Notes de lectures de Georges Leroy Juillet- août 2017 … · figure d'Alfred Schnittke, l'ambiance...

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Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 1/31 Notes de lectures de Georges Leroy Juillet- août 2017 H pas d’intérêt, H peu d’intérêt, H un certain intérêt, H un grand intérêt, H un intérêt exceptionnel. L’attribution des étoiles est relative, et peut comporter des aspects négatifs… le diable porte pierre. Si l’appréciation privilégie le fond à la forme, elle n’en constitue pas moins un jugement de synthèse avec sa part de subjectivité… mais non de relativisme. Note : La qualité de ce document permet l’impression sur une imprimante de bureau. Les ateliers HHHII Agnès Charlemagne Salvator, 260 p., 19 € Dans un collège catholique à Marseille, des adolescents chrétiens, musulmans, juifs ou athées réflé- chissent ensemble. Ils participent à des ateliers de parole et d’écriture. Ils découvrent le silence. À l’âge où ils s’isolent derrière leurs écrans, ces jeunes s’essayent au plaisir de la controverse et expérimentent l’inté- riorité. Plus qu’un cours de caté, c’est une expérience. Par leurs questions, les adolescents décident du choix des sujets et leur parole libre est reçue avec méthode par l’animateur. Des contenus bibliques, théologiques et autres ressources documentaires, ponctuent ces échanges. Au total plus d’une centaine de « cartes à jouer théologiques » dont les édu- cateurs, parents ou catéchètes, peu- vent s’inspirer pour renouer le dia- logue avec ceux qui ont soif d’un sens à donner à leur vie. Amsterdam où elle a vécu 15 ans, Agnès Charlemagne a vu ses trois enfants grandir avec la méthode Montessori. Installée à Marseille, elle s’est inspirée de cette expérience pour imaginer auprès des adolescents une pédagogie fondée sur la parole et ancrée dans la rencontre. Buvez du vin HHHII Didier Nourrisson Perrin, 350 p., 22,50 € Dans une grande synthèse qui s'étend de la période antique à nos jours, l’auteur, historien spécialiste de la nourriture et de la gastronomie, dresse une histoire du vin vivante et colorée. Plus qu'un simple produit fermenté issu du raisin, le vin est un révélateur de la société et de son temps. Il tisse les liens entre les hommes, reconstitue un marqueur social, un enjeu économique, culturel et, plus récemment, de santé pu- blique. Suivant une démarche qui s'ap- puie sur le regard du consommateur et non sur celui du producteur – comme on le fait habituellement , l’auteur suit les évolutions des mœurs et les modifications du vin lui-même : car le vin antique et ses modes de consommation n'ont rien à voir avec le vin moderne. Grace à son histoire du vin, l’historien éclaire d'une plume enlevée un champ historiographique encore en friche. Le vin, une histoire mil- lénaire dont nous sommes les héri- tiers ! Byzance la secrète HHHII Pascal Dayez-Burgeon Perrin, 250 p., 21 € L'objectif de cet essai vise à porter un autre regard sur Byzance et à souligner la modernité d'un empire qui, pendant un millénaire,

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Notes de lectures de Georges L e r oyJu i l l e t - a oû t 2017

H pas d’intérêt, H peu d’intérêt, H un certain intérêt,H un grand intérêt, H un intérêt exceptionnel.

L’attribution des étoiles est relative, et peut comporter des aspects négatifs… le diable porte pierre. Si l’appréciationprivilégie le fond à la forme, elle n’en constitue pas moins un jugement de synthèse avec sa part de subjectivité…mais non de relativisme. Note : La qualité de ce document permet l’impression sur une imprimante de bureau.

Les ateliers

HHHII

Agnès CharlemagneSalvator, 260 p., 19 €

Dans un collège catholique àMarseille, des adolescents chrétiens,musulmans, juifs ou athées réflé-chissent ensemble. Ils participent àdes ateliers de parole et d’écriture.Ils découvrent le silence. À l’âge oùils s’isolent derrière leurs écrans, cesjeunes s’essayent au plaisir de lacontroverse et expérimentent l’inté-riorité.

Plus qu’un cours de caté, c’estune expérience. Par leurs questions,les adolescents décident du choixdes sujets et leur parole libre estreçue avec méthode par l’animateur.Des contenus bibliques, théologiqueset autres ressources documentaires,ponctuent ces échanges. Au totalplus d’une centaine de « cartes àjouer théologiques » dont les édu-cateurs, parents ou catéchètes, peu-vent s’inspirer pour renouer le dia-

logue avec ceux qui ont soif d’unsens à donner à leur vie.

Amsterdam où elle a vécu 15ans, Agnès Charlemagne a vu sestrois enfants grandir avec la méthodeMontessori. Installée à Marseille,elle s’est inspirée de cette expériencepour imaginer auprès des adolescentsune pédagogie fondée sur la paroleet ancrée dans la rencontre.

Buvez du vin

HHHII

Didier NourrissonPerrin, 350 p., 22,50 €

Dans une grande synthèse quis'étend de la période antique à nosjours, l’auteur, historien spécialistede la nourriture et de la gastronomie,dresse une histoire du vin vivante etcolorée. Plus qu'un simple produitfermenté issu du raisin, le vin est unrévélateur de la société et de sontemps. Il tisse les liens entre leshommes, reconstitue un marqueursocial, un enjeu économique, culturel

et, plus récemment, de santé pu-blique.

Suivant une démarche qui s'ap-puie sur le regard du consommateuret non sur celui du producteur– comme on le fait habituellement –, l’auteur suit les évolutions desmœurs et les modifications du vinlui-même : car le vin antique et sesmodes de consommation n'ont rienà voir avec le vin moderne. Graceà son histoire du vin, l’historienéclaire d'une plume enlevée unchamp historiographique encoreen friche. Le vin, une histoire mil-lénaire dont nous sommes les héri-tiers !

Byzance la secrète

HHHII

Pascal Dayez-BurgeonPerrin, 250 p., 21 €

L'objectif de cet essai vise àporter un autre regard sur Byzanceet à souligner la modernité d'unempire qui, pendant un millénaire,

a fait face à des défis qui sont tou-jours les nôtres : le despotisme, lefanatisme religieux, la guerre ou lerapport complexe entre l'Orient etl'Occident. A ce titre, l'auteur achoisi de se concentrer sur les mo-ments essentiels de l'histoire de By-zance, en mettant en lumière sesprincipaux enjeux et en dénonçantses principaux clichés : non, Istanbuln'est pas le nom turc de Constanti-nople, non, Théodora n'était pasune simple montreuse d'ours etnon, Byzance ne rime pas forcémentavec exubérance, décadence et ma-nigances.

Cadence secrète

HHHHI

Paul GreveillacGallimard, 180 p., 16,50 €

Musicien inclassable, le compo-siteur soviétique Alfred Schnittke(1934-1998) donna peut-être parmises plus belles portées au XXe siè-cle.

De la musique de film à la mu-sique religieuse, toute son œuvre,éminemment personnelle, est uneode à la liberté de créer. Pour cetteraison, Alfred Schnittke eut de nom-breux détracteurs au sein du systèmede la culture soviétique. Il fit desenvieux, qui devinrent parfois desennemis. Il eut surtout de grands

amis – Mstislav Rostropovitch, GidonKremer ou Larissa Chepitko pour neciter qu'eux. Et c'est grâce à cesderniers que sa musique vit encore.Intensément. Furieusement. Réflexionsur les conditions de la création enrégime totalitaire, sur les enjeux etles motivations complexes de toutedémarche artistique, Cadence secrèterestitue avec précision, autour de lafigure d'Alfred Schnittke, l'ambiancesoviétique, ses coups fourrés commeses fastes, et la guerre complexemenée par le Parti contre les aspira-tions individuelles jusqu'aux plusintimes.

Ce récit transmet l'envie de dé-couvrir l'œuvre mal connue d'AlfredSchnittke. D'y retrouver les forcesqui la travaillent en profondeur.

Ce que penser veut dire

HHHHI

Alain de BenoistEd du Rocher, 370 p., 20 €

L’auteur entend célèbre de ma-nière ontologique la capacité à« être » de ceux qui font effort pourpenser sans forcément s’intégrer dansle tout-venant du consensus

Raison pour laquelle, il ne secontente pas dans ces pages desgrandes figures classiques du corpusphilosophiques (Rousseau, Marx,Freud, Heidegger, Strauss, Arendt,

de Romilly…) mais leur adjoint,d’autres auteurs surprenants tels queGoethe, Berl, Mon therlant, de Jou-venel, Lorenz, Koestler, de Rouge-mont, Abellio, Monnerot, Villey, Cau,Péguy, Baudrillard ou encore Mi-chéa.

Un éclectisme certain donc. Cha-cune des entrées éclaire, ce qui sé-pare « penser à » et « penser toutcourt » et ce, à l’aide de notice in-formées qui parviennent en quelquespages à proposer la synthèse critiqued’un système de pensée ou d’uneœuvre indispen sable. Et qui n’hésitentpas, quand besoin s’en fait sentir,à  rectifier non sans malice les ap-proximations de la doxa dans sa ré-ception de tel ou tel corpus (le rôledes Lumières, le statut de la Révolu-tion française, le vrai faux divan deFreud etc.).

L’historien des idées réussit doncle pari, qui plus est en mélangeantdes genres au moins distants, d’inviterà la compréhension de l’herméneu-tique des uns et de la dialectique/di-dactique des autres. A telle enseigneque l’on pourrait appliquer à l’auteur,la formule de Henri Birault disantqu’« un ‘nietz schéen’ est quelqu’unqui pense avec Nietzsche, et noncomme lui. »

Voici un ouvrage stimulant sur,entre autres, la nature de l’hommeet l’origine de la société, le fondementdu politique, l’essence du capita-lisme, la psychanalyse, la psychologiedes foules, le phénomène totalitaireou l’essence du droit. A conseillerd’urgence. Tous les péda gogues sa-vent en effet qu’il n’est jamais troptard, sinon pour bien faire, du moinspour faire un minimum.

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La chasse de la sagesse

HHHII

Nicolas de CuesLes Belles lettres, 320 p., 25 €

Nicolas de Cues (1401-1464)marqua de son empreinte la penséeeuropéenne, de la Renaissance àl’époque moderne.

Lecteur assidu de la traditionphilosophique de l’Antiquité et duMoyen Âge, curieux de science, demédecine et des arts, Nicolas deCues rédigea notamment La DocteIgnorance, Les Conjectures, La Pen-sée, La Paix de la foi et La Vision deDieu.

Le présent ouvrage est un en-semble cohérent et très largementannoté de textes de la philosophietardive du Cusain : Le Dialogue àtrois sur le Pouvoir-est, La Chasse dela sagesse, Le Compendium et LaCime de la contemplation.

Avec l’invention du néologisme« pouvoir-est », Nicolas de Cues dé-veloppe une philosophie du pouvoiret de la puissance qui lui permetde résoudre, tant d’un point de vueontologique que gnoséologique, lesdifficultés nées de ses thèses infini-tistes antérieures. Il cherche à éviterl’aporie aristotélicienne entre l’in-finité du possible, requise par latoute-puissance de Dieu, et l’ac-tualité finie de la création. La puis-

sance divine se révèle successive-ment comme pouvoir-est, pouvoir-faire et pouvoir-même. Nicolas deCues initie ainsi une métaphysiquede l’expression qui trouve son pleinessor chez Giordano Bruno qui lecopiera abondamment, puis chezSpinoza et Leibniz.

Rédigée à la lecture de DiogèneLaërce, cet ouvrage, véritable tes-tament philosophique, permet enoutre de ressaisir l’ensemble desprincipales intentions du Cusain :sa conception augustinienne de laphilosophie comme recherche etthéorie de l’unité, sa doctrine de laparticipation à l’un, le dernier dé-veloppement de son principe de lacoïncidence des opposés, un dernierinfléchissement de sa pensée del’intellect, et sa compréhension dela nomination.

Chroniqued’une fin de règne

HHHII

Patrick RambaudGrasset, 220 p., 17 €

« Le Prince s’aperçut que le pou-voir était une maladie mortelle. Laflèche du comte Macron était em-poisonnée et il sentit ses os se re-froidir. Dans son bureau, Françoisl’Hésitant songeait à son destin. Puisil rédigea le discours qu’il devait

prononcer aux fenestrons le soirmême. Pour dire quoi ? »

Rien ne va plus au royaume deFrance : le duc d’Évry bouillonne,Nicolas le Flambard ne s’est jamaisrésolu à la perte du Trône, le duc deCherbourg recherche un dangereuxAbdelkader Youssouf Cruchon, ma-demoiselle de Montretout se cacheet ne montre plus ses dents… 2016,année difficile.

La chronique qui court de l'at-tentat contre Charlie Hebdo jusqu'àla désignation du "duc de Sablé"comme candidat de la droite à laprésidentielle, se lit avec délectationmême si elle laisse un goût amer. Ala manière de La Bruyère ou deSaint-Simon, il cisèle des portraitsvachards des éminences de tousbords. Il y a évidemment FrançoisIV, surnommé aussi François-le-sou-ple, François-l'hésitant ou François-le triste. On croise le duc d'Evry, lecomte Macron et, du côté de l'op-position, Nicolas-le-teigneux, la re-doutable Mlle de Montretout et sanièce Marionnette.

Mais le livre ne saurait se résumerà une brillante galerie de portraits.L'auteur de "La bataille" nous remé-more les tristes événements survenusen France au cours des derniersmois : attaque du Bataclan, attentatde Nice… Spectateur désenchanté,il parle d'un pays ou tout part à vau-l'eau. Rambaud épingle "le sultande Turquie" asseyant son pouvoir enremplissant ses prisons, "l'empereurde Chine" envoyant ses marins "ges-ticuler en mer pour récupérer desîlots stratégiques et du pétrole sous-marin", "le tsar Vladimir" qui rêve"de reconstruire l'Union soviétiqueavec ses militaires".

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Le livre s'achève au moment oùFrançois IV renonce à briguer unsecond mandat. Entre House of Cardset Game of Thrones, il nous reste lachronique facétieuse, hilarante, ter-rible, d’un règne qu’on espère viteoublier. C’est compter sans le talentde Patrick Rambaud. Rire ? Oui, maisde tout, Majesté !

