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Non - violence A A c c t t u u a a l l i i t t é é www.nonviolence-actualite.org N° 327 - Mars-avril 2013 - 6 Revue bimestrielle sur la gestion positive des relations et des conflits - Fondée en 1978 pour prévenir la violence Favoriser l’empathie

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Non-violenceAAccttuuaall iittéé

www.nonviolence-actualite.org N° 327 - Mars-avril 2013 - 6 €

Revue bimestrielle sur la gestion positive des relations et des conflits - Fondée en 1978

pour prévenir la violence

Favoriser

l’empathie

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L'empathie est la capacité que tout être humain possède de pou-voir se mettre à la place de l’autre pour comprendre et décrireses émotions sans pour autant les ressentir lui-même. C’est un

mécanisme primitif, inné, que l’on peut observer également chez cer-taines espèces animales. De nombreux facteurs, comme par exemple lapression du groupe, peuvent l’inhiber ou au contraire la renforcer. Com-prendre les mécanismes émotionnels de l’autre génère le plus souventdes comportements altruistes. Toutefois, c’est aussi l’empathie qui per-met au pervers de se mettre à la place de sa victime pour mieux la do-miner. L’empathie suppose une certaine distance entre soi et l’autre, àla différence de la sympathie qui décrit une situation plus ou moinsfusionnelle dans laquelle chacun ressent les mêmes émotions.

Si nous pouvons nous identifier à l’autre c’est parce que tous les hu-mains ont le sentiment d’appartenir à la même espèce, vivent les mêmesémotions dans les mêmes circonstances. Adopter une attitude empa-thique nous permet d’être pleinement centré sur l’autre, tout en étanten pleine conscience de soi. Cette « intelligence de la relation » nouspermet de comprendre l’autre de l’intérieur et de reformuler ce qu’ilressent comme important, ses émotions, ses préoccupations et ses be-soins. Se sentant comprise, la personne écoutée peut retrouver l’estimed’elle-même. En effet, l’écoute empathique est une écoute active, sansjugement. Pour se construire, l’enfant a particulièrement besoin d’êtreécouté, de pouvoir exprimer ses émotions ; ainsi, au fur et à mesurequ’il grandit, il établira des relations de plus en plus riches avec sonentourage.

Nombre de recherches montrent que l’introduction d’un apprentissageà une « intelligence émotionnelle » dès l’école favorise l’acquisition decompétences relationnelles et sociales utiles tout au long de sa vie pourbien vivre avec les autres. Par diverses expériences d’émotions parta-gées, il est possible d’activer l’empathie qui semble faire défaut à cer-tains moments où la violence s’exprime. Ainsi, des programmes de pré-vention de la violence, mis en place dès la maternelle, s’attachent-ils àlever les obstacles à l’empathie émotionnelle. Il est urgent de complé-ter les apprentissages disciplinaires par un travail sur les émotions etque les recherches dont l’efficacité a été mesurée, entrent enfin en ap-plication dans l’école.

Favoriser l’empathie

pour prévenir la violence

NVA 327

Sommaire

•Favoriser l’empathie pour prévenir laviolence, Édito page 3

• L’empathie, cette faculté de l’êtrehumain à se mettre à la place de l’autre,Entretien avec Jacques HOCHMANN

page 4

• Définition à plusieurs voix :L’empathie, une habileté relationnellepour réduire la violence, par SabineCHEVALIER, Dominique DEMARIA,Marie GARRIGUE-ABGRALL etCarole MICHIELS page 6

•Petite Enfance, L’éveil à l’empathiechez le tout jeune enfant, parVéronique SCHRIVE page 10

• L’écoute empathique, par KarineLE GOAZIOU page 12

• Le « Jeu des trois figures » enMaternelle. Naître à l’empathie, parSerge TISSERON page 13

• Expérimentation en Primaire, « Del’empathie pour lutter contre leharcèlement à l’école », Entretienavec Omar ZANNA page 15

•Formation des enseignants : L’empathieune compétence professionnelle pourles enseignants, par Daniel FAVRE etCatherine FAVRE page 19

• Thérapie Sociale : Se (trans)former àl’empathie, par Charles Rojzman etNicole Rothenbühler page 21

• Livres page 23

• Bloc-notes page 24

• Formations page 25

• S’abonner à NVA page 27

• La chronique de ThomasD’ANSEMBOURG page 28

Prochain numéro : n° 328Mai-Juin 2013

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ÉDITO

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4 Non-violence Actualité, mars-avril 2013

- Pouvez-vous nous donner une défini-tion de l’empathie ?

- L’empathie est une attitude psycho-logique particulière qui permet de semettre à la place de l’autre et d’essayerde comprendre ses émotions, sescroyances, ses idées… C’est différent dela sympathie qui consiste à éprouveren même temps que l’autre les mêmessentiments. Quand je sympathise avecquelqu’un, j’essaie d’éprouver ce qu’iléprouve. Quand j’empathise, j’essaieplutôt de comprendre ce que l’autreéprouve ; je me place du côté de la pers-pective de l’autre plutôt que du côtéde ma propre perspective.

- Quand apparaît cette capacité chezl’individu ?

- Les recherches récentes montrent que,très tôt, le bébé commence à s’intéres-ser à ce que l’autre peut éprouver.C’est encore quelque chose de très vaguequi ne correspond pas à ce qu’est l’em-pathie des adultes, mais il y a déjà chezle bébé une reconnaissance des émo-tions, dans la voix, dans le visage decelui qui s’adresse à lui. L’empathie estune fonction innée qui existe à diffé-rents états chez les individus. Chez lesanimaux également il y a des précur-seurs de l’empathie, probablementmoins développés, moins organisés.C’est en quelque sorte, tout à fait na-turel.

- Peut-on dire que l’empathie est le mo-teur de la relation ?

- La relation à l’autre est fondée sur lespossibilités empathiques du sujet etcela depuis la toute petite enfance. Unenfant qui souffre d’un défaut d’em-pathie ne va pas se développer d’une fa-çon normale. En particulier, on faitaujourd’hui de plus en plus l’hypothè-se que l’autisme infantile est lié à un dé-faut de développement des capacitésempathiques. L’enfant a alors beaucoupde peine à comprendre les émotions, lespensées, les sentiments de l’autre.

- Pensez-vous que l’empathie puisse setravailler, se développer ?

- Comme je vous le disais, l’empathieest une fonction innée, mais on peutavoir plus ou moins d’empathie. Onpeut imaginer effectivement que l’ex-périence de la vie favorise le dévelop-pement de ses capacités empathiques.C’est une compétence qui se dévelop-pe chez la plupart des individus à tra-vers les échanges que les gens ont entreeux. Lorsque l’on a affaire à des sujetspathologiques, comme par exempleles enfants autistes, on travaille en pe-tits groupes en portant particulièrementattention à la lecture des sentiments dansla physionomie des autres. On encou-rage les enfants à essayer de comprendrece que l’autre éprouve et là effective-ment, il y a des procédures pour déve-

lopper l’empathie chez des individusqui en manquent. Chez le sujet nor-mal, cela se fait par les expériences dela vie.

- Comment expliquer l’évolution de lasociété vers l’individualisme alors qu’il ya ce mécanisme naturel de la relation ?

- En même temps que l’on peut direqu’il y a de l’empathie chez tout le mon-de, il y a aussi des capacités de contrô-le de cette empathie. Si nous étions sansarrêt pris dans des mouvements empa-thiques, probablement que la vie seraitextrêmement difficile. Comment vivresi nous étions continuellement affligéspar tous les maux de l’humanité, partous les événements tragiques dont onnous parle tous les jours dans les media ?Chez chaque individu il y a des procé-dures de contrôle de l’empathie qui évi-tent tout débordement. Il existe une for-me d’équilibre entre l’empathie et la« néguempathie », cette sorte d’égoïs-me qui fait que l’homme se préoccupeaussi de lui et pas seulement des autres.C’est un repli sur soi et une mécon-naissance de l’autre, différente de l’an-tipathie.

- Peut-on affirmer qu’il y a un défautd’empathie chez les auteurs de vio-lence ?

- Il y a actuellement aux États-Unisdes études qui sont menées sur le fonc-

Entretien avec Jacques HOCHMANN

L’empathie

Cette faculté de l’être humainà se mettre à la place de l’autre

Auteur notamment de « Une Histoire de l'empathie » (Odile Jacob, 2012), Jacques Hochmann estmembre honoraire de la Société psychanalytique de Paris, professeur émérite à l'université Claude-Bernard et médecin honoraire des Hôpitaux de Lyon.

DOSSIER

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tionnement du cerveau chez les grandscriminels et qui tentent de voir s’il y achez eux des troubles de l’empathie.D’autres travaux, très intéressants, ontété faits sur la façon dont certainespersonnes sont devenues des bourreauxlors des différents génocides qui ontémaillés l’histoire de l’humanité. Cesrecherches sur les processus de « désem-pathie » (1) visent à décrire les méca-nismes utilisés pour fabriquer des bour-reaux, par une déshumanisation del’autre réduit au rang de chose, parune destruction de la culture empa-thique, par un enfermement dans unmonde à part. Le processus tend à mi-nimiser, à neutraliser leur tendance em-pathique normale et à prévenir leur re-tour.

- Pensez-vous qu’une éducation àl’empathie soit possible ?

- L’empathie est un mécanisme de basequi permet à l’être humain de voir enl’autre son semblable, un semblable qu’ilva essayer de découvrir notamment parla connaissance de ce qu’il éprouve. Cet-te faculté intervient certainement dansla gestion des conflits, comme tout cequi favorise l’exercice des compétencesempathiques. L’empathie est un sens del’être humain, une compétence, com-me l’audition ou la vision. De la mê-me manière que l’on peut éduquerl’oreille à écouter de la belle musique,la recherche de situations qui visentl’épanouissement de l’enfant favoriseson fonctionnement empathique. Ra-conter des histoires aux enfants, lire,plus tard, de la bonne littérature et, plusgénéralement toutes les expériences cul-turelles favorisent le développement del'empathie.

- L’empathie est-elle systémati-quement liée à des valeurs et descomportements positifs ?

- L’empathie est un moyen de connais-sance de ce qu’éprouve l’autre et lessadiques peuvent se montrer très em-pathiques avec leurs victimes. Ils saventexactement comment leur faire du mal,sur quel bouton appuyer pour les fairesouffrir. L’empathie n’est pas forcémentau service de la bonté ou de la bien-veillance !

- Après votre doctorat, vous avez passéune année en Californie auprès de CarlRogers. Qu’en avez-vous retiré ?

- D’abord, c’est une expérience qui m’abeaucoup marqué personnellement.Carl Rogers était une personnalitéassez exceptionnelle qui débordaitjustement d’empathie et de compré-hension de l’autre. Dans sa pratique,et dans la théorisation de cette pratique,l’empathie a toujours été au centre.Au début, il l’a considéré comme uneattitude de base permettant de connaîtrel’autre : que ce soit dans une psycho-thérapie ou dans une démarche édu-cative, on a besoin de savoir à qui ons’adresse. Puis, l’empathie est devenuepour lui beaucoup plus centrale, avecl’idée qu’un climat empathiquefavorise l’épanouissement de l’êtrehumain. Carl Rogers reste la référencedu courant de la psychologie humanisteoù l’empathie est au premier plan. Il aconsidéré que le modèle de relation thé-rapeutique qu’il avait individualisé, l’ap-proche centrée sur la personne, pouvaits’appliquer à l’ensemble des relationshumaines. Pour lui, l’empathie, lacongruence et l’acceptation d’autruiétaient les fondements d’un fonction-nement harmonieux et source de bien-être et de progrès, dans les relations decouple et de famille, dans le fonction-nement des groupes, dans la relation

enseignant-élève… voire même dansles relations internationales.

- Comment définir une écoute em-pathique ou bienveillante ?

- Toute écoute est par définition em-pathique. C’est un sens particulier del’être humain qui est mis au service dela compréhension de l’autre dans toutesles relations humaines. Si l’on s’adres-se à des gens qui communiquent diffi-cilement, on pourra développer chezle thérapeute, le psychiatre, l’infirmier,le psychologue qui s’occupe du patient,cette attention à l’autre… et quand onfait attention à l’autre, l’empathie se meten route toute seule. Et l’empathie vaau-delà de la bienveillance. On ne secontente pas de veiller sur l’autre avecgentillesse et bonté, il y a dans le pro-cessus empathique un essai de com-préhension de ce qui fait agir, parlé,sentir… l’autre. C’est un processusqui est au service d’une connaissancede l’autre, alors que la bienveillance, labonté, la compassion ne vont pas jusquelà. C’est pour moi important de s’en te-nir à la signification de ce concept quidésigne un sixième sens.

Propos recueillispar Guy Boubault

(1) Françoise Sironi, « Bourreaux et Victimes.Psychologie de la torture », Odile Jacob 1999.

« La relation à l’autre est fondée sur les possibilités empathiques du sujet et cela depuis la toute petiteenfance ». (Photo imagebroker.com/Dimapress)

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« La règle d’or de la conduiteest la tolérance mutuelle, carnous ne penserons jamais tousde la même façon, nous neverrons qu’une partie de lavérité et sous des anglesdifférents » (1). Cette citationde Gandhi nous semblepertinente pour introduire unessai commun de définition del’empathie.

Le mot empathie signifie littéra-lement « ressentir en dedans ».C’est la capacité à percevoir, à

ressentir en soi-même ce qu’autrui res-sent, tout en restant distinct de lui. Ils’agit d’une prédisposition quasi uni-verselle chez l’être humain mais qui peutêtre absente ou réduite, chez certainsindividus présentant des troubles neu-rologiques ou des troubles du com-portement (par exemple des troublesautistiques).

Pour les psychologues, cette notion estau cœur du processus thérapeutiquecomme de la relation d’aide et de sou-tien. En effet, l’empathie est la capaci-té à entendre, à comprendre l’autre, sansse sentir chargé d’une mission de répa-ration ou de sauvetage. Celui qui écou-te de façon empathique ne doit ni toutabsorber ni tout laisser glisser ; il doitêtre dans une posture de filtre, « resterchez lui » tout en percevant ce que l’autrevit. Il trouvera du confort à avoir apai-

sé ses blessures et identifié ses propreszones de fragilité personnelle pourqu’elles ne se mélangent pas à celles del’autre. Il est utile de reconnaître sespropres limites, car je ne peux être em-pathique si je me sens « affectée » parce qui m’est dit. Il s’agit alors de mettreà l’épreuve de la réalité de l’autre ceque j’ai cru percevoir ou ressentir, afinde ne pas être dans l’interprétation oule contre-sens. L’expression d’Alain De-lourme (2) « distance intime », paraîttout à fait appropriée à cette posture re-lationnelle.

La notion d’empathie est le plus sou-vent associée au champ de la relationd’aide et a été mise en exergue par lestravaux de Carl Rogers (3). Elle est par-ticulièrement indispensable pour biensoigner ceux qui sont vulnérables, lesbébés, les personnes malades, âgées ouen situation de handicap. Essentielle àla compréhension des états émotion-nels, elle permet de répondre de façonadaptée, à chaque situation rencontrée.L’empathie nécessite un décentrementde soi, qui permet d’entrevoir de l’in-térieur ce que l’autre ressent, tout enrestant soi-même.

Elle se différencie de la sympathie (res-senti commun), de la compassion (souf-frir avec), de l'identification (sorte decontagion émotionnelle) ou de la confu-sion (fusion, projection). On peut citerl’exemple de Christine Malèvre, qui estpassée de l’empathie à la projection deses propres ressentis sur ses malades etqui les a euthanasiés pour les soulager

de leur souffrance insupportable pourelle. La vigilance s'impose donc quantaux limites et aux dérives. Certaines per-sonnes pensent être empathiques, alorsmême qu’elles ne sont que dans une for-me de toute puissance qui leur fait croi-re qu’elles peuvent « se mettre dans latête de l’autre », savoir avec certitudece qu’il pense et ressent… D’autres pra-tiquent l’art de la manipulation en mi-mant l’empathie.

