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  • 7/29/2019 Nouvelles 86

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    86

    Survivalles nouvelles de

    janvier 2013

    La passivit cest fini!

    Construire le vivreensemble en Nouvelle-Caldonie

    Halte la violence auBangladesh

    Portfolio : Frank A.Rinehart

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    32

    Sommaire

    Echos des campagnes

    Halte la violence dans les

    Chittagong Hill Tracts

    Raja Devasish Roy

    Portfolio

    Frank A. Rinehart

    Construire le vivre ensemble

    Roch Wamytan

    La passivit, cest fini!

    Pierre Beaucage

    Les Nouvelles de Survival n86, janvier 2013

    Prix de ce numro : 4 abonnement : 15 Directeur de la publication : J.-P. Razon

    Rdaction : S. Baillon, D. Dauzier, J.-P. Razon

    Imprimerie : Corlet, Cond-sur-Noireau

    ISSN : 1154-1210 CP : 1009G89188

    Dpt lgal : 1er trimestre 2013

    Survival International (France)

    Association reconnue dutilit publique

    Photo couverture : Mosteose (Holy Rabbit), Iowa

    Frank A..Rinehart, 1898.

    Merci la Boston Public Library et particulirement

    Karen S. Shafts.

    Le supplment de limpression en quadrichromie de

    ce numro a t gnreusement offert par notre

    imprimeur.

    Ce numro peut tre lu en ligne ou tlcharg en

    format PDF ladresse suivante :

    www.survivalfrance.org/actu/publication

    Survival International France

    18 rue Ernest et Henri RousselleParis 75013

    T (33) 1 42 41 47 62

    [email protected]

    Survival aide les peuples

    indignes dfendre leur vie,

    protger leurs terres et

    dterminer leur propre avenir

    Survivalles nouvelles de

    Le 11 dcembre 2012, Theresa Spence, chef de la rserve cri

    d'Attawapiskat dans le nord de l'Ontario au Canada, entreprenait

    une grve de la faim pour protester contre les gr aves problmes

    sociaux auxquels est confronte sa communaut.

    La rvolte de Theresa Spence a t l'tincelle qui a enflamm un

    mcontentement croissant des Indiens contre les politiques nolibrales du

    gouvernement fdral. Cest ainsi qua surgiIdle No More, un mouvement de

    soutien leurs revendications et de protestation contre un gouvernement qui,

    quelques mois auparavant, avait adopt deux lois sclrates prvoyant des

    restrictions sans prcdent des droits autochtones sur leurs terres et leurs

    ressources.

    Le mouvement a pris, au fil des semaines, une ampleur nationale il sest

    dissmin dans plusieurs villes des provinces du Saskatchewan, du Manitoba, du

    Qubec, de lOntario et au-del mais aussi internationale : aprs des

    manifestations aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zlande ou Hawa, un

    rassemblement est prvu Paris le 16 fvrier.

    Idle No More que nous traduisons par La passivit cest fini, fait rfrence la

    fin dune certaine apathie des peuples autochtones du Canada (Premires

    Nations, Mtis et Inuit) et leur volont de se mobiliser pour agir en sappuyant

    largement sur les rseaux sociaux.

    Simultanment, lautre extrmit du continent, au sud de lArgentine, la trs

    forte mobilisation des communauts indiennes mapuche-tehuelche et des

    assembles provinciales a eu raison de lune des plus puissantes entreprises

    minires du monde qui savre tre... canadienne. La Pan American Silver

    Corporation vient de cder sous la pression des manifestants : elle nexploitera

    pas le site minier de Navidad, dans la province de Chubut, lun des plus grands

    gisements de plomb et dargent non encore exploits.

    Il y a fort parier que cette forme daction qui catalyse des forces autour de la

    cause des peuples indignes est appele se gnraliser, amenant lopinion

    publique internationale prter plus dattention aux problmes auxquels ils sont

    confronts et leurs revendications. I

    4

    6

    8

    10

    14

    La passivit, cest

    fini!

    PARIS LONDRES MILAN MADRID BERLIN AMSTERDAM SAN FRANCISCO

    En couverture : Mosteose (Holly Rabbit) Iowa Frank A.Rinehart 1898

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    conflit est le manque de volont du

    gouvernement de protger les droits

    en particulier territoriaux des

    peuples tribaux dont les terres sont

    accapares pour des projets industriels.

    Survival International a crit auministre de lintrieur, P.

    Chidambaram, pour lexhorter

    mettre fin au harclement et la

    dtention de ceux qui manifestent

    pacifiquement contre les violations de

    droits de l'homme en Inde.

    Safaris humains

    Malgr le scandale international

    quont suscit les safaris humains dans

    les les Andaman, les autorits de

    l'archipel continuent d'ignorer une

    dcision de justice visant tablir une

    zone tampon autour de la rserve de la

    tribu des Jarawa permettant

    d'empcher les intrusions de touristes

    et autres envahisseurs. Survival a

    exhort la Cour suprme indienne

    prendre des mesures immdiates pour

    faire cesser l'exploitation touristique de

    la tribu.

    MalaisieUltimatum des Penan au

    gouvernement

    Le 1er novembre dernier, les Penan du

    Sarawak, ont suspendu le sige de la

    route du barrage de Murum et ont

    accord un dlai au gouvernement

    pour leur garantir des indemnits et

    des terres cultivables afin de palier aux

    effets ngatifs du futur barrage.

    Premier dune srie de 12 nouveaux

    barrages prvus au Sarawak, il

    inondera les terres des Penan dont plus

    dun millier devront tre dplacs.

