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DOCTRINE 133. No 34t3. - Liquidation d'une société en simple. Répartition elu foncls social entre associés. I. EXPOSÉ GÉNÉRAL. Les difféeentes opéeations qu'entraîne et nécessite la dissolution d\me société, amènent souvent des difficultés qu'il est délicat de l'ésoudi·e. - Elles p1·oviennent de ce normal en soi, que les parties à ce contt'at s'associent avant tout, en vue de réalisee des bénéfices; et qn 'il lem· est difficile de s'imaginee qu'un joue peut at'rivei' où leur association ne donnera pas les résulta.ts espérés. Les prévisions sont toujom's optimistes, mais poue peu que les affaii·es marehent mal, les discussions s'élèvent et, neuf fois stu' elix, ce sera an juge à trapcher le diftét·end. Les stipulations, insceites dans le pacte social, et qui ne sont pas contraires aux peescriptions d'ordre public régissant la matière, con- stituent la base souveraine d'intet'prétation (1); mais les parties omettent de s'expliquer en détail sue leurs intentions; par exemple : ou bien elles oublient de déterminer leur part contributive dans les béné- fiees et les pel'te), plus souvent dans celles-ci que dans ceüx-là, ou bien elles emploient des mots, des plleases qui, mal interprétées parce- qu'insuffisamment détaillées, enteainent des contestations. Limitons, à cet égat·d, l'objet de cette petite étude : à la dissolution d'une en commandite simple, la liquidation terminée, comment les fonds sociaux se répartiront-ils? Vont.,ils être partagés entre les associés, purement et simplement suivant la contribution prévue pae les statuts, ou pae la loi si les statuts ne disent rien? Ou bien les associés ont-ils le· droit de prélever, avant tout partage, leurs apports respectifs et de prendl'e ensuite leur part de bénéfices ou de contr·ibuer aux pertes, dans la proportion légale ou conventionnelle? Les associés commanditaires ont-ils une action réCUJ'SOÎI'e (droit de répétition) contre le commandité au cas où la perte subie par eux, dépasserait leur part contributive, bien que la somme veN;ée, représen- tant leue appoet, n'ait pas été complètement absorbée? Ce pl'oblème, eei'tes, pas nouveau; nous croyons qu'il est sus- ceptible d'être examiné à nouveau pour préciser les rapports enti·e commandité et commanditaire, après la dissolution de la société. Le commandité est un individu qui a besoin d'rwgent pOUl' exei'cer (1) NAMUR, Le code de commerce belge, 2e éd., t. II, no 903, in fine, p. 93.

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DOCTRINE 133.

No 34t3. - Liquidation d'une société en ~ommandite simple. Répartition elu foncls social entre associés.

I. ~ EXPOSÉ GÉNÉRAL.

Les difféeentes opéeations qu'entraîne et nécessite la dissolution d\me société, amènent souvent des difficultés qu'il est délicat de l'ésoudi·e. - Elles p1·oviennent de ce fait~ normal en soi, que les parties à ce contt'at s'associent avant tout, en vue de réalisee des bénéfices; et qn 'il lem· est difficile de s'imaginee qu'un joue peut at'rivei' où leur association ne donnera pas les résulta.ts espérés. Les prévisions sont toujom's optimistes, mais poue peu que les affaii·es marehent mal, les discussions s'élèvent et, neuf fois stu' elix, ce sera an juge à trapcher le diftét·end.

Les stipulations, insceites dans le pacte social, et qui ne sont pas contraires aux peescriptions d'ordre public régissant la matière, con­stituent la base souveraine d'intet'prétation (1); mais les parties omettent de s'expliquer en détail sue leurs intentions; par exemple : ou bien elles oublient de déterminer leur part contributive dans les béné­fiees et les pel'te), plus souvent dans celles-ci que dans ceüx-là, ou bien elles emploient des mots, des plleases qui, mal interprétées parce­qu'insuffisamment détaillées, enteainent des contestations.

Limitons, à cet égat·d, l'objet de cette petite étude : à la dissolution d'une sociét~ en commandite simple, la liquidation terminée, comment les fonds sociaux se répartiront-ils? Vont.,ils être partagés entre les associés, purement et simplement suivant la contribution prévue pae les statuts, ou pae la loi si les statuts ne disent rien? Ou bien les associés ont-ils le· droit de prélever, avant tout partage, leurs apports respectifs et de prendl'e ensuite leur part de bénéfices ou de contr·ibuer aux pertes, dans la proportion légale ou conventionnelle? Les associés commanditaires ont-ils une action réCUJ'SOÎI'e (droit de répétition) contre le commandité au cas où la perte subie par eux, dépasserait leur part contributive, bien que la somme veN;ée, représen­tant leue appoet, n'ait pas été complètement absorbée?

Ce pl'oblème, eei'tes, n~est pas nouveau; nous croyons qu'il est sus­ceptible d'être examiné à nouveau pour préciser davant~ge les rapports enti·e commandité et commanditaire, après la dissolution de la société.

Le commandité est un individu qui a besoin d'rwgent pOUl' exei'cer

(1) NAMUR, Le code de commerce belge, 2e éd., t. II, no 903, in fine, p. 93.

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son activHé ; il demande des capitaux a un bailleur de fonds _qui, lui,­ne veut engager dans l'affaire qu'une certaine somme et qui, de plus, désire paeticiper aux bénéfices. - A cet égard, nombreux sont les commandités qui s'imaginent n '3,r___risquer que leur industrie et voient leur associé commanditaire eùgager toute sa com111andite et devant nécessairement la perdre si le fonds social est absol'bé.

Parfois, en effet, les choses se passent ainsi, mais ce se1·ait nue erreur de généraliser une pareille assertion, et nous allons e . .:;sayer de le démontrer en résolvant le problème de la répartition elu fonds com­mun à. la dissolution de la société. Disons de suite que la question n'offee pas cl'intét·êt, lorsque la répartition doit se faii·e dans la pro~ portion. des appocts ; cette éventualité arrive normalement clans l'hypothèse où les statuts ne fixent pas la contribution aux bénéfices et aux pedes (1) (art. 1853, al. rer du c, civ.).

La commandite est avant tout un mode de placement des capitaux. Primitivement (2), elle trouva son application dans la commande de bestiaux appelée cheptel, par laquelle un propriétaire -de bestiaux (commanditaire) les remettait a m:.. bm·ger (commandité) pour que ce dernier les soigne, les nom·risse et les entretienne, contre rémuné­ration ; c'était plus un louàge de services qu'autre chose. Vint ensuite le contrat cle lJCtcotille, par lequel un propriétaii·e de marchandises confiait à un marchand~ se rendant aux foires, ou a un armateur, ses biens pour qu'il les veùde avec bénéfice, celui-ci étantpartagé suivant les conventions. En remplaçant le capital " marchandises " ou " bestiaux " par de l'argent~ OL1 obtient la société en commandite telle que nous la concevons aujourd'hui (3). Dans les siècles pass.és, cette forme d'association jouit d'un grand succès, car elle permettait aux nobles, aux magistrats, poàr qui l'état de commerçant était infamant, de faire fructifier leurs capitaux, tout en restant cachés sous le voile de l'anonymat. Elle était également un moyen de tourner la prohi­bition du prêt à intérêt.

De nos jours, si la nature de la société en commandite est restée la même, la ~ituation respective des pa1·ties a quelque peu changé, en ce

(1) ARTHUYS, Traité. des sociétés commerciales, 3c éd., t. I, no 74, p.8'S. (2) Colis. : A. SALEILLES, Etttde sur l'histoire des sociétés en commandite ; Ann.

d1'. com1n., t89o, 2, 10 et 49; '1897, 29. (3) Cons. : Eudore Prmmz, De la définition légale et des caractères essentiels de la

société en.command:lte simple (écrit posthume); Revue, i895, no 600, p.129.

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sens : c'est le commandité r1ui, d'ordinaiee, cherche les hem·et1x " possidentes " dont les capitaux soutiendJ'OJÜ son entreprise. Le capitaliste acceptera s'il a confiance dans la capacité de son futur associé~ s'il estime qu'il a des chances de gagner de l'argent dans cette a·ssociation ; il s~engage intuitz.t personae. Il peut se borner à apporter la jouissance d'une certaine somme-(1).-A moins de stipulations con.;. tl'aÎL'es, l'associé commanditaire coul't et accepte le· l'isque, ou de gagner de l'aJ'gent ou de verdre sa mise. Contrairement au prêtem, qui se contente d'un intérêt fixe et exige la restitutimi du capital peêté, il engage son· apport tout entier comme garantie pour les tiers, mais il veut, en Pevanclle, avoir une part peoportionnelle dans les bénéfices (2).

Le commandité qui reçoit ainsi du commanditaire des ressources pécuuiail'es pour e!ltreprendre ou continuer l'exploitation d'une affajre, est peut-être un inventeur, possédant un_ brevet, ou bien il est a la tête d'une entl'eprise, excellente en soi, mais qui ne marche pas faute de capitaux. Il appol'te, dans l'association qu'il prOpose au commanditaire, son activité, son temps, ses connaissances techniques, ce que l'on est convenu d'appeler son industeie (3); il peut également mettt·e en commm1 des biens en nature, bâtiments, tePrains, etc. _; :

L'engagement du comman~itaire est limité, vis-a-v.is des tiers, an montant de sa mise (4) ; le commandité, lui, expose tout d'abm~d son industt·ie, ce qui n'est pas rien. De plus~ il est tenu~ vis-à-vis des tiers·, des dettes de la société sm· tous ses biens pm·sonnels. L'associé qui pt'omet son industrie contracte nne obligation de faire ; celle-ci est successive et continue; elle perdure tant que la société n'est.pa.s.d}s .. soute. A la dissolution, s'il y a perte totale ou partielle du capital, l'appot·teur se retire, en r·epeenant son apl)ort : l'exercice de son industde. Il aura cependant perdu son temps. Nous verrons qu'il est

( t) Voyez sur la nature particulière de l'apport en jouissance : Gusta,re llüDüiii;

L'apport en jouissance devant la clause exonérant un associé dês pertes ; Revue, -1923; no 2509,.p. 16i et 11° 2519bis, p. 269.

(2) GUILLERY, Des sociétés commerciales en Belgique, 2c éd., t.ll, 11° 392, p. 23. _ (3) Sur la nature de l'apport d'industrie, V. NYssENS et CorrmAu, Traité des sociétés

èonl7nercia'es, t. 1, nos H4 et suiv., p.86. . . . . -(i) Cons. : Endore Pm~mz, De l'eligageinent des associés commanditaires ·dans la

COIIHnanllUe simple (éerit posthume); Revue, HlOO, no 1139, p. 19D, §1er; ~Code de comm. français, art. 26 ; - CoHENDY et DARRA.s, Code de comm. annoté (fr:-.nçais), .t. ~' l?_· _57,_ no 57. . . . _· - . ' - . _· . . . . . - ~ - ~ _- - ~ .

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également tenu, suivant les cas, à contribuer~ dans une certajne mesure, aux pertes " pécuniaires " que la liquidation de la société révélerait.

Rappelons, enfin, que la contt·ibution aux pertes est imposée pal' la ~ture même âu contratae socieTe e.t par la loi qui la sanctionne de

nullité (art. 1855 duC. civ. édicté contre la soêiét.é léonine). Il est rare que les parties a un contrat de société en commandite

simple oublient de stipuler leurs parts respectives dans les bénéfices espérés ; à défaut de stipulations sur ce point, la loi fixe cette pal't à la proportion· de la mise d'un chacun dans le fonds de la société (ad. 1853 duC. civ.). Supposons un commandité faisant apport de son indus­trie et deux commanditaires qui ont effectué une mise de 50.000 fr. chacun ; si la liquidation révèle un boni .de 75.000 fr., il se réparti. rait en trois ; l'art. 1853, al. 2, règle, en effet, la part contributive de l'associé qui n'a apporté que son industrie comme ~i sa mise était égale à celle de l'associé qui a Je moins apporté.

Si la part contributive dans les pertes n'a pas été établie dans l'acte d'associatiori, il est de doctrine et de jurisprudence qu'elle le sera dans la proportion des bénéfices. Il est cependant un assoc.ié qui peut s'exo­nérer des pertes sans contl'evenir-à l'art. 1855 du C. ci v. : c'est l'ap­porteut' d'indush·ie ; cet article ne prohibe, en effet, la clause d~exoné­ration que pour ceux dont les mises consistent en sommes ou effets (1). " Il importe d'ailleurs d'obser·ver que cette prétendue exception au principe de la contribution de tous aux pertes est plus aJlparente que réelle. En effet, en dépit de la clause d'exception, l'associé industriel n.'en perdt·a pas moins, par suite du résultat fâcheux des opéra.tious sociales, la mise qu'il aul'a appor·tée, puisque son activité, son travail, ses connaissances techniques ne recevront aucune rémunération pour le temps qu'illes aura consact·és à l,entrep1·ise commune, ou que, tout au .moins, cette rémunération sera diminuée proportionnellement aux pertes partielles subies " (2). Un commandité, apporteur d'industrie, deux commanditaires dont la mise s'élève à 100.000 fr. Si le capital social est absorb~, la Clause d'exonération jouant, le commandité se retirera, en reprenant l'exercice de sou activité mais dépréciée pour avoir subi la 1Jerte des fruits de cette activité; mais si cette clause n'a pas été expressément inscrite dans le contrat, le commandité sera éga-

(1) Cass., 3 févr. 1881, Pas., p. 94. (2) NyssENS et CoRBIAU, op. oit., t. 1, no 155, p. H 7 et les références à la note 5.

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lement tenu de contribuer aux pertes dans la proportion convenue pour les bénéfices, l'art. 1853 n'étant qu'une disposition supplétive de la volonté des parties.

Précisons maintenant la portée exacte de l'engagement des associés lorsqu'ils pl'ennent soin de stipuler -leurs parts dans les bénéfices ou les pertes. Il importe de distingnet· :

A l'égard des tiers : le commandité est tenu sans limite, même sur tous ses biens personnels, si l'actif social ne suffit pas à payer les dettes de la société; les commanditaÏI'es sont passibles de ces dettes (obl-iga­tion aux dettes) seulement à concurrence de leur mise ;

Entre les parties :rien n'empêche les parties de convenir entre elles d'une répartition différente (contribution aux pe1·tes).

