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Université Paris X Ouest Nanterre La Défense Rapport : Liberté d’expression et nouvelles technologies en Chine Cours de liberté d’expression Claire SUN 06/02/2013

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Université Paris X Ouest Nanterre La Défense

Rapport : Liberté d’expression et nouvelles technologies en Chine Cours de liberté d’expression

Claire SUN 06/02/2013

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SSOOMMMMAAIIRREE

Sommaire _________________________________________________________________ 1

Introduction _______________________________________________________________ 2

I – Internet, seul espace de liberté d’expression en Chine ___________________________ 5

A. L’impossible libre expression en-dehors d’Internet ________________________________ 5

1) Les modes d’expression traditionnels ___________________________________________________ 5

2) Une liberté d’expression parfois possible par la violation de la loi ____________________________ 6

B. Le règne de la liberté d’expression sur Internet via les réseaux sociaux ________________ 7

1) Les supports de l’expression : les réseaux sociaux _________________________________________ 7

a) Twitter & Sina Weibo _____________________________________________________________ 8

b) Facebook & Renren _______________________________________________________________ 9

c) La messagerie instantanée : Tencent QQ et WeChat ___________________________________ 10

d) Les forums : Baidu Tieba __________________________________________________________ 11

2) Les acteurs de l’expression __________________________________________________________ 11

a) De simples citoyens exprimant leurs avis _____________________________________________ 11

b) Les dissidents chinois ____________________________________________________________ 15

c) Les membres du gouvernement ? __________________________________________________ 16

d) Les étrangers ___________________________________________________________________ 17

II – La réaction excessive des autorités publiques par une censure a posteriori _________ 18

A. Les moyens de contrôle de l’expression ________________________________________ 18

1) La censure des sites étrangers _______________________________________________________ 18

2) La censure des sites chinois __________________________________________________________ 19

a) La censure _____________________________________________________________________ 19

b) L’utilisation de la propagande : La publication de fausses informations ____________________ 20

3) L’élaboration de lois faisant face à une gestion difficile de la censure ________________________ 21

B. Les acteurs de la censure ____________________________________________________ 22

1) Les organes de gestion _____________________________________________________________ 22

2) Les « honkers » ___________________________________________________________________ 22

3) La peur des FAI et des hébergeurs ____________________________________________________ 22

4) L’implication de sociétés étrangères ? _________________________________________________ 22

III – La riposte à la censure ___________________________________________________ 24

A. Le contournement technique _________________________________________________ 24

B. La stratégie des hébergeurs __________________________________________________ 25

C. La riposte des internautes : l’emploi d’un scepticisme populaire fréquent _____________ 25

1) L’adoption de surnoms ou d’expressions _______________________________________________ 25

2) Les mèmes _______________________________________________________________________ 26

3) La création indéfinie de blogs et de comptes ____________________________________________ 26

Conclusion ________________________________________________________________ 28

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IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN

Tous ceux qui liront ce rapport se demanderont sûrement pourquoi il n’est pas intitulé

« censure et nouvelles technologies en Chine ». Et cette question est tout à fait légitime, car,

comme chacun sait, il existe très peu de liberté d’expression en Chine.

La « liberté d’expression », est garantie par la Déclaration Universelle des Droits de

l’Homme de 1948, en son article 19 : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression,

ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et

de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen

d'expression que ce soit ». Selon le site www.vie-publique.fr, la liberté d’expression « permet à

chacun d’exprimer librement ses idées par tous les moyens qu’il juge appropriés (ex : livre, film).

Elle implique donc la liberté de la presse et, aujourd’hui, la liberté de la communication

audiovisuelle. » Cette définition est en réalité très restrictive, puisqu’elle ne prend pas en compte

un phénomène de société récent, l’apparition des « nouvelles technologies ». Car la liberté

d’expression peut se concrétiser aussi par le biais de l’Internet, sur des forums, des réseaux

sociaux, son propre blog, etc.

Le site www.vie-publique.fr poursuit ensuite sa définition ainsi : « Cependant, cette

liberté implique également le respect d’autrui. Ainsi, les propos discriminatoires sont punis par la

loi. » L{ encore, cette définition est très restrictive, car il s’agit de la définition de la liberté

d’expression vue par le droit français, qui adopte une conception de liberté d’expression

restreinte, au contraire de la liberté d’expression absolue adoptée par les Etats-Unis par

exemple, où aucune limite n’est posée { la liberté d’expression. Ainsi, la liberté d’expression

restreinte, a été promue par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui en

ces articles 10 et 11, posent comme limites { la liberté d’expression de ne pas troubler l’ordre

public, et de ne pas abuser de cette liberté, les cas d’abus étant déterminés par la loi.

Il y a dans ces cas-là recours à la « censure », qui selon le Vocabulaire juridique de Gérard

Cornu, est définie comme l’« opération ou [la] procédure de contrôle qui peut avoir un caractère

préventif (ex. contrôle de police administrative auquel peuvent être soumis la presse ou le cinéma

sous forme d’autorisation préalable { la publication), s’exercer a posteriori (ex. contrôle

juridictionnel exercé par la Cour de cassation), ou intervenir dans l’une ou l’autre perspective (ex.

contrôle parlementaire du gouvernement par la motion de censure) ». Cela peut aussi être

« l’autorité qui exerce le contrôle », ou « le résultat négatif du contrôle (refus d’autorisation,

suppression d’un passage, occultation, cassation) ».

Ainsi, le principe est la liberté d’expression, l’exception est la censure, pour des motifs

d’ordre public, ce qui peut paraître légitime. Mais en ce

qui concerne la République populaire de Chine, ou

« l’Empire du milieu », pays d’Asie de l’Est comportant

plus de 1.35 milliards d’habitants (le cinquième de la

population mondiale), et dirigé par le Parti

communiste chinois, celle-ci a acquis la réputation de

faire de la censure le principe, et la liberté

d’expression une exception.

En réalité, la Constitution chinoise de 1982,

dans son article 35, garantit la liberté d’expression :

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« les citoyens de la République populaire de Chine apprécient la liberté d’expression,

d'assemblée, d'association, de défilé et de manifestation ». Mais sans le spécifier

expressément, le Préambule de la Constitution met en exergue le rôle suprême du Parti

communiste chinois. Les autorités chinoises s’en servent donc pour autoriser la censure contre

toute forme d’atteinte contre le Parti communiste chinois. Il s’agirait donc d’une forme de liberté

d’expression restreinte, mais tellement restreinte par la pratique qu’elle a changé la donne et

inversé le principe et l’exception.

D’autre part, comme il n’est institué aucun contrôle constitutionnel en Chine, certaines

lois sont très souvent en contradiction avec les principes constitutionnels. Ainsi une loi

n’autorise l’exercice du droit de manifester, garanti par l’article 35 de la Constitution, que si les

détails de la manifestation ont été informés au Bureau de la sécurité publique, organe qui gère

la sécurité et l’ordre public au pays, et permise par celui-ci, ce qui en réalité provoque plutôt une

prohibition de la manifestation qu’une autorisation de principe, puisque le Bureau n’autorise

que rarement les manifestations. Ce qui est autorisé en revanche est la performance artistique.

Ainsi, lors de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes de

2012, le 3 décembre, des jeunes

filles chinoises habillées d’une robe

de mariée blanche maculée de

peinture rouge sang, le visage

maquillé d’hématomes et de

blessures, sont intervenues sur la

voie publique, avec des pancartes

dénonçant la violence domestique.

L’intervention s’est faite en tant

que « performance artistique » et

non en tant que « manifestation »,

ce qui aurait sûrement été interdit.

Photo tirée de Courrier

international n° 1161 du 31 janvier

2013

Cette revendication ne s’est pas uniquement faite dans la rue, mais également sur

Internet : de jeunes internautes ont posté des photos d’elles nues, une pétition en ligne a été

lancée et a recueilli des milliers de signature. Il s’agit en réalité d’un exemple qui illustre la

réalité de la Chine d’aujourd’hui : il existerait bien un espoir, même minime, de l’existence

d’une forme de liberté d’expression possible, apparue récemment grâce à la naissance et la

propagation d’Internet en Chine.

Voici quelques statistiques qui illustrent l’utilisation d’Internet en Chine. Les internautes

chinois représentaient fin 2012, 42,1% de la population, soit 564 millions sur 1,3 milliard de

la population chinoise, une large progression par rapport à 2011, plus de 64 millions de Chinois

supplémentaires ayant eu accès à Internet (donc une France entière). Et 75 % de ces

internautes, soit 420 millions de personnes, ont accès au réseau mondial par des

téléphones portables, les Chinois n’ayant pas forcément un ordinateur personnel. Le

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smartphone (ou « terminal de poche » si on respecte la loi Toubon) est donc le support numéro

un que les Chinois utilisent pour aller sur Internet.

Cette forte progression est proportionnelle { la progression de la possibilité d’une liberté

d’expression en Chine, car évidemment plus il y a d’internautes, plus il y a de personnes qui

peuvent s’exprimer sur Internet. Mais plus la liberté d’expression est présente, plus les autorités

publiques sont alertées, et plus il y a d’informations qui sont censurées. Ainsi, plus de 350

millions d’informations ont été censurées en 2010.

Cette censure constitue cependant une contradiction par rapport au Livre blanc intitulé

« l’Internet en Chine », publié la même année, par le Bureau de l’information du Conseil

d’Etat. Le Livre blanc affirme en effet que « les citoyens chinois bénéficient d’une totale liberté

d’expression sur Internet. La Constitution de la République populaire garantit aux citoyens leur

droit { la liberté d’expression ». Une limite est cependant apportée : « Aucune organisation ou

individu ne peut utiliser les réseaux de communication pour mettre en danger la sécurité de l’Etat,

l’intérêt public ou la liberté des autres citoyens ». Cette limite est compréhensible, et est

souvent utilisée dans tout Etat démocratique : c’est l’intérêt général qui est { protéger. C’est ainsi

que le Livre Blanc précise que les « moyens techniques de protection, qui respectent les lois

nationales et les normes internationales, sont utilisés pour éviter et contenir les effets néfastes

d’Internet sur la sécurité de l’Etat, l’intérêt public et les mineurs ». En réalité, c’est l’expression

« sécurité de l’Etat » qui est comprise différemment des conceptions démocratiques

occidentales : la Chine adopte effectivement une très large conception de ce qu’est la « sécurité

de l’Etat », et c’est cette « sécurité de l’Etat » qui implique une censure récurrente par des

« moyens techniques de protection », c’est-à-dire en réalité le filtrage.