Le cheminde la Croix des âmes

HHHHI

Georges BernanosEd du Rocher, 640 p., 25 €

Lorsque Georges Bernanos com-mence à rédiger les articles qui for-meront Le Chemin de la Croix-des-Âmes, il est au Brésil. Quelquesmois avant l'appel du 18 juin 1940,dans Les Enfants humiliés, il pro-phétisait : « Mon pays est soigneu-sement tenu dans l'ignorance de cequ'il défend, de ce qu'il risque deperdre, de ce qu'il est presque sûrde perdre si quelque miracle ne sus-cite pas au dernier moment unhomme qui parle enfin à son cœur,à ses entrailles. »

À un ami, il confie début 1940 :« Dans la plus profonde humiliationet avec une honte écrasante, jeviens de reprendre la consciencede mon pays. » À travers ses articlesécrits entre 1940 et 1945 dans les

journaux brésiliens ou pour la BBC,Bernanos dénonce les responsabi-lités dans la défaite française, laFrance de Vichy, la collaboration.Il soutient la Résistance et DeGaulle. Mais il voit aussi plus loin.Car la Seconde Guerre mondialemarque la fin d'un monde, l'avè-nement d'une civilisation de masseset celui de la technologie (robot),« de la matière qui prévaut lente-ment contre l'homme alors qu'il sedonne l'illusion de l'asservir ». Cettecrise sans précédent, qu'il a entrevuedix ans plus tôt, est celle d'une so-ciété dont le but « est la simpleconsommation de ce qui est à me-sure qu'approche le jour attendu,infaillible, de la libération absoluede l'homme, non pas de l'Homosapiens du philosophe antique, maisde l'homme total, qui ne se connaîtni Dieu ni maître, étant à soi seulsa propre fin ».

Une telle crise appelle une ré-volution des consciences. Au-delàdu témoignage, cette édition du Che-min de la Croix-des-Âmes prend unerésonance particulière aujourd'hui.

Le chemin du diable

HHHII

JP OhlGallimard, 380 p., 21 €

À Londres comme à Darlington,les temps sont difficiles pour les lais-

sés-pour-compte de la révolution in-dustrielle : le progrès ne profite pasà tout le monde, l’argent coule àflots, mais invariablement vers lesmêmes poches, et le massacre dePeterloo, où la troupe a sabré desmanifestants pacifiques, reste danstoutes les mémoires…

Peuplé de personnages pitto-resques – l'imperturbable clerc Snegg,le fantasque Caporal, vétéran desguerres napoléoniennes, ou le toutjeune Charles Dickens en personne–, Le chemin du diable est à la foisun malicieux hommage au romangothique, et la chronique haute encouleur d’une période complexedans laquelle notre propre mondeplonge ses racines.

Chroniques politiques

HHHII

Maurice BlanchotGallimard, 560 p., 29 €

Cette édition présente pour lapremière fois les articles politiquessignés par Maurice Blanchot dansl'entre-deux-guerres. Avant mêmed'adresser à Jean Paulhan son premierroman Thomas l'obscur (Gallimard,1941), Blanchot était déjà l'auteurde plusieurs centaines d'articles des-tinés à des publications telles queLa Revue Universelle, Le Journal desDébats, Le Rempart, Aux Écoutes,Combat et L'Insurgé.

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Véritable chronique des annéestrente, ces articles témoignent de lavolonté de ressaisir dans l'actualitéles moyens d'agir sur elle. Blanchotvoudrait en finir avec la « Francecorrompue » et affirme, comme pourprécipiter le destin des mouvements« non conformistes » de l'époque,que seule la révolution est urgenteet « nécessaire ».

Le scepticisme est devenu peu àpeu invincible chez Blanchot. Al’époque chez l’auteur, le doute sansappel n’est pas encore de mise etcelui-là se permet de nombreusesréfutations idéologiques. Il gardel’ambition, dans ses chroniques desannées trente, d’agir sur le mondeet de dénoncer bien des ruses idéo-logiques. Il combat les dogmatismesen mettant en joue des présupposésinsatisfaisants qui piétinent des va-leurs que Blanchot veut défendre.

Blanchot y fait preuve d’attentionéclairée sur le monde avant de serendre compte que la politique résultechez ceux qui la pra tiquent d’unmauvais mais volontaire usage desmots afin de cacher le réel au nomd’intérêts qui se gonflent d’une pré-tention parfois sotte et invincible.D’autant que dans les revues quil’accueillent l’auteur comprend queles responsables semblent lui laisserune certaine liberté qui n’est qued’apparence.

Ce corpus politique permet dereconsidérer un auteur que certainsont voulu « salir » en le taxant depositions douteuses. Mais Blanchotcomme toujours y  est honnête etsans calcul. Il ne cherche jamaisune position de pouvoir. Ses écritsdéjouent les préventions et décon-certent les manigances. L’auteur reste

avant tout un clairvoyant modesteet résolu. Pourrait-il être accuséd’agir en aveugle là où existe de faitdans son approche un travail éprisde liberté et de justice ?

Blanchot n’était pas homme à en-trer dans le jeu des ruses politiques.L’œuvre est à  séparer de ceux quiont fait métier du compagnonnagepartisan. Son travail reste singulieret il séduit plus qu’il déroute saufceux bien sûr qui ont besoin dedoxas idéo logiques pour penser. Faceaux Sartre, il faudra toujours des« sauve qui peut la vie » à la Blan-chot. Il préféra avec Beckett le silence« aux voix qui parlent se sachantmen son gères ».

Danser

HHHII

Astrid EliardFolio, 200 p., 7 €

Nanterre, école de danse de Pa-ris. Delphine, Chine et Stéphanen’ont qu’un rêve : devenir les étoilesde l’Opéra Garnier. Avec beaucoupde grâce, l’auteur nous entraînedans un monde à part, où l’on viten tutu et chignon pour les filles,en collant pour les garçons. Maisderrière cet uniforme, on découvredes adolescents comme les autres,préoccupés par les questions deleur âge et de leur époque. Ils sonttous si affamés de pirouettes et de

sauts, qu’ils dansent en dehors descours, dans les chambres, dans lehall, dans le jardin.

Comment parlerde spiritualité avecles adolescents ?

HHHII

Agnès CharlemagneSalvator, 160 p., 15 €

La spiritualité est un tabou. Lesadultes ont peur d’aborder ce sujetavec les adolescents, qui n’osentpas non plus en parler entre eux etne savent plus à qui s’adresser. Lareligion -les religions- soulèvent desquestions brûlantes, sans qu’il n’yait vraiment communication entreles différents acteurs. La crainte desuns envers les autres grandit. Lacrainte envers « Dieu » aussi, ce quientraine indifférence puis abandon.

Ce livre témoigne d’une aventuremenée dans un collège catholiquede Marseille. Des adolescents chré-tiens, musulmans, juifs ou athéesréfléchissent ensemble. C’est uneécole du dialogue et de l’écoute,ancrée dans la rencontre. L’auteur aeu l’intuition d’une parole libre ettravaille sans manuel mais avec mé-thode. Elle explique ici comment…donner un sens à sa vie !

Cet ouvrage propose des ré-flexions et des conseils pour discuter

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des sujets existentiels, de Dieu et dela théologie chrétienne avec desadolescents, accompagnés de té-moignages d'animateurs.

De la bombe

HHHII

Clarisse GorokhoffGallimard, 270 p., 17 €

Dans un luxueux hôtel d’Istanbul,Ophélie a posé une bombe. Unebombe, elle rêve aussi d’en être uneaux yeux de Sinan, cet amant quin’a de cesse de la rabaisser. A-t-ellevraiment appuyé sur le détonateur ?En tout cas, le monde a tremblé, etla jeune femme doit désormais secacher.

Mais que fuit-elle vraiment ? Surles routes brûlantes qui longent lamer Égée, Ophélie se laisse emporterpar les caprices d’un hasard bur-lesque. Confrontée au poids desmorts et à la violence des vivants,elle a encore bien des rencontres àfaire, des pièges à déjouer, des doutesà éclaircir.

Au fil de l'intrigue, on en apprendun peu plus sur Ophélie, les faillessecrètes qui l'ont menée dans cepays, on comprend peu à peu quelssont les ressorts de cette fuite enavant qui passe par les sensations etla prise de risques. Est-elle sous em-prise ou au contraire en pleine maî-trise ? Les ressorts psychologiques

qui l'animent sont parfaitement fouil-lés et crédibles. Le parfum de l'Orientirrigue le récit, là où Istanbul marquela frontière entre Orient et Occident,ce qui projette une atmosphère sin-gulière, entre contes orientaux etréalité politique avec notammentl'évocation de l'opposition Kurde.

Deux hommes de bien

HHHII

Arturo Perez-ReverteLe Seuil, 500 p., 22 €

À la fin du XVIIIe siècle, deuxmembres de l’Académie royale d’Es-pagne sont mandatés par leurs col-lègues pour se rendre à Paris et enrapporter les 28 tomes de l’Encyclo-pédie, alors interdite dans leur pays.Le bibliothécaire don HermógenesMolina et l’amiral don Pedro Zárate,hommes de bien intègres et coura-geux, entreprennent alors de Madridà Paris un long voyage semé de dif-ficultés et de dangers. Par des routesinfestées de brigands, faisant haltedans des auberges inconfortables,les deux académiciens arrivent à Pa-ris, où ils découvrent avec étonne-ment les rues de la capitale française,ses salons, ses cafés, ses librairies,ses mœurs libertines et ses agitationspolitiques. Mais très vite, leur quêtede l’Encyclopédie se révèle d’autantplus difficile que l’édition originaleest épuisée et qu’une partie de l’Aca-

démie espagnole, opposée à l’espritdes Lumières, a lancé à leurs troussesun espion chargé de faire échouerl’entreprise.

Nourri de réalité et de fiction,habité par des personnages ayantexisté ou nés de l’imagination del’auteur, ce livre est un merveilleuxroman d’aventures, révérant l’espritdes Lumières. Mais c’est aussi, dansla reconstitution minutieuse et pas-sionnante d’un Paris prérévolution-naire plus vivant que jamais, unhymne à l’amitié et un bel hommageà Don Quichotte d’un écrivain pro-fondément épris de la France.

L’échec de l’Etat

HHHII

MM Delsol et LecaussinLe Rocher, 270 p., 18 €

Avec notre argent dépensé sanscompter, l'État a non seulementéchoué à redresser la France, maisil a aggravé une situation économiqueet sociale déjà difficile. Il est tempsde changer de cap. À cet effet, cetouvrage expose une autre orientation,radicale et efficace, s'appuyant surdes exemples concrets. Il ne s'agitpas de délivrer un programme deplus, mais de rechercher les voiesnouvelles qui pourraient être em-pruntées pour réactiver les intelli-gences, les énergies et les volontésde tous ceux, nombreux, qui y sont

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prêts pour autant qu'ils ne soientplus bridés par trop de contraintesadministratives, fiscales, politiquesou sociales. Il faut rendre aux Françaisla responsabilité de leur vie dans lerespect mutuel que l'État est là pourfaire respecter en dernier ressort.Dans cet esprit sont énoncées di-verses propositions peu conformistespour ouvrir à la concurrence la Sé-curité Sociale, le RSI, l'Unédic oules caisses de retraite, pour évoluervers des impôts allégés, simples et àtaux proportionnels permettant desupprimer toutes les niches et de ré-tablir une meilleure justice fiscale,pour rendre aux parents la libertéde choisir l'école de leurs enfants,pour limiter l'intervention de l'UnionEuropéenne et en même temps ren-forcer l'Etat dans ses missions réga-liennes de protection. Il s'agit plusgénéralement de permettre aux Fran-çais d'exercer une liberté responsablede laquelle pourra renaître un étatde droit et une société civile vivifiéspour le plus grand bien de tous.

Comment être socialisteconservateur libéral ?

HHHII

Leszek KolakowskiLes Belles Lettres, 190 p., 14 €

Leszek Kolakowski (1927-2009)fut l'un des plus importants philo-sophes européens du XXe siècle.

Méconnu en France, ce dissidentexilé à Oxford pour fuir la dictaturecommuniste fut l'auteur d'une tren-taine de livres et de centaines d'ar-ticles. Salué de par le monde tantpour sa connaissance intime de Spi-noza, Hume et Pascal que pour sonhistoire du marxisme, il eut une in-fluence intellectuelle importante, quiva d’Isaiah Berlin à Geremek ou Po-mian en passant par Raymond Aron.

Comment être socialiste-conser-vateur-libéral est le premier volumeà réunir les principaux articles quel’élégante plume du penseur polonaisa signés pour la revue Commentairependant trente ans (1978-2008).“AVANCEZ vers l’arrière s’il vousplait !” Telle est la traduction ap-proximative d’une injonction quel’auteur entendit un jour dans untramway de Varsovie. Voici un motd’ordre intéressant ! se dit-il.

Il est intéressant de reprendre lacurieuse question du philosophe po-lonais Kolakowski, exilé en 1968pour cause d’aspiration démocra-tique : "comment être libéral-socia-liste-conservateur ?", et son mot d’or-dre tout aussi étrange "Avancer versl’arrière !"

Le conservateur, tout d’abord :selon la tradition, il se défie du chan-gement, fait son deuil d’une "fin del’histoire", refuse toute confianceaveugle à la Raison, s’effraye detoute approche symbolique de latechnique. Ce qui est possible n’estpas pour autant souhaitable pourlui, et la suppression du mal n’estpas conditionnée par un changementsocial. Pour le conservateur, "la po-litique ne peut prétendre résoudretous les problèmes humains", "unepart de notre misère est incurable".

Le XXe siècle a donné raison à cetteméfiance conservatrice.

Kolakowski remarquait ensuiteque la tradition libérale refuse debrider la concurrence pour l’égali-tarisme, par crainte du totalitarisme,et que la tradition socialiste voitdans l’omniprésence du marché lamenace d’une société invivable, bri-sant sur son passage aussi bien l’artque les sciences et la religion. Lessocialistes admettent le marché, leslibéraux assument l’héritage del’ "Etat-providence", si bien qu’unseul personnage a disparu : le conser-vateur. Dans les médias, le qualificatif"dérangeant" est devenu positif, et"orthodoxe" négatif. L’appétit du XXIesiècle est fait d’espérance enversl’innovation et d’acceptation de touteinnovation au nom de l’historicité.Si bien que les techniques de mani-pulation de la matière, du vivant,de l’image, de l’information (hom-mage à Régis Debray) finissent parne plus inquiéter personne (tel estdu moins le présupposé de Finkiel-kraut) et provoquer un inquiétant"pourquoi pas ?"

Ainsi toute résistance à la nou-veauté technique est tournée en dé-rision. Le mouvement est devenunotre loi, à l’inverse des périodespassées ; il n’y a donc plus de"conservateurs".