Empathie et éducation

Lorsque l’on parle d’empathie, vientd’abord à l’esprit une impression posi-tive, une qualité humaine valorisanteparce que tournée vers autrui. Pour gar-der cette dimension constructive, il fautnous rappeler qu’elle n’est jamais défi-nitivement acquise et présente.Les débats actuels sur l’éducation si-gnalent la grande difficulté des enfantsà supporter la frustration. Ils font pas-ser la satisfaction de leur propre désiravant toute chose. Dans ces moments-là, l’autre n’existe plus. Il n’est perçu quecomme vecteur de son plaisir ou de safrustration. Dans ce cas, l’altérité ne sedéveloppe pas et l’empathie non plus…

On peut aussi interroger le lien entreempathie, tradition, culture et religion.L’éducation religieuse contient nombred’injonctions qui obligent à se montreraltruiste, à faire preuve de compassionet d’empathie. L’obligation systématiqued’un tel comportement ne laisse parfoispas la place à un ressenti sincère. Ce quiest appris là n’est pas réellement la ca-

Par Sabine CHEVALIER, Dominique DEMARIA, Marie GARRIGUE-ABGRALL et Carole MICHIELS

Définition à plusieurs voix

L’empathie, une habileté relationnellepour prévenir la violence

DOSSIER

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pacité d’empathie, mais le sens des obli-gations (faire son devoir, gagner despoints pour Dieu, etc.).On pourrait formuler l’hypothèse quela capacité d’empathie est universelle,qu’elle peut être agrandie, développée,ou alors réduite et effacée en fonctionde l’éducation que l’on reçoit, de pro-blèmes de santé ou de traumatismes.

Quels sont les éléments quipeuvent menacer notrecapacité d’empathie ?

Tout ce qui limite notre disponibilitépsychique. Par exemple, une mamangravement déprimée, ne sera plus encapacité de percevoir les manifestationsde son bébé et encore moins d’y ré-pondre. La fatigue intense, les momentsde saturation mentale liée à l’accumu-lation de problèmes à régler ou d’acti-vité trop importante. Ressentir de lapeur pour soi peut aussi bloquer notreempathie.

L’empathie peut-elle s’enseigner,ou du moins évoluer ?

Il nous semble que oui, dans une cer-taine mesure et dans certaines circons-tances. Dans le soutien à la parentalité,nous nous sommes rendues compte quel’attention partagée d’un bébé avec samère ou son parent par un professionnel,accompagné d’une verbalisation dé-crivant les signaux du bébé, pouvaitparfois aider à les percevoir et ensuiteà y répondre de façon ajustée pour lessatisfaire. Ce décodage sert d’étayage à un dé-faut d’empathie. L’imitation, la modé-lisation aident aussi par imprégnationet identification à modifier les conduites.Dans d’autres situations, des affectsgelés suite à des événements trauma-tiques pouvaient être revivifiés suite àun travail psychothérapeutique et re-créer des liens avec ses propres ressen-tis et ceux d’autrui. Inversement, d’autres exemples nousmontrent que quelqu’un qui a fait preu-ve d’empathie pendant de longues an-nées, pouvait soudainement basculerdans la fusion, la projection ou l’indif-férence, lors de rencontres ou de situa-tions provoquant des mécanismes in-conscients de protection tels que le dé-

ni ou l’anéantissement de soi dans l’autreou de l’autre en soi. Quelles sont les conséquences au niveau so-cial d’un manque d’empathie chronique ?On observe une augmentation de laviolence et des comportements à risquechez les jeunes, l'accroissement du cy-nisme dans les relations, la banalisationdes violences institutionnelles dans cer-taines entreprises ou lieux de soins.

L'empathie, une posturerelationnelle universelle ?

Une conseillère d’éducation raconteavoir reçu deux jeunes suite à un inci-dent : en jouant, Quentin avait provo-qué la chute de Manuel et ce dernieravait le pouce cassé. Quelques joursaprès, ils se sont retrouvés pour cher-cher quel acte de réparation pouvait êtremis en place. La CPE les a aidés à exa-miner la situation : Manuel s’est expri-mé sur ses sentiments, les contraintes,les inconforts très concrets… et Quen-tin s’efforçait de trouver que faire. Il aécouté Manuel, puis ils ont échangé,et finalement, Quentin a proposé deporter son plateau repas à la demi-pension et aussi de l’aider à rééduquerson doigt. Ils étaient tous les deux sa-tisfaits de ces perspectives issues, nonpas d'une injonction, mais d'un pro-cessus lié au dialogue et à l'écoute.Quentin avait entrevu de l’intérieur ce

que vivait Manuel, tout en restant « chezlui ». De fait, il pouvait mieux perce-voir ce dont Manuel avait besoin…Dominique témoigne de son expériencede voyages qui la met souvent en si-tuation d’empathie. Un mélange d’in-tuitions fulgurantes lui permettent defaire avec et comme les autres, aupoint parfois de deviner ce qui est ditdans une autre langue que la sienne.Alors même s’il semble impossible derompre totalement avec sa propre cul-ture, la capacité d’empathie et d’ac-ceptation de l’autre crée une sorte d’al-chimie qui revêt, selon nous, une di-mension universelle.

Sabine Chevalier est formatrice. Do-minique Demaria est praticienne/for-matrice en Méthode ESPERE®. Ma-rie Garrigue-Abgrall est docteure en phi-losophie, formatrice et éducatrice dejeunes enfants. Carole Michiels est psy-chologue clinicienne et psychologue dutravail. Les quatre auteures participentà la rédaction de NVA.

(1) « Tous les hommes sont frères », Gandhi,Folio, 1990.(2) « Distance intime. Tendresse et relation d’ai-de », Alain Delourme, Ed. Desclée de Brou-wer.(3) L’empathie consistait selon lui « à percevoirle cadre de référence interne d’une personne avecprécision et avec ses composantes et significa-tions émotionnelles de façon à les ressentir com-me si l’on était cette personne, mais cependantsans jamais oublier le « comme si » (Carl Ro-gers, 1968).

« On pourrait formuler l’hypothèse que la capacité d’empathie est universelle, qu’elle peut être agrandie,développée, ou alors réduite et effacée en fonction de l’éducation que l’on reçoit »(Photo imagebroker.com/Dimapress)

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La Bougeothèque (1) est un lieud’accueil parents - enfants etassistantes maternelles - enfantsautour de la motricité libreselon Pikler/Loczy (2). Cesateliers auxquels participentenfants et adultes peuvent êtreun observatoire privilégié pourvoir à l’œuvre l’émergence desrelations à l’autre, del’humanité que chaque humainporte en lui…

Dans ces ateliers, nous essayons d’ac-cueillir, de ressentir, et de nommer lesémotions exprimées par l’enfant, le plussouvent, simplement en s’approchantde lui et en lui reformulant ce qu’il ex-prime. « L’enfant se sent alors recon-nu, validé. Il acquiert le sentiment qu’ila le droit de sentir par lui même, d’ex-primer, et qu’il peut faire confiance àson ressenti » (3).

Peu à peu, l’enfant apprend ainsi à re-connaître ses émotions et à pouvoir ymettre des mots sans risque de perdrela relation. Il sait qu’il est accepté danstout ce qu’il est, unique et digne derespect. L’empathie peut s’exprimer en-vers un tout petit par le respect et l’at-tention à ses besoins. Emmi Pikler nousa transmis un outil fondamental, celuide l’observation. Celle-ci permetd’éprouver la différence entre un regardbienveillant et une observation fine.L’observation fine s’accroche à des dé-tails pour permettre de mieux décoderle ressenti du jeune enfant.

Par exemple, lors d’un atelier de mo-tricité libre, trois bébés de quatre à cinqmois sont allongés sur le tapis. L’und’eux pleure doucement, les deux autressont calmes, ont l’air détendus et re-gardent devant eux vers leurs mères…(L’hypothèse que nous pouvons faire àce moment-là est que ces bébés sontbien installés, que celui qui pleure a sansdoute faim ou a besoin d’être rassurépar un contact plus proche avec samère). J’éteins les néons (tamisés parun voile) et avec les parents nous ob-servons…Les deux bébés, qui semblaient déten-

dus et calmes, se mettent à babiller età faire de petits mouvements avec le tor-se et la tête. C’est manifeste : une cer-taine fluidité s’exprime dans leur corps.Le bébé qui pleurait s’arrête net au chan-gement de lumière et se met égalementà bouger. Ce jour là, les parents et moimême sommes très touchés, comme sinotre capacité à voir et à ressentir s’étaitagrandie. Que nous enseigne une telleexpérience ? Elle nous révèle notre ca-pacité à être en empathie, en prenantle temps de regarder autrement. Pourles parents présents, quelque chose s’estinscrit en eux qui peut leur permettrede s’ajuster différemment aux besoinsde leur enfant, en transposant cette ca-pacité dans leur quotidien.

Emmi Pikler nous offre un regard dif-férent sur les enfants qui ne s’adaptentpas au « cadre » qu’une structure leurpropose. Dans l’exemple cité, il s’agitdu bébé qui pleure doucement. Le plussouvent, ces enfants sont des « personnesressources » pour l’équipe prête à se re-mettre en question ; en effet, ces en-fants sont plus sensibles, ou moins« adaptés » et ils permettent aux adultesde s’ajuster différemment à leurs be-soins. Alors nous nous apercevons quenon seulement ces enfants-là vontmieux, mais aussi le reste du groupe.Les enfants sont plus sereins, l’ambianceest modifiée. Je souscris à cette « façonde voir », elle nous propose de nous dé-caler, d’agrandir notre regard, et d’ac-céder à l’empathie là où nous pourrionsêtre dans le jugement, ou dans l’in-jonction subjective vis-à-vis de l’en-fant à être « mauvais objet ». Félix, vingt mois, a posé dans une bas-

Petite Enfance

L’éveil à l’empathiechez le tout jeune enfant

DOSSIER

Véronique Schrive, travailleuse sociale de forma-tion, est formée à l’écoute, à la relation d’aide et àla méthode Felkendrais de pédagogie par le mou-vement. Consultante en motricité libre, elle animedes ateliers et développe des actions de formationen direction des professionnels de la petite enfance.Elle est responsable de la Bougeothèque à Lamber-sart (59).

Par Véronique SCHRIVE

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Non-violence Actualité, mars-avril 2013 9

sine des balles de laine. Il les transpor-te, les pose, sort les balles une par uneet les remet. Il est concentré dans sonactivité. Victor arrive, prend une balle ;Félix le regarde et fait un geste pourreprendre la balle. Victor se retourneavec l’objet. L’adulte intervient pour di-re à Victor que Félix était en train dejouer avec cette balle et lui demandede la lui rendre. Victor regarde l’adul-te, puis Félix, puis la balle qu’il tienttoujours, puis regarde ailleurs. L’adulteréitère sa demande de façon calme,confiante et déterminée, tout en sou-tenant l’effort que cela induit chez l’en-fant : « - Je vois que tu as très envie decette balle, mais Félix n’avait pas finison jeu… », et laisse le temps à l’enfant.Victor « attend » un peu et tend la bal-le à Félix. L’adulte remercie Victor. Etlà, Félix court vers le bac de balles, ensaisit une et va la donner à Victor…

Une séquence d’atelier toute simple maistellement pleine d’humanité. Elle noustémoigne de toute l’empathie dont lesjeunes enfants sont porteurs… Si nousleur faisons confiance ! Si nous leur lais-sons le temps de faire ce travail intérieurde développement de la conscience,alors nous leur donnons la possibilitéd’exprimer le meilleur d’eux-mêmes.Quand nous observons un enfant à quinous venons de faire une demandequi requiert chez lui un effort d’accep-tation, ou de lâcher prise, il y a unmoment où son regard se tourne verslui-même : c’est le travail de la pensée.Pour que nous puissions « ouvrir lesyeux », il est nécessaire que nous ralen-tissions pour nous accorder au tempsde l’enfant. En effet, comme nous l’atransmis Emmi Pikler « le temps quicompte, c’est le temps de l’enfant ».

Cette capacité qu’ont les enfants à êtreen empathie avec l’autre nous étonneet nous touche d’autant plus qu’elleintervient à un moment de leur déve-loppement où les enfants s’individua-lisent, étape du « à moi, à moi !! ». Alorsqu’attendons-nous pour nous laissertoucher et permettre à toute l’ huma-nité que les enfants nous révèlent, des’exprimer. Trop souvent nous confon-dons demande et exigence. Par exemple,nous demandons à l’enfant s’il veut bienenlever ses chaussettes et déjà nous amor-

çons le geste de les lui retirer… Ou biennous demandons à un bébé s’il seraitd’accord de venir dans nos bras etpresque en même temps nous le pre-nons.

Que transmettons-nous à l’enfant dansces gestes trop précipités ? Qu’il n’estpas digne de respect et de confiance,que son avis n’a pas d’importance, quenous le considérons comme un objet etfaisons fi de ses besoins… Qu’il ne peutfaire confiance à l’autre. Le plus sou-vent, à notre insu, nous nous mettonsen situation de « toute puissance ». Danscet « agir », il serait plus juste et adap-té de dire « je vais te retirer tes chaus-settes » ou « je vais te prendre dans lesbras ». La précipitation empêche l’en-fant d’accéder à la pensée et à l’auto-nomie (autonomie, dans le sens d’allervers l’expression de ses propres com-pétences, capacités et ressources).

Cependant lorsque nous faisons unevraie demande à l’enfant, en lui laissantle temps nécessaire pour se l’approprieret nous répondre (le petit enfant a be-soin de davantage de temps que nouspour faire ce cheminement), nous ob-tenons le plus souvent une vraie réponse.Le bébé à qui nous proposons d’êtreporté dans nos bras, va nous traduireson accord par un regard, un sourire,un élan du corps ou des bras... ou sondésaccord par un détournement duregard, une expression contrariée, ouen se tournant vers l’adulte qui le por-

te. Si nous pouvons accueillir cette ré-ponse comme l’expression de son librearbitre, nous sommes dans le respect desa personne.

Nous savons qu’un enfant qui a reçuces marques initiales de respect et d’em-pathie aura la capacité de les dévelop-per avec les autres. C’est cela la vraie so-cialisation, ça n’est pas de mettre trèstôt les enfants en collectif. « C’est dansla façon dont l’adulte se comporteavec l’enfant dans la relation individuelleque celui-ci va apprendre à se compor-ter avec les autres » (4), et ainsi déve-lopper de belles qualités humaines, com-me le respect et l’empathie. Puissions-nous être conscients de ce que nouslui transmettons avec, à notre égard,beaucoup d’humilité et de bienveillan-ce. L’enfant est sensible à notre inten-tion, celle qui imprègne nos gestes etnos paroles, et lui confère sa place deSujet.

Véronique Schrive

(1) La Bougeothèque est une structure munici-pale ouverte en 2002 à Lambersart (59).(2) L'Institut Pikler, plus communément ap-pelé « Lóczy » - du nom de la rue où il est ins-tallé - est constitué actuellement d'une crèche etd'un centre de recherche et de formation concer-nant le développement des jeunes enfants. CetInstitut a été créé par le docteur Emmi Pikleren 1946. Elle y inventera un mode de prise encharge des enfants séparés de leur famille toutà fait novateur et original. (www.pikler.fr)(3) « Au cœur des émotions de l’enfant », Isa-belle Filliozat, Ed. Marabout, 2006.(4) Conférence de Miriam Rasse (directrice del’association Pikler/Loczy de France ) sur l’atta-chement en novembre 2012 à Lambersart.