Se pose alors la question de la démarche adoptée par les pouvoirs publics chinois pour

assurer un équilibre entre liberté d’expression et censure en Chine. Le terme d’« équilibre » se

rapporte en réalité à la « sécurité de l’Etat » à la chinoise

Pour assurer cet « équilibre » à la chinoise, les autorités publiques adoptent surtout une

censure a posteriori des informations qui sont publiées (II), en réaction { ce qu’expriment les

internautes sur Internet, qui constitue leur seul espace de liberté d’expression (I). Mais la

censure peut être contournée (III).

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II –– IINNTTEERRNNEETT,, SSEEUULL EESSPPAACCEE DDEE LLIIBBEERRTTEE DD’’EEXXPPRREESSSSIIOONN EENN CCHHIINNEE

L’Internet est en effet le seul support possible de libre expression pour les citoyens

chinois, car il n’y a pas de possibilité d’expression en-dehors (A) des réseaux sociaux (B).

A. L’impossible libre expression en-dehors d’Internet

Il suffit de passer en revue tous les modes d’expression traditionnels possibles (1) pour

voir que la libre expression est impossible, sauf si on enfreint la loi (2).

1) Les modes d’expression traditionnels

Avant l’apparition d’Internet, les formes d’expression possibles étaient les moyens de

diffusion naturels (l’écriture, le langage, l’affiche, les journaux), ou techniques (la télévision, la

radio, le cinéma).

L’expression par le langage contre toute critique contre le Parti communiste est

prohibée, mais évidemment le citoyen pourra l’utiliser dans le cercle de la famille (quoique s’il

s’avère qu’une personne du cercle de famille est membre du Parti communiste, et dénonce la

personne qui lui est proche, qui a proféré des insultes contre le Parti communiste, cette dernière

peut être surveillée). On peut aussi citer la prohibition de la constitution de groupes rebelles

ayant des idéologies libérales, comme le Falungong – qui

cependant a effectivement des aspects sectaires,

notamment en ce qui concerne certaines pratiques

spirituelles, ce qui est prohibé –, les associations qui ne

sont pas agréées par le gouvernement étant illégales.

En ce qui concerne l’écriture et le cinéma, les

livres et les films allant { l’encontre de l’idéologie du Parti

communiste sont rapidement censurés. Le Parti

communiste utilise même certains écrivains ou certains

réalisateurs pour promouvoir le Parti communiste.

Certains films ou séries traitent par exemple des succès

historiques du Parti communiste (l’arrivée de Mao au

pouvoir provoquant la libération du peuple), ou des

enquêtes policières plaçant le policier comme un héros.

Pour la télévision et la radio, il n’existe pas de

chaînes privées : toutes les chaînes sont sous le contrôle de

l’Etat, ce qui fait qu’aucune n’est libre et ne peut émettre sa

propre opinion. La propagande règne sur la télévision et la

radio.

Il existe cependant des journaux qui sont privés, comme Nanfang Zhoumo, qui a pour

réputation d’être l’hebdomadaire le plus contestataire. Mais la police de la propagande

intervient systématiquement lorsqu’un article ne lui plaît pas.

Falungong

Une série télévisée relatant les succès historiques de Mao

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2) Une liberté d’expression parfois possible par la violation de la loi

C’est ainsi que pour le Nouvel An 2013, l’hebdomadaire Nanfang

Zhoumo avait, comme la tradition l’exigeait, préparé un éditorial, qui

appelait { poursuivre la réforme politique, et { s’engager dans la voie d’un

gouvernement constitutionnel. Mais sur ordre du chef de la propagande

de la province dans laquelle l’hebdomadaire a son siège, l’éditorial a été

censuré juste avant sa publication.

Une explosion de

rancœurs de la part des

journalistes a alors éclaté : selon Yan Lieshan,

journaliste du Nanfang Zhoumo qui a accepté d’être

interviewé par des journalistes français (Hong Anqi et

Stéphane Lagarde), « la façon d’agir du bureau de la

propagande a dépassé les bornes. […] Au dernier

moment les directeurs du bureau de la propagande ont

fait part de leur mécontentement et ont convoqué le

rédacteur en chef et son adjoint. Ils ont demandé de

nombreuses modifications. La censure avant

publication est illégale, cela a profondément choqué la

rédaction d’autant que c’est arrivé après le XVIIIe Congrès et qu’on s’attendait { un relâchement de

la censure justement ».

Face à cette intervention du bureau de la propagande, les journalistes se sont alors

mobilisés : ils ont commencé à faire la grève en

violation de la constitution de 1982 qui interdit le

droit de grève ; ils ont ensuite manifesté devant le

siège du groupe de Nanfang à Canton, appuyé par

des internautes, des militants, et des lecteurs, ce qui

va { l’encontre de la loi interdisant les

manifestations non agréées par le gouvernement. Il

n’y a cependant pas eu de répression, peut-être

parce que l’intervention de la propagande avant la

publication était illégitime. Mais selon Yan Lieshan,

il y avait des policiers en civil et des membres de la

police armée, et il y a toujours des agents en civil et des patrouilles de police.

Une autre manifestation, bien plus

importante, a eu lieu à Hongkong. 50 000

manifestants (8 000 selon la police) ont défilé le

1er janvier 2013 pour réclamer la démission de

Leung Chun Ying, le chef de l’exécutif de Hong

Kong, faisant suite à une autre manifestation de

15 000 personnes (5 000 selon la police), du 1er

avril 2012, qui protestait contre l’intervention

de Pékin dans les élections du chef de l’exécutif.

Ces deux manifestations réclament la même

Nanfang Zhoumo

Yan Lieshan

Manifestation devant les locaux de Nanfang

Manifestation à Hong Kong

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chose : l’instauration d’un suffrage universel direct pour l’élection du chef de l’exécutif. Par ces

deux interventions, la Chine a alors promis cette instauration pour 2017, mais certains doutent

fortement du respect de cette promesse.

Le seul moyen de s’exprimer librement est donc de violer la loi. C’est ce que

font beaucoup de dissidents chinois, qui écrivent, peignent, ou manifestent contre

le régime chinois. On citera par exemple Ai Weiwei, Chai Ling qui a

organisé des grèves de la faim lors de manifestations, Chen

Guangcheng, aveugle et qui a défendu les droits des femmes, ou Gang

Xinjian, écrivain, metteur en scène et peintre français d'origine

chinoise. La plupart des dissidents chinois ont d’ailleurs reçu le prix

Nobel de la paix. Les dissidents sont très surveillés : ainsi pour le

XVIIIe Congrès du Parti communiste qui a eu lieu fin 2012, des

avocats, universitaires, et dissidents ont été soit détenus, soit soumis

à des restrictions de mouvements : Dai Qing, journaliste dissident, a

affirmé : « On m’a interdit d’être interviewée. La police est juste { côté

de moi. Je suis en randonnée { la montagne et ils m’accompagnent ! ».

La liberté d’expression n’est donc pas du tout respectée en-dehors des réseaux sociaux.

Mais on remarque tout de même une certaine avancée, car dix ans auparavant, il y aurait

certainement eu une répression des manifestants de la part de la police. En réalité, cette avancée

est due { l’apparition d’Internet et de la possibilité de s’exprimer sur les réseaux sociaux. Car,

pour Nanfang Zhoumo du moins, la protestation s’est faite sur les réseaux sociaux avant de se

faire dans la rue, comme on va le voir plus précisément.

B. Le règne de la liberté d’expression sur Internet via les réseaux sociaux

Comme il a été dit, le support qu’utilisent les internautes est souvent le smartphone, plus

que l’ordinateur. Mais que ce soit sur smartphone ou

sur ordinateur, la transmission de la parole et de

l’opinion de l’internaute se fait de toute façon sur les

réseaux sociaux, qui peuvent être de toute nature (1),

par l’intermédiaire de la rédaction d’articles ou par

les commentaires laissés sur son compte ou sur le

compte d’un autre. Toute personne peut le faire (2),

un simple citoyen lambda, un membre de

l’administration, un journaliste, ou même un étranger.

1) Les supports de l’expression : les réseaux sociaux

Tout d’abord, quelques chiffres clés pour illustrer l’importance des réseaux sociaux en

Chine : en 2011, 91% des internautes chinois sont sur les réseaux sociaux. Un internaute

chinois est inscrit sur trois réseaux sociaux. 50% d’entre eux les utilisent. Un tiers des

membres des réseaux sociaux se connectent tous les jours.

Ai Weiwei

Chai Ling

Chen Guangcheng

Dai Qing

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Les réseaux sociaux ne sont pas les réseaux que tout européen utiliserait : le

gouvernement chinois a façonné ses propres réseaux sociaux, en copiant les originaux, et en

les améliorant, pour pouvoir mieux les contrôler. Ainsi, le moteur de recherche Google devient

Baidu, Youtube, support pour les vidéos, devient Youku, et en ce qui concerne les réseaux

sociaux, Sina Weibo copiera Twitter, Renren s’inspirera de Facebook, etc.

Voici les principaux réseaux sociaux utilisés en Chine.

a) Twitter & Sina Weibo

Sina Weibo est le Twitter amélioré, et reprend

des caractéristiques de Facebook : chaque internaute

a un compte sur lequel il peut publier un très court

message comprenant ou non des images, vidéos, et les autres internautes peuvent reprendre le

Baidu pour Google Youku pour Youtube

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message pour le republier à nouveau ; les informations sont partagées sous forme de fil de

discussion avec des commentaires et des médias disponibles sans quitter la plateforme. Sina

Weibo est le réseau social le plus populaire en Chine : il a été créé en août 2009, en octobre 2010

il aurait plus de 50 millions d’utilisateurs, et aujourd’hui plus de 200 millions, ce qui fait qu’en

deux ans le nombre d’utilisateurs a quadruplé. Environ 800 messages par seconde sont

envoyés sur Sina Weibo, et 25 millions par jour. De nombreuses célébrités et beaucoup de soi-

disant leaders d’opinion sont dessus. Ces ressources attirent par conséquent un nombre très

important d’utilisateurs actifs.