    RussieMenaces sur les ONG

    RAIPON, lassociation russe des

    peuples indignes du Nord, a t

    contrainte de suspendre ses activits en

    octobre suite une rpression

    gouvernementale l'encontre des

    ONG. RAIPON a fait plusieurs

    propositions de modification de ses

    statuts pour qu'ils restent en

    conformit avec la loi, mais legouvernement les a toutes rejetes.

    Le mme mois, des tireurs masqus

    ont pris d'assaut le sige de la

    cooprative Dylacha des Evenk de

    Buryatia en Sibrie et ont enlev deux

    hommes vers une destination

    inconnue. En Russie, les lois relatives

    aux ONG sont frquemment

    modifies dans le but de contrler

    leurs liens avec les organisations

    internationales.

    CanadaDclin dramatique des rennes

    Selon les dnombrements officiels, le

    troupeau de rennes de la rivire

    George, qui tait autrefois le plus

    grand du monde, a t rduit une

    infime portion de sa taille originelle.

    Ce dclin sans prcdent suscite la vive

    proccupation des peuples indignes

    de la rgion qui estiment que les

    projets industriels et miniers canadiens

    en sont la cause principale.

    Royaume-UniLa Couronne ignore les peuples

    indignes

    Le gouvernement britannique ne

    ratifiera pas la Convention 169 relative

    aux peuples indignes et tribaux de

    l'Organisation Internationale du

    Travail, malgr les promesses du parti

    libral en 2009. Cette dcision a

    choqu les partisans de cette

    Convention, d'autant que les activits

    des compagnies britanniques dans le

    monde ont un impact majeur sur les

    peuples indignes. La Convention 169

    qui, jusqu' prsent n'a t ratifie que

    par 22 pays, est la seule lgislation

    internationale contraignante en faveur

    des peuples indignes. Elle reconnat

    leurs droits la proprit collective de

    leurs terres, l'autodtermination et

    la consultation sur tout projet les

    affectant.

    BotswanaLa rpression continue

    Dbut janvier, trois enfants bushmen

    de la rserve du Kalahari ont t

    arrts et emprisonns par la police

    paramilitaire botswanaise parce quils

    taient en possession de viande

    dantilope.Cest le dernier en date des

    actes de rpression perptrs par les

    autorits dans le cadre dune nouvelle

    politique gouvernementale visant

    intimider les Bushmen qui sont

    retourns dans la Rserve aprs leur

    victoire juridique de 2006. Mais

    depuis lors, les Bushmen qui

    dpendent principalement de la chasse

    et de la cueillette sont rgulirement

    opprims par un gouvernement qui ne

    leur reconnat aucun droit notam-

    ment celui de chasser sur leur

    territoire ancestral.

    5

    BrsilTuez-nous et enterrez-nous ici

    Cest par ces termes que les Indiens

    guarani de lEtat du Mato Grosso do

    Sul ont lanc, en octobre dernier, un

    appel dsespr au gouvernementbrsilien aprs avoir appris quils

    allaient tre expulss de leur territoire

    ancestral. Leur appel a t relay par

    de nombreux rseaux sociaux et a

    mobilis des milliers de sympathisants

    dans le monde entier. Un juge les a

    finalement autoriss rester sur leur

    territoire jusqu' ce que celui-ci soit

    dlimit et officiellement reconnu.

    Fin novembre, une autre communaut

    guarani dnonait la pollution de sa

    principale source deau par un

    propritaire terrien qui occupe son

    territoire depuis deux ans. Une autre

    communaut affecte par la prsence

    d'un gant nord-amricain de

    l'agroalimentaire dnonce linvasion de

    la canne sucre sur son territoire

    ancestral associe lutilisation de

    pesticides qui ruinent leur vie et leur

    environnement depuis quatre ans.

    Parc Yanomami : 20 ans dj

    Environ 700 membres de plusieurs

    communauts yanomami se sont

    runis en octobre pour participer la

    crmonie du vingtime anniversaire

    de la reconnaissance du territoire

    yanomami par le gouvernement

    brsilien. Survival qui a men

    campagne pendant plus de 20 ans

    auprs des Yanomami tait parmi les

    invits. Cinq jours de dbats intenses

    ont t ponctus par de fastueuses

    crmonies. Lun des principaux

    points qui a t dbattu est le projet de

    loi minire qui risque douvrir les

    territoires indignes l exploitation

    minire grande chelle.

    Les Aw attendent une rponse

    Alors que prs de 50 000 personnes se

    sont mobilises dans la campagne de

    soutien aux Aw lance lan dernier

    par Survival, leurs revendications sont,

    ce jour, restes sans rponse. Dbut

    novembre, une dlgation de quinze

    Aw sest rendue la capitalebrsilienne pour exhorter le

    gouvernement expulser leurs

    envahisseurs et protger leur

    territoire. Ce qui ne la pas empch

    de donner son feu vert l'expansion

    dune voie de chemin de fer qui

    menace dangereusement la tribu.

    Survival a lanc une opration de

    sensibilisation d'envergure

    internationale l'occasion de la

    Journe internationale des droits de

    l'homme le 10 dcembre :

    www.survivalfrance.org/awa-action

    ProuLe tourisme, une menace pour

    les Indiens isols

    Survival a lanc dbut novembre une

    campagne de sensibilisation

    l'attention des touristes qui se rendent

    sur le site archologique du Machu

    Picchu. Plusieurs groupes d'Indiens

    isols vivent en effet dans la rserve de

    Kugakapori-Nahua-Nanti, moins de

    cent kilomtres de la citadelle inca.