« Dans ces ateliers, nous essayons d’accueillir, de ressentir, et de nommer les émotions exprimées par l’enfant »(Photo prise à la Bougeothèque de Lambersart)

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Je constate souvent à quelpoint nous, parents,confondons le fait de don-

ner de l'empathie à nos enfantset les consoler. Il s’agit, en réa-lité, d’actes tout à fait différents,car ils n’entraînent pas lesmêmes conséquences. Quandje console mon enfant, j’ima-gine sa souffrance et me re-présente le degré de mal-êtredans lequel il se trouve ou defrustration qu’il vit. Il me vientdonc tout naturellement à l’es-prit de vouloir lui offrir ma pré-sence pour l’accompagner dansce vécu. J’aurai ainsi tendanceà le consoler, en voulant lui si-gnifier qu’il y aura des joursmeilleurs, que ce qu’il vit n’estpas « si grave que ça », qu'il enverra d'autres et que « ça va al-ler ». Mon intention est de luifaire comprendre que ce qu’ilvit n’est qu’une goutte d’eaudans l’océan des remous de lavie et que s’il intègre le messa-ge que la situation n’est pas sialarmante que ça, cela le ren-dra plus fort face aux épreuveset plus autonome. Mais ce quemon enfant comprend est toutautre.

Il va comprendre que ce qu’ilvit n’est « pas si importantque ça », et que du coup, il nevaut pas la peine d’être expri-mé. Et comme c’est à l’adulteaimant qu’il fait le plus confian-ce, il va alors croire que son res-senti n’est pas le « bon » res-

senti à avoir. Et qu’il vaudraitmieux pour lui qu’il se fie à sonparent plutôt que de faireconfiance à ce qu’il éprouve.Quand je convaincs mon en-fant que « ça va aller », j’espè-re alimenter en lui l'espoirque l’épreuve est surmontable(Quel parent aime voir son en-fant faire partie « des plusfaibles » ?), car je suis convain-cue qu'il possède en lui lesressources nécessaires pour ladépasser.

Le problème, c’est que j’exigeaussi de lui qu'il aperçoive dé-jà la lumière au cœur de sonchaos sans aucune possibilitépour lui de rétablir d’abord sonéquilibre intérieur, puis de choi-sir d'entrevoir de lui-même, lalumière nécessaire pour aller del'avant.

Abordons à présent l’empathie.Donner de l’empathie à monenfant, c’est me positionner,non pas en lui, mais à côté delui et lui montrer, par mon at-titude non verbale ou par desmots simples, que ce qu’il esten train de vivre est impor-tant pour lui (et pour moi !),que la douleur ou la peur qu’ilressent (s’il est tombé, parexemple) est sa réalité. Bien sûr,je sais que s'il tombe et qu'ils’égratigne, « ce n'est pas si gra-ve que ça » et qu'il chutera pro-bablement encore. Mais dansma louable intention de luitransmettre le courage comme

valeur, j’aurai tout simplementignoré ce qu’il ressent. Avec lerisque pour lui de se sentir to-talement incompris !

En reformulant avec des motsaccessibles pour lui ce qu'il esten train de vivre de difficile, jereconnais qu'il vit quelque cho-se que je perçois différemmentde lui. Donner de l'empathie,c'est aussi comprendre que cemoment est bien celui que vitmon enfant, et non celui em-preint de ma propre projectionde peur. Donner de l’empathie,c’est connecter mon cœur ausien, comme pour lui dire : « Ceque tu vis là est dur pour toi ! ».

Mais pourquoi est-ce parfois sicompliqué pour nous de l’of-frir ? Car c’est probablementce que l'ancien enfant que noussommes n’a jamais reçu. Alorsque nous étions embourbésdans la souffrance, qui est ve-nu s'asseoir à côté de nous pournous dire, dans un silence res-pectueux et aimant : « Parle-moi de ce que tu vis et dis-moi comme c'est dur pour toien cet instant… » Sommes-nous vraiment capables d’ad-mettre que nos sentiments, mê-me les plus inavouables (la hon-te, la haine) ont pu être en-tendus par autrui, sans recevoirune quelconque forme de ju-gement ? De dire que nouspouvons exprimer nos peurs etlaisser aller nos larmes devantautrui sans en avoir honte ou

l’envie irrépressible de nous ca-cher ? Ces émotions là n’étaientpas les bienvenues dans notreenfance, et à chaque fois quemon enfant ressent une émo-tion qui le perturbe, nous nousretrouvons instantanémenten contact avec nos émotionsd’enfant restées bloquées ennous, faute d’avoir pu être ex-primées et comprises. Il n'estdonc pas très difficile de com-prendre pourquoi il est si pé-rilleux pour nous d'avoir à fai-re face à ce que nos enfantsexpriment parfois sans retenue.

Se mettre à l’écoute de notreenfant, ce n’est ni être dans leconseil, l’explication ou laconsolation. C’est simplementoffrir notre présence à ce qu’ilvit, quelle que soit l’intensitédes émotions qu’il traverse.C’est proposer un espace de to-lérance pour lui permettred'évacuer les tensions qui l'ha-bitent par notre acceptation dece qu’il est. Nous lui signi-fions ainsi, par notre bien-veillance, qu'il a le droit d’êtrerespecté dans les comporte-ments qu’il adopte pour expri-mer son ressenti dans les mo-ments difficiles. C’est cela quel’on nomme Écoute.

Karine Le Goaziou est accompa-gnatrice en parentalité à Clermont-de-l’Oise. Courriel :[email protected]

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L’écoute empathiquePar Karine LE GOAZIOU

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La question de la violence n’estpas récente, mais elle a pris,dans l’actualité, une placeconsidérable au tournant desannées 2000, et cela dans tousles pays occidentaux. Devons-nous pour autant en déduirequ’elle soit plus gravequ’auparavant ? Rien ne nous yautorise, mais le fait qu’elleexiste dans nos écoles estsuffisamment préoccupant pourqu’on s’en préoccupe en dehorsde toute autre considération.

Après avoir reçu, en 2003, unprix de l’Académie des Sciencesqui m’autorisait à mettre en

place un groupe de recherches dans cet-te vénérable institution, j’ai utilisé cet-te opportunité pour proposer la créa-tion d’un atelier destiné à faire despropositions visant à réduire la violen-ce en milieu scolaire, avec l’idée que ce-la ait des effets durables sur la société.Il en est ressorti que le développementde l’empathie, dès le plus jeune âge, étaitla façon la plus adaptée de s’opposer àla montée des violences. La même an-née, paraissait le rapport de l’INSERMqui, à partir du même diagnostic pré-occupant, faisait un choix radicalementdifférent.

Ce rapport, on s’en souvient, préconi-sait le diagnostic et la prise en chargeprécoce des enfants supposés « à pro-blème », autrement dit suspectés d’amor-cer un virage vers des comportementsviolents. Il est alors devenu évident que

le développement de l’empathie nedevait pas être seulement un objectifpour s’opposer à la violence où qu’ellesoit, mais aussi pour lutter contre ceuxqui en tirent argument pour mettre enplace des stratégies de stigmatisationprécoce. Le mouvement « Pas de 0 deconduite pour les moins de 3 ans » aévidemment eu un rôle majeur danscette dénonciation, et c’est d’abord enson sein que j’ai développé l’activité quej’ai d’abord appelé « le plan B des Ma-ternelles », avant de lui donner son nomdéfinitif : le « Jeu des trois figures ».

De quoi s’agit-il ? Une fois par semai-ne, les enfants de moyenne et grandesection sont invités à construire en-semble une histoire à partir des imagesqu’ils ont vues, puis à la jouer (1). Laseule contrainte est que tous les enfantsvolontaires pour participer au jeu doi-vent obligatoirement endosser tous lesrôles successivement. L’efficacité du Jeudes trois figures dans la réduction de laviolence a été démontrée (2). Commentfonctionne-t-il ? En renonçant à vou-loir repérer et « corriger » des élèves sup-posés avoir des tendances « antiso-ciales », et en s’attachant au contraire àdévelopper chez tous la faculté d’em-pathie, l’estime de soi et la capacité derépondre à des situations d’agression defaçon créative. Il s’agit donc d’une « pré-vention prévenante » (3).

Qu’est-ce quel’empathie ?

Pour comprendre comment agit le Jeudes trois figures, il faut partir de ce qu’estl’empathie. Celle-ci est souvent confon-due avec une seule de ses compo-

santes, la capacité de se mettre à la pla-ce de l’autre. Mais il ne s’agit là que deson premier niveau (4). L’empathie res-semble en effet à une pyramide consti-tuée de trois blocs superposés. Celui dubas représente l’empathie que j’appelleunilatérale. Elle existe chez chacun (saufpeut-être chez les enfants autistes…)et elle est constituée de deux compo-santes : une composante affective quise met en place dès la fin de la premiè-re année et permet de comprendre lesémotions d’autrui ; et une composan-te cognitive qui se met en place auxalentours de quatre ans et demi, et quipermet d’avoir une représentation dumonde intérieur d’autrui. Cette formed’empathie peut être mise au service de

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Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste,docteur en psychologie habilité à diriger desthèses (HDR) à l’Université Paris OuestNanterre.

Le « Jeu des Trois Figures » en Maternelle

Naître à l’empathiePar Serge TISSERON

DOSSIER

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12 Non-violence Actualité, mars-avril 2013

l’entraide et de la compassion, mais aus-si de l’emprise et de la manipulation.

Le second étage de l’empathie est ce quej’ai proposé d’appeler l’empathie réci-proque : ce n’est pas seulement être ca-pable de se mettre à la place d’autrui,mais accepter que l’autre se mette à lanôtre (5). A la différence du premierétage de l’empathie qui existe chez cha-cun, celui-ci nécessite un choix moral,difficile, mais essentiel. C’est un choixdifficile car accepter que l’autre semette à ma place implique de lui faireconfiance… au risque de me retrouvermanipulé par lui. Mais c’est un choixindispensable, car si l’être humainn’en est pas capable, la vie devient unejungle dans laquelle chacun a pour seulbut de dominer son semblable.

Enfin le troisième niveau de l’empathieest ce que j’ai proposé d’appelerl’empathie intersubjective (ou encore« empathie extimisante » à cause du mot« extimité » que j’ai proposé en 2001 (6)pour désigner le désir de montrer desaspects de soi pour les faire valider parautrui ) : elle consiste à accepter quel’autre soit capable de m’éclairer sur moi-même et de m’apprendre sur moi deschoses que j’ignore de moi. C’est évi-demment elle qui est impliquée dans leprocessus d’inter subjectivation qui per-

met à chaque interlocuteur d’une rela-tion de mieux se connaître grâce à cel-le-ci.

Les trois impactsdu Jeu des trois figures

Pourquoi le Jeu des trois figures favo-rise-t-il le développement de l’empathieréciproque ? Parce qu’il n’invite pas seu-lement les enfants à se mettre à la pla-ce de l’autre, mais aussi à accepter quel’autre puisse se mettre à leur place. Suc-cessivement, en effet, chaque enfant ac-cepte que l’autre prenne la place quiétait la sienne juste avant. L’agresseurdevient victime, tandis que la victimedevient agresseur. Mais le but de ce chan-gement physique de place est évidem-ment que l’enfant mette en place unerotation possible des places à l’intérieurde lui-même. En effet, nous savonsaujourd’hui que la plupart des enfantsagresseurs (et des adultes agresseurs qu’ilsdeviennent très souvent) ont été d’aborddes enfants agressés, victimes de mal-traitance ou tout simplement d’une né-gligence qui les a confrontés à des sen-timents d’abandon et à un défaut d’es-time d’eux-mêmes (7).

Ils portent à l’intérieur d’eux une vic-time terrorisée dont ils craignent àtout moment qu’elle se réveille et les

emporte dans une attitude soumise etdéfaitiste. Alors ils réagissent à toutesituation nouvelle, étrange ou qu’ils necomprennent pas, par une attitude agres-sive. Le Jeu des trois figures a pour butde dédramatiser la place de la victime,en leur montrant que l’important estde trouver les mots pour la dire et qu’unefois ces mots prononcés il est possiblede trouver un réconfort auprès d’autrui.C’est en effet l’objectif principal duJeu des trois figures : faire en sorte qu’au-cune agression n’ait jamais lieu sans quela victime ne puisse prononcer les motspar lesquels elle s’en étonne, pointe soncaractère illégitime et la dénonce (8).Aucune agression ne doit jamais êtreaccomplie sans que la victime ne puis-se prononcer les mots suivants : « Tun’as pas le droit », « Tu me fais mal »,« Mets-toi à ma place ! », « Pourquoime fais-tu cela ? » etc.

Le harcèlement scolaire ne s’expliqueen effet pas seulement par le fait qu’unenfant - ou un groupe d’enfants - enagresse un autre de façon répétée. Il estaussi caractérisé par le fait que la victi-me ne proteste pas de cette agressionauprès d’un adulte, et ne se plaint mê-me pas auprès de son (ses) agresseur(s)en leur disant souffrir et en leur de-mandant d’arrêter. Le harcèlement as-socie un agresseur muet - au moins enmaternelle - à une victime silencieuse (9).Et ensuite, les témoins restent eux aus-si souvent passifs, et, pire, muets.

Partant de ce constat, le Programme desTrois Figures est organisé autour de troisobjectifs en relation avec la questionde la violence (parallèlement à ses autresimpacts démontrés sur l’apprentissagedu faire semblant et la réduction de l’im-pact traumatique des images) :

1. Développer chez tous les enfants lacapacité d’empathie et l’estime de soiqui s’opposent au harcèlement (10).

2. Apprendre aux enfants qui ont ten-dance à se laisser victimiser à mettre desmots sur les situations dont ils souffrent.En développant le recours systématiqueaux trois figures linguistique du « je »,du « tu » et du « il », ce jeu décentre larelation de sa dimension uniquementduelle - opposant les deux pôles du

« Une fois par semaine, les enfants de moyenne et grande section sont invités à construire ensemble unehistoire à partir des images qu’ils ont vues, puis à la jouer… »

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« je » et du « tu » - pour la placer sousle regard d’un tiers.

3.Mettre à la disposition de tous les en-fants les comportements que certainsd’entre eux opposent spontanément auharcèlement.

Grâce au jeu théâtral, les élèves qui gè-rent le mieux les situations de violen-ce, par les mots et les actes, en font eneffet bénéficier tous les autres. Non seu-lement le Programme des Trois Fi-gures apprend à mettre des mots sur lessituations de violence et d’agression,mais il apprend aussi à développer descomportements axés sur l’entraide etla solidarité.

L’actualitédu Jeu des trois figures

Après avoir formé plusieurs centainesd’enseignants entre 2007 et 2010, j’aidécidé en 2010 de me consacrer uni-

quement à la formation de formateurs :ceux-ci sont les psychologues de l’Edu-cation Nationale, les Maîtres E et lesMaîtres G. Une première promotion aété formée sur l’Ile-de-France avec lesoutien de la Direction Générale del’Enseignement Scolaire (DGESCO)et plusieurs Académies ont depuis prisle relais : Lille, Paris, Belfort…

Le but est d’arriver rapidement à ce quetous les enseignants qui désirent uneformation y aient accès dans le cadre deleur temps légal de formation. En outre,les nouveaux formateurs s’engagent àsuivre les enseignants qu’ils ont formésplusieurs fois par an pendant tout letemps qu’il sera nécessaire pour queceux-ci se sentent rassurés et confortésdans cette activité. En Belgique, le Jeudes trois figures a été mis en place parle Ministère Francophone de Luttecontre la Maltraitance, et des forma-teurs commencent également à être for-més en Suisse.

