"Note de problématique" sur les crédits d'exportation du charbon

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Note de problématique pour le Conseil national de la transition écologique – 25 juin 2016 Mise en œuvre de la suppression des crédits exports charbon 1. – Lors de la dernière conférence environnementale, le Président de la République a déclaré « Nous supprimerons tous les crédits exports dans le soutien que nous accordons aux pays en développement, dès lors qu’il y aura utilisation du charbon. Et nous veillerons au niveau européen à faire en sorte que nous puissions supprimer à terme les subventions aux énergies fossiles. » La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre implique en effet que les soutiens publics ne 1 rendent pas les énergies fossiles « artificiellement » plus compétitives que les énergies décarbonées . Il est également préférable de flécher prioritairement les soutiens publics vers les technologies décarbonées, sous réserve que le niveau de ces soutiens fasse émerger suffisamment de projets pour sortir de la précarité énergétique les populations les plus vulnérables. Dans les cas où les soutiens publics seraient insuffisants au niveau mondial pour financer uniquement des énergies décarbonées et où la production d’électricité à partir d’énergie fossile est très substantiellement moins chère que les alternatives décarbonées, la lutte contre la précarité énergétique peut justifier que des soutiens publics aux énergies fossiles soient temporairement accordées, sous réserve de respecter les meilleures technologies disponibles. Pour contribuer à ce que ces situations deviennent des exceptions, le Président de la République a notamment annoncé que la France « contribuera(it) à hauteur d’un milliard de dollars sur les prochaines années à la capitalisation du fonds vert ». . Plusieurs catégories différentes de soutiens publics doivent être considérées, et notamment : (i) Les subventions directes qui peuvent conduire à ce qu’un pays choisisse le charbon plutôt qu’une alternative décarbonée, en inversant la compétitivité relative de la technologie charbon et de la technologie

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  • Note de problmatique pour le Conseil national de la transition cologique 25 juin 2016 Mise en uvre de la suppression des crdits exports charbon 1. Lors de la dernire confrence environnementale, le Prsident de la Rpublique a dclar Nous supprimerons tous les crdits exports dans le soutien que nous accordons aux pays en dveloppement, ds lors quil y aura utilisation du charbon. Et nous veillerons au niveau europen faire en sorte que nous puissions supprimer terme les subventions aux nergies fossiles. La lutte contre les missions de gaz effet de serre implique en effet que les soutiens publics ne 1 rendent pas les nergies fossiles artificiellement plus comptitives que les nergies dcarbones . Il est galement prfrable de flcher prioritairement les soutiens publics vers les technologies dcarbones, sous rserve que le niveau de ces soutiens fasse merger suffisamment de projets pour sortir de la prcarit nergtique les populations les plus vulnrables. Dans les cas o les soutiens publics seraient insuffisants au niveau mondial pour financer uniquement des nergies dcarbones et o la production dlectricit partir dnergie fossile est trs substantiellement moins chre que les alternatives dcarbones, la lutte contre la prcarit nergtique peut justifier que des soutiens publics aux nergies fossiles soient temporairement accordes, sous rserve de respecter les meilleures technologies disponibles. Pour contribuer ce que ces situations deviennent des exceptions, le Prsident de la Rpublique a notamment annonc que la France contribuera(it) hauteur dun milliard de dollars sur les prochaines annes la capitalisation du fonds vert . . Plusieurs catgories diffrentes de soutiens publics doivent tre considres, et notamment : (i) Les subventions directes qui peuvent conduire ce quun pays choisisse le charbon plutt quune alternative dcarbone, en inversant la comptitivit relative de la technologie charbon et de la technologie

  • dcarbone. La France a clairement supprim cette forme de er soutien public depuis que le Prsident de la Rpublique a annonc le 1 mars 2013 Je souhaite que lAFD (Agence franaise de dveloppement) montre la voie, cest--dire la priorit aux nergies renouvelables et le refus de financer des projets qui ne nous paraissent pas correspondre nos objectifs. Je pense notamment au secteur des centrales charbon, ds lors quelles sont sans captage ou stockage du CO2.

    subventions mais qui permettent de rduire le cot du financement des projets en assurant des risques spcifiques. Ces dispositifs permettent de modifier la comptitivit de loffre franaise par rapport celle des autres industriels, notamment japonais, corens et chinois, sans avoir dincidence directe en amont sur le choix de la technologie au charbon. Leur suppression a nanmoins une signification politique importante, car elle matrialise le retrait de la France dans les technologies les plus mettrices de CO2. 2. Le 4 fvrier 2015, lors dune intervention devant le CNTE, le Premier ministre a prcis qu il appartiendra(it) Sgolne Royal de prsenter (...) un calendrier concret de retrait qui tienne compte videmment de la situation des entreprises . 3 Contrairement dautres pays de lOCDE , la France accueille une importante activit industrielle dingnierie ddie la construction et la maintenance des centrales charbon lexport. A ces fins, 1 au charbon sans subvention, ne doit pas devenir moins comptitif cause de la subvention accorde la

    centrale charbon. 2 3

    (ii) Les assurances crdit lexport, gres en France par la COFACE, qui ne sont pas des 2

