l'un est parfaitement connu :c'est la maladie provoquée par les radiations. Nous savonsque dans un espace « vide », la quantité de radiations(deux particules par seconde et par centimètre carré)n'est pas nocive pour l'homme. Mais les vols à travers laceinture de radiations peuvent être dangereux. Il y a pro¬bablement autour des autres planètes qui possèdent unchamp magnétique des ceintures analogues. Nous savons,maintenant que les ceintures de radiation s'infléchissentet se creusent vers les pôles, tout comme la surface d'unepomme autour de la queue. Aussi peut-on tenir les pôlespour des entonnoirs coniques à travers lesquels une fuséepeut voler en toute sécurité, et en évitant de traverserla ceinture de radiation.

Par ailleurs, nous savons qu'il y a des zones dans l'es¬pace cosmique qui possèdent aussi des champs magné¬tiques. Il pourrait donc y avoir également dans ces en¬droits des concentrations de particules cosmiques. Il estpossible que des nuages de particules, prisonnières deschamps magnétiques, se déplacent dans l'espace cosmique.

On doit donc étudier tous ces phénomènes afin d'établirles mesures de protection nécessaires. Aussi est-il impor¬tant d'étudier les champs magnétiques d'autres planètes,de même que leurs ceintures de radiation, afin de décou¬vrir les entonnoirs qui assureraient d'éviter les radiationspendant un éventuel débarquement.

Jusqu'ici les mesures accomplies sont seulement cellesqui concernent notre voisine la plus proche, la Lune. Lesinformations transmises par les fusées cosmiques soviéti¬ques montrent que la Lune n'a ni champ magnétique, niceinture de radiations. De plus, nous savons aujourd'huique la ceinture de radiations est due à l'existence d'unchamp magnétique.

Il est possible que nous en apprenions bientôt davan¬tage sur la Lune et d'autres et d'autres planètes commeMars et Vénus, notamment à propos des champs magné¬tiques de ces dernières.

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Photos Ambassade de Norvège.Fridtjof Nansen a été un explorateur d'un génie remarquable. On célèbre cette année le centième anniver¬saire de sa naissance. Ses conceptions révolutionnaires étaient repoussées par les experts de l'époque,qui les jugeaient insensées. Cependant, toutes ses entreprises furent d'éclatants succès. Ci-dessusson navire, le fameux « Fram », construit d'après ses plans et qui put dériver dans l'Antarctique pendanttrois ans, comme il l'avait prévu. En médaillon, Nansen en 1897, à son retour du Pôle Nord.

FRIDTJOF NANSEN

OU L'AVENTURE EXEMPLAIREpar Robert Gladwell

u N homme doit être courageux ; il doit aller del'avant et se conduire en homme. »

C'est ce qu'écrivait l'historien anglais, Thomas Car¬lyle, et ce serait une excellente introduction à la biogra¬phie de Fridtjof Nansen, car on peut dire que pendant68 ans (Nansen naquit en Norvège, près d'Oslo en 1861et mourut en mai 1930), sa vie a été parfaitement confor¬me à tout ce que cette formule implique. Et lui-mêmedans un discours aux étudiants de l'Université Saint-

André, en 1926, avait choisi de citer cette autre phrasede Carlyle : « Pour un homme, le premier de tous lesproblèmes consiste à savoir quel est le travail qu'il doitaccomplir sur cette terre. »

Et Nansen ajoutait : « Cependant, ce petit problème,je n'ai pas été, quant à moi, capable de le résoudre. J'avaisun penchant pour la science ; mais quelle science ?C'étaient la physique et la chimie qui m'intéressaient leplus ; mais le démon de l'irresponsabilité sur lequel jen'avais guère de prise à l'époque n'aimait pas le genrede vie qu'exigeaient ces études. Il découvrit donc un beaujour que la zoologie avait infiniment plus d'attraits, elle

Robert' Gladwell, écrivain anglais, et producteur de radio et té¬lévision fort connu. A préparé plusieurs programmes radiopho-niques pour l'Unesco, outre celui qui commémorait le centièmeanniversaire de la naissance de Nansen, dont notre article estune adaptation.

permettait plus de fantaisie, chasser, vivre au grand air.Aussi bien nous nous embarquâmes dans la zoologie.

« Et un beau jour, la créature irresponsable me soufflaque nous devrions faire un voyage dans l'océan Arctique,sous prétexte d'étudier la vie de la faune des régions polai¬res. J'avais alors vingt-deux ans, et nous voilà partis. Et cefut le pas fatal qui me détourna de la vie paisible quepromet la science. »

Nansen disait encore : « La grande affaire, c'est dese trouver soi-même, et pour cela nous avons besoin desolitude et de méditation ; au moins de temps en temps.Et votre salut, vous ne le trouverez pas dans les grandscentres de la civilisation, agités et bruyants. Il vous seradonné en des lieux solitaires. »

A l'époque où 11 faisait cette déclaration, Fridtjof Nan¬sen avait soixante-quatre ans, et il avait le droit de sedonner non seulement pour un familier, mais pour unexpert des solitudes. Il avait fait, à vingt-six ans, la pre¬mière traversée du Groenland, a skis, traversée couron¬née de succès.

On raconte que quand il demanda sa femme enmariage, la cantatrice Eva Sans, il ajouta : « Mais il fautque j'aille .au Pôle Nord. » En 1893, son navire polaire, le« Fram », qui avait été construit spécialement d'après lesplans qu'il avait fait lui-même, fit voiles vers l'Arctique,et il se passa de nouveau trois ans avant que Nansen nereprit contact avec la civilisation. Des années plus tard.

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Photo Ambassade de Norvège.

LES GLACIERS DU GROENLAND,

la plus grande île du monde (ci-contre).Elle n'avait encore jamais été exploréequand Nansen décida de la traverser àskis, d'est en ouest, en 1888. Il y réussiten deux mois et demi, par des tempéra¬tures de 45 °C. Ci-dessus, Nansen à

la chasse dans l'Arctique en 1896.

Photo © Paul Almasy.

De l'exploration scientifique à l'aide humaine

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encore après la guerre de 1914-1918 alors qu'il seconsacrait aux victimes de la famine et aux réfugiés, ilrestait souvent seul, menant un combat sans peur contrel'indifférence, l'hypocrisie et les préjugés des hommes po¬litiques.

Car Fridtjof Nansen a deux grands titres de gloire. Ila été un explorateur de l'Arctique d'un génie sans précé¬dent, car il s'est dégagé des techniques traditionnelles lorsde son expédition à travers le Groenland, en 1888, commeplus tard sur son navire Fram le bien-nommé puis¬que Fram veut dire « En avant » de 1893 à 1896. Sonsecond titre de gloire a pour symbole le Prix Nobel de laPaix, qui lui fut attribué en 1922.

De 1896 à 1914, il se consacra à la recherche scientifi¬que, à l'exception d'un court intermède comme Ministrede Norvège à Londres, quand son pays eut conquis satotale indépendance, après la rupture de l'union avec laSuède, indépendance que Nansen n'avait cessé de reven¬diquer.