Il suit de ceci que la clause qui permet au commanditaire de se faire rembom·set' une partie de sa commandite par le commandité, est sans effet à l'égard des créanciees sociaux (1); mais que cette stipulation, autorisant un associé à reprendre, quitte et libre de toutes dettes sociales, une portion de sa mise est valable entt·e les associés (2). " Il est permis, dit un ar1'êt de la Cour d'appel de Liége~ de stipuler que les ·bénéfices et les pertes se répartieont, dans les rapports des co- as­sociés entee eux, suivant des proportions qui ne col't'espondent pas à l'importance comparative des appol'ts " (3). De même ia proportion des gains attt·ibuée aux associés peut être différente de la proportion de charges que chacun s~est réservé de supporter. " Si donc toutes les mises des associés commanditaires deviennent bien la propriété de l'être moral, si, par là, constitutives du patrimoine de celui-ci, les dites mises se trouvent soumises tontes. ;et tout fntières au gage com­mun des créancie1's sociaux,_ et si elles peuvent, comme· telles, se trouver complètement absorbées et englouties au profit de ces derniers,

(1) Cass. fr. fer déc. 1856, D. P., !856, 1, 45t ; S. 1857, !, 519; - Cass. fr. 9 mai 1865, D. P., 186a, .t, 277; S. t865, 1, 348.

(2) V. Répert. pmt. Dalloz, yo Société, no 1513. (3) Liége, 23 mars l904, Revue, 1905, no 1624, p.180;- Une queslion analogue

a été jugée d'une manière identique, c'est le cas d'immixtion du commandilaire dans les affaires so.:'iales : ce n'est qu'à l'éga1'll des t'iers (art. 23 des lois coordonnées sur les soc. comm.) que la loi rend le commanditaire responsable des eng·agements aux­quels il aurait participé, et du passif social s'il a hahiluellement g·éré la ~ociété. -V. Comm. Gand, 3 juin 1891, Revue, 1891, no 229, p. 256 et la note; - Comm. Brux., f9 sept. 1908, Re,vue, !909, no 1949, p. 53 et la note;- GUILLERY, op. oit., t. Il, ll0 459, p. 126.

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cet exercice du dt;oit des ÜeL'S contee le patrimoine· que la société 'tenait des apports de ses membres .....:... simple question d'obÙgatioü aux dettes réglées par les rappol'ts de l 'êtee moral avec ces tiers - laisse intacte la question de COJÜI'ihutimLqui,_dans:_les~allPDr_ts~espe.cÙfs:_des-· -­associés eux-inêmes~ doit se I;égler d'après les conventions conclues entre eux " (l). La seule limite a cette liberté des conventions est la ·prohibition formulée par la loi (art.1855 du c, civ.) des. stipulations qui attdbueraient à un associé la totalité des bénéfices ou qui l'exoné­l'eraient de toute .contribution a.ux pertes, réseeve faite, dans ce der-niel' cas de l'exception en faveui' de l'apporteur d'industrie. · L'on reconnaît généralement la· validité de c·es stipulations, mais

les difficultés et les divergences de vues commencent quand il faut répartit· le fonds coml11tll1, ou ce qu'il en reste, si la part de gains ou de pePtes revenant à chaque associé ne coerespond pas à la valeur de ·son apport.

Certains prétendent que les associés, en versant leurs mises dans le fonds commun, font l'abandon total de Jpurs apports et que, sauf stipu­lation expresse, ils ne peuvent à la dissolution reprendre, avant toüt ·partage, le montant de l'ap.port originaire. Le partage des ·espèces sociales à répartir entre l~s associés, se ferait dès lors suivant le pour­centage, dans les bénéfices ou les pertes, fixé par les parties, oil par la loi à défaut de stipulations à ce sujet.

Remarquons tout ·d'abord que ce système considère tout l'actif social à la dissolution comme du bénéfiDe. ~' Le-partage, dit PoNT, ·atira pour objet l'ensemble de l'actif, c'est-.à-dire, les bénéfices pro1jrement dits et le fonds social ,; (2). Faire la répartition de cette manière constitue, de l'a,;is d'uùe partie importante dé la doctrine, une erreur puis'è1u'elle :va à ·l'encontre de la volonté formellement exprimée des parties, qui ne règlent la part contributive que pour les " bénéfices " ; or, qui·dit bénéôce, .suppose nécessairement un excédent, un sm'plus du capital primitif, après que les dettes de la société ont éte payées (3). Si, après cet apm'ement, il reste des valeurs de surcro~t, il y a un gain suscep­tible d~èti'ê padagé. L'aptù·ement n~ sera complet qu'après paiement

('1) Observations sous Liég·e, 23 mars ,1904, précité, Revue, 1900, 11° l624,·p.184. (2) l\f~RCADÉ, Explicarion lllt Code Napoléon, t. VII : Conw~entai1'e ;' Traité des

·société~<; civiles et commerciales (Po'NT), no 460, p. 328. (3) ·V.l\farcefFEYE, La notionjït1'idique des bënéfices sociaux; Revue, 1924, no 21552,

p. 146;- NYSSENS et CORBIAU, op. cit., t. I, ll0 178, p. 132.

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intégral des dettes de la société ; or, au passif, figurent les mises vee­sées par les associés commanditaires et " l'on ne peut parler de gains ou de pertes dans un bilan final qu'après le remboursement du capital " (1 ).

" Si les associés en contractant.font abandon de leurs mises, dont la propriété se ti'ouve cédée à-la société considérée comme personne morale, ils obtiennent en échange de leur apport et contre la société un véritable droit de créaùce (2) qui dure pendant la soeiété et jusqu'à l'issue de la liquidation, mais qui se transforme, au moment du par­tage, en un droit de copropl'iété indivise sur l'actif social. ÜJ', il ne résulte nullement de la clause qui fixe la participation aux pt'ofits ou aux pertes disproportionnellemen t à la valeur des mises que le règle­ment de eette copropriété doive suivre le mode de répartition admis pour les bénéfices ou les pertes. Par principe Ia paet de copropriété de chaque associé dans le fonds commun est évidemment, comme dans toute indivision, en proportion adéquate de ce qu'il y a apporté; pour qu'il en fût autrement, il faudrait une stipulation for111elle des intéres­sés" (:3). "L'associé,. si l'on scrute ses intentio11s, n'entre en 'SOciété que pour réaliser un pr'ofit, pom' accroître son apport, noyau central autour duqt~el il espère se voir cristalliser des bênéfices plus ou moins considérables ; il ne se déssaisit donc pas iri'évocablement de sa mise, même lorsqu'il fait un apport en propriété. Son objectif est de la récu .. pérer à la dissolution, sinon en nature. du moins eli équivalent (quasi­usufruit) ( 4), intacte, et si possible grossie des bénéfices non encore distribués " (5) (6).

Il E'ensuit que les stipulations du pacte soeial relatives aux bénéfices et aux pertes ne peuven.t concerner les valeurs indivises formant le

('l) VrvANTE, Traité de droit commercial, t. 1, no 812, p. 713. (2) Sic : PLANIOL et RrPERT' Traité pratique de droit civil francais, t. XI, 11° -10·19,

p_. 284; -Paris, 1R août -188-1, S. 1882.-2.-25, et la note de LYON-CAEN. (3) HouPIN, Jozwn. soc., 1898, p. 44 ; - sic: NYSSENS et ConmAu, op. cit., t. 1,

no 180, p.· '138 ; - Liége, 23 mars 1904, Revue, -1905, no 1624, p. 180 et la note. (4) Sic: F. PARIDANT, Observations sous Comm. Brux., 6 juillet 1922, Revue,

1923, n°·2499, p. 115. . (5) P1c, Des sociétés commerciales, 2c édition, t. 1, no 68J, p. 853 ; - THALLEH,

Traité élément. de droit com., 6c édition, no 470, p 312. (6) Pour BEUDANT le droit de l'associé est un droit ui de propriété ou de copro­

priété, ni un droit de créance. -V. BEUDANT, Des caractères distinctifs de l'intérêt et lie· l.'action, -en matière de société, Revue critiqtte de législation, -1869, p. 135 et la réfutation de sa thèse par LYON-CAEN, dans une note, sous Paris 188-1, ·précitée.

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capital primitif que si les parties l'ont for'mellement extn·imé, Quand elles décident de répartir inégalement les gains et pertes, elles orit uniquement en vue l'excédent ou la diminution de capital, non pas le capital lui-même.

--on objecte; dans l'actif d'une société il n'y a pas, d\me pal't, la mise et d'autre part, les gains (1). Sans doute, mais les padies, dans lem~s stipulations particulières, n'entendent pas partager l'actifsocial; eUes veulent, et elle ·le proclament, répartir les " bénéfices " oir les pertes ; et cet auteur dit lui même (2) que le bénéfice est l'excédent de l'actif primitif, et la perte, la diminution. Si ce capital est repré­senté par 100.000 francs espèces, Yer·sés par le commanditaire, et pal' l'industrie du commandité, seul rapport en capital sera à propre-: ment parler, prélevé, par celui qui l'a fourni, l'autre associé repren­dra son industrie (3), à moins que l'ensemble des accoeds et des cir­constances ne prouve que, dans l'intention des parties, le capital social comprenait le capital industriel, aussi bien que le capital argent (4). C'est seulement, ce prélèvement de l'apport espèces opéré, que l'excé­dent d'actif se partagera entre lescassociés conformément aux stipula­tions du pacte social (5). Dans l'opinion contraire, l'apporteur en industrie recevra du fonds commun la part contr-ibutive prévue aux statuts pour les bénéfices.

Supposons un commandité appodeur d'industrie qui participe pour 60 p. c. dans les bénéfices, et deüx associés commanditaires. ayant versé chacun 50.000 francs, dont ·la part est de 40 p. c. La société, après liquidation, révèle un actif net de 150.000 fr. Le partage, selon le système que nous combattons, se fera : actif social plus bénéfices = 150.000 fr. ; le commandité recevra 90.000 fr. (60 p.c. de 150.000 ft·.) chaque commanditaire 30.000 fr. (20 p. c. de 150.000 ft'.) ne reb·ou­vant même pas le montant de sa mise. Nous cr·oyons que les associés doiv'ent d'abord prélevér leurs apports, ce qui révèle un bénéfice par-

(1) BELTJENs, Code civil annoté, Sc éd., t. V, art. f853j p. 616, U0 5, al. 5. (2) BELTJENS, loc. cit.' nos 1 et 3. . 1

(3) Bruxelles, 8 juillet '1910, Jur. port ll'An,vers, 1910, 1, 298 et la note. (4) Aix, 4 aoùt 1899, Journ. Soc., 1900, p. 75 et la note. (5) HouPIN et Bosvmux, Traité général, théorique et pratique des sociétés ci'viles et

oonunerciales, 5e éd., t. 1, no 165, p. 206, note 4; -'- ~ie: ARTHOYs, OJj. cil., t. 1, no 74, p. 85;- LAcOUR et BouTERON, Précis de droit commercial, 3e éd., t. 1,11°366, p. 279; - NYSSENS et CORBIAU, op. cit., t. 1, no 181, p, 138 ; - THALLER, op. cit·,, Il0 .no, p. 3-12.

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tageable de 50.000 fe. ; de par les statuts; le corrimandité en recevra 60 p. c., soit 30.000 fr·., ·les deux comman·litaires, 40 p. c., soit 10.000 fr. chacun.

En ce qui concerne plus spécialement la contribution aux pm~tes, cel'tains auteurs (1) enseignent qu'i:m pt•incipe. et a moins de conven­tion cotitratre (2), clh'lque associé, en contl·actaut, perd complètement la propriété de son appot·t au profit de tous et que, à la dissolution, les fonds communs se répartissent: dans la }H'Oportion fixee par les statuts ou par la loi, sans qu'il y àit lieu à prélerement des apports (3);

Cette doctrine a trouvé un écho en France, il y a plusieur·s années ; un art·êt de la Cour de cassation a décidé que : " bien qu~ un acte de société, avec inégalité de mises, porte clue·les béuéfices et les pertes seront répat·ties par égales portions entre les associés, chaque assoçié, en cas de pet te totale des mises, supporte cette _perte pour toute sa mise, .à défaut dans .l'acte dé société d'une clause accordant, à 1 'associé dont la mise excède.celle de l'auti·e, ledt·oit de rêpéter contre celui-ci une pad contt,ibutive dans la perte de cet excédent·" ( 4).

Il s'agissait d'une:société en nom collectif(ce:qui n'entraîne aucune différence pour la sol~1tion de nott·e problème puisque sa liquidation entre associés se ·rait de la même manière que pout' la société en com­mandite.· simple) ; deux associés A et B ; A apporteur de 30.000 fr. et B de 20.000 fr. Les statuts fixaient la part contributive d'un chacun à 50 .p. c. A la dissolution, le ·capital social estentièrement absmbé ; la pet~te est donc totale et chacun des àssocié~ devant y contrilmer pom• la moitié, A aueait contre B une aCtion récursoire d'un:moùtant de 5000 fP.

(l) AuBRY et RAu, Cours de droit ci'I'Œ français, 5e éd., t; VI, § 380, p. ·so; -BAUDf:tY et WAHL, 1'raltê théotique et pratique de droit civil, se éd:, t. XXIII,.no 253, p. 160; - BELT.TExs, op. cit, t V, p. 616, no 5~ al. 5; - GurLLOUARD, Traitê -flu. conti·at de sociêié, 2 éd., nos 220 et .22l, pp. 295-296 ; -LA V RENT, Principes de droit civil, 2e éd., t. XXVI, n°283, p. 294; -PONT, op. cil., t. I, no 460, p: 328; -RoussEAU, Traité théorique et pratique des soc. com., !)e éd., t. 1, no 211, p. 7_2 et no ~ 88, p. 242 (V. toutefciis ibid. : no 989, p. 304).

(2) Troyes, f9 mai 1900, D. P., 1901, 2, 47; S., ·1901, 2, 251. (3) V. HouPIN et BosviEux, op. cit., _t. I, no l65, p. 206. (4) Cass.fr. 27 mars 1861, D. P., 1861, 1, 161 et la note; S., 186J, 1; 815; ---:­

sic. : Cass. fr. H janv. 1865,· S., 1865, 1, -12; -Bordeaux, 27 juillet ·1898, Journ. soc., 1899, p. 308 ; -Amiens 23 déc. 1899, Jourii. soc.~ 1901~ p. 21>0; -· Rerinès, 8 janv. 1902, .Journ. soc., 1902, Ù· 326; :....:... Rouen, 11n1ai 1905, Jom·n..,soc., 1906, p. 63; -Lyon, 20 févr. 1907}- Rev. soc. (Paris), 1908, p. 388.'