Deux pistes de réflexion. La pre-mière : si, au temps de Marx, revenirà la technique conduisait à la matière,aujourd’hui le virtuel, l’abstraction,la dématérialisation informatique en-gendrent parmi les praticiens desnouvelles technologies un étrangemélange de technique et de follespiritualité. La seconde : le besoind’information fut satisfait au XIXe

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siècle, avec les journaux, donc bienavant la révolution informationnelle.

Les vivantsau prix des morts

HHHII

René FrégniGallimard, 190 p., 18 €

Lorsque le douzième coup demidi tombe du clocher des Accoules,un peu plus bas, sur les quais duVieux-Port, les poissonnières se met-tent à crier : « Les vivants au prixdes morts ! » Et chaque touriste sedemande s’il s’agit du poisson oude tous ces hommes abattus sur untrottoir, sous l’aveuglante lumière deMarseille…

À Marseille, René n’y va plusque rarement. Il préfère marcherdans les collines de l’arrière-pays,profiter de la lumière miraculeusede sa Provence et de la douceurd’Isabelle. Il va toutefois être contraintde retrouver la ville pour rendre ser-vice à Kader, un encombrant reve-nant. Kader qu’il a connu lorsqu’ilanimait des ateliers d’écriture à laprison des Baumettes, belle gueulede voyou, spécialiste de l’évasion.Kader, qu’il voit débarquer un jourà Manosque traqué par toutes lespolices, en quête d’une planque,bien avant la fin prévue de sa longuepeine. Dès lors, il est à craindre que

le prix des vivants soit fortementrevu à la baisse…

Commence un face-à-face entrele silence de l’écriture et celui desquartiers d’isolement, entre la petitemusique des mots et le fracas desballes. Au fil de l’intrigue haletante,l’auteur entraîne le lecteur de surpriseen surprise, tout en célébrant de sonécriture brutale et sensuelle la puis-sance de la nature et la beauté desfemmes.

G de Staël et B Constant,l’esprit de liberté

HHHII

L Burnand et S GenandPerrin, 250 p., 35 €

L'année 2017 est marquée parun double anniversaire exception-nel : l'on célèbre à la fois le bicen-tenaire de la mort de Germaine deStaël et les 250 ans de la naissancede Benjamin Constant. Cette coïn-cidence de calendrier est une oc-casion idéale de mettre en valeurl'œuvre foisonnante et la vie mou-vementée de ce couple qui compteparmi les plus illustres de l'histoirelittéraire et politique de l'Europe.Pionniers du romantisme et du li-béralisme, penseurs de la modernitéet de la diversité culturelle, contem-porains et acteurs de la Révolution,de l'Empire et de la Restauration,

romanciers novateurs, Germaine deStaël et Benjamin Constant ont jouéun rôle décisif dans la vie intellec-tuelle de leur temps, au tournantdes XVIIIe et XIXe siècles, et conti-nuent d'exercer une forte influencesur la pensée contemporaine. Leprésent ouvrage met en évidencela multiplicité de leurs engagements :combat en faveur des libertés indi-viduelles, opposition à l'autorita-risme napoléonien, dénonciationde la traite des Noirs, ouverture surl'étranger, place de la femme dansla société… Il met également envaleur la richesse de leurs idées,lesquelles sont encore d'une éton-nante actualité.

Un beau livre, riche d'une ico-nographie rare et parfois inédite, quipermet d'éclairer sous un nouveaujour, à travers deux destins croisés,une période charnière durant laquelles'est dessiné l'avenir de l'Europe.

La force de la pudeur

HHHII

Andrea TagliapietraSalvator, 220 p., 20 €

Comment appréhender le senti-ment de pudeur, en lien avec lapeur et la honte ? Partant des auteursde la pensée antique et médiévale -et des interprétations du mythe grecde Prométhée et du mythe bibliquede la Genèse, comme celles d’Au-

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gustin et de Hegel-, l’auteur soulignele caractère éminemment dynamiquede la pudeur, dont la significationse situe au croisement de multipleschamps du savoir. La pudeur n’estpas seulement cette notion liminaireentre l’humanité et l’animalité quifonde la communauté humaine : elleest ce qui sépare et distingue l’indi-vidu de la société.

À l’époque moderne, la questionde la pudeur devient décisive, ausens répressif comme au sens libé-ratoire, pour l’affirmation de l’individuet de sa propre intériorité. Avec lesnotions de secret et de don, la pudeurrenvoie aussi à la question du corpset de sa mémoire. De faute immé-moriale du moi qui écrase l’individudans la dimension du manque, lapudeur devient cette ressource pro-gressive, cet espace de liberté, cefond de résistance aux identités, aucontrôle et aux rôles que le pouvoir,la culture et la société imposent àl’individu.

L’homme qui s’envola

HHHII

Antoine BelloGallimard, 320 p., 20 €

Walker a tout pour être heureux.Il dirige une florissante entrepriseau Nouveau-Mexique et sa femme,la riche et belle Sarah, lui a donnétrois magnifiques enfants. Et pourtant,

il ne supporte plus sa vie. Entre safamille, son entreprise et lescontraintes de toutes sortes, sontemps lui échappe. Une seule solu-tion : la fuite. Walker va mettre enscène sa mort de façon à ne paspeiner inutilement les siens.

Malheureusement pour lui, NickShepherd, redoutable détective spé-cialisé dans les disparitions, s’emparede son affaire et se forge la convictionque Walker est encore vivant. S’en-gage entre les deux hommes unefascinante course-poursuite sur leterritoire des États-Unis. En jeu : laliberté, une certaine conception del’honneur et l’amour de Sarah. Ceroman, balayé par le grand soufflede l’aventure, est aussi un récit pé-nétrant sur la fragilité des réussiteshumaines.

A Fatima,un rendez-vous avec le ciel

HHHII

Véronique DuchateauTéqui, 180 p., 14 €

1917-2017 : le centenaire desapparitions de Notre-Dame à Fatimaest l'occasion de redécouvrir le mes-sage de prière et de conversion dela Vierge Marie, donné au mondeentier.

« N'ayez pas peur, je suis duCiel. » C'est avec ces mots que, le

13 mai 1917, la Sainte Vierge semontre à trois jeunes bergers, Ja-cinthe, François et Lucie, des cousinsâgés de 7 à 10 ans. Ils gardent lesmoutons, près de Fatima, un villagereculé au cœur du Portugal.

Auparavant, un ange leur étaitapparu, se présentant comme l'Angegardien du Portugal et l'Ange de laPaix. Les enfants sont stupéfaits.

Six fois de suite, Notre-Dameleur donne rendez-vous. Bien qu'il-lettrés, ce sont eux qu'elle a choisispour être ses témoins et confidents.Ils deviendront les messagers de« son Cœur immaculé », emplis deferveur pour leur Maman du Ciel.Des pèlerins accourent par milliersvers le lieu des apparitions. Surtoutdepuis que la « Dame » a annoncéqu'un grand miracle aurait lieu enoctobre, visible par toute la foule…

Ce récit a une saveur nouvelle :il est rédigé par un cousin des enfants,porte-parole exceptionnel et inat-tendu de ces événements, qui bou-leverseront toute la vie de la famille.A partir de 10 ans.

L’horreur politique

HHHII

Olivier BabeauLes Belles lettres, 200 p., 16 €

Pourquoi est-il si facile d’aug-menter les dépenses de l’État mais

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 9/31

si difficile de les baisser ? Pour quellesraisons le domaine de l’interventionpublique s’étend-il sans cesse ? Dansquelle mesure les responsables po-litiques sont-ils influencés par lesgroupes de pression et déterminéspar des objectifs à court terme ?L’administration est-elle au servicedes populations ou d’elle-même ?

Autant de questions que se posentla plupart des citoyens, frappés parl’inaptitude de l’État à se réformeren même temps que par son inca-pacité à améliorer la situation éco-nomique. Confrontés à un alourdis-sement constant des prélèvementsqui ne parviennent ni à juguler lesdéficits et l’endettement, ni à enrayerle chômage, ni enfin à rétablir lacroissance, les Français soupçonnentconfusément l’existence d’un lienentre cette impuissance et les dérivesles plus scandaleuses des pouvoirspublics : clientélisme, fonctionne-ment autarcique des institutions, uti-lisation du pouvoir et des fonds pu-blics au profit d’intérêts particuliers,décisions absurdes ou inefficaces.Ils ont raison.

Loin du « politique bashing »simpliste, cet essai expose de façonpédagogique les mécanismes desmultiples défaillances de l’État et dusystème démocratique que lessciences politiques et économiquesont su mettre en évidence avec ri-gueur. A l’heure où la défiance vis-à-vis du système politique est à sonmaximum en France, il est urgentd’ouvrir les yeux sur la réalité dufonctionnement de la sphère pu-blique. Décrypter ses dérives permetd’esquisser ensuite des réponsesconcrètes à l’horreur politique quimine notre démocratie.

Garbo

HHHHI

Guillaume de FonclareStock, 230 p., 18,50 €

Seconde Guerre mondiale. L'Es-pagnol Juan Pujol Garcia, agent al-lemand, opère en réalité pour lecompte des Anglais. Son talent luivaudra son surnom, Garbo.

Juan Pujol Garcia eu un rôle cru-cial durant la guerre. Espion à lasolde des Allemands, mais travaillanten fait pour les Anglais, cet agentdouble de génie trompa le contre-espionnage nazi pendant plus detrois ans. À la tête d'un réseau fictifde plus de vingt-quatre agents, ilparticipa activement à l'opérationFortitude, qui visait à faire croireaux Allemands que le débarquementallié se ferait sur les côtes du Pas-de-Calais. Cette mystification reposaitsur la création d'une armée imagi-naire, la FUSAG, faite d'avions enbalsa et de chars en baudruche gon-flable, dont les unités étaient dépla-cées tous les jours pour accréditerl'existence d'une armada prête à selancer à l'assaut des côtes françaises.À la fin du conflit, pour préserver safamille d'éventuelles représaillesd'anciens nazis, Juan Pujol se fitpasser pour mort aux yeux de tous(sa femme et son fils compris) etpartit se cacher au Venezuela, où ilfonda une nouvelle famille.

Un livre très bien écrit et trèsbien documenté. L’auteur nousplonge dans cette histoire extraordi-naire à travers le récit testamentaireque "Garbo" livre à son petit-fils. Àla fois romanesque et intimiste, ilnous invite à le suivre dans les méan-dres de l'Histoire et de l'âme hu-maine. Un excellent roman d’es-pionnage, qui rend magnifiquementl’aspect humain du renseignement.

François et Jacinthede Fatima

HHHHI

Jean-François de LouvencourtEd de l’Emmanuel, 420 p., 18 €

François et Jacinthe sont deuxenfants comme tous les enfants dumonde, ni précoces ni surdoués,avec leurs qualités et leurs défauts.Ils ont une dizaine d'années à peinelorsque la maladie les emporte àquelques mois d'intervalle. Maisalors pourquoi s'intéresser à desenfants morts si jeunes et en rienprodiges ? Ils ont certes reçu à plu-sieurs reprises la visite d'un Angeen 1916, puis celle de Notre Dameen 1917. Mais la véritable raisonse trouve ailleurs. Elle est à chercherdans leur disponibilité à accueillirun message destiné au monde entier,dans leur immense amour pourNotre-Dame, dans la lumineuse es-pérance qu'ils rayonnent, dans leur

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fidélité à garder un secret jusqu'àaccepter la perspective d'être brûléstout vifs. Béatifiés par Jean-Paul IIle13 mai 2000 lors de son pèleri-nage à Fatima, François et Jacinthesont les deux premiers enfants detoute l'histoire de l'Église à êtredéclarés bienheureux sans avoirété martyrs. Depuis lors, ils brillentcomme deux petites étoiles de lu-mière, toujours prêtes à guider cha-cun d'entre nous et à éclairer notremonde si assoiffé d'espérance,d'amour et de paix.

L’homme qui ne voulait pasdevenir président

HHHII

Julien LeclercqIntervalles, 270 p., 18 €

Pendant les fêtes de Bayonne,Michel, un jeune chômeur, montesur scène lors d’un concert et selance dans un discours enflammécontre la classe politique. Dans lafoulée, poussé par l’ivresse autantque par les encouragements du pu-blic, il annonce sa candidature àl’élection présidentielle.

Sa diatribe fait vite le tour desréseaux sociaux et se propage horsde tout contrôle. Devenu en quelquesjours le chouchou du web puis desmédias, il n’aspire pourtant qu’à re-trouver sa vie paisible, entre virées

nocturnes, parties de console etlongues soirées avec sa mère. C’estsans compter sur ses amis, bien dé-cidés à exploiter au maximum lachance qui s’offre à eux. D’autantque bientôt, les enquêtes d’opinionsur le candidat malgré lui commen-cent à s’affoler…

Ce roman trépidant plonge avecdélectation en plein cœur de l’ac-tualité. Une comédie légère et pleined’esprit à lire absolument avantd’aller voter !

Les hôtes de la nation

HHHII

Franck O’ConnorLa table ronde, 250 p., 9 €

On a dit de Frank O’Connor qu’ilétait un « Flaubert au milieu des bo-cages irlandais ». Ce premier recueilde nouvelles à paraître en françaiscontient onze de ses plus célèbreshistoires. Chacune met en scènecette mystérieuse ligne de force àpartir de laquelle des individus pré-disposés à l’acquiescement se rai-dissent : le cœur se durcit au momentmême où on l’imagine sur le pointde s’adoucir. Dans la nouvelle épo-nyme, deux soldats britanniques em-prisonnés se lient d’amitié avec leursgeôliers, qui reçoivent un jour l’ordrede les exécuter. Dans Les Lucey, unpère refuse de serrer la main de sonfrère à cause de sa fierté blessée par

la mort de son fils. Ces histoires gé-néreuses d’esprit et fines de sentimentmettent en scène coutumes, piétés,superstitions, amours et haines à unmoment où les conditions de la viemoderne déchirent lentement le tissude la société irlandaise.

L’Illiade

HHHII

CollectifGlénat, 60 p., 14 €

En face de la citadelle imprenablede Troie se tient l’armée grecque.Une terrible guerre dure déjà depuisdix ans… Pour Ménélas, roi deSparte, c’est une question d’honneursuite à l’enlèvement de sa femmeHélène par Pâris, prince de Troie.Agamemnon, le frère de Ménélas, ytrouve le prétexte de faire tomber lacité mythique pour étendre son em-pire. Achille, le plus grand des guer-riers grecs, voit là l’occasion d’entrerdans la légende. Mais ces hommes,si puissants soient-ils, ignorent qu’ilsne sont que des pions. Que Troieforme le plateau d’une funeste partied’échec dont seuls les dieux sortirontvainqueurs…

Avec cette série en trois tomes,redécouvrez L’Iliade, l’un des récitsles plus anciens et les plus célèbresde la Grèce antique. À la fois richeet passionnant, il incarne à lui-seultout ce qui fait l’essence de la my-

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thologie grecque, évoquant l’hybris(cette folle tentation des hommesde se mesurer aux dieux), la confron-tation entre mortels et immortels oules querelles divines qui se matéria-lisent dans le destin des hommes.