Après la fin de la première guerre mondiale, il seconsacra à des auvres humanitaires et à la Société des

Nations. La première grande tâche qu'il réussit à accom¬plir fut de faire rapatrier un million de prisonniers deguerre « disparus » ; puis sans se lasser, il s'attacha àtrouver aux réfugiés un asile en dépit de toutes les diffi¬cultés.

Des milliers et des milliers d'hommes et de femmes ont

béni l'introduction du « passeport Nansen », qui deve¬nait une possibilité d'accession à la citoyenneté. Avec undévouement et une opiniâtreté bien caractéristiques, ils'occupa du sort des populations arméniennes. C'étaitaprès les terribles massacres des Arméniens en 1915.

En 1928, il n'y avait pas moins de 7 000 réfugiés enArménie, réinstallés grâce à Nansen qui, en 1922, signaitune convention qui assurait 12 000 nouvelles résidences. Cefut pour lui une grande joie, mais il informa le Conseilde la Société des Nations qu'en raison de la carence desgrandes puissances, il ne pouvait obtenir l'emprunt néces¬saire à la poursuite de son travail.

La confiance que Nansen avait mise dans la Société desNations a été souvent déçue, mais non pas la confiancequ'il avait témoignée aux Arméniens et à leur avenir. Huitans après sa mort, Michael Hanson, qui était alors le res¬ponsable du Comité qui avait continué l' de Nan

sen déclarait dans un discours alors qu'il recevait le PrixNobel au nom du Comité :

« Lors d'une visite à Alep, je m'en souviens, les Armé¬niens de la région avaient donné un dîner en mon hon¬neur. Bien entendu, j'avais dû faire un discours, et quandje prononçai pour la première fois le nom de Nansen,l'assemblée tout entière se. leva, et pendant une ou deuxminutes pria en silence. Plus tard, je rapportai ceci à l'unde mes hôtes, qui me dit alors : « Nous autres Arméniens,nous sommes convaincus que Nansen est assis à la droitedu Seigneur et qu'il veille sur le peuple arménien. »

Quand il avait une vingtaine d'années, Nansen avaitrendu hommage à un autre peuple, les Esquimaux ; il tiraparti des expériences qu'il avait faites parmi « ce vaillantpetit peuple » qui lui avait inspiré une profonde affectionquand, longtemps après, il se consacra aux réfugiés, parexemple aux Arméniens, et aux minorités opprimées.

Après ses aventures au Groenland, en 1888, il écrivait :

« Pour l'Esquimau, le premier des devoirs sociaux estd'aider les autres. Il ne peut concevoir que les uns soientriches quand d'autres sont dans le besoin. Sans cesse ilrisque sa vie, il souffre, mais il est heureux de vivre. Etc'est là le peuple que nous, les Européens, nous nous som¬mes cru autorisés à mépriser !

« Notre mission au Groenland, c'est de faire bénéficierles indigènes de la civilisation. Mais, en réalité, qu'avons-nous fait ? Nos prétendues réformes n'ont abouti qu'àdécourager une population qui vivait sur le sol natal, àdélabrer sa santé, à détruire et son indépendance et saliberté. »

Déclaration courageuse pour un homme de vingt-huitans, mais déjà Nansen avait prouvé son courage, lui quin'avait jamais manqué de force de caractère, de bravoureni d'audace. Ainsi, quand il avait déclaré qu'il avait l'in¬tention d'entreprendre la traversée du Groenland à skis,il n'avait guère rencontré que le mépris et le dédain dansla plupart des milieux informés.

Un explorateur danois a fait observer que la méthodemême que Nansen comptait utiliser pour atteindre la côte,en abandonnant un solide pont de navire, et en se traî¬nant comme un ours polaire de banquise en banquise pourse frayer un chemin jusqu'au rivage, paraissait d'unetémérité si folle qu'il n'était guère possible de la prendreen considération.

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Photo Collection Viollet.

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LA RENCONTRE DE NANSEN et de Johansen avec l'expédi¬tion britannique de Frederick Jackson dans l'Arctique, alors qu'ilsdescendaient vers le sud après avoir presque atteint le Pôle Nord,(ci-dessus). Ci-contre, coucher de soleil sur la banquise par Nansen,qui était aussi un remarquable dessinateur. Ci-dessous, le « Bag¬dad » chargé de prisonniers de guerre rapatriés entrant dans leport de Stettin. Après la Première Guerre mondiale, Nansenallait ajouter à tous ses titres de gloire celui d'un grand serviteurde l'humanité en se dévouant à la cause des réfugiés. La médailleNansen, reproduite ici, hommage à sa mémoire, est décernéechaque année en reconnaissance des services exceptionnelsrendus à la cause des réfugiés. Elle porte sa devise :« La seule politique réaliste est l'amour des hommes. »

Photo UNHCR.

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NANSEN (suite)

Sur la banquise avec les bêtes polairesQuel était donc exactement le projet de traversée du

Groenland ? Nansen lui-même l'avait exposé dans un jour¬nal norvégien, en janvier 1888 : « Je désire insister par¬ticulièrement, écrivait-il, sur le fait que l'entreprise pour¬rait être celle de trois ou quatre skieurs expérimentés, quipourraient s'approcher par voie de terre aussi près quepossible de la côte est du Groenland, et traverser le payspour atteindre les colonies de l'ouest. »

« Mon expérience en tant que skieur et les conclusionsapportées par l'expédition de Nordenskiold en 1883 mepermettent d'affirmer que l'on peut avancer à ski plusvite que par n'importe quel autre moyen quand les condi¬tions d'enneigement sont bonnes. En traversant d'est enouest, il faut brûler ses vaisseaux, si bien que nul n'a plusbesoin d'encouragement, puisque l'on ne peut songer àretourner vers la côte est, alors que devant soi, il y a lescolonies de la côte ouest, c'est-à-dire tous les attraits ettoutes les commodités de la civilisation. »

C'était bien dans la manière de Nansen de couper lesponts derrière lui. A cet égard, ses entreprises sont toutà fait typiques. Car il a toujours préféré constituer depetits groupes de travail afin de réduire les pertes en vieshumaines d'ailleurs, jamais un seul membre de sesexpéditions n'a trouvé la mort avec lui et parer auplus pressé, quitte à rendre l'action plus hasardeuse.

On l'a parfois accusé de prendre trop de risques, maisen fait ce n'était pas la seule témérité qui distinguait sesinitiatives, car il ne décidait rien sans avoir auparavantprocédé à un travail minutieux. Il n'avait rien d'un rê¬veur. Quand il préparait son expédition au Groenland, lesproblèmes qu'il devait résoudre n'étaient pas simples.Comment gagnerait-il la côte ? Comment viendrait-il àbout des difficultés particulières à ce rivage tout en an-fractuosité ? Et quelle était la meilleure préparation à latraversée de la couche glaciaire ? Le soin qu'apporta Nan¬sen à ces travaux préliminaires montre assez qu'il avaitune vue très nette de tous les problèmes à résoudre.