Sina Weibo est considéré comme la source la plus importante de vraies informations.

Car lorsqu’une information est publiée, immédiatement d’autres internautes vont « retwitter »

cette information. Il est donc difficile pour les autorités chinoises de censurer après coup

l’information, qui se répand { une vitesse très importante, tellement importante que même des

personnes qui en s’intéressent pas { ces sujets les verront passer.

Il existe une autre plateforme de microblog, QQ microblogging qui appartient à la société

Tencent, mais elle a moins de succès que Weibo : 80 millions de membres. Ces deux plateformes

ont dépassé le nombre d’utilisateurs mondiaux de Twitter.

b) Facebook & Renren

Renren est créé en 2005 par des étudiants

chinois, en vue de reprendre le concept de base de

Facebook, qui était d’entretenir les relations entre

les étudiants des grandes universités. Sur la forme,

Renren a repris l’interface graphique de Facebook.

Tencent QQ

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Le succès de Renren tient surtout à la possibilité de jouer à des jeux attrayants et variés.

En 2011, Renren compte 160 millions de membres et entre en bourse.

Renren est toutefois en difficulté { retenir ses membres après leur sortie de l’université.

C’est pourquoi, en 2008, a été créé un nouveau réseau, Kaixin001 qui vise lui un public de

cadres jeunes et citadins, c’est-à-dire les membres vieillissant de Renren. Il a cependant

beaucoup moins de succès.

c) La messagerie instantanée : Tencent QQ et WeChat

Tencent QQ est la messagerie

instantanée le plus utilisée en Chine,

avec en 2011 plus de 800 millions

de comptes actifs. Son succès est

sûrement dû à son ancienneté, car

Tencent QQ est née en 1998, mais

aussi parce qu’il est possible de

télécharger des jeux, des animaux de

compagnies, ou des sons. Tencent QQ

est aujourd’hui la deuxième

communauté virtuelle la plus

importante au monde derrière

Facebook. Le nombre d’internautes

connectés simultanément a même

dépassé les 100 millions.

L’autre messagerie instantanée rencontrant un large succès

est WeChat. Développée également par Tencent, WeChat est destiné

principalement aux smartphones, et la messagerie instantanée peut se

faire sous forme orale aussi bien que sous forme écrite. Certains

parlent de WeChat comme d’une forme de « talkie-walkie ». WeChat a

été lancé début 2011 et compte déjà plus de 300 millions de membres

WeChat est cependant très surveillé par les autorités

chinoises. Hu Jia, dissident connu pour être militant en matière

d’écologie et pour sa lutte contre le sida, a pu twitter sur Weibo, qu’il

a été victime d’une surveillance par la police politique (Brigade de

protection de la sécurité intérieure). Un de ses amis lui a envoyé un

SMS pour se donner rendez-vous au Starbucks du sous-sol de

Tencent QQ

WeChat

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l’Oriental Plaza. Une minute plus tard, Hu Jia a entendu un agent en civil qui le

suivait recevoir un appel, qui a prononcé les mots « Oriental Plaza », « sous-sol »,

et « Starbucks ». Ce qui prouve que la police chinoise peut suivre en temps réel

les conversations.

d) Les forums : Baidu Tieba

Baidu Tieba est un moteur de forum Internet chinois. Régi par le moteur de recherche

Baidu, il compte plus de 10 000 sous-forums.

On remarque ainsi qu’en Chine, il existe seulement quelques hébergeurs, voire un seul,

pour chaque catégorie de sites. Ainsi, il n’y a qu’un représentant du microblog, Weibo, alors qu’{

l’extérieur, il existe non seulement Twitter, mais aussi Tumblr ou Tumbleblog. Ceci est dû en

réalité au contrôle du gouvernement sur les sites chinois, qui ne peuvent exercer que sous son

autorisation.

2) Les acteurs de l’expression

Qui s’exprime sur Internet ? On sait que 60% des internautes chinois ont moins de 30

ans, donc principalement des jeunes, qui ne font qu’exprimer leur avis. Mais il existe aussi

d’autres acteurs de l’opinion : les dissidents chinois, les journalistes, les membres du

gouvernement (mais c’est tout de même assez rare), et même des étrangers.

a) De simples citoyens exprimant leurs avis

Cette section est destinée { montrer que n’importe quel internaute peut exprimer son

avis sur les réseaux sociaux, même des avis qui iraient { l’encontre du régime chinois actuel. Et

certains internautes ne ménagent pas leurs commentaires sur les réseaux sociaux.

Tout d’abord, sans parler immédiatement de contestation contre le régime chinois, on

peut citer plusieurs faits divers qui peuvent susciter des réactions très fortes de la part des

internautes sur les réseaux sociaux. Il y a par exemple une nouvelle réglementation concernant

le code de la route chinois, interdisant le passage au feu orange par les véhicules, pour pallier les

problèmes de sécurité dus { un nombre trop important de véhicules. La sanction d’un passage au

feu orange sera le retrait de six points du permis de conduire sur douze points au total, ainsi

qu’une amende de 200 yuans maximum (25€ environ), alors que le passage au feu rouge

n’entraîne que le retrait de trois points.

Cette nouvelle réglementation a cependant suscité la fureur des internautes sur les

réseaux sociaux, notamment sur Sina Weibo. Certains estiment qu’il est difficile d’appliquer une

telle législation, puisque cela peut provoquer plus d’accidents, et plus d’embouteillages. Un

internaute a parlé : « Aujourd'hui je suis sorti et j'ai enfreint le code de la route deux fois. Cette

nouvelle règle est destinée à entraîner les conducteurs de notre pays pour qu'ils gagnent des

courses de F1 ? Si on n'a pas de don naturel, on ne peut vraiment pas réagir à temps ». Une

célébrité, le musicien Yang Haichao, s'est aussi inquiétée : « Ceux qui ont formulé cette

réglementation sur les carrefours connaissent-ils l'inertie ? », et l’agence Chine Nouvelle (agence

de presse rattachée au Conseil des affaires de l'État de la République Populaire de Chine), a fait

la même remarque.

Hu Jia

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Les internautes peuvent s’exprimer aussi d’une autre façon et jouer la carte du

scepticisme face à certaines informations données. Certains internautes, pour marquer leurs avis

critiques, se servent d’expressions inventées ou trouvées { partir d’histoires populaires, pour les

réutiliser, et ces expressions peuvent faire le « buzz » sur les réseaux sociaux. Ainsi l’expression

« Yuan Fang qu’en penses-tu ? », tirée d’une série télévisée « Le miraculeux détective Di Renjie »,

relatant les aventures d’un détective de l’ancien temps, qui posait pour chaque enquête la même

question à Yuan Fang, son second, a été utilisée et réutilisée sur Weibo. L’expression est partie

d’un fait divers : un crime maquillé en suicide par le gouvernement, mais dont les faits matériels

ne correspondent logiquement pas un suicide : une femme a été retrouvée en effet décapitée, et

les deux pieds coupés.

Un internaute a dit « C’est un suicide très difficile { réaliser ». Un autre internaute a alors

posé la question : « Yuan Fang, qu’en penses-tu ? », et plusieurs internautes ont répondu : « Selon

mes expériences des dernières années, c'est forcément un suicide ! », « C'est forcément un suicide,

d'abord couper ses pieds, ensuite ses mains, ensuite... », « Yuanfang, supposons qu'elle s'est suicidée,

mais quel sera le motif ? Maître, selon mes expériences des dernières années, si elle se suicide, c'est

parce qu'elle ne veut plus vivre. Mais Yuanfang, on peut expliquer qu'elle ait pu couper ses pieds,

elle a pu aussi couper sa première main sans problème, mais comment elle a fait pour couper la

deuxième ? ».

Suite à ce fait divers suscitant un tel scepticisme auprès des internautes, l’expression a

été utilisée et réutilisée pour illustrer des faits de la vie courante, de la vie professionnelle, des

réactions face à des articles de la presse douteux.

En-dehors des réactions des internautes sur des faits divers, il faut souligner surtout une

liberté de la part des internautes pour contester des faits et des agissements des dirigeants

chinois, ou bien directement le régime chinois. Cette liberté d’expression peut parfois

influencer les autorités chinoises.

Par exemple, la révélation de la corruption de certains dirigeants chinois peut conduire à

une réaction violente de la part des internautes. Lorsque les commentaires des internautes se

font par milliers pour dénoncer la fortune et les agissements d’un dirigeant, cela peut le conduire

à démissionner.

Une affaire paraît intéressante à signaler : Bo

Xilai, ancien ministre du commerce connu pour ses

ambitions politiques, et qui espérait intégrer le comité

permanent du bureau politique, a été accusé de

corruption, abus de pouvoir, et relations sexuelles

multiples. Corruption, car il aurait détourné des fonds

appartenant au peuple ; abus de pouvoir, car il aurait

protégé sa femme, Gu Kailai, du crime qu’elle aurait

commis { l’encontre de leur ami britannique Neil

Heywood ; et relations sexuelles multiples, car il aurait

trompé sa femme.

Les avis des internautes en ce qui concerne cette affaire sont partagés. Certains estiment

qu’il est légitime de condamner un dirigeant qui ne cachait pas ses ambitions, mais qui pourtant

s’avère être corrompu.

D’autres, de conviction socialiste, doutent des informations données par les autorités

chinoises, et estiment qu’il s’agit l{ d’un montage du gouvernement pour évincer du Parti une

personnalité forte, qui a ouvertement proclamé ses convictions socialistes, et qui aurait voulu

Bo Xilai

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accéder au pouvoir pour changer la Chine, car le gouvernement ne voit la Chine plus que comme

une Chine économique, et ne fait pas attention aux problèmes sociaux, qui concernent le peuple :

« Si la génération suivante ne sait que gagner de l’argent, elle sera perdue, cela provoquera des

problèmes, le pays ira vers le déclin ». Bo Xilai aurait aussi mené une vigoureuse campagne contre

la mafia chinoise. Les convictions et agissements de Bo Xilai ne plaisent pas à tous les dirigeants

chinois, dont certains sont soupçonnés d’être corrompus par la mafia, et ce serait pourquoi ils

auraient essayé de « se débarrasser de lui ». Avec { l’appui de leurs propos, la discréditation de

la famille de Bo Xilai, par la condamnation de sa femme Gu Kailai, pour un crime dont les

contours de l’affaire sont très floues. Certains estiment de plus, que l’ajout de l’expression

« relations sexuelles multiples », qui relève de la vie privée, n’est qu’un prétexte pour donner

une raison de plus pour condamner cet homme. Et d’autres pensent qu’il n’est pas légitime de

condamner au pénal un homme d’Etat accusé d’infractions politiques.