James Bond n’existe pas

HHHII

François WarouxMareuil éd., 300 p., 18 €

Officier traitant à la DGSE durantvingt ans, l’auteur lève le voile surla réalité de ceux que l'on appelleles « espions ». Il révèle les méthodesde surveillance, les manipulationspar les agents, les techniques de fi-lature, le travail sous couverture, lesméthodes de chantage. Il confieaussi les conflits moraux d'un hommedes services secrets amené à fairetaire sa conscience pour servir sonpays.

En tant que spécialiste de l'es-pionnage industriel et du renseigne-ment politique, il a été envoyé enmission aux États-Unis, en Éthiopie,au Sénégal, en Tunisie ou au Pakistan.Sous une fausse identité ou intégréen ambassade sous couverture, ceSaint-Cyrien fut confronté aux dic-tatures africaines, au fondamenta-lisme islamiste ou aux arrière-cuisinesdes grands groupes internationaux,sur fond de guerre froide et de guerre

technologique. Pour pousser un agentétranger à trahir son pays ou inciterun employé à fournir des documentssensibles, un membre des servicessecrets doit savoir mentir, tromper,voler, tricher…

Loin du mythe de l'espion ciné-matographique popularisé par JamesBond, il révèle le quotidien de ceshommes de l'ombre qui naviguentsans cesse entre égalité et illégalitéau nom de la raison d'Etat. Un té-moignage rare et unique sur un mé-tier qui fascine et sur lequel les idéesreçues sont nombreuses. lequel lesidées reçues sont nombreuses.

Ils m’ont apprisl’histoire de France

HHHII

JP RiouO Jacob, 360 p., 27 €

Comment devient-on historien ?C’est à éclairer cette question quel’auteur se consacre ici, en dévoilantl’itinéraire qui fut le sien. Enfant dela guerre et de la Libération, il décide,après le choc du conflit en Algérie,de faire de l’histoire son ambition etson engagement. Ce livre signe sesMémoires, sous la figure tutélairede grands hommes qui ont dominéses travaux et nourri ses convictions :Jaurès, Péguy, de Gaulle, mais aussiRené Rémond et Jean-Louis Cré-

mieux-Brilhac. Ce sont ces modèleset ces héritages qu’il fait revivre. Et,loin de l’obsession du déclin, il en-tend redire la confiance qui a toujoursété la sienne en une France capabled’entonner des chants d’unité et derassemblement. Oui l’histoire estmaitresse de vie.

L’invention de l’idéal

HHHII

François JullienGallimard, 360 p., 7 €

Idéal est un mot d’Europe : il s’yretrouve d’une langue à l’autre, seulediffère la façon de le prononcer.

Il n’est pas banal d’avoir isolédans la vie de l’esprit cette repré-sentation unitaire, séparée de l’af-fectif, qu’on appelle « idée ». Il l’estencore moins d’avoir imaginé re-porter sur elle, promue en « idéal »séparé du monde, la fixation dudésir, au point de faire de cette abs-traction le mobile d’une humanitéprête à s’y sacrifier.

L’idéalisme platonicien et la dra-matisation de l’existence qu’un telcoup de force a inspirée, le lecteurles redécouvre à neuf considérésdepuis la Chine.

Car la Chine nous dit commenton aurait pu ne pas se laisser prendreà ce jeu de l'idée. Et d’abord com-ment s’engager dans la pensée en

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s’insérant dans la tradition plutôtque de vouloir, par le doute, rompreavec toute adhésion ; comment sefier au conditionnement de laconduite par imprégnation des ritesplutôt que par l’obéissance consentieà la Loi ; ou comment la Raisonpeut se conformer à la régulationdes choses plutôt qu’à la formalisa-tion d’un modèle détaché du monde.

Au moment où l’« Europe » doutede son avenir, n’y a-t-il pas intérêt àrepenser cette vocation de l’idéal ?

Judas est-il en enfer ?

HHHHI

Abbé Guy PagèsDMM, 280 p., 22 €

En ce centenaire des apparitionsde la Vierge Marie à Fatima, où ellea montré l'Enfer aux trois enfants,l'abbé Guy Pagès réédite "Judas est-il en Enfer ?". Il est persuadé que sila Vierge est venu nous montrer l'En-fer, c'est parce que le rappel de cedogme allait nous être nécessaire.Et en effet, la pensée de l'Enfer estaujourd'hui aussi absente de l'universmental des chrétiens (on ira tous auparadis selon la chanson) que cequ'elle est présente en celui desmusulmans. Y aurait-il dans la dis-proportion de ce rapport la raisonde l'affaiblissement de la Foi en Oc-cident et de l'invasion de celui-ci

par l'islam ? L'auteur nous inviteavec une impressionnante liberté etlucidité à revisiter ce dogme et àpartager sa conviction aussi tragiqueque remplie d'espérance : Si les genssavaient qu'ils vont en Enfer, ils chan-geraient de vie.

Une légère oscillation

HHHHI

Sylvain TessonEd des Equateurs, 200 p., 19 €

Sylvain Tesson, écrivain et aven-turier publie son journal des troisdernières années (2014-2017) mar-quées par ses voyages, et par unelongue convalescence.

L'oscillation évoque celle quis'opère en lui, régulièrement, del'ombre à la lumière. Dans la partde l'ombre, son idée de l'avenir :"On peut corriger son pessimismepar un appétit de l'immédiat : c'estdu pessimiste joyeux, trouver de l'os-cillation grâce à l'écriture".

La géographie de Sylvain Tessonest vaste. Elle couvre Paris, les toitsde Notre-Dame, les calanques deCassis, les montagnes de Chamonix,l'Irak, l'Ukraine, la Russie. Il y a lesexpéditions et les voyages intérieurs,les bivouacs d'un soir et les médita-tions d'un jour, mais aussi les esca-lades des parois et les descentes aufond des livres. Entre les mots se

dessine l'écriture d'un destin. Alorsque son dernier livre Sur les cheminsnoirs raconte son voyage du sud dela France au Cotentin, Une trèslégère oscillation est un miroir lelong d'autres chemins.

Ce journal oscille entre le Manueld'Epictète et les pensées de JulesRenard. Il nous incite à jouir del'instant, à ne rien attendre du len-demain et à s'extasier des manifes-tations du vivant : une branche dansle vent, le reflet de la lune. C'est lachose la plus difficile au monde quede reconnaître le bien-être dans sesexpressions les plus humbles, de lenommer, le saisir, le chérir. Savoirqu'on est en vie, que cela ne durerapas, car tout passe et tout s'écoule.

« Un journal intime est une en-treprise de lutte contre le désordre.Sans lui, comment contenir les ho-quets de l’existence ? Toute vie estune convulsion : une semaine sepasse au soleil, une autre dans l’om-bre, un mois dans la paix, un autresur la crête. Tout cela ne fait pas undestin, mais un effroyable battement,une trémulation de cauchemar. Lejournal est la bouée de sauvetagedans l’océan de ces errements.Chaque soir, on y revient. On luivoue sa fidélité. Et grâce à lui uneligne se dessine, la vibration s’apaiseen une très légère oscillation. »

Tout intéresse Sylvain Tesson. Sapanoplie littéraire enveloppe l'ac-tualité la plus brûlante.

Humour avec de savoureux apho-rismes et poésie sont ses deux lignesde vie même quand il chute d'untoit et se retrouve hospitalisé pendantde longs mois à la Salpetrière, épisoderelaté, dans son journal, par un cha-pitre titré "Un beauf sur le toit" : "Je

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suis affligé par cette pathologie consis-

tant à être prêt à me jeter par la

fenêtre pour un bon mot. Là j'en ai

fait un, mais ça m'a coûté cher".

De ce journal apparaît en filigrane

un écrivain brillant curieux du monde

mais toujours aussi méfiant et déçu

des humains : « J'adore le vivre-en-

semble quand c'est avec mes livres

dans ma bibliothèque, sinon je pré-

fère rester seul. »

Le vétéran

HHHII

Collectif

Glénat, 80 p., 15 €

Paris, 1815. Quelques mois après

la tragique bataille de Waterloo, le

capitaine du 7e Hussards Maxime

Danjou, surnommé « Sang de

bœuf », termine sa convalescence à

l’Hôpital du Val de Grâce. Pris dans

une rixe à sa sortie de l’établissement,

il se réveille dans un poste de police

où une femme vient le chercher. Il

ne la reconnait pas mais elle lui as-

sure être sa femme : Maxime s’ap-

pellerait en réalité Théodore Brunoy,

et serait un ancien colonel de l’armée

napoléonienne ! Cette vie serait la

sienne et il n’en a pourtant aucun

souvenir. Maxime croit devenir fou.

Est-il victime d’une manipulation ?

D’une forme d’amnésie extrême ?

Ou ne s’agit-il que d’un atroce cau-

chemar ?

Les auteurs proposent un thrillerpsychologique en pleine période na-poléonienne. Le parcours d’unhomme en quête d’identité, entreparanoïa et désillusions.

J’aurais un royaumede bois flotté

HHHII

NimrodGallimard Poésie, 250 p., 7 €

Nimrod est un écrivain, essayiste,poète d'origine tchadienne, dont lenom est une épure. De Nimrod BenaDjangrang ne subsiste qu'un prénomaux consonances bibliques. Celuique lui a donné son père, pasteurluthérien du pays de Kim, sur lesrives du fleuve Logone.

Son œuvre poétique et roma-nesque évoque la guerre et ses avatars,mais ne la montre que fort peu. Ils'en est expliqué : « J'ai toujours maltoléré le catalogue d'horreurs quecertains romanciers africains font dela guerre. De mon point de vue, lacréation littéraire sera toujours tenuede faire montre de pudeur. L'excèsqui lui est propre ne vient pas de sacapacité à faire complaisamment lapeinture du mal, mais de la formeefficace qui lui permet de tout sug-gérer et de tout faire sentir. » Envérité, l’auteur se méfie du rôle quel'Histoire impose, au prix de millefalsifications, à l'écrivain africain.

Reste que la poésie de Nimrodva et vient entre deux mondes etque l'exil a fait de lui un apatride àvie. Les premières pages de Babel,Babylone, recueil dont le poète asouhaité la reproduction intégraledans cette anthologie personnelle,sont à cet égard des plus significa-tives. Le retour à la terre natale, oùvit encore sa famille, s'apparente àun deuil tant l'exilé se sent étrangeren son propre pays. Et l'on comprendque le titre de la première sectiondu recueil – Peine capitale – est àprendre au pied de la lettre : l'exiléqui revient sur la terre de son enfanceest en danger de mort ; sa peine estincommensurable ; l'air qu'il respireest un suaire. Dans ces conditions,la question est de savoir quelle placeoffrir en soi au passé. On ne peutéchapper aux aspirations passéistesde la nostalgie qu'en la déportantsur l'axe du temps à venir. Pourl'écrivain, la mémoire n'est pas der-rière nous, mais devant. Elle se réin-vente chaque jour, comme se réin-vente le paysage.

Isabelle de France

HHHHI

Mauricette Vial-AndruSt Jude, 20 p., 4 €

Quoi de mieux que d’apprendreà lire dans l’histoire de France à tra-vers ses saints. La sœur bienaimée

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 14/31

de saint Louis partageait avec lui unattachement profond à la foi. Ellefut la fondatrice du monastère desclarisses urbanistes. Une histoire àlire avant de s'endormir composéd’un texte adapté aux premières lec-tures (6-7 ans) mais qui peut être luaux plus petits. Les dessins intérieurspeuvent être coloriés.

Les retrouvailles

HHHII

Olivier MaulinEd du Rocher, 200 p., 18 €

Vingt-cinq ans qu'ils ne s'étaientrevus ! Quand son vieux camaradede fac l'invite à passer un week-end dans la grande bâtisse de sonfrère, nichée au cœur des mon-tagnes de Savoie, Laurent Campa-nelli est un homme accompli, unpère de famille qui a trouvé savoie. Il s'y rend avec femme et en-fants et revoit avec plaisir Michel,Yvon et leur sœur Flore, son amourde jeunesse à présent mariée à unriche avocat qui est aussi collec-tionneur. Mais la camaraderie re-trouvée ne tiendra pas longtemps.De lointaines rancœurs se réveillent,ainsi que des passions enfouies etdes regrets agissant comme un lentpoison. Éclats de voix alcoolisées,étreintes furtives et clandestines, leweek-end dérape ; les cadavres sor-tent peu à peu du placard et fontvaciller les vérités que l'on croyait

les plus solides. Sous la neige, àl'écart du monde, un drame senoue. Il n'est pas certain que touss'en relèveront. Le huis clos setransforme en cauchemar. Un romanà couper le souffle.

Libérez le romainqui est en vous

HHHII

Marcus FalxPUF, 200 p., 19 €

Voici (enfin !) le guide pratiquede la réussite à la romaine que toutle monde attendait. Marcus SidoniusFalx, citoyen romain de noble ex-traction, dévoile ici, à destinationdu néophyte, les mille et un secretsqui firent les success stories de laRome ancienne : comment être heu-reux ? Comment faire fructifier sonpatrimoine ? Comment devenir unacteur incontournable de la vie so-ciale ? Comment s’attirer les faveursdes dieux ? Comment construire lafamille parfaite ?…

Cet ouvrage, nourri d’une multi-tude de sources originales (traduitlorsque nous étions au collège !),explore la vie quotidienne à Romesous la forme insolite qui était déjàcelle de L’art de gouverner ses es-claves : un récit mené sur un tonalerte par un noble romain, suivi dupoint de vue, plus grave, de l’auteur,

Jerry Toner, pour les lecteurs désireuxd’en savoir plus. Rome fait bienpartie de notre héritage.

Louis XVII

HHHII

Hélène BequetPerrin, 250 p., 21 €

La vie, la personnalité et les en-jeux entourant l'enfant roi esseulé,emprisonné, sans trône et sans pou-voir, dernier espoir de la monarchie.Empoisonné, évadé, ressuscité ? Leshypothèses et les mystères entourantla vie et la mort de Louis XVII nemanquent pas, mais sont pourtantbien éloignés de la vérité.

