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FINANCE INVESTISSEMENT RESPONSABLE CAHIER THÉMATIQUE I LE DEVOIR, LES SAMEDI 1 E R ET DIMANCHE 2 OCTOBRE 2016 Changements climatiques Un labo d’idées pour faire «bouger » les grands investisseurs Page I 4 Vers des investisseurs plus sensibles à la responsabilité fiscale Page I 2 Le 3 e Colloque québécois de l’investissement responsable se tiendra le 19 octobre prochain à Montréal. Organisé par le Ré- seau PRI Québec (pour « principes de l’investissement respon- sable »), ce colloque vise à sensibiliser les investisseurs sur les gestes à poser pour assurer un avenir durable à la planète. Loin d’être un mouvement marginal MARIE-HÉLÈNE ALARIE Collaboration spéciale D’ emblée, débou- lonnons un mythe : contrai- rement à ce que croient de nombreuses personnes, l’inves- tissement responsable obtient d’aussi bons résultats financiers que n’importe quel autre inves- tissement et y est comparable. Avant d’aller plus loin, il est im- portant de bien définir ce qu’est un investissement responsable : « Les investisseurs peuvent être des individus, des régimes de re- traite, des fondations… Le Ré- seau PRI, quant à lui, représente des organisations qui ont décidé de s’inspirer des principes de l’in- vestissement responsable et qui se sont engagées dans une dé- marche », explique Rosalie Ven- dette, conseillère principale en investissement res- ponsable chez Des- jardins et à la tête du comité qui organise l’événement pour le Réseau des signa- taires PRI du Qué- bec. Ces principes se basent sur des consi- dérations environne- mentales, sociales et de gouvernance. On les appelle les fac- teurs ESG. Et quelles sont ces entreprises dans lesquelles le Réseau PRI a choisi d’inves- tir ? « La démarche, c’est d’essayer de comprendre quelles sont les problématiques extrafi- nancières [les fameux facteurs ESG] auxquelles les entreprises peuvent faire face. Après les avoir ciblées, il faut voir ce que les entreprises font pour s’amé- liorer» , ajoute Rosalie Ven- dette. Il n’y a donc pas de ca- dre unique, mais une multi- tude d’approches. Il n’y a pas non plus d’exclusion à propre- ment parler. Peut-il y avoir des pétrolières dans un fonds d’in- vestissement responsable ? «Oui», répond franchement la conseillère. Elle ajoute que « dans tous les secteurs, on va tenter d’identifier qui sont les leaders et qui sont les retarda- taires. C’est beaucoup plus com- plexe que ça et ce n’est pas né- cessairement la solution, puisque le changement va se faire en discutant ». Une programmation dense Cette année, le colloque s’étale sur toute la journée, alors que les deux premiers ne duraient qu’une demi-journée. C’est que les thèmes de discus- sion soulèveront l’enthou- siasme des participants, et même si ce n’est pas en une seule journée qu’on peut vider la question, les organisateurs veulent quand même prendre le temps de s’y attarder. La fis- calité et l’investissement res- ponsable, la situation post- COP21 et les pratiques en in- vestissement responsable, voilà les principaux thèmes abordés. « On s’est donné pour mission de tenir un événement franco- phone, et on a la possibilité d’échanger avec d’autres signa- taires PRI. On a la chance d’avoir des gens de la France et une collègue de la Colombie- Britannique, qui viendra pré- senter le régime de retraite des employés de la province. On es- père aussi avoir des interve- nants américains » , affirme l’organisatrice. Une programmation diversi- fiée à l’image de l’ensemble des enjeux ESG. Les organisa- teurs ont dû faire une sélection en tentant d’aborder des sujets d’actualité. « On va ouvrir le colloque avec un suivi de l’ac- cord de Paris de la COP21. L’édition de l’an der- nier portait unique- ment sur le sujet des changements clima- tiques qui nous préoc- cupent dans les stra- tégies de placement », précise Rosalie Ven- dette. Les panellistes aborderont les poli- tiques publiques de développement des réglementations qui auront un impact sur l’univers des place- ments et des activi- tés des entités dans lesquelles on inves- tit. Il sera aussi ques- tion de stratégies qui permettent d’inté- grer le risque carbone et la ré- duction du bilan carbone des placements. Viendra ensuite une discus- sion sur les pratiques en inves- tissement responsable des grands investisseurs institu- tionnels. « On a la chance d’avoir trois participants de dif- férentes institutions, dont la Caisse de dépôt et l’équivalent en Colombie-Britannique, ainsi qu’Investissements PSP, qui ad- ministre la pension des em- ployés fédéraux. Il y a beaucoup de belles choses qui se dévelop- pent, et on va voir avec l’ensem- ble des panellistes les gestes qui sont posés dans le secteur. Ce qu’on pense, c’est que ces gens peuvent inspirer les autres. On verra leurs recommanda- tions pour de plus petits ré- gimes de retraite. » Autre sujet abordé briève- ment : comment intégrer et mesurer les risques qui sont reliés à l’eau. « Nos stratégies de placement ont des répercus- sions partout dans le monde, et on veut un point de vue global sur le sujet » , souligne la conseillère. Durant tout le lunch, le sujet sera les condi- tions de travail dans les chaînes d’approvisionnement. MARIO TAMA GETTY IMAGES AGENCE FRANCE-PRESSE Contrairement à ce que croient de nombreuses personnes, l’investissement responsable obtient d’aussi bons résultats financiers que n’importe quel autre investissement et y est comparable. VOIR PAGE I 6 : MARGINAL La fiscalité et l’investissement responsable, la situation post- COP21 et les pratiques en investissement responsable, voilà les principaux thèmes abordés

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FINANCEINVESTISSEMENT RESPONSABLE

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Changementsclimatiques Un labod’idées pour faire«bouger» les grandsinvestisseurs Page I 4

Vers desinvestisseurs plus sensibles à la responsabilitéfiscale Page I 2

Le 3e Colloque québécois de l’investissement responsable setiendra le 19 octobre prochain à Montréal. Organisé par le Ré-seau PRI Québec (pour «principes de l’investissement respon-sable »), ce colloque vise à sensibiliser les investisseurs surles gestes à poser pour assurer un avenir durable à la planète.

Loin d’être un mouvementmarginal

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Collaboration spéciale

D’ emblée, débou-l o n n o n s u nmythe: contrai-r e m e n t à c eque croient de

nombreuses personnes, l’inves-tissement responsable obtientd’aussi bons résultats financiersque n’importe quel autre inves-tissement et y est comparable.Avant d’aller plus loin, il est im-portant de bien définir ce qu’estun investissement responsable:«Les investisseurs peuvent êtredes individus, des régimes de re-traite, des fondations… Le Ré-seau PRI, quant à lui, représentedes organisations qui ont décidéde s’inspirer des principes de l’in-vestissement responsable et quise sont engagées dans une dé-marche», explique Rosalie Ven-dette, conseillère principale eninvestissement res-ponsable chez Des-jardins et à la tête ducomité qui organisel’événement pour leRéseau des signa-taires PRI du Qué-bec. Ces principes sebasent sur des consi-dérations environne-mentales, sociales etde gouvernance. Onles appelle les fac-teurs ESG.

Et quel les sontces entreprises danslesquelles le RéseauPRI a choisi d’inves-tir ? « La démarche,c ’ e s t d ’ e s saye r decomprendre quellessont les problématiques extrafi-nancières [les fameux facteursESG] auxquelles les entreprisespeuvent faire face. Après lesavoir ciblées, il faut voir ce queles entreprises font pour s’amé-liorer », ajoute Rosalie Ven-dette. Il n’y a donc pas de ca-dre unique, mais une multi-tude d’approches. Il n’y a pasnon plus d’exclusion à propre-ment parler. Peut-il y avoir despétrolières dans un fonds d’in-vestissement responsable ?«Oui», répond franchement laconseillère. Elle ajoute que« dans tous les secteurs, on vatenter d’identifier qui sont lesleaders et qui sont les retarda-taires. C’est beaucoup plus com-plexe que ça et ce n’est pas né-ce s sa i rement la so lu t ion ,puisque le changement va sefaire en discutant».