  • Un moyen de production dlectricit partir de source dcarbone, qui tait plus comptitif quune centrale

    Le compte Etat de la COFACE qui porte les assurances crdit lexport est quilibr depuis plusieurs annes. Comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui prnent aux cts de la France la dcarbonisation des mix

    lectrique grce un ensemble des mesures et notamment la suppression des crdits export charbon

    1 Note de problmatique pour le Conseil national de la transition cologique 25 juin 2016 la filire industrielle franaise emploie ainsi 750 salaris sur les sites de Belfort et de Massy, et fait vivre un tissu demplois indirects estim 2.000 salaris. Les crdits export jouent un rle important dans le positionnement de la filire lors des appels doffres internationaux. En effet, mme si les crdits exports franais ne sont pas toujours mis en uvre, la possibilit dy recourir est gnralement un critre ncessaire pour ne pas tre vinc ds les premiers tours des appels doffres. Une telle viction aurait des consquences dommageables : Une perte demplois directe pour lindustrie franaise : 750 ingnieurs et

    techniciens implants pour lessentiel Belfort travaillent exclusivement sur le design et loffre de centrales vapeur lexport (pas de march en France). Ces emplois sont trs aisment dlocalisables. En effet, le tissu industriel franais est en concurrence directe avec la Suisse et lAllemagne, voire avec la Pologne et le Royaume Uni o des filires industrielles sont galement implantes. Le risque dun transfert demplois et de comptences est rel dans lhypothse o ces pays maintiendraient des soutiens plus favorables lexport.

    Une perte demplois indirecte : la comptence EPC propre la filire franaise apporte des revenus rcurrents qui reprsentent en moyenne 700 M dexport par an. Pour certains acteurs de la filire, ces revenus

  • sont ncessaires pour dvelopper les autres activits en phase de dveloppement (notamment les nergies renouvelables et les rseaux d lectricit intelligents - smart grids). Mme avec un transfert des quipes dans un pays tiers, une perte nette au profit des concurrents europens ou asiatiques de la filire franaise est probable, de mme quun signal de dfiance susceptible daffaiblir les secteurs forte prsence industrielle en France.

    La dlocalisation et la perte dun savoir-faire technologique: laffaiblissement de la filire franaise ne serait pas sans effet sur le dveloppement et la promotion de son offre technologique en matire d efficacit nergtique des centrales mais aussi sur le dveloppement de technologies de capture et stockage de carbone qui constitue pourtant un objectif stratgique. Non seulement cette activit, encore au stade de la R&D, ne se dveloppera pas en France, mais elle pourrait totalement nous chapper. La France a ds lors besoin dune priode suffisante pour consolider ses positions sur les activits en phase de dveloppement (ENR et smart grids), ainsi que sur loffre de technologie de capture et stockage de carbone (CSC) dans la perspective de faire merger des champions industriels franais dans les diffrentes technologies ncessaires la transition nergtique et la lutte contre le rchauffement climatique. 3. Conformment lengagement du Prsident de la Rpublique, la rgle est la suppression des crdits export pour les centrales charbon non quipes dun dispositif de capture et stockage du carbone (CSC) oprationnel. Elle sapplique immdiatement toutes les centrales sous- critiques les plus mettrices de gaz effet de serre. La prise en compte des enjeux industriels est envisage par la mise en place dun rgime dexemption temporaire lobligation davoir un dispositif CSC oprationnel. Cinq rgimes dexemption sont envisageables (points 4 8 ci-dessous).

    2 Note de problmatique pour le Conseil national de la transition cologique 25 juin 2016 4. Rgime dexemption n1 : restreindre les crdits export aux centrales

  • charbon ultra- supercritiques installes dans les pays low income economies de la nomenclature banque mondiale (voir annexe 1). Les projets doivent par ailleurs remplir trois critres cumulatifs supplmentaires :

    Une tude conomique indpendante (base sur des consultations et rendue publique) doit 4 dmontrer quil ny a pas dautre alternative conomiquement viable . Une tude socio-conomique indpendante (base sur des consultations et

    rendue publique) doit dmontrer que le projet de centrale a un impact significatif en matire de rduction de la pauvret.