Je ferai une remarque à titre personnel sur cette affaire : ce qui est frappant, c’est qu’{

aucun moment, en aucun cas, on a pu entendre Bo Xilai s’exprimer. Même chose pour Gu Kailai,

dont les détails de l’affaire seront évoqués ci-dessous.

L’affaire a créé un scandale politique, et a fait l’objet de beaucoup de censures de la part

des autorités chinoises (ce point-là sera développé en II). Bo Xilai a été exclu définitivement du

Parti communiste. Sa condamnation est encore attendue, et il semble que les autorités tiennent

compte des commentaires laissés sur les réseaux sociaux quant au verdict. Certains internautes

seraient pour une condamnation à perpétuité, et très peu pour la peine de mort. On spécule

fortement sur le verdict, certains se disant que le gouvernement ne pourrait pas prononcer la

peine de mort, car cela créerait une réaction enflammée de la part des internautes. On peut donc

voir que la voix des internautes prend une place assez importante quant aux décisions

politiques.

Pour illustrer cette dernière affirmation, un autre exemple peut être souligné, déjà

évoqué précédemment : en ce qui concerne la censure de l’éditorial du Nouvel An du journal

Nanfang Zhoumo, la contestation de cette censure ne s’est effectivement pas seulement faite de

manière physique, c’est-à-dire par la grève des journalistes et la manifestation devant les locaux

du groupe de presse. Une réaction très forte des internautes s’est fait sentir sur Weibo, avec

notamment des photos d’internautes brandissant des affiches pour dénoncer cette censure.

Beaucoup d’entre eux souhaitent la destitution du chef de la propagande régionale Tuo Zhen, et

le gouvernement est en train de réfléchir à un transfert, selon Yan Lieshan.

Certains internautes n’ont pas peur de montrer des réactions contre la censure opérée

par les autorités chinoises sur Internet, on peut citer pour exemple l’article intitulé « Internet

n’est pas un endroit hors la loi » (« Wangluo bushi fawai zhidi »), publié le 18 décembre 2012 à la

Avocats de Pékin soutenant le quotidien Etudiants soutenant le quotidien

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Une du Quotidien du Peuple, journal totalement contrôlé par le Parti Communiste Chinois. Cet

article explique qu’« il faut se rendre compte que le monde du Net n'est pas un endroit hors la loi.

Les paroles et les actions sur le Net peuvent violer consciemment ou inconsciemment la loi ».

L'article a provoqué de nombreuses critiques. Sur Sina Weibo,, la recherche par mot-clé

« Wangluo bushi fawai zhidi » engendre plus de 11 millions de résultats. Deux exemples de

réactions : « Tout le monde sait où est l'endroit hors la loi ! », « Tu critiques Liu Shaoqi et fais

l'éloge de Liu Shaoqi ; tu attaques Deng Xiaoping, et exaltes Deng Xiaoping. Un journal versatile, un

journal qui propage la rumeur qu'un mu de terre (soit 666,7 m²) peut produire 5 000 kilos de

nourriture, tu ne t'es jamais excusé de tes actions, tu es dans un endroit hors la loi, es-tu qualifié

pour critiquer l'Internet ? »

Ces réactions sont autorisées, avec cependant une limite : l’interdiction de propager des

« rumeurs ». Les rumeurs sont considérées comme des fausses informations, et cela peut aller

{ l’encontre de la sécurité de l’Etat. Les autorités chinoises s’en servent constamment pour

arrêter les personnes qui auraient propagé des « rumeurs ». Bien sûr, certaines rumeurs sont en

fait des informations vraies, mais les autorités s’en servent pour discréditer les internautes

ayant révélé de vraies informations.

Pour exemple, on pourrait citer l’affaire Gu

Kailai, avocate internationale réputée pour être la

première à avoir défendu une compagnie chinoise aux

Etats-Unis et épouse de Bo Xilai, qui a été condamnée de

manière très douteuse pour le crime de Neil Heywood,

un de leurs amis britanniques (qui s’est révélé en réalité

être un espion du MI6). Wang Lijun, bras droit de Bo Xilai, aurait eu connaissance

du crime commis par Gu Kailai, et ayant eu peur de mettre sa vie en danger, il s’est

réfugié au Consulat américain de Chengdu. Il a alors accusé Gu Kailai de

meurtre par empoisonnement au cyanure de Neil Heywood pour

protéger son fils, l’ami britannique ayant menacé Bo Guagua, fils de Gu

Kailai de lui donner 13 millions de livres.

Le procès de Gu Kailai a eu lieu

d’une manière pas du tout transparente.

Beaucoup de personnes émettent des

doutes quant à la véracité des faits, et du

déroulement du procès. Tout d’abord,

Gu Kailai n’a pas pu choisir son avocat,

et a été défendue par des avocats

commis d’office. D’autre part, le compte-rendu de l’audience a été très

succinct, et peu de faits ont été allégués. Le mobile n’a été que l’allusion d’un simple « conflit

économique » entre le fils de GuKailai et la victime. Mais ce qui a le plus marqué les internautes,

c’est que l’expert, Wang Xuemei, directrice adjointe du

centre de recherches sur l’information et la technologie

auprès du parquet populaire suprême, a confié sur son

blog qu’il n’existe aucune preuve d’empoisonnement au

cyanure : l’ingestion du cyanure provoque une asphyxie

immédiate qui fait virer le sang rouge écarlate, ce qui

n’était pas le cas de Neil Heywood. Le tribunal a

Gu Kailai

Neil Heywood

Wang Lijun : une photo portant la gifle que lui a attribuée Bo Xilai a fait le buzz sur les réseaux sociaux

La famille Bo

Le procès

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15

cependant accepté la thèse de l’empoisonnement au cyanure malgré cette incohérence. Et

l’avocat Li Xiaolin qui aurait dû défendre Gu Kailai mais qui a été évincée du procès a souligné

que les autorités « n’ont pas trouvé où Gu Kailai s’était procuré le poison », un internaute qui a

assisté au procès a publié ses notes et a clairement affirmé qu’il y avait pas de preuve que le

poison était du cyanure. Un fait important aussi a été occulté par les juges : « certaines

indications laissent penser que quelqu’un est entré par le balcon de la chambre entre la nuit du 13

(mort suspectée de Heywood) et la découverte du corps le 15 ».

Enfin, certains ont souligné que lors du procès, Gu Kailai a

été remplacée par un sosie (qui d’ailleurs ne lui ressemble pas du

tout), qui aurait tenu un discours repentant de ses fautes. Cette

rumeur a été lancée par des internautes et des photos ont circulé

sur Internet.

D’autres rumeurs ont circulé pour dire que Wang Lijun ne

s’est pas réfugié au consulat américain, mais s’était simplement

déplacé pour effectuer une démarche administrative.

Gu Kailai a été condamnée à la peine de mort avec sursis, ce qui équivaut à la prison à

perpétuité. Mais est-elle réellement coupable ? Est-ce un montage pour détruire la famille Bo ? Il

est clair que le procès laisse des zones d’ombre. Cela a été souligné par les internautes. Et en

réaction à cela, les autorités ont arrêté les personnes ayant propagé les rumeurs, et ont procédé

à une vaste campagne de censure.

b) Les dissidents chinois

Pour exprimer leur mécontentement contre le régime chinois, les dissidents chinois ont

bien compris que les modes d’expression traditionnels (l’écriture, la peinture, etc.) n’influencent

que les pays étrangers, puisque seuls eux peuvent avoir accès { leurs œuvres. A l’intérieur de la

Chine, ces œuvres étant censurées, la population chinoise ne peut y avoir accès, et leur seule

source d’informations provient du gouvernement qui

diabolise les dissidents chinois. C’est pourquoi les

dissidents chinois ont compris que le seul moyen de

raisonner le peuple est de s’exprimer sur les réseaux

sociaux, car l’information est plus rapidement

diffusée et plus susceptible d’être vue par les

internautes.

Comme on l’a déj{ cité, le dissident Hu Jia

s’est créé un compte Weibo, et a parlé de ses

inquiétudes concernant les surveillances sur WeChat.

Certains journalistes sont aussi ont créé un

compte Weibo, notamment des journalistes de

Nanfang Zhoumo. Par exemple, He Sanwei, lors de la parution à la une du Quotidien du peuple

de l’article « Internet n’est pas un endroit hors la loi » a tweeté : « Hit-parade des endroits hors la

loi en Chine : tous les départements ou organisations nourris par la Finance comme les

gouvernements, les commissions du parti, les comités de discipline, les comités de politique et de

droit, les bureaux de propagande, les bureaux d'organisation, les bureaux de ressources humaines,

la police, le parquet, la cour, les gestionnaires de ville, les départements de terre, les départements

d'industrie et de commerce, les impôts, les assemblées populaires, les Conférences consultatives, les

ligues de jeunesse, les associations des femmes, etc. »

Un sosie ?

Compte Weibo de Hu Jia

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Mais les dissidents ne sont pas seulement des personnes qui se sont exprimées contre le

régime chinois. Ce sont aussi des intellectuels qui critiquent le régime d’aujourd’hui, en

connaissance de cause, et notamment les universitaires, et les avocats : les universitaires, pour

leur sagesse et leur connaissance de l’histoire, de la sociologie, de la politique, et les avocats,

pour toutes les injustices auxquelles ils font face tous les jours, lorsqu’ils défendent leurs clients.

Ainsi, Liu Xiaoyuan, avocat de pékin, a pu s’exprimer sur le vote du texte sur le

renforcement de la protection de l’information en ligne : seulement un membre du comité

permanent de l’Assemblée nationale populaire (Parlement), a voté contre. L’avocat a alors

tweeté sur Weibo : « Un vote précieux ! ».