Depuis janvier 2013, le Jeu des troisfigures est également reconnu par l’Aca-démie des Sciences comme une formed’initiation aux mondes virtuels (11) :le propre de ceux-ci étant en effet d’êtredes espaces dans lesquels chacun est en-gagé dans la construction des imagesdifférentes de sa réalité et qu’il faut doncêtre capable de reconnaître comme telles. Bien entendu, qu’il s’agisse de la vio-lence, de l’éducation aux nouveaux mé-dias ou d’initiation au virtuel, le Jeu destrois figures ne prétend évidemment pasà lui seul résoudre l’ensemble des pro-blèmes. C’est pourquoi nous proposonsqu’il soit intégré dans un ensemble com-portant quatre autres volets :

1. La règle « 3-6-9-12 », relayée parl’AFPA (12), qui signifie : pas d’écranavant trois ans, pas de console de jeupersonnelle avant six ans, pas d’Inter-net accompagné avant neuf ans et pasd’Internet seul avant onze douze ans(c’est à dire avant l’entrée au collège).

Non-violence Actualité, mars-avril 2013 13

« Grâce au jeu théâtral, les élèves qui gèrent le mieux les situations de violence, par les mots et les actes, en font en effet bénéficier tous les autres.»

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Pour que l’enfant puisse profiter aumieux des écrans, il convient en effetde les lui proposer au bon moment.

2.Un livret pédagogique mis au pointpar l’Académie des Sciences sur le mo-dèle de « la main à la pâte », destinéaux enseignants de CP, CM1 etCM2 (13).

3. Des festivals valorisant les créationsdes adolescents, et notamment de leurscréations numériques (14).

4. La « dizaine pour apprivoiser lesécrans » (15). Non pas pour éliminerles écrans de nos vies, mais pour nousapprendre à ne plus nous laisser tyran-niser par eux.

En conclusion

L’importance des retours obtenus au-près des enseignants confirme pleine-ment l’utilité du Jeu des trois figurespour ce qui concerne l’apprentissage dubien-vivre ensemble et la réductiondes diverses formes d’agression visiblesentre les enfants dès l’âge de quatre ans.

Il est d’ailleurs recommandé par l’Aca-démie des Sciences dans les termessuivants (16) : « Les programmes de pré-vention précoce de la violence axés sur ledéveloppement de l’empathie, dont l’effi-cacité a été démontrée, et notamment ceuxqui prennent en compte les images vuespar les enfants - comme le «Programmedes trois figures » destiné aux enfants desmaternelles et centré sur les personnagesde l’agresseur, de la victime et du redres-seur de tort - doivent être développés. ».

Serge Tisseron

1) Tisseron S. (2008) Le Jeu des Trois Figuresen maternelles, Paris, Fabert, 2010.(2) En 2007 et 2008 grâce à un financementde la Fondation de France (tous les résultats surYapaka.be).(3) Rappelons que le Jeu des Trois Figures rem-plit également cinq objectif sur six de ceux quisont fixés par les circulaires ministérielles auxclasses maternelles : l’apprentissage de l’oralité,le bien-vivre ensemble, le développement descapacités d’imagination, le développement dujeu corporel et enfin la constitution de l’écriten référence.(4) Tisseron S. (2010), L’Empathie, au cœurdu jeu social, Paris, Albin Michel(5) Ce deuxième étage de l’empathie est consti-tué de trois composantes intimement liées : re-connaître à l’autre la capacité de s’estimer lui-même comme je m’estime moi-même, recon-

naître à l’autre la possibilité d’aimer et d’être ai-mé comme je le fais pour moi-même et enfinla capacité de bénéficier des mêmes droits dansle groupe que moi-même. (6) L’Intimité surexposée, Ramsay, 2001 (prixdu Livre de télévision, réed. Hachette Littéra-tures, 2002).(7) Berger M. (2008), Voulons-nous des enfantsbarbares ? Prévenir et traiter la violence extrê-me, Paris, Dunod.(8) Le film tourné par Philippe Meirieu sur LeJeu des Trois Figures à l’école des Tables Clau-diennes à Lyon est intitulé pour cette raison :« Aïe ! Mets-toi à ma place ! »(9) Olweus. D. (1999). Violences entre élèves,harcèlements et brutalités, les faits, les solutions.Préface de J. Pain. Paris : ESF Editeur.(10) Steffgen G., König A. et al., Are Cyber-bullies less Empathic? Adolescents’ CyberullyingBehavior and Empathic Responsiveness, Cy-berpsychology, Behavior, and Social Networ-king, Volume X, Number X, 2011.(11) Bach J.F, Houdé O., Léna P., Tisseron S.(2013) L'enfant et les écrans, Un avis scienti-fique de l’Académie des Sciences, Paris, Le Pom-mier.(12) Association Française des Pédiatres Am-bulatoires (AFPA).(13) Pasquinelli E., Zimmermann G., Bernard-Delorme A., Descamps-Latscha B., Les écrans,le cerveau… et l’enfant, un projet d’éducationà un usage raisonné des écrans pour l’école pri-maire.Guide du maître cycles 2 et 3. Paris, LePommier.(14) Sur le modèle du festival décrit sur le site :www. infilmementpetit.com(15) Site: Apprivoiserlesecrans.com(16) Bach J.F, Houdé O., Léna P., Tisseron S.(2013) Op. cit.

« L’importance des retours obtenus auprès des enseignants confirme pleinement l’utilité du Jeu des trois figures pour ce qui concerne l’apprentissage du bien-vivre ensemble et la réduction des diverses formes d’agression visibles ». (Les photos qui illustrent cet article sont tirées du documentaire sur le jeu des troisfigures visible sur yapaka.be)

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- Vous êtes responsable scienti-fique du projet porté par l’Ins-pection académique de la Sartheet l’Université du Maine, intitulé« De l’empathie pour lutter contrele harcèlement à l’école ». Qu’est-ce qui vous a amené à travaillersur ce thème ?

- Je travaille depuis plus d’une quinzai-ne d’années sur la délinquance juvéni-le. J’ai réalisé de nombreuses enquêtesdans les prisons et les structures de pri-se en charge et d’accompagnementdes mineurs délinquants. A partir de2003, après la soutenance d’une thèsede sociologie titrée : « l’entrée en dé-linquance des mineurs incarcérés », sen-sibilisé par la vie de ces jeunes, j’ai sou-haité proposer des pistes de prise encharge. C’est comme ça que je me suisintéressé à la thématique de l’empathiecomme support à l’éducation. Pour êtreplus précis, je suis parti de l’assertionsuivante : chez de nombreux jeunes, lepassage à l’acte violent est lié à un phé-nomène d’anesthésie momentanée del’empathie, sinon comment comprendrecomment un individu en arrive à vio-lenter un autre. Car pour violenter quel-qu’un, encore faut-il ne pas le considé-rer comme une personne à part entiè-re. C’est ce défaut momentané d’em-pathie qui entraîne, selon moi, le pas-sage à l’acte. Au gré de mes nombreuxéchanges avec ces jeunes, je me suis pro-gressivement rendu compte qu’au mo-ment de l’agir, ils sont souvent, pour nepas dire la plupart du temps, sous l’em-prise de leurs émotions ; des déborde-

ments d’émotions auxquelles les pairssont rarement étrangers. On le sait, àcet âge qui ne tente rien n’a rien et, plusimportant encore, qui ne tente rien n’estrien. Pour répondre à l’exhortation despairs pour être quelqu’un, le jeune estau moment du passage à l’acte, sous l’ef-fet anesthésiant du groupe, il n’est plustotalement lui ; il est « hors de lui ».C’est alors que les émotions instaurentmomentanément une rupture dans lesinteractions sujet-environnement. Fau-te, en effet, de confiance en soi, de maî-trise de soi, d’assises narcissiques suffi-santes, ces situations se soldent parune forme de perte de contrôle de soi.Confronté à une insécurité intérieuredont il faut se défaire, le jeune tente, àsa manière, de l’extérioriser sous formed’un agir souvent violent. Dans ce cas,recourir à des agissements sur une scè-ne extérieure, pour parer les risques in-ternes, constitue pour lui l’ultime res-source. Cette tendance à l’abstractionmomentanée de la réalité se vérifie dansle discours des jeunes par une relativeindifférence envers les sentiments d’au-trui au moment du passage à l’acte. Voilàen quelques mots comment j’ai com-mencé à entrer progressivement danscette thématique de l’empathie.

- Sur quelles bases avez-vous fondé vosinterventions auprès de ces jeunes ?

- Partant de l’hypothèse d’une « anes-thésie momentanée de l’empathie », j’aimis au point plusieurs protocoles quej’ai d’abord expérimentés avec desgroupes de mineurs sous mains de jus-

tice. Ces protocoles sont basés sur desexpériences partagées d’émotions gé-nérées par la mise en jeu des corps. Cet-te expérience partagée d’émotions per-met de restaurer l’empathie dont cer-tains jeunes mineurs délinquants sem-blent manquer au moment du passageà l’acte notamment. Les résultats de ces

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Expérimentation en Primaire

« De l’empathie pour lutter contre le harcèlement à l’école »

Entretien avec Omar ZANNA

DOSSIER

Omar Zanna est docteur en sociologie et en psy-chologie. Maître de conférences (HDR) à l’UFRSciences et Techniques de l’Université du Mai-ne (Le Mans). Il est actuellement directeur dulaboratoire VIP&S - Le Mans (Violences, Iden-tités, Politiques et Sports). Auteur de nombreuxarticles dans la presse spécialisée, il intervientrégulièrement sur les questions de préventiondans les réseaux de l’Éducation Nationale, dela Protection Judiciaire de la Jeunesse et de l’ani-mation des politiques de la [email protected]

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recherches sont présentées dans unouvrage, synthèse d’un docorat depsychologie soutenu en 2009, publiéen 2010 sous le titre : « Restaurerl’empathie chez les mineurs délin-quants » (Dunod).

- Avez-vous pu observer des résultatspositifs dans votre travail avec les mi-neurs délinquants ?

- Les personnels des établissementsont pu en témoigner, notamment leséducateurs et les psychologues, au dé-but des interventions les jeunes consti-tuaient un agrégat d’individus. Au furet à mesure de l’avancée dans le pro-gramme, ils commençaient à constituerun groupe. Pour passer de l’agrégat augroupe, il faut de la discussion, de lamise en accord, de l’échange… et doncde la considération d’autrui. Les édu-cateurs constataient également qu’il yavait moins de violences entre eux etvis-à-vis des adultes. Quand un nou-veau arrivait, plutôt que d’être malmené comme c’était souvent le cas, lesjeunes se montraient plus tolérants. Ilsétaient devenus capables de se mettre àla place du nouvel arrivant, en se rap-pelant ce qu’ils avaient eux-mêmes su-bi. Les tests d’empathie passés en amontet en aval des programmes confirmentcette tendance à une meilleure prise encompte d’autrui..

- Comment êtes-vous passé de la dé-linquance des mineurs à la préven-tion du harcèlement à l’école ?

- Avant de mener mes recherches surla délinquance des mineurs, j’ai été ani-mateur, éducateur sportif puis ensei-gnant d’EPS. La question de l’éduca-tion ne m’a donc jamais quitté. Par-tant des résultats, encourageants, obte-nus avec les mineurs délinquants, je mesuis dit qu’il était préférable de préve-nir avant d’être amené à réprimer. C’estpourquoi je propose, depuis quelquesannées, des programmes d’éducation àl’empathie.

Sur l’empathie et l’émotion quelquesmots s’imposent. L’empathie est pré-sente chez tout un chacun et on peuten être momentanément dépourvuquand on est emporté par nos émo-tions. A la différence des enfants et ado-lescents, les adultes ont appris à gérerleurs émotions, à les juguler et éven-tuellement à les laisser déborder dans lasphère privée. Quand on « pète lesplombs », l’environnement extérieurdisparaît sous l’effet des émotions, lesautres deviennent des formes d’objetsque l’on peut « dépouiller », brutaliser.C’est pourquoi il faut apprendre à main-tenir activée l’empathie en permanence.Les émotions nous mettent en mou-vement ; ce sont des manifestations

brusques, soudaines, qui interrom-pent l’interaction sujet-environnementen cours, faisant passer d’un état à unautre : une « rupture de continuité » di-rait Bernard Rimé. Selon GeorgesMandler, il y a émotion « quand quelquechose qu’on n’attendait pas se produitou quand quelque chose qu’on atten-dait ne se produit pas ». Précisons en-core un point important, lorsqu’uneémotion est en place, elle monopoliseles ressources attentionnelles après avoirinterrompu le déroulement en cours del’activité cognitive et/ou comporte-mentale. Bref, les émotions sont tou-jours liées à un déséquilibre physiolo-gique et psychique momentané. Le corpset l’appareil psychique n’ont de cesseque de vouloir rétablir cet équilibre misà mal. Lorsque l’émotion est trop im-portante, l’empathie est, par un effetd’anesthésie, mise en berne : on ne peutplus appréhender l’autre comme uneversion possible de soi-même. C’estpourquoi tout programme éducatif doitégalement penser l’apprentissage de lagestion des émotions en créant les condi-tions de leurs éprouvés.

- En quoi consiste votre projet de pré-vention des violences à l’école ?

- Il s’agit d’un programme commandi-té par le Fonds d’Expérimentation pourla Jeunesse (FEJ). Il a débuté à la ren-trée dernière et s’adresse à une vingtai-ne de classes d’écoles primaires de laSarthe. Ce programme qui se déroulesous la forme d’une recherche-actionest le résultat d’un partenariat entre l’Ins-pection Académique de la Sarthe et la-boratoire VIP&S de l’Université duMaine. L’idée est de mettre en place, àraison d’une séance par semaine dansces 20 classes pendant deux ans (CM1puis CM2), des activités qui ont pourobjet de créer les conditions de la mi-se en scène du partage des émotions gé-nérées par l’éprouvé des corps et ainsiapprendre progressivement à gérer sesémotions et faire exister l’autre quellesque soient les situations. On invite sou-vent les enseignants, les éducateurs, àfaire en sorte que les élèves ou les jeunesapprennent à gérer leurs émotions, etc’est une bonne chose. Encore faut-ilcréer les conditions pour les vivre ! Pourma part, je propose de mettre en place

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« Le passage à l’acte violent est lié à un phénomène d’anesthésie momentanée de l’empathie »(Photo imagebroker.net/Dimapress)

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des situations où les émotions sont ac-tivées ou réactivées, dans le cadre d’ac-tivités physiques et sportives, de théâtre-forum, de jeu de rôles. Il s’agit de pro-poser aux élèves de vivre des situationspermettant d’accéder à la reconnaissancede l’autre, de s’ouvrir à l’autre en créantles conditions du développement de ladisposition à l’empathie.

- Le sport est-il une discipline particu-lièrement favorable à cet apprentis-sage ?

- Pour ma part, je pense que le sporten soi n’a pas de vertu. J’ai pour habi-tude de dire que le sport est capabledu pire comme du meilleur. L’intérêtdu sport c’est qu’il met en jeu desémotions. Une chute, par exemple, estun moment intéressant à faire vivre, àmettre en scène. Celui qui est tombévit quelque chose de l’ordre de la dou-leur sous les yeux attentifs de ses ca-marades qui ont vraisemblablement faiteux aussi l’expérience des effets de lachute. Cela fait écho chez eux. Cesont les corps qui, à ce moment là, separlent. Les uns et les autres compren-nent bien ce que les uns et les autresvivent. Ces situations émotionnelles in-tenses, peuvent participer à la créationdes conditions de l’empathisation.

- N’est-ce pas là de la compassion en-vers celui qui s’est fait mal ?