Une programmationdense

Cette année, le colloques’étale sur toute la journée,alors que les deux premiers neduraient qu’une demi-journée.C’est que les thèmes de discus-sion soulèveront l ’enthou-siasme des par ticipants, etmême si ce n’est pas en uneseule journée qu’on peut viderla question, les organisateursveulent quand même prendre

le temps de s’y attarder. La fis-calité et l’investissement res-ponsable, la situation post-COP21 et les pratiques en in-vestissement responsable, voilàles principaux thèmes abordés.

«On s’est donné pour missionde tenir un événement franco-phone, et on a la possibilitéd’échanger avec d’autres signa-taires PRI. On a la chanced’avoir des gens de la France etune collègue de la Colombie-Britannique, qui viendra pré-senter le régime de retraite desemployés de la province. On es-père aussi avoir des interve-nants américains », af firmel’organisatrice.

Une programmation diversi-fiée à l’image de l’ensembledes enjeux ESG. Les organisa-teurs ont dû faire une sélectionen tentant d’aborder des sujetsd’actualité. « On va ouvrir lecolloque avec un suivi de l’ac-cord de Paris de la COP21.

L’édition de l’an der-nier portait unique-ment sur le sujet deschangements clima-tiques qui nous préoc-cupent dans les stra-tégies de placement»,précise Rosalie Ven-dette. Les panellistesaborderont les poli-tiques publiques dedéveloppement desréglementations quiauront un impact surl’univers des place-ments et des activi-tés des entités danslesquelles on inves-tit. Il sera aussi ques-tion de stratégies quipermettent d’inté-

grer le risque carbone et la ré-duction du bilan carbone desplacements.

Viendra ensuite une discus-sion sur les pratiques en inves-tissement responsable desgrands investisseurs institu-t ionnels. « On a la chanced’avoir trois participants de dif-férentes institutions, dont laCaisse de dépôt et l’équivalenten Colombie-Britannique, ainsiqu’Investissements PSP, qui ad-ministre la pension des em-ployés fédéraux. Il y a beaucoupde belles choses qui se dévelop-pent, et on va voir avec l’ensem-ble des panellistes les gestes quisont posés dans le secteur. Cequ’on pense, c’est que ces genspeuvent inspirer les autres.On verra leurs recommanda-tions pour de plus petits ré-gimes de retraite. »

Autre sujet abordé briève-ment : comment intégrer etmesurer les risques qui sontreliés à l’eau. « Nos stratégiesde placement ont des répercus-sions partout dans le monde, eton veut un point de vue globalsur l e su je t » , soul igne laconseillère. Durant tout lelunch, le sujet sera les condi-t i o n s d e t r a v a i l d a n s l e schaînes d’approvisionnement.MARIO TAMA GETTY IMAGES AGENCE FRANCE-PRESSE

Contrairement à ce que croient de nombreuses personnes, l’investissement responsable obtient d’aussi bons résultats financiersque n’importe quel autre investissement et y est comparable. VOIR PAGE I 6 : MARGINAL

La fiscalité etl’investissementresponsable, lasituation post-COP21 et lespratiques eninvestissementresponsable,voilà lesprincipauxthèmes abordés

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FINANCEL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 E T D I M A N C H E 2 O C T O B R E 2 0 1 6I 2

Desjardins occupe la position de tête dans ledomaine des investissements responsables(IR), tant au Canada qu’au Québec. Ce typed’investissement a dépassé la barre des deuxmilliards de dollars en 2016, et le Mouvementvient de lancer trois fonds qui risquent de fairegrimper cette somme substantiellement.

R É G I N A L D H A R V E Y

Collaboration spéciale

L e Mouvement Desjardins est chef de file auQuébec, mais aussi au Canada, annonce Ro-

salie Vendette, conseillère principale en inves-tissement responsable chez Desjardins. Ellefait savoir que la somme de deux milliards enIR dégage un aspect significatif : « Il faut com-prendre que ce montant de deux milliards, c’estde l’épargne des membres et des clients de Desjar-dins ; il n’y a pas de fonds de pension là-dedans,et ce sont des individus qui investissent. »

Elle fournit un ordre de grandeur ou un com-paratif susceptible de mieux mesurer l’attraitde la clientèle à l’égard de l’IR : «Ça représente,au 30 juin dernier, 9% des avoirs des clients quinous ont confié leur argent dans des fonds et 20%des individus qui nous ont choisis pour placer del’épargne. »

Elle démontre une nette fierté à l’endroit deces résultats : « C’est impressionnant ! Si on re-garde n’impor te quel texte de marketing oucourbe graphique de taux d’adoption, on constateque 20 %, c’est tout de même une personne surcinq, ce qui nous distingue largement par rap-port à d’autres comparables au Canada, là où onn’a pas progressé de la même manière, maisvraiment pas du tout. »

Une combinaison gagnanteDesjardins n’a pas lésiné sur les efforts pour

en arriver là, assure la conseillère : «On souhai-

tait y parvenir, et il y a déjà plusieurs annéesqu’on s’efforce de faire connaître l’investissementresponsable, non seulement sur le plan de la com-mercialisation et des produits, mais aussi beau-coup sur le plan de la sensibilisation ; on disposeet on utilise de nombreuses initiatives éducatives,parce que l’on sait que ce type d’investissementn’est pas très connu.»

Elles ont porté leurs fruits, ces initiatives :« Lorsque les gens découvrent l’IR, ils sont inté-ressés. On évalue au bout du compte à plus de50 % le nombre d’individus qui vont vouloir yadhérer, parce que, du moment qu’on est capa-bles de faire la démonstration et de convaincre leclient qu’il n’y a pas de perte de rendement, qu’iln’y a aucun sacrifice auquel consentir, tout cequ’il obtient, c’est un plus qui se traduit commesuit : il se retrouve avec la gestion financière et lagestion extrafinancière, en vertu de laquelle ons’occupe de surcroît des enjeux environnemen-taux, sociaux et de gouvernance (ESG).»

Et les risques, qu’en est-il ? Sont-ils plus éle-vés? «C’est le contraire, et les recherches univer-sitaires tendent à démontrer que c’est un place-ment moins risqué. La logique est la suivante :lorsqu’on regarde un plus grand ensemble derisques, qui vont jusqu’à ceux d’ordre extrafinan-cier, qui sont moins traditionnels, cela veut direune gestion moins risquée. »

Les nouveaux fondsFort des succès remportés, le Mouvement

propose depuis peu de nouveaux produits à saclientèle, ce qui constitue «une première cana-dienne», à son avis. Il y a le «Fonds SociéTerreObligations environnementales », qui se pré-sente comme le premier fonds canadien à in-vestir dans les obligations environnementalesémises par des gouvernements et des sociétéspartout dans le monde.

Rosalie Vendette en dégage certaines carac-téristiques : « C’est une réponse directe aux en-jeux environnementaux et aux défis des change-

ments climatiques ; il s’agit d’obligations qui vi-sent à financer des projets ou des entreprises in-tervenant uniquement dans ce domaine. Ce sontdes titres à l’international dont la portée peut re-jaillir dans toutes sortes de collectivités. »

Elle fournit ces exemples : «On parle d’Apple,qui va financer un parc en énergie renouvelable,ou encore de la Ville de Londres et du gouverne-ment de l’Ontario, qui vont procéder au finance-ment de leur transport collectif. » L’investisseursera en mesure « d’associer carrément son ar-gent dans la lutte contre les changements clima-tiques. C’est tout nouveau, et on n’en a pas en-tendu beaucoup parler au Canada parce que cevéhicule-là n’a vraiment été connu qu’en 2012».