Pour en revenir encore une fois sur l’article « Internet n’est pas un endroit hors la loi »,

plusieurs universitaires se sont exprimés contre l’article : Xu Xin, professeur de droit à

l'Université des Technologies de Pékin, a déclaré : « Le Quotidien du peuple a

publié des articles pendant trois jours, le journal de CCTV en a parlé aussi. Mais

les réactions les plus fortes sur le Net, c'est de réclamer au Quotidien du peuple

de publier un article sur : le monde des officiels n'est pas un

endroit hors la loi. » ; Yu Jianrong, chercheur et directeur

du Centre d’Études sur les problèmes sociaux de l'Institut

du développement de la campagne de l'Académie des

sciences sociales de Chine, a affirmé : « Jamais vu le

Quotidien du peuple faire l'autocritique de ses propres erreurs ou crimes. C'est

lui le vrai endroit hors la loi ! »

D’autres universitaires ne se contentent pas de

commenter sur Weibo. Zhang Qianfan, professeur de droit de Beida

(meilleure université de Pékin), a donné un cours dont la vidéo a été publié

sur Internet : il y fait état de la corruption des dirigeants, le pillage des

revenus du peuple, les inégalités sociales, l’insanité de l’alimentation, la

pollution. Surtout il parle du despotisme « malin et rusé » du gouvernement

chinois. Il propose ensuite la voie que devrait suivre la Chine pour sortir de

ce despotisme. La vidéo de son cours a été supprimée du site Youku, le

Youtube chinois.

c) Les membres du gouvernement ?

On peut se poser en effet la question de savoir si les membres du gouvernement utilisent

les réseaux sociaux. C’est cependant difficilement imaginable, car comme on l’a dit

précédemment, 60% des internautes chinois ont moins de trente ans, or la moyenne d’âge

des membres du Comité permanent est de 60 ans. C’est

effectivement le cas en pratique : aucun dirigeant chinois

n’était sur les réseaux sociaux, jusqu’{ ce que le 21

novembre 2012, un compte au nom de Xi Jinping a été

ouvert. C’est une première, et cela a étonné les

internautes. Plus de 700 000 internautes le suivent

aujourd’hui. Le compte est caractérisé par de vieilles

photos de famille, d’amis, de jeunesse. Mais récemment,

Le professeur Xu Xin

Yu Jianrong

Zhang Qianfan

Xi Jinping

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il a été dévoilé que le compte a été en réalité ouvert non pas par Xi Jinping lui-même, mais par un

jeune ouvrier de l’est de la Chine, qui revendique un acte totalement individuel, en vue de faire

mieux connaître le plus haut

dirigeant chinois dans son pays.

Ce qui est cependant étrange,

c’est que le compte a non seulement

échappé à la censure, mais il regorge

de photos personnelles assez rares.

Or un simple ouvrier « fan » de Xi

Jinping ne pourrait pas obtenir des

photos aussi privées. Il y a aussi des

informations d’ordre personnel,

comme par exemple le fait que Xi

Jinping considère que le niveau des films est assez élevé par

rapport aux films chinois. Il pourrait s’agir d’une politique de

propagande de la part du gouvernement pour montrer une image d’un homme simple, et aimé

par son peuple.

Sans parler des membres du gouvernement eux-mêmes, certaines personnes liées à

l’Etat peuvent avoir aussi être sur les réseaux sociaux. On citera par exemple l’expert de l’affaire

de Gu Kailai qui s’était exprimé sur la présence de cyanure. *

En décembre 2010, l’ingénieur principal du système de

censure du web chinois, Fang Bin Xing, surnommé plus

communément le « père de la grande muraille du web » (Great

firewall que l’on verra dans le II) s’est aussi créé un compte

Weibo. C’est alors un déferlement de critiques et d’insultes de la

part des internautes contre lui qui a fait suite à cette inscription.

La page a alors été fermée par les administrateurs, et les mots-

clés Fang Binxing ont été ironiquement censurés.

d) Les étrangers

On citera principalement l'ancien PDG de Google

en Chine, Lee Kai-fu, d’origine taïwanaise. Il est suivi par

plus de 54 millions d’internautes : plus de 30 millions sur

le principal site, Sina Weibo, et plus de 24 millions sur

Tencent Weibo (autre Twitter chinois). Les autorités

chinoises ne peuvent pas faire grand-chose contre ses

propos critiques contre la censure chinoise.

Cependant, le 17 février 2013, l’ancien PDG a

annoncé sur son compte Twitter, qu’il n’arrive plus {

publier de messages sur Weibo. A-t-il été définitivement

banni du site ? Certains pensent que son exclusion est due à son commentaire critique récent dû

{ l’apparition d’un nouveau moteur de recherche, Jike, qui est cependant sous le contrôle du

Quotidien du peuple, journal qui représente la voix du gouvernement.

En réaction, les internautes ont manifesté leur soutien à son encontre, ainsi que

l’hebdomadaire Nanfang Zhoumo.

Photos privées de Xi Jinping

Fang Bin Xing tourné en dérision

Lee Kai Fu

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Il s’agit d’un exemple de réaction des autorités publiques face { des propos qui ne leur

plaisent pas. Et comme on le voit ici, il s’agit d’une censure a posteriori.

IIII –– LLAA RREEAACCTTIIOONN EEXXCCEESSSSIIVVEE DDEESS AAUUTTOORRIITTEESS PPUUBBLLIIQQUUEESS PPAARR UUNNEE CCEENNSSUURREE AA

PPOOSSTTEERRIIOORRII

Une censure a posteriori, car la censure a priori n’est pas possible. On ne peut par des

moyens techniques empêcher préventivement un internaute de dire quelque chose sur les

réseaux sociaux. Ce qui est différent de la censure des sites d’information : les autorités peuvent

préventivement donner l’ordre aux sites d’information de ne pas insérer tel ou tel article en

relation avec un sujet d’actualité délicat.

La question est alors de savoir comment les autorités chinoises contrôlent l’expression

des internautes (A), et quelles sont les personnes qui permettent ce contrôle (B).

A. Les moyens de contrôle de l’expression

350 millions d’informations (textes, vidéos, photographies) ont été censurées en

2010, d’après le directeur du Conseil de l’information chinois, Wang Chen. C’est le projet,

Grande Muraille pare-feu de Chine (Great Firewall qui comprend un jeu de mots avec la

Grande Muraille de Chine) ou « bouclier doré », défini en 1998, qui a pu permettre la censure de

l’Internet. Ce projet consiste en l’élaboration d’un pare-feu, qui permet de censurer du contenu,

notamment par le blocage d’adresses IP, par le filtrage et la redirection des serveurs DNS

(Système des noms de domaine), par le filtrage d’adresses URL. Des pare-feux classiques et des

proxies sont placés aux passerelles Internet, permettant le filtrage de ces accès.

Il est intéressant de noter que pour les Jeux olympiques de Pékin en 2008, les

fonctionnaires chinois ont demandé aux fournisseurs d'accès à Internet de débloquer l'accès

dans certains cybercafés, dans des chambres d'hôtels et dans des centres de conférence pour

permettre les étrangers d’avoir accès { Internet sans encombre.

Concrètement, le système du Great Firewall passe par la censure non seulement des sites

chinois (2) mais aussi de certains sites étrangers (1). Les autorités chinoises peuvent juger utile

de se servir de la propagande et de la diffusion de fausses informations lorsque la censure a

posteriori de certaines informations n’a pas été efficace, voire d’élaborer des lois en vue de

restreindre la liberté d’expression des internautes (3).

1) La censure des sites étrangers

Tout d’abord, les sites étrangers, qui regorgent d’informations pouvant influencer

l’opinion des internautes contre le Parti communiste chinois et ses idéaux, peuvent être

censurés. Ce sont les sites d’actualités, qui possèdent une version chinoise, comme BBC News,

ou Hong Kong News, qui sont constamment surveillés. Ce sont aussi les sites qui traitent de

sujets politiques délicats, en relation avec l’indépendance du Tibet, de Taïwan, ou le Falun

Gong, mais aussi de sujets historiques dont les faits ont été déformés par le Parti communiste

chinoise, par exemple les manifestations de la place Tiananmen en 1989. Ce sont aussi des

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sites qui proposent une encyclopédie en ligne comme Wikipédia qui sont bloqués. Les sites des

militants et activistes comme celui de Reporters sans frontières sont inaccessible.

La censure des informations étrangères s'exerce d’ordinaire sur des serveurs entiers,

non sur des sites particuliers. Mais elle peut l’être lorsque des sujets délicats concernant la Chine

sont traités par des sites d’informations étrangers : les autorités chinoises bloquent alors l’accès

à ces sites de manière temporaire, jusqu’{ ce que la vague de contestation soit passée, ou de

manière définitive lorsque l’information peut réveiller de manière permanente le

mécontentement de la population chinoise.

Ainsi le site du New York Times est aujourd’hui inaccessible, car le journal a récemment

dévoilé la fortune de certains proches de l’ex-Premier ministre chinois Wen Jia Bao. Le compte

Weibo du New York Times a été rouvert le 2 décembre 2012, mais le journal n’a pas voulu

donner des explications, se contentant d’un « Hi » en guise de signe de retour.

2) La censure des sites chinois

De manière préventive, il faut tout d’abord remarquer que sur Weibo, on n’autorise

qu’un commentaire de 140 caractères, pour limiter la possibilité de s’exprimer. Mais en réalité,

il s’agit du modèle emprunté { Twitter, dont le concept même est de rédiger des commentaires

courts. Et c’est au contraire plus avantageux pour les internautes chinois, car on peut dire

beaucoup plus de choses en 140 caractères chinois, qu’en 140 lettres occidentales. La censure

des sites chinois passe par la censure en elle-même, c’est-à-dire l’interdiction et la suppression

de certaines informations (a), et par la propagande, c’est-à-dire la diffusion en plus de la censure,

de certaines informations qui peuvent s’avérer fausses (b).

a) La censure

La « chasse aux rumeurs » : la censure des mots clés

Pour rentrer maintenant dans le détail de la démarche de censure des autorités

chinoises, il faut noter que celles-ci ne procèdent pas à la stratégie classique de lire information

par information, commentaire par commentaire, pour pouvoir supprimer ceux qui les gênent.

