Notre voyage-mémoire à Auschwitz-Birkenau...

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jeudi 16 janvier 2014 Dans le cadre de la journée « Études et mémoire », organisée chaque année par le Conseil général du Rhône, dix élèves du collège sont partis à Auschwitz-Birkenau le 16 janvier 2014. Dans la continuité de leur travail de restitution qui a commencé auprès de leurs camarades (diaporama présenté aux classes de 3 e , compte-rendu sur le site du collège…), ils préparent une exposition qui sera présentée devant le CDI puis à la médiathèque de L’Arbresle du 24 mars au 12 avril 2014. Notre voyage-mémoire à Auschwitz-Birkenau (Pologne) Auschwitz I, le camp de concentration d’origine Croquis d’Emmy Dans le bus qui nous menait de Cracovie (la ville où nous avons dormi) à Auschwitz-Birkenau, le témoin qui nous accompagnait, M. Benjamin ORENSTEIN, nous a raconté ce qu'il a vécu et vu à partir de l'invasion de la Pologne par les nazis (1 er septembre 1939) jusqu’à son arrestation à l’automne 1942. Il a connu sept camps de concentration dont celui d’Auschwitz-Birkenau dans lequel il est entré le jour de ses 18 ans : le 4 août 1944. En 1945, il est le dernier survivant de sa famille. Arrivés sur les lieux, nous avons d'abord visité durant toute la matinée le camp d'Auschwitz I, le camp d'origine qui était un camp de concentration (les nazis avaient transformé une caserne militaire polonaise en camp). Dans ces camps les déportés étaient forcés de travailler pour le régime nazi jusqu'à leur mort (tous les prisonniers qui ne pouvaient plus travailler étaient éliminés). Les lieux n'étaient pas aussi froids que ceux de Birkenau visités dans l'après-midi. Les blocs, tous numérotés, sont en brique et très grands. Certains servaient de "logements" aux déportés qui dormaient sur des paillasses sales, tout comme l’étaient les installations qui leur servaient de toilettes. 1

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jeudi 16 janvier 2014

Dans le cadre de la journée « Études et mémoire », organisée chaque année par le Conseil général du Rhône, dix élèves du collège sont partis à Auschwitz-Birkenau le 16 janvier 2014.

Dans la continuité de leur travail de restitution qui a commencé auprès de leurs camarades (diaporama présenté aux classes de 3e, compte-rendu sur le site du collège…), ils préparent une exposition qui sera présentée devant le CDI puis à la médiathèque de L’Arbresle du 24 mars au 12 avril 2014.

Notre voyage-mémoire à Auschwitz-Birkenau (Pologne)

Auschwitz I, le camp de concentration d’origine

Croquis d’Emmy

Dans le bus qui nous menait de Cracovie (la ville où nous avons dormi) à Auschwitz-Birkenau, le témoin qui nous accompagnait, M. Benjamin ORENSTEIN, nous a raconté ce qu'il a vécu et vu à partir de l'invasion de la Pologne par les nazis (1er septembre 1939) jusqu’à son arrestation à l’automne 1942. Il a connu sept camps de concentration dont celui d’Auschwitz-Birkenau dans lequel il est entré le jour de ses 18 ans : le 4 août 1944. En 1945, il est le dernier survivant de sa famille.

Arrivés sur les lieux, nous avons d'abord visité durant toute la matinée le camp d'Auschwitz I, le camp d'origine qui était un camp de concentration (les nazis avaient transformé une caserne militaire polonaise en camp). Dans ces camps les déportés étaient forcés de travailler pour le régime nazi jusqu'à leur mort (tous les prisonniers qui ne pouvaient plus travailler étaient éliminés).

Les lieux n'étaient pas aussi froids que ceux de Birkenau visités dans l'après-midi. Les blocs, tous numérotés, sont en brique et très grands. Certains servaient de "logements" aux déportés qui dormaient sur des paillasses sales, tout comme l’étaient les installations qui leur servaient de toilettes.

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Auscwhitz I, une ancienne caserne polonaise transformée par les nazis en camp de concentration.

Certains blocs étaient consacrés à l'infirmerie ou à la chirurgie. Il y a même un bloc qui avait été transformé en prison ce qui nous a paru très bizarre puisque le camp d'Auschwitz était déjà une prison… C'est donc une prison à l'intérieur d'une prison. Là les prisonniers n'y étaient pas nourris, d'autres mourraient asphyxiés car les cellules étaient étroites et sans fenêtres. Celles du fond étaient si étroites (1 m2) que les quatre hommes enfermés là devaient rester debout.

Dans la cour de la prison, nous avons pu voir le mur des fusillés (qui a depuis été reconstitué); des fleurs y étaient déposées au pied. Ce mur était spécialement conçu pour éviter le ricochet des balles. Des milliers de victimes ont été fusillés devant ce mur. Dans cette cour il y avait aussi deux poteaux auxquels des suppliciés étaient attachés des heures durant les bras vers l'arrière : ils mourraient lentement dans de grandes souffrances.