En mai 1888, Nansen et sa petite équipe prit la mer pourgagner l'Islande. Ils étaient à bord d'un navire armé pourla chasse aux phoques, le Jason qui les emmenait à tra¬vers le détroit du Danemark vers la côte est du Groenland.

Une fois sur le glacier, Nansen mit deux mois pour gagnerle point le plus élevé 3 000 mètres mais l'équipe devaitlutter contre le vent debout, et tirer les traîneaux entreles crevasses.

Ce fut alors c'est-à-dire le 5 septembre que l'undes Lapons de l'équipe s'écria :

« Par les diables de l'enfer, personne ne sait qu'une côteest si loin de l'autre côte, puisque personne n'y est encorejamais allé. »

Nansen n'était lui-même pas tout à fait sûr de la dis¬tance qui restait à parcourir.- Il redoutait d'avoir tropattendu des marches de jour. Le 17 septembre 1888, deuxmois avaient passé depuis qu'ils avaient quitté le Jasonmais, ce matin-là, pour la première fois, la paroi intérieurede la tente n'était pas raide de gel. Et tous à la fois, ilscrurent avoir entendu un gazouillement d'oiseau. Ils seruèrent hors de la tente. C'était bien un bruant des neiges.Bientôt ils en virent un autre. Plus tard Nansen en gar¬dait un souvenir ému :

« Nous avons béni les deux bruants ; l'un nous appor¬tait un dernier salut de la côte est, et l'autre nous souhai¬tait la bienvenue sur la côte ouest. »

Ce fut le 9 novembre 1888 que l'on apprit en Europe lapremière traversée victorieuse du Groenland, mais commeil n'y avait aucun navire pour oser se risquer si loin dansle Nord et ramener les membres de l'expédition vers lacivilisation, ils hivernèrent au Groenland. Ce ne fut quele 30 mai 1889 que Nansen et son équipe regagnèrent laFjord d'Oslo, où ils furent accueillis, sous un soleil écla¬tant, par des centaines de voiliers, toute une flotte debateaux à vapeur, et des foules délirantes d'enthousiasme.La Grande aventure était un triomphe, et Fridtjof Nansenavait tout à coup acquis une célébrité mondiale.

Grâce à l'expédition Nansen, on savait désormais que2g le Groenland faisait partie de la calotte glaciaire et l'on

possédait une description très précise des conditions ca¬ractéristiques en Europe Septentrionale et en Amérique

du Nord pendant l'ère glaciaire. L'expédition avait fournid'autres renseignements d'intérêt scientifique ; de plusl'impulsion était donnée à d'autres explorations.

Fridtjof Nansen, connaissait désormais la gloire : ce quisuscita une réaction qui le dépeint tout entier : « Main¬tenant que je savoure la gloire, et que je peux juger dece qu'elle vaut, je ne la désirerai plus. »

De retour en Norvège, il reprit ses fonctions de conser¬vateur du Musée zoologique de Bergen, et il- voyagea danspresque toute l'Europe en faisant des conférences. Maisalors qu'il était encore au Groenland, il avait fait d'au¬tres projets. Il avait rêvé d'une autre expédition et décidéde traverser le Pôle Nord. Idée originale et audacieuse, néede deux constatations.

En 1884, il avait lu qu'un yacht américain pris dans lesglaces de l'Arctique, avait dérivé avec les glaces dans lesrégions polaires ; on savait aussi qu'un tronc de mélèzesibérien avait dérivé à travers le Pôle. Nansen avait ima¬

giné un navire particulièrement résistant et d'une formetelle qu'il ne puisse être broyé par les glaces, mais aucontraire qu'il puisse s'élever sur la glace : tout commeun pépin d'orange peut être pincé entre les doigts.

C'est ainsi que fut construit le fameux navire polaire, le« Fram » ; gréé en goélette, et équipé de machines, c'étaitun navire de 400 tonnes, de près de 40 mètres de long,11 mètres de large et dont la coque avait 60 cm d'épais¬seur.

E1 N novembre 1892, Nansen s'embarquait pouri Londres où il allait soumettre à la Société

Royale de Géographie son sensationnel projet de traverséedu Pôle Nord. La plupart des membres de la Sociétél'écoutèrent avec scepticisme et quelque peu d'inquiétude.C'était, au dire du président, le projet le plus audacieuxqui ait jamais été exposé.

Selon la fille de Nansen, cette fameuse soirée n'eut guèred'importance en ce qui concernait son père.

« L'expédition était décidée, écrit-elle. Ma mère avaitconfiance, et d'ailleurs mon père était bien décidé à fairece qu'il voulait Quatre ans plus tard, il était de retour àLondres, cette fois pour rendre compte de l'expédition du« Fram ».. Parmi les milliers de personnes qui se pres¬saient dans l'Albert Hall, il y avait la plupart de celles quiavaient assisté à la réunion du 14 novembre 1892. Tout le

monde se leva quand mon père entra, pendant que l'orches¬tre attaquait l'Hymne de Haendel à la victoire des Macca¬bees. » Nansen a dit que toute sa vie il ne s'était sentiplus fier. Nansen se moquait de la gloire ou de l'appât dugain. Il était possédé de la soif de connaître. Bien d'autresavant lui avaient tenté d'écarter le voile qui cachait lessecrets de l'océan Arctique, et bon nombre y avaient laisséleur vie. C'est qu'ils avaient contre les forces de lanature, et non pas avec -elles, et c'était là un point décisif.

« Dans un éclair d'inspiration, Nansen avait eu l'idéed'utiliser les courants marins ; il l'avait développée jus¬qu'à constituer un plan audacieux qu'il ne pouvait renon¬cer plus longtemps de mettre à l'épreuve, sans être infi¬dèle à lui-même. »

Le « Fram » partit donc d'Oslo nommée alors« Christiana », en juin 1893, avec treize hommes d'équi¬page et trente traîneaux à chiens. En septembre, il avaitatteint le lointain Cheliouskine, à l'extrême nord de la Si¬bérie. La glace avait 9 mètres d'épaisseur. Alors survintl'enclavement ; le vaisseau craquait et tremblait, et, alors,exactement comme Nansen l'avait prévu, il s'échappa à laterrible étreinte et s'éleva jusqu'à ce qu'il se fut dressétout entier sur les glaces. La dérive du « Fram » avaitcommencé.

Le temps était venu, Nansen le savait, où l'équipageallait être entièrement occupé. Les appareils scientifiquesdevaient être montés. Il fallait construire un camp pourles chiens, sur la glace, et organiser des expéditions dechasse. Le navire dériva lentement vers le nord pendantun an ; puis il commença à dériver vers l'ouest. Ce futalors que Nansen décida d'abandonner le « Fram » etd'entreprendre la course au Pôle.