Il était auparavant l’apanage de la Banque mon-diale et du Fonds monétaire international, quiavaient développé ce produit financier ; c’est laraison pour laquelle le Mouvement a choisi dansce cas un gestionnaire de portefeuille basé à Pa-ris, qui investit un peu partout dans le monde.

Mme Vendette se tourne par la suite vers le« Fonds Desjardins SociéTerre Technologiespropres ». Il est le premier fonds commun deplacement au Canada qui of fre aux investis-seurs particuliers la possibilité de financer destechnologies et des solutions innovantes dans

le domaine de l’ef ficience énergétique et del’environnement.

Elle en décrit les caractéristiques financières :«Il investit dans des sociétés de petite et moyennecapitalisation un peu partout dans le monde. Saparticularité, c’est que les sociétés sont choisies enfonction des technologies propres.»

Le gestionnaire de portefeuille possède donccomme philosophie de placement de retenirdes entreprises qui combattent cer tainescontraintes et qui se tournent vers les énergiesrenouvelables, l’efficacité énergétique, le traite-ment des eaux et le contrôle de la population :« Ce sont des entreprises créatives qui dévelop-pent des technologies susceptibles d’apporter dessolutions à certains problèmes. »

Un autre fonds fait lui aussi son apparition dansla vitrine: le «Fonds Desjardins SociéTerre Ac-tions américaines». Comme son nom l’indique, ilintègre les critères environnementaux, sociaux etde gouvernance (ESG) dans la sélection de titresde compagnies américaines de grande qualité.

Ce tour des étagères achevé, Rosalie Ven-dette assure que Desjardins déploie toujours«une multitude d’initiatives qui contribuent petità petit à faire connaître l’investissement responsa-ble». Jusqu’aux prochains milliards, sans doute.

Desjardins cumule plus de 2 milliards de dollarsen investissement responsable

ISTOCK

Le gestionnaire de portefeuille possède comme philosophie de placement de retenir des entreprisesqui combattent certaines contraintes et qui se tournent vers les énergies renouvelables, l’ef ficacitéénergétique, le traitement des eaux et le contrôle de la population.

B O R I S P R O U L X

Collaboration spéciale

L es pratiques d’optimisationf isca le agress ives des

grandes multinationales lais-sent non seulement échapperdes revenus impor tants auxpays du monde, mais elles re-présentent aussi un risquepour l’investisseur. À mesureque le grand public prendconscience des stratagèmesutilisés, la « responsabilité fis-cale » commence à faire sonapparition comme un critèrede notation des entreprises.

Les scandales internatio-naux en matière d’évitementfiscal se succèdent : après lesPanama Papers, c’est au tourdes Bahamas Leaks d’embar-rasser de grandes entrepriseset de contrarier leurs action-naires. Dans un monde où lescapitaux voyagent allègre-ment, les investisseurs sont-ils bien outillés pour juger ducompas moral des entre-prises en matière d’optimisa-t ion f iscale, qui, au f inal,pourraient priver leur pays derevenus ?

François Meloche, directeurde l’engagement actionnarialchez Æquo, évite de parler demorale, mais choisit plutôt le

terme « responsabilité ». « Ilpeut y avoir un débat sur ce quiest moral. Même le concept dejustice est ouvert à l’interpréta-tion. Quand on parle de respon-sabilité, ça fait référence à laresponsabilité de chacun. Onest tous au moins responsablesde se poser la question !»

S’il croit que de meilleureslois sont nécessaires pourcombattre cette forme d’évite-ment fiscal, il croit que mêmeen l’absence d’un cadre régle-mentaire clair et internationa-lement accepté, «à long terme,une compagnie responsable vaavoir plus de succès».

La belle époque des paradis fiscaux

Nos lois ont été créées àl’époque où le monde était bienmoins mondialisé et intégrééconomiquement, et où les en-treprises étaient principalementnationales. «Maintenant : c’estun peu le chaos. En l’absenced’un gouvernement mondial, onn’a qu’une mosaïque désorgani-sée de lois et de règlements, diffé-rente dans chaque pays », ex-plique François Meloche.

Est-ce pour autant la pana-cée pour les grandes entre-prises qui désirent économi-ser des coûts en ne payant pas

d’impôt ? Pas nécessairement,selon le spécialiste de notationsociale et environnementaledes entreprises. « D’un pointde vue financier, il existe en faitdes risques dans les pratiquesagressives d’optimisation fis-cale. Il s’agit de risques pas né-cessairement intégrés dansl’évaluation des compagnies. »

Parmi ces risques existe ce-

lui de paraître dans un scan-dale financier, mais aussi celuides poursuites judiciaires desÉtats estimant que les loisn’ont pas été correctement sui-vies. De plus, l’embauche despécialistes de la fiscalité re-présente aussi des coûts pourles entreprises.

«Une démarche de l’investis-sement responsable implique de

tenir compte des risques associésà ces pratiques fiscales, maisaussi à la responsabilité des en-treprises envers les États. »

Finalement, les entre-prises ont avantage à ce quechacun paie sa part d’impôt,puisqu’elles profitent indi-rectement d’une foule de ser-vices gouvernementaux.

Selon François Meloche,« le risque n’est pas juste pourl’entreprise, pour la société,pour l’économie, mais aussipour les compagnies, qui profi-tent aussi des taxes des autres !Ça ne devrait pas juste être vucomme un coût, mais aussicomme un investissement dansle lieu qui permet à la compa-gnie de prospérer ».

La question des pratiquesfiscales s’invite de plus en plusdans l’évaluation des entre-prises, croit-il, à l’instar de laquestion environnementale,regroupée sous les critèresESG (environnemental, socialet de gouvernance).

Plus de transparenceUn défi demeure, et non le

moindre: comment responsabi-liser les entreprises sur le plandes pratiques fiscales agres-sives ? « Notre approche n’estpas de définir précisément ce qui

est agressif et ce qui ne l’est pas,explique François Meloche. Ondemande simplement aux com-pagnies d’être plus transpa-rentes. Je ne suis pas sûr que lep.-d.g. [d’une compagnie quiadopte ces pratiques] com-prend toujours tout ce qui sepasse. Parfois, les responsablesde la fiscalité peuvent toucherdes primes s’ils arrivent à faireéconomiser de l’impôt, ce qui lesporte à prendre certains risquesfiscaux. Nous, ce qu’on dit, c’est :il faut que l’information serende en haut.»

Il est aussi dif ficile d’avoirl’heure juste sur les activitésdes multinationales dans dif-férents pays. M. Melochesouligne qu’il existe des rai-sons légitimes pour les entre-prises de diviser leurs opéra-tions dans plusieurs pays, à lasuite d’acquisitions par exem-ple. Or, nombreuses sont lesentreprises qui ne dif fusentpas toute l’information sur lerôle de chaque entité ni lapart des profits réalisés danschacune d’entre elles, leurpréférant des chif fres agré-gés, opaques et cr yptiques.Par exemple, on préférera pu-blier le chif fre d’af faires glo-

Vers des investisseurs plus sensibles à la responsabilité fiscale

ISTOCK

La question des pratiques fiscales s’invite de plus en plus dansl’évaluation des entreprises.

VOIR PAGE I 3 : SENSIBLES

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FINANCEL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 E T D I M A N C H E 2 O C T O B R E 2 0 1 6 I 3

Ce cahier thématique a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont cependant pas de droit de regard sur les textes. Pour toute demande d’information quant au contenu de ce cahier, vous pouvez contacter par courriel Loïc Hamon, directeur des publications spéciales, à [email protected].