Auschwitz I, le mur des fusillés, dans la cour entre le bloc qui servait de prison et l’autre d’ « hôpital »

Je trouve qu'Auschwitz I ne ressemble pas à un camp de concentration comme je pouvais me l'imaginer : les bâtiments sont tous alignés, avec des escaliers pour y accéder et des trottoirs.

Un des blocs est devenu le musée d'Auschwitz. On a pu voir deux tonnes de cheveux de femmes dont les nazis se servaient pour confectionner du tissu avec lequel ils fabriquaient des uniformes pour l'armée ou des tapis... Un peu plus loin nous avons pu voir les chaussures : il y avait 40 000 paires.

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Auschwitz I, musée, deux tonnes de cheveux de femmes

Auschwitz I, musée, 40 000 paires de chaussures

Une des vitrines contenait des boites de Zyklon B dont les nazis se servaient pour gazer les gens : ces granulés, au contact de l'air et à une certaine température, se transforment en gaz mortel.

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Auschwitz I, musée, boite et granules de Zyklon B

Nous avons terminé la visite d'Auschwitz I par le premier lieu d'extermination construit ici qui est le seul à n'avoir pas été détruit par les nazis car ils l'avaient transformé ensuite en abri anti-aérien. Dans la chambre à gaz (alors maquillé en salle de douche), nous avons pu voir des traces d'ongles laissés au plafond et sur les murs par les déportés qui mourraient asphyxiés et qui cherchaient désespérément dans leur agonie une éventuelle issue. La pièce est froide et sombre. Juste à côté de la chambre à gaz se trouvent les fours crématoires où les corps étaient brûlés immédiatement après.

Auschwitz I, Crématorium I, fours crématoiresLe terme « Crématorium » est employé pour désigner les lieux de mise à mort qui comprenaient un lieu de déshabillage, une chambre à gaz et des fours crématoires.

Nous sommes sortis du camp en repassant sous le tristement célèbre panneau "Arbeit macht Frei", "le travail rend libre". Sous ce panneau, les prisonniers passaient deux fois par jour : le matin en partant travailler et le soir en rentrant.

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Auschwitz I, entrée

Le midi pour souffler

Le déjeuner nous a permis de souffler et de reprendre des forces en reprenant notre petite vie d'adolescents. Le repas a été un bon moyen de nous changer les idées après ce que nous avions vu le matin et avant ce qui nous attendait l’après-midi.

Auschwitz II -Birkenau, centre de mise à mort et camp de concentration

Arrivés sur les lieux, la première chose qui nous a été donnée de voir est la "porte de la mort".Dans cet endroit, qui s'étend à perte de vue, on y ressent vraiment la mort.

Croquis d’Emmy

Quand nous sommes rentrés dans un des baraquements en bois reconstitué, M. ORENSTEIN nous a précisé que l'on ne pouvait pas imaginer les déportés empilés les uns sur les autres sur ces lits en bois; mais lui, il était là, il

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était sur les lieux il y a maintenant 70 ans. Et aujourd'hui encore il les voit, il voit tous ces souffrants mais nous, nous ne pouvons que les imaginer, c'est ça la différence entre lui et nous.

Auschwitz II – Birkenau, intérieur d’un baraquement en bois

Quand nous avons changé de braquement pour aller à celui des latrines, notre guide nous a expliqué que c'était le seul endroit où les déportés pouvaient échanger des informations ou des objets. Ces derniers ne disposaient que de 5 mn pour tout le groupe pour faire leurs besoins soit environ 10 seconde par déporté. C'est un autre exemple terrible de la déshumanisation des déportés : ils n’étaient plus considérés ni traités comme des êtres humains

Nous nous sommes ensuite dirigés vers la rampe d'arrivée des convois (l'endroit où les trains de déportés) arrivaient au cœur du camp, une fois passé la porte de la mort. Il y a là des voies ferrées et le guide nous a expliqué que nuits et jours les convois arrivaient des quatre coins de l'Europe. Les déportés arrivaient dans des wagons à bestiaux, entassés les uns sur les autres, après un voyage qui pouvait durer plusieurs jours sans manger et sans boire. Certains mourraient durant le trajet.

Auschwitz-Birkenau, rampe d’arrivée des trains de déportés ; à droite, notre témoin, M. Benjamin ORENSTEIN

Une fois arrivés à Birkenau, les déportés étaient triés par les S.S. : femmes et enfants (de moins de 15 ans) et personnages âgées ou invalides d'un côté, les hommes et les femmes valides sans enfants de l'autre. Ces derniers, qui se trouvaient séparés de leur famille, étaient sélectionnés pour le travail tandis que l'autre colonne était dirigée vers une chambre à gaz.

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Auschwitz-Birkenau, sur les lieux mêmes des photos prises en 1944 de la « sélection ». A l’arrière-plan, la porte de la mort.