« Avec Johansen pour seul compagnon, vingt-huitchiens, trois traîneaux qui portaient nos deux kayaks (nos

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canots esquimaux), une tente, nos sacs de couchage, desinstruments scientifiques, nos provisions, je quittai le« Fram », et nous partîmes à travers les glaces. En avril1895, Johansen et moi étions parvenus à 320 km du Pôle,plus loin au nord, que tous les explorateurs qui nousavaient précédés. Le thermomètre Indiquait 40 au-dessousde zéro, nos vêtements et nos sacs de couchage étaientraides de gelée ; les chiens étaient épuisés. Je pris la déci¬sion de revenir en arrière, et de renoncer à atteindre lePôle. »

La mort avait souvent menacé Nansen et Johansen. Ilsfurent un jour brusquement attaqués par un ours polaire.Une autre fols, alors qu'ils rampaient sur un iceberg pourfaire des relèvements, leurs kayaks partirent à la dérive,et ne purent être récupérés que parce que Nansen n'hésitapas à plonger dans les eaux glacées. Une autre fois encore,un énorme veau marin attaqua le canot de Nansen et lemit en pièces. Finalement les deux hommes s'enterrèrentpour l'hiver, c'est-à-dire qu'ils construisirent une hutteavec des outils fabriqués dans des défenses de morse.

Quand finalement Nansen et Johansen retournèrent enNorvège, après avoir passé un hiver sur la glace, il y avaitplus de trois ans qu'ils étaient partis. A leur arrivée, ilsapprirent qu'on était sans nouvelles du « Fram » et deson équipage. Mais, une semaine plus tard, le « Fram »arrivait, après avoir dérivé autour du Pôle, revenu à bonport, exactement comme Nansen l'avait prévu.

L'expédition comportait une découverte inespérée de lamer polaire, très Importante du point de vue géographi¬que. C'était la profondeur arctique, avec sa couverture deglace et ses températures extraordinaires qui avaientpassionné Nansen. Zoologiste qualifié, il s'était consacréaux problèmes physiques de l'océanographie, une sciencequi se développait rapidement à la fin du siècle dernier, età laquelle il avait donné une grande impulsion.

Pendant la dérive du « Fram », Nansen avait noté quela glace se déplaçait toujours à la droite de la directiond'où soufflait le vent, et il en avait conclu que ce devaitêtre sous l'effet de la rotation de la terre. Il développa sesobservations : c'était le vent qui mettait la glace en mou¬vement. La rotation de la terre faisait que chaque mouve¬ment à la surface du globe était soumis à une force qui,dans l'hémisphère nord, provoquait une poussée vers ladroite. A cause de cette force, la glace ne pouvait dériverdans la direction du vent, mais sur la droite. Ces obser¬vations de Nansen ont fait de lui le créateur de la théoriemoderne des courants poussés par le vent.

Comme beaucoup d'autres des idées nouvelles de Nan

sen, cette théorie se heurta a l'incompréhension de certainsexperts. Mais aujourd'hui, la plupart des ouvrages d'océa¬nographie lui rendent justice.

Nansen aurait souhaité poursuivre son travail scienti¬fique et mener « la vie paisible du savant », mais aprèsla première guerre mondiale il n'hésita pas à se consa¬crer à ce qu'il considérait comme le premier des devoirs :aider les victimes de la guerre. En 1922, il reçut le PrixNobel pour son inlassable activité au service de l'huma¬nité. Il fit de nombreux discours à la Société des Nationspour exposer la misère de certaines populations, mais sesplaidoyers pour les victimes de la famine et de la discri¬mination politique n'eurent pas toujours les échos qu'ilespérait. Avec le temps, Nansen, le savant, s'effaça devantle combattant des causes humaines. Certes, ses explora¬tions polaires étaient plus populaires que ses travauxscientifiques, bien que la traversée du Groenland et l'expé¬dition du « Fram » aient eu des objectifs scientifiques.Il n'en reste pas moins qu'il était essentiellement unsavant.

En 1930, il projetait à l'occasion de son 69" anniversaire,de survoler le Pôle Nord dans le Graf Zeppelin duDr. Eckener. H considérait le Zeppelin comme un précieuxinstrument d'investigation scientifique, mais il mourutcette même année à l'âge de soixante-huit ans. Dans lemonde entier on lui rendit hommage ; pour des millierset des milliers de personnes en exil, son nom était attachéau nouveau foyer qu'elles avaient trouvé.

Lors de la onzième assemblée générale de la Sociétédes Nations on rappela ses travaux avec reconnaissanceet fierté.

« Nous nous souvenons tous de lui quand il montait àla tribune, disait Lord Robert Cecil, le délégué de Grande-Bretagne, de son étonnante personnalité, de la vigoureuseéloquence qui était sienne, quand il défendait la cause dela paix et de l'humanité. On peut dire sans exagérationqu'il était l'incarnation même de la vérité, de la droitureet de la noblesse. Il n'était pas de juste cause qui ne trou¬vât en lui un défenseur. Toute l' qu'il accomplit enfaveur des réfugiés est caractéristique de l'homme qu'ilétait, et il l'accomplit avec le désintéressement le plustotal au mépris même de sa santé, cette admirablequi aida considérablement les plus déshérités deshommes. »

Il fut inhumé le 17 mai, le jour de la Constitution nor¬végienne, dont il avait célébré l'anniversaire sur le« Fram », alors qu'il cheminait avec Johansen dans lesétendues de l'Arctique.

LA SOUPE EST-ELLE BONNE? Nansen, qui ne négligeait aucun détail, goûte au repas qui va être servidans un orphelinat des Secours du Proche-Orient. A droite, un petit réfugié grec du « Secours Nansen »prend son repas. Grâce à l' humanitaire que Nansen poursuivit sans relâche jusqu'à sa mort, desmillions de personnes ont été sauvées, dont six millions d'enfants russes et ukrainiens (1921-1923).

Photo Ambassade de Norvège.Photo UNHCR.