    Bien que cette rserve soit protge, le

    gouvernement a lintention den ouvrir

    certaines parties l'exploration

    ptrolire et gazire. Survival a appel

    le gouvernement pruvien cesser

    toute exploitation des territoires

    habits par des Indiens isols et

    respecter son engagement de ne pas

    lancer de nouveaux projets de

    dveloppement dans la rgion.

    ColombieTentative d'assassinat dun

    leader arhuaco

    En novembre dernier, Rogelio Meja,

    Indien arhuaco, lun des plus

    importants leaders indiens de

    Colombie, a t victime d'une tentative

    d'assassinat alors quil circulait en

    voiture avec une charge de campagne

    de Survival dans les contreforts de la

    Sierra Nevada de Santa Marta. Les

    Arhuaco sont en premire ligne dumouvement indien en Amrique du

    Sud. Plusieurs de leurs leaders ont t

    assassins et un nombre considrable

    d'Indiens ont t tus dans le conflit

    interne qui svit sur leur territoire

    opposant les narcotrafiquants la

    gurilla d'extrme gauche et l'arme.

    IndonsieLe prsident indonsien cibl par

    des manifestants Londres

    Une manifestation organise par

    Survival International et des

    organisations de droits de l'homme a

    perturb le dbut de la premire visite

    officielle d'un prsident indonsien

    Londres depuis 33 ans. Les

    manifestants ont dnonc le triste

    record de lIndonsie en matire de

    violations des droits de l'homme, la

    rpression brutale des tribus de

    Papouasie occidentale et les relations

    que le Royaume-Uni entretient avec

    une unit anti-terrorriste indonsienne

    implique dans le meurtre de leaders

    indpendantistes.

    IndeRpression dune manifestation

    pacifique

    Medha Patkar, militante des droits de

    l'homme, a t remise en libert aprs

    avoir t arrte par la police de l'Etat

    du Madhya Pradesh pour avoir

    manifest pacifiquement contre un

    projet dirrigation grande chelle sur

    des terres tribales. Cette militante n'est

    pas la seule avoir t inquite pour

    son activisme en faveur des droits de

    l'homme; plusieurs militants ont t

    harcels, arrts et emprisonns sur de

    fausses accusations. La racine de ce

    4

    Echos des campagnes

    Nous invitons nos lecteurs

    se reporter notre site

    internet o toutes ces

    informations paraissent

    sous une forme plus

    dtaille.

    Si vous souhaitez tre

    informs en temps rel des

    communiqus et actualits

    que nous diffusons quasi

    quotidiennement, abonnez

    vous notre flux RSS :

    feeds.survivalinternational.

    org/SurvivalFrance

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    arrestations et dtentions arbitraires,

    tortures et kidnappings et fit des

    milliers de victimes.

    Le 2 dcembre 1997, un accord de

    paix qui prvoyait une large

    autonomie des CHT fut sign entre le

    gouvernement du Bangladesh et le

    JSS. A la demande des parties, j'ai

    contribu aux ngociations finales

    comme conseiller et facilitateur. Cet

    accord prvoyait, entre autres, le

    retour des rfugis et des personnes

    dplaces, la restitution de leurs terres,

    la dmilitarisation de la rgion et la

    rsolution des conflits territoriaux. La

    plupart des dispositions de cet accord

    ne sont toutefois que trs partiellement

    appliques : l'arme est toujours

    prsente dans la rgion o rgne un

    climat d'inscurit permanent,

    l'conomie est toujours entre les mains

    des colons bengalis, la colonisation et

    les dpossessions se poursuivent,

    nourrissant des flambes de violence et

    de graves atteintes aux droits de

    l'homme.

    Cinquante annes de rpression et

    de violence ont contraint des milliers

    de Jumma l'exil, soit pendant une

    dizaine d'annes dans des camps de

    rfugis en Inde, soit de manire

    permanente, dans plusieurs pays du

    monde, formant une diaspora prsente

    sur les cinq continents. En octobre

    1987, la France accueillit 72 enfants

    jumma d'un orphelinat bouddhiste des

    CHT qui avaient d fuir en Inde en

    pleine guerre. Ces enfants, qui ont

    grandi dans des familles d'accueil, ont

    russi renouer des relations avec

    leurs familles d'origine. Depuis

    quelques annes, ils ont cr des

    associations de solidarit avec les

    Jumma des CHT.

    C'est l'initiative de l'une d'entre

    elles, l'association International

    Jumma Voice que j'ai effectu une

    tourne en Europe du 27 octobre au 3

    novembre pour sensibiliser l'opinion

    publique et la convaincre d'appuyer le

    processus de transition dmocratique

    du Bangladesh, de trouver des

    remdes face aux violations des droits

    de l'homme et prvenir la monte de

    tels actes, de combattre le racisme et la

    discrimination dans le cadre de

    l'accord de paix de 1997.

    Cela a aussi t l'occasion de

    clbrer le 25e anniversaire de

    l'arrive de ces enfants en France et les

    15 ans de la signature de l'accord de

    paix. Si, durant des dcennies, nous

    n'avons eu pour seul choix que de

    subir ou de prendre les armes, il est

    grand temps que la socit civile et les

    grandes instances internationales se

    mobilisent en faveur de la dfense des

    droits des peuples autochtones des

    Chittagong Hill Tracts. I

    76

    Le 23 septembre dernier, des

    groupes extrmistes bengalis

    ont attaqu des communauts

    indignes de Rangamati, la

    capitale des Chittagong Hill

    Tracts (CHT), une rgion de collines

    couvertes de forts d'environ 13 000 km 2,

    situe au sud-est du Bangladesh. Lors de cet

    affrontement, une soixantaine de Jumma

    ont t blesss, dont certains gravement, et

    leurs maisons vandalises et dtruites. C'est

    le dernier en date d'une longue srie d'actes

    racistes commis contre mon peuple,

    lesquels, en l'espace de quelques dcennies,

    ont fait des milliers de victimes et sont

    gnralement rests impunis.