Louis XVII est sans doute l'in-connu le plus illustre de notre his-toire tant le mythe a éclipsé la briè-veté de sa vie également marquéepar le paradoxe et la tragédie. Pa-radoxe d'un prince devenu Dauphinen 1789, au moment où la monar-chie absolue s'effondrait. Tragédied'un roi sans royaume, d'un orphelinà la fois captif et otage des luttesde pouvoir inhérentes à la Conven-tion. Instrumentalisé, esseulé et ma-lade, il succombe à dix ans à laprison du Temple en juin 1795,ouvrant la voie à des décennies decontroverses sur les circonstancesde sa mort et son hypothétique sur-vivance.

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 15/31

En biographe exemplaire, l’auteurexhume la vérité derrière les lé-gendes, racontant son existence ou-bliée avant d'ausculter sa surprenantepostérité au terme d'une enquêtede plusieurs années.

Le maitre de la terre

HHHHI

Hugh BensonTéqui, 420 p., 15 €

« J'ai l'idée d'un livre si vasteque je n'ose y penser, écrit HughBenson en 1905. L'Antéchrist com-mence à m'obséder. Si jamais jel'écris, quel livre ce sera ! ». Un anplus tard, paraît Le Maître de la terre.Ce roman est une sorte de broderieflamboyante ; c'est un livre de mys-ticisme intense, un cri de foi éperdu.Véritable fresque de la fin des temps-spectacle fort et grandiose à la fois-, qui fait vibrer le lecteur au son destrompettes de l'Apocalypse. Ce re-marquable récit contient une visionprophétique d'un monde coupé endeux empires apparemment anta-gonistes, mais bien unis dans la per-sécution des chrétiens.

Ce livre, écrit par un des plusgrands romanciers catholiques deson temps, est tout simplement pas-sionnant ! En lisant cet ouvrage, oncomprend mieux le drame de la co-lonisation idéologique. »

L'auteur est né en 1871, au seind'une famille anglicane (son pèredeviendra archevêque de Cantor-bery). Pasteur anglican, sa quête dela vérité le pousse à s'interroger sursa foi, et sa sincérité intellectuellele conduit à la conversion. Il estreçu dans l'Église romaine en 1903.Ordonné prêtre, il partage son tempsentre la prédication intense et la ré-daction d'une trentaine d'ouvrages :œuvres théâtrales, romans et essaisapologétiques. Il meurt en 1914.

Malaise dans l’identité

HHHII

Hervé Le BrasActes Sud, 110 p., 10 €

Peut-on définir l’identité nationalesans exclure certains Français ? Enreprenant un à un les critères utiliséspar Ernest Renan dans sa célèbreconférence sur la nation – race,mœurs, religion, langue –, l’auteurveut démontrer que c’est impossible.Si l’on veut à tout prix sauver lanotion d’identité, elle doit être fondéesur une culture ouverte au monde età ses mutations, celle grâce à laquellela France s’est construite au fil dessiècles. Mais peut-on définir la culturesans tomber dans les mêmes diffi-cultés qu’avec l’identité ? Pour com-battre les termes vagues par lesquelson justifie les replis et les exclusions,il est bon de les décortiquer et de

les soumettre à la question, ce quiest le pari de cet ouvrage.

Ma mère cette inconnue

HHHII

Philippe Labro

Gallimard, 200 p., 17 €

Netka, il y a du slave dans cenom qui sonne clair. Elle a cinquantepour cent de sang polonais dans sesveines. Il faudra beaucoup de tempspour identifier la Pologne, chercherla trace du père inconnu, éclaircirles mystères, imaginer l'enfant-valise,la petite fille abandonnée.

Henriette Carisey dite Netka, estissue de trois générations de femmesseules : Joséphine, fille de ferme,née de père inconnu, et Marie-Hélise, sa fille, séduite par le comteHenryk Slizien, richissime magnatpolonais, qui ne reconnaît pas Henriet Netka, les deux enfants illégitimesqu’elle lui donne, mais assume leurentretien. Les bambins sont confiésdès leur naissance à Manny, vraiemère de substitution, puis à « Mar-raine » qui, à Versailles, prend lerelais avec autant d’amour, élève lespetits comme les siens et assure leurtutelle à la mort tragique de leurpère putatif. Mariée très jeune à JeanLabro de vingt ans son aîné, mèrede quatre garçons, Netka, dévotieu-sement servie par Maïté après son

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 16/31

veuvage, s’éteint à 99 ans entouréede l’affection des siens, enfants, pe-tits-enfants, arrière-petits-enfants, ho-norée comme juste parmi les Nationspar Yad Vashem et chevalier de laLégion d’Honneur.

Un beau portrait de femme forteet aimante, entièrement tournée versles autres, attentive à ses fils et àleurs enfants, capable de prendrede vrais risques pour protéger lesfamilles juives qu’elle héberge pen-dant la guerre. L’amour sans faillesque se portent Jean et Netka Labropour le meilleur et pour le pire. Leton est un peu forcé jusqu’au drame.Finalement on retiendra que malgréles épreuves, c’est bien d’avoir unefamille unie aimante composée d’unhomme et d’une femme !

Le marchand qui voulaitgouverner Florence

HHHII

Alessandro BarberoFlammarion, 210 p., 7 €

Dans la Florence du XIVe siècle,un riche marchand prend la plumepour raconter ses années au pouvoirdans la commune déchirée entreGuelfes noirs et Guelfes blancs. ÀSienne, une certaine Catherine faitvœu de chasteté à l’âge de six ans.À Orléans un siècle plus tard, Jeanneassiste au procès qui la conduira aubûcher…

Six vies, six portraits esquissésavec tout l’art de l’auteur ; et nousvoilà au cœur du Moyen Âge. Quiétaient ces hommes et ces femmes ?Quelles étaient leurs peurs, leursambitions ? De quelles vies rêvaient-ils ? �Il paraît loin, le temps des pro-phéties, des ordres religieux, desprocessions, des preux chevaliers,des croisades, des femmes au rouetet des apparitions ! Pourtant, il suffitde six coups de pinceaux pour qu’ilse rapproche et revive sous nos yeux.

Marche avec la nuit

HHHII

Olivier Germain-ThomasLe rocher, 200 p., 19 €

Loin de sa Normandie natale, lejeune Renaud marche, le long de larivière Narmada, en Inde où il dé-couvre ses propres désirs et lesplaisirs de la vie en même tempsqu'une tradition qu'il ignore. La se-crète Sanjana se réfugie auprès delui et l'éveille au lien de l'amour etdu sacré. Au cours de son périple, ilcroise aussi Flavia, une ardente Bré-silienne qui lui offre le feu de lachair. Puis un sage facétieux luiouvre la voie de la méditation.

Les initiations se poursuivent avecd'autres signes venus du ciel : lepremier sourire d'un enfant, l'appeld'un précipice, le souvenir d'uneparole glissée par l'un des siens :

"En te perdant, tu prendras desforces". S'attachant aux présencesmystérieuses qui émaillent son che-min, Renaud va s'interroger radica-lement sur le sens de son existence.D'une écriture méditative et entraî-nante, ce roman invite à accueillirles mouvements intérieurs qui par-courent nos vies. Une aventure dé-routante où sensualité et spiritualités'entremêlent au fil de la rivière Nar-mada.

Marie-Louise

HHHII

Charles-Eloi VialPerrin, 440 p., 24 €

À l'instar de sa tante Marie-An-toinette, Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine a été victime de sa légendenoire. En 1810, son mariage avecNapoléon fait d'elle le symbole dela paix fragile entre la France etl'Autriche. Mère de l'héritier du trôneimpérial, elle soutient Napoléonmalgré ses premières défaites.

Pourtant, dès 1814, lorsqu'ellerefuse de rejoindre son mari à l'îled'Elbe, le regard change et l'épousemodèle se transforme en traîtresse.Depuis lors, elle passe pour unefemme égoïste, futile, infidèle etnymphomane.

En s'appuyant sur des archivesinédites, l’auteur s'applique avec ta-lent à restituer la personnalité de

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 17/31

cette princesse cultivée au tempéra-ment d'artiste, dévouée à sa familleet à ses enfants. Devenue duchessede Parme grâce au soutien des Alliés,elle joue aussi un rôle majeur surl'échiquier diplomatique européenpendant trois décennies. Au fil despages, nous découvrons ainsi undestin hors du commun et une per-sonnalité ignorée, révélée par unhistorien d'envergure.

Marlène

HHHII

Philippe DjianGallimard, 220 p., 19,50 €

Dan et Richard, deux vétéransde l’Afghanistan et amis d’enfance,vivent dans la même ville depuisleur retour des zones de combat.Encore gravement perturbés par cequ’ils ont vécu, ils peinent à retrouverune vie normale.

Le cas de Dan est à peu près ré-glé ; il s'oblige à une hygiène de vietrès rigoureuse, travaille assidûment.Mais celui de Richard – bagarreur,récidiviste, infidèle – semble défini-tivement perdu.

L’arrivée de Marlène, la belle-sœur de Richard, va redistribuer lescartes. Jusqu’à la tragédie ? Condensédans sa forme, nerveux, ce romanest tout entier tendu par la brusquefuite en avant de ses héros.

Mirabeau cria si fort…

HHHII

Alain MincGrasset, 280 p., 19 €

Pourquoi se risquer, aujourd’hui,dans un éloge vibrant de Mirabeau ?Et pourquoi célébrer, à l’heure desdéferlantes populistes, un tribun ré-puté pour son tempérament, sa petitevérole et son jeu plus ou moinstrouble entre une monarchie agoni-sante et une Assemblée Constituantetâtonnante ? Sans doute parce queMirabeau fut, en son temps, le seulhomme politique qui aurait pu « ar-rêter la révolution » (l’expression estde François Furet) ; qui aurait pu,par son talent de démiurge et sa po-sition d’aristocrate rallié aux principesnouveaux, prévenir la Terreur et ré-concilier l’Ancien Régime avec laRévolution. Sa mort prématurée (enavril 1791) coïncida avec le bascu-lement de la France dans une tour-mente qui fut, en même temps, lamatrice du pire et le creuset de notremodernité politique.

C’est cet homme-là que l’auteurfait ici revivre : de sa folle jeunesseà sa passion interdite pour Marie-Antoinette, des vaines réformes deNecker à celles de Calonne, de sesdettes ruineuses à l’invention de laMonarchie Constitutionnelle, de saprétendue « corruption » à son amour

de la vie, de ses séjours en prison àson rôle majestueux lors de la réuniondes Etats Généraux.

Au fil de cette évocation, se des-sine, en filigrane, un idéal politique :que se serait-il passé si cet hommeavait pu poursuivre son œuvre ? LaFrance serait-elle devenue une sorted’Angleterre ? Et les Français au-raient-ils alors pris goût à ce « réfor-misme » auquel ils semblent, hélas,allergiques ?

Mrs Hemingway

HHHII

Naomi WoodLa table ronde, 280 p., 21 €

Un clou chasse l'autre, dit leproverbe. Ainsi la généreuse et ma-ternelle Hadley Richardson a-t-elleété remplacée par la très mondainePauline Pfeiffer ; ainsi l'intrépide etcélèbre Martha Gellhorn a-t-elle étééloignée par la dévouée Mary Welsh.C'est un fait : Hemingway était unhomme à femmes. Mais l'auteur deParis est une fête ne se contentaitpas d'enchaîner les histoires d'amour.Ces maîtresses-là, il les a épousées.Au fil d'un scénario ne variant quede quelques lignes, il en a fait desMrs Hemingway : la passion initiale,les fêtes, l'orgueil de hisser son cou-ple sur le devant d'une scène – aCôte d'Azur, le Paris bohème, laFloride assoiffée, Cuba, l'Espagne

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 18/31

bombardée… – puis les démons,les noires pensées dont chacune deses femmes espérait le sauver.

L’auteur se penche sur la figured'un colosse aux pieds d'argile, etredonne la voix à celles qui ont sa-crifié un peu d'elles-mêmes pouren ériger le mythe.

La nation, la religion, l’avenir

HHHII

François HartogGallimard, 180 p., 16 €

On ne lit plus Ernest Renan(1823-1892). Sauf, à tout hasard,ses Souvenirs d’enfance et de jeu-nesse, qui ne disent rien du gossede Tréguier ou du séminariste trèséveillé devenu fou de Paris et de Jé-rusalem : ils ne servent, en fait, qu’àintroduire cette Prière sur l’Acropoleoù il s’est découvert enfin, à plus de50 ans, celtique et athénien maistoujours empreint de ce Jésus qu’ilqualifiera de bout en bout « d’hommeincomparable ». Savant indubitable,Ernest Renan fut aussi un hommecontroversé. Après la publication desa Vie de Jésus, l'ancien séminaristeest devenu pour les catholiques « legrand blasphémateur ». Bien querallié tardivement au camp républi-cain, il allait être une des figures tu-télaires que la IIIe République ho-nora.

Renan mérite d’être redécouvertcomme un prisme pour notre ré-flexion présente. Trois questions gui-dent le voyage qu'entreprend, l’auteursur les traces de Renan : l'avenir, lareligion, la nation.

Évolutionniste convaincu, Renancroit fortement à l'avenir, mais quelsera le devenir de l'idée même d'ave-nir ? La science émancipatrice ? Leprogrès et l’esprit positif nouant,contre saint Augustin, une autre al-liance avec la temporalité, inaugurantun nouveau « régime d’historicité »et même une « religion de l’avenir » ?Les crimes du XXe siècle nous im-posent de laisser Renan dormir enpaix sur ce chapitre. En revanche,certains ont pu admettre avec luiqu’un devenir de l’humanité substituéà l’être de la Création serait la règlede toute évolution, langues, religionset politiques comprises.

Peut-on le croiser au rayon reli-gieux ? Souvenons-nous des ana-thèmes de Pie IX contre « l’Anté-christ » qui récusait la théologie, lemiracle et le surnaturel, mais qui atouché à toutes les philologies ; etqui en 1863 avait osé faire de sa Viede Jésus un best-seller dégagé de lagangue religieuse et rivalisant avecLes Misérables de Hugo. Et nous necomprenons plus le soutien tardif etviolent qu’il trouva chez les laïquesde choc, notamment en 1903, justeavant la séparation, pendant l’inau-guration de sa statue à Tréguier sousprotection de la maréchaussée. Parcontre, qui ne serait pas sensibleaujourd’hui à son Joachim de Floreet l’Évangile éternel, à son Jésus sanscroix qui devait rester pour lui, ré-sume Hartog, « ce germe toujourssusceptible d’être réactivé, puisqu’il

ne sera pas surpassé » ? Oui, Renantraite déjà de deux questions dutemps présent : celle du « retour re-ligieux » ; celle de l’islamisme « ré-trécissant le cerveau humain ». Etles religions, ajoute-t-il pour notregouverne, ne seront jamais derrièremais avec et devant nous. Il penseque le christianisme a fait son temps,mais quelle sera la religion de l'avenir,puisqu'un avenir sans religion estinconcevable ? En ce sens MichelOnfray ne fait que recycler ces idées.