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La Com· rèfusa à A d·'ex·ercel' ce dr'oit de -répétition sous pi·étexte que les statuts ne l'autorisaient pas formellement pour ce faire. L'an:.. notateur de l'arrêt (l) approuve le dispositif de cette décision mais en cl'itique les motifs : " Si l'associé, elit:. il, dont 1a mise est là plus élevée n~a pas à se plaindt·e d'une inégalité des peetes, au cas d'ausorption de tout l'actif so~ial, c'est uniquemement parce qnïl a fait. abandon de tout sori apport ·à un ·(onds commun à paetager par portions égales, et: non· point pat·ce qu'il n'a pas eu soin de se réserver un droit de ré­pétition qui se trouvait exclu par la nàture mêfne des stipulations intet·venue eütre les associés ".

Pom· LAD RENT, la situation est clah·e ; tâcholis de suivre son rai­sonnement. Il réprouve également le niotif de décider : " en effet~ les apports ne se prélèvent pas, ils se confondent dans une masse commune, appartenant aux deux associés dans la propodion stipulée pour le par­tage des bénéfices~ c'est-à-dire par moitié. Aussi les 5o·.ooo fr·., mon­tant des apports, aüraient été ·pal'tagés par moitié, si le fondssocial était resté intact; l'associé qui avait apporté 30.000 fr. n'aurait eu deoit qu'à. 25.000 fr. ; c'est aussi cette smüme de 25.000 fr. que cha­cuil d'eux perd quand le fonds social est perdu. Si l'un perd plus que l'autre, à eaisou de l'inégalité des mises, c'est une conséquence logÜJue du partage égal des pertes, et la t)erte consiste dans les app0l1ts qui constituent le fonds·social " (2).

Nous a\rouons nè pas coniprendre c_e 1'aisonnement et ·nous avons peine à placm· cette " conséquence " sous le signe de la " logique ". De deux choses rune : ou il y a pai·tage égal des pertes, pl'Oportion fixée par les statuts, et l'apporteur des 30.000 fr. aura un droit de ré­pétition ; -ou bien il y a partage du fonds social suiv-ant l'impoetance des mises et ce droit n'existera pas. Si, atr moins, ces auteurs l1aison .. naient de la n1ême façoü en ce quieonèet·ne là répartitiori des béné:­fices, ils. seeaient en tout cas logiques avec eucr-mêmes. OP, nousl'avons vu, en ce qui concerne les bénéfices! la situation se modifie tout à fait: Avec les mêmes données que dans l'espèce soumise à la Cour de cas­sation fcançaise, et à supposer qu'au lieu d'une lJerte totale, le capital sccial soit resté ce qu'il était priniitivement, soit 50.000 fr. vous cr·oiriez que A repreÙdt·ait 30.000 fe'. et B 20.000 ft·. et vous suivi·iez en sens inverse le raisonnement de Laurent : si l'un gagne plus que

(1) D. P., !861, 1, !61, et les anciens auteurs cités dans cette note. (2) LAURENT, op. cit., t. XXVI, no 284, p. 296;- sic:. Po:-~T, op. cU., no 460, p. 329.

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l'.autre â raison de l'inégalité des mises; c'est une conséquence logique du partage ég·al des bénéfices, et le bénéfice consiste dans ·les appol'ts qui constituent le fonds social. ÜJ' si, selon cette opinion, le bénéfice est en effet compris dans le fonds social pl'imitif~ la répartition du gain se fera: 50 p. c. à chacun soit 25.000 fe.; cette solution est illogique.

Qnïl s'agisse d'un associé apporteur d'jndnst1·ie et d'un comma~cli­taire~ apporteur de 50.000 ft·., la situation serait résolue de la même manièt•e : en cas de perte totale, le commandité peecl son industt·ie et le commanrlitaire ses 50.000 fe~ ; si le capital social est intact~ chacun de~ deux associés recevra 25.000 ft·. (50 pour-cent des gains).

·Ces solutions nous paraissent con.traires non seulement ~t l'équité la plus élémentaire, mais encore à ceetains prineipes juridiques~

La pt•emière ei'J'em· est de croit·e que l'associé, en entrant dans la société, fait un abandon total a la collectivité, cl~ son apport. Nous avons déjà relevé, au sujet de cette question, que si la société en devient propriétaii·e, elle ne le reste que tant que dure sa propre exis­ter.ce. A la dissolution, de ceéancier, l'apportèm· devient co-proprié-: tai1·e des biens indivis et, conime tel, il a le dt·oit de I~ept·endre sa mise,. sans que les stipulations concernant les bénéfices et les pel'tes, puissent modifier ses twét•ogatives.

Le second vice de ce système provient d'une e;onfusion dans 1 'inter­prétation donnée- aux clauses -réglant la part contributive des associés dans les pertes. L'associé commanditaire, avons-nous dit.,...,.... et c'est: un des points fondamentaux qu'on oublie trop souvent - ne fait pas une donation gt·atuite à la· société, et ne se désintéresse pas du sort de ses capitaux, comme agirait un homme qui, faisant 1 'aumône, ne. regarde pas à ce qu'il donne. Bien au contraiPe, l~ commaiHlitaire­agit non seulement dans un but de spéculation mais~ dans son idée; il y aura pet·te dès que sa mise se1·a entamée. En matié1·e de société,. constitue une perte " tout le déficit qui, dettes et charges étant acquit­tées, manque au capital primitif pour se retrouver complet et intad, tout ce qui, en d'autres te1·mes, l'entame et-le diminue" (1). "La pertet elit la Cout' de Douai, déPive de la comparaison entl'e l'actif net pri-: mitif et l'actif net l'évélé par l'inventaire ultél'ieur; dès lurs, la perte existe toutes les fois que le capital social est absorbé ou seulement entamé " (2).

(1) Observations sous Liég·e, 23 mars 1904, Revue, i905, no lti24, p. -18_0. (2) Douai, i.er août -1894, Journ. soc., 1898, p. 2L

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C'est précisément pour liiniter le montant de sa " dette sociale ;, que !•associé coinmanditaire déteemine dans le pacte social sa "part contl'ibutive , tt tant pour cent. Vis-à-vis des tiers (obligation aux dettes), il sait que sa mise est le gage des ceéanciers sociaux; inutile, donc; de ce côte, de se premumr. ·.Mms dans ses rappùrts avec le com­mandité, il peut " se couvrir , en partie et limiter les dégftts.

Lot'squ'on éxamine l'économie du contrat de commandite simple, comment peut-on prétendt·e qu'il n'y a perte qu'aprés absOI'ption com­plète du capital social? Cette conception " aboutieait, é ppliquée à la commandite_, à fait'e toujours supporter les pèetes d'abord et en tota­lité par les commanditaires, le- commandité, apporteur en in.dustrie ne devant jamais avoir à supporter que l'excédant résultant du fait de sa I'esponsabilité indéfinie. Ce serait donc ~·encke vaine et fntst1Ydoi?·e toute clause de détermination conventionnelle des parts respectives dans les bénéfices ou pertes, insérée dans un contrat de société en comman­dîte. Evidemment les parties pourraient exjJressément. convenir de régler ainsi leurs parts~ Mais à défaut de convention expresse, on ne pom'r!tit méconnaître à ce point~ par présomption de \rolonté, et les principes du contrat de commandite et la règle de l'art. 1853 duC. civ. qui s'applique en cas de silence du contrat sm· la détermination des parts , (1). . . .

Comment, ~ès lors~ respecter les stipulations inscrites clans le pacte social Pelàtives à la contribution aux pertes?

Reprenons· t'espèce soumise à la· Cour de cassatiOii de Ft'ancè du 27 mars_l861. Le capital social, étar:t entièrement absorLé, il y a une perte de· 50.000 Cr. Ce fonds social, représenté par les deux apports de 30.000 fr. et de 20.000 fe. est, à la dissolution, hypothétiquement en indivision. Les règl~s du partage de la co-propriété pet'mettent à A de prélever son appot't de 30·.000 fr. ; devant conteibuer aux peetes pmn~ 50 poue cent, il ne peut perdre que 25.000 fr. ; il a donc à récupét'e~'

5000 fr. Contee qui? Cot1tre son associé qui, reprenant sa ·mise de 20.000 fe. et devant perdt'e 25.000 (50 pour cent de 50.000) n•atwait, · el1 réalité, contt~ibué que pour 20.000 fr', S'il s'agit d'un commandité apporteur d'industi'ie et ·d'un commanditaire apportem' de 50.000 fr., et que la contribution est de 50 potu' cent, la situation est celle-ci : le commanclitait'e a le droit de réclamer au commandité sa part con­tributaire dans les pel'tes, soit 25~000 fr. Si, en effet, dans cette hypo-

(1) Fernand PASSELECQ, Consultation}J1"lvée:

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thèse, l'apportem' d'industrie se retiraJt avec son apport, tout comme dans le cas oille eapital social est demem·é intact, il ieait à l'encontre des clauses fOI~melles de COIÜI·Îbution inscrites dans 1' acte de SOCiété, Dès qu'il y a perte, au sens où il faut l'entendre jn•.·idiquement, le com,nandité doit y contribuee dans la proportion stipulée. La position seeait identique si les statüts n'avaient rien prévu : l'appor•t cl'indus­teie, étant évalué à 50.000 fr. (ad. 1853, al. 2, C. civ.), le comman­dité serait tenu dans cette propoi'tion. Pour qu'il soit exonét'é des pertes pécuniaires, il fant une disposition ex-presse dans le pacte social.

Ce système du prélèvement des mises a été résumé de la façon sui­vante : " Si la société se liquide en bénéfice, il y a .lieu de prélever tout d'abord, au profit de chacun des associés, le montant de son apport. Le sueplus, représentant des bénéfiees~ est réparti, coinme tel, dans la 1woportion fixée par les statuts ; si la société se liquide en pei'te, il y a lieu de déterminer, d'après la 1woportion fixée aux statuts poue la répétition des pertes, la somme à charge de chaque associé dans le montant de la perte~ et de déduire cette somme de son apport dont il exerce la repdse " (1).

Lajurisprndence, en de nombt•euses occasions, a s~livi cette opinion : " Loesque deux associés en nom collectif dont les apports sont inégaux ont stipulés que les bénéfices et les pertes seraient également partagés entre eux, la moitié de la perte, calculée comme ei-dessus, doit être compensée jusqu'à due concurrence avec l'apport de chacun d'eux; dont il exerce la reprise, sans qu'il puisse être adniis que le partage par moitié doit seulement se faire pour l 'exédent de la perte après complète absorption du capital " (2).

(J) HoUPIN, Joum. soc., 1898; p. 43; - Sic : ARTHUYS. op. cU., t. I, no 74, p. 8t.i;- BELTJENS, op. cit., t. V, art.1872, p. 684, no H; -IL GArN, Guide for­mulaire des soc. comm., 2e éd., no l4J, p -135;- HouPIN et Bosvmux, op. cil., t. l' ll0 165, p. 206; - LACOUR et BOUTERON, op. cit., t. I, nos 363 et 366, pp. 277-279; - NYsSENS et CoRBIAU, op; ciL, t 1, no 182, p. 140; - F. PARIDANT, Observations sous Comm. nmx., 6 juillet -1922, Revue, -1923, no 2499, p. 1-14 en bas et suiv.; _.:... PARISOT, Traité formulaire théorique et pratique des soc. comm., t. I, no H42, p. 5-L 7 ; - PIC ' op. cil., t. I, ll0 684, p. ·852; - PLANIOL et RIPERT, op. cit.' t. XI. 11° '107'1' p. 336; - RoussEAU,- qp. ·cjt., t. I, n° 989, p. 304;- THALLER, op. cit., no 470, p. 3-12;- Répert. prat. Dall.oz, yo Société, no 132; - Répert. F1tzier-Herman, vo Sociétés commerciales, nos 893 et 894.

(2) Douai, ter aoùt 1894, Joztl'n. soc., 1898, p. 21;- Sic: Lyon, 28 nov. 1879,, .Tourn. soc., 1882, p. 5,22 ;· .;___ Ly~n, 8 mai 1891, A,nnalesdr. conun., 1892, Chronique de jurisprudence française, p.- 220; - Cass. fr., H juillet 1892, D. P., '1892, I,

'lÜ

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·.Cette solution .a· pu p·al'aître ÎI1~quitable,: "ie.èonùnandité, ·dit-on. déjà responsable sm· tous ses biens, serait obl·igé de cou tribu el' aux pel'tes pécuniai1·es alot's qu'il a déjà sacrifié son temps et son activité. Le commanditaire n'a uas à se plaindt'e si sa mise est perdne; g_._._n""'m'-"ld"-------­il confie son argent à quelqu'un, il le fait Întuiftt pe1'S017œ; il risque une certaine somme dans l 'entrepr:ise : si celle-ci échoue, il pel'd la· mise. Que le commandité, d'autre part, se réserve la plus grosse part dans les bénéfices, c'est un fait équitable puisque~ v1s-à-vis des tiers, iJ est tenu SUI' t()US ses biei~S i et ceci COmpe~se cela ". .

Coux qui raisonnent de cette manière contbndent, nous le répétons, l'obligation aux dettes envers les tim·s, réglée pae la loi, et la contri­bution aux pertes entre paeties fixée, dans l'espèce.~ par les parties. Or la loi, les associés sont censés la connaître, ils savent à quoi ils s'engagent, et le commandité est prévenu que~ si la société se liquide en perte, il doit nécessairement être tenu de payer les dettes socüdes sur tous ses biens et qu'il aura nécessairement perdu le fl'uit de son industeie pendant la dm·ée de la société. Rien, jusqu'à présent, u'est inéquitable puisque, connaissant la loi et ses exigences et celles de la natùre du contrat, les parties sont libres de s~y soumettre en s' asso­ciant, on non. Quant à la contribution aux pertes, ce sont les associés eux .. mêmes qu.i l'ont réglée et l'ont acceptée en sig·nant le paCte social; et si l'on stipule; au profit du commandité, une pm~t éleYée dans les· bénéfices~ il est normal et équitable de lui appliquer la même règle à la par.ticipation dans les pertes (1).