Cette démarche demande beaucoup de temps pour supprimer définitivement tous les

commentaires, et en supprimant un commentaire, un autre peut toujours arriver. Les autorités

chinoises adoptent une technique beaucoup plus efficace : celle d’interdire certains mots-clés

des moteurs de recherche chinois (Baidu utilisé par la plupart des internautes), ou

internationaux (Google ou Yahoo !). Cela permet de faire face aux « rumeurs » qui circulent sur

Internet, et d’en restreindre la propagation. Le fait de rentrer un mot clé interdit provoque un

message d’erreur, et le fait d’insister en répétant l’entrée du mot clé peut aboutir { un blocage

temporaire de l’adresse IP, ou une connexion Internet plus lente. C’est une sorte de sanction

{ l’envie d’en savoir plus sur un sujet interdit. Renaud de Spens, sinologue et attaché de presse {

l’ambassade de France en Chine, a d’ailleurs exprimé son mécontentement : « On passe au moins

une heure par jour à tenter de ses connecter, particulièrement sur les sites étrangers. Pour les

entrepreneurs qui travaillent avec l’étranger, c’est { se taper la tête contre les murs ! ».

Parfois, certaines recherches peuvent aboutir, et une liste de sites internet chinois est

proposée par le moteur de recherche, mais les sites censurés ne seront pas accessibles.

On peut citer par exemple la censure du mot clé « sosie » dans l’affaire Gu Kailai, lorsque

plusieurs internautes ont émis des doutes sur la présence d’une fausse Gu Kailai lors de son

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procès pour le crime commis { l’encontre du britannique Neil Heywood. Face { ces réactions, les

autorités se sont empressées de censurer ce mot. Même chose pour les sujets délicats : le mot

« Tibet » est censuré, « Révolution culturelle », « pornographie » aussi.

Les autorités peuvent censurer des expressions aussi. Par exemple, « Massacre de Tian

Anmen.

La fermeture de certains sites

La censure passe bien sûr par la fermeture de certains sites contestataires, ou de blogs

ou comptes sur les réseaux sociaux. Comme on l’a dit précédemment, le compte Weibo de l’ex-

patron de Google en Chine a été fermé. Certains comptes de dissidents peuvent se voir fermer

aussi. Mais le danger est évidemment la réaction des internautes qui attendent beaucoup des

avis de ces personnages.

En 2010, le nombre de sites a diminué de 41%. La Chine a utilisé l’excuse de la

« présence de contenus pornographiques » pour justifier la fermeture de ces sites.

Une censure massive a été procédée après l’affaire Gu Kailai-Bo Xilai, en vue de

supprimer toutes les « rumeurs » qui ont suivi l’affaire. Les autorités chinoises en sont venues {

supprimer entièrement la possibilité pendant cinq jours de publier des commentaires sur Sina

Weibo et Tencent QQ, les deux principaux microblogs chinois, pour procéder à un « nettoyage ».

Tencent a justifié cette fermeture en disant que « les rumeurs et les informations illégales et

nuisibles propagées par microblog ont eu des mauvaises répercussions sociales », « il est nécessaire

de procéder à un nettoyage ». Les autorités chinoises ont fermé seize sites web et arrêté six

personnes pour création et propagation de rumeurs. Les internautes ont réagi en estimant que

cela constitue une très grave atteinte { la liberté d’expression. Un internaute a jugé que : « cela

restera gravé dans l’histoire ».

b) L’utilisation de la propagande : La publication de fausses informations

On parlera ici de la propagande sur les sites de Pékin car ceux qui sont basés à Hong

Kong sont moins surveillés. On citera parmi la vingtaine des grands sites commerciaux Sohu,

Sina, Baidu, ou Yahoo. Selon Reporters Sans Frontières, ces sites reçoivent des ordres (jusqu’{ 5

fois par jour) des membres du Bureau de gestion de l’information sur Internet de Pékin pour

retirer un article du site, de supprimer les commentaires, masquer toute information sensible,

voire publier en ligne un article rédigé par le Bureau. Les sites ne peuvent même pas modifier le

titre des articles : Sina a par exemple été pour cela privé d’interviews de personnalités chinoises

pendant un mois.

Selon Reporters Sans Frontières, tous les vendredis, de 9 heures à 11 heures, les

responsables des grands sites assistent { une réunion au Bureau de gestion de l’information sur

Internet. « Ils y font un bilan sur les sujets auxquels les internautes se sont le plus intéressés

pendant la semaine. Certains sites sont soumis à la critique des membres du Bureau, puis, ces

derniers annoncent les thèmes à traiter pendant la semaine suivante, les articles à rédiger sous leur

tutelle et les articles à éliminer. »

Un service destiné à appliquer les ordres du Bureau est mis en place pour chaque site, en

vue de surveiller ou supprimer les commentaires et articles en ligne, et de bloquer l’adresse IP

de l’utilisateur.

Les sites peuvent faire l’objet de sanctions : « critiquer le contenu du site, ordonner une

amende, ordonner le licenciement des responsables du site, voire contraindre la rubrique ou le site

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à fermer ». « En outre, le Bureau de l’information de Pékin a instauré un nouveau système de

"permis { points" pour les sites d’informations. En plus d’écoper d'une amende, les sites peuvent

être soumis à un retrait de points. S'ils perdent tous leurs points, ils risquent de se voir retirer leur

licence. Ils ont cependant la possibilité de les regagner et sont encouragés à le faire. » (Reporters

sans frontières).

Les auteurs du rapport Synthesio « les médias sociaux en Chine », ont pu interroger un

vétéran autoproclamé des technologies en Chine, qui a souhaité garder son anonymat : « Cela

devient difficile de faire la différence entre la véritable voix du consommateur et ces articles

légers, pour moi en tout cas. La bonne nouvelle c’est qu’il est plus compliqué d’émettre de

fausses informations sur Renren, Kaixin et Weibo que sur les forums. Donc, si vous souhaitez

écouter les médias sociaux, je vous conseille de commencer par-là. »

3) L’élaboration de lois faisant face à une gestion difficile de la censure

Une loi sur le renforcement de la protection de l'information en ligne a été

annoncée le 28 décembre 2012. Elle autorise la suppression des pages contenant des

informations jugées « illégales », et surtout, interdit désormais l’anonymat sur les réseaux.

Ainsi les internautes seront désormais obligés de dévoiler leur véritable identité à leur

fournisseur d’accès, et pour Weibo, fournir le numéro de téléphone portable. Le dissident Ai

Wei Wei a répondu « bloquer Internet, une mesure qui restreindra l’échange de l’information, est

un crime { l’encontre de la civilisation et de l’humanité ». Il semble que cette disposition de la loi

n’a pas réussi { vraiment être adoptée en pratique, peut-être à cause des contestations des

internautes, désespérés par cette disposition, car cela remet en cause toutes les paroles du

nouveau président Xi Jinping qui avait annoncé lors du XVIIIe congrès du Parti communiste plus

de transparence chez les dirigeants chinois, mais aussi l’espoir d’une prochaine liberté de parole

et de la presse.

Un seul membre du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire a voté contre

ce texte.

L’ancien patron de Google en Chine Lee Kai-Fu a tweeté sur Weibo « J'imagine que sur les

151 représentants, il n'y en a que six qui utilisent vraiment le Net ».

Les autorités chinoises publient souvent des règlements sur l'Internet, mais ils sont

souvent non mis en vigueur ou ignorés, car il y a un problème de détermination de l’autorité

compétente. Il existe ainsi des conflits entre les différents organes dont le rôle est de réguler

l’Internet. Plusieurs universitaires ont relevé que la vitesse { laquelle le gouvernement sort des

nouveaux règlements sur l'Internet est le symptôme de leur inefficacité. Les nouveaux

règlements ne font jamais référence aux anciens, totalement oubliés.

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B. Les acteurs de la censure

Qui est { l’origine de la censure ? Il s’agit de voir dans cette section { quel point ils sont

nombreux…

1) Les organes de gestion

Il existe cinq organes de contrôle directement liés au gouvernement, dont deux sont

réellement effectifs : le Bureau de l’information du Conseil d’Etat et le Département de la

publicité. Le premier est destiné { contrôler et agréer les licences qui permettent d’ouvrir et de

gérer un site Internet, et le deuxième est dédié au contrôle des médias en ligne.

Les employés peuvent bénéficier de stages idéologiques qui permettent de mieux

pratiquer la censure. Un certificat est alors délivré.

Les organes de contrôle communiquent avec les sites Internet et leur donnent des ordres

concernant la censure ou la propagande. Ils peuvent les sanctionner.

2) Les « honkers »

Selon des chercheurs de l'université de Harvard, la police de l'Internet comprendrait

entre 20 000 et 50 agents en Chine. Ils sont assistés d'environ 280 000 « honkers », c'est-à-dire

des internautes, payés 5 maos (50 centimes) par commentaire, chargés de défendre le point

de vue officiel en orientant les débats, et de dénoncer les internautes contestataires. Ces

« honkers » sont généralement des étudiants familiers { l’Internet, et membres du PCC

3) La peur des FAI et des hébergeurs

Par peur de subir des sanctions, les hébergeurs et les FAI emploient parfois leur compte

d'opérateurs, surnommés « grande maman », pour supprimer les commentaires politiquement

sensibles.

4) L’implication de sociétés étrangères ?

Des organisations de défense des Droits de l’Homme (Human Rights Watch ou de médias

comme Reporters sans frontières), ont dénoncé des sociétés étrangères comme Cisco qui

fournissent des équipements permettant d’assurer la censure en Chine.

Ils dénoncent aussi les fournisseurs de contenus comme Yahoo!, AOL et Google, pour être

autorisés { pratiquer en Chine, sont obligé d’obéir aux règles de censure chinoise. Microsoft a

commencé à censurer les blogs MSN Spaces. Si ceux-ci arrêtaient de se soumettre aux règles,

peut-être que la Chine arrêterait la censure sur le Net.

Le 12 janvier 2010 Google a menacé de quitter la Chine après des attaques informatiques

venant de Chine envers des chinois militants pour les droits de l'homme, attaques qui

permettent d’espionner leurs comptes Gmail. C’est pourquoi depuis mars 2010, l’accès { la

version chinoise du moteur de recherche de Google est automatiquement redirigé vers la

version hongkongaise qui, n'est pas soumise aux mêmes exigences de censure qu'en Chine

continentale. Google estimait qu’il n’avait pas { se soumettre aux règles d’autocensure imposée

par le gouvernement chinois, il s’agit l{ d'un « débat mondial sur la liberté d'expression ».