- Non, absolument pas. Que mes pro-pos soient bien compris. Je ne suis niun adepte du dolorisme, ni un nostal-gique des pédagogies militaires. Pour bien comprendre ce qu’est l’em-pathie, il faut déjà savoir ce qu’ellen’est pas. Ce n’est ni de la sympathie,ni de la contagion émotionnelle, ni dela compassion. Avec l’empathie, il y aune sorte de distance par rapport àl’autre, une sorte d’objectivité. On peutressentir ce que ressent l’autre person-ne, mais on ne se confond pas avec el-le.Méfions-nous d’allouer d’emblée desvertus positives à l’empathie.L’empathie émotionnelle, c’est celle quinous affecte - presque automatiquementà la vue d’une personne heureuse oumalheureuse. Elle nécessite le vis-à-vis,le face à face, la relation qui précisément

passe par les corps. C’est elle qui est enjeu dans les activités sportives, le théâtre-forum chaque fois qu’il y a des personnesen interaction. Elle ne passe pas forcé-ment par la parole : elle est présentedans toutes les mises en scènes de lavie quotidienne. C’est ce que JacquesCosnier appelle « l’échoïsation corpo-relle ». Disons qu’en matière d’empa-thie émotionnelle, nous avons tous ten-dance à être affecté/touché, autrement

dit à entrer en résonnance émotionnelleavec autrui.

- Avez-vous construit un programmespécifique pour ce projet ?

- Non! Je propose des supports d’in-terventions connus de tous autour ducorps, du sport, du théâtre-forum etde l’expression corporelle… C’est uncadre que les uns et les autres peuvent

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• Le projet est basé sur le partage desémotions pour développer l’empathiedans un cadre solide et garanti par lesenseignants pour renforcer le lien àl’autre. 20 classes de CM1 de La Sarthesont concernées, soit près de 480 élèves.Le projet s’étale sur deux années. LesCM1 seront suivis l’an prochain en CM2.Au-delà du travail dans les classes, l’idéeest de sensibiliser l’ensemble des 14établissements concernés.

• Les interventions se font en binômes.Chaque enseignant est associé à unintervenant (coordonnateurs, conseillerspédagogiques, enseignants-chercheurs,doctorants STAPS, des étudiants demasters SSSATI(1)) formés aux méthodesd’éducation à l’empathie. L’ensemble estsupervisé par l’équipe des enseignantschercheurs du VIP&S ayant déjà suivi cetype de programme.

• Chaque enseignant reçoit uneformation de 2 jours sur chacun des outils.Au terme des deux années, il pourracontinuer seul le travail dans sa classe,sachant que l’équipe de coordinationcontinuera d’assurer unaccompagnement.

• Ces ateliers se déroulent pendant lescours d’EPS, par séquences d’1h ¼ à 1h½ par semaine. Il y a 24 séances par an,48 sur les 2 ans. Le projet se dérouleactuellement sur le temps d’EPS.

• Les activités se déroulent sous forme decycles (de 5 à 7 séances) : jeux collectifs

empathiques, jeux de rôles, théâtre-forum, expression corporelle

• Evaluation - Le Ministère a délégué unévaluateur extérieur. L’idée estd’envisager ce qui peut bouger, parexemple la capacité des élèves à être pluscoopératif, à partir de grillesd’observation dans la classe (entraide,solidarité). Il y aura une évaluation enamont, une évaluation intermédiaire etune évaluation à la fin del’expérimentation. Il y a par ailleurs troisclasses témoins qui ne participent pas àl’expérimentation, mais qui sont ellesaussi évaluées, à partir de questionnairesd’observations, d’entretiens collectifsauprès des enseignants et auprès desélèves.

• Lors des ateliers, dans chaque classe,nous prenons des photos, filmons lesélèves en situation de ressentisinterindividuels. Cela nous sert àrediscuter ce qui a été fait, ce qui a étévu, pour mettre en mots les émotions. Untemps goûter où les parents, lesenseignants, les élèves et les intervenantspourront se rencontrer et discuter seraégalement mis en place. Cela se passeradans un lieu plus neutre que l’école.

O. Z.

(1) Sciences Sociales et Sport :Administration, Territoires, Intégration

L’expérimentationmenée dans la Sarthe

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nourrir. D’ailleurs, quand les enseignantsvoient ce que je propose, ils disent« mais nous on le fait déjà ». C’est vrai,mais dans le feu de l’action, ils n’ont pas

le temps du décentrement comme onpeut le faire durant l’expérimentation.Les enseignants font tous plus ou moinsde la mise en scène de l’expression des

émotions. Les temps de formationque nous proposons leur permettent deprendre du recul et d’en prendreconscience. Encore une fois, ce travailmet simplement en lumière ce que fontdéjà les enseignants. Ils font preuve debon sens et d’intelligence tous les jours,sinon notre école ne tiendrait pas. Ceprojet se propose de leur porter plusd’attention et d’intérêt. A ce sujet, ilserait bienvenu de prévoir, dès les for-mations initiales des enseignants, maiségalement par la suite des apports quantau rôle de l’empathie dans les appren-tissages et dans la relation pédagogique.

L’école et, au-delà, la société ne peuventse passer d’une meilleure prise en comp-te de l’empathie pour, d’une part, pré-venir les situations de violence ou deharcèlement et, d’autre part, contribuerà améliorer la capacité des élèves à mieuxvivre ensemble pour faire société. Leprogramme « De l’empathie pour lut-ter contre le harcèlement à l’école », me-né actuellement dans la Sarthe, a pourvocation de participer à cette finalitééducative.

Propos recueillis par Guy Boubault

« C’est pourquoi tout programme éducatif doit également penser l’apprentissage de la gestion des émotions encréant les conditions de leurs éprouvés. » (Photo Denis Darzacq/Agence VU)

Le « jeu des mousquetaires »,conçu pour les besoins de cetype programme, et déjàexpérimenté avec les élèvesde CM1, est un exemple desituation. Il consiste à fairejouer ensemble plusieurséquipes de 4 élèves. Danschaque équipe, les élèves ontune position à tenir. L’un a lesbras tendus, l’autre fait lachaise contre un mur, letroisième se tient sur unejambe et le quatrième (lejoker) court autour de la salleselon un parcours prédéfini.Les trois premiers peuventappeler le joker pour se faireremplacer. Le groupe qui tient

le plus longtemps les positionsgagne la manche… Tous lesélèves doivent prendre enconsidération leurspartenaires : repérer celui quiva « lâcher » au risque defaire perdre son équipe. Doncêtre attentif aux mimiques,aux expressions du visage,aux cris (appels au secours)...Dans ce jeu, ce sont les corpsqui s’expriment. En affichantimmédiatement une réactionappropriée à la situation del’autre, l’observateurtransmet de façon précise etéloquente à la fois saconscience de la situation del’autre et son propre

engagement. En tantqu’intuition vécue des étatsaffectifs de ses camarades, lafaculté d’empathie inscrit lesautres en chacun d’eux. Cepartage de sensations,d’images de rictus et autresmanifestations physiques dessensations vécuestransforment les uns et lesautres, conforment les unsaux autres. Nous observonsd’ores et déjà que« l’échoïsation corporelle »permet à chaque élèved’induire en lui sensiblementle même état affectif quecelui de ses partenaires. Au cours ou après les

situations proposées, le verbeest sollicité. L’élève revientalors mentalement sur lui-même et les autres enmettant des mots sur sesressentis et ceux des autres.Ces temps de verbalisationont permis à chacun de livrerses impressions, ses émotions,ses gênes…, mais aussi sesplaisirs et ses découvertes. Lefait d’avoir un grand réservoirde mots, pour dire sesressentis notamment, permetde mieux s’exprimer, mieuxexprimer une pensée. Parcequ'ils articulent précisément lapensée, les mots sont lesennemis de la violence.

Exemple de jeux collectifs empathiques

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L’empathie constitue unemodalité relationnelleconstruite, basée sur la capacitéinnée à être réceptif à l’étatémotionnel d’autrui, etcomportant l’éducation dezones cérébrales capables dedécoder l’expérience subjectived’autrui par analogie avec lasienne propre mémorisée.

L’empathie joue un rôle impor-tant dans nos recherches sur laviolence scolaire. Selon le cher-

cheur nord américain Albert Mehra-bian, l’empathie est inversement corré-lée à la violence : plus le score d’empa-thie est élevé chez une personne, moinsle risque de comportements violents estimportant. Nous nous sommes doncservis de la mesure de l’empathie chezles élèves comme d’un indicateur mon-trant, dans le cas d’une augmentationdu score, que la formation de leurs en-seignants par nos soins avait bien étépréventive de la violence (Favre, 2007).De notre point de vue, le test de Meh-rabian comportait un défaut : l’empa-thie était confondue avec d’autres no-tions comme la contagion émotion-nelle, la sympathie ou la compassion.L’empathie diffère en effet de la sym-pathie ou contagion émotionnelle po-sitive et de la compassion qui ajoute àl’empathie une dimension de partici-pation spirituelle à la souffrance d‘autrui.Nous avons donc reconstruit un test

distinguant l’empathie de la « conta-gion émotionnelle » d’une part et de la« coupure par rapport aux émotions »d’autre part (Favre et coll, 2009). L’em-pathie devient alors la capacité à se re-présenter ce que les autres ressententet pensent tout en le distinguant de ceque l’on ressent et pense soi-même.Dans la formation expérimentale évo-quée ci-dessus, les enseignants du pri-maire et du secondaire pratiquent unentraînement à l’empathie, non pas tel-lement pour percevoir ce que les élèvesentent ou pensent, mais surtout pourdevenir apte à opérer cette distinctionentre soi et les autres.

« L’empathie estinversement corrélée à

la violence »

Ainsi le développement de l’empathiechez les élèves (augmentation parexemple de 80% du score au CM2 enZEP) n’est pas dû à un entraînementparticulier de ceux-ci à ce qui serait unenouvelle matière scolaire. Il est dû es-sentiellement à l’adoption et à l’appli-cation dans la relation éducative parles enseignants du postulat de cohé-rence : chacun a de « bonnes raisons »(= légitimes, valables…) de penser cequ’il pense, de dire ce qu’il dit, de fai-re ce qu’il fait… et surtout de ressentirce qu’il ressent !Ce postulat ouvre la possibilité en se dé-centrant de ses propres références, d’ac-

cueillir les différentes manifestations del’élève, et c’est l’entrainement à la « pen-sée non dogmatique » qui rend possiblel’écoute empathique (ch. 14 & 17,Favre, 2007). Nous pensons aujour-d’hui que c’est cet ensemble, compre-nant l’expérience d’avoir été écouté per-sonnellement et l’exemple d’adultes qui« pensent ce qu’ils sentent et sententce qu’ils pensent », qui incite les élèvesà changer de motivation prédominan-te et ainsi à se dé-motiver pour la vio-lence tout en développant leur propreaptitude à l’empathie.

Cette formation à l’empathie n’allait pasde soi car il n’était pas dans les tradi-tions de la formation des enseignantsde s’intéresser aux émotions, sinon pouréviter qu’elles ne « troublent » l’ap-prentissage, comme le reflètent les re-commandations du rapport Bancel quia servi de texte fondateur des IUFM(1989). Il est encore actuellement fré-quent de vouloir dissocier, soit pourl'étudier soit pour « mieux » enseigner,les processus cognitifs et les phénomènesaffectivo-émotionnels. Cependant, lepremier indice intra-subjectif d'unecompréhension n'est-il pas une émo-tion, une jubilation plus ou moins in-tense, qui peut entraîner une motiva-tion puissante pour l'apprentissage, sile dispositif pédagogique donne plus deplace à la recherche en classe de ce ty-pe de plaisir ? Des données neurobio-logiques indiquent par ailleurs unetrès importante co-localisation et in-terrelation fonctionnelle entre les struc-

Formation des enseignants

L’empathie, une compétenceprofessionnelle indispensable

Par Daniel FAVRE et Catherine FAVRE

DOSSIER

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tures nerveuses impliquées dans la co-gnition et celles dont le fonctionnementest corrélé avec celui de nos émotions(Favre, 1990), ces dernières pouvantainsi autant inhiber que favoriser l'ac-tivité des premières.La dynamique de l’apprentissage asso-cie elle aussi, des phases de construc-tion et de déconstruction des connais-sances et des représentations avec desressentis émotionnels qui en font pourle jeune, une expérience passionnante,difficile, ennuyeuse, satisfaisante, stres-sante, à éviter,… Durant cette phase in-contournable de déstabilisation cogni-tive et affective, les élèves auraient be-soin de sentir un adulte apte à se re-présenter ce que, eux, élèves vivent, com-me la peur de se tromper, d’échouerou d’être dévalorisé, et qui peut ainsileur donner des « feedback » perti-nents sur la progression de leur ap-prentissage. Une question d’élève de4ème interroge les formateurs d’ensei-gnants : « mais est-ce que les profs, ilssavent ce que ça nous fait quand on ap-prend ? » ; manifestement les élèves endoutent.

Pourtant, nous avons pu observer quec’est bien lorsque l’on se sent en sécu-rité que l’on prend le risque d’apprendre,de lâcher ce que nous avons déjàconstruit pour nous adapter à de nou-velles contraintes, celles que présentele nouveau problème à résoudre.Accompagner les élèves dans ce pro-cessus, cela demande en tant qu’ensei-gnant de pouvoir temporairementmettre en arrière-plan ses propres re-présentations, sa manière personnellede concevoir un objet d’étude pour pou-voir s’ouvrir à la représentation que l’élè-ve en a et à la manière dont il la conçoitlui, qui est forcément différente de lanôtre. Ceci permet de comprendre leprocessus interne de l’élève, d’en re-connaître l’intérêt au delà du résultatqu’il produit, et ainsi de reconnaître sacapacité de penser. D’où l’importancede pouvoir adopter et faire sien le pos-tulat de cohérence, en se rappelantque l’énonciation et l’application dupostulat de cohérence en classe corres-pond à l’acceptation inconditionnellede l’élève comme un Sujet mais ne luidonne pas pour autant de droits pourse comporter de manière non accep-

table dans la classe. La distinction entrela personne et ses comportements per-met de faire état que l’acception descomportements est conditionnellepuisque tous les comportements ne sontpas acceptables.

Pratiquer l’empathie va consister éga-lement à utiliser toutes ses ressourcespour identifier le ressenti des élèves, grâ-ce à la prise en compte des informationsnon-verbales : sa position corporelle,son regard, sa mimique disent-ils qu’ilest plutôt déçu, découragé ou furieuxde ne pas y arriver ?Lui refléter ce ressenti c’est lui signifierau minimum, lui démontrer si l’on tom-be juste, que l’on est tout proche de lui,à ses côtés dans son expérience maisen même temps que celle-ci lui appar-tient totalement, qu’il a le droit et la res-ponsabilité de ressentir ce qu’il ressent.Cette reconnaissance apporte un sen-timent de sécurité et peut permettre àl’élève d’accepter la discussion de sa re-présentation ou de sa démarche pourl’enrichir ou lui permettre de réaliserqu’elle est incomplète ou partielle-ment erronée. Ce qui ne serait proba-blement pas le cas si l’enseignant le gra-tifiait d’un : « cet exercice était pour-tant facile ! »…

« L’enseignant peutdevenir cet adulte allié

dont l’élève a besoin pourapprendre et grandir »

À l’heure où l’époque des IUFM se ter-mine et où commence celle des ESPÉ(École Supérieure du Professorat et del’Éducation), il serait donc souhaitableque l’empathie soit enfin reconnue com-me une compétence professionnellede premier plan nécessaire pour ensei-gner, car elle permet justement de se re-présenter les aspects cognitifs et émo-tionnels des élèves et donc de créer ceclimat de sécurité où peut être construi-te une alliance avec les élèves. C’est d’autant plus important que lesenseignants développent leur capacitéd’empathie que les élèves sont de plusen plus différents les uns des autres avecdes références culturelles et des expé-riences éducatives variées. La contagion

émotionnelle négative, autrement ditl’antipathie, devient alors un risque pourl’enseignant qui rencontre des élèvestrop différents de l’élève qu’il a été.Cela implique pour l’enseignant de neplus pouvoir faire l’impasse sur la di-mension individuelle et de se distancierd’un modèle de l’apprentissage conçucomme un processus normé avec étapesobligatoires et progressives adapté à unélève type, moyen ou idéal, dans le-quel la participation affective était mi-nimisée.

