Prise en compte du confort psychologique

pour la conception et l’évaluation ;

ex. de conduite automobile et d’interaction

médiée

Béatrice Cahour

C.N.R.S. IRIT, GRIC-IC3

bcahour@irit.fr

Ergonomie -> analyse et amélioration des situations de travail, d’usage et autres activités complexes

Evaluation/conception de nouveaux systèmes d’aide/communication avec acceptabilité, appropriation =>

Efficacité, performance + confort/inconfort psychologiqueDimension affective et coût

humain

Quel impact du confort/inconfort psychologique sur l’activité et de l’activité sur le c/i ?

Notion de confort/inconfort psychologique:

Du confort physique au c/i « psychologique »

Notions connexes :satisfaction subjective (Nielsen 93) ; plaisir (Jordan 98); ‘Hedonomics’ (Helender & Tham 03) ; ‘emotional design’ (Norman 04); bien-être (Grosjean 05).

Confort/inconfort psychologique => émotions en rapport à une activité instrumentée ou à situation spécifique. Pas une évaluation globale mais un vécu situé et spécifié., local.

Identifiable à partir des affects vécus (émotions, humeurs, sentiments) à valence positive ou négative (confort/inconfort selon sit°).

Ex. d’expressions langagières de l’inconfort:(Etude sur situations de conduite inconfortables ; Renault; 12

EdE)

• Emotions, sentiments: « peur, angoisse, inquiétude… m’énerve, agacé, me saoule, pas content… stress, surprise, tension, malaise, frustration, gêne,… »

• Evaluations affectives (désirable/indésirable): « c’est dangereux, nul, compliqué, épouvantable, difficile… »

• Onomatopées, expressions idiomatiques « ce n’est pas non plus je suis là AAH! AAH! mais je me dis oups! »; serrer les fesses, perdre son sang-froid… traduisent ancrage corporel des affects.

Confort/inconfort => situation d’usage ou activité spécifiée (pas situation générale ou prototypique)

Position de parole incarnée (Varela & al 93)Aider à retrouver un souvenir vivace de la situation évoquéePour fiabilité et précision des descriptions des sujets

Entretien « re-situant » : d’explicitation (Vermersch 94) d’auto-confrontation (avec support vidéo)Cadre psycho-phénoménologique (Vermersch 99): viser l’expérience vécue avec ses différentes facettes (cognitive, affective, corporelle…)Cf Cahour, Travail Humain, 2006, 69(4)

Quelles sources de l’inconfort psychologique?

Des situations concrètes à 4 processus sous-jacents:

• Perte du contrôle de l’action • Perte de maîtrise des ressources attentionnelles• Perte/absence du pouvoir d’anticipation• Problème d’image sociale et de relation

Quels modes de coping de l’inconfort (en conduite) ?

Sources d’inconfort psychologique (1)

• Perte du contrôle de l’action

Rupture par rapport à pouvoir pragmatique habituel, perte de maîtrise; perte de pouvoir d’agir (Rabardel 05) et action empêchée (Clot 99)

Ex Agnès, interaction médiée (Elixir) -> compensation de l’inconfort dû à perte de contrôle de l’action d’exploration (Cahour & al 07).

Ex point mort en parking, pédale de frein -> routine perdue, perte de repères, impuissance à agir.

Ex. plaque de glace -> perte de maîtrise habituelle; agacement, frustration .

Sources d’inconfort psychologique (2)

• Perte de maîtrise des ressources attentionnelles

Multiplication des foyers d’attention en conduite => stress, malaise (grandes villes, enfants, discussion…); répartition de l’attention et perte de maîtrise

Problème de vigilance Ex assoupissement

Sources d’inconfort psychologique (3)

• Perte/absence du pouvoir d’anticipation

Rimé (2005) : émotion liée à « rupture de continuité dans l’interaction individu-milieu ».

Rupture par rapport aux attentes, ou une anticipation empêchée.

Surtout en situation dynamique à risque.