Parfois, les déportés des Sonderkommmandos* qui étaient là pour récupérer les bagages des déportés, essayaient d'aider ceux qu'ils pouvaient (mais ils devaient être discrets car ils n'avaient pas le droit de parler à ceux qui arrivaient); par exemple, ils prenaient un bébé des bras de sa maman pour le donner à sa grand-mère. La maman ne le savait pas encore mais si elle acceptait, c'était pour elle une "chance " de survie car, sans enfant, elle serait sélectionnée pour le travail.*Sonderkommandos : groupe spécial de détenus chargés d’aider les déportés dans les salles de déshabillage, de couper les cheveux et d’extraire les dents en or des victime,s puis de brûler les corps dans les fours crématoires ou sur les bûchers.

Sur ces rails a été installé un wagon d'origine. A droite et à gauche de cette rampe d'arrivée, on pouvait voir des barbelés, des cheminées de briques toutes alignées sur plusieurs rangées. C’était des cheminées qui devaient chauffer les baraquements en bois (mais elles n’étaient jamais allumées). Aujourd’hui les baraquements en bois ont disparu car le bois ne dure pas longtemps et à la fin de la guerre, les habitants de la ville d’Oświęcim (Auschwitz) ont utilisé le bois comme bois de chauffage.

Auschwitz-Birkenau, les barbelés et les cheminées, vestiges de baraquements en bois disparus.

A gauche se trouvaient les baraquements pour les femmes. Ils étaient en brique et les « lits » étaient superposés. Ici aussi il y avait une cheminée mais elle n’était pas utilisée non plus (les nazis ne voulaient pas utiliser du bois pour chauffer les prisonniers)

En arrière au loin on pouvait voir la porte de la mort et devant nous au bout des rails, le monument dédié à tous les déportés morts ici.

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Nous avons pu voir les chambres à gaz, mais elles ont été détruites par les nazis en janvier 1945 avant l’arrivée des troupes soviétiques car ils ne voulaient pas laisser de traces de leurs tentatives de génocides. Près de plusieurs centres de mise à mort de Birkenau (six au total), il y a des fosses dans lesquelles les hommes des Sonderkommandos jetaient les cendres des Juifs gazés puis incinérés. J’ai pu percevoir quelques petits morceaux d’os calcinés qui n’avaient pas été totalement brulés. C’est sûrement le moment qui m’a le plus choquée.

Auschwitz-Birkenau, près du Crématorium IV, des fosses où les cendres des victimes étaient jetées,

Vers le Crématorium IV se trouvaient le Zentral sauna, grand bâtiment dans lequel les déportés qui venaient d’arriver (et qui avaient été sélectionnés pour le travail) étaient enregistrés, rasés et tatoués. Ils devaient se déshabiller, donner leurs vêtements (qui étaient désinfectés et récupérés par le régime nazi) puis ils recevaient en sortant leur tenue de prisonniers rayée de bleu et gris. Après le terrible voyage dans les wagons à bestiaux, c’était ici une nouvelle étape dans la déshumanisation des déportés.

Après vers 16h15, la nuit commençait à tomber, alors tous les collégiens (nous étions 150 venant de quinze collèges du Rhône), les témoins et les personnalités invitées se sont rejoints devant le monument aux morts. Mme

CHUZEVILLE, présidente du Conseil général du Rhône, a pris la parole pour nous rappeler pourquoi nous étions là et puis nous avons fait une minute de silence à la mémoire de Robert MARCAULT, déporté et témoin qui devait accompagner notre voyage et qui est décédé en novembre 2013.

Auschwitz – Birkenau, cérémonie commémorative en présence de nos sept témoins dont M. Claude BLOCH (4e en partant de la gauche) qui est venu rencontrer tous les élèves de 3e du collège en décembre dernier.

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Enfin est venu le moment où j’ai récité le texte que moi et les autres camarades nous avions créé. Chaque collège a lu un texte (poème, extrait de livre…).

Après cette cérémonie d’hommage, nous sommes repartis avec le bus afin de nous rendre à l’aéroport de Krakow. Dans le bus, un de nos camarades a lu le résumé de la préparation de notre voyage et puis Benjamin ORENSTEIN a répondu à nos questions.

Conclusion de nous tous : Auschwitz-Birkenau est un lieu de douleur et d’anéantissement. Ici sont morts près d’un million et demi de

personnes (Juifs, Tziganes, résistants…). A Birkenau surtout, nous avons ressenti le froid, l’immensité, le vide et la mort.

Il y a tout ce que nous avons vu, mais aussi et surtout, tout ce que vous n’avons pas vu : imaginer tous ces êtres humains assassinés ainsi et en si grand nombre… existe-t-il vraiment des mots pour exprimer cela ?

Nous nous sentons privilégiés d’avoir pu visiter ces lieux, et nous en revenons plus responsables, avec le sentiment de devoir transmettre la mémoire.

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