En faisant cela, l’enseignant peut doncdevenir cet adulte allié dont l’élève a be-soin pour apprendre et grandir. Ce der-nier n’a pas besoin d’un « contrôleur »qui pour le faire travailler multiplie lescontrôles et cherche à le faire travaillercontre son gré et qui « punit » l’erreurjusqu’à le dégoûter des situations d’ap-prentissage scolaire. Comme nous avons pu de nombreusesfois le constater, l’établissement de cet-te alliance avec les élèves contribue àrenverser la tendance à la démotivationdes élèves pour l’apprentissage et pour-rait constituer une parade préventive audécrochage scolaire (Favre, 2010).

Daniel Favre Catherine Favre

Daniel Favre est enseignant-chercheuren sciences de l’éducation au Labo-ratoire Interdisciplinaire de Rechercheen Didactique Éducation et Forma-tion, Université Montpellier II.Catherine Favre est psychologue cli-nicienne et formatrice à l’IRIS en « selfrégulation ». www.iris-formations.fr

Bibliographie• Favre D. (2007) Transformer la violence desélèves. Cerveau, motivations et apprentissage.Dunod Ed.• Favre D., Joly J., Reynaud C. & Salvador L.L. (2009) Empathie, contagion émotionnelle etcoupure émotionnelle - Validation d'un test pourrepérer et aider les élèves à risque. EuropeanReview of Applied Psychology 59 (2009)211–227.• Favre D. (2010) Cessons de démotiver lesélèves. 18 clés pour favoriser l’apprentissage. Du-nod Ed..• Favre D. (1990) Démarche scientifique et mo-bilité des représentations, Actes du colloque in-ternational de la Société Française de Chimie :Les représentations, méthodes d’étude et résul-tats : 7-15.

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L’empathie est une des clés dela vie relationnelle. Se mettre àla place de l’autre, comprendreses mobiles, ses émotions, sespensées permet de ne pas lediaboliser et de voir en lui l’êtrehumain qu’il est, malgré descomportements ou des pointsde vue qui nous choquent etnous déplaisent. Mais lacompréhension n’empêche pasle conflit, lorsqu’il estnécessaire.

En Thérapie Sociale, nous visonsà transformer la violence enconflit. Les mots « violence » et

« conflit » sont souvent pris l’un pourl’autre. Ainsi, par peur de la violence,ce sont les conflits que nous taisons, quenous évitons. Et c’est l’impossibilité d’ex-primer et de vivre ces conflits qui est àl’origine de la violence. Au cours d’unconflit, nous envisageons la personneentière avec laquelle nous avons un dif-férend et non plus seulement le grou-pe qu’elle est supposée représenter oul’image que nous nous faisons d’elle.

Nous ne considérons pas l’autre com-me mauvais par essence et de façon ir-rémédiable. Il est simplement une per-sonne avec qui nous sommes en conflitsur un sujet précis. Dans un conflit,nous sommes en désaccord et nous pou-vons être en colère, nous avons des re-proches à formuler, mais le fait mêmede mettre à plat ce qui nous oppose,

oblige à prendre en compte la positionde l’autre en tant qu’individu, en tantque personne et non en tant qu’incar-nation du mal. A la différence de la vio-lence, le conflit tel que nous l’enten-dons est au moins en partie empathique.

Faut-il se formerà l’empathie ?

L’empathie est une fonction naturelleet vitale de l’être humain, depuis sa tou-te petite enfance. On ne peut se « for-mer » à l’empathie, sinon en imposantun mode de communication factice, unmodèle. En effet, se former à l’empa-thie, à la communication, à l’écouteconsiste trop souvent à créer une atti-tude extérieure, « un faux self » qui cacheen réalité la violence intérieure qui sub-siste.

En Thérapie Sociale, nous ne formonspas à l’empathie, au sens strict, maisnous aidons chaque personne à prendreconscience de la violence qui crée unobstacle au lien authentique avec l’autreet donc à l’empathie. Cette violencepeut s’exprimer de différentes façons :indifférence et abandon ; humiliationet dévalorisation ; culpabilisation et vic-timisation ; maltraitances de toutessortes, physiques, psychologiques oumorales. Cette violence s’exerce contrel’autre, qu’il soit enfant, collègue, ami,conjoint, partenaire… Cette violences’exerce également contre soi-même. El-le est le résultat de violences subies dansl’enfance et dans la vie sociale.La vraie question est donc celle de la

Thérapie Sociale

Se (trans)former à l’empathie

Par Charles ROJZMANet Nicole ROTHENBÜHLER

DOSSIER

Nicole Rothenbühler est co-directrice de l'InstitutCharles Rojzman. Elle intervient en France et àl'étranger et forme les professionnels de la relationd'aide et de l'éducation et accompagne des coupleset des familles.

Charles Rojzman est psychosociologue, philosophepraticien et écrivain français.Il a créé et dévelop-pé la Thérapie sociale. Il est le dirigeant fondateurde l'Institut et de la Thérapie Sociale.

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22 Non-violence Actualité, mars-avril 2013

violence qui est, selon nous, universel-le et particulièrement dans les situationsde peur, de stress, ou d’impuissance.Chacun de nous a été dans sa vie, plusou moins blessé par une forme ou l’autrede ces violences. Chacun de nous aété, plus ou moins, abandonné, mal-traité, culpabilisé, humilié. Chacun denous, de façon différente, à des degrésdifférents, plus ou moins profondément,plus ou moins gravement. De ce pointde vue, il faut remarquer que nous nesommes pas égaux en ce qui concernela violence, selon les familles, les époques,les cultures… La difficulté à entrer enlien avec les autres, à les comprendredans leurs pensées et leurs émotions,s’explique par cette coupure du lien dontla violence est responsable.

Dans les groupes de thérapie sociale,nous créons le cadre qui permet à cha-cun de se découvrir tel qu’il est, victi-me et responsable en même temps, bles-sé et infligeant des blessures aux autres.« Hurt people hurt » dit-on en anglais.Les gens blessés blessent. Cela est vrai de nous tous, mais nousn’en sommes pas toujours conscients,puisque nous avons appris, pour la plu-

part d’entre nous, à déguiser notreviolence sous des dehors acceptables ensociété. Notre violence s’exercera doncde façon subtile et parfois invisible, saufdans les cas de tension et de souffran-ce extrêmes et ouvertement pour ceuxqui n’ont pas appris à se donner les li-mites imposées par la vie sociale. Cette violence-là, on la reconnaît faci-lement car celui qui l’exerce dénie àl’autre la qualité d’être humain, sem-blable à lui-même, ne serait-ce que dansun moment limité.On voit ainsi que la violence est l’exactopposé de l’empathie, puisqu’elle consis-te précisément à ne voir en l’autre qu’unemenace à fuir , un objet à exploiter, ouun inférieur à mépriser. On ne peut plusparler d’empathie dans ces situationsextrêmes.

Dans notre vie quotidienne, dans toutesnos relations, les violences subtiles re-présentent un obstacle à la compré-hension empathique de l’autre. Dansles moments de violence, l’autre devientun ennemi qu’il faut fuir, rejeter ou com-battre. Bien sûr, il en est de mêmepour ces violences que nous exerçonscontre nous-mêmes qui empêchent la

confiance en soi, l’amour de soi etpeut on dire l’empathie envers soi-mê-me.

Une formation au conflit

Mais soyons clairs : il ne s’agit paspour nous d’ériger l’empathie en prin-cipe absolu. Si l’empathie est nécessai-re pour permettre le lien, la relation au-thentique et le vivre ensemble, elle nedoit pas empêcher le conflit. En réali-té, comprendre l’autre dans son inté-riorité cognitive et émotionnelle neconsiste pas à l’absoudre ou à l’excuserlorsque sa conduite ou ses mots nousfont du mal ou sont en contradictionsavec nos valeurs les plus intimes. Onpeut être empathique et néanmoins res-ter dans un conflit qui permet de sedéfendre et même parfois de trouverdes solutions ensemble, après le conflit,dans la négociation. Ce type de conflitn’est pas la violence, car il n’empêchepas qu’on considère l’autre comme unfrère humain, blessé comme nous, fra-gile et sensible, et parfois capable de vio-lence , tout comme nous en fin decompte. La formation au conflit que nous pré-conisons contient l’empathie car sansempathie, le conflit s’exprime dans laviolence et ne permet pas de résolution.Cette formation au conflit est indis-pensable aujourd’hui, plus que jamais,dans une période où la défiance entreles individus et les groupes se générali-se et où il faut éviter que le conflit dé-génère en violence.

Un changement nécessaire

Pour conclure, nous insisterons doncsur la nécessité de cet apprentissage,indispensable dans la vie, des couples,des familles, des organisations et desquartiers, en précisant cependant quecet apprentissage ne se fait pas au moyensde techniques et de méthodes, mais grâ-ce à une compréhension profonde desoi dans la relation. Cette recherche decompréhension de soi passe par un pro-cessus de changement qui doit êtresollicité et accompagné.

Charles RojzmanNicole Rothenbühler

« Si l’empathie est nécessaire pour permettre le lien, la relation authentique et le vivre ensemble, elle ne doitpas empêcher le conflit » (Photo imagebroker.net/Dimapress)

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• Bien dans sa cuisine. Quandla préparation d’un repas de-vient une aventure intérieure– Isabelle Filliozat - Ed. JC Lat-tès, 2012Comment faites-vous la cuisi-ne ? Quels aliments utilisez-vous ?Peut-être ne vous êtes-vous ja-mais posé trop de questions surces sujets ? Pourtant, cuisiner,voilà bel et bien une activité ré-gulière qui est au centre de nosvies. La cuisine est un lieu de par-tage des saveurs, des odeurs etdes mets. Elle est aussi un lieude vie, où se passent les petitsdrames du quotidien comme lesjoies qui rythment la vie. Dansce livre, l’auteure invite le lecteurà se réapproprier cet espace et àréfléchir sur les pratiques quil’animent. En effet, la vitesse fol-le que prend la vie dans la sociétémoderne doit pouvoir s’arrêter,l’espace d’un instant. Pour re-trouver l’écoute de soi et l’écou-te des autres, rien de tel que d’uti-liser cet espace propice à la mé-ditation et à l’échange. Vousapprendrez que le contenu denos assiettes peut devenir votremeilleur allié santé et bien-êtreou, au contraire, être la raison devos maux ou de celles et ceux quipartagent le repas avec vous.Un livre à mettre à coté de vos livresde recettes. 295 pages, 18 euros.

• Accompagnement des per-sonnes âgées avec l’approchecentrée sur la personne – Mar-lis Pörtner (traduit par OdileZeller) – Ed. Chronique So-ciale, 2012Partant des travaux du psycho-logue américain Carl Rogers,l’auteure les transposent à la ques-tion de la prise en charge des per-sonnes âgées dépendantes. Cetouvrage s’adresse donc prioritai-rement aux professionnels tra-vaillant dans ce secteur, le butétant de favoriser une meilleureprise en charge de ces personnes.Pour cela, le professionnel est sol-licité pour mettre en évidence sespropres sentiments, émotions etréactions. C’est à la lueur de ceséléments qu’il pourra poser unregard neuf sur les personnesâgées et la dépendance. Il re-cherchera alors le potentiel dechacune d’elles et l’accompagneraau mieux sur son chemin de vieen se rappelant que chaque in-dividu est unique. Il fera égale-ment attention à ses propres at-titudes et comportements quisont souvent cause de souffrancesdans le quotidien de ces per-sonnes que parfois l’on ne consi-dère plus comme tel. Ce livre estillustré d’exemples concrets quirenforcent la compréhension desproblématiques soulevées. 112pages, 12,50 euros.

• La discipline positive. Enfamille et à l’école, commentéduquer avec fermeté et bien-veillance – Jane Nelsen (adap-té par Béatrice Sabaté) – Ed.du Toucan, 2012Ce livre s’inscrit dans le courantactuellement en vogue de la com-munication bienveillante et l’édu-

cation positive. La « disciplinepositive », fondée sur les tra-vaux du psychologue autrichienAlfred Adler (1870-1937), pro-pose une méthode éducative ba-sée sur un cadre ferme et uneattitude bienveillante. Le but estde prendre en compte à la foisle monde de l’adulte (avec sesexigences et ses réalités) et celuide l’enfant (qui trop souventest relégué au second plan). Ja-ne Nelsen, psychologue améri-caine, appuie ses travaux égale-ment sur son expérience de mè-re, d’éducatrice et de formatricede parents. Il s’agit de dévelop-per chez l’enfant la confianceen soi et ses capacités à devenirun adulte épanoui. Un certainnombre d’exemples précise lescontours de cette approche, et leparent est invité à passer d’uneimage de parent autoritaire à ce-lui de parent bienveillant. 420pages, 19,90 euros

• Parents/Enfants : Vivre lesconflits – Marie-Paule Mor-defroid – Ed. de l’Emmanuel,2008On pourrait voir la famille com-me un lieu de paix où se res-sourcer et trouver le réconfortpour affronter le monde (parfoishostile). Mais cela ne correspondpas à la réalité : la famille est unlieu des confrontations et il estdifficile d’être toujours en accordles uns avec les autres ; tous sesmembres n’ont pas les mêmescentres d’intérêt. Les proposi-tions de l’auteure s’appuient surson travail au sein de groupesde parole autour de la parenta-lité. Durant ces échanges, elle arecensé les éléments qui dans lafamille peuvent mener aux

conflits (entre parents, entreparents et enfants). Partant deces constats, elle donne des pistespour faire face aux tensions et of-frir des alternatives aux conflitsparfois violents. Elle invite les pa-rents à mieux écouter les besoinsde leur(s) enfant(s), les encou-rage à dialoguer et les prépare àla négociation pour mettre enplace un juste exercice de leurautorité. 167 pages,12 euros.

• L’expérience virtuelle. Jouer,vivre, apprendre dans un jeuvidéo – Vincent Berry – PressesUniversitaires de Rennes, 2012Voici un livre qui sort des sen-tiers battus. Loin de la prise deposition médiatique, cette étu-de met à mal les préjugés quijalonnent le sujet des mondesvirtuels, de la pratique desMMORPG et ceux qui s’y adon-nent. Vous découvrirez que der-rière les « avatars » se cachent despersonnes bien réelles, loin del’image de l’adolescent bouton-neux et asocial. Cette étude so-cio-ethnographique présente lesjoueurs et leurs pratiques, dansl’espace virtuel comme dans l’es-pace réel. Elle tend à démontrerles apports du virtuel dans unepratique ancrée dans le réel. Eneffet, juger ces pratiques en selimitant à la perception pre-mière (le jeu) passe sous silencetoutes les autres dimensions liéesà ces pratiques : vie en réseau,création d’outils (vidéo, forums,etc.), développement de com-pétences sociales, etc. Une étu-de à lire pour celles et ceux quisouhaitent approfondir leurconnaissance du sujet ou quicherche à comprendre leur en-fant addict. 271 pages, 18 euros

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LIVRES

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INItIAtIVeS

• L’ALAE (Accueil de Loisirs Asso-cié à l’Ecole) de Saleilles, sous la res-ponsabilité des ADPEP 66, a réalisé uncourt métrage pour sensibiliser les en-fants, les parents et enseignants auxproblèmes de la violence et du harcè-lement à l’école. Contact : [email protected]él. 04 68 62 25 25.