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CARTES

DE VéUX

DE L'UNICEF

Après un départ modeste, la ventedes cartes de veux de l'Unicef

(Fonds des Nations Unies pourl'Enfance) a passé de 130 000 en1950 a plus de 17 millions l'annéedernière, et le produit de cette ventea permis d'équiper 20 000 petitscentres de protection maternelle etinfantile. Aujourd'hui, l'Unicef estconnu non seulement pour son pro¬gramme mondial d'aide à l'enfance,mais encore pour ses cartes dev,ux qu'ont dessinées quelques-unsdes plus grands artistes de ce temps.Tous les bénéfices réalisés par lavente de ces cartes sont employésà procurer à des enfants malades ousous-alimentés de la nourriture et

des médicaments. Cette année, c'est

Picasso qui ajoute son nom à lagalerie déjà fameuse de l'Unicef.« Refuge » est la reproduction del'une de ses tapisseries, qui orne l'undes salons des Nations Unies à

New York ; ce sera la carte officielledes Nations Unies pour 1961. M. A.Rahman Chughtai, un grand maîtrede l'art pakistanais, a offert une deses auvres intitulée « l'Etoile »,

scène de nuit dans le désert, aux cou¬leurs délicates. L'artiste turc Bedri

Rahmi Eyubogiu a offert « Le voyage »,peinture caractéristique de l'art turccontemporain, qui représente unefemme voilée et deux enfants che¬

vauchant une cavale blanche. L'illus¬

trateur français André François acréé une série pleine d'humour« Le Monde enfantin » bambins à

table, sur la balançoire, au cirque, etcachés enfin dans les écailles d'un

poisson volant. Enfin, les Esquimauxde Baffin, . au Canada, ont offertcinq chefs-d'¬uvre parmi leurs mer¬veilleux pochoirs sur peaux de pho¬que, « la Vie arctique » (ci-contre).Les cartes de l'Unicef sont présen¬tées par boîtes de 10 (5 NF français,4,5 fr. suisses, 50 fr. belges) et lavente de chaque boîte permet àl'Unicef de fournir assez de vaccin

pour protéger 50 enfants de la tuber¬culose.

Pour tous renseignements, s'adresser à :Unicef. Service des cartes de v 24,

rue Borghèse, Neuilly-sur-Seine, France.

Comité Belge pour l'Unicef, I-3, ^ueJoseph-ll, Bruxelles 4, Belgique. Servicedes Ventes, Palais des Nations, Genève,

Suisse, et Comité Suisse pour l'Unicef,Bahnhofstrasse 24, Zürich, Suisse.

L'Etoile, aquarelle de M. A. Rahman Chughtai, Pakistan.

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Refuge, dessin de tapisserie par Pablo Picasso. Le Voyage, dessin de Bedri Rahmi Eyubogiu,Turquie.

Joyeuse Arrivée, dessin de André François, France.

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LA VIE ARCTIQUE

Le Cap Dorset est une minuscule bourgade-

comptoir de la terre de Baffin, au

Canada, dans des lieux stériles et désolés,

au fond d'une crique prise dans les glaces

et balayée par un vent violent. Ici, dans des

huttes et des igloos, vivent cependant d'éton¬

nants artistes. Certains des plus beaux

ivoires sculptés viennent de Cap Dorset, où

naquit l'art graphique esquimau si parfaite¬

ment original. Les beaux dessins de cette

page sont des euvres des Esquimaux de

Cap Dorset. Ils constituent une série « La

Vie arctique » et seront vendus cette année

comme cartes de vrux de l'Unicef. Les

artistes du Grand Nord les ont d'abord créés

sur peaux de phoque ; ils ont peint des

scènes de leur vie quotidienne ; enfants et

chiens jouant autour d'un igloo ; caribou;

goélands en plein vol ; chasseur esquimau

avec son traîneau et son attelage de chiens ;

pingouins. Les artistes ont su saisir le regard

d'un ours blessé; l'expression tendue du

chasseur qui guette un phoque, la grâce d'un

vol d'oiseaux. Les fuvres de ces artistes,

dont les ancêtres vivaient déjà à Cap Dorset

il y a 3 000 ans, s'inspirent de leur très

ancienne mythologie, étroitement liée à la

vie quotidienne.

L'Igloo en décembre, par Mungituk.

y I y mû

mjf mm gj&^>^ 4fi «^ a| ^m ^

Pingouins, par Ikhaluk.

Goélands, par Kananginak.

Caribou, par Pootagook.

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Nos lecteurs nous écrivent

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FRÉQUENTATION DES ÉCOLES

PRIMAIRES AU MEXIQUE

Dans notre numéro de juin surl'Amérique latine, M. Oscar Vera,auteur de l'article « 70 millions d'illet¬

trés » écrit que la fréquentation desécoles primaires au Mexique a aug¬menté de 18 % au cours de ces trois

dernières années. Ceci n'est pas exact ;l'augmentation réelle de ¡la fréquenta¬tion dans le système fédéral des écolesprimaires de mon pays est de 46,39 %.

Je me permets de vous communiquerles données suivantes concernant le

nombre d'élèves inscrits ces trois der¬

nières années dans les écoles primairespubliques et privées et dans les éta¬blissements municipaux ou d'Etat dumême degré :

Elèves inscrits en 1958

dans les écoles primairesfédérales 2 166 650

Inscription en 1959 306 949

2 473 599

Inscriptions en 1960 444 083

2 917 682

Inscriptions en 1961 254 086

3 171 768

Le nombre total des ins¬

criptions dans les écolesmunicipales et d'Etat, etdans les écoles privées, estde : 2 196 479

Le nombre total des élè¬

ves dans les écoles pri¬maires en 1961 est de :.. 5 368 247

Dr. Silvio Zavala

Délégué permanent du Mexique àl'Unesco, Paris.

LE DÉBAT PICASSO

RESTE OUVERT

Dans votre numéro du « Courrier

de l'Unesco » de juillet-août, vouscitez l'opinion de deux lecteurs (unSoviétique et un Français) mettant endoute le talent de Picasso. J'admets

mieux je comprends, que l'onpuisse ne pas aimer Picasso. Mais lesexpressions : « déformer de façonrépugnante », « quelle satisfactionpeut-on en tirer », « une horreur »,etc., me choquent profondément.

J'aime beaucoup Picasso. Souvent,autour de moi, j'entends dire à pro¬pos d'un dessin informe, de mauvaisgoût et sans signification : « C'est duPicasso. » Et cela me fait mal.

« Que prétendez-vous apporter aupeuple en publiant ses dessins dansvotre journal ? » demande votre lec¬teur soviétique. Je voudrais donc direrapidement ce que Picasso m'a ap¬porté, à moi.

A un moment où je doutais de tout,de l'utilité et de la beauté de la vie,j'ai rencontré l' de Picasso, no¬tamment « Guernica » qui m'a causéune des plus grandes émotions artis¬tiques et humaines qu'il m'ait été don

né de connaître. Picasso, et en par¬ticulier son « Guernica » ont profon¬dément contribué à me donner la joiede vivre, et le désir de lutter fra¬ternellement avec les hommes du

monde entier pour que la tragédie dela vie devienne une tragédie opti¬miste. Ce qui fait du bien dans l'vre de Picasso (du moins pour moi),c'est sa force tranquille bien que tour¬mentée, sa confiance dans la beautéet la grandeur humaine, par delà leshorreurs et les petitesses de la vie.

C'est tout. Ce ne sont pas des ar¬guments ; simplement un modestetémoignage.

Quant aux Ménines, ce n'est évi¬demment pas une photographie niune copie fidèle et banale de Velas¬quez. Loin de penser que la placeaccordée aux Ménines de Picasso a

été trop importante dans le « Cour¬rier », je regrette de n'y avoir pastrouvé une reproduction en couleuret sur deux pages de ce tableau.