    Jumma est le nom collectif que l'on

    donne aux onze peuples indignes ou

    tribus dont les Chakma auquel

    j'appartiens qui vivent depuis des

    gnrations dans les Chittagong Hill Tracts.

    Le Bangladesh qui compte 160 millions

    d'habitants sur un territoire d'environ 1/6

    de la France est l'un des pays les plus

    densment peupls du monde. Le pays est

    majoritairement musulman tandis que les

    Jumma, qui reprsentent une population de

    700 000 personnes, sont principalementbouddhistes. La tribu des Chakma, la plus

    importante de l'ensemble jumma, en

    compte environ la moiti.

    Avant la colonisation britannique et

    l'annexion des CHT au Bengale en 1860,

    les Jumma en taient les seuls habitants.

    Sous le Raj britannique, les CHT furent

    reconnus comme zone tribale ,

    bnficiant ce titre d'un statut

    constitutionnel spcial et d'un certain degr

    d'autonomie. Les trangers la rgion

    n'avaient pas le droit de s'y installer ou d'y

    possder de la terre.

    Avec la partition de l'Inde et

    l'indpendance du Pakistan en 1947, la

    rgion perdit ce statut par un amendement

    de la Constitution quelques annes plus

    tard. Ds lors, dans un processus encourag

    par le gouvernement du Pakistan oriental

    (aujourd'hui Bangladesh), des milliers de

    colons, la recherche de terres cultivables

    ou d'opportunits commerciales, vinrent s'y

    tablir. Dans les annes 1980,

    approximativement 450 000 bengalis taient

    installs dans la rgion sous le contrle

    direct et avec le soutien du gouvernement et

    de l'arme.

    Au dbut des annes 1970, aprs

    l'indpendance du Bangladesh, les Jumma

    rclamrent la restauration de leur

    autonomie. Le gouvernement refusa, y

    voyant une menace scessionniste, et

    l'arme employa la force contre les

    manifestations non violentes et autres

    formes d'action civique. La situation

    dgnra peu peu en conflit arm

    opposant les forces de scurit gouverne-

    mentales au Shanti Bahini, le bras arm du

    plus grand parti politique jumma : le Jama

    Samhati Samiti (JSS). L'action contre-

    insurrectionnelle entrana meurtres,

    violences sexuelles, incendies volontaires,

    Halte la violence dansles Chittagong Hill Tracts

    p

    ar Raja D

    evasishRoy, roi des C

    h

    akma*

    Dans le cadre d'unetourne europenne

    destine sensibiliserlopinion publique la situation de sonpeuple desChittagong HillTracts, auBangladesh, le roitait Paris le 31octobre dernier oil donnait uneconfrence de presseque nous avionsorganise avec laFondation FranceLiberts.

    * Devasish Roy (n en 1959) est le

    Raja (roi traditionnel) des Chakma.

    Avocat auprs de la Cour suprme

    du Bangladesh, il a sig en tant

    que ministre d'Etat dans

    l'administration intrimaire du

    Bangladesh en 2008. Il a

    rcemment t dsign comme

    membre expert des peuples

    autochtones d'Asie l'Instance

    permanente de l'ONU sur les

    questions autochtones pour 2011-

    2013.

    Les enfants de Buddhapati Chakma, assassine par des soldats en fvrier 2010, sadressent aux journalistes. Satrong Chakma

    Raja Devasish Roy

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    8

    Frank A.Rinehart,

    photographecommercial

    Omaha,Nebraska,avait tcharg de

    photographierle Congrsindien de

    1898, dans lecadre de

    lexpositioninternationale

    Trans-Mississippi.Plus de 500

    Indiens de 35tribus

    assistrent la confrence,

    offrant Rinehart

    lopportunitde rendre

    compte de lavie et de laculture des

    Indiens

    dAmrique duNord laubedu XXe sicle.Si la plupart

    de sesportraits sont

    poss enstudio, il

    mane deuxintimit et

    dignit,qualits rares

    au XIXesicle.

    Portfolio

    Frank A. Rinehart

    9

    Page de gauche : Hattie

    Tom, Apache.

    Ci-dessus : Antoine

    Mose, Flathead.

    Ci-contre : Deux petits

    braves, Sac & Fox

    Nation.

    En haut gauche, Chief

    Wolf Robe, Cheyenne.

    En haut droite, Pete

    Mitchell (Dust Maker),

    Ponca.

    Toutes ces photos ainsi

    que celle de la

    couverture sont

    conserves la Boston

    Public Library, qui nous

    a autoris les publier

    ici.

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    1110

    difficults politiques surviennent et que

    lAccord de Nouma est nouveau dis-

    cut dans son esprit et dans sa lettre, au

    point de remettre en cause sa dimension

    dcolonisatrice.

    Transferts de comptences incomplets,

    remise en cause de certains acquis

    comme le partage des responsabilits ins-

    titutionnelles, rformes structurelles in-

    dispensables dont la perspective sloigne,

    le tout sur fond de bilan mitig de lAc-

    cord de Nouma conduisent les indpen-

    dantistes sinterroger sur la volont des

    autres signataires respecter leur engage-

    ment.

    Une question resurgit : cherche-t-on

    nouveau utiliser le rapport de force

    politique issu de la colonisation de peu-

    plement pour bloquer le processus de d-

    colonisation en cours?