• L’Institut de recherche sur la Ré-solution Non-violente des Conflits(IRNC) a pour objectif principal demener de façon pluridisciplinaire desrecherches scientifiques sur l’apportde la non-violence dans la résolutiondes conflits et de donner un statut àcette approche. Elle vient de réaliserun trombinoscope de la non-violen-ce, à découvrir sur son site Internet :http://irnc.org/Diaporamas/index.htm

• Cycle de séminaires de l’Ecole desparents et des éducateurs d’Ille deFrance sur « Agir à l’adolescence : quelpositionnement professionnel » à Pa-ris (75011). Infos et inscriptions : Ma-rie-Laure Compper - Tél. 01 44 93 44 [email protected]

• « L'Effet Théâtre » crée et jouedes spectacles ludiques et interactifspour les écoles, les collèges, les centresde loisirs. Thématiques : la violencescolaire, la souffrance et le mal-être, laprévention des risques liées aux nou-velles technologies.www.effet-theatre.fr

• L’association « Vivance », centrede sophrologie, propose un centrede documentation et d’informationsen lien avec la non-violence - 101 rueBouzonnier, 60280 Venette.www.vivanve.netTél. 06 33 87 20 [email protected]

• L’association pour une Fonda-tion de Corse recherche des forma-teurs à la non-violence et à la gestiondes conflits. Pour devenir intervenantsdans les écoles et autres lieux : AFC-UMANI, tél. 04 95 55 16 [email protected] - www.afcumani.org

• Educoptim, 42 rue de Bellissen,69005 Lyon, organisme de formation

à la prévention et à la gestion desconflits avec les jeunes. Contact :[email protected]él. 06 72 14 67 69.

• Coaching professionnel d’équipebasé sur les compétences relationnellespour mobiliser l'intelligence collecti-ve et la performance solidaire, à des-tination des PME, institutions, collec-tivités, dans les secteurs environne-mentaux, éducatifs, santé : Contact :AMB [email protected]

• Initiatives et Changement, tél. 0141 46 03 69 - [email protected] les 21 et 22 mars une « For-mation des bénévoles à l’approche édu-cative et aux outils pédagogiques d’édu-cation à la paix afin d’animer des ate-liers » (www.fr.iofc.org).

ReSSouRCeS

• Le Conseil de l’Europe proposedes brochures concernant l’abolitiondes châtiments corporels. S’adresserà : [email protected] - Différents sup-ports (livrets, affiches…) sont dispo-nibles gratuitement.

• Défi 10 jours sans écrans pour ap-prendre aux enfants à maîtriser lesécrans. Tournée de Jacques Brodeuren France jusqu’au 15 mars. Confé-rences, formations, ateliers. Si voussouhaitez le faire intervenir dans votreétablissement, contact : [email protected] - www.edupax.org

• Le Centre pour l’action non-vio-lente (Lausanne-Suisse) élabore etdiffuse des expositions pédagogiquessur le thème de la non-violence. Lanouvelle exposition « Ne pas resterles bras croisés » est disponible. Pourinformation : [email protected] -www.non-violence.ch/boite-a-outils/ex-positions/ne-pas-rester-les-bras-croises

• L’association « Enfance TéléDanger ? » souligne la surenchèrede la violence dans les medias et lerecul de la protection de l’enfance. El-le mène une campagne d’interpellationdes responsables politiques sur l’in-dispensable signalétique des films decinéma et de télévision. [email protected] -www.enfanceteledanger.fr

• Le Centre Académique d’Aide auxÉcoles et Établissements (CAAEE)propose des formations pour les per-sonnels d’enseignement, d’éducation,d’orientation « Pour agir contre la vio-lence, les incivilités en milieu scolaireet améliorer le climat scolaire ». Pourtout renseignement : Roselyne Tabo-risky, tél. 01 30 83 52 01 - www.paf.ac-versailles.fr

• Pour suivre le calendrier des confé-rences et formations d’IsabelleFilliozat, abonnez-vous à la Newslet-ter de l’EIREM, école des intelligencesrelationnelle et émotionnelle, tél. 04 42 92 62 [email protected]

• Graines de Paix, 11 rue Cornavin,1201 Genève, [email protected] - www.graines-de-paix.org - Programme de sensibili-sation à l’éducation à la paix en Suis-se. Conception, création et diffusiond’outils pédagogiques, ateliers et ani-mations scolaires.

PubLICAtIoNS

• GMi n° 47, la publication de Géné-ration Médiateurs présente dans cenuméro le fonctionnement de ses ré-seaux basés sur l’échange de pratiqueset la mutualisation des outils de ges-tion des conflits et de médiation. Gé-nération Médiateurs, 39 rue des Aman-diers, 75020 Paris. Tél. 01 56 24 16 [email protected]

• L’enfant et la vie n°173, 1e trimestre2013 - Au sommaire : L’école Mon-tessori, le bébé est surdoué des sens,préserver la dignité des parents…(www.lenfantetlavie.fr)

• Alternatives non-violentes n°165,4e trimestre 2012. Dossier sur la « Vio-lence dans l’urbanisme, non-violencede l’urbanité ». 13 euros. ANV, tél. 02 35 75 23 [email protected]

• Enfance majuscule, n°127 No-vembre-décembre 2012, dossier sur« l’enfant et la prison », 8 euros. En-fance majuscule - 2 rue des Longs Près- 92100 Boulogne - Tél. 01 46 21 47 09

[email protected]• Cahiers pédagogiques, n°501Décembre 2012, Dossier « Quand laclasse est difficile », 10,40 euros. CRAP-Cahiers pédagogiques, 10 rue Che-vreuil – 75011 ParisTél. 01 43 48 22 30 [email protected]

• L’école des parents, n°598, octobre2012. Dossier sur « L’école : Apprendreautrement ». 7,50 euros. FédérationNationale des Ecoles des Parents etdes Educateurswww.ecoledesparents.orgA l’occasion des 40 ans de son réseau,l’Ecole des Parents a édité le livre « Pa-rents-Enfants, 100 textes sur la fa-mille et l’éducation », présenté parPierre-Henri Tavoillot, préface de Ca-therine Dolto. 15 euros. EPE, 180 bisrue de Grenelle, 75007 Paris. Tél. 01 47 53 62 80.

AgeNDA

• Le 15 mars à Echirolles (38), confé-rence « Améliorer sa qualité d’écou-te » animée par Valérie Le Quellec.Le 12 avril, conférence « Parents-en-fants, grandir ensemble » animée parGilles Salanou. Reliance Tél. : 04 76 85 12 [email protected]

• Le 19 mars à Paris�: l'AssociationCommunication NonViolente organi-se une conférence avec Thomas d'An-sembourg sur le thème : « Cessezd'être gentil, soyez vrai ». Lieu : Espa-ce Reuilly, Paris. Renseignements :[email protected]

• Le 19 mars à Rennes (35) : confé-rence organisée par « Nouvelles conver-gences » et « Communiquer avec Bien-veillance », avec Isabelle Filliozat, écri-vaine, psychothérapeute, sur le thème« Un zeste de conscience dans la sou-pe ». Renseignements : http://bienveillance.org

• Le 10 avril, sensibilisation à la com-munication parents enfants avec in-troduction des outils Faber et Mazlishà Saint Etienne. [email protected] -Infos sur http://naturellement-parents.over-blog.com

• Le 25 mai, 4ème fête de la Paix àVitry-le-François (51), organisée par

BLOC-NOTES

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FAB (Former à un Avenir sans Bruta-lités). Objectif : Sensibiliser enfants,adolescents, jeunes, adultes à l'idée depaix dans toutes les dimensions et va-leurs du vivre ensemble. Contact : [email protected] -www.association-fab.fr

• Le 28 mai à Rennes, conférenceanimée par Jacques Salomé sur lethème « La ferveur de vivre ». Rensei-gnements : http://bienveillance.org

FoRmAtIoNS

> Médiations

• Génération Médiateurs, 39 rue desAmandiers , 75020 Paris. Tél. 01 5624 16 78 – [email protected] – www.gemediat.org - Formations à larégulation positive des conflits et à lamédiation par les pairs – Associationagréée par l’Education nationale, or-ganisme de formation. Formations sursite et en externe : les 22-23-24 avrilau Mans.

• « L'entrainement intensif au rôlede médiateur et la dynamique desconflits » formation à Camarès (12),du 20 au 24 août. Publics : média-teurs formés ou en cours de forma-tion et personnes souhaitant déve-lopper leurs compétences en gestionde conflit. Formateurs : Nicole Ber-nard et Jacques Salzer. Médiation Avey-ron [email protected] –Tél. 05 65 59 48 81 - www.mediationaveyron.com

• Marianne Souquet propose plu-sieurs formations pour les média-teurs à Puyricard, région d’Aix en Pro-vence (13). Infos sur www.mariannesouquet.com [email protected]él. 04 42 92 27 86.

> Communication

• Communication NonViolente,« une réponse efficace pour le bien-vivre ensemble et la réussite à l’éco-le » : Association pour la communica-tion nonviolente, tél. 09 70 44 66 09– www.nvc-europe.org – CatherineSchmider, tél. 06 82 35 06 66.

• Mettre en pratique la communica-tion bienveillante au travail, dans sonquotidien :6 jours de formation avecla CNV et la méthode ESPERE : 6-7avril, 25-26 mai et 15-16 juin - ou 25-26 mars, 15-16 avril et 27-28 mai. As-sociation Communiquer avec bien-veillance, 5 allée Henri Bosco, 35760Saint Grégoire (Rennes). BérangèreBaglin, tél. 06 80 81 58 97 - http://blog.bienveillance.org

• Education non-violente en milieuscolaire - Louise Romain, formatriceen CNV, certifiée avec le Center forNonviolent Communication et co-fon-datrice du réseau CNV Education Eu-rope, propose des formations sur l’édu-cation nonviolente en milieu scolai-re : « Bâtir la confiance et la coopéra-tion dans sa classe ». Tél. 06 88 361631 - [email protected]

• L’École des Intelligences Rela-tionnelle et Émotionnelle, IsabelleFilliozat, 9 rue de la Carraire,�Parc desLogissons,�13770 Venelles. Tél. 04 4292 62 88 - [email protected] -On y apprend les lois de la relation etde l'émotion, le fonctionnement dupsychisme, et aussi comment écou-ter autrui, comment lui parler, com-ment résoudre les conflits sans vio-lence. Programme complet sur le sitewww.filliozat.net

• Reliance, 14 avenue Victor Hugo,38130 Echirolles. Tél. 04 76 85 1212. Organisme de formation qui pro-pose stages et accompagnements pourun large public, depuis le champ pro-fessionnel jusqu'aux aspects person-nels, pour développer l'estime de soi,ainsi que de meilleures relations dansla vie personnelle et familiale. A no-ter parmi les prochains stages, la for-mation Auto-Tipi sur 2 demi-journées,pour apprendre à se libérer de sesdifficultés émotionnelles telles que desangoisses, des tensions, des phobies,de l’agressivité, des inhibitions : les 11mars et 15 avril avec Jean-Luc Mermet.Autre proposition : Stage pour amé-liorer ses relations, développer estimede soi et confiance en soi, deux pos-

sibilités : les 16-17 mars ou 24-25-26mai. Toutes précisions sur www.centrereliance.com

> Thérapie sociale

• L’Institut Charles Rojzman orga-nise des formations à la thérapie so-ciale. Introduction à la méthode (5jours) : à Paris du 9 au 13 mars ; àLausanne (Suisse) du 16 au 20 mars.Institut Charles Rojzman, La Vernée,71 520 Trivy. Tél. 06 25 42 26 29 –[email protected]

> Ateliers Faber/Mazlish

• France - L’atelier des parents, 56av Beaurepaire, 94100 St Maur des Fos-sés. Contact : Dr Sophie Benkemoun.Tél. 01 48 83 15 74 – Formation à l’ani-mation des ateliers pour parentsd’ados, formation sur la communica-tion parents-enfants.www.latelierdesparents.fr Tous les contacts pour l’organisationd’ateliers Faber/Mazlish sont sur lesite www.legrandatelierdesparents.frContact : [email protected]

• 03 - Association Harmonies à Mont-luçon. Contact : Monique Cornet, tél. 04 70 03 93 [email protected]

• 09, 11, 31 - Association « Pas à Pas ».Contact : Stéphanie Chausson. Tél :05 81 63 34 58. Le siège social del’association est à la Mairie d’Alzen(09240)[email protected]

• 13 - « Écouter-Dire », 10 Bd de laRépublique, 13410 Lambesc. Contact :Martine Koudinoff, tél. 06 14 19 23 71(http://ecouter-dire.net). De la com-munication à la relation, ateliers de pa-rents.

• 13 – « À mots ouverts », ChantalMarion, 1 rue de la Chicanette, 30160Sauve – www.amotsouverts.org

• 13 - Association « L'important, c'estle chemin », 24, rue Edouard Herriot,13090 Aix en Provence. Anne Char-bonnel, tél. 06 29 73 34 [email protected] -http://cestlechemin.free.fr

• 13, 83 – Association « Pour unerelation arc-en-ciel ». Contact : Isabel-le Delmar, tél. 04 94 86 13 83

pourunerelationarcenciel@orange.frwww.pourunerelationarcenciel.org

• 14 – Association « Avoir les piedssur terre », Céline Faujour, 9 rue Eliede Beaumont, 14000 Caen. Tél. 06 0193 97 29 - [email protected] -www.avoirlespiedssurterre.fr

• 21, 71 - L'Atelier de la Médiationen 3D, Anne Férot, tél. 03 80 53 00 06, [email protected]

• 30 – Association « Famille amie »(http://famillamie.canalblog.com).Contact : Laurence Nugues [email protected]

• 30 – Association Mamaya, Yaël Ca-therinet, tél. 04 66 23 96 57 - www.mamayaya.org

• 30 – Association A mots ouverts,Chantal Marion, 1 rue de la Chicanette,30610 Sauve. Tél. 06 66 28 83 40 –[email protected] www.amotsouverts.org

• 30 – Maud Ryaux-Noudel, tél. 0663 98 91 56, à Villeneuve les Avignon(Gard)

• 31, 65 - Ateliers à Toulouse. L’Ate-lier des parents, Sandrine Scherrer, Levillage, 65130 Castillon. Tél. 06 11 5712 63 - [email protected]

• 34 – Laetitia Négrié, Tél. 04 67 8307 86 - [email protected]

• 35 - Association « Communiqueravec bienveillance », 5 allée HenriBosco, 35760 Saint-Grégoire (Rennes).Tél. 06 80 81 58 [email protected]://blog.bienveillance.org

• 37 – Ateliers animés par BéatriceBaczkowski, 36 rue des Prébendes,37000 Tours. Tél. 06 87 02 36 47 –[email protected]

• 42, 43 – Association Mamabulle.Contact : Christèle, tél. 06 13 07 4153, [email protected]

• 44 – L’atelier de Fabienne, Fabien-ne Lebreton, tél. 06 62 07 26 17 – [email protected]

• 57 - Café des Parents de Metz (EPEMoselle), 31 rue Dupont des Loges,57000 Metz. Contacts : BernadetteMacé, Frédérique Levert. Tél. 03 87 69 04 36 (www.epe57.com).

Non-violence Actualité, mars-avril 2013 25

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26 Non-violence Actualité, mars-avril 2013

• 59 - Ateliers dans le Nord de la Fran-ce animés par Amélie Paques. Contact :« Les Petites Graines », tél. 06 86 3709 25 - [email protected] -http://les.petites.graines.free.fr

• 59 - Association « Laisse Ton Em-preinte », 187 bd Victor Hugo, 59000Lille. Tél. 03 20 30 86 56 - [email protected] -www.laissetonempreinte.fr (Formatrice : Catherine Carpentier).