C'est une erreur de croire que l'associé qui fait apport d'industJ·ie n'assume pas de risques de paiements en espèces, qu'il n'expose que son-industrie ; ·le commandité·" expose aux risques sociaux en sem ule tons 1es apports, c'est-à-dire,· et- son industrie, et les capitaux des commanditaires, selon la proportion réglée au contrat. Que s'ii e·niploie les seuls apports en espèces pour satisfaire les tiers créanciei'S, il sous-

485 etla note, avec les décisions y renseignées, S., 1896, I, 79 et la note; - Com. Marseille, 9 .mars 1898, Journ. soc .• 1899, p. 182; - Ci v. Lyon. 27 mars 1900, Répert. F1tzier-Hehnan, vo Sociétés commerciales, no 895;- Cass. fr., 20 juin 1902, D. P., 1902, 1, 39;;, S., '1904, I, 189 et la note; - Liég·e, 23 mars 1904, Revue, 1905, no H 24,.p. 180; -Lyon, 23 nov. 1900, Joum. soc., 1906, p. 228;- Comp. : Paris 18 juillet J911, Jontn. soc., '1912, p. !)05;- Bruxelles, 23 mai 1923, Revue, f 923, no 2526, p. 353 et la note. . ·

('1) PLANIOL et .RIPERT, op cit., L XI, ll0 -1045; p. 308, nole 2; -Gaud, 7 déc. J895, Pas., 1896, 2, 265.

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tl'ait son appoet en industrie à la ljarticipation convenue dans la perte et il en doit cmnpte aux commanditaires à concm'rence de sa propre obligation sociale de pat'ticipation, de maniere que les commanditaires n'y participen~ eux-mêmes que dans la mesure de leur obUgation sociale " (1). Supposo11s, un seul instant, que les commanditaires n'aient pas vet~sé la somme peomise, que la société ait fait des dettes et que le commandité les ait payées. Ce dernier pourrait-il, liquidant 1' association, réclan~er aux commanditaü~es le montant intégral de l'appOI't en numéraire 1womis? Cela ne se comprendrait pas ; le vee­sement qu'il sera en droit d!exiger d'eux ne peut être que la part convenue dans les pertes.

Le système du prélèvement des mises est, croyons-nous, le seul qui, tout en étant conforme à la notion juridique elu " bénéfice " et de la " pel'te ", respecte le mieux la volonté ex pei mée par les parties quand elles ont stipulé la contt·ibution aux bénéfices ou aux pertes dans le pacte social.

Il convient de ne pas exagérer clans ce sens. C'est au juge à décider si telle convention particulière n'est pas, en réalité, un moyen em­ployé par le commanditaire pour tourner la prohibition de l'art. 1855 du C. civ., ce qui ser·ait le cas lorsque le bénéfice laissé à un associé serait dérisoire. Lorsqu'il y a attribution inégale de bénéfices et de peetes au même associé, il faut que le bénéfice soit sérieux (2). " La ·convention, dit le 'rdbunal de Lyon, le 12 juillet 1892 (inédit), par laquelle un commanditail'e limite au taux modique de 5 pour cent sa part dans les bénéoces, sous condition que le capital par lui versé sera affeanchi de toute contribution aux pertes, non pas cm regarcl cles tiers, mais dans ses rapports avec ses associés, n'est en réalité que la stipu­lation. autorisée_ par l'art. 1851, C. civ~, qui permet à un associé de mettre dans la soCiété, la jouissance seulement d'une somme d'argent". On ne peut qu'approuver les justes critiques qu'élevait l'illustre profes­sem~ THALLER devant une décision dont la teneur relève davantage du qomaine de la fantaisie que de celui de Pinterprét~tion des lois (3) ( 4).

('1) F. PASSELECQ, Cons1tltat'ion privée. (2) ARTHUYs, op cit., t. 1, no 67, p. 77 ,· - BroT, Traité théorique et pratique de

llro'it commercial, t. II, p. 2~2; - HouPIN et Bosvmux, op. cil., t. 1, no '164, in ~ne, p. 206 ; - PLANIOL et RIPERT, op cit., t. XI, no 1045, p. 308 ; - TROPLONG, Dit

contrat de société, t II, no 635, p. 103. (3) THALJ,ER, A l'occasion .de la cla1tse exonémnt nn associé des pertes; Annales dr.

C01111n., 1892, 2, 297. (4) <<Cette assimilation n'est pas exacte : dans le cas prévu par l'art. 1851, l'as-

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On ne peut! ·par ui1e stipulation qui n'am·ait d'effet, même qu'enb'e associés, affeanchie de toute con tr·ibution aux pertes la somme vet·sée pae le commanditaiL·e, sauf quand il résulte des cieconstances que l'on

-------se1rouve-en----présen-ce-dlun--appm·t----de-j0tÜssa-nee-(-l-)-.----J:lu-Hs-l-'es-}Jèoo-­précitée, on teonverait plus d'éléments se rapportant au contrat de peêt qu'à celui de société (2).

II. - APPLICATIONS

Dans les espèces examinées ci-après, nous supposerons toujours que le commandité n'est apporteur que de son industrie et que· la liquida­tion a été faite; il ne reste plus qu'à réglet• certains rapports pécu­niaires entre associés (3). Le système A prohibe le prélèvement des apports, le système B l'admet.

1

PREMIÈRE HYPOTH~SE

A 30.000 ft'. valem; 3/5. Aucune stipulation 1 speciale aux statuts. B 10.000 fr. 1/5. C Industrie » 1/5.

soit donc capital espèces : fr. 40.000.

A) Bénéfice de 50.000 fr., soit à répartir:

Système A : A aura 3/5 de 90.000 = 5t.OOO fr .

. B » 1/5 == 18.000 fr. C » 1/5 » == '18.000 fr. (Il reprend, en ontt·e, de fait, son apport

d'industrie quit:e et libre). Système B :

A prélève son apport 30.000 + 3/5 de oO.OOO (30.000) = 60.000 fr. B » fü.OOO + 1/fl (10.000) = 20.000 fr. C » ,, industrie+ 1/5 (10.000) = 10.000 ft'.

socié limite son apport et il a le droit de le faire; il lui est per·mis de n'exposer an x pertes que la jouissance. Aussi il est vraisemblable que sa part dans les hénéficrs · sera mesurée en conséquence. Il en est autrement quand il met en société la pleine propriéLé ; la mise n'est plus limitée et ce qu'il a apporté doit être intégralement exposé aux risques. 1\'Iais n· est probable, ég·alement, qu'en compensation sa J1at·t dans les bénéfices sera plus forte n. ARTHUYs, op. c'it., t. I, no 67, p. 77, note 2. -Cfr. Brux., 25 juillet 1908, Re'll1te, '1909, pp. 294 et ss. et l'étude citée de G. HooüM, Revue, -1923, no 2509, passi11~.

(l) Comm. Gand, 27 janv. 1911, Revue, -1912, no 2248, p. 231. (2) Liég-e, !) déc. 1888, Pas. 1889, 2, 77;- Paris, H juillet 1894, Annales dr.

comm., '1894, t, 109. (3) Nous ·n'examinons pas la question de la J·épétition des dividendes fictifs et

des conséquences cle l'immixtion du commanditaire dans les affaires sociales.

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DOCTRINE 149

B) Fonds social intact.

Système A : A aura 3/5 de 40.000 =., 24.000 fr. B . l/5 = 8.000 fr. C » 1(5· 11 = 8.~00 fr. (Il reprend, enoutre, defait,Jali])rejouis-

sance de son industrie). Système B:

A prélève son apport= 30.000 fr. B = !0.000 fr. C » = industrie.

C) Fonds social entamé de 20.000 fr. -Reste 20.000 fr.

Système A : A reprend 3/5 de 20.000 fr. == 12.000 fr. B 1/5 de 20.000 fr. = 4.000 fr. C » '1/5 de 20.000 fr. = 4.000 fr. (Il reprend, en outre, . de fait, la

jouissance de son industrie). Système B.:

A prélève son apport 30.000- 3/il de 20.000 (12.000) = ,18.000 fr. B '' 10.000- 1/5 » (4.000) = 6.000 fr.

· C reprend la jouissanee de son industrie - 1/5 de 20.000 (4.(00) qu'il devra payer à B.

D) Fonds social complètement absorbé :

Système A : A perd sa mise : 30.(100 B 11 11 f 0.000 C ne perd pas son industrie, qu'il reprend, de fait, nécessairement.

Système B: A prélève son apport 30.000- 3/5 de 40.000 (24.000) = 6.000 fr. B 10.000 - '1/5 (8.000) = 2.000 fr. C 1> » industrie - 1/5 '' (8.000), somme qu'il devra

payer à A et B.

E) Fonds social complètement absorbé. - Perte su:pplémentaire de 10.000 fr.

Système A : A perd sa mise 30.000 + 3/5 de 10.000: (6.000) = 36.000 ft•. B 11 10.000 + -1/5 l> (2.000) :- ,12.000 fr. c n '1/5 de 10.000 ('2.000) = 2.000 fr. niais reprend, de fait, son industrie.

Les commanditaires devront donc débourser plus que le montant de leur apport et cependant les statuts ne disent rien !

SystèmeB: A prélève son apport 3Q.OOO- 3/5 de 50.000 (30.000) = O; B 1> 10.000- 1/5 n (10.000) = O. C n l> industrie- 'i/5 l> (10.000), somme qu'il doit payer

aux créanciers sociaux . .-..-·Les· commanditaires ne. sont. tenus· que dans la

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150 DOCTRINE

limite de leur mise et ne perdent pas plus - A supposer que la perte· sup­plémentaire soit supérieure à 10.000 fr., c'est C qui supportera seul le déficit supplémentaire.

DEUXIÈME HYPOTHÈSÈ :

A 30.000. Capital espèces 6]J}ffi)1r. Réparttlwn st~pulee:-2TJOj-;;â~A.. B 30.000 2o 0

/ 0 à B. C Industrie 60 °/o .à C. ·

A) Bénéfice de 80.000 fr.

Système A : A aura 20 pour cent de HO.OOO = 28.000 fr. B » . » » = 28.000 fr. C aura 60 pour cent de 140.000 = 84.000 fr. plus la reprise de jouissance de

son industrie. Système B :

A prélève soli apport 30.000 + 20 °/o de 80.000 (t6.000) = 46.000 ft'. B » = 46.000 fr. C industrie+ 60 p~ c. de 80.000 (48.000) = 48.000 fr.

B) Fonds social intact :

Système A : A aura 20 °/o de 60.000= 12.000 fr. B » » » = -12.000 fr. _ C » son industrie+ (60 °/ÇJ de 60.000 = 36.000 fr.).

Système B : A prélève son apport = 30.000 fJ'. B = 30.000fr. C » = industrie.

C) Fonds social entamé de 20.000 fr.- Reste: 40.000 fr.

Système A : A prendra 20 °/o de 40.000 = 8.000 fr. B » » = 8.000 fr. C . 60 °/o de 40.000 _ 24.000 fr. et il reprend, en outr.e, son industrie.

Système B : A prélève son apport 30.000- 20 °/o de 20.000 (4.000) = 26.000 fr. B » >> >> » = 26.000 fr. Comme il ne reste en caisse que 4.0.000 fr., A et B auront chacun une action

récursoire contre C d'un import de 6000 fr. ('12.000 en tout). C prélève son apport industrie - 60 °/0 de 20.000 (12.000), somme qu'il doit

payer aux commanditaires.

D) Fonds social complètement absorbé.

Système A .~

A perd sa mise = 30.000 fr. B' » = 30.000 fr.

· C repr~nd la libre jouissanèe de son industrie~

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_DOCTRINE 151

Système B : A prélève son apport 30!000- 20 oj,; de 60.000 (12.000}= 18.000 fr. n » >> = 18.000 fr. C » industrie - 60 °/o de 60.000 (36.000), somme qu'il doit

.Payer à A et n E) -Fonds social complètement .absorbé;

30.000 fr.

Système A:

Perte supplémentaire de

A perd sa mise 30.000 + 20 °/o de 30.000 (6.000) . 36.000 fr. B » >) = 36.000 fr. C J) 60 °/o de 30.000 ("18.000) = 18.000 fr., mais reprend la libre jouissance

de son industrie. Système B:

A prélève son apport 30.000- 20 °/0 de 90.000 ('18.000) =. 12.000 fr. B >) » » » = 12.000 fr. C doit payer 24.000 fr. à A et B et 30.000 ~r. aux créanciers sociaux. Il débourse

en tout 54.000 fr., ce qui est la contribution prévue (60 °/o de 90.000). Il t'epl'end son industrie. · - · ·

TROISIÈME HYPOTHÈSE :

A 40.000 B 20.000 C imlustJ·ie

A) Bénéfice de 30.000 fr.

Système A :

Répartition prévue '1/3 chacun.

Capital espêces : 60.000.

A, B etC auront chacun ·1/3 de 90.000 soit: 30.000 fr., mais C retire en plus son industrie.

Système B : A prélève son apport 40.000 + 1/3 de 30.000 (10.000) = 50.000 fr. B >) 20.000 » = 30.000 fr. C ·• Industrie+ ( >) >) = 10.000 fr.).

B) Fonds social intact.

Système A : A B et C auront chacun ·1/3 de 60.000 = 20.000 fr., mais C retire en plus

son industrie. Système B :

A prélève son apport = 40.000 fr. B === 20.000 fr. C » == industrie.

C) Fonds social entamé de 30.000 fr. -Reste : 30.000 fr.

Système A :

·A reprendra 1/3 de 30.000 = 10.000 fr. B » >) = 10.000 fr. C n = :10.000 fl'. + son industrie ..

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152 DOCTRINE

Système B: A prélève son apport 40.000- f/3 de 30.000 '(10,000) = 30.000 fr. B 20.000- t/3 n J> = 10.000 fr. C . » industrie mais contribue aussi.pour LO.OOO fr. aux pertes,

----somme-qu'H-paiem--à-B,---les--30,000-l'[email protected]

D) Fonds social complètement ·absorbé.

Systéme A : A perd sa mise = 40.000 fr. B » = 20.000 fr. C reprend la jouissance de son industrie.

Système B: A prélève son apport 40.000- i/3 de 60.000 (20 000) ·= 20.000 fr. B >> 20.000- -1/3 » = 0, il perd le montant

de sa mise. C retire son industrie mais devant contribuer pour 1/3 aux pertes, il paiera

· 20.000 fr. (i/3 de 60.000) à A. ·

E) ·Fonds social complètement absorbé. - Perte supplémentaire de 30.000 fr:

Système .A : A perd sa mise 40.000 + 1/3 de 30.000 (10.000) = 50.000 fr. B >> · 20.000 + n n = 30.000 fr. C perd 1/3 de 30.000 .= 10.000 fr., mais i'ecouvre son industrie.