Forme politique de l'époque, lanation n'échappe pas non plus autravail du temps : quels seront l'avenirde la nation et celui de l'Europe ?Car dans le monde alors dominépar l'Allemagne, la question de lanation et celle de l'Europe sont liées.Sur la nation et le vivre-ensemble,sa pensée a été mieux exploitée. SaRéforme intellectuelle et morale enréponse à la défaite de 1870, saconférence de 1882 à la Sorbonne– « Qu’est-ce qu’une nation ? »– sonthonorablement connues. L’ancienpartisan du Tiers parti sous l’Empirelibéral est devenu un républicain deraison. La nation est une forme po-litique spécifique, et qui, commetoutes choses, aura une fin. Il a sou-haité ardemment qu’elle favorise unprolongement européen. Et pourtant,la nation à la française est pour luimieux qu’une communauté d’intérêt,qu’une géographie, une religion etmême une histoire : c’est une « âme »et « un principe spirituel ».

Ces trois interrogations sont-ellesencore les nôtres ? Dans la distancequi nous sépare de Renan et ennous servant de son œuvre commed'un prisme, que nous donnent-ellesà voir de notre contemporain ?

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 19/31

Jusqu'à il y a peu, l'avenir de Renan

pouvait être encore le nôtre ; la reli-

gion, jusqu'à il y a peu, semblait

être derrière nous ; la nation parais-

sait, elle aussi, une forme politique

épuisée et en voie d'être dépassée.

Et voici que tous ces thèmes revien-

nent et nous portent à reconsidérer

ce que nous avons cru savoir de

notre situation.

La miche de pain

HHHHI

Collectif

Téqui, 200 p., 20 €

Catéchisme classique et complet,

rassemblant les trois trimestres de

l'année. La doctrine de l'Église y est

exposée de manière simple et ac-

compagnée de conseils aux caté-

chistes. Les textes invitent à la conver-

sation avec l'enfant.

Cet ouvrage répond à ce que

l'Évangile nous dit du Père de famille

« qui tire de son trésor des choses

anciennes et nouvelles »… pour le

bien des enfants.

La Nouvelle Miche de Pain

s'adresse aux enfants de 4 à 7 ans,

dont les premières années sont ca-

pitales : c'est la découverte du moi,

la formation des habitudes -bonnes

ou mauvaises- et l'élan vers la vie :

la vie du corps, mais aussi la vie de

l'esprit, où souffle la grâce de Dieu.

Notre-Dame de Fatima

HHHII

Mauricette Vial-AndruEd St Jude, 40 p., 5 €

En 1917, trois enfants du petitvillage de Fatima au Portugal, reçoi-vent la visite de la Vierge qui leurdélivre un message capital… Centans ont passé, mais "Celui qui pen-serait que le message prophétiquede Fatima serait terminé se tromperait"(Benoit XVI en 2010). Ce livret, des-tiné aux enfants du primaire, expliquetrès bien ce qu’est Fatima.

Ni bruit ni fureur

HHHII

Lucien SuelLa table ronde, 170 p., 16 €

Après Je suis debout, paru en2014, voici le second volume de lapoésie de Lucien Suel. Les formestoujours variées (prose poétique, haï-kus, tweets en cent-quarante signes,vers arithmogrammatiques…) se mê-lent au cœur d’un triptyque planté

sous le ciel changeant du Nord pourcélébrer l’enfance, les jardins, lesdisparus.

Note sur la suppressiongénérale

des partis politiques

HHHHI

Simone WeilFlammarion, 80 p., 12 €

L'idée de parti n'entrait pas dansla conception politique française de1789, sinon comme mal à éviter.Mais il y eut le club des Jacobins.C'était d'abord seulement un lieude libre discussion. Ce ne fut aucuneespèce de mécanisme fatal qui letransforma. La pression de la guerreet de la guillotine en fit un parti to-talitaire. Les luttes des factions sousla Terreur furent gouvernées par lapensée formulée ainsi : « Un partiau pouvoir et tous les autres en pri-son. » Ainsi sur le continent d'Europele totalitarisme est le péché origineldes partis. C'est d'une part l'héritagede la Terreur, d'autre part l'influencede l'exemple anglais, qui installales partis dans la vie publique euro-péenne. Le fait qu'ils existent n'estnullement un motif de les conserver.Seul le bien est un motif légitime deconservation. Le mal des partis po-litiques saute aux yeux. Le problèmeà examiner, c'est un bien qui l'em-

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 20/31

porte sur le mal et rende ainsi leurexistence désirable.

Pourtant l'article 4 de la Consti-tution de 1958 dispose que : « Lespartis et groupements politiquesconcourent à l'expression du suf-frage. » Ne concourent-ils pas sur-tout, et corrélativement, à l'expres-sion du mensonge ? C'est la questionimpie que Simone Weil posait déjàdans sa Note sur la suppression gé-nérale des partis politiques, publiéedans la revue La Table Ronde en1950 et que les Editions Climatsont eu la bonne idée de rééditer,augmentée des réactions enthou-siastes d'André Breton et d'Alain.Simone Weil est précieuse parcequ'elle appartient à un ancien ré-gime de l'esprit, classique doncéternel, qui ne renonce jamais àposer les questions du « bien, de lavérité et de la justice » sur le planpolitique. Observatrice particuliè-rement lucide des démocraties etdes totalitarismes, la philosophe avu les partis politiques mentir parvocation (en bon platonisme, rienne s'oppose autant à la vérité quel'opinion) et par profession (propa-gande et servilité) : « Si l'on confiaitau diable l'organisation de la viepublique, il ne pourrait rien imaginerde plus ingénieux. » Conclusion :« La suppression des partis seraitdu bien presque pur. »

L'usage même des mots de dé-mocratie et de république oblige àexaminer avec une attention extrêmeles questions suivantes : Commentdonner aux hommes la possibilitéd'exprimer parfois un jugement surles grands problèmes de la vie pu-blique ? Comment empêcher, au mo-ment où le peuple est interrogé,

qu'il ne circule à travers lui aucuneespèce de passion collective ? Il estimpossible de parler de légitimitérépublicaine si on ne pense pas àces deux points. Les solutions nesont pas faciles à concevoir, mais ilest évident, après examen attentif,que toute solution impliquerait avanttout la suppression des partis poli-tiques.

Nouvelles définitionsde l’amour

HHHII

Brina SvitGallimard, 370 p., 19,50 €

Suzanne est morte depuis un anquand Claude, son mari, découvrequ’elle avait un jardin et quequelqu’un continue à l’entretenir.Alma et Rudi sont écrivains tous lesdeux. Revenant en voiture d’unerencontre littéraire, ils font monterune inconnue qui attendait sous lapluie sur le boulevard périphériqueet qui va les obliger à un drôle dechoix. Il y a une seule femme quime sourit en ce moment : c’est lacaissière de mon G20, répond Paul,producteur de télévision quand onlui demande comment ça va depuisque sa femme l’a quitté, sans s’ima-giner un instant qu’il pourrait sepasser quelque chose entre eux. Etque dire de Sol qui déteste les fêtesde fin d’année et s’invente toutes

sortes d’occupations le jour du ré-veillon de Noël, pour ne pas se re-trouver seule et désespérée à la mai-son ? Entrer dans un magasin demeubles contemporains, par exem-ple. Elle aurait bien besoin d’unetable, elle n’en a pas, elle mangedebout ou sur son canapé, explique-t-elle à Vincent, impatient de fermerboutique, de récupérer champagneet foie gras au frigidaire et de rentrerchez lui. Mais que veut-elle, se de-mande-t-il, ému par son désarroi etson franc-parler. Et si soudain, commepar magie, ils voulaient la mêmechose ?

Dix nouvelles. Dix nouvelles dé-finitions de l’amour. Parce qu’il y atoujours quelque chose à découvrirde soi-même, à inventer, à offrir àl’autre sans attendre quoi que cesoit en retour. L’amour est vu icicomme un sentiment, une jalousie,une captation, un corps à corps,une relation, la solidarité, mais leregard religieux ou spirituel auraitpu être la onzième définition.

La nouvelleéconomie politique

HHHII

Olivier BomselFolio, 440 p., 8 €

Les apparences sont trompeuses :la mondialisation laisse accroire

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 21/31

que l’économie est partout, qu’elletriomphe des États et mine leur sou-veraineté (ce qui n’est peut-être pasfaux !). Or une nouvelle économiepolitique, développée surtout dansles pays anglo-saxons, et que cetouvrage entend faire connaître enFrance, soutient résolument l’in-verse : l’économie ne peut se com-prendre sans le rôle des institutions,c’est-à-dire, selon Douglass North,« les règles du jeu de la société ou,plus formellement, les contraintesconçues par l’homme qui façonnentles interactions humaines. »

Ces règles, issues de la coutume,de la religion, de la politique ou dudroit de chaque culture, déterminentla coordination et les performanceséconomiques des sociétés. La Grècedes années 2010 est surendettéeparce qu’elle peine à collecter l'im-pôt, à fixer le cadastre, à se défairede pratiques clientélistes qui, depuiscent cinquante ans, ruinent ses fi-nances publiques, parasitent l’Étatde droit, désespèrent l’opinion. Sondéfaut est institutionnel. La monnaiecommune le transmet au reste del’Europe. Laquelle est confrontée,dans des formes désormais paci-fiques, à la régulation institutionnellede ses États. Dans la mondialisation,c’est désormais sur les institutionsque porte la concurrence car celles-ci façonnent la compétitivité desterritoires.

La plupart des institutions pré-existant au développement de l’éco-nomie, la nouvelle économie poli-tique des « ordres sociaux » nousrappelle que la manière dont s'évaluele profit dérivable de telle ou telleaction dépend avant tout des règles

sociales en vigueur et des conditionsde leur application.

Philippe Henriot

HHHII

Pierre BrannaPerrin, 350 p., 24 €

Professeur obscur d'un paisiblecollège de province, Philippe Henriotcollectionne les papillons, écrit despoèmes, mène une vie discrète etrangée. Qu'est-ce qui pousse à 35ans ce catholique traditionnel à selancer dans la bataille politique ? As'engager dans une carrière quil'amènera après-guerre des bancsde l'Assemblée au ministère de l'In-formation de Vichy en 1944 ? Cechampion des suspensions de séance,cet accusateur-inquisiteur a depuistoujours un ennemi viscéral, la franc-maçonnerie. Dans les années 1930,il en découvre un autre, le bolche-visme. A partir de l'invasion del'URSS, Hitler devient pour lui lehéros d'une nouvelle croisade.

Mais Henriot, au-delà de sesprises de position, c'est d'abord unevoix. Une voix qui transfigure cettefigure austère, une voix qui fascine,une voix qui vide les rues des villesquand, deux fois par jour, il parle àla radio. Au point que la Résistanceet la France libre commanditent sonexécution. C'est aussi un homme

qui brûle, qui fascine, un hommehaï, même de son propre camp.

La nuit pour adresse

HHHII

Maud SimonnotGallimard, 260 p., 20 €

Robert McAlmon avait tout pourdevenir une légende. Marié à la fillede l’homme le plus riche d’Angle-terre, parrain des Américains expatriésà Paris dans l’entre deux-guerres,cet écrivain surdoué fut l’ami deKiki, de Man Ray, d’Aragon, l’amantde Nancy Cunard et de John Glassco.Dans le tourbillon des années 1920,il était le centre des nuits de Mont-parnasse, celui auquel on faisaitappel pour sortir un artiste de prison,trouver de la drogue ou organiserun kidnapping.

Soutien inestimable pour Joyceet Gertrude Stein, McAlmon fut aussile premier éditeur d’Hemingway, àqui il fit découvrir l’Espagne. Leuramitié virile rapidement transforméeen rivalité allait cristalliser la mé-lancolie de cet éternel vagabond.

En suivant les pas de son héros,l’auteur nous entraîne dans l’enversdu décor de la Génération Perdueau fil d’un récit vif, émouvant, quiredonne sa place à Robert McAlmonet tente d’élucider le mystère de soneffacement.

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Le point de Schelling

HHHII

David RochefortGallimard, 230 p., 18,50 €

Avec ce récit romanesque, l’au-teur poursuit son étude d’une géné-ration contemporaine désorientée.

Son personnage, Nissim, oscilleentre inertie et agitation, espoir etdésespoir. Écrivain par hasard, men-teur par jeu, voyageur par lâcheté,son drame est d’être incapable dechoisir. Tout à la fois auteur d’uneœuvre qui finit par le dévorer et an-tihéros de sa propre vie, Nissimcherche par tous les moyens à com-bler un vide. Avec Alba, il croit avoirtrouvé une partenaire de rêverie.Mais celle-ci se révèle insaisissable,fuyante, échappant constamment aurôle qu’il entend lui faire jouer.

Que ce soit en Espagne, où ilcohabite avec un étrange sosie deDalí qui rêve de Ceausescu, ou àParis, partout Nissim cherche à dirigersa vie comme on mettrait en scèneune pièce de théâtre. Sans se faired’illusions, il écrit pour essayer desauver son couple, s’enfonce dansle mensonge. Il en est réduit à crain-dre des ombres, à se confronter auxspectres de son passé. Mais quandon n’arrive plus à croire en rien,l’imagination ne constitue-t-elle pasun dernier refuge ?

La poule pond

HHHII

Michel OhlLa table ronde, 130 p., 15 €

Michel Ohl, dès l’adolescence,fréquente Rigaut, Cravan, Artaud etautres Crevel, trouvant chez ces ma-gnifiques "suicidés de la société"l’estampille de son propre désespoir.De Rigaut, surtout, on sent l’influencedans Sonica mon lapin, son premierlivre, recueil de micro-récits pata-physiques ponctués d’aphorismesnarquois.

Certes, des motifs émergent, quipourraient servir de fil d’Ariane danscet univers labyrinthique – le rica-nement de la mort, les souvenirsd’enfance et leurs ambiguïtés, laprolifération à la fois hilarante et in-quiétante du langage, le jeu sans findes références –, mais voici qu’unemoulinette ubuesque malaxe toutceci, et le recrache au visage dulecteur !