• 59 et 62 - Association Com&Cit',Apprendre à Vivre Ensemble, Marjo-rie Danna, tél 06 79 72 30 54 - [email protected] -http://www.comandcit.fr

• 66 - Association Totto-Chan, Tou-louges, 66350. Tél. 06 16 96 53 12 [email protected] -www.facebook.com/AssociationTottoChan

• 67 – Atelier Faber et Mazlish 67. Ani-matrice : Catherine Lichti, tél. 06 2416 47 92 – [email protected] – http://ateliersfaberetmazlish67.fr

• 67, 88 - Association « Parents toutSimplement » (http://parents.sim-plement.over-blog.com). Contact : Co-rinne Patès, tél. 06 03 68 22 48 - [email protected]

• 68 - L’Ecole des Parents et des Edu-cateurs du Haut-Rhin, Maison des As-sociations, 6 route d'Ingersheim, 68000Colmar - http://ecoledesparents.free.fr. Contact : [email protected] -Tél. 03 89 24 25 00 l’après-midi

• 68 – Les ateliers de la maison bleue,4 rue de Turckheim, 68000 Colmar.Infos Tél. 06 73 37 61 46http://www.facebook.com/pages/Les-A t e l i e r s - d e - l a - M a i s o n -Bleue/409278522467729 Contact :[email protected]

• 69 - Ateliers à Lyon (Rhône).Contact : « Ma famille comme unique »,Aïcha Riffi, 33 rue Serge Blandan, 69001Lyon. Tél. 09 75 54 15 [email protected]

• 69 - Ateliers à Lyon (Rhône).Contact : Com' une image, MorganRadford, 18 rue Gerland, 69007 Lyon. Tél. 06 75 49 34 [email protected]

• 69 - Atelier « Parler pour que les en-fants écoutent, écouter pour qu'ils par-lent » pour parents sur 3 journées àVilleurbanne près de Lyon les 24 jan-

vier, 21 février et 21 mars 2013. Infos sur parlervrai.wordpress.com

• 75012 et 75013 – Association « Pa-rent agissant » Jasmine Cruypenynck,tél. 01 43 40 49 61, [email protected](http://parentagissant.canalblog.com).

• 83 – Ateliers animés par AnaëlleSanzey Naudi, « Je communique au-trement », tél. 06 62 28 89 25.

• 91- L'Atelier des Parents en Esson-ne, à Brétigny-sur-Orge. Animation parValérie Macrez et Isabelle Desperrier,tél. 09 61 27 12 02, [email protected](www.aarcf.fr).

• 92 – Association Itinéraire de Pa-rents, Boulogne-Billancourt. ÉlisabethLalande et Caroline de Villeplée – [email protected] – http://itinerairedeparents.blogspot.com

• Belgique - L’autrement-dit, Anne-Sophie Thiry et Jean-Marie Hoton(www.lautrementdit.net) �

• Suisse - Espace-Parents, Route deNémiaz, CH-1955 Chamoson (Suis-se). Contact : Karen Delaloye, tél. 0041 273 061 303

[email protected] - www.espace-parents.ch

• Suisse - Ateliers à Martigny (Valais,Suisse). Contact : Janick Biselx, tél.027/722 86 63 [email protected] – www.etre-harmonie.ch

• Suisse - Atelier pour enseignantset professionnels de l'enfance selonl'approche Faber et Mazlish, les22,23,24 mars à Genève, animé parRoseline Roy et Michèle Morel. Ren-seignements: parents-enfants-epanouis.net

• Suisse – Ateliers à Neuchâtel et Fri-bourg, Silvia Porret, tél. 032 751 51 31- [email protected] –www.biengrandir.ch

• Suisse – Ateliers au Locle (cantonde Neuchâtel), Anne Freitag, tél. 032 922 62 32 – [email protected]

• Suisse – Ateliers à Essertines-s/Rol-le en Suisse dans le canton de Vaud.Formatrice Sylvie Baudat Lauber, tél.021 82839 53 - www.ateliervivreensemble.ch

• Autres pays :www.legrandatelierdesparents.fr

> Gestion des conflits

• IFMAN Rhône-Loire, 20 rue del’ancienne gare, 69200 Vénissieux. Tél.09 71 33 35 48 – [email protected] – Formations ani-mées par Fabienne Bony :- Développer les compétences psycho-sociales� : les 27 et 28 mai, 20 et 21juin- Sanctionner sans punir : 18 et 19 mars- Communiquer et faciliter la relation :11 et 12 avril- Réagir à l’agressivité : 3 et 4 juin àSaint-Étienne,�19 et 20 septembre- Stress au travail : le 23 mars- La parentalité : le 6 avril

• IFMAN Méditerranée, 4, avenuede Saint-Bonnet, 04350 Malijai. Tél. 0486 89 22 86 - [email protected] www.ifman.fr – Prochaine formation :« Famille et non-violence » les 20 et21 avril à Grambois (84).

• IFMAN Nord-Ouest, 135 rue Gran-de, 27100 Val de Reuil. Tél. 02 32 6147 50 - [email protected] – Stage« Faire face aux conflits » sur 6 jours :les 20-21-22 mars et 2-3-4 avril à Paris.Stage « Contenance et posture édu-cative » : les 10-11-12 avril à Rouen. Les29-30-31 mai à Rennes.

• Centre de ressources sur la non-violence de Midi-Pyrénées, 11 alléede Guérande, 31770 Colomiers. Tél.05 61 78 66 80 - [email protected] – Calendrier de formations disponiblesur www.non-violence-mp.org

• Programme de formation à la ré-solution non-violente des conflits enSuisse. Coordination : CENAC, 52 ruede Genève, CH-1004 Lausanne. Tél. 021 661 2434. Site :www.non-violence.chFormations : « Face à la violence » le23 mars, « Relations de travail et non-violence » le 20 avril, « Sortir des jeuxde manipulation » le 4 mai, « Éduca-tion et non-violence » le 25 mai et « Jeuxcoopératifs » le 15 juin.

• L’Université de paix, 4 Bd du Nord,B-5000 Namur. Tél. 00 32 81 55 4140. Formations, conférences, Certifi-cat en gestion positive des conflits in-terpersonnels et Certificat en pré-vention et en gestion des conflits dansles groupes d’enfants et d’adolescents.Programme complet sur www.universitedepaix.org

NVA Formation

Formations pour une initiation/découverte de programmespédagogiques et de jeux coopératifs à destination des pro-fessionnels de l’éducation. L’objectif de ces formations estde découvrir des outils variés permettant de travailler sur levivre ensemble et sur les compétences relationnelles et ci-toyennes. Formations d’une journée

- Formations à destination des enseignants du primaire : « Éducation relationnelle et citoyenne. Découverte d’ou-tils pédagogiques adaptés à la classe ».Deux dates : mercredi 20 mars et mercredi 29 mai

- Formation à destination des animateurs : « La coopération en centre de loisirs. Découverte des jeuxcoopératifs ». Vendredi 17 mai

Lieu : Montargis - Loiret NVA est enregistré en tant qu’organisme de formationprofessionnelle sous le n° 24 45 02941 45.

Renseignement et inscriptions :[email protected]

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Non-violence Actualité Bimestriel sur la gestion positive des relations et des conflits

Tarifs • Abonnement : France : 38 euros - Dom/Tom : 48 euros - Europe : 43 euros - Par avion : 53 euros.• Abonnement « Découverte »* : France : 30 euros - Dom/Tom : 40 euros - Europe : 35 euros - Par avion : 45 euros

Non-Violence Actualité, Mars-avril 2013 27

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N° 326 - Janvier-février 2013 - Conflitsdans la famille, Quels outils d’aide ? -Entretien avec Sophie BenkemounContributions de Brigitte Oriol, Karine Le Goaziou, ElisabethCrary, Bérangère Baglin, Delphine Bardon, Jacques Brodeur,Édith et François Goddet, Nicole Rothenbühler et lachronique de Thomas d’Ansembourg.

N° 325 - Novembre-décembre 2012 -Prévenir la violence à l’école - Entretienavec Fabienne SchlundContributions de Fabienne Schlund, Marianne Göthlin, PaulRobert, Alexis Bruneau, Claire Beaumont et Rosalie Poulin, JulieShaughnessy, Igor Rothenbühler, et la chronique de Thomasd’Ansembourg.

N° 324 - Septembre-octobre 2012 - SpécialGUIDE DE RESSOURCES 2012-2013

N° 323 - Juillet-août 2012 - FAIREÉQUIPE : pourquoi ? Comment ? -Entretien avec Christian StaquetContributions de Christian Staquet, Jacques Trémintin, HervéOtt, Sergio Polatian, Philippe Perrenoud, Édith Tartar Goddet,Dalila Terzi-Delmotte, Anne Leraille et Nathalie Maillard,Arnaud Deroo, et la chronique de Jean-Luc Mermet.

N° 322 - Mai-juin 2012 - Cultiver les bonnespratiques : LA PARENTALITÉ POSITIVEEntretien avec Isabelle FilliozatContributions de Isabelle Filliozat, Sophie Benkemoun,Catherine Schmider, Karine Le Goaziou, Gaëlle Dujardin,Arnaud Deroo, Viviane Fenter, Eirick Prairat, Jean-MariePetitclerc, Unité Vivaldi de La Pitié, et la chronique de Jean-Luc Mermet.

N° 321 - Mars-avril 2012 - Sexualisationprécoce : L’ENFANCE VOLÉE - Entretienavec Serge HefezContributions de Serge Hefez, Pierrette Bouchard, JocelyneRobert, Jacques Brodeur, Nathalie Bogren, Edwige Antier,Sylvie Ayral, Dominique Demaria et Édith Tartar Goddet,Martine Foucault, Bernard Golse, et la chronique de Jean-Luc Mermet.

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LES SOMMAIRES DES NUMÉROSDÉJÀ PARUS SONT SURwww.nonviolence-actualite.org

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Dans ce troisième article,commençons par l’observation desfaits. Nous réagissons toujours àquelque chose, quelque chose quis’est passé ou pas passé, qui a étédit ou pas dit, une pensée qui noustraverse l’esprit parfois de façonquasi subliminale. Toutefois, il estrare que nous soyons en rapportavec les faits tels qu’ils sont. Laplupart du temps nous sommes enrapport avec les faits tels que nouscraignons qu’ils soient (ou croyonsqu’ils sont) – ce qui n’est pas dutout la même chose !

Nous mettons donc entre la réalité et nousles lunettes forcément déformantes de nosinterprétations. Et celles-ci sont automati-quement conditionnées par nos sentiments. Lorsque j’avais 15-16 ans, cette citationd’Epictète m’avait frappé : « Ce qui troubleles hommes ce ne sont pas les choses maisl’opinion qu’ils s’en font ». J’ai vite vérifiéqu’en effet beaucoup de gens ne vivent pasdans la réalité mais dans leur opinion sur laréalité. Et cela génère plus de peur, de mé-fiance et de stress que de joie, de confianceet de lâcher prise. J’ai ainsi gardé le souci devérifier : que se passe-t-il vraiment ? De quoiparle-t-on ? Est-ce réel ou dans la tête ?Sans vigilance, nous avons tôt fait d’être dansl’interprétation, les préjugés ou croyances.

Exemple A : Le patron inquiet de l’issued’une réunion aura tôt fait de remballer lerapport préparé par son collaborateur parces mots : « C’est un torchon mal ficelé, re-voyez-moi tout cela ». Exemple B : le pa-rent fatigué après sa journée pourrait dire àson enfant au moment des devoirs : « qu’estce que tu f… encore devant la télé, fainéant !Vas faire tes devoirs ! ».Cette façon d’ouvrir la porte de l’échange

avec l’autre par des reproches ou des critiquesn’encourage ni le dialogue ni la joyeuse col-laboration de l’autre. Au contraire, en dé-marrant comme cela, c’est nous-même quicréons le contraire de ce que nous voudrions.Nous aimerions compréhension, soutien etcollaboration et nous allons droit vers l’aga-cement, la démission ou la rébellion. Et larelation reste au niveau où elle est, sans trans-formation, sans approfondissement, sans af-finement. Pire, elle empire…

Nous aurons donc intérêt à ne pas mélan-ger les faits avec nos sentiments, et à basernotre réaction sur une observation neutre.Ce au moins pour deux raisons. La première,c’est tenter de faire comprendre nos be-soins sans générer d’emblée trop de friction(1). Exemple A : « Quand je lis ces troispremiers paragraphes (O : référence estainsi faite aux faits sans les juger), je ne suispas rassuré qu’ils soient suffisamment pré-cis pour donner une idée concrète de notreprojet (j’exprime un S, la crainte et un B, laprécision pour présenter le projet). J’aime-rais plus de détails pratiques. Pourriez-vouscompléter votre texte dans ce sens ? (je for-mule une D). » Exemple B : « Quand je tevois devant la télé (O), je suis à la fois content(S) que tu te détendes (B) et inquiet (S)que tu n’ais plus l’énergie d’étudier ensuite(le B est celui de faire au final – pas dansl’instant - l’usage le plus satisfaisant denotre énergie), quand penses-tu ? (D) »

Lu comme ceci, à froid, comme une for-mule magique hors contexte, cela peut pa-raître gentillet voire un peu bisounours, jevous l’accorde. Toutefois, l’expérience en-seigne qu’en cas de risque de tempête rela-tionnelle, pour garder le cap il se révèle ex-trêmement pertinent d’éviter les interpré-tations et préjugés, et surtout il s’agit pournous, à terme, d’apprendre à créer des cli-mats où on se parle avec à la fois bienveillanceet assertivité.

Mais c’est surtout la deuxième raison qui metient à cœur : accepter de saisir l’occasionde se laisser remettre en question par ce quice passe, se laisser déranger et interroger sursoi-même. C’est plus difficile de se trans-former soi que de critiquer les autres, maisc’est beaucoup plus profondément et dura-blement satisfaisant.Pour avoir travaillé l’exemple B des dizainesde fois en atelier, je sais que l’exercice estdécapant. Nombre de parents d’un peu par-tout constatent : « je réalise que tu proposesun climat d’attention et d’écoute mutuellequi permet à chacun de se sentir reconnu,respecté et donc heureux de collaborer; jeprends conscience que j’ai tendance à ex-primer ce que j’attends sans vérifier ce quel’autre ressent. Donc, comme il se sentcontraint, il fait juste le contraire. J’ai besoind’apprendre à écouter, en acceptant de lâ-cher ma croyance qu’écouter cela voudraitdire être d’accord et laisser tout faire ».L’exemple A est également du vécu. Le pa-tron m’a dit : « je mesure que je ne suis pasassez explicite dans ce que je demande. J’at-tends de mes collaborateurs qu’ils me com-prennent comme je me comprends, à demi-mot ! J’ai besoin d’apprendre à être plus clairet plus patient. »Voyez, en jugeant nous nous coinçons dansun aspect de la situation, qui n’est pas for-cément faux mais qui n’est en tout cas pascomplet. Et cette fixité entrave la rencontrevraie tant avec l’autre qu’avec soi.

Thomas d’Ansembourg

(1) Les quatre points du processus de la CNV telsqu’ils ont été développés par Marshall Rosenberg :1. L’observation (O): observer sans juger.2. Le sentiment (S): ressentir sans interpréter. 3. Le besoin (B): identifier nos besoins – en les dis-tinguant bien de nos attente-désirs-envies, pour ne pasêtre dupe d’un premier niveau qui ne permet pas detransformation). 4. La demande ou stratégie ou l’action (D, S, A): for-muler une demande concrète et négociable, ou mettreen place une action.

Après avoir été avocat à Bruxelles, conseiller juridique en entreprise et animateur d'une association pour jeunesen difficulté, Thomas d'Ansembourg est devenu psychothérapeute et formateur en relations humaines. Depuis1994, il enseigne la CNV (Communication NonViolente) selon le processus de Marshall Rosenberg. Il estl'auteur du livre « Cessez d'être gentil, soyez vrai », vendu à 500 000 exemplaires et traduit dans 26 langues.

Le processus de la Communication NonViolente ® - 3ème volet

La chronique de Thomas d’Ansembourg