    Comme en 2011 et nous lavions

    dj relev lors des prcdents Comits

    des signataires nous faisons le constat

    que des dispositions importantes de lAc-

    cord de Nouma connaissent des retards,

    mettant un peu plus en difficult les res-

    ponsables politiques caldoniens et lEtat.

    Nous rappelons, encore une fois, que ces

    retards ne sont pas le fait des indpen-

    dantistes : les pralables techniques et finan-

    ciers au dmarrage de lusine du Nord,

    laboutissement du dossier du corps lectoral gel,

    la mise en uvre tardive du chantier des signes

    identitaires, le non-respect de lesprit et des prin-

    cipes des transferts de comptences... Autant de

    causes ayant retard la concrtisation des fonda-

    mentaux de lAccord de Nouma, savoir le r-

    quilibrage, une meilleure intgration des ralits

    kanak, la citoyennet, une transmission des com-

    ptences sur la base dun meilleur service en di-

    rection de notre population . Voil ce que

    nous crivions en 2011 en introduisant

    un certain nombre de dossiers que nous

    souhaitions voir traiter et qui restent dac-

    tualit.

    Mais cette situation de rsistance de

    la part des non-indpendantistes nest

    pas nouvelle. Ds le deuxime Comit

    des signataires, en janvier 2002, le

    FLNKS a rappel son souci de voir abou-

    tir la rvision constitutionnelle destine

    prciser le contenu du corps lectoral

    alors que le RPCR confirmait son op-

    position cette rforme. Pourtant la re-

    connaissance dune citoyennet de la

    Nouvelle-Caldonie, dont le cor ps lec-

    toral restreint est la principale fondation,

    tait bien une condition politique ma-

    jeure de lAccord du 5 mai 1998. Le S-

    nat faisait ainsi observer en 2007 que la

    dfinition du corps lectoral pour la consultation

    sur l'accession la pleine souverainet et pour

    les lections provinciales est un point essentiel de

    l'quilibre dfini par le processus de Nouma et

    s'inscrit dans le prolongement des accords de Ma-

    tignon . Il a fallu attendre la runion du

    Congrs de Versailles, le 19 fvrier 2007,

    pour entriner par 724 voix contre 90,

    le gel du corps lectoral puis la dcision

    Un Comit des signataires at cr par lAccord deNouma sign le 5 mai 1998entre le gouvernementfranais, lesindpendantistes du Front delibration nationale kanak

    et socialiste (FLNKS) et lesanti-indpendantistes duRassemblement pour laCaldonie dans la Rpublique(RPCR). Il est charg deprparer et de suivrelapplication de cet accord.

    Cette lettre a t adressele 5 dcembre 2012, laveille de la runion lHtel de Matignon du 10eComit des signataires, Jean-Marc Ayrault par RochWamytan, signataire FLNKS delAccord de Nouma, co-signe par Nko Hnepeunne,

    Union Caldonienne, AlosioSako, RassemblementDmocratique Ocanien etSylvain Pabouty, DynamiqueUnitaire Sud.

    Les Accords de Matignon et

    de Nouma ont t conclus

    avec des hommes de

    conviction qui avaient une

    vision ouverte et imagina-

    tive de lavenir. Lobjectif tait bien sr le

    retour de la paix entre les communauts

    mais aussi de sattaquer aux origines de

    leur confrontation, savoir un systme

    et une socit hrits de la colonisation.

    Alors que notre proccupation ma-

    jeure reste aujourdhui de construire le

    vivre ensemble et de se projeter dans un

    avenir commun, nous souhaitons vous

    faire part des proccupations, voire des

    inquitudes, dont notre dlgation se fera

    lcho loccasion de ce 10e Comit des

    Signataires.

    A moins de deux ans de la dernire

    priode institutionnelle qui dbutera avec

    les lections provinciales de 2014, il est es-

    sentiel de rappeler ce qui a incit le

    FLNKS signer les Accords de Mati-

    gnon-Oudinot, puis lAccord de Nou-

    ma.

    La colonisation franaise en Nouvelle-

    Caldonie a conduit rendre dlibr-

    ment minoritaire le peuple kanak dans

    son propre pays. Cette volont a perdur

    tardivement comme en tmoigne la di-

    rective Messmer du 18 juillet 1972 qui

    recommandait de faire du blanc pour

    noyer toute ide dindpendance.

    Une domination organise qui sest

    perptue dans les institutions caldo-

    niennes, o les indpendantistes, repr-

    sentant la grande majorit des Kanak

    ont toujours t cantonns dans leur

    condition minoritaire, lexception de

    la priode 1957-1969 lissue de laquelle

    lEtat franais se rappropria le pouvoir.

    Il en rsultat une histoire politique mou-

    vemente qui fit estimer aux indpen -

    dantistes que le fonctionnement des

    institutions locales ne permettait pas aux

    Kanak dapporter des rponses leurs

    aspirations lgitimes.

    Lhistoire latteste, la dmocratie ft

    utilise pour maintenir les Kanak en

    marge de leur pays, ce qui les incita

    sortir des institutions le 18 novembre

    1984.

    Le 26 juin 1988, les reprsentants du

    FLNKS apposrent leur signature Ma-

    tignon, puis le 5 mai 1998 Nouma

    parce que ces accords prvoyaient des

    mcanismes de rquilibrage en faveur

    des Kanak et un processus daccs du

    pays la pleine souverainet. En dau-

    tres termes, ces accords engageaient un

    processus de dcolonisation auquel les

    indpendantistes ont accept dassocier

    les victimes de lhistoire dont ils ont

    reconnu la lgitimit lors de la Table

    ronde de Nainville-les-Roches en juillet

    1983.