Un numéro spécial du « Courrier »sur Picasso (à l'image de celui dedécembre 1960 sur Velasquez), per¬mettrait peut-être à certains lecteursd'apprendre à aimer Picasso. En toutcas, ce serait une grande joie pourceux qui l'aiment déjà.

Mme Camelin,Jura, France.

FAUX PASSEPORT

POUR JEAN-JACQUES

Dans le numéro 6 du « Courrier

de l'Unesco », juin 1961, j'ai lu avecétonnement que Jean-Jacques Rous¬seau était classé comme Français.Mais comme bon Suisse, je vous

. assure que Rousseau était citoyen dela République de Genève, en Suisse.Il était donc Suisse d'origine.

D. W. Lotz,Riehen,

Switzerland.

GUTENBERG, CE MALFAITEUR

Autant je suis enthousiaste de votrenuméro de mai qui m'a encore appristant de choses, photographie, micro¬graphie, strobographie, autant je sou¬ris avec indulgence à la niaiserie aca¬démique de Maurois. Les bibliothè¬ques sont plus redoutables que labombe atomique !

Claude Autant-Lara,Art et Action,

Paris.

UN LIBÉRATEUR,

TOUSSAINT LOUVERTURE

Je ne comprends pas pourquoivotre numéro, consacré à l'AmériqueLatine, ne signale nulle part queToussaint Louverture a libéré Haïti.

De fait, les Haïtiens se sont révol¬tés contre leurs oppresseurs français

avant que les colons américainsn'aient jeté le thé dans le port deBoston. Et alors qu'ils se battaientencore contre les Français sur le solde Haïti, les Haïtiens envoyèrent desarmes et des renforts aux colonies

américaines qui luttaient contre ladomination britannique.

Simon Bolivar, alors qu'il était enexil, a vécu à Haïti. Quand il re¬gagna l'Amérique du Sud, il reçutune aide financière de Haïti, où ilavait mis au point la stratégie révo¬lutionnaire.

Si l'histoire politique de Haïti aété orageuse, c'est qu'en 1804, iln'existait pas une organisatiqn commeles Nations Unies oui pût aider lesjeunes nations. Mais il n'en reste pasmoins ' que ce fut la première répu¬blique noire du monde, et la premièredes colonies du Nouveau Monde quise soit battue pour conquérir sonindépendance.

Carolyn J. SeefeldtNorthville State Hospital

Michigan U.S.A.

Voir au sujet de Haiti le « Courrierde l'Unesco », février 1954.

L'ART ET LA SCIENCE

DANS LA VIE DE L'HOMME

Je ne tiens guère à augmenter le« Courrier des Lecteurs » en

effet, ces lettres font trop souventétat, il me semble, d'observationsdépourvues de fondements sérieux.

Mais votre numéro de juillet-aoûta fait sur moi une impression assezforte pour que je me décide à vousécrire en toute connaissance de cause.

Voilà qui est fait de main de maî¬tre : j'entends donner côte à côtedeux études approfondies concernantles moyens exhaustifs d'expressionhumaine. Les articles sont des abré¬

gés exemplaires des grands sujetsauxquels ils se sont attachés.

Mille mercis à tous ceux qui ontsi remarquablement participé à lapréparation de cet ajout aux trésorsdu « Courrier ».

Brian SheppardWoodford Green, Essex

(Angleterre).

Félicitations pour votre numéro dejuillet-août 1961.

Chaque article méritait d'être l'arti¬cle de fond de tout journal du monde;et l'ensemble de tous les articles for¬

mait l'idéal le rêve de tout

rédacteur ; le numéro était parfaite¬ment équilibré.

Je garderai ce numéro et je le mon¬trerai comme un exemple de ce quel'on peut faire quand on vise à réali¬ser la fusion des arts et des sciencessociales et naturelles.

Frederick C. DyerWashington D. C.

Etats-Unis.

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LES

GAIETÉS

DE LA

GRANDE

FAUNE

Notre numéro de Septembresur la protection de la gran¬de faune d'Afrique a inspi¬ré une série de dessins

humoristiques à Cram, jeunepeintre espagnol de Barce¬lone, qui est plus connusous son nom véritable,Marc Aleu.

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Latitudes et Lon

UN SYMBOLE DE L'UNITÉ

SPIRITUELLE

Ce remarquable édifice (ci-dessus) est lamaquette proposée pour le " Palais de laConcorde ", centre d'information et de

connaissance des six grandes religions dumonde. On envisage de le construire à Was¬hington aux Etats-Unis. Ce projet est dû àune Américaine, Juliet Holister, et il est conçucomme le symbole de l'unité spirituelle et dela compréhension universelle de tous les peu¬ples de la terre en quelque sorte des" Nations Unies Spirituelles ". L'auteur de lamaquette est l'architecte américain LathropDouglas. L'édifice comprendra une nef cen¬trale de verre et de marbre d'où rayonnerontsix ailes, dont chacune représentera l'une dessix religions : Hindouisme, Judaïsme, Boud¬dhisme, Confucianisme, Christianisme et Islam.

Le Palais n'est pas conçu comme un centFecultuel mais comme une maison d'éducation

qui abritera des bibliothèques dévolues à cha¬cune des grandes expressipns de la foi. Onpense que grâce à des contributions, d'ailleursminimes, mais provenant du monde entier, onpourra assurer et sa construction et sonentretien.

BIBLIOGRAPHIE ASIATIQUE :La Commission Nationale Canadienne

pour ¡'Unesco a établi une liste de quel¬que 500 ouvrages sur les pays d'Orient,tant en anglais qu'en français, commeapport au Projet majeur pour l'apprécia¬tion mutuelle de l'Orient et de l'Occi¬

dent. Destiné aux Canadiens, cette bi¬bliographie constituera un guide pré¬cieux pour tous les lecteurs qui veulentétendre leur connaissance de l'histoire,de la culture, des conceptions et desmeurs de l'Islam, de l'Inde et du Sud-Est asiatique, ou de l'Extrême-Orient.

ET OUR FACILITER L'IMPORTA¬TION DU MATERIEL PROFESSION¬

NEL ET D'EXPOSITION : Le Conseil de

Coopération Douanière à Bruxelles vientd'adopter deux conventions internationalesdestinées à faciliter l'importation tempo¬raire de matériel professionnel et d'objetsd'exposition. Ces conventions resteront ou¬vertes à la signature jusqu'au 31 mars 1962.La convention relative à l'importationtemporaire du matériel permet l'admissionprovisoire d'une grande variété d'objets, ycompris le matériel nécessaire aux repré-

34 sentants de la presse, de la radio, de latélévision et du cinéma. Elle couvre éga¬lement les instruments nécessaires aux sa

vants, médecins, experts, ainsi que le ma¬tériel professionnel des artistes, comédiens,musiciens, etc. La seconde convention atrait aux facilités accordées pour l'impor¬tation de marchandises utilisées pour unefoire, un congrès, une exposition ou touteautre manifestation similaire. En collabo¬

ration avec le GATT, l'Unesco, et laChambre de Commerce Internationale, leConseil de Coopération Douanière préparela création d'un carnet' qui pourrait rempla¬cer l'usage des documents nationaux pourles Conventions d'importation temporaire.