    Le pays considr doit avoir adopt une politique nationale de rduction des missions cohrente avec un scnario 2C et accompagne dune politique de dveloppement ambitieux des nergies renouvelables, et dmontrer que le projet de centrale est compatible avec cette politique. La liste des pays low income economies de la nomenclature banque mondiale tant trs restreinte, ce rgime dexemption ne laisse aucun march pour la filire dans les cinq prochaines annes. La prise en compte des enjeux industriels nest ainsi pas garantie. 5. Rgime dexemption n2 : le rgime dexemption lobligation davoir un dispositif CSC oprationnel pourrait bnficier aux projets qui :

    sont compatibles avec la politique climatique : le pays dimplantation de la centrale doit avoir transmis une contribution nationale de lutte contre le changement climatique (INDC) dans le cadre de la COP 21 et le porteur de projet doit dmontrer que la centrale est compatible avec cette politique ;

    nont pas dalternative conomiquement viable : sans tenir compte des subventions accordes aux projets charbon, une tude conomique doit dmontrer quil ny a pas dautre alternative plus intressante dun point de vue conomique. Cela permet de garantir que loutil des crdits export ne soit pas une subvention qui conduit choisir le charbon la place dune autre nergie moins mettrice de gaz effet de serre.

  • sont ports par un industriel dont les quipes franaises sont engages dans un programme de dveloppement industriel de la technologie CSC (capture et stockage du carbone, tant pour les centrales charbon que les centrales au gaz et les procds industriels comme la sidrurgie) qui vise mettre en service, en France ou ltranger, un ou plusieurs dmonstrateurs de taille industrielle lhorizon 2020, puis gnraliser cette technologie en rponse aux appels doffres aprs 2020. Ce rgime dexemption serait par ailleurs limit :

    aux nouveaux projets5 de centrales ultra-supercritiques6 CCS-ready7, lancs avant 2020 dans les pays catgorie II de lOCDE ; 4

    Ltude doit inclure des alternatives dnergies renouvelables, defficacit nergtique (y compris la rduction de la consommation dlectricit par une meilleure gestion de la demande), de dveloppement des rseaux lectriques et un mix de ces diffrentes solutions. Cette tude conomique doit montariser et intgrer les subventions et les externalits lies au charbon - missions de CO2 par le projet de centrale et missions de polluants atmosphriques locaux comme lexigent actuellement la Banque Europenne dInvestissement ou la Banque Europenne pour la Reconstruction et le Dveloppement. Ltude doit inclure la viabilit conomique du projet de centrale long terme, pas seulement court terme. La comparaison de la viabilit conomique des diffrentes alternatives nest pas un choix simpliste du moins-disant conomique : si la diffrence de cot en faveur de la centrale charbon est peu significative, ltude doit analyser la capacit du pays considr payer un surcot limit pour une solution alternative moins polluante (notamment renouvelable).

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    aux nouveaux projets de centrales supercritiques8 CCS-ready, lancs avant 2020 dans les pays lower middle income economies et low income economies de la nomenclature banque mondiale (voir annexe 1).

  • Tous les autres nouveaux projets lancs aprs 2020 devront tre quips dun CSC oprationnel. Une clause de revoyure est prvue tous les deux ans pour rvaluer ce rgime dexemption. Enfin, les projets en cours qui ont fait lobjet dune lettre de support de la COFACE avant le 27 novembre 2014 sont exempts de lobligation au titre des engagements pris. Cette option restreint laccs de la filire aux marchs mais prserve un minimum dactivit dans les 5 prochaines annes. A titre dillustration, des projets supercritiques pourront tre raliss par exemple en Inde, au Pakistan, aux Philippines, au Vietnam, ou en Indonsie, mais ne pourront pas ltre dans des pays tels que la Chine, lAfrique du sud, la Malaisie, ou la Turquie. Par ailleurs, les centrales ultra- supercritiques dans les pays catgorie 1 de lOCDE (voir annexe 2) ne sont pas ligibles. 6. Rgime dexemption n3 : le rgime dexemption lobligation davoir un dispositif CSC oprationnel pourrait bnficier aux projets ports par un industriel dont les quipes franaises sont engages dans un programme de dveloppement industriel de la technologie CSC qui vise mettre en service, en France ou ltranger, un ou plusieurs dmonstrateurs de taille industrielle lhorizon 2020, puis gnraliser cette technologie en rponse aux appels doffres aprs 2020. Ce rgime dexemption serait par ailleurs limit aux nouveaux projets de centrales ultra-supercritiques CCS-ready, lancs avant 2020 (quel que soit le pays). Tous les autres nouveaux projets lancs aprs 2020 devront tre quips dun CSC oprationnel. Une clause de revoyure est prvue tous les deux ans pour rvaluer ce rgime dexemption. Enfin, les projets en cours qui ont fait lobjet dune lettre de support de la COFACE avant le 27 novembre 2014 sont exempts de lobligation au titre des engagements pris. Cette option vise encourager le dveloppement du march de lultra-supercritique qui ne reprsente que 13% des exportations mondiales et retire les garanties export pour le march des centrales supercritiques sur lequel la concurrence est la plus vive (les crdits export y sont indispensables). Elle recentre le soutien public sur la meilleure technologie disponible, les centrales ultra-supercritiques, en laissant aux socits franaises un accs au march mondial pour les 5 prochaines annes des conditions favorables. 7. Rgime dexemption n4 : le rgime dexemption lobligation davoir