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Les grandes entreprises ont longtemps trouvéplus facile de ne pas chercher à savoir ce quise passe dans les usines de leurs fournis-seurs et sous-traitants à bas coûts situés dansdes pays en développement. Mais les chosessont en train de changer. C’est un élémentque viendra exposer Nicole Notat, présidentede la firme d’analyse des organisations surles enjeux environnementaux, sociaux et degouvernance Vigeo Eiris et ancienne secré-taire générale de la puissante Confédérationfrançaise démocratique du travail (CFDT),lors du « Colloque québécois de l’investisse-ment responsable, pour un avenir durable ».Cet événement est organisé le 19 octobre àMontréal par le Réseau PRI Québec.

CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

Un élément de plus en plus scruté

M A R T I N E L E T A R T E

Collaboration spéciale

Dacca, Bangladesh, le 24 avril 2013. Le RanaPlaza, dans lequel on trouvait cinq usines de

fabrication de textiles pour des distributeurs quiapprovisionnaient de grandes compagnies occi-dentales, dont Joe Fresh de Loblaw, s’effondre.Plus de 1100 travailleurs y ont perdu la vie, et plusencore ont été blessés. Pourtant, les employésavaient attiré l’attention des patrons la veille surles fissures du bâtiment. En guise de réponse, ilsavaient obtenu des menaces de congédiement.L’ampleur de la tragédie a fait frémir plusieursgrandes entreprises occidentales, qui ont réaliséle risque de ne pas porter une grande attention àla chaîne d’approvisionnement.

« Le Rana Plaza a fait le tour du monde et aapporté énormément de visibilité sur les questionsde la sécurité des installations, des conditions detravail et de la dignité des employés, et cette tragé-die a suscité beaucoup d’actions nouvelles », af-firme Nicole Notat, qui a fondé Vigeo en 2002,entreprise qui a fusionné avec Eiris l’an dernier.

L’Organisation internationale du travail(OIT) a déployé une mission sur le terrain, on acréé l’Accord sur les incendies et la sécurité,ainsi qu’un fonds d’indemnisation des victimes.

Une stratégie d’affairesLes changements dans les mentalités en ma-

tière de responsabilité sociale des entreprisesavaient tout de même été amorcés avant cettetragédie.

« Au cours des 15 dernières années, les entre-prises ont pris conscience du fait que la notationextrafinancière devenait un indicateur impor-tant pour les investisseurs», affirme Mme Notat.

Les services de Vigeo Eiris, qui évalue plusde 4000 entreprises, sont d’ailleurs principale-ment utilisés par des investisseurs qui souhai-tent en savoir davantage sur les façons dontles entreprises intègrent les facteurs sociaux,environnementaux et de gouvernance dansleurs activités.

«Avant, les actions en responsabilité sociale re-levaient de la bonne action sociétale, mais main-tenant, cela fait vraiment partie des stratégiesd’affaires, affirme Mme Notat. Les entreprises ontcompris que ces enjeux pouvaient avoir des effetsdirects sur leur réputation, ainsi que sur l’attrac-tivité de leurs produits et de leurs talents. Les or-ganisations non gouvernementales et les consom-mateurs ont les entreprises à l’œil pour s’assurerqu’elles contribuent à la recherche de solutionsaux problèmes de la planète, plutôt qu’elles empi-rent les choses. »

Des chiffres révélateursLes chiffres confirment la tendance observée

par l’experte. L’investissement responsable, quiprend en considération les enjeux environne-mentaux, sociaux et de gouvernance, prendmaintenant des proportions considérables. Et ilest en croissance. En 2012, il représentait prèsde 19 billions de dollars canadiens dans lemonde. C’est maintenant près de 30. L’investis-sement responsable représente aussi plus de30% du volume d’argent géré dans le monde.

« Cela signifie qu’énormément d’investisseursregardent les facteurs extrafinanciers avant dedécider de prendre des participations dans uneentreprise », affirme Nicole Notat, jointe par LeDevoir à Paris.

Elle constate d’ailleurs que les entreprisessont nombreuses maintenant à avoir créé unedirection du développement durable.

«Ces équipes ont comme défi d’aligner les stra-tégies et les opérations des entreprises avec lesgrands enjeux de développement durable. Parmiles préoccupations, les changements climatiques

ont pris les devants depuis de nombreuses an-nées. Tous les éléments qui tournent autour de laprévention de catastrophes naturelles et de laprotection de l’environnement sont devenus deséléments incontournables. »

Elle constate la même chose avec l’informa-tion donnée sur les produits, en agroalimen-taire notamment.

«Les consommateurs sont très sensibles quantà l’ajout de produits néfastes », dit-elle.

Angle mortAux yeux de Nicole Notat, malgré l’augmen-

tation de la sensibilité des entreprises par rap-port à la chaîne d’approvisionnement, cet enjeudemeure l’angle mort de la responsabilité so-ciale. Dans une récente étude réalisée à partirdes données récoltées auprès des entreprisesanalysées par Vigeo Eiris, moins de 7 % d’entreelles s’attardaient directement à l’enjeu de lachaîne d’approvisionnement.

Cela s’explique par dif férentes raisons.D’abord, pour les dilemmes qu’il crée.

« Les entreprises ont l’obligation de réduireleurs coûts, et cela peut les amener à risquer defaire af faire avec des fournisseurs et sous-trai-tants qui ne sont pas très regardants du côté desconditions de travail, des droits fondamentaux etde la prévention des accidents de travail », ex-plique Mme Notat.

Ensuite, parce qu’évaluer les conditions de tra-vail dans une longue chaîne d’approvisionnementavec une ribambelle de fournisseurs et sous-trai-tants demeure quelque chose de complexe.

«On peut facilement imposer des conditions àun sous-traitant de premier rang et bien sélection-ner ses fournisseurs, mais ces entreprises ont aussides fournisseurs et des sous-traitants, expliqueMme Notat. Cela crée un cercle concentrique quirend complexe la maîtrise totale de la chaîne.»

Certaines entreprises se démarquent tout demême déjà en la matière, mais Nicole Notatcroit qu’il reste énormément de travail à faire.

« Je crois que cet enjeu prendra de plus en plusd’importance dans les prochaines années. Lescrises comme ce qu’on a vu au Rana Plaza mar-quent les consciences et engendrent énormémentde progrès. Les distributeurs et les grandesmarques occidentales sont amenés à s’assurerque leurs fournisseurs et leurs sous-traitantsn’ont pas seulement comme préoccupation lemeilleur prix. »

MUNIR UZ ZANAN AGENCE FRANCE-PRESSE

La tragédie de l’usine de textile Rana Plaza, au Bangladesh, en 2013, a apporté énormément de visibilité aux questions de la sécurité, des conditionsde travail et de la dignité des travailleurs, souligne Nicole Notat, présidente de Vigeo Eiris, qui vient d’être nommée présidente du comité du label ISR(investissement socialement responsable) par le gouvernement français.

bal pour l’Amérique du Nordau lieu de le séparer entre lesactivités au Canada, auxÉtats-Unis ou aux Bahamas.« Il est important d’avoir l’in-formation pour comprendrepourquoi une entreprise a uneentité aux Bermudes. Qu’est-cequ’elle y fait ? »

Il y a, toutefois, des raisonsde se réjouir des avancées enmatière de transparence, se-lon le spécialiste. En Europe,illustre-t-il, le secteur ban-caire est régulé de telle sorte

à donner l’heure juste sur sesactivités, pays par pays. « Lespremiers investisseurs ont com-mencé à soulever la question ily a une dizaine d’années.Maintenant, c’est une questionsoulevée par les actionnairesde nombreuses compagnies. Ilfaut maintenant que l’indus-trie reprenne ça, comme ças’est fait pour la question envi-ronnementale », suggère Fran-çois Meloche. Dans un avenirrapproché, tous les grandsfonds devraient offrir des pro-duits financiers avec cettesensibilité à la question fis-cale, espère-t-il.