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Lorsqu’une recherche d’un caractère censuré était effectuée sur le site de Google

Hongkong, un message en anglais apparaissait : « We’ve observed that searching for X in mainland

China may temporarily break your connection to Google. This interruption is outside Google’s

control. » (Nous avons observé que chercher X en Chine continentale pourrait temporairement

bloquer votre connexion à Google. Cette interruption est en-dehors du contrôle de Google).

Mais Google semble avoir abandonné ce système en décembre, peut-être parce que

Google détient quand même des intérêts en Chine, puisque son activité en Chine génère un

chiffre d’affaires considérable pour lui.

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IIIIII –– LLAA RRIIPPOOSSTTEE AA LLAA CCEENNSSUURREE

Pour riposter à la censure imposée par le gouvernement chinois, il y a différentes

manières techniques pour la contourner (A). En-dehors de ce contournement technique qui

nécessite d’être doué { l’Internet, les hébergeurs aident parfois { la lecture de commentaires

bientôt censurés (B). Les internautes quant à eux, emploient différentes manières pour exprimer

leur scepticisme face à certaines fausses informations ou certaines informations censurées (C).

A. Le contournement technique

Tout d’abord, pour contourner le Great Firewall chinois, il suffit d’utiliser des proxys

situés à l'étranger, pour que les autorités chinoises ne détectent pas que l’internaute chinois

accède en réalité aux informations en Chine, l’adresse IP étant transformée en une adresse

étrangère. Cela permet aux internautes d'accéder aux contenus censurés en plein Chine

continentale. Des méthodes de contournement sont possibles pour contourner le filtrage des

serveurs DNS en trouvant un serveur DNS qui résolve les noms de domaine correctement, le

filtrage de l’URL en utilisant des caractères d'échappement dans l'URL, ou d'utiliser des

protocoles cryptés comme VPN et SSL (Je laisse le soin aux informaticiens d’approfondir eux-

mêmes cette question…).

Depuis 2012, WeiboScope, logiciel inventé par des universitaires hongkongais, peut

détecter les messages effacés de Weibo, et les récupérer. Selon ces universitaires, les messages

effacés durant le mois de juin 2012 porteraient surtout sur des personnalités qui ont posé

problème au gouvernement chinois, comme le Chen Guangcheng, l'ambassadeur des Etats-Unis

en Chine Gary Locke et l'ancien chef du Parti communiste à Chongqing, Bo Xilai. Mais

WeiboScope n’est pas encore ouvert au public, car les universitaires auraient besoin de

financements.

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B. La stratégie des hébergeurs

Certains hébergeurs, pour que les internautes puissent lire les commentaires avant de

les supprimer, les laissent pendant un certain temps et ne les retirent que lorsqu’ils reçoivent

des ordres de la part des autorités chinoises. Cela permet de laisser le temps aux internautes de

retweeter les commentaires pour rendre public l’information.

Parfois les sites ne suppriment pas les commentaires immédiatement, mais surlignent les

commentaires en blanc et remplacent certains mots-clés par des astérisques, ce qui permet à

l’internaute de se rendre compte que le contenu a été censuré, voire de démêler l’information.

C. La riposte des internautes : l’emploi d’un scepticisme populaire fréquent

Les internautes ne sont pas sans imagination : parfois pour contourner les mots clés, ils

adoptent des surnoms ou des expressions permettant de remplacer le mot-clé ou l’expression

censurée, pour que les internautes puissent avoir accès au commentaire (1). D’autres fois, ils

utilisent les mèmes (2). En ce qui concerne les dissidents, ceux-ci créent indéfiniment des blogs

ou des comptes sur les réseaux sociaux (3).

1) L’adoption de surnoms ou d’expressions

Lorsque certains mots-clés ont été censurés par les autorités chinoises, les internautes

contournent la censure en trouvant des surnoms. Cela permet aux autres internautes d’accéder

aux messages, et cela permet à celui qui a posté son message de ne pas en voir son contenu

censurer, car les autorités ne peuvent pas tout censurer !

Cela a d’abord commencé par des signes tels que « », « / », « \ », mais les sites ont installé

de nouveaux filtres qui détectent ces codes. Les internautes utilisent alors des mots différents,

des synonymes ou des homonymes, mais les sites les listent rapidement. Les internautes ont

alors commencé par adopter des surnoms, comme pour Bo Xilai dont le nom a été remplacé par

« Bu Hou », qui veut dire « pas épais » : le terme de « bo » ressemble très fort à « bao », qui veut

dire mince, d’où l’appellation de « Bu Hou ». Les internautes l’appellent aussi parfois Xinan

Wang, Xi Nan veut dire « Sud-Est », et Wang veut dire « roi », d’où l’appellation « roi du sud-est »,

Bo Xilai ayant été maire de Chongqing situé au sud-est.

On peut aussi citer l’exemple d’une vidéo qui a circulé sur

le web chinois, représentant un Alpaga, lama du désert de Gobi,

qui est l’un des dix animaux mythiques de Baidu. L’alpaga se dit en

chinois « Cao ni ma », mais « cao ni ma » prononcé avec d’autres

accents toniques, est aussi une insulte, l’équivalent de « nique ta

mère ». La vidéo de l’alpaga représente une chanson représentant

de fiers alpagas ayant réussi à repousser une invasion de méchants

crabes, « hexie » en mandarin, qui avec d’autres accents toniques

signifie « harmonie », terme que les internautes ont adopté

comme étant un synonyme de « censure » sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, l’alpaga est

devenu une tendance, et des personnes s’en offrent entre eux.

(Lien vers la vidéo : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=wKx1aenJK08)

Les autorités ont bien compris l’affront, mais ne peuvent censurer tous les messages qui

parlent de simples crabes, ce qui ne fait que les énerver.

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2) Les mèmes

Les « mèmes » sont des événements retracés par des textes, vidéos, photos, qui sont

ensuite imités, répliqués et retransmis via Internet. Les mèmes sont devenus un véritable

mouvement culturel chinois permettant de s’exprimer.

Parmi les mèmes les plus populaires, on a des personnes qui

se représentent sur des photographies avec des lunettes de soleil.

Ceci est dû à Chen Guangcheng, dissident aveugle, qui s’est réfugié {

l’ambassade des Etats-Unis.

Des internautes se sont servies d’une photo d’un policier

armé d’un bâton, chargeant des

manifestants qui s’opposaient { la

construction d’une usine

d’affinage de cuivre, pour le représenter sur d’autres

photographies où il chargeait des personnalités célèbres

comme Tom Cruise.

En juillet 2012, un reportage sur une exposition

italienne au Musée national de Chine, avait attiré l’attention

des internautes, car certaines parties d’un tableau de Michel-

Ange représentant des personnages nus ont été censurées.

Les internautes se sont alors servis de ce reportage pour

diffuser des photos représentant les personnages du tableau

avec des accessoires les plus fantaisistes.

Enfin, un dernier exemple, lors du premier

atterrissage réussi d'un avion de combat, la posture de

deux militaires a étonné et inspiré les internautes, qui se

sont mis à imiter leur geste. De nombreuses photos ont

été mises en ligne sur les réseaux sociaux. Sina Weibo a

nommé ce même « Hangmu Style » (Porte-avions style),

par référence au « Gangnam Style ».

Tableau David de Michel-Ange

Chen Guangcheng et KFC

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3) La création indéfinie de blogs et de comptes

Lorsque les comptes ou les blogs de certains dissidents sont censurés et fermés, les

dissidents s’amusent { créer de nouveaux blogs sous d’autres noms, mais que les internautes

sont seuls { comprendre qu’il s’agit effectivement de tel ou tel dissident. Dès que la tromperie est

découverte par les autorités, celles-ci ferment encore une fois le site. Mais les dissidents ne

perdent pas courage pour en ouvrir indéfiniment.

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CCOONNCCLLUUSSIIOONN

En réalité, le gouvernement est face à un énorme problème concernant la liberté

d’expression sur les réseaux sociaux : il n’arrive pas { gérer la censure. Nous avons pu voir tous

les contournements possibles, et comment la communauté chinoise en est venue à se moquer du

gouvernement chinois.

Les internautes sont de plus en plus conscients d’une chose : le gouvernement chinois ne

pense plus à l’intérêt du peuple, mais à ses propres intérêts. Elle passe l’économie internationale

avant tout, ainsi que le fait de cacher toutes les erreurs de ses dirigeants. Un internaute a

rapporté que lors d’une conférence de presse, une jeune écolière chinoise a posé la question :

« comment être sûr que ce que l’on mange à la cantine est sain ? ». Elle résume en réalité

l’inquiétude chinoise rencontrée sur la question de l’alimentation : des rumeurs circulent sur la

qualité de la nourriture quotidienne, notamment le fait que dans les restaurants, on utiliserait de

l’huile qui proviendrait des égouts, le fait que les dirigeants chinois auraient laissé les

Américains infiltrer leurs OGM dans la nourriture chinoise en échange de ne pas diffuser les

informations qu’ils auraient sur la corruption de leurs dirigeants. La farine est trop blanche, le

coût de la viande et des fruits est trop élevé, ce qui oblige la population à manger tout ce qui

n’est pas sain.

Toute cette argumentation engendre une question cruciale : comment changer cette

situation ?

Certains estiment que l’évolution de la situation en Chine doit se faire lentement, car un

changement brusque dans un Etat regroupant plus d’un milliard de citoyens ne peut être que

néfaste. Il faut prendre en compte la morale chinoise, qui ne place pas la loi au-dessus de tous

comme les occidentaux, mais le Parti communiste, qui n’est aujourd’hui plus qu’une illusion.

D’autres sont plus confiants et estiment que la censure en Chine préjudicie aux

commerçants qui tentent de se connecter sur Internet, ce qui affecte directement le commerce

extérieur et le nouveau modèle économique chinois. Ainsi Renaud de Spens estime que les

« hauts dignitaires chinois s’en rendent compte et ils commencent { assouplir les restrictions ».

C’est en effet incompatible avec la nouvelle philosophie chinoise qui est de devenir la première

économie mondiale. La Chine ne peut que changer de ce côté-là.