Système B: A prélève son apport 40.000- t/3 de 90.000 (30.000) = -10.000 fr. B » 20.000- 1i3 » = moins 10.000 fr.,

soulme qu'il devra payer (par ex. à A). C reprend son industrie mais contribue aux pertes pom 1/3 de 90.00"1, soit :

30.000 fr.

· III. - CON CL US ION

Ces ~xemples monteent a suffisalice qu~en adoptant pour mode de répartition le')ystème A,~on en:arrive a des injustices flagrantes. Malgré un bénéfice social de 80.000 fr., il arrive que les commandi­taires pèrdeilt' encm•e une pal'tie de lem· mise (V. 2e hyp. a.). On l'a très justement fait remarquer : " ce sel'ait la société léonü1e avec cette aggravation que si, dan.sla société léonine, certains associés perçoivent seuls des profits, ils ne les obtiennent pas, au moins, en bénéficiant de pertes subies par les autres. Com1pent admettre:que la loi, qui a si sévèrement proscrit, pour raison d'écluité, cette sorte de convention, en aurait toléré d'autres plus iniqueslencore? " (l). Quant au nombi·e de cas où le commandité laisse à· ses associés le soü1 de supporter la

(1) NYSSENS et CoRsiAu; op; oit., t. I, no 181, p. ·139.

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DOCTRINE 1f>3

·plus grande partie des peries, ou a pu voir qu'ils étaient nombreux. Nous avons cdtiqué la théorie de LAl:RENT d'un point de vue doctri­

nal et nous avons montr·é que, mise en pratique pour la répal'tition du fonds commun, elle aboutissait à des 1·ésultats inadmissibles. Pom· êti e complet, nous de·vons faü·e I'emarquer qu~elle amènerait une solutimi identique à celle donnée pat' le système que nous préconisons, si elle était appliquée en tenant compte deS'lWincipes qn,i 'régissent 1 'apport .d'industrie.

Dans les opérations de calcul et d'attribution, les partisans du systeme A se refusent a donner à l'apport d'indust.I·ie une valeur ·socialé ; ils cmnmettent là une. ert•em' fondamentale : sans doute,, l' ap­pol't d'industr·ie n'est jamais qu'un apport .en jouissance et. comme tel. ·il ne participe pas aux pertes proprement rlites que révèle la din1Ü1u­tion du capital ; mais cet apport, tant que la société existe, reste grevé d'une obligation de jouissance. A la dissolution de la-société, l'appm·­·teur est libéré de cette obligation :de faire, son industrie lui revient ·q~tifte et libre. Il y a là, sans doute possible~ un enrichissement· qui doit trouver son pendant quand on fait le calcul des droits revenant à chacun des assoctés. Sous peine de rompre la proportion attributivP, établie en exécution du calcul de répartition, il faudra compter, à l'appoPteur d'industl'ie, la valétu' sociale attribuée à son apport récu­péré~ Appliquée de cette J11aniére, la théorie de LAURENT aboutirait 'aux mêmes 1~ésultats que ·celle du système B. · : Supposons, en effet, tJ·ois associés : le commanditaire A, appol'teur de 30.000 fr.~ le commanditaire B, api1o1·teur de 10.000 fe. et le com~ mandité C, appol'teur d'industrie. A la dissolution, la liquidation révèle un bénéfice de 50.000 fr. (V snpPa : Peemière hypothèse, a.). Les statuts nè renfermant aucune sti1mlation spéciale relative à la part contl'ibutive d'un chacun~ celle-ci sera t•églée confor·mément à la loi! soit : 3/5 pour A, 1/5 pour B et 1/5 pour C. La masse que, suivant LAURENT,· il fant partaget', se compose de la valeur des apports, espèces(40.000 fr.) et industrie (1 0~000 fr.), et des bénéfices (50.000 fr. espèces); soit une somme totale de 100.000 fr. Le calcul de répartition donne à A 60.000 (3/5 de 100.000), à B 20.000 (l/5 de 100.000) et à C 20.0_00 (1;5 de 100.000). Vient ensuite ropét·at.ion d'attribution; dans celle~ci, si A et B. reçoivent, en espèces, les sommes calculées comme devant leur revenir~ C ne peut t•ecevoir, en espèces, que la somme- de 10.000 fr., pùisque les 10.000 autres représentent la valeur de son industl'ie déjà 1:écupérée.

N° 3443

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154 DOCTRINE

L9s résultats sont donc identiques a ceux obtenus par l'application de la théorie adverse.

Le système, que nous avons adopté, conduit, dans certaines hypo-. thèses, lè commanditaire à débourser une somme sùpérieure au mon­

tant de son apport (V. 3e hypoth., e.); et cela n'est pas conti'aÏI'e au principe inscrit dans laloi: que le commanditaiee n'est passible des dettes et pertes de la société que jusqu'à concureence des fonds qu'il a promis d'y appoPter (art. 20 des lois coordonnées stw les .soc~ corn.). Cette disposition est supplétivè de la volonté des padies ; si celles-ci n'ont pas fixé leur part conteibuti ve dans le pacte social, alors, en aucun cas, les commanditaires ne pom'J'aient être tenus de payer tm supplément (V. Fe hypoth., e., un cas où suivant le système A, les .commanditaires devraient déboueser plus qne leur mise, malgré l'ab-sence de stipulations, si du moins ses défenseurs étaient logiques avec ~ux nièmes; or, c',est. contraiee .à l'al't. 21 pt·écité). Mais quand tm associé a promis de contribuer pour un tie1 s aux pet·tes, cet eng[lge­inent .doit être respecté en tout état de cause, car, dans ce cas, c'est la convention qui, pour lHs parties, .est lalDi (l).

Notre conclusion, reft'ain trop connu et si souvent 1·épété, mais rarement mis en pl'atique, est que les parties ont tout intérêt à s'ex,. pliquei' claieement dans les statuts aussi bien en ce qui concerne les pertes qu'au point de vuo des bénéfices. Dans l'espèce, îl est utile et prudent de prévoir expeessémellt le droit poue les associés de prélever le montant de leurs, apports respectifs, avant tout partage, la litglida­tiorr de la société étant teeminée. Et cette stipulation devrait toujours être inscrite dans le contrat loesque la rwoportion des apports ne correspond pas à celle fixée pour la eépartition des bénéfices et des pertes (apports égaux et répartition inégale - apports inégaux et répartition égale - apports inégaux et répartition inégale) (2).

CHARLEY DEL MARMOL,

Docteur en droit, Aspirant au Fonds national belg·e

·de la Recherche scientifique.

( l) NAMUR, op. cit, t. Il, ll0 903, p. 91 ; - Repert. F1lzier- Herman, yo Sociétés commerciales, 11°5 !533-1535.

(2) ÀRNTZ, Com:s de droit civil français, t. IV' 11° 1286, infine, p. 77 ; - HOUl'IN,

Journ. soc., 1898, p. 45.

N° 344~

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JURŒPRUDENCE !55

Na3444.- Tribunal de commàrcè de Liége (Réf~ré): .:....1a'tévrier 19ao: 1\I.lVI. Nag-ant, vice-prés.; -Félix Ring·let, référ.;- Mtres Stasse etBoseret, avocats.

(Squilbin et Salme cf Banqlte Chaudoir). Société anonyme. - Assemblée générale. -.Demande de nomination

_d'un séquestre pour remplacer un actionnaire absent .. _

Un actionnaire ne pent. exereer son droit de ·t'o.te à ltne assemblée générale que par lui-même ozt par un porteur de procuration authentique ozt sous seing zn·ivé. ·

Le président des référés ne peut désigner· un séquestre qui exercera les droits d'un actionnaire absent. -

Attendu que l'action tend à faire désignèr un séquestre qui, au nom du ·siéur Squilbin, propriétaire de 1 'iO actions de la société anonyme ~anque Chaudoir, aura pouvoir d'assister à l'assemblée générale des actionnaires de la dite société, assem-blée convoquée pour aujourd'hui ; ·

Attendu que· la société défenderesse autorisée par 'les commissaires au sursis de paiement, s'oppose à la nomination d'un tel séquestre ;

Attendu qu'il s'ag'it dans l'espèce d'une contestation entre un actionnaire et une société commerciale, contestation dont la connaissance est attribuée à la juridiction consulaire par l'article 12, no 2 de la loi du 25 mars 1876;

Qu'en notre qualité de président de celte juridiction nous avons donc compétence pour statuer sur les mesures urgentes què peut faire naître une telle contestation ;

Attendu que la société défenderesse oppose ensuite à l'àction une fin· de non recevoir tirée de l'indication incomplète de la· personnalité du demandeur· Squilbin dans l'exploit de citation qüi neeontient pas le prénom. du requérant;

Attendu que la défenderesse n'a pas pu se méprendre sur la personnalité du demandeur' avec lequel elle. étai·t en rapport, et· dont elle détenait re portefeuille géré· par le sieur Salme en qualité de direCteur de la banque ;

.Attendu- d'autre part que la défenderesse contesté au sieur Salme· et· à Mtre Stasse, le pouvojrd'Gtgir en justice pour compte et au nom du sieur Squilbin ; . Attendu c~u,.e.ni l'un ni l'autre ne justifient d'une procuration écrite et. spécialé à

cette fin; , Qu'au ·sm;pl~s le 'droit de g·é1~er un portefeuille si même il existait dans le chef

personnel dü' sieur Salme, n'impliquerait pas celui d'inten'ter une action judiciaire au nom du mandant;

Attendu au surplus que l'action fùt-elle même recevable ne serait pas ·encore fondée;

Qu'en effet les lois coordonnées sur les sociétés commerciales ·out rég·Iemenfé dans l'article 7 4 la manière de voter dans les assemblées génerales ; que cet article prescrit le vote soit par i'actionriah·e i)ersonnellement, soit par un porteur_ de p'rocu~ ration, authentique ou sous seing privé ;

Que le pouvoir judiciaire ne peut substituer à ce mandataire exig·é par la loi un séquestre dont la nomination .ne se justifierait que si les titres du demandeur étant mis en péril, il y auraitlièu de prendre des mesures conservatoires, ce qui n'est pas le cas ;

Par ces motifs, Noüs,. Charles Nagant,. yice~président du .Tribunal de commerce deT,iége, ·assisté

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JURISPRUDENCE

de Félix Ring-let, référendaire, stat.uant en référé et donnant acte aux Commissaires au sursis de paiement de ce. qutiJs autorisent la société défenderesse à ester en Justice, sans avoir ég·ard à toules conrl'usions contrah•es, déclarons le demandeur Squilhin 8t le sieur Salme ni recevables nifondés dans leur action, le· en déboutons et les condamnons aux dépens .

. Observations. - Le droit d'agir en justice au nom d'un tiers absent est certain, pourvu que le ·l'ept·ésentant dn tiees soit muni d'une procu­ration éceite et spéciale à cette fin. La maxime " nul ne plaide par peocurem•,, a précisément pour portée d'exclure du prétoire le plaidem• qui y gé1~erait sans mandat le droit d'auti·ui. Cft>. étude de P. I>EMEUR

et F. PASSELECQ, Revue, 1924,11°2561; Deuxième Table gé?z., nos 5B et 1121.

Le.séquestre d'actions de société anonyme anra:it-il le dl'oit de vote dans les assemblées généi·ales? L'or.Jounanéè de t•éféré Ci-desstts le lui dénie en se fondant sm· l'art. 74 des lois coordonnées.

L'argument est juste et décisif. La disposition légale de l'at·t. 74. a un car·actère d'ordre public eu ce qu'elle inter·dit toute disposiUon contractuelle qui aurait pour résultat d'enlever aux actionllaires le deoit de voter soit pat• eux-mêmes soit par mandataire; la forme d'exercice de ce drùit imrwescriptible de vote pouvant être librement réglée par le pacte social.

Il est v.eai que, le séquestre est un mandataire désigné par justice, an lieu d'être désigné pae l'actionnaire. Il e~;;t vrai aussi que le séquestre est un adininistl'ateul' provisoire, cbat'gé de pourvoit' aux mesures con­servatoiees des droits commis .à sa gal'de èt à son administration. et qu'il peut appaeaitee, ou bien on peut imagine!'~ des conjonctn•·es oi1 lesintérêts séquestJ'és à conset'Vel' •·eqnet'J'aientla participation à une délibération d'assemblée générale et s'accommoDeraient diffiéilemellt de l'abstention.

Mais, en regard de ces cons.idé•·aLions, il convient de place!' celles qui s'inspirent du ca•·act=:re et de l'ohjet limités de l'institution du séqnestt·e .

. Le séquest•·e ou dépôt, conventionnel oujudicia:i!'e, a pour but peécis ~t ci~conscrit de soustraire des biens litigieux au. dange•· d'aliénation, liendànt le temps du règlement du litige.

La mission de préserver la propriété d'actions d.e société~ et même celle de les administrer ne compol'tent pas, cle soi, la nécessité d~en­leveJ' au propriétaire ou possesseur actuelledt·oit. dedélibét~ation et de vote~ ce di·oWpeut; en effet, s'exercerindépendammentde-ladétention

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JURISPRUDENCE 15'7

matérielle des titres: telle est la condition du débiteur gagiste d'actions on du déb.item· it charge de qui il a été peatiqué saisie-areêt sur son pot·tefènille et même saisie-exécution ; pendant la durée du gage· et de la saisie, jusqu'à la vente ou saisie, le droit de vote· continue de ,g'exeecer pat• le débitem• gagiste. Cfr. LEs Nov_ELLES, Soc. comm., no 2668 et référ·. citées.;

D' aub'e part, la mesm·e de séquesteation a nécessait'ernent un carac­tère . provisoire :. elle ne peut être ordonnée que sans p1·éjuclice au principal. Si elle devait avoir pour effet, non seulement d'enlever au pt'Opl'iétail'e on possesseur les moyens d'aliénation des titi·es, mais encoee de le privee. de l'exercice d'un droit essentièl de jouissan"ce de ces tîtres, tel qtm le droit de·vote, qui n'est à exe1·ce1' que dans des occasions et à des temps déterminés, la séquestration équivaudrait à une confiscation et pt·éjugerait par là de la décision à rendre au prin­cipal.

Il s'ensuit de là, a fortiori, que la désignation d'un séquestt·e pour fait•e exercee le d1·oit de vote attaché à des actions, serait conteaire au ·pl'incipe de la personnalité du vote inscrit à l'art. 74, et en même temps à ia notion de séquesti·e d'actions.

No 3445. - Trlbuna~l de 1re instance de Llége. - 16 novembre 1934. ·M. Lefèbre, jug·e; - 1\Jtm Hody cf Halleux, avocats.

(Gordion cf Deprez).