Le principal défi est d’agirde manière multilatérale, à

l’instar des grandes questionssur les droits de la personne,selon M. Meloche. « Pourl’instant, chaque pays prendses propres mesures. Pourtant,l’enjeu est plus grand dans lespays émergents, où les mon-tants des per tes fiscales sontfaramineux pour les pays. Çareprésente des sommes beau-coup plus impor tantes quel’aide internationale qui leurest envoyée ! » Bien plus com-plexe qu’une simple questioncomptable, le problème del’évitement fiscal doit doncêtre compris dans son ensem-ble, comme les autres grandsenjeux l iés aux inégalitésmondiales.

SUITE DE LA PAGE I 2

SENSIBLES

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FINANCEL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 E T D I M A N C H E 2 O C T O B R E 2 0 1 6I 4

Stan Dupré s’est donné unemission : sensibiliser lesgrands financiers à la néces-sité pour eux de se préoccu-per des changements clima-tiques. À cette fin, il a fondéà Paris son propre labora-toire d’idées… qu’il étend àprésent à l’ensemble de laplanète.

C L A U D E L A F L E U R

Collaboration spéciale

C omment faire en sorte queles investisseurs et les

grandes institutions prennentdésormais en compte l’impor-tance des changements clima-tiques dans leurs activités ?Voilà la question — et le défi,même — que relève StanislasDupré, un spécialiste des en-jeux d’investissement en cohé-rence avec les changementsclimatiques.

Après avoir travaillé dans degrandes entreprises françaises,puis avoir dirigé une firme-conseil auprès de banques etde grands investisseurs, il acréé 2°ii, c’est-à-dire Two De-grees Investing Initiative, à Pa-ris en 2012.

Ainsi, après avoir œuvré une

quinzaine d’années auprès degrands investisseurs, M. Du-pré en est finalement venu à laconclusion qu’« il est dif ficilede changer les choses, puisqu’engros, il faut parvenir à fairebouger en même temps les en-

treprises, les investisseurs, lesrégulateurs et les fournisseursde données », lance-t-il. Sou-vent, il s’est buté au fait que, sitous ces acteurs ne bougentpas en même temps, « ça de-vient vite très compliqué».

C’est précisément pourquoiil a créé 2°ii, un laboratoired’idées multiacteur. Il s’agit,précise-t-il, de mobiliser tout lemonde afin d’aligner les pro-cessus d’investissement desinstitutions financières avec

les scénarios climatiques, dedévelopper les indicateurs etles outils nécessaires pour me-surer la per formance clima-tique des institutions finan-cières, ainsi que de favoriser lamise en place d’un cadre ré-glementaire cohérent pourune économie décarbonisée.

En 2015, 2°ii a ouvert unedivision à New York et à Lon-dres, en plus de mener desprojets en Chine. «Notre projetest global, précise Stan Dupré,à la fois sur le plan géogra-phique et celui de la diversitédes acteurs impliqués. Nousrassemblons des institutions fi-nancières, des émetteurs, desdécideurs politiques, des insti-tuts de recherche, des experts etdes ONG pour accomplir notremission. »

En créant 2°ii, il aspirait àrassembler tous ces acteursautour d’une même table. « Ils’agit de parvenir à créer unevision, dit-il, de savoir vers quoitendre globalement et de tra-vailler avec les dif férents ac-teurs pour mettre en œuvrecette vision. »

En pratique, 2°ii vise à ren-dre cohérentes les politiquesd’investissement des grandesentreprises et grands investis-seurs selon les objectifs clima-tiques issus de l’accord conclu

à Paris en décembre dernierlors de la COP21.

La COP21 est impor tante,dit-il, dans la mesure où lagrande majorité des pays sesont mis d’accord pour viser unobjectif : limiter l’augmentationde la température moyenne duglobe à tout au plus 1,5 degré.«Ça donne une base de travailpour un objectif à atteindre, ex-plique M. Dupré, ce qui fait quec’est plus simple pour nous. Parexemple, on peut désormais dire:“Eh bien, voilà, tout le mondes’entend sur la direction à pren-dre…” » Mais pour la suite —l’accord de la COP21 étant noncontraignant —, il n’est pas fa-cile de faire bouger tout lemonde vers l’atteinte de l’objec-tif. « C’est une première étape,dit-il, un but à atteindre…quelque chose d’important.»

Progrès fulgurant, mais peu d’action

Étonnamment, Stan Duprérapporte que les choses pro-gressent plus rapidementqu’il l’avait espéré. « J’ai étésurpris de voir à quel point no-tre idée, notre objectif, a trèsvite fait son chemin, dit-il. Ona l’impression que les chosesvont beaucoup plus rapide-ment que ce qu’on avait ima-giné au départ. »

Ainsi, explique-t-il, lorsqu’en2012, il cherchait à sensibiliserles grands investisseurs auxconséquences et défis que re-présentent les changementsclimatiques, « on n’était peut-être que trois ou quatre dans lemonde à y travailler ! précise-t-il. Notre concept paraissait bi-zarre… Alors que, maintenant,il est porté par des régulateursfinanciers, par l’ONU, par deschefs d’État, etc. »

Par contre, le directeur etfondateur de Two Degrees In-vesting Initiative s’inquièteétant donné qu’on en parlebeaucoup, mais qu’on agit peu.«L’impact des investisseurs surle climat et l’économie réelle estquelque chose d’indirect, ob-serve-t-il, ce qui laisse beaucoupde marge pour dire un peun’impor te quoi et même pourfaire de l’écoblanchiment.»

Pas facile, donc, de passer àl’action, observe-t-il, en citantl’exemple de la pétrolièreExxon. Ce printemps, raconte-t-il, une proposition a été dépo-sée par des ac t ionna i r esd’Exxon demandant à l’entre-prise d’expliquer commentelle allait agir en regard deschangements climatiques. Or,l’ensemble des investisseurs arejeté la proposition, préférantne pas mettre dans l’embarrasles gestionnaires d’Exxon.

« On voit donc que, mêmepour des choses pas très enga-geantes, vous avez des investis-seurs qui reculent, obser veStan Dupré. Vous imaginezmaintenant ce qui va se passerlorsqu’il s’agira de leur deman-der de prendre des décisions dif-ficiles, de changer leur pland’investissement par exemple?»

« On es t à un tournant ,constate-t-il, et ce sera intéres-sant de voir comment toutcela va évoluer. Mais je resteoptimiste. »

Le Québec dans le peloton de tête?

C’est au sujet de cette « évo-lution » que viendra nous en-tretenir Stan Dupré à l’occa-sion du Colloque québécois del’investissement responsable.

« Au Québec , avance-t - i l ,j’ai vu qu’il y a pas mal d’in-vestisseurs qui se mobilisent,tels que la Caisse de dépôt etplacement, les fonds de pen-sion, etc. Ça me semble assezactif. » Il évoque aussi desdiscussions et réflexions surle plan ministériel qui visentà adopter des dispositionssemblables à celles prises enFrance quant à l’informationclimatique obligatoire à four-nir aux investisseurs.

«Pour l’instant, il me sembleque tout le monde est en phasede réflexion et que le Québecn’est pas à la traîne, mais plu-tôt dans le peloton de tête despays dans lesquels il se passedes choses intéressantes », in-dique l’analyste.