LA CONSERVATION DES ALI¬MENTS peut être dangereuse à longueéchéance, si l'on consomme exclusive¬ment des aliments conservés. Il en est

de même pour les substances, naturel¬les ou synthétiques, ajoutées à la nour¬riture pour en relever lé goût, en aug¬menter la valeur nutritive, ou poursimplement la rendre plus attrayante. LeComité d'expertises des aliments addi¬tionnels de la FAO et de l'OMS a pré¬cisément étudié quelle dose de substan¬ces toxiques peut être absorbée chaquejour sans avoir d'effets pernicieux. LeComité a préparé des monographies sur35 produits anti-microbiens et anti-oxy¬dants communément utilisés, notammentdans les pays tropicaux. Ces monogra¬phies seront finalement publiées dansles séries de rapports techniques del'OMS. Quoique chaque pays doive ap¬porter sa propre solution à ce problè¬me, le Comité pense, en tout cas, quetoute substance additionnelle doit être

exclue de la nourriture des jeunes en¬fants qui courent des risques d'empoi¬sonnement beaucoup plus grands que. lesadultes.

M NOUVELLES AIRES POUR LESSAUMONS : Au cours de ces dernières

années, les savants soviétiques ont trans¬féré certaines espèces de saumon d'Ex¬trême-Orient dans la mer Blanche et

dans la mer de Barents. Le frai, fertilisédans l'île Sakhaline, a été transporté parair dans les établissements piscicoles deMourmansk. D'énormes quantités depoissons ont été produites quelque17 millions en 1959 et, en 1960, les pê¬cheurs des mers du Nord ont pris aufilet des saumons adultes.

N«liOUS ET L'ONU : L'Unesco vient

de sortir un film fixe qui montre commentles Nations Unies et leurs institutions spé¬cialisées intéressent directement la vie quo¬tidienne des enfants. Le film tend moins à

donner une leçon de choses qu'à fixer desimpressions, et à amener les enfants à s'in¬téresser au travail des membres des Nations

Unies. Chaque image permettra de montreraux enfants ce qu'ils peuvent faire eux-mê¬mes pour servir l'idéal et les buts des Na¬tions Unies. On peut obtenir cette bandepar l'intermédiaire des agents distributeurspour l'Unesco dans chaque état membre

(voir page ci-contre), avec une brochure decommentaires. Pour plus amples détails, serenseigner à la Division d'Information ra-diophonique et visuelle, Département del'Information, Unesco, place de Fontenoy,Paris (7").

SERVICE PHILATHÉLIQUE

DE L'UNESCO

UNITED NATION!

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4«NATIONS UNIES

IE timbre ci-dessus est le troisième

pour 1961 des séries commé-moratives des Nations Unies; ilest émis en l'honneur de la Commis¬

sion économique pour l'Amériquelatine. Il est sorti le 18 septembredernier en deux versions; l'une de4 cents (bleu foncé, bleu clair,rouge et vert), l'autre de I I cents(vert foncé, violet et orange). LaCommission économique pourl'Amérique latine (ECLA), l'unedes quatre commissions écono¬miques régionales des Nations Uniesa été créée par le Conseil écono--mique et social des Nations Uniesen I 948, pour aider à promouvoiret coordonner le développementéconomique et social des pays decette région. Comme agent enFrance de l'Administration postaledes Nations Unies, le Service phi-lathélique de l'Unesco a en réservetous les timbres des Nations Unies

couramment en vente. Il a égale¬ment les timbres et les enveloppesoblitérés du premier jour del'émission par beaucoup d'Etatsmembres de l'Unesco, pour commé¬morer un événement important del'histoire de l'Unesco ou des nations

Unies (Jour des Droits de l'homme,Année mondiale du Réfugié...).Envoi sur demande de tous rensei¬

gnements concernant les timbres

disponibles, leur prix et le modede paiement par le Service phila-thélique de l'Unesco, place de Fon¬tenoy, Paris-7*.

Page 35: NOVEMBRE 1961 (XIV« ANNÉE) - unesdoc.unesco.orgunesdoc.unesco.org/images/0006/000642/064255fo.pdf · quinzeans de timbres ... xiv© annÉe publié en 8 franÇaise anglaise espagnole

la protection

et des habitatsnaturels enafrique centrale

et orientale

Vient de paraître :

La protection

de la faune sauvage

en Afrique

par Sir Julian Huxley

" La tâche la plus intéressante qui m'ait jamais étédonnée ". Ainsi s'est exprimé Sir Julian Huxley, en rendantcompte de la mission dont l'Unesco l'avait chargé l'annéedernière pour la conservation de la faune sauvage et desressources naturelles de l'Afrique centrale et orientale.

Le professeur Huxley, zoologiste célèbre et premierdirecteur général de l'Unesco, a visité 25 parcs nationauxet réserves naturelles ; il s'est entretenu sur ce problèmeavec des centaines de savants, d'hommes d'état, de res¬

ponsables de la protection du gibier et d'administrateurs.Il a été amené à cette conclusion: la faune sauvage afri¬

caine, une des richesses du globe, a un caractère unique ;aussi n'appartient-elle pas exclusivement aux populationslocales, mais au monde entier.

120 pages, très nombreuses illustrations. 4,50 NF. 1.25 6/-

AGENTS DE VENTE DES PUBLICATIONS DE L'UNESCOVous pouvez commander les publi¬

cations de ('Unesco chez tous leslibraires ou en vous adressant direc¬

tement à l'agent général (voir listeci-dessous). Vous pouvez vous pro¬curer, sur simple demande, les nomsdes agents généraux non inclus dansla liste.

Les paiements peuvent être effectuésdans la monnaie du pays. Les prixde l'abonnement annuel au « COUR¬

RIER DE L'UNESCO » sont mention¬

nés entre parenthèses, après lesadresses des agents.

ALBANIE. N. Sh. Botimeve, NairnFrasheri, Tirana.

ALLEMAGNE. Unesco Kurier ; Ver¬trieb, Bahrenfelder-Chaussee 160, Ham¬burg-Bahrenfeld, CCP 276650. (DM 8).Unesco-Publikationen : R. OldenbourgVerlag, Unesco-Vertrieb für Deutschland,Rosenheimerstrasse 145, Munich 8.

AUTRICHE. Verlag Georg Frommeet C°, Spengergasse 39, Vienne V. (Seh.50.-).

BELGIQUE. Office de Publicité S.A.,16, rue Marcq, Bruxelles C.C.P. 285,98.N.V. Standaard-Boekhandel, Belgiëlei I 51,Anvers. Pour le « Courrier» seulement :

Louis de Lannoy, 22, Place de Brouckère,Bruxelles. C.C.P. 3 380.00 (100 fr. belges).