  • un dispositif CSC oprationnel pourrait bnficier aux projets ports par un industriel dont les quipes franaises sont engages dans un programme de dveloppement industriel de la technologie CSC qui vise mettre en service, en France ou ltranger, un ou plusieurs dmonstrateurs de taille industrielle lhorizon 2020, puis gnraliser cette technologie en rponse aux appels doffres aprs 2020. Ce rgime dexemption serait par ailleurs limit :

    aux nouveaux projets de centrales ultra-supercritiques, lancs avant 2020 dans les pays catgorie 2 de lOCDE ; aux nouveaux projets de centrales ultra-supercritiques CCS-ready lancs avant 2020 dans les pays catgorie 1 de lOCDE ;

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    environnementales pralables auprs des autorits locales comptentes. Dans les cas o une telle procdure

    nexisterait pas, on se rfrera la demande de permis de construire ou quivalent. 6 7 8 Dans la suite de la note, on entend par nouveau projet un projet qui na pas fait lobjet dun dpt dtudes

    >250 bar et >599CVoir la dfinition en annexe 3. Dans la suite de la note, le terme CCS-ready se rfre cette dfinition. >221 bar et >550C

    4 Note de problmatique pour le Conseil national de la transition cologique 25 juin 2016

    aux nouveaux projets de centrales supercritiques CCS-ready, lancs avant 2020 dans les pays catgorie 2 de lOCDE ; Tous les autres nouveaux projets lancs aprs 2020 devront tre quips dun CSC oprationnel. Une clause de revoyure est prvue tous les deux ans pour rvaluer ce rgime dexemption, afin notamment dvaluer la maturit du

  • dploiement commercial du CSC dans les pays de catgorie I et II. Enfin, les projets en cours qui ont fait lobjet dune lettre de support de la COFACE avant le 27 novembre 2014 sont exempts de lobligation au titre des engagements pris. Il existe cependant une forte incertitude sur lexistence dun march pour les centrales supercritiques CCS-ready dans les pays catgorie 2 de lOCDE avant 2020. La concurrence internationale, qui propose des solutions sans CSC, risque de capturer le march. En pratique, cette option limite donc laccs des socits franaises jusquen 2020 au march ultra- supercritique, en retirant la contrainte du CCS-ready pour les pays de catgorie 2 de lOCDE, dans lesquels il est plus difficile de le mettre en uvre. 8. Rgime dexemption n5 : le rgime dexemption lobligation davoir un dispositif CSC oprationnel pourrait bnficier aux projets ports par un industriel dont les quipes franaises sont engages dans un programme de dveloppement industriel de la technologie CSC qui vise mettre en service, en France ou ltranger, un ou plusieurs dmonstrateurs de taille industrielle lhorizon 2020, puis gnraliser cette technologie en rponse aux appels doffres aprs 2020. Ce rgime dexemption serait par ailleurs limit : aux nouveaux projets de centrales supercritiques CCS-ready, lancs avant

    2020 dans les pays catgorie 1 de lOCDE ;

    aux nouveaux projets de centrales supercritiques CCS-ready, lancs avant 2025 dans les pays catgorie 2 de lOCDE ;

    aux nouveaux projets de centrales ultra-supercritiques CCS-ready, lancs avant 2025 dans les pays catgorie 1 de lOCDE ;

    aux nouveaux projets de centrales ultra-supercritiques CCS-ready, lancs avant 2030 dans les pays catgorie 2 de lOCDE ; Une clause de revoyure est prvue tous les deux ans pour rvaluer ce rgime dexemption, afin notamment dvaluer la maturit du dploiement commercial du CSC dans les pays de catgorie I et II. Enfin, les projets

  • en cours qui ont fait lobjet dune lettre de support de la COFACE avant le 27 novembre 2014 sont exempts de lobligation au titre des engagements pris. Cette option chelonne la fin des crdits-exports entre 2020 et 2030 selon les zones gographiques et les technologies, mais prserve chaque fois la ncessit de pouvoir ultrieurement quiper la centrale dun dispositif CSC oprationnel.

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