La poule pond, le dernier recueilde Michel Ohl, peut à bon droitpasser pour un viatique. Les figureshabituelles y sont épurées par uneexigence de clarté particulière,comme si l’auteur avait voulu pré-parer le travail du lecteur, l’aider àextraire la pépite de la gangue –après tout, "La poule pond", danssa grandiose et parfaite simplicité,

n’est-elle pas "la plus belle phrasede France"? Les similitudes entreSonica mon lapin et La poule pondrestent cependant significatives : au"rira seul qui rira le dernier" dujeune "antipoète" répond "le rireexquis, le crâne rire ininterrompu"du sexagénaire qui sent peut-êtrevenir la mort. En écrivant La poulepond, Michel Ohl se tient "au borddu rire et de la mort mêlés dansl’onde noire comme le tapioca etles crêtes de coq dans le consomméimpérial."

La place forte

HHHII

Quentin LafayGallimard, 240 p., 18 €

Le jeune auteur (27 ans) faitpartie de l'équipe de campagned'Emmanuel Macron, et était précé-demment l'un de ses conseillers àBercy, et son roman met en scèneun ministre des Finances. En effet,l’auteur ne raconte pas l'histoire deson mentor. Mais le tableau qu'ilfait du personnel politique et dufonctionnement du pouvoir n'estévidemment pas sans rapport avecce qu'il a observé. Et c'est heureux,car quel serait l'intérêt d'un romans'il ne disait rien de la réalité ?

Le scénario qu'il a imaginé estbien ficelé : le narrateur, un univer-sitaire expert en fiscalité européenne,

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 23/31

est appelé au gouvernement tandisque la gauche est au pouvoir, en2020. Des années plus tard, il racontece qui s'est passé et confesse les rai-sons qui l'ont amené à démissionner.Ce pro-européen se trouve en effetpris en otage par l'Élysée, qui envi-sage de sortir la France de l'Unioneuropéenne pour apaiser la grognepopulaire. Par la voix de cet hommequi débute en politique, l'auteur dé-crit la vie quotidienne d'un ministre,sa nomination officielle sur lesmarches de l'Élysée, son arrivée dansles bureaux sinistres de Bercy, le re-crutement des conseillers qui onttous le même CV, une séance dequestions dans la volière de l'As-semblée, une visite d'usine qui tourneà la mascarade. Il fait le portrait del'huissier, de la secrétaire, du chauf-feur. Et aussi de la sémillante conseil-lère qui écrit ses discours et de sondirecteur de cabinet, un X qui sertplus les intérêts du gouvernementque ceux de l'État. Tout cela est bienvu et bien fait.

Mais c'est la vision du fonction-nement monarchique de la Répu-blique française qui est la plus sai-sissante. «Il ne faut rien attendred'un Conseil des ministres, jamais.Aucune décision n'y est prise. Unprésident fait et défait, il coupe destêtes et maintient en grâce les mi-nistres qui se sont appliqués à luiplaire. »

Plus intéressante encore est ladescription du rôle des femmes au-près d'un homme de gouvernement.Aussitôt nommé, le ministre envoieun mail à son ex-compagne qu'iln'a plus revue depuis leur rupturebrutale. Il la supplie d'entrer dansson cabinet. Sans elle, ce personnage

pusillanime qui voudrait se voircomme un homme de convictionssait qu'il ne sera pas à la hauteur :« Tu te sens dépassé, tu te sensperdu, déjà, comme un gamin quiaurait vu beaucoup trop grand pourlui », lui répond-elle sans aménité.Une vision glacée des sphères poli-tique et de l'être humain.

Quand la foipasse par le réseau

HHHHI

Antonio SpadaroParole et silence, 100 p., 7 €

Cet opuscule étudie les liensentre le christianisme et les différentsréseaux sociaux. Partant du constatqu'Internet n'est pas un univers isolémais qu'il fait, au contraire, partieintégrante du quotidien du plus grandnombre, l’auteur invite les chrétiensà utiliser les ressources du web pourfavoriser le dialogue et l'ouverture.

Le Net est voué à être de plus enplus non pas un monde parallèle etdistinct par rapport à la réalité detous les jours, mais celle des contactsdirects : les deux dimensions, enligne et hors connexion, sont appe-lées à s'harmoniser et à s'intégrerautant qu'il est possible dans unevie de relations pleines et sincères.

L'Église à l'ère du Net et des ré-seaux sociaux est appelée à évaluer

la signification et les formes de saprésence. Il est nécessaire qu'ellese comprenne non seulement commemystère de communion, mais aussi,plus modestement, comme lieu deconnexion significative entre les per-sonnes, à même de fournir les fon-dements d'une construction des rap-ports de communion dans une so-ciété fragmentée.

Cette tâche, évangéliser le Net,est certainement complexe, mais ap-paraît congénitale aux chrétiens, quisont quotidiennement appelés àtransformer la connexion en proxi-mité.

Quand Marianne se voile

HHHHI

Jean-Pierre BedouTéqui, 200 p., 17 €

Depuis quelques années main-tenant, la France, terre d'immigration,voit son modèle d'intégration mis àmal autant par l'affaiblissement gé-néral du sentiment d'appartenanceà la nation que par le communauta-risme grandissant d'un islam radical.Burkini, mosquées financées parl'étranger, charia… : le repli identi-taire sape petit à petit les fondementsde notre République et particulière-ment la laïcité.

Si beaucoup de musulmans sou-haitent vivre leur foi paisiblement,

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 24/31

il n'en est pas de même des salafistes(leurs leaders, les Frères musulmans)dont la pensée a pénètré les banlieueset les esprits, jeunes et moins jeunes,leur imposant un mode de vie quiva à l'encontre de nos valeurs occi-dentales.

Se fondant sur les principes del'islam et l'histoire de la communautémusulmane en France, l'auteur nouspropose une photographie sansconcession d'une France qui s'estperdue dans les compromis poli-tiques. Avec clarté et sans aucunparti pris idéologique, il nous livreles clés pour dépasser nos peurs etreconstruire un État fort.

Le rayon bleu

HHHII

Slobodan DespotGallimard, 200 p., 17 €

Un accident de petit réacteurs'est produit dans un laboratoiresouterrain, en Russie, il y a quelquesdécennies. Belodarev, avant de de-venir aveugle, puis de mourirquelques mois plus tard, a vu lerayon bleu et en a parlé en cestermes à Kouzmine, le seul physicienresté pour veiller sur les lieux etleur appareillage. Kouzmine est main-tenant le directeur technique del'institution sur laquelle se dresseune grande parabole. Toutes les dixmatinées, via cette grande oreille, il

reçoit un message codé. Après l'avoirré-encodé, il compose un numérode téléphone en France et le transmetsi on décroche et qu'on lui donnele mot de passe…

Dans un château désert, un vieuxtéléphone continue de sonner. Cachéau fond de l’océan, un sous-marinnucléaire attend l’ordre suprême.Tous deux sont liés à Herbert deLesmures, un haut conseiller de l’Ély-sée retrouvé mort à Paris. Carole-Anne, sa fille cadette, ne croit pasau suicide et encourage un jeunejournaliste à mener l’enquête. Paramour pour elle, mais aussi parcequ’il est fasciné par Lesmures et le« téléphone immobile », il fera bienplus : il écrira ce livre, une com-plainte pour la France et le monde,unis dans leur destinée.

Rendez à César

HHHII

Françoise HildesheimerFlammarion, 350 p., 24 €

Ce livre est une enquête histo-rique sur les rapports entre l’État etl’Église, des commencements decelle-ci jusqu’à la fin de l’AncienRégime français. Il s’agit d’explorerla spécificité du couple « spirituel »et « temporel » dans le cas du chris-tianisme qui, plus que les autresmonothéismes, s’appuie sur une

configuration du pouvoir où l’Égliseest partenaire de l’État.

Au sein du vieux couple spiri-tuel/temporel, Dieu l'emporte or-dinairement, César faisant plutôt fi-gure d'entrave à l'élévation desâmes. Cependant, la quête d'un"royaume qui n'est pas de ce monde"s'accompagne, dès les origines,d'une véritable réussite matériellede l'Église terrestre. Contradictionavec l'idéal initial ? Certes non,puisque cette manne doit être par-tagée avec les pauvres considéréscomme autant d'images de Dieu…Ce bel évangélisme se heurte à laréalité de l'institution. L'Église esten rivalité avec le Pouvoir pour ladomination du monde. Les questionsque cet affrontement pose sont mul-tiples. Au nom de quels principesle pouvoir spirituel peut-il com-mander ? Avec quelles forces ? Àquoi peut bien servir un pape ?Pourquoi les richesses de l'Égliseéchapperaient-elles à un pouvoircivil toujours plus autoritaire et im-pécunieux ? Après les grands af-frontements médiévaux du Sacer-doce et de l'Empire, se met enplace, dans la France d'Ancien Ré-gime, une solution dite "gallicane"qui fait du Roi Très Chrétien le véri-table chef de l'Église nationale.Cette "alliance du trône et de l'autel"placera la gestion temporelle enson centre, si bien que l'un sombreraavec l'autre à la Révolution. Avecle rappel de ce parcours temporel,cet essai veut constituer le contre-point d'une histoire religieuse quile minimise trop souvent, afin demieux mettre en lumière les condi-tions matérielles d'un essor spirituelet artistique sans pareil.

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 25/31

En fait il s’agit de réfléchir audépart sur le rapport de l’Église avecl’argent qui lui permet d’accomplirsa mission. Cette dernière disposede revenus issus de la dîme (impôt),de terres provenant de dons et d’unÉtat qu’elle possède au centre del’Italie. L’ouvrage s’intéresse pour lapériode du IVe au XVIIIe siècle à laconstitution de cette richesse. Cecipermet de revenir entre autre sur lapseudo-Donation de Constantin :« les travaux actuels montrent quela tradition manuscrite semble plusfranque que romaine. Le documentaurait pu être forgé en Gaule dansl’entourage des abbés Hilduin deSaint-Denis et Wala de Corbie, quiavaient pris le parti des opposants àLouis le Pieux dans le milieu desannées 830 et défendu le pape Gré-goire IV des attaques dont il faisaitl’objet (p. 65). On apprend qu’à ladîme s’ajoutait la none (p 80) dontle but était de compenser les spolia-tions commises par les souverainsafin de récompenser les féodaux.

On en vient ensuite à s’intéresseraux conflits et convergences entrepouvoir temporel et pouvoir spirituel.Dans le Saint Empire romain ger-manique, la querelle des Investiturestrouve sa source dans le désir de lapapauté de nommer de nouveauxtitulaires aux bénéfices devenus va-cants. Dans le royaume de France,on est avec les premiers Capétiensdans le cadre d’une alliance entrele souverain et le pape, aussi onaboutit à un Concordat qui favorisele gallicanisme. Lorsque la royautés’effondre, l’Église en pâtit non seu-lement au niveau de ses biens maisaussi de ses fidèles. Est abordéeaussi l’action des ordres mendiants ;

celle-ci se révèle porteuse d’un nou-veau regard économique qui réson-nera dans les idées développées parla Réforme. En renonçant aux biensmatériels, les franciscains ont entre-pris une réflexion décisive sur la va-leur de l’échange, et élaboré uneconception élevée de la richesse,assimilée au bien-être collectif dela communauté civile. Dès lors quele marché et le profit sont au servicede cette richesse, ils deviennent lé-gitimes et sont justifiés par la foi ;c’est selon Pierre de Jean Olivi, "lemoyen dont disposent les laïcs decontribuer selon leurs possibilités àl’édification d’une société chré-tienne". (p 345).

Non seulement l’ouvrage présenteune synthèse autour des conditionsmatérielles dans lesquelles l’Églisea vécu mais il offre des pistes trèsintéressantes sur l’évolution de lapensée économique au cours dessiècles.

La revanche de l’histoire

HHHII

Bruno TertraisO Jacob, 200 p., 19 €

Jamais le passé n’a été aussi pré-sent. Dans notre monde prétendu-ment sans mémoire, l’Histoire fina-lement ne cesse d’être invoquée : laRussie annexe le lieu de son bap-tême, la Chine justifie ses droits sur

son voisinage en se référant à descartes antiques, la Turquie s’inspirede son passé impérial, la Hongrieoctroie des passeports aux ancienssujets de l’Empire et, en Occident,les migrants sont vus comme lesnouveaux Barbares.

Pour l’auteur, le passé reconstruit,mythifié, se venge des fausses pro-messes du libéralisme et du socia-lisme. D’anciennes passions ressur-gissent. Les peuples s’élèvent contrela dilution des identités dans le grandbain de la mondialisation. La religiondu progrès a vécu, balayée par lesnationalismes et le fanatisme. Or,plus le passé est instrumentalisé(mais toujours d’un seul côté), plusles risques de conflits augmentent.Un livre pour comprendre le mondequi nous attend.

La révolte de l’esprit

HHHHI

Georges BernanosLes belles lettres, 430 p., 15 €

Après le scandale des Grandscimetières sous la lune sur les « des-sous de la guerre d’Espagne (1936),Georges Bernanos décide en 1938de quitter la France : « La triple cor-ruption nazie, fasciste et marxisten’avait presque rien épargné de cequ’on m’avait appris à aimer. » L’au-teur de Sous le soleil de Satan s’ins-talle au Brésil fin août 1938, décidé

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à devenir fermier pour gagner savie. Mais il est rattrapé par les évé-nements qui se déroulent en Europeet qui l’atteignent au plus profondde lui-même. Le temps est venupour lui d’autres Écrits de combat.

La révolte de l’Esprit est un recueild’articles écrits au Brésil, dans lapresse et pour la BBC, entre 1938 et1945. Jamais regroupés du vivantde leur auteur, ils forment un pendantau Chemin de la Croix-des-Âmes,recueil composé par Bernanos avantson retour en France. C’est la pre-mière fois que ces textes paraissentsous ce titre en un volume distinct.Bernanos y livre, dans son style ful-gurant, son combat pour la Francelibre. Mais à travers son temps, ilvoit plus loin. Ses Écrits de combat,souvent prophétiques et toujourscourageux, constituent sans aucundoute l’une des lectures les plus sa-lutaires de la littérature française duXXe siècle. Elle est plus que jamaisnécessaire aujourd’hui.

St Michelprotégez la France

HHHII

Martine BazinTéqui, 80 p., 13 €

Qui est ce prince de lumièreportant casque et cuirasse, et quitransperce un dragon de son épée ?C'est saint Michel. Cette histoire

commence dans les Cieux : on y

voit l'archange combattant et chas-

sant du Paradis Lucifer et ses dé-

mons, qui se sont révoltés contre

Dieu. Devenu le chef des bons

anges, saint Michel est en mission

sur la terre jusqu'à la fin du monde

pour nous protéger du diable. Au

cours des siècles, il a été envoyé

par Dieu pour guider l'Église et les

peuples, tout spécialement en

France. Voici la très belle histoire

de saint Michel et de ses plus belles

apparitions dans notre pays qui, de-

puis longtemps, lui est consacré. A

partir de 7 ans.