« À l’occasion du colloque deMontréal, je présenterai le ca-dre réglementaire européen enmontrant comment on pourraitl’adapter pour le Québec etcomment il est possible d’arri-ver à faire la même chose, maisde façon plus simple. »

CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Un labo d’idées pour faire «bouger» les grands investisseurs

Les produits en investissement responsable comprennent les Fonds SociéTerre, les Portefeuilles SociéTerre et les placements garantis liés aux marchés PrioriTerre. * Le taux de rendement indiqué est celui du Portefeuille SociéTerre Croissance maximale catégorie A au 31 août 2016 depuis création. Les Fonds Desjardins ne sont pas garantis, leur valeur fl uctue fréquemment et leur rendement passé n’est pas indicatif de leur rendement futur. Les rendements du Portefeuille SociéTerre Croissance maximale catégorie A au 31 août 2016, sont les suivants : 1 an, 4,71 % ; 3 ans, 8,70 % ; 5 ans, 8,78 % ; depuis création, 9,03 % (15 janvier 2009). Les taux de rendement indiqués sont les taux de rendement total annuel composé historiques en date du 31 août 2016 qui tiennent compte des fl uctuations de la valeur des titres et du réinvestissement de tous les montants distribués mais non des commissions d’achat et de rachat, des frais de placement, des frais optionnels ou de l’impôt sur le revenu payables par le porteur, lesquels auraient réduit le rendement. Un placement dans un organisme de placement collectif peut donner lieu à des frais de courtage, des commissions de suivi, des frais de gestion et d’autres frais. Veuillez lire le prospectus avant d’investir. Les Fonds Desjardins sont offerts par des courtiers inscrits dont Desjardins Cabinet de services fi nanciers inc., un courtier en épargne collective appartenant au Mouvement Desjardins, qui distribue les Fonds dans les caisses du Québec et de l’Ontario ainsi qu’au Centre fi nancier Desjardins.

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Ce printemps, une proposition a été déposée par des actionnaires d’Exxon demandant à l’entreprised’expliquer comment elle allait agir en regard des changements climatiques. Or, l’ensemble desinvestisseurs a rejeté la proposition, préférant ne pas mettre dans l’embarras les gestionnairesd’Exxon.

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La lutte contre les change-ments climatiques, le dévelop-pement durable, l’aide à l’en-trepreneuriat féminin, le déve-loppement des énergies renou-velables… Voilà quelques dos-siers dans lesquels FondactionCSN est impliqué financière-ment. Et l’année 2015-2016 aété particulièrement fertile ences domaines et d’autres. Tourd’horizon.

S T É P H A N E G A G N É

Collaboration spéciale

L orsqu’on demande à Gene-viève Morin, chef de l’in-

vestissement chez Fondaction,de parler des bons coups duFonds au cours de la dernièreannée, elle se fait volubile.

FemmessorAinsi , tout récemment,

Fondaction a investi huit mil-lions de dollars dans Fem-messor, un nouveau fondsqui soutiendra l’entrepreneu-riat féminin. « Grâce à unecontribution d’InvestissementQuébec de huit millions dedollars et à une contributionde Femmessor de trois mil-lions, ce fonds disposera d’untotal de 19 millions de dollarspour octroyer des prêts de20 000 à 150 000 $ à desfemmes entrepreneures », ex-plique Mme Morin. Le réseauFemmessor, qui s ’est re-str ucturé récemment pourdevenir un fonds d’investisse-ment, a soutenu en bientôt15 ans le démarrage de 750p r o j e t s m e n é s p a r d e sfemmes, permettant ainsi lacréation de 3000 emplois.

Marie Saint PierreEn mars 2016, autre initia-

tive intéressante, Fondactions’associe à la designer demode Marie Saint Pierre eninvestissant 750 000 $ dansson entreprise. «Maison SaintPierre est l’une des rares entre-prises québécoises dans l’indus-trie de la mode à ef fectuer l’en-semble de ses activités [design,fabrication, vente et distribu-tion], dans ses locaux du quar-tier Ahuntsic à Montréal », ex-plique la chef de l’investisse-ment de Fondaction. Fondéeen 1987, Marie Saint-Pierreest une griffe montréalaise re-connue qui propose du prêt-à-porter féminin, des parfums,de la maroquinerie, des acces-soires et la collection Habitatpour la maison.

Un gros distributeur desirop d’érable de retour

Les initiatives de Fondactionpermettent aussi parfois d’ac-quérir des entreprises qui œu-vrent ici, mais dont l’actionna-riat est étranger. C’est ce quis’est produit avec LB MapleTreat, un important distribu-teur de sirop d’érable situé àGranby, qui offre du sirop bio-

logique par l’intermédiaired’un vaste réseau d’approvi-sionnement comptant plus de550 producteurs. Grâce à ungroupe d’investisseurs québé-cois dont Fondaction fait par-tie, l’entreprise est aujourd’huide propriété québécoise de-puis février 2016.

Fresche revient au Québec

Rapatrier des actifs au Qué-bec, Fondaction l’a aussi faitavec succès en 2010 avec leconcepteur de logiciels Fresche(autrefois nommé Speedware).Créé en 1976, Speedware aconnu une ascension rapide quia attiré l’attention d’investis-seurs américains. Dans les an-nées 1990, une grande entre-prise américaine l’acquier t,mais les dirigeants de Speed-ware sont rapidement déçus deleur décision et souhaitent ra-cheter l’entreprise. Après avoirnégocié en vain leur rachatavec l’entreprise mère, l’inter-vention de Fondaction permetenfin à la transaction de se réali-ser. Aujourd’hui, revenu auQuébec, Fresche bénéficie tou-jours du soutien de Fondactionpour poursuivre sa croissance.Ainsi, en juin 2016, l’entreprisea acquis l’importante entrepriseinformatique Quadrant LLCgrâce au soutien financier deFondaction CSN, du Fonds desolidarité FTQ et de la Banquede Montréal.

Norforce ÉnergieEn octobre 2015, Fondac-

tion a eu l’occasion de concré-tiser un peu plus son intérêtdans la lutte contre les chan-gements climatiques. « NotreFonds Biomasse Énergie a réa-lisé un premier investissementde 400 000 $ dans l’entrepriseNor force Énergie, en Abitibi,assure Mme Morin. Ces sous ontpermis d’installer un système depréchauf fage de l’air fonction-nant à la biomasse forestière ré-siduelle dans la mine Casa Be-rardi. Il permettra d’économi-ser du propane et d’éviterl’émission de 2700 tonnes degaz à ef fet de serre [GES]chaque année. »

Le Fonds Biomasse Éner-gie, créé en mai 2015, estdoté d’une capitalisation de20,2 millions de dollars, dont10 millions proviennent d’In-vestissement Québec, 10 mil-l i o n s d e F o n d a c t i o n , e t200 000 $ de la Fédérationquébécoise des coopérativesforestières. Il a pour objectifde contribuer à réduire lesémissions de GES, limiter no-tre dépendance aux énergiesfossiles, stimuler les emploislocaux et aider à la diversifi-cation économique de l’indus-trie forestière.

Mme Morin mentionne d’ail-leurs que Fondaction s’est en-gagé à investir 50 millions endeux ans dans des entreprisesqui contr ibuent à la luttecontre les changements clima-tiques. « Dans le même esprit,nous avons décidé l’an dernier

de retirer tous nos investisse-ments au sein d’entreprises quiœuvrent dans le secteur desénergies fossiles », dit-elle.

Un acteur clé pour l’économiequébécoise

Les multiples activités deFondaction ont eu depuis1995 leurs ef fets sur l’écono-mie québécoise. « Fondactionet ses fonds partenaires ont per-mis la création ou le maintiende plus de 32 000 emplois di-rects et indirects en 2015-2016,nous avons un actif de 1,5 mil-liard, plus de 850 entreprisesd’ici ont bénéficié de notre sou-tien, et nous avions, en date du31 mai 2016, 131 000 action-naires », dit Mme Morin. Le cré-dit d’impôt de 35 % of fert parles gouvernements fédéral etprovincial constitue sanscontredit un bon incitatif pourles Québécois à y investirleurs économies.

Cependant, pour que lesgestes posés par le Fonds

aient le maximum d’impactsur l’économie, les dirigeantsfavorisent le par tenariat .« Nous sommes ainsi par te-naires dans une quarantainede fonds d’investissement », ditMme Morin, qui cite commeexemples le Fonds InnovEx-por t, qui aide au démarraged’entreprises innovantes, Cy-cle Capital, qui œuvre dans ledomaine des technologiespropres, iNovia Capital (tech-nologies de l’information) etla Fiducie du Chantier del’économie sociale (entre-prises en économie sociale).