D’autres encore estiment que le changement doit se faire dans la réforme de la

constitution. Or le gouvernement pousse le peuple à bout, et une révolution prochaine est

envisageable. Mais une possible révolution ne serait que néfaste, comme on peut le voir au cours

de l’histoire (la révolution culturelle a engendré le système d’aujourd’hui, la révolution française

n’a pas stabilisé un système immédiat, et a engendré un clivage entre les révolutionnaires eux-

mêmes, et plusieurs constitutions s’en sont suivis), mais aussi aujourd’hui, avec l’exemple du

printemps arabe. Ainsi, Zhang Qianfan, professeur d’université, a publié un cours dans lequel il

disait :

« La leçon qui peut être tirée de la chute des Mandchous, c’est que seule la mise en œuvre

rapide de la réforme constitutionnelle peut permettre d’éviter la tragédie de la révolution. Si

ceux qui exercent le pouvoir ne reviennent pas à la raison, refusent la réforme, non seulement ils

joueront avec le feu, mais toute la société chinoise sera plongée dans la révolution – ce sera le

cercle vicieux de la tyrannie, les ethnies chinoises seront abandonnées, la corruption sera

généralisée, il y aura une catastrophe en ce qui concerne les ressources naturelles, l’environnement

sera endommagé, les gens n’auront pas les moyens de vivre.

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Les vicissitudes de cent ans d’histoire ont amplement démontré que seul un gouvernement

constitutionnel peut sauver la Chine. Pour sortir de l'autoritarisme, il faut compter sur le peuple ;

il faut établir un gouvernement constitutionnel, le peuple doit d'abord établir sa propre dignité. (...)

La responsabilité du pays est de respecter et de protéger la dignité humaine à travers la

constitution et le système juridique »

Il ne faut pas l’oublier, le Parti communiste chinois dispose d’une armée très

développée : une révolution ne ferait qu’engendrer un bain de sang.

Il semble qu’avec la censure a posteriori d’Internet, les internautes soient de plus en plus

frustrés de voir leur connexion internet « ramer » lorsqu’on rentre un simple mot clé dans la

barre de recherche, ou de voir leurs commentaires supprimés. Ils deviennent de plus en plus

conscients de l’ampleur de la censure en Chine, et veulent de plus en plus voir reconnaître la

liberté d’expression en Chine. La situation devient tendue, et le sera de plus en plus. Si un

changement constitutionnel n’intervient pas sous peu, il semblerait qu’effectivement, c’est la

révolution qui va prendre place, peut-être pas tout de suite, mais dans quarante, cinquante ans.

Cependant, on ne sait jamais avec l’avancée de plus en plus rapide des nouvelles technologies :

Sina Weibo n’a été lancé qu’en 2009, et en 3 ans plus de 300 millions d’utilisateurs se sont

enregistrés. En trois ans seulement.

Le 14 décembre 2012, la diffusion du film « V pour Vendetta » sur une chaîne officielle

chinoise a étonné les internautes. Pour rappel, le film représente la lutte d’un personnage, « V »,

portant le masque de Guy Fawkes contre un régime fasciste et dirigé par une poignée de

personnes au pouvoir.

Des répliques du film ont été tweetées et retweetées sur Weibo : « Le peuple ne devrait

pas avoir peur du gouvernement, mais le gouvernement devrait avoir peur du peuple », « Les

artistes utilisent le mensonge pour dire la vérité, les gouvernants utilisent le mensonge pour cacher

la vérité ». Hu Ziwei, présentatrice de télévision, s’est exprimé sur Weibo en disant que

l'humanité est divisée en deux, ceux qui ont vu "V pour Vendetta" et ceux qui ne l'ont pas vu. La

question se pose alors de savoir si la diffusion de ce film signe une avancée du régime chinois en

un régime libéral, le gouvernement représenté dans le film étant très lié au gouvernement

actuel.

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BBIIBBLLIIOOGGRRAAPPHHIIEE

Rapports :

- « Les médias sociaux en Chine » de Synthesio – Janvier 2011

- « CHINE : Voyage au cœur de la censure d’internet » - Rapport d’enquête d’octobre 2007

Wikipédia :

- « Constitution de la République populaire de Chine »

- « Censure d’Internet en Chine »

- « Grand Firewall de Chine »

Affaire Bo Xilai :

- Articles sur lemonde.fr

o « Chine : l’ascension brisée de Bo Xilai », 15 mars 2012

o « Bo Xilai aurait tenté de faire obstacle à une enquête criminelle sur sa famille », 22

mars 2012

o « Chine : Bo Xilai, ex- « étoile montante », suspendu du bureau politique du Parti

communiste », 10 avril 2012

o « Chine : des rumeurs plus justes que la propagande », 11 avril 2012

o « Le thriller chinois qui ébranle le monde », 11 avril 2012

o « L’affaire Bo Xilai, si vous avez manqué le début », 19 avril 2012

o « En Chine, le verdict du procès de Gu Kailai ne lève pas toutes les zones d’ombre »,

20 Août 2012

o « Après la condamnation de la femme de Bo Xilai, la Chine censure le mot « sosie »

sur Internet », 22 août 2012

o « Le procès de Wang Lijun enflamme Weibo », 20 septembre 2012

o « Affaire Bo Xilai : une experte doute ouvertement de l’empoisonnement au cyanure

de Heywood », 28 septembre 2012

o « Bo Xilai sera jugé pour corruption, abus de pouvoir et relations sexuelles

multiples », 28 septembre 2012

o « Le Parti communiste chinois exclut Bo Xilai », 29 septembre 2012

o « Bo Xilai, criminel ou héros ? », 29 septembre 2012

o « Le respect des procédures et la transparence mis en doute dans le procès de

l’affaire Bo Xilai », 30 septembre 2012

o « Pékin ne parvient pas à étouffer le scandale Bo Xilai », 9 octobre 2012

o « Bo Xilai définitivement exclu du comité central du PC chinois », 4 novembre 2012

o « Le Britannique tué par la femme de Bo Xilai informait le MI6 », 6 novembre 2012

o « Pékin durcit encore un peu plus la censure d’internet en Chine », 31 mars 2012

- Courrierinternational.com :

o « Chine : le « nettoyeur » de Bo Xilai cause des soscis à son patron », 10 février 2012

o « Chine : Gu Kailai : « peine de mort avec sursis », le verdict qui énerve le web », 20

août 2012

- « Condamnation de Gu Kailai : le mot « sosie »bloqué sur Internet en Chine », 22 août

202, leparisien.fr

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Nanfang Zhoumo :

- « Des journalistes chinois se rebellent après la censure d’un éditorial », 4 janvier 2013,

lemonde.fr

- « Manifestation en Chine pour soutenir les journalistes de l’hebdomadaire « Nanfang

Zhoumo » », 7 janvier 2013, lemonde.fr

- « En Chine, l’hebdomadaire « Nanfang Zhoumo » retrouve son mordant », 10 janvier 2013,

lemonde.fr

- « Yan Lieshan : « la liberté d’expression en Chine n’est plus qu’une question de temps » » (http://chine.blogs.rfi.fr/article/2013/02/05/yan-lieshan-la-liberte-dexpression-en-chine-nest-

plus-quune-question-de-temps)

La censure par le gouvernement :

- A propos du XVIIIe Congrès du PCC :

o « Le Zhengfawei, ou le parti contre les juges », 7 novembre 2012, lemonde.fr

o « Chine : le premier congrès communiste de l’ère Weibo », 13 novembre 2012,

lemonde.fr

o « Liberté d’expression. La situation se durcit en Chine », 15 novembre 2012,

jactiv.ouest-France.fr

o « Le New-York Times de retour sur Weibo », 2 décembre 2012, lemonde.fr

- Loi sur l’interdiction de l’anonymat :

o « La Chine met fin { l’anonymat sur les réseaux sociaux », 28 décembre 2012,

lemonde.fr

o « L’anonymat proscrit des réseaux sociaux { Pékin », 16 mars 2012, lemonde.fr

o « Les dirigeants chinois passent, la cesnure sur Internet demeure », 28 décembre

2012, www.france24.com

- Propagande : « Xi Jinping débarque sur les réseaux sociaux », 31 décembre 2012,

lemonde.fr

- « L’ancien patron de Google Chine banni de Weibo », 18 février 2013, lemonde.fr

- « La Chine ferme des sites Internet par milliers », 13 juillet 2011, latribune.fr

- Livre blanc de l’Internet :

o « La Chine publie un « livre blanc de l’Internet » et défend la censure », 8 juin 2010,

www.pcinpact.com

o « La liberté d’expression garantie sur Internet », 9 juin 2010, www.chinadaily.com

o

Réactions à la censure :

- Articles de lemonde.fr

o « Pour Pékin, le Net ne doit pas être un « endroit hors la loi », 22 décembre 2012

o « Chine : un appel à la réforme politique plébiscité par le Web », 6 décembre 2012

o « Une interrogation, forume préférée des internautes chinois en 2012 », 15

décembre 2012

o « Chine : la première diffusion de « V pour Vendetta » surprend les internautes », 16

décembre 2012

o « Et si les dirigeants chinois se mettaient aussi à la transparence ? », 29 décembre

2012

o « Les automobilistes chinois sommés de s’arrêter au feu jaune, les internautes

voient rouge », 5 janvier 2013

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- « Google tente d’échapper { la censure chinoise », 23 mars 2010, lefigaro.fr

- « En Chine, la colère monte après un accident de train mortel », 25 septembre 2011,

chine.aujourd’huilemonde.com

- « En Chine, le LOL pour contourner la censure », 6 juillet 2012, http://www.rslnmag.fr

(regards sur le numérique)

- « Hong Kong : WeiboScope se moque de la censure chinoise », 2 août 2012,

courrierinternational.com

Autres articles :

- « A Hongkong, le chef de l’exécutif contesté dans la rue », 1er janvier 2013, lemonde.fr

- « Xi Jinping, l’ancien régime et la révolution », 10 janvier 2013, lemonde.fr

- « Les réseaux sociaux sont en train de révolutionner la Chine », 14 février 2013, lemonde.fr

- « Weibo, une révolution en marche en Chine », 10 août 2011,

chine.aujourd’huilemonde.com

Remarques :

Mes sources proviennent surtout d’un journaliste de lemonde.fr, François Bougon. Au fil de ses

articles, on peut remarquer qu’il a l’espoir d’une prochaine liberté d’expression en Chine.

Je remercie aussi ma mère, sans qui je n’aurais pas pu avoir autant d’intérêt pour faire ce

rapport. Beaucoup d’informations proviennent aussi d’elle, internaute passionnée des réseaux

sociaux chinois.