Bail com~ercial (loi du 5 août 1933). -Commerce exercé pour compte du preneur par une société en· nom collectif en qualité de gérant __:_ Personne-morale: capacité.

Il n'y a aucun empêchement ni de droit ni de fa'it à ce qu'une JJeJ'sonne morale pos­sède la qualité de gérant.

Vu le jugement interlocutoire rendu le 7 mai ,1934 par l\1. le ju~re de paix de Liég·e, 2me canton, sur citation en réduction de loyers commerciaux, signifiée, le 10 mars 1934, par le preneur Deprez au bailleur Gordien ;

Attendu que la recevabilité de l'appel interjeté par le bailleur n'est pas contestée; Attendu que, conti·ait·emellt à ce que pt•étend l'appelant, le premier jug·e n'a nul·

le ment méconnu l'article i er de la loi du 5 août:i 933, qui stipule {jlle l'aetion en réduction ne peut être exercée par le preneur que s'il exerce personnellement un commerce dans l'immeuble ou si un commerce y est exercé pour son compte ;

Qu'il a désig·né un expert comptable avec mission de déle1·miuer préalablement si, comme le soutenait le prenem, la société en nom collectif Dept·ez et Cie exerçait le commerce dans les lieux loués en qualité de g·érante et. non à litre personnel; · Qu'il n'y a aucun enipêchement ni de dt\.~it, ·n~·de fait à ce qu\me personne morale

poS'Sê'ct'e la qual~té de g-érant ;

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158 JURISPRUDENCE

Qu'at.JCUn texte n'oblig·e, ·comme paraît l'exig·er l'appelant en ses conclusioJlS, ·le preneur à donner une quelconque puhlir,ité au contrat qui le lie à son g·érant;

Quel'examen prescrit des livres et documents par un expert est, en l'espèce, uhe mesure lég·ale et opportune ;

-- ---Qu'elle-éclairet~a~le:_juge-sur-les-lietls-de-droH-et-de-faH_:_crui-unisseiit-hrsuciété--­Dept'ez et Cie à l'intimé ·et, partant.sur la reeevabilité de l'action ;

Par ces motifs et ceux non contraires du premier jug·e, _ Le Tribunal, t'ejetant toutes autres conclusions., .ouï en son avis conforme M. Hanson, substitut du procureur du Roi, dit l'appel recevabJe,. mais non fondé, en débouteTaj)pelant; confirme le jugement a qt(o; met les frais d'appel à charge de l'appelant. ·

Observations, - La personne morale que constitu.e la sociéM com~ meeciale de 1 'un des types reconnus par la loi a, sauf limitatioi1légale, cotnme les êtres physiques, la pleine c.apacité juridique pour faü~e tous acte~ rentrap.t dl:).ns son objet .social. "Q"n fort parti de doctrine professe même qu'un acte juridique quelconque émané d'une société persmma­.Jisée,.même s'il ne rentee pas dans l'brbite ·4e son objet social; est valable du point de vue général de sa capacité, sauf annulation judi­ciajt~e pont~ ~infe~ction à la spécialité statutaiee ou légale de l'activité sociale. Nous commentons un. peü pins longp.ement ce point ci-dessowl.

En tout cas, il n'est pas contesté qu'une société commerciale reconnue puisse être mandataire, qu'elle puisse être g.érante, qu'elle pui!~se être liquidatem' d'une autre société (cfr, LEs NoYELLEs, Soc. conim., no 4391); qu;~lie pt~isseètre men-lbre d'ul1e auû~ société ·(cf1' LEs NovELLEs,.Soc. comm:,·nos 177, 480, 481 et ss.). ·

Le jugeme.nt ci-des.sus tranche, en passant, par une brève sentence une d~s~' c1uestions les plus at~dues et les plus disputées dR la-théorfe jucid.ique.de la personnalité abstraite : celle de_ savoir si. les ·person_nes m~t·ales ont. une_ capa~ité juri.diqu~ réduite ou jouissent comm~ les personnes physiques cle la capacité générale.

LAURENT et les écoles quise rattachent au système·-de la fiction, con­sidérant la ·capacîté des -personnes morales comme une exception au dl'oit commun due à Ùt munificence du législateur, réduisent leur capa­.cité à. la mesqi'e des disl)ositions exr>l'esses de. la loi et des statuts approuvés par.ell~ : en dehors de CJ\lOÏ,, n ',y ayant pas de capacité, t.out .acte est nécessairement nul. . ·

Les écoles adverses estiment que la notion ·-de personnalité est .unique, que la capacité juridique qui s'y attache est· donc générale pour les persoùnes abstt'aites comme pour les pers~nnes physiques et qu'il n,'y & ~e .lin?iûttion adn)iss_ible que çelles qui seraient vrescrites

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JURISPRUDENCE 159

par une disi>osition légale exp1•èsse. Dans cette conceptioü~ en prîn­cipe, tout acte pateimonial quelconque renti·e dans la capacité des pe1·sonnes abstraites, sauf exclusion ou interdiction légale expresses.

Toutefois, la loi et les sta1nts intei~viennent pour limiter le champ d'exe1·cice ou. d'application de cette capacité générale à Fobjet social spécialisé, poue lequel la personne ·abstraite s'est légalement_consti,.; tuée ; la loi et les statuts interviennent aussi pour régler les conditions d'exerCice du mandat en vertu duquel des persoünes physiques flgissent au nom de la peesonne abstraite pour lui faire atteindre ses .objectifs d'activité.

Il peut dériver de là des nullités I'elatives on d'autres sanctions, qui n'01.it rièn de commun avec la nullité radicale et absolue dérivant de 1 'incapacité.

En d'autres termes; il fant ici distinguer la capacité de la personne abstraite (jouissance des droits patrimoiüaux), de la spécialité de son activité (application légale et statUtaire de la capacité, dans le clwmp de l'objet social)'. - -Il est -intéressant à ce propos de faire référence à nn arrèt de la

Cour de cassation (Fe chambre) du 31 mai 1928 (Pas.~ 1928, I, 169-. l-70), Pendü au rapport de fen le conseiller J. DE HAENE, l'nil des plus autorisés collaborateurs qu'ait" eu noü·e Revue. Voici le ·p1~incipal pas,;. sage de cet arrêt :·

"Attendu qu'aux termes de l'article 1er dudécret du Roi-Souverain du 27 février 1887, la banque demanderesse est une personne civile ; · "Attendu que, pom· tons les actes jm·idiques que n'exclut pas_sa nattÙ•e de personne abstraite, sa capacité' est la même que èelle des pe1·sonnes physîqües, si la loi ne 1 'a pas resti·einte ; que notamment aux termes de l'article 23 dtl décret du 30 juillet 1888, ell~ peut con­tracter si elle n'en a pas été déclarée incapable par la loi; qu'en con­séquence et à rléfant d·une loi qui limite sa capacité, elle apu valable-· ment conclure le contrat litigieux ;

"Attendu que si le contrat de société qui l'a fondée a limité l'acti­vité d·e. la. banque à des opérations que les statuts déterminent, cette limitation ne vaut pas au regard des tiers pour qui les statuts sont res inter- alios act a.t "

Cet aerêt est intervenu, il est vrai, à l'égard d'une sodété colo.,. niale régie par le droit congolais; lequel est particulièrement net sur l'assimilation des sociétés commerciales légaleni.ent reconnlleS .aux peesonnes physiques_.

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160 JURISPRUDENCE:

L'art. 1er du décret du Roi~SouveraÎll du 27 févl'imi 1887 dit, en effet : " Les sociétés commeeciales légalement reconnues constitueront des individuali~és juridiques distinctes de celles des associés " ..

L'art. 23 du. décret du 30 juillet 1888, réglant ·la matière " des contrats ou des obljgations conventionneHes ", dispose : " Toute per:. sonne ·peut cont.Pacter, si elle. n'en est· pas déclarée. incapable par la

loi ". Néanmoins la Cour .de cassation a statué sur un pourvoi qui invo­

quait entre autres les articles pr, 9, 10 et 12 des lois coordonué~s belges ; il e~t donc VJ'aisemblable que la Com' a entendu donner à son ar·gumentation une portée apodictique et générale .

.Il en ressol't, comme nous le disions .ci-dessus, que la question de la Cct))ctcité des personnes moeales, ou entité collectives fonctionnant sous le régime de là distinction de. patrimoines, .ne doit pas être confondu avec celle de· leur spécialité d'activité ou obJet social; qu'en droit con­golais .et, par assimilation, eil droit belge, en ce qui concerne la capa­cité, la généralité est' la règle, la limitation, l'exception.

Dès lors,. tout acte quelconque de deoit patrimonial rentre, en prin­cipe, dans la capacité des sociétés commerciales reconnues.

Mais ·les personnes abstraites ne sont instituées et I'econnu.es cm' en vue· d'une spécialité. circonscrite d'activité, déterminée par leurs sta; tuts et pal' la ·loi. Cette spécialité est sanction·nable et sanctionnée. L \me des sanctions des infractions commises à la limitation ~tatntaü·e ou légale d'activité sociale peut être l'annulabilité des actes.

A quoi il faut ajouter que ces infeactions, en tant qn 'elles ont pour auteurs des peesonnes physiques qui n'ont reçu statutairement mandat d'agir an nom de la personne abstPaite que dans rorbite même de sa spécialité, peuvent engager la responsabilité de ces mandatair·es.

L'arrêt de la Cour de cassation du 31 mai J 928 décide, à pt·opos des. infl'actions à la spécialité statutaire d'activité, qu'il n'y a d'action de ce chef que pour les contractants, it: l'exc.lusion des. tiers, le pacte social n'étant à leur égaed qu'une" affait'e d'autrui"·

Ceci nous parait plus conteoversab:e, du moins en deoit belge positif. N'est-ce pas méconnaîtl'e l'effet attachépar la loi mêrne, à la p:ubli-:

cation légalement obligatoire des statuts (a1·t. 4 et 11 des lois-coor~ données SUJ' les soèiétés commerciales) ? .

Malgeé l'at1torité qui s'attache à l'argumentation d'un arrêt de la Cour suprême,.nous inclinons à maintenir que tout tiers qui y a i~ltéeêt, en une matière statutaire touchant cà l'ordre public du dJ'Oit des

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JURISPRUDENCE 161

sociétés~ et tout tiees ayant contracté aveè une société, sont 1·ecevables à se peévaloir des stipulations du pacte social publié (ou même non ptlblié, lorsqu'il s'agit d'une société à qui la publicité est imposée). La question de savoie clans quelle mesure le tiees est fonclé à se peévaloir cl 'une infeaction de la société à sa spécialité statutaire d'activité, ou d~une infeaction des mandataices de la société à la spécialité de !eue mandat, eelève des principes elu cleoit commun et des paeticulai'ités de chaque espèce.

F. P.

No 3446.- Tribunal de commerce de Namur (Fe ch.). - 18 avril1935. MM. Haquet, prés.;- Dantinne, référ.; - Mtres Devos et Hubert, avocats.

(de Cauwer cf Soc. an. Cycles Depas). Société anonyme. - Dissolution anticipée. - Assemblée générale.

Forme non authentique du procès-verbal.- Nullité absolue (art. 4 et 12 lois coord. ). ·- Pe:rte de la moitié du capital social. - Modification aux statuts. - Non extinction de l'objet de la société.- Partage entre associés (art. 1872, C. civ.) : inapplicabilité aux sociétés anonymes.

L(rdélibération de l'assemblée générale d'une société anonyme prononçant la disso­lution de celle-ci est nulle, si elle n'a pas été prise dans la forme authentique. Cette nullité est d'ordre public. .

Lori~que les allmi1listrateurs soumettent à l'assemblée générale la question de la ·dissolution de la société en cas de perte de la moitié du capital social, l'assemblée doit délibérer dans les formes prescrites pour les modifications anx stattds, c'est:à-dire que la dissolution doit être constatée dans ttn acte attthentique.

Le Tribunal ne pent jamais se szdstituer à l'assemblée générale pou.r prononcer la dissolution d'une société anonyme, si ce n'est lorsqu'il est constaté que, depuis six mois, la société est réduite à moins de sept associés.

L'objet de la société n'est pas éteint par la perle du capital social, des capitaux ou crédits pouvant être mis à sa disposition.

L'art. 1872, C. civ. sur les partages entre associés n'est applicable qu'azt.'V sociétés CÏI'iles on de personnes.

-Le Tribunal : Attendu que l'action du demandeur tend à fah·e déclarer nuile la décision prise

par l'assemblée g·énérale de la société POI'taut dissolution anticipée de la société; Attendu que le tl février 193:5 l'assemblée générale de la société anonyme des

Cycles Depas prononça la dissolution anticipée de la soeiété par application de l'ar­ticle L02 des lois coordonnées sur les sociétés et sa mise en liquidation immédiate ;

Attendu que cette délibération n'ayant pas été prise dans la forme authentique, le demandeur soutient avec raison qu'elle est nulle et ne peut sortit· ses effets;

Qu'aux termes de l'al'ticle 4 des lois coordonnées, les sociétés anonymes sont formées pat' acte public, que l'article -12 de la même loi prescrit toute modification

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162 JURISPRUDENCE

conventionnelle à l'acte doit être faite dans la forme requise pour l'acte dé consti­tution ;

Que ces dispositions sont d'ordre public; que si elles ne sont pas opposables aux tiers, les associés ne peuvent jamais s'en prévaloir ;

_____ Qu'il est donc indilféœnLque_le_demandem'--aiLpi'ésidé-lui .. mêmg_à_l~ass~mblég____ où cette délibération attaquée par lui aurait été prise ;

Attendu. que vainement la défenderesse soutient que l'assemblé~ générale en pt•ononçant la dissolution et la mise en liquidation n'aurait fait qu'enre~ristt·er une délibération basée sur l'article 102 de la loi sur les sociétés, que le procès-verbal constaterait en effet que pour un capital de 435.000 francs il existerait une perte d'aumoins 909. 75t:> francs 50 centimes ;

Que si aux termes de cet article, en cas de perte de la moitié du capital social, les administrateurs doivent wumettre à l'assemblée générale la question de disso­lution de la société, l'assemblée doit délibérer dans les formes prescrites pour les modifications aux statuts, c'est-à-dire que la dissolution doit être constatée dans un acte authentique ;

Que le tribunal ne peut jamais se substituer à l'assemblée générale pour pronoilcer la dissolution d'une société anonyme si ce n'est lorsqu'il est constaté que depuis six mois la société est réduite à moins de sept associés ;

Attendu que l'article 1865 du Code civil ne peut recevoir son application en l'espèce, l'objet de la société n'est pas éteint par la perte du capital social, rien n'empêche une société dont le capital est absorbé de poursuivre son activité si des capitaux ou des crédits sont mis à sa disposition comme c'est le cas en l'espèce ;

Attendu que la société ne peut se prévaloir d'avantage de l'article 1872 du Code civil ;

Que doctrine et jurisprudence limitent l'application de cet article aux sociétés civiles ou de personnes ; · Attendu que des considérations qui précèdent, il résulte que l'action du deman­deur est fondée ;

Par ces motifs, Le Tribunal, écartant toutes conclusions autres, plus amples ou contraires des

parties, déclare nulle la décision prise en date du 5 février 1935 pat' l'assemblée g·énérale des actionnaires de la société anonyme des Cycles Depas, portant disso­lution anticipée de la dite société et sa mise en liquidation ;

Dit que celte décision ne pmarra sortir ses effets; Condamne la défenderesse aux dépens.