    Pour les indpendantistes, rintgrer

    les institutions et participer nouveau

    la vie dmocratique correspondait donc

    au pari quil tait possible de faire

    progresser la dcolonisation avec les non-

    indpendantistes.

    A la veille de 2013, alors que dclen-

    cher la consultation sur laccession la

    pleine souverainet sera bientt possible,

    il faut faire le constat que dimportantes

    Hienghne, 1984 J.-C. Francolon/Gamma

    Construire le vivre ensemble

    Lettre au Premier ministre

  • 7/29/2019 Nouvelles 86

    7/9

    1312

    1Revisiter les transferts de com-

    ptences, non seulement dunpoint de vue technique, mais

    surtout travers la matrise relle ou

    non, de la Nouvelle-Caldonie,

    exercer ses comptences. Dans ce ca-

    dre nous demandons une extension

    de larticle 56-2 de la loi organique et

    la mise en uvre de larticle 27.

    2Poursuivre les travaux sur la

    question des signes identitai-

    res et nous ritrons notre

    demande dinstauration dune

    citoyennet caldonienne incontes-

    table, conformment lAccord de

    Nouma et aux dispositions des arti-

    cles 4 et 188 de la loi organique.

    3Avancer dans la matrise des

    ressources du pays dans le ca-

    dre dun schma industriel mi-

    nier et mtallurgique qui prserve les

    intrts gnraux du pays.

    4Dvelopper la matrise par la

    Nouvelle-Caldonie, au travers

    du schma damnagement et

    de dveloppement NC 2025, des sec-

    teurs porteurs davenir dans les do-

    maines de la recherche, du savoir

    scientifique et technologique, de lex-

    ploration et de lexploitation de res-

    sources nouvelles.

    5Se doter des outils de rduc-

    tion des ingalits conomi-

    ques et sociales, de justice, de

    dconstruction de lconomie de

    rente (politique fiscale, organisation

    de la concurrence, accs lem-

    ploi) qui, par leur inexistence ou

    les retards dans la mise en uvre,

    minent le socle de la dmocratie ca-ldonienne.

    6Lentire lgitimit de la re-

    connaissance de l'identit

    kanak passe imprativement

    par le lien la terre. La mise en place

    du fonds de garantie sur terres coutu-

    mires ainsi que le dispositif des

    ZODEP [zones de dveloppement

    prioritaires], participeront une

    meilleure valorisation du foncier cou-

    tumier. Par consquent, le transfert

    de lADRAF[agence de dveloppe-

    ment rural et d'amnagement fon-

    cier] devra prendre en compte ces

    impratifs de rquilibrage.

    7Dvelopper la formation des

    cadres suprieurs locaux no-

    tamment kanak et ocaniens,

    et cela ds la formation initiale, pour

    des mtiers et des fonctions o ils sont

    aujourdhui absents. Un effort par-

    ticulier sera mis en uvre par les par-

    tenaires de lAccord de Nouma

    pour informer, sensibiliser, et favori-

    ser laccs des tudiants kanak et

    ocaniens aux tudes de sant, leur

    russite aux concours et les meilleu-

    res conditions de leur retour en Nou-

    velle-Caldonie. Cet effort particulier

    pour la sant sappuiera, notamment,

    sur un groupe de travail mettre en

    place Paris. Ds le premier Comit

    des signataires qui sest tenu le 2 mai

    2000 Nouma, les partenaires ont

    fait de la formation, initiale et conti-

    nue, une priorit pour le dveloppe-

    ment de la Nouvelle-Caldonie et

    de laccompagnement de la Nouvelle-

    Caldonie sur la voie de lmancipation . Il

    sagit notamment de permettre laNouvelle-Caldonie de mieux se

    prparer lexercice de compten-

    ces rgaliennes.

    8Permettre la Nouvelle-

    Caldonie de mieux apprhen-

    der et grer les flux migratoires

    externes.

    9Mobiliser lensemble des struc-

    tures et des dispositifs locaux

    et nationaux, en faveur de la

    jeunesse kanak et oc anienn e, en

    perte de repres, subissant les inga-

    lits sociales, les ingalits scolaires

    et lexclusion du systme scolaire,

    souffrant dun manque de reconnais-

    sance identitaire dans leur vie quoti-

    dienne ou dans des institutions, y

    compris de la Rpublique.

    10La dfinition dune poli-

    tique pnale qui intgre

    davantage les infractions

    conomiques et fiscales. Nous de-

    mandons une mission dexpertise et

    dvaluation sur le fonctionnement

    de la justice en Nouvelle-Caldonie.

    11La mise en place par le

    CSA dune enqute sur

    les drives de la station lo-

    cale de service public NC1re ainsi

    que linstauration dune procdure

    de contrle permanente du plura-

    lisme politique et des temps de pa-

    role. Cette procdure est essentielle

    alors que la Nouvelle-Caldonie

    aborde une priode cruciale qui d-

    terminera son avenir politique.