Mme Morin croit enfin quel’investissement responsabledeviendra un acteur écono-mique incontournable dans lesprochaines années. Ses actionsdoivent donc être connues.Fondaction est d’ailleurs l’undes commanditaires du 3e Col-loque québécois de l’investis-sement responsable, qui setiendra le 19 octobre prochainà l’hôtel Hyatt Regency, àMontréal.

Fondaction, leader de l’investissementresponsable québécois

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Le Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ)

a pour mission de traiter l’enjeu de la relève

des dirigeants, de la valorisation et du transfert

d’entreprise. Le CTEQ accompagne les cédants

et les repreneurs sur l’ensemble du processus,

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et de favoriser la pérennité des entreprises

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«Notre Fonds Biomasse Énergie a réalisé un premier investissement de 400 000$ dans l’entreprise Norforce Énergie, en Abitibi,assure Geneviève Morin, chef de l’investissement chez Fondaction. Ces sous ont permis d’installer un système de préchauffage de l’airfonctionnant à la biomasse forestière résiduelle dans la mine Casa Berardi. Il permettra d’économiser du propane et d’éviter l’émissionde 2700 tonnes de gaz à ef fet de serre [GES] chaque année. »

P I E R R E V A L L É E

Collaboration spéciale

C’ est en septembre 2014qu’entrait en vigueur

l’Engagement de Montréalsur le carbone (Montreal Car-bon Pledge). Au moment de lasignature de cette entente, oncomptait environ 120 institu-tions financières, dont plu-sieurs investisseurs institu-tionnels, qui représentaient10 000 milliards (10 trillions)de dollars US d’actifs sousgestion. Qu’en est-il deux ansplus tard ?

Si le nombre d’institutions etle montant sous gestion sontdemeurés les mêmes, peut-onpour autant parler de stagna-tion ? « Non, au contraire, leschoses ont énormément évolué,estime Daniel Simard, direc-teur général de Bâtirente, l’undes signataires de l’Engage-ment de Montréal sur le car-bone et pionnier québécois enmatière investissement res-ponsable. Évidemment, nousaurions voulu augmenter lenombre de signataires, on y tra-vaille, et cela se produira sansdoute un jour. Mais le progrèss’est réalisé sur d’autres plans,notamment par de meilleuresconsolidation et coordinationentre les signataires.»

Rappelons que l’Engage-ment de Montréal sur le car-bone enjoignait aux signa-taires de mesurer l’empreintecarbone de leurs portefeuillesrespectifs et d’en divulguer lesrésultats. «Ce que l’on a vu ap-paraître ces deux dernières an-nées, c’est une plus grande pé-nétration et une meilleure com-préhension des enjeux liés aucarbone. Un bon nombre d’évé-nements et de conférences ontété organisés sur le sujet. »

Un autre changement nota-ble, selon Daniel Simard, estque les signataires de l’Enga-gement de Montréal sur le car-bone ont élargi leurs champsd’action. « L’Engagement deMontréal sur le carbone portaituniquement sur la mesure et ladivulgation de l’empreinte car-bone. Ce que l’on constate au-jourd’hui, c’est que de nom-breux signataires vont plus loinet mettent en place des initia-tives et des mesures visant à dé-carboniser leurs portefeuilles. »

C’est que, de plus en plus,les gestionnaires, tout commeles investisseurs, commen-cent à reconnaître les risquesfinanciers rattachés aux actifsétroitement liés au carbone.« Dans le monde habituel de lafinance, ce qui compte en pre-mier, ce sont les rendements àcourt terme, ceux du prochaintrimestre. Mais dans la financedurable, on doit avoir une pers-pective à plus long terme, etc’est là qu’entrent véritable-ment en scène les enjeux finan-ciers liés au carbone. On saitque les changements clima-tiques dus à l’émission des gazà ef fet de serre provoqueront denombreux bouleversements surla planète et que ces bouleverse-ments auront un impact écono-mique. Par exemple, une caissede retraite doit obtenir un ren-dement qui lui permet, danstrente ou quarante ans, de s’ac-quitter des obligations qu’elle aenvers ses cotisants actuels.C’est sa responsabilité fidu-ciaire. Mais comment s’assurerque ce rendement sera au ren-dez-vous si elle possède des ac-tifs liés au carbone et que cesderniers ont perdu de leur va-leur ? Ces actifs deviendrontalors des passifs, donc aussi

bien en tenir compte dès au-jourd’hui. Nous amorçons unetransition vers une économiesans carbone. Elle n’est peut-être pas assez vite pour cer-tains, mais elle est bien réelle.Si on ne s’occupe pas du car-bone, le carbone, lui, va s’occu-per de nous. »

Un nouveau joueurquébécois

Un nouveau joueur québé-cois dans le domaine de l’in-vestissement responsable a ré-cemment vu le jour, le cabinetÆquo. Cette entreprise estnée grâce à l’initiative de Bâti-rente et du Regroupementpour la responsabilité socialedes entreprises (RRSE). « Nosdeux organisations avaient desdémarches similaires en inves-tissement responsable, et nousétions souvent assis aux mêmestables, explique Daniel Simard.Alors, pourquoi ne pas mettreensemble nos savoirs et nosconnaissances afin de les of frirà des tiers? C’est pourquoi on afondé Æquo.»

Æquo of fre de l’accompa-gnement et des ser vices-conseils aux entreprises cotéesen Bourse qui veulent progres-ser en matière de pratiquesESG, soit environnementales,sociales et de gouvernance.«Æquo est en quelque sorte unnouveau genre de gestionnaire.L’action d’Æquo repose sur lesprincipes de l’investissement res-ponsable, les PRI, notammentla constitution d’actifs ESG et latransparence liée à ses actifsESG. Æquo aide ses clients àbien cerner leurs attentes et àsaisir les occasions qui se pré-sentent. Elle aide aussi sesclients à bien évaluer et gérerles risques extrafinanciers desactifs. »

Le rayon d’action d’Æquo selimite présentement au Ca-nada, et principalement auQuébec. « C’est que la proxi-mité avec nos clients est un fac-teur de succès. Nous espéronséventuellement étendre notrerayon d’action aux États-Unis. »

Situation québécoiseQu’en est-il de la situation

de l’investissement responsa-ble au Québec. Le Québec, enc e t t e m a t i è r e , e s t - i l b o njoueur ? « Ma foi, oui, quandon regarde les investisseursquébécois, gros et petits, quiadhèrent aujourd’hui aux PRI.Il reste évidemment du cheminà faire, mais le Québec est bienengagé dans cette voie. Et noussommes devenus de plus enplus compétents pour aborderces questions. »

D’ailleurs, le Réseau PRIQuébec tiendra à ce sujet uncolloque d’une journée, soit le19 octobre. Les principauxthèmes de discussion seront lafiscalité et l’investissementresponsable, la situation post-COP21, et les pratiques en in-vestissement responsablechez les grands investisseursinstitutionnels.

« La lutte contre les change-ments climatiques et la décar-bonisation de l’économie sontincontournables, et le milieu dela finance a une contribution àapporter. On croit trop souventà tor t que la finance durablenuit au rendement, mais lesétudes démontrent le contraire.Non seulement il n’y a pasperte de rendement, mais la fi-nance durable permet d’éviterles risques pour les portefeuillesdont les actifs liés au carbonesubiront, tôt ou tard, une sé-rieuse dévalorisation. »

Où en est-on en finance responsableaprès l’Engagement de Montréal ?

Dans le monde habituel de lafinance, ce qui compte en premier, ce sont les rendements à court terme,ceux du prochain trimestre. Mais dansla finance durable, on doit avoir uneperspective à plus long terme, et c’est làqu’entrent véritablement en scène les enjeux financiers liés au carbone.Daniel Simard, directeur général de Bâtirente

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A u Québec , on es t imequ’environ 40 000 entre-

prises changeront de maind’ici quelques années ; pourles propriétaires, qui aussisont souvent les fondateursde ces entreprises, l’heure dela retraite est arrivée. Mais lacession et la reprise d’uneentreprise sont une af fairedélicate, surtout si le cédanttient à assurer la pérennité etla bonne réputation de sonentreprise.