Observations. - Ce jugement est, en sa majeure partie, conforme à 1 'enseignement de la doctrine et à la jurisprudence.

Les actes constitutifs (lois coord., art. 4) et les actes modificatifs (aPt. 12) des sociétés anonymes doivent être établis dans la forme authentique.

Cette formalité est substantielle (Cfr. NoYELLES, Sociétés commer­ciales, nos 222, 223 et ss., 1090).

Le défaut de la formalité entraîne non 1 plus l'inexistence de la

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société, nimême, à. proprement-dire, sa nnllité -îpso facto, mais son annulabilité, à la requête de tout intéressé, tant associé que tiers.

Le jugement va trop loin, à notee avis, en décidant que cette nullité est d'ordre public. Elle ne présente pas les caractères de la nullité d'ordre public. Elle n'opère pas de plein droit, mais seulement lors­qu' elle -est prononcée ; elle Iie peut être prononcée d'office, mais seulement sur demande. Elle n'est absolue qtie vis-à-vis des tiers, relative entt'e associés. Cft·. NOYELLES, Soc. comm.' nos 235 et sui v.

L'un des motifs du jugement est peu clair : " S.i elles (les modifica­tions aux statuts non constatées dans la forme authentiq~w) ne sont pas opposables aux tiers, les associés ne peuvent jamais s'en prévalait· ". Cela peut vouloir dire : " La nullité qui affecte de telles modifications aux statuts est tout ensemble inopposable (pal' les associés) aux tiers et opposable entre associés " : cela est juste. Cela peut vouloir dire aussi qne les associés ne pourront jamais se prévaloir (entre eux) des modifications non authentiquement constatées lorsque, à défaut d'écrit authentique, elles ne seront pas opposables aux tiers : et cela ne serait pas exact.

Il e3t certain que toute délibé1·ation de dissolution anticipée tend à une moJiflcation des statuts. Vart. 102 des lois coordonnées ne fait que créer un cas de délibération obUgatoire sur cet objet. Cette obli-. gation légale de délibérer n'a pas pour effet d'enlever à l'objet de la délibération son caractère de modification aux statuts. Cfr. NoYELLES,' Soc .. cmnm., no 3206.

La dissolution anticipée de la ~ociété anonyme ne peut être pro­noncée que par l'assemblée générale dans les cas prévus par Fart. 102 des lois coordonnées (perte de la moitié ou des trois quarts du capital social); elle rloit l'êt1·e soit par l'assemblée soit par le tribunal, dans le cas de l'art. 103 (réduction elu nombre des associés à moins desept depuis plus de six mois). - Cfr. NOYELLE~, Soc. cmmn., ll09 3204 et suiv., nos 3224 et suiv.

Sur l'applicabilité aux sociétés anonymes~de l'art. 1865 C. civ. (extinction de la chose, consommation de l'entreprise), voir NoYELLES, Soc. comm .. , nos 3233 à 3242. La faillite même ne met pas fin ijJso facto à l'existence de la société :Ibid., no 3241.

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164 JURISPRUDENCE

No 3447. - Cour d'appel de Bruxelles (2e ch.). - 27 mars 1935. MM. Salirz, f.f. prés. ; Van Nerom et Defroidmont, eons. ; - Pholien, av. g·én. ;

Mtres R. Marcq et P. Ansiaux cf M. Cambier et G. Van Bastelaer (Charleroi), avocats. (Vander Strickt et cons. cf Laminoirs de Châtelet).

I.- Bilan.- Souveraineté de l'assemblée générale.- Shtuts.- Emo­luments d'administrateurs et de commissaires.- Prélèvements pour amortissements faits au mépris des dispositions statutaires sur ces émoluments. - Recevabilité de l'action dirigée contre ces articles du bilan.

II.- Amortissements nécessaires.- Amortissements au sens large en fonds de prévision. - Exécution de bonne foi du pacte social.

I. - Une action tendant an remplacement du bilan adopté par l'assemblée générale par un autre bilan confectionné selon les données décrétées par la décision à inten,enir, serait non recevable en 11ertn de l'art. 15 des lois coordonnées, aux termes duquel le bilan formé par le conseil d'administration est souverainement approuvé par l'assemblée géné­rale.

L'action est recevable si elle tend seulement à faire déclarer qtte les prélèvements faits au bilan au mépris des droits des demandeurs ne leur seront pas opposables, sans modi­fier en rien la teneur des bilans pour le surplus des actionnaires : la créance ainsi reconnue s'inscrira au passif non du bilan critiqué mais du bilan en cours lorsque la décision judiciaire sera devenue définitive.

Quel qtte soit le pouvoir souverain de l'assemblée générale, il ne lui appartient pas de méconnaître les statuts sociaux dans le but de réduire les émoluments des adminis­trale1trs et des conun'issœires.

II. -En matière d'amortissement, 'il fant distinguer l'amortissement propre, dans un sens spécifique, consistant à J'épartir sur plusieurs années une dépense faite au cours d'un e.xercice social et l'amortissement pris dans un sens étendu, qui consiste it mettre lle côté des sommes qui ne correspondent pas à une dépréciation effective de l'actif mais sont destinées à parer à des éventualités fâcheuses,· dans ce sens large, l'amortissement n'est qu'une réserve, un fonds de prévision, un amortissement extraordinaire et non l'amortissement nécessaire prévu par la loi (art. 15 des lois coordonnées).

Si la constitution d'un fonds de prévision on réserve est une pol'itique sage, elle ne peut cependant se pratiquer que conformément au.r statuts sociau::c, sans nuire aux droits acquis des co-contractants de la soc'iété, vis-à-vis desqutils elle a pris des enga­gements qui doivent être exécutés de bonne foi.

Attendu qu'il est constant que le conseil d'administration de la soc~été intimée présenta le 30 juin 1928 à l'assemblée générale des actionnaires un bilan et un compte de profits et pertes pour l'exercice 1927-1928, desquels il résultait un béné­fice de 1.410.858 fr. ; que ceux-ci furent rejetés par l'assemblée générale tenue à cette date ; qu'une modification est intervenue dans la composition du conseil d'ad­ministration par suite de révocation et de démissions; que le 2 mars 1929, le nou­veau conseil d'administration présenta à l'assemblée des aclionnaires, le bilan et le compte des profits et pertes litig-ieux desquels aucun bénéfice n'apparaissait plus ; que l'assemblée générale tenue ce jour adopta les dits bilans et compte des profits et pertes qui furent régulièrement publiés aux· annexes du Moniteur comme étant ceux de l'exercice Hl27-1928 ;

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JURISPRUDENCE 165

Attendu que l'action des appelants aux termes de leur exploit inlrodüctif d'in­stance tend à faire elire que le bilan de l'exercice !927-1928 sera rectifié clans les inexactitudes qu'il énonce sont de nature à compromettre le droit aux rémunéra­tions statutah·es qui sont dues aux dits appelants, enrai·son de leurs fonctions d'ad­ministrateurs; en conséquence, condamner l'intimée à leur payer à chacun d'eux la somme de 2t637 fr. 61 (vingt-quatre mille six cent trente· sept fr. soixante et un centimes) avec les intérêts judiciaires, ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance ;

Attendu que le premier jug·e a déclaré la demande ainsi formée non recevable et non fondée, sans préciser parmi les considérations qu'iLinvoque à l'appui de la déci­sion a quo celles qui concernent chaque ordre d'idées spécialement, qu'il importe eependant d'examiner séparément;

I. - Quant à larecevabilité de la dr-mande : Attendu que si l'action des appelants tendait au remplacement du bilan adopté par

l'assemblée g·énéi'ale 1)ar un autre bilan, confectionné selon les données décrétées par la décision à intervenh·, l'action ainsi interprétée serait évidemment non rece­vable; qu'elle dépasserait en effet les limites du pouvoir judiciaire; qu'aux termes de l'ai'ticle 73 der; lois coordonnées sur les sociétés commerciales, le bilan formé par le conseil d'administration est souverainement approuvé par _l'assemblée géné­rale des actjonnaires ;

l\Iais att(lndu qu'il résulte tant des termes de l'exploit d'ajournement que des conclusions pl'ises devant la Cour, qu'en dernière analyse l'action tend uniquement au paiement drs tantièmes auxquels les appelants ont droit en leur qualité d'admi­nisl!·ateurs, en vertu du mandat salarié qui leur a été confié par les statuts; que pour ce faire, il suffit uniquement de déclai'er que les prélèvements faits au bilan au mépris de lems droits ne leur seront pas opposables, sans modifier en rien la teneur des bilans pour le surplus des actionnaires ; qu'en ce faisant, le pouvoir judiciaire ne subslitue ni directement ni indirectement un bilan nouveau au bilan adopté par l'assemblée g·énérale ; que dans l'hypothèse où une créance serait recon­nue aux appelants, elle s'inscrira au passif, non au bilan critiqué, mais du bilan en cours lorsque la décision à int~rvenir sera devenue définitive ; qu'il ne s'ag·it donc pas de modifier le bilan adopté ;

Attendu que dans ces limites l'action des appelants est recevable, car quel que soit le pouvoir souverain de l'assemblée générale, il ne lui appartient pas, ainsi que le reconnait l'intimée elle-même, dans les conclusions qu'elle a prises devant la Cour, de méconnaître les statuts sociaux dans le but de réduire les émoluments des administrateurs et des commissaires ;

Attendu qu'il suit de ces considérations que l'action des appelants est recevable dans la mesure où elle tend à obtenh· l'allocation des tantièmes d'administrateurs auxquels ils prétendent avoir droit ; qu'à tort, le premier jug·e et l'intimée ont estimé l'action non recevable ;

II. -Au fond: Attendu que les appelants fondent leur droit sur l'article ·13 des statuts de la

société qui détermine d'abord en quoi consiste le bénéfice net de la société, les pré­lèvements à faire sur ce bénéfice: a) Iéserve lég·ale; b) émoluments des administra­teurs et commissaires avec stipulation d'un maximum; c) appointements du directeur g·érant, puis la répa~·tition du solde aux actionnaires, à moins que l'assemblée géné-

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166 JURISPRUDENCE

raie ne décide d'affecter tout où pm·tie de ce solde à la constitution de fonds spéciàux d'amortissements extraordinaires ou de le reporter à nouveau ;

Attendu qu'il i·ésulte des termes de cette disposition qui vient d'être résumée, qu'après avoir fixé Te bénéfice net, c'est-à-dire l'excédent favorable du bilan, déduc-

-.-tion~f-aHe--dss-fl'ai.s-g:énému:x:+d:épense.s,-:-elJ.arges-soetales,non-valeur,-dépréciation--­

et amortissements nécessaires pom' moins value, le conseil d'administration doit d'abord prélever la résêrve lég·ale, puis le tantième des administrateurs et commis-saires suivant les conventions sociales, puis les émoluments du directeur, puis seu-lement alors répàr'tir le solde soit en accordant un dividende aux actionnaires, soit en le consacrant, en vei·tù d'une délibération de l'assemblée générale, à des réserns spéciales ou en le reportant à nouveau ;

Attendu qu'en l'espèce l'intimée prétènd qu'il n'y_ a pas de bénéfice à distribuer parce qu'elle a .porté au passif du bilan approuvé le 2 mars 1929, pour l'exercice i927-1928, une somme de L23L880 fr. 0!), sous la rubrique amortissement sur prix de revient réévalué de l'out.illage et des bàtiments industriels y assimilés, ce qui constitue selon elle, un amortissement nécessaire ;

Attendu que les appelants, par contre, prétendent que cet amortissement n'est pas un amortissement nécessaire, prescrit par l'a1·ticle 7~ des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, mais une réserve ou fonds de twévision spécial, un amor­tissement extl'aordinaire qui, aux termes des statuts, ne pouvait être voté par l'ass'em­blée générale qu'après le prélèvement fait pour la réserve lég·ale, lems tantièmes et leurs émoluments du dil·ecteur ;

Attendu, dès lors, qu'il importe de rechercher si la mention faile au bilan adopté le 2 mars 1929 : << Amortissement sur 1wix de revient réévalué de l'outillage n pour la somme y indiquée, constitue, dans la réalité des choses, un amortissement pour moius-value, que l'ilüimée pouvait et devait faire, avant toute répa1·tition sur lè capital immobilier engagé, ou s'il constitue plutot une réserve, un fonds de prévision, une réserve extraordinaire qui ne pouvaient être faits, aux termes des statuts, sur le bénéfice net qu'après les prélèvements déjà indiqués ;

Altendu que la loi n'a pas défini ce qu'elle entend pal' <' amortissement néces­saire n, dont elle impose l'oblig·ation pal' l'article 75 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales ;

Attendu qu'il échet de ne pas confondre deux notions qui se rapprochent l'une de l'autre : l'amortissement propre, dans son sens spécifique, qui consiste à répartir sur plusieurs années une dépense faite au cours d'un exercice social, et l'amortis­sement pris dans un sens étendu, qui consiste à mettre de coté des sommes qui ne correspondent pas à une dép1·éciation effec.tive de l'actif, mais sont destinées à parer à des éventualités fàcheuses qui pourraient advenir ; que l'amortissement iH'is dans ce sens large, n'est qu'une réserveJ un fonds de prévision, un amortissement extraor­dinaire et non l'amortissement nécessaire prévu par la loi;

Attendu uu'il apparaît clairement, d'après les données du bilan incriminé, que l'amortissement critiqué n'est pas un amortisseinent dit <• nécessaire n, mais une réserve, un fonds de prévision ; qu'eü effet, il ne s'agit plus de reporter l;actif immobilisé du bilan pour la somme de un franc;

Attendu que si le prix de revient réévalué de l'outillage et des bàtiments y compris est porté à l'actif pour la somme de quatre millions de. francs, le même.