BRÉSIL. Librairie de la Fundaçao GetulioVargas, 186, Praia de Botafogo. Caixa

I Postal 4081, Rio de Janeiro.

BLBULGARIE. Raznoïznos, I, Tzar Assen,Sofia.

CAMBODGE. Librairie Albert Portail.14, avenue Boulloche, Phnom-Penh.

CANADA. Imprimeur de la Reine,Ottawa, Ont. ($ 3.00).

CHILI. " Le Courrier " seulement :Comisión Nacional de la Unesco en Chile

Calle San Antonio, 255-7* Piso, Santiago.Editorial Universitaria, S. A., Avenida B.O'Higgins 1058, casilla 1 0220, Santiago.(1.75 E-).

DANEMARK. Ejnar Munksgaard A/S,Tidsskriftafdelingen 6, Nörregade, Copen¬hague K. (Kr. I 2).

ESPAGNE. Pour le « Courrier de

l'Unesco » : Ediciones Iberoamericanas,S.A., Pizarro 19, Madrid. (Pts 90).Autres publications : Librería CientíficaMedinaceli, Duque de Medinaceli, 4,Madrid, 14.

ÉTATS-UNIS. Unesco PublicationsCenter, 801, Third Avenue, New York22, N.Y. (S 5). et, sauf pour les pério¬diques : Columbia University Press, 2960Broadway, New York 27, N.Y.

FINLANDE. Akateeminen Kirjakauppa,2, Keskuskatu, Helsinki, (mk. 540).

FRANCE. Librairie Unesco, Place deFontenoy, Paris, C.C.P. 12.598-48.(NF. 7.00).

GRÈCE. Librairie H. Kauffmann, 28,rue du Stade, Athènes.

HAITI. Librairie

36, rue Roux, B.P.

:< A

I II,la Caravelle »,Port-au-Prince.

HONGRIE. Kultura P. O. Box 149,Budapest, 62.

ILE MAURICE. Nalanda Co. Ltd., 30Bourbon Str., Port-Louis.

INDE. Orient Longmans Private Ltd. :17 Chittaranjan Avenue, Calcutta 13.

Indian Mercantile Chamber, Nicol Rd.,Bombay; I 36a. Mount Road, Madras 2.Gunfoundry Road, Hyderabad I ; KansonHouse, 24/1 Asaf Ali Road, P. O. Box3 86, Nouvelle-Delhi.

IRAN. Commission nationale iranienne

pour l'Unesco, avenue du Musée, Téhéran.

IRLANDE. The National Press, 2 Wel¬lington Road, Ballsbridge, Dublin (10/-).

ISRAEL. Blumstein's Bookstores, Ltd.,35, Allenby Road and 48, Nahlat BenjaminStreet, Tel-Aviv. (I£ 4.-).

ITALIE. Librería Commissionaria San-

soni, via Gino Capponi 26, Casella Pos¬tale 552, Florence, (lire 1.200), et, saufpour les périodiques : Bologne : LibreríaZanichelli, Portici del Pavaglione. Milan :Hoepli, via Ulrico Hoepli, 5. Rome : Libre¬ría Incernazionale Ulrico Hoepli, LargoChighi & Librería Internazionale Moder-nissima, via délia Mercede 43,45. Turin :Librería Paravia, via Garibaldi, 23.

JAPON. Maruzen Co Ltd., 6, Tori-Nichome, Nihonbashi, P.O. Box 605Tokyo Central, Tokyo (Yen 670),

LIBAN. Librairie Antoine A. Naufal

et Frères B. P. 656, Beyrouth.

LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück,22, Grand'Rue, Luxembourg.

MAROC. Centre de diffusion docu-

mencatre du B.E.P.I., 8, rue Michaux-Bellaire Boite postale 21 I, Rabat. (DH :7, 1 7).

MARTINIQUE. Librairie J. Bocage,Rue Lavoir B. P. 208, Fort-de-France.

(NF. 7,00).

MEXIQUE. Editorial, Hermes, IgnacioMariscal 41, Mexico D. F., Mexique. ($ 18M. mex.).

MONACO. British Library, 30, Bid deMoulins, Monte-Carlo (NF. 7,00).

NORVÈGE. A.S. Bokhjornet, LilleGrensen, 7, Oslo. Pour le " Courrier "seulement : A.S. Norvesens Stontingsgt.4, Oslo. (Kr. 13,20).

NOUVELLE-CALÉDONIE. Reprex,Av. de la Victoire, Immeuble Paimbouc,Nouméa (130 fr. CFP).

NOUVELLE-ZÉLANDE. Unesco Pu¬blications Centre, 100, Hackthorne Road-Christchurch. (10/).

PAYS-BAS. N.V. Martinus NijhoffLange Voorhout 9, La Haye (fl. 6).

POLOGNE. « RUCH » Ul. Wiloza Nr.

46. Varsovie 1 0 (zl. 50).

PORTUGAI Dias & Andrada Lda Llvra-

ria Portugal, Rua do Carmo, 70 Lisbonne.

ROUMANIE. Cartimex, Str. Aristide.Briand 14-18, P.O.B. I 34- I 35, Bucarest.

ROYAUME-UNIH. M. Stationery Office,P.O. Box 569, Londres S.E.I. (10/-).

SUÈDE. A/B CE. Fritzes, Kungl. Hov-bokhandel, Fredsgacan 2, Stockholm, 16.Pour « Le Courrier » seulement : Svenska

Unescbradet, Vasagatan I 5- 1 7, Stockholm,C. (Kr. 7.50).

SUISSE. Europa Verlag, 5, Rämistrasse,Zürich. C.C.P. Zürich VIII./23383.Payot, 40, rue du Marché, Genève.C.C.P. 1-236.

Pour le Courrier seulement : GeorgesLosmaz, I, rue des Vieux-Grenadiers,Genève, CCP 1-481 I (Fr. S 8).

TCHÉCOSLOVAQUIE. Artia Ltd.30, Ve Smeckách, Prague 2.

TURQUIE. Librairie Hachette, 469,Istiklal Caddesi, Beyoglu, Istanbul.

U.R.S.S. Mezhdunarodnaja Kniga, Mos¬cou, G-200.

URUGUAY. Unesco Centro de Coope¬ración Científica para América Latina,Bulevar Artigas 1320-24, Casilla deCorreo 859, Montevideo (20 Pesos).

VIET-NAM. Librairie Papeterie Xuan-Thu, 185-193, rue Tu-Do, B.P. 283,Saigon.

YOUGOSLAVIE. Jugoslovenska Knjiga,Terazije 27/ I I Belgrade.

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BALLON POUR RAYONS COSMIQUESDes savants envolent à de hautes altitudes un ballon porteur d'une fusée chargée d'instruments mesurant l'intensitédes rayons cosmiques. Dans le monde entier, les hommes de science font aujourdhui des recherches approfondies surles effets et les causes, encore mystérieux, des rayons Cosmiques. Voir article page 22.