Sarkozy à Sainte Hélène

HHHII

Patrick Besson

Gallimard, 150 p., 13 €

Dans ce recueil de nouvelles,

l’auteur déploie son inventivité subtile

et mordante. En faisant se rencontrer

par-delà les siècles les personnalités

les plus improbables (Nabilla et La-

can, Charlot et des migrants), il défie

le temps et la bienséance. Dans ce

délicat rôle d’équilibriste, l’auteur

fait mouche : il possède plus que ja-

mais l’art de surprendre son monde

et un sens aigu du ridicule contem-

porain. Si certaines nouvelles sont

remarquables d’autres sont ou poli-

tiquement correct ou décevantes.

Salomon

HHHII

Mauricette Vial AndruSt Jude, 60 p., 5 €

Fils du roi David, ce roi prophèterédigea le livre des proverbes et bâtitle temple de Jérusalem. Sa sagesse,reconnue dans le monde entier,éblouit encore aujourd'hui. Il est lemodèle des rois et des chefs d'Etat.Une histoire à lire de 7 à 12 ans. Letexte, adapté aux premières lectures,reste fidèle au récit biblique.

Sedes sapientitae

HHHII

Sophie BrouquetPU du Mirail, 200 p., 23 €

Parmi les innombrables figurationsde Marie, la Vierge noire tranchepar son abstraction et sa pureté. Elleappartient à un temps où le dialogueavec l'autre monde, celui de l'au-delà, était encore possible et mêmequotidien. L'image dont il est ques-tion est bien sûr celle de la statue

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 27/31

de bois trônant en Majesté, portantl'Enfant sur ses genoux, qui trouveune de ses expressions les plus em-blématiques dans la statue de laVierge noire de Rocamadour.

Les contributeurs croisent leurspoints de vue d'historiens, d'histo-riens de l'art et d'anthropologuespour analyser le phénomène de lavierge noire, sa facture, son style etson rôle dans le culte et la dévotionmariale, dans le sud de la France eten Espagne, du Moyen Age à nosjours.

Servirla vocation de l’acteur

HHHHI

Michel BouquetKlincksiek, 200 p., 17,50 €

Réflexion vivifiante sur l'art dra-matique, cet ouvrage se présentecomme un recueil d’entretiens entreMichel Bouquet, acteur au sommetde son art, posant un regard lumineuxsur notre époque et son parcours, etGabriel Dufay, acteur et metteur enscène apportant le contrepoint dela jeunesse qui s’interroge sur le de-venir du théâtre.

Ce livre explore en profondeurl’essence et les mystères du jeu, touten nous livrant un éclairage inéditsur Michel Bouquet, témoin essentiel,qui se confie sur sa vie et sa carrière,

ainsi que sur les valeurs morales etartistiques qui ont permis à sa voca-tion d’éclore.

Tous narcissiques

HHHII

Jean CottrauxOdile Jacob, 200 p., 22 €

Sommes-nous tous des narcis-siques en puissance ? Il existe toutessortes de personnalités narcissiques :le narcissisme positif est celui quiconduit à la créativité, à réaliserdes œuvres littéraires, politiques,ou des découvertes scientifiques.Mais il y a aussi un narcissisme né-gatif, celui des personnalités nar-cissiques instables et dépressives,et enfin un narcissisme sombre etmalveillant.

Ce livre propose des solutionspour mieux vivre avec ces person-nalités, ou s'en séparer sans dom-mage. Il permet aussi d'apprendreà se protéger du narcissisme ma-chiavélique de ceux qui veulent àtout prix vous dominer. Il présenteenfin une réflexion originale et vraiesur l'éducation positive pour apaiseret frustre cette génération « moi je »et tempérer le choc des narcissismesculturels, largement présents dansla société d'aujourd'hui.

Un livre pour aider et soignerceux qui en ont besoin, afin de les

réconcilier avec une bonne estimede soi, respectueuse des autres.

Le tour du mondedu roi Zibeline

HHHII

JCh RufinGallimard, 380 p., 20 €

Comment un jeune noble né enEurope centrale, contemporain deVoltaire et de Casanova, va se re-trouver en Sibérie puis en Chine,pour devenir finalement roi de Ma-dagascar… Sous la plume de Jean-Christophe Rufin, cette histoire au-thentique prend l'ampleur et lecharme d'un conte oriental.

A partir de la biographie d'Au-guste Benjowski, un célèbre voyageurdu XVIIIème siècle, l'auteur bâtit unroman d'aventures à la langue déli-cieusement classique et aux ressortsnarratifs qui tiennent de la grandetradition des conteurs. Il imagine larencontre entre Benjamin Franklinalors vieillissant et condamné à voirdéfiler chaque jour nombre de solli-citeurs dans sa demeure de Phila-delphie, et Auguste accompagné desa femme Aphanasie. Le vieil homme,auréolé de sa contribution à la ré-daction de la constitution des jeunesEtats-Unis est intrigué par ce coupledont le parcours est pour le moinsinhabituel. Auguste est né en Hongrie,

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 28/31

a rencontré sa femme en Sibérie,parcouru les mers et les terres aus-trales avant d'être nommé roi deMadagascar. Subjugué, Franklinécoute pendant plusieurs jours lesvoix d'Aphanasie et d'Auguste al-terner le récit de leur vie mouve-mentée avant d'en venir au motif deleur visite.

Et forcément, le lecteur est toutautant subjugué, passant d'une ré-gion du monde à une autre en plu-sieurs années et revisitant uneépoque où le monde était encore àdécouvrir. Fort de l'enseignementde son précepteur français, richedes idées de Voltaire, Diderot etRousseau, Auguste développe sescontacts et pose des jalons dans denombreux endroits du monde avecl'espoir de créer des relations com-merciales et diplomatiques. Maisc'est oublier un peu vite que lesdesseins des Etats qui pilotent cesexpéditions ne sont ni pacifiquesni dénués d'arrière-pensées.

Des attitudes et des questionne-ments qui font écho à ceux qui per-sistent de nos jours et mettent enavant des approches éminemmentdifférentes sur nos façons d'appartenirau monde.

Mais ce roman est aussi une trèsbelle histoire d'amour entre Augusteet Aphanasie qui bravent toutes lesconvenances pour être en accordavec leurs valeurs et la façon dontils conçoivent leur amour.

Encore une fois, le cocktail estbien dosé, mais le lecteur regretterala vision politiquement correcte dusiècle des Lumières. A partir d'unebase documentaire solide, les in-grédients romanesques emportent lemorceau et font du couple Aphana-

sie-Auguste des héros aussi attachantsqu'inspirants, portés par le soufflede l'aventure.

Les turcs seldjoukides

HHHII

CollectifPU de Provence, 500 p., 25 €

La civilisation des Seldjoukides,de culture persane, dirigée par uneoligarchie militaire turque qui régnaitsur une population largementgrecque, arménienne, syriaque etkurde, s’est épanouie du XIe auXIVe siècle de notre ère en Asie Mi-neure, ancienne province-pivot del’Empire byzantin, laquelle devintainsi la première « Turquie » élargieet consolidée ultérieurement par lesOttomans.

Sur cette « Turquie pré-otto-mane », la source persane la plusétoffée est l’ouvrage d’Ibn Bîbî quicouvre la période de l’apogée puisde la décadence du sultanat seld-joukide (fin XIIe-début XIVe siècle).Le présent ouvrage contient de largesextraits de cet auteur. La versionfrançaise se fonde sur la traductionallemande de H. W. Duda (1959),avec un retour très précis et systé-matique au texte persan reproduiten fin de volume, avec certainsajouts originaux. Cette traductionest précédée d’une présentation ducontexte historique et culturel de

l’Anatolie turque des XIe-XIIIe siè-cles, avec une bibliographie très dé-taillée et récente sur le monde seld-joukide d’Asie Mineure, ainsi quedes cartes et des généalogies. Lesnotes et la bibliographie de Duda,complétée ou, le cas échéant, recti-fiées, ont été conservées.

Un second volume, à paraître,sera une anthologie plus éclectiquequi présentera à la fois des extraitsd’autres auteurs persans ainsi quedes chroniqueurs turcs et arabesavec, en contrepoint indispensable,quelques morceaux choisis chez desécrivains chrétiens de première im-portance, byzantins, arméniens, sy-riaques et latins.

Les soirées chez Mathilde

HHHII

Dominique FabreEd de l’olivier, 240 p., 18,50 €

« Il ne faisait pas encore jour.D’habitude, dans les contes, ce sontles oiseaux qui donnent le signal dudépart. Il a posé son manteau à luien plus du sien à elle sur les épaulesde Mathilde ; elle était fatiguée. »

Dans les années quatre-vingt, unétudiant désœuvré et sans le sou,fréquentant davantage les bars quela fac, est invité à une fête dans labanlieue chic, à Sèvres. Le jeunehomme découvre une petite société

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 29/31

de personnes qui boivent, bavardent,

flirtent et dansent dans une ambiance

où les problèmes de la vie quoti-

dienne semblent ne plus exister. Fas-

ciné par l’atmosphère qui règne dans

la grande maison de Sèvres, il re-

viendra et se mêlera à ce monde

qui est à l’opposé du sien. L’auteur

convoque et ressuscite une époque

à jamais disparue. L’émotion est là,

à fleur de peau, fugitive, capturée

par son écriture sensible.

La Vierge de Fatimaet le secret de la paix

HHHII

Francine Bay

Téqui, 180 p., 13 €

Jacinta (7 ans) et Francisco (9

ans), avec leur cousine Lucia (10

ans), sont trois jeunes bergers, sim-

ples et joyeux. Ils habitent dans le

petit village de Fatima, au centre

du Portugal.

Entre le 13 mai et le 13 octobre

1917, la Vierge Marie va leur appa-

raître six fois et ces visites du Ciel

vont bouleverser leur vie. À chaque

fois, la Sainte Vierge leur demande

de prier le chapelet « afin d'obtenir

la paix pour le monde ». Elle leur

enseigne de belles prières et leur

livre de graves secrets. Avec une

tendresse toute maternelle, elle les

guide et les réconforte dans leurs

épreuves et fera d'eux des messagersde la paix, des témoins de son amour.

Jacinta et Francisco ont été béa-tifiés le 13 mai 2000 par Jean-PaulII. Lucia, devenue religieuse, s'estéteinte en 2005. Son procès debéatification est en cours. A partirde 6 ans.

Le voyage au Moyen Age

HHHII

CollectifPU Provence, 210 p., 20 €

Les recherches sur les récits devoyage médiévaux connaissent ac-tuellement un renouveau des pers-pectives envisagées, qui situent cestextes dans des contextes et des pro-blématiques renouvelés. Les dixcontributions présentes dans ce vo-lume explorent deux pistes : d’unepart les liens entre récits de voyageet géographie, d’autre part la placede ces récits dans le développementd’une quête du « moi » au cours duMoyen Âge. La frontière entre récitviatique et traité de géographie estfloue et les définitions de ces deuxdomaines demeurent poreuses toutau long du Moyen Âge. De la mêmefaçon, la place que tient l’écrituredu voyage dans la naissance de l’au-tobiographie est significative et l’his-toire de ces deux genres littérairesse croise fréquemment. Ces deuxaspects, souvent opposés, rarement

rassemblés, ne sont cependant pas

antinomiques, mais méritent d’être

examinés de façon conjointe. En

effet, le voyageur, confronté à des

lieux et des expériences nouveaux,

qui viennent enrichir les connais-

sances géographiques, est aussi

amené à un retour sur soi et à un

questionnement sur son identité.

Saint François d’Assise

HHHHI

GK Chesterton

DMM, 210 p., 14 €

Chesterton s'adresse d'abord à

l'homme de la rue qui admirerait

volontiers celui qu'il croit être le

véritable François si l'Église n'en

avait pas fait un saint. Son merveilleux

portrait rend évident que la seule

vision cohérente et vraie du Poverello

est celle qui le montre comme l'un

des plus purs miroirs du Christ qui

ait jamais marché sur cette terre. Il

permet aussi aux catholiques de

s'approcher plus près du cœur de

celui qui ne fut rien d'autre que gra-

titude envers le Créateur. Il leur ap-

prend à mieux connaître et savourer

les dons divins que l'esprit franciscain

offre au monde aujourd'hui comme

hier - dont nous avons plus que ja-

mais besoin.

Notes de lecture de Georges Leroy, juillet-août 2017 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 30/31

Vision de Jackie Kennedyau jardin Galliera

HHHII

Michel Crépu

Gallimard, 220 p., 18 €

Imaginez Jackie Kennedy, peu

après l’assassinat de John à Dallas,

venue rendre visite à une amie de

pension à Paris. Elle se déplace en

longue

Cadillac noire, élégante et loin-

taine, d’une exquise et aristocratique

proximité apparente… C’est l’Oriane

de Guermantes du roman, délicieu-sement et cruellement proustien, deMichel Crépu. On est au mitan des années 1960. Suzan, l’amie peintred’origine américaine que vient re-trouver Jackie, est la tante de Bretagnedu jeune narrateur, qui vit dans sonmystérieux appartement de la ruede Bassano. Grâce à cette artistepudique et secrète, au monde litté-raire et esthétique qu’elle lui ouvre,il commence son apprentissage. Maishésite encore entre vocation d’écri-vain et de reporter de guerre, auxavant-postes qu’il est d’une universitéqui conteste, déstructure et restruc-ture, proclame la défaite du Sens,l’esthétique du fragment, la fin del’Histoire…

L’auteur dessine à merveille lecheminement intellectuel d’une gé-nération, y tisse l’histoire politiqueet internationale de l’après-guerre,en évoque superbement le climat

léthargique et inquiet à la fois,comme le tourment intime d’un ado-lescent qui se construit. Avec sesdeuils et ses obsessions, ses dégoûtset ses fascinations. Ainsi en va-t-ilde l’étrange Siera, rencontré à la re-vue littéraire où le narrateur com-mence à travailler. Ce riche poèteargentin exilé l’émerveille pour sadistance amusée avec les idées etles êtres, pour ses excentricités aussi,sa soif de célébrité. Suzan la discrèteet Siera le magnifique l’auront, cha-cun à sa manière façonné…

Le regard acéré et bienveillantque porte Michel Crépu sur un mo-ment de notre Histoire mondiale– l’assassinat de Kennedy – et de lasociété française, et de la culturefrançaise, est tout ensemble roma-nesque et passionnant. Le lire, c’estéprouver aussi la joie d’un tempsretrouvé. Comme dans la Rechercheproustienne…

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