Ex insertion autoroute -> détendue, manque d’anticipation et de préparation à l’action

Ex lieux inconnus -> anticipation impossible, inquiétudeEx intersection et 4x4 -> méfiance et anticipation

méfiance ‘bénéfique’ -> préparation à l’action et anticipation de l’action

Sources d’inconfort psychologique (4)

• Problème d’image sociale et de relation

Jugements, rapport de force, gestion des faces (Goffman)… besoin de reconnaissance, peur d’être incompétent (Dejours

98)

Ex passager jugeant -> stress, jugement, comparaison de compétence

Ex pousseur -> stress et colère, rapport de forceEx RV descente/montée -> gêne, malaise social, image de soi

Lien à peurs archaïques ?...Ex. camion-monstre qui écrase (impuissance et fragilité) Ex. se perdre (en ville, en banlieue…)

Inconfort et affects associés que situation engendre…. liés aux dispositions motivationnelles du sujet (‘concerns’, Frijda 86) = buts, croyances, valeurs, intérêts, engagements/ histoire… ce par quoi je suis ‘concerné’

… théories cognitives de l’évaluation de la situation (‘appraisal’, Lazarus 80, Scherer 93) ou approche somatique (Damasio 95) ou autre

Modes de coping pour l’inconfort psychologique en conduite

Coping, ou stratégies d’ajustement (Folkman &Lazarus 84) = efforts cognitifs et comportementaux pour gérer demandes évaluées comme dépassant les ressources actuelles du sujet

Stratégies contextuelles et dispositionnelles

Conception de systèmes d’aide comme ressources supplémentaires, à partir des sit° inconfortables et coping

Coping centré-utilisateur, coping centré-environnement, évitement

1. Coping interne, centré-utilisateur

L’utilisateur s’adapte à la situation pour réduire l’inconfort

1.1. Modification de l’état interne (rester calme*, détachement, rituels de préparation*) (« centré-émotion »)

1.1. Procédures, actions (stratégies en ronds-points, en glisse, contre l’éblouissement; ralentissement, attention…)

2. Coping externe, centré-environnement

L’utilisateur adapte l’environnement pour réduire l’inconfort; (l’affect comme moteur de l’adaptation)

2.1. Recherche d’aide humaine (pour s’orienter, percevoir, rester éveillé)

2.2. Usage d’un système d’aide et autres dispositifs (« le GPS ça permet d’être plus attentive quand on ne sait pas trop où on va, moins hésitante », « des voitures où vous voyez dans le pare-brise votre vitesse, ça je pense que ça serait utile », « maintenant y a l’anti-dérapage, l’ABS qui permet de bien rattraper une erreur »; rétroviseur qui se fonce ; rideaux à l’arrière…)

2.3. Transformation des règles et de l’infrastructure (« les grosses camionnettes devraient peut-être être bloquées à 120 km/h »; « qu’ils mettent un stop! Qu’ils mettent quelque chose! »)

3. Evitement de la situation inconfortable

L’utilisateur choisit son environnement et annule la situation d’inconfort

(gel, villes, nuit, montagne, loin seul…)

« Je n’ai jamais conduit en montagne en hiver, je me débrouille toujours pour que quelqu'un me conduise; dans une ville que je ne connais pas, je ne conduis pas, je n'ai quasiment jamais conduit dans Paris ; toutes les situations un peu compliquées je ne les aborde pas »

Conclusion

Inconfort va de la gêne à la souffrance dans l’usage quotidien d’un instrument comme la voiture (ou technologie de communication)

Vécu affectif et modes de coping -> Mode d’évaluation et pistes de conception (au-delà des CR d’accidents)

Identifier ces dimensions affectives du travail et de l’usage et faire une place à ces aspects émotionnels et motivationnels dans les modèles de l’activité humaine

Pas seulement risque d’accident et buts ; dynamique affective au cœur de l’activité (méfiance -> préparation anticipatrice; multi attention -> stress…)

Tendance ergonomique : important mais je ne sais pas traiter…du travail individuel au travail collectif -> autre perspective,

nouveaux outils d’analysedu tout-cognitif au cognitif-affectif -> idem