    de la Cour europenne des droits de

    lhomme en 2009 pour mettre un terme

    cette affaire. Cela tablit dfinitivement

    que la dcolonisation de la Nouvelle-Ca-

    ldonie ne peut saccommoder, comme

    ce fut le cas dans un pass rcent, dune

    volont den faire nouveau une terre

    de peuplement

    Faut-il encore rappeler ceux qui nous

    donnent des leons de respect de la d-

    mocratie et de combat contre les inga-lits que les Kanak ne sont devenus

    citoyens quen octobre 1946 et nont eu

    accs au suffrage universel quen octo-

    bre 1957

    Les non-indpendantistes dmontr-

    rent aussi une constance ne pas respec-

    ter le FLNKS, le maintenir dans une

    position minoritaire et refuser un par-

    tage du pouvoir. Ainsi, de 1999 2004, la

    FCCI [Fdration des comits de coordi-

    nation indpendantistes], issue dune dis-

    sidence du FLNKS, et le RPCR de

    Jacques Lafleur ont constitu un groupe

    commun au Congrs afin de prserver

    leur majorit absolue. Pourtant, le pre-

    mier et le second Comit des signataires

    (2000 et 2002) appelaient plus de coll-

    gialit dans llaboration et la prise de

    dcision au gouvernement de la Nou-

    velle-Caldonie, ainsi qu des rencon-

    tres plus frquentes des signataires entre

    deux comits afin de rsoudre les conten-

    tieux

    Autre illustration du non respect de

    lesprit de lAccord, la rsistance des non-

    indpendantistes dans la concrtisation

    de lusine du Nord. Ce grand projet in-

    dustriel a pu aboutir grce la seule d-

    termination des partis indpendantistes et

    de lEtat qui, en sortant dune position

    de neutralit, a soutenu et rendu possible

    ce projet en application de lobjectif de

    rquilibrage.

    La priode 2011-2012 ne sest pas dis-

    tingue par une inversion de tendance

    malgr quelques initiatives aujourdhui

    combattues par les plus conservateurs.

    Ce nouveau Comit des signataires voit

    donc resurgir les mmes problmatiques

    avec parfois une remise en cause des fon-

    damentaux de lAccord, savoir la pleine

    reconnaissance de lidentit kanak, la

    ralit dun rquilibrage dans lensem-

    ble de la vie conomique et sociale, la re-

    mise en cause de la capacit de la

    Nouvelle-Caldonie smanciper,

    assumer ses responsabilits au travers des

    transferts o lEtat garde des lments

    essentiels de pilotage ou de contrle, voire

    des pans entiers de comptences qui

    compromettent le bon exercice des

    transferts.

    Au-del, les indispensables luttes contreles ingalits, travers notamment la

    mise en place de rformes structurelles

    de la fiscalit et de lconomie, font lob-

    jet de pralables ou de postures de la part

    de partis politiques qui ont pour rsultat

    le maintien du statu quo et de rentes

    tablies.

    Dans ce contexte, notre dlgation es-

    time que les conclusions de ce 10 e Co-

    mit des signataires doivent raffirmer

    les fondements et la finalit politique de

    lAccord, soit une dcolonisation effec-

    tive et irrversible de notre pays, devant

    dboucher sur sa pleine souverainet, et

    la construction dune socit quilibre,

    rassemble autour dun projet collectif.

    Le FLNKS rappelait au Comit des si-

    gnataires de 2007, au travers des propos

    de Paul Naoutyine, que lAccord de Nou-

    ma a vocation btir un destincommun et une

    citoyennet en devenir, reconnatre lidentit ka-

    nak et le droit lautodtermination .

    Nous restons sur cette tonalit, consi-

    drant quil sera plus facile davancer

    dans la construction du destin commun

    mesure que la dcolonisation progresse.

    Au moment o lon aborde la dernire

    phase de lAccord de Nouma, il nous

    parat indispensable de respecter nos

    concitoyens en les clairant pleinement

    sur les enjeux et en fournissant toutes les

    donnes leur permettant de se prparer

    choisir lors des prochaines consulta-

    tions. Cest aussi une condition pour per-

    mettre une volution effective desmentalits.

    Nous sommes tout autant persuads

    que lever toute ambigut sur la finalit de

    laccord favorisera la mise en uvre de

    rformes structurelles indispensables et

    la ncessaire dfinition dune politique

    pays dans de nombreux secteurs.

    Vous laurez compris, refusant de nous

    cantonner aux constats des retards et des

    checs, nous continuerons participer

    activement la dfinition des moyens

    permettant lapplication pleine et entire

    de laccord du 5 mai 1998. Pour cette

    raison, nous souscrivons la proposition

    de lEtat de crer une structure prenne

    charge de tous les transferts de comp-

    tence de la Nouvelle-Caldonie, nous en

    partageons les objectifs mais pour en ac-

    crotre lefficacit, nous pensons quil faut

    y adjoindre un chancier.

    Nous voyons dans cette proposition et

    dans les paroles du ministre des Outre-

    mer, M. Victorin Lurel, qui affirme

    quon les considre facultatifs ou obliga-

    toires, les transferts de comptences font partie

    de lAccord et ont vocation tre mens une in-

    dication que lEtat, troisime partenaire

    de lAccord, a dcid de scarter dune

    neutralit qui laisse le pas des affronte-

    ments politiques locaux dbouchant sur

    une quasi paralysie institutionnelle du

    pays.

    Voici donc ltat desprit qui nous

    anime la veille de ce 10e Comit des

    signataires de lAccord de Nouma, une

    dition qui, nous lesprons, permettra

    de poursuivre la ralisation de cetaccord,

    dans son esprit et dans sa lettre, pour le

    bien-tre de tous les Caldoniens.I

    12

    Les questions prioritaires traiter

    LAccord de Nouma a

    vocation btir un

    destin commun et une

    citoyennet en

    devenir, reconnatre

    lidentit kanak et le

    droit lauto-

    dtermination.

    Paul Naoutyine

  • 7/29/2019 Nouvelles 86

    8/9

    nes sur leurs terres et leurs cours deau

    face aux compagnies qui exploitent les

    ressources forestires, hydrauliques, min-

    rales et nergtiques (ptrole et gaz).