« Selon la complexité du dos-sier, bien réussir un transfer td’entreprise prend entre deux ethuit ans, souligne Vincent Le-corne, directeur général duCentre de transfer t d’entre-prise du Québec (CTEQ). Etle succès réside dans une seulechose : la planification. »

L’un des éléments impor-tants de cette planification estl’évaluation de la valeur del’entreprise à transférer. « Lepropriétaire attribue une va-leur à son entreprise, mais cettevaleur est souvent teintée parl’émotion. J’espère, je crois, ilme semble que mon entreprisevaut tel prix. Mais lorsque jeparle à des cédants, je réaliseque très peu d’entre eux ont faitun exercice sérieux d’évalua-tion. Cer tains en ont parlé àleur comptable ou à leur avo-cat, mais en cette matière, rienne vaut les services d’un éva-luateur agréé. Le prix à payerpour avoir une évaluation ex-terne neutre est préférable à ce-lui de demeurer avec une éva-luation basée en partie sur sesimpressions. »

L’évaluation externe permetde donner au propriétaire unecible réaliste quant au prixqu’il peut s’attendre à recevoirpour le transfer t de l’entre-

prise. Elle permet aussi demettre en lumière cer tainesfaiblesses de l’entreprise, et lepropriétaire peut alors entre-prendre une valorisation deson entreprise. «C’est le tempsde faire le ménage dans lacomptabilité et dans la fiscalité.C’est le temps de revoir l’organi-sation, de parler aux employés,de les mettre en valeur, de lesrassurer et de s’assurer qu’ilsveulent continuer à travaillerpour l’entreprise. C’est la der-nière occasion pour le cédantde s’assurer que son entrepriseva lui survivre, ainsi que la ré-putation de celle-ci et ses obliga-tions, notamment auprès de sacommunauté. »

Le repreneurSi la moyenne d’âge des cé-

dants est de 69 ans, selon leschif fres du CTEQ, celui desrepreneurs se situe à 38 ans.« C’est que la reprise d’une en-treprise est une excellente ma-nière de se lancer en af faires.Avec la reprise d’une entre-prise, on acquiert des avoirs, etavec des avoirs, il est plus faciled’obtenir du financement au-près d’une institution finan-cière qu’avec seulement unplan d’affaires en main. »

Y a-t-il un repreneur idéal ?« La première qualité d’un re-preneur est d’être avant tout unbon gestionnaire. Évidemment,connaître le secteur dans lequelévolue l’entreprise que l’on re-prend est un atout, mais ce n’estpas une obligation. Un repre-neur peut facilement s’entourerd’exper ts qui ont une bonneconnaissance du secteur.»

De plus, le repreneur peutcompter sur l’expertise du cé-dant et des employés de l’en-treprise. « Contrairement àl’achat d’une entreprise, où iln’y a qu’un échange de chèqueentre le vendeur et l’acheteur, le

transfert d’une entreprise com-prend une phase et un plan detransition. En général, le repre-neur va déposer auprès du pro-priétaire une partie du prix del’achat, la balance de paiementdevant être versée selon unéchéancier convenu entre lesparties. C’est pendant cette pé-riode de transition que le good-will de l’entreprise, soit l’exper-tise et les savoirs contenus ausein de l’entreprise, est vrai-ment transféré. Le cédant est làpour faire le lien entre le repre-neur et les clients et fournis-seurs de l’entreprise, de sorte àrassurer tous les intervenantssur la suite des choses. »

Une fois cette période detransition réalisée et la ba-lance des paiements menée àbien, le repreneur peut alorsfaire cavalier seul. «La plupartdes repreneurs ont la fibre en-trepreneuriale et voudrontcertes introduire de nouvellesidées, comme de nouveaux pro-duits et services. Mais la transi-tion aura permis de consoliderla position du repreneur avant

que ce dernier se lance dans unplan de développement. »

Le CTEQLe Centre de transfert d’en-

treprise du Québec est un or-ganisme sans but lucratif qui avu le jour en mars 2015. Il estprésentement entièrement fi-nancé par le ministère del’Économie, de la Science etde l’Innovation. Il n’a qu’unseul mandat : favoriser letransfert harmonieux des en-treprises québécoises.

« Notre conseil d’administra-tion comprend des gens d’af-faires de tous les secteurs del’activité économique, ainsi quede toutes les régions du Québec.Nous avons aussi des conseil-lers dans chaque région duQuébec. » Le CTEQ offre plu-sieurs services, à la fois auxcédants comme aux repre-neurs. « Nous of frons aux cé-dants des services-conseils dansla valorisation d’une entre-prise, et nous of frons des ser-vices de planification d’untransfer t autant aux cédants

qu’aux repreneurs. Ce servicede planification est une sor ted’accompagnement des entre-preneurs tout au long du pro-cessus de transfer t. De plus,nous of frons une série de for-mations pour les cédants et lesrepreneurs. »

Mais l’un des principauxobstacles au transfert des en-treprises est celui de l’informa-tion. Comment faire rencon-trer un cédant et un repre-neur ? « C’est pourquoi nousavons mis en place un registre,que nous appelons l’Index, oùsont référencés les noms des cé-dants et des repreneurs, etmême ceux d’experts indépen-dants qui s’y sont inscrits. Celapermet un maillage entre lesdifférentes parties. »

Pour le moment, l ’Indexcompte un cédant pour dix re-preneurs. « Il y a un ef for t àfaire afin de convaincre davan-tage de cédants à s’inscrire àl’Index. » Malgré ce léger hic,le CTEQ a réussi dès sa pre-mière année à réaliser trentetransferts d’entreprises.

TRANSFERT D’ENTREPRISE

Une opération plus délicate qu’il n’y paraîtNicole Notat, présidente de lafirme Vigeo Eiris, dressera unbilan où seront présentés lesaméliorations et ce qu’il resteencore à faire. Rosalie Ven-dette ajoute qu’on pourra alorstrouver des pistes pour savoir« comment faire pour s’assurerque ce qu’on veut sur le plandes droits de la personne se re-trouve chez les fournisseurs».

Finalement, le colloqueabordera un sujet délicat, soitla fiscalité et l’investissementresponsable dans un mondeglobalisé. Il est important icide distinguer l’évasion fiscalee t l ’ op t imisa t ion f i sca le ,puisque l’évasion est illégale et« l’optimisation n’est pas uncomportement illégal ». «On vaplutôt aborder la question enfonction de la responsabilité so-ciale des entreprises : qui paiesa juste part d’impôt ? On a ledouble défi dans ce panel de dé-mystifier les deux concepts, deparler d’optimisation et d’expli-quer ce qu’on souhaite qui soitfait — ce qui va certainementsusciter des débats dans le pa-nel —, de même que de se ren-dre jusqu’aux investisseurs et devoir quelles sont les solutionsqu’ils mettent en avant. »

En conclusion, Rosalie Ven-dette déclare que non seule-ment ce colloque ser vira àfaire le por trait de ce qui sepasse dans le monde de l’in-vestissement responsable,mais il tentera aussi de dé-montrer que, collectivement,nous sommes tous responsa-bles. « Si les gens prennentconscience de ce mode d’inves-tissement, ils pourront ensuitese renseigner, poser des ques-tions et l’exiger. »

3e Colloque québécois del’investissement responsable,

pour un avenir durable19 octobre 2016De 8h30 à 16 h

Hyatt Regency Montréal

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L’évaluation externe de la valeur d’une entreprise permet de donner au propriétaire une cible réalistequant au prix qu’il peut s’attendre à recevoir pour le transfert de son entreprise.