    La grve de la faim de Theresa Spence

    a t ltincelle qui a enflamm le mcon-tentement croissant des Amrindiens face

    aux politiques nolibrales du gouverne-

    ment fdral. Dans tout le pays, a spon-

    tanment surgi un mouvement de soutien

    leurs revendications et de protestation

    contre lattitude du gouvernement. Les

    tambours indiens ont rsonn dans les

    villages reculs comme dans les grandes

    villes et jusque dans la capitale Ottawa.

    Le mouvement Idle No More (La passi-

    vit, cest fini) tait n, qui comprend la

    fois les autochtones des zones rurales et

    ceux, nombreux, qui vivent dans les vil-

    les, en particulier les jeunes. Dautres

    Canadiens, proccups par les droits de

    lhomme et de l'environnement, ont ral-

    li la manifestation.

    Le gouvernement canadien a, de

    manire inattendue, convoqu le 11 jan-

    vier dernier les l eaders de lAssemble

    des Premires Nations (APN), la princi-

    pale organisation indigne du pays. Les

    journalistes indpendants et les analys-

    tes politiques saccordent dire quil sagit

    dune tentative (assez grossire, dailleurs!)

    de dmanteler le mouvement de protes-

    tation. Il sagirait doffrir quelques mil-

    lions de dollars aux leaders pro-gouver-

    nementaux pour les inciter se dissocier

    des revendications actuelles et affirmer

    leur confiance dans le gouvernement.

    Theresa Spence na pas assist la ru-nion quelle considre comme une impos-

    ture : en effet, le gouverneur gnral ny

    assistait pas non plus, ce qui a fait de cette

    rencontre un banal change de vues. Par

    ailleurs, deux jours plus tard, le gouver-

    nement fdral octroyait 300 millions de

    dollars pour amliorer les rseaux

    daqueducs et dgouts sur les rserves.

    Le succs de cette manuvre gouver-

    nementale nest pourtant pas assur : la

    base militante amrindienne fait pres-

    sion sur ses leaders pour quils rejettent les

    lois 38 et 45 et elle soutient Theresa

    Spence. Deux associations autochtones

    de lAlberta (principale province ptro-

    lire du pays) viennent de saisir le tribu-

    nal fdral au sujet de ces deux lois,

    quelles considrent inconstitutionnelles

    puisquelles nexigent plus la consulta-tion pralable et violent leurs droits ter-

    ritoriaux inscrits dans la Constitution

    canadienne de 1982. Pour les mmes rai-

    sons, en Colombie-Britannique, un autre

    groupe autochtone attaque devant les tri-

    bunaux lAccord sur la promotion et la

    protection des investissements trangers

    (APIE) que le gouvernement canadien

    vient de signer avec la Chine.

    Lhiver indien actuel n'est pas sans

    rappeler le printemps rable du Qubec

    en 2012 : ce qui fut d'abord une grve

    tudiante contre l'augmentation des

    droits de scolarit se transforma en un

    vaste mouvement social qui finit par ren-

    verser un gouvernement corrompu qui

    dirigeait la province depuis neuf ans.

    Comme les tudiants, les autochtones

    sont une minorit au Canada, mais ils

    sont trs dtermins et gagnent des

    appuis de plus en plus nombreux. Ce

    mouvement parviendra-t-il mettre en

    chec le gouvernement le plus raction-

    naire que le Canada ait connu en un

    demi-sicle? Cette partie de l'histoire

    reste crire. I

    15

    Au Canada on utilise

    lexpression t indien

    pour dsigner certaines

    priodes de temps

    doux et ensoleill qui

    se produisent aprs les premires geles

    de lautomne. Cependant, cette anne,

    cest en plein hiver canadien que se

    rchauffe la scne politique autochtone.

    Le 11 dcembre dernier, Theresa

    Spence, chef de la rserve dAttawapiskat

    (peuple cri) dans le nord de lOntario, a

    entrepris une grve de la faim pour pro-

    tester contre les conditions inhumaines

    dans lesquelles se trouvent les 1 200 habi-

    tants de sa communaut. Beaucoup de

    familles y vivent entasses dans des loge-

    ments insalubres, dans une rgion o la

    temprature descend moins quarante

    degrs lhiver. Cette situation, loin dtre

    unique dans le pays, nest malheureuse-

    ment pas rare dans ce quon appelle les

    rserves indiennes, cest dire les ter-

    ritoires o ont t relgus les peuples

    autochtones aprs larrive des

    Europens. Theresa Spence a annonc

    quelle ne mettrait fin sa grve de la

    faim que si le P remier ministre Stephen

    Harper et le gouverneur gnral accep-

    taient de la recevoir pour discuter des

    problmes aigus auxquels sont confron-

    tes les nations indiennes.

    En rponse, le gouvernement fdral

    canadien, qui a autorit sur le million

    dautochtones du pays, a dclar que les

    problmes dAttawapiskat rsultaient

    dune mauvaise gestion budgtaire.

    Quelques mois auparavant, la majorit

    conservatrice du Parlement avait forc

    ladoption des lois 38 et 45, dites lois

    mammouth, qui prvoient une restric-

    tion sans prcdent des droits autochto-

    14

    La passivit, cest fini!Vers un hiver indien au Canada?

    Le mouvement decontestation des PremiresNations du Canada qui admarr en novembre 2012

    en raction une nouvellelgislation que leur

    impose le gouvernementcanadien prend de

    lampleur.

    Rcit de Pierre Beaucage*

    * Anthropologue, Universit de Montral,

    Canada.

    Manifestation Halifax, Nouvelle Ecosse, 11 janvier 2013 DR

    Regarde-moi!

    Regarde-moi!

    Je suis une

    enfant de la

    terre...Natasha Kanap Fontaine, potesse innu, lors de

    la manifestation de Montral, le 11 janvier.

  • 7/29/2019 Nouvelles 86

    9/9

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