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JURISPRUDENCE 167

objet est porté au passif :Jo pour une retenue égale à la valeur entière de la plus value de réévaluation de l'outillage et des bâtiments y compris; 2° en outre pour un amortissement de la valeur de L23L880 fr. 83, c'est-à-dire que pour une valeur active de 4.000 000 de fr., on porte au passif 4.000.000 + 1.231.880,85, soit 5 231.880 ft'. 85 ;

Attendu que ces constatations mathématiques établissent à toute évidence que l'amortissement de L23L880 fr. 85 porté au passif n'est pas un amortissement nécessait·e destiné à parer à une moins value de l'actif eng·ag·é, mais une réserve, un fonds de prévision, un amortissement extraordinaire, qui, aux termes des statuts, ne pouvait avoir lieu qu'apt•ès les prélèvements de la réserve légale, des tantièmes des administt·atems et commissaires, des émoluments du directeur ;

Attendu que si la constitution d'un fonds de prévision ou réserve est une poli­tique sag·e, elle ne peut cependant se pratiquer que conformément aux statuts, saris nuire aux droits acquis des co-contt·actants de la société, vis-à-vis desquels elle a pris des engagements qui cloivent être exécutés de bonne foi;

Attendu que la manière d'agir de l'intimée est critiquée non seulement par l'admi­nistration fiscale, mais aussi par certains auteurs qui n'approuvent pas ce IWocédé, comme non conforme à la notion juridique de l'amm·tissement exigé par la loi ;

Attendu qu'il suit de ces considérations qu'à tort le premier juge a estimé que la demande des appelants n'était pas fondée;

Attendu en effet, que le prélèvement critiqué constitue une réserve, un fonds de prévision et non uil amortissement nécessaire ;

Attendu que l'appel incident formulé par l'intimée au sujet des intérêts et des dépens n'est pas fondé, l'appel principal étant fondé;

Par ces motifs, La Cour, écartant toutes autres conclusions comme non fondées, statuant tant

sur l'appel princi1)al que sur l'appel incident, met à néant le jug·ement a quo, émeu­etant, déclat·e 1 'action des appelants recevable, et statuant au fond, dit pour droit que l'amortissement au prix de revient réévalué effectué dans le bilan de l'exercice 1927-1S28, ne constitue pas l'amortissement pour moins-value prévu à l'article 13, alinéa 1 cr des statuts de la société mais l'affectation du bénéfice total de l'exercice à un amortissement extraordinaire ; elit en conséquence qu'il ne pouvait y être pro­cédé qu'après le prélèvement de deux pour cent au profit des appelants conformé­ment à l'alinéa 2 de l'article 13 et ne sera pas opposable aux appelants ;

Condamne L'intimée à payer à chacun des appelants la somme de vingt-quatre mille six cents trente-sept fr. 6l centimes avec les intérêts judiciaires;

Deboute l'intimée de son appel incident, condamne l'intimée aux dépens des deux instances.

Observations.- L'arrêt publié ci-dessus présente un intérêt notable en co qu'il s'attache à dégagee des obscurités qui l'enveloppent fl'équemmcnt \dans les pt'ocès et même dans les traités de comptabilité, la notion de l'amortissement nécessctire.

Comme la Coue de Bruxelles le constate, le législateur, tout en pres­cdvant l'obligation de faire les amortissements néèessaires, ne s'est pas expliqué sur ce qu'il faillait entendre par là.

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168 JURISPRUDENCE

C'est, sans cloute, que, ainsi que l'a noté PIRl\lEZ, ce-tte prescription est surabondante après celle qui prescrit la formation d'un inventaire exact : " Il n'y a pas d'inventail'e exact, disait-il, là où on ne tient pas compte de ce que le temps et l'usage ont enlevé à la valeur d_e_s __ choses sociales '' (GUILLERY, Comm. lég.' t. II, n° 64).

Cette remarque contü~nt le principe de l'explication de la notion cl' amm'tissenzent nécessai'l'e.

Partant de l'idée qu'amortir c'est compenser par une affectation d'actif an bilan, une perte ou une dépem;e constatée lors de l'inven­taire, l'amortissement apparaît nécessaire dès qu'apparaît, dans l'in­ventaire exactement fait, une perte ou une dépense réelles, entamaùt les valeurs actives représentatives du capital fixe et intangible de la société. Dès cette découvede, il s':impose, pour l'administration de la société de bloquer à l'actif, par une insct·iption suffisante au passif elu bilan, c'est-à-dire de retenir hors des résultats bénéficiaires de l'exercice et de soustraire à toute répartition une quantité de b.iens suffi'îante pour compenser la perte ou la dépense.

Cette compensation peut d'ailleurs s'opérer soit en nee fois, au moyen des résultats d'un seul exercice, soit aussi par répal"tition de la charge entre plusieurs exercices ; tel est le cas normal lorsque les valeurs actives affectées de la dépréciation on de la perte conshttée peuvent encoee servir ou que le profit des dépenses effectuées est appelé à se faire sentir pendant un certain temps, dans l'aYenir.

Il s'ensuit de là qu'une fois l'amqrtissement opéré, la perte ou la dépense étant compensées, n'ont l'lus à être encore ultérieurement amorties, dans les bilans des exercices suivants.

Si donc l'on avait, dans l'inventaire, inscrit les b.iens à leur valeur réelle après déduction de la perte ou de la dépense, ramortissement serait fait par reffet de celte ctécluction même et il n'y aurait plus à opéi'er de nouveau l'amortissement, lors de la repeise, dans le bjlan des évaluations nettes d'un tel inventaiee; sinon, on aurait amorti deux fois ; on aurait fait au b.ilan un amortissement non nécessaiTe.

De même, si l'amortissement a été fait totalement au bilan d'un exercice, il ne peut plus être question de le refaÜ'e aux bilans subsé­quents comme " amortissement nécessaire ". En cas de répartition de la pede oü dépense sur plusieurs exercices, chacun d'eux n'en doit supporter que sa quote-part.

Cel'taines sociétés cependant présentent sot1s le vocable d~~mlortis­sement nécessaire, des amortissements qui n~ le sont pas au sens que nous venons de définir.

N° 3447

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JURISPRUDENCE 169

Politique sage peut-être, mais qui ne peut être qualifiée du terme légal" d'amortissement nécessaire", sous le prétexte que "la prudence est nécessaire dans l'administration des sociétés". Ce genre d'amoe­tissement~ acte de circonspection et de prévoyance, est, en réalité, une mise en J'éserve, par prévision de cedains risques. La Cour de Bruxelles remaeque justement que ces dispositions de prwlentc gestion ne peuvent être ct·itiquées pourvu qu'elles s'exercent dans l'orbite des obligations statutaires.

Dans le litige qp'elle a eu à Ü'ancher, l'œuvre du juge a consisté à discerner si, sous la dénomination d'amortissement et d'amortissement nécessaire, la nouvelle majorité de l'assemblée générale et le nouveau conseil émané d'elle, n~avaient. pas opéré simplement une mise en réserve, feustratoire poùr les. anciens administrateurs, des droits de répartition qu'ils tenaient des statuts. La simple analyse du bilan, après la discrimination de pi'incipe des sens divers du terme d'amOI'­tissement~ lui a permis de constater que l' mnortissement sur prix de revient réévalué de l'outillage et des bàtiments industriels, se trouvait déjà üiscrit pmn' sa valeur· totale de 4 millions au passif du bilan ; dès lors, l'insci'Îption d'une autre somme de 1.231.880,05 fe. en amor­tissement pour le même objet perdait le caractère de nécessité; ce n'était plus qu'un simulacre d'amortissement nécessail'e; en réalité, a constitution d'un fonds spécial de prévision sous le rocable d'amOI'­

tissement au sens lai'ge. Cft'. Brux., 16 féveîer 1906, J~w. Port crAnve1·s, II, p.l35;- étude

de L. M~HIEU ~ Revue, 1908, p. 65 ; - sur la notion d'amortissement voir NOYELLES~ Sociétés commfrciales, nos 2760 à 2773.

La Cour a eu l'occasion aussi de démêler une équivoque fréqurnte dans les procès de l'espèce : l'objection tirée de la souverahwté des organes de la société, conseil d'administration et assemblée générale, dans la confectioa et le vote du bilan, et de l'incompétence des tri­bunaux à substituer au bilan social adopté, un nouveau bilan! rectifié par l'initiative juqiciaire ,selon l'issue du différend jugé.

S'il fallait entendre et appliquer le principe de la souveraineté de l'assemblée généeale en ce sens que l'effet de, ses délibérations serait absolument irréformable, on ne pom'rait plus concm~o.ie la possibilité ou la recevabilité d'aucune action en justice fondée sur une infracUon aux statuts pO l'tant atteinte à des droits con tractuellemrnt acqnis en vertu de ceux-ci : autant vaudrait reconnaître aux assemblées géné­rales des sociétés le deoit potestatif de s'exonérer à leur gré des

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JURISPRUDENCE

obligations souscrites dans leurs actes constitutifs qui sont pou dan t des contrats. Cfr. Beux., 14 avrill931, Revue, 1933, U 0 3207 (obs.).

La Cour dissipe l'équivoque avec clarté : en constatant que le bilai1 -voté-con.ti~n-t.-=.un~-inît~action_:coutl'actu~Ue-:-e:ll~-Jl~:_l~~~~~fait-pas,-~lle--­

cot'rige l'un de ses effets ; elle happe d'inopposabilité a l' égat•d des demandeu1·s lésés celles de ses disposi1ions qui, telles que votées~

poetent atteinte à leurs dt·oits contractuelleq1etlt acquis ; elle sanc-tionne ceux-ci par une c~mdamuation a charge de la société et dont les conséquences s'insct·ivent aü passif de l'exercice en cours lors de la condamnation.

No 3448. - Tribunal de C.0mmerce de Bruxelles (8e ch.). 1er février 1935.

1\I~I. De Pauw, vice prés. ; - Wilmart, référ. adj. ; - .Mtres Renauld ej ~louette, avocats.

(d' Udekem d'Acoz cf de Renesse et de Ridder et S.A. Belgian Industries ancl Cy en liq.). Société anonyme. - Administrateurs. - Responsabilité. - Actes con­

traires aux statuts.- Action individuelle d'un actionnaire c·ontre les administrateurs: non recevabilité.

·L'actionnaire de la société anonyme n'est pas un tiers vis-à-vis des administrateurs; en adhérant aux statuts de la société, il a créé entre les administrateurs et lui-même, des liens contractants. Il ùnzwrte pe1t que le recours exercé soit direct ou· indirect 1 s'il est e.Tervé it raison des liens contractants : force est due, dès lors, aux conventions.

L'art. 62 des lois coordonnées ne laisse pllts subsister en fait d'action individuelle en mains cl' actionnaires contre des administrateurs ou commissairses, que celle qui sanc­tionne la responsabilité délictuelle ou quasi délicluelle de l'art. -/382 C. c., pour tous dommages illicites causés anx associés dans le domaine des di·oits propres et person­nels. à ceztx-ci.

Dês que le préjudice dont se plaint l'actionnaire n'est qn'wze partie de celui subi par tous les autres, l'assemblée générale est seule maitresse d'intenta des poursuites.

Attendu que l'action tend à obtenir paie!nent d'une somme de 33.330 fr. à titre de dommag·es-intérêts ;

Attendu que l'action est basée sur ce que les deux premiers défendeurs auraient commis de multiples infractions aux statuts de la société troisième défenderesse et à la loi sur les sociétés commerciales et auraient ainsi causé au demandeur un pl·é­judice qu'ils seraient tenus pe réparer ;

Attendu que vainement le demandeur prétend être un tiers vis-à-vis des premiers et deuxième défendeurs qui ne seraient que des commis de marchand lui ayant causé un préjudice ; 1

Atteiidu,. en effet, qu'en adhérant aux statuts de la j troisième défenderesse., le demandeur a créé entre le 1 H et le 2me défendeurs et lu!i-même, des liens conlrac­tuels que l'un et l'autre sont tenus de respecter ; que c'est notamment en qualité

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JURTSPRVDENCE 171

d'associé que le demandeur a été amené, dans des conditions déterminées et accep­tées par lui, à conférer le mandat qu'il critique aujourd'hui;

Attendu qu'il importe peu que ce soit directement ou indirectement qu'une per­sonne puisse exercer un recours vis-à-vis de l'autre ; que, si c'est à raison ·des liens contt·actuels que ce recours est exercé, il ne peut l'être comme si ces liens Jt'exis­taient pas sans méconnaître la force due aux conventions ;

Attendu qu'admettrehi thèse du demandeur, ce ·serait mettre à néant la portée de l'art. 62 des lois coordonnées; qu'en e.(fet, 1\I. Carton de .Wiart s'est exprimé de façon mm équivoque à la séanee du Sénat du 24 avril ·19!3, en déclarant : 11 Nous ne laissons ainsi subsister en fait d'action 'individuelle en mains ll'actionnaires, que celle qui sanctionne la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de l'art. -1382 du C. c. restée applicable aux administrateurs et commissaires pour tous donunag-es illicites qu'ils auraiept causés aux associés dans le domaine des droits propres et personnels à ceux-ci •> (Annales Parlementaires, SÉNAT, -1912-1913, p. 290);

Attendu qu'il faüt donc admettre que dès que le 1wéjudice dont se plaint l'action­naire n'est qu'une partie de celui subi par tous les autres, l'assemblée g-énérale est seule maîtresse d'intenter des poursuites (L. FRÉDERICQ, Droit commercial, t: II, p. 355, et références);

Attendu· que le demandeur, qui est bien aetionnaire et ag·it individuellement, ne fait état d'aucun préjudice ou cause de prejudice qui lui serait particulier ;

""Attendu que le demandeur bien que l'ayant mis en cause ne formule aucune espèce de reproche à char.g·e de la troisième défenderesse :

Par ces motifs, Le Tribunal, écartant toutes autres conclusions, déclare l'action non receYahle en

ce qui concerne les premier et deuxième défendeurs ; Déclare l'action mal fondée quant à la troisième défenderesse, en déboule le

demandeur quant à celle-ci ; Condamne le demandeur aux dépens ; Déclare le présent jugement exécutoire, nonobstant appel et sans caution.

Observations. - Le jugement ci-d-essus en refusant de reconna:ître à un actionnaire une action individnelle contre les administrateurs d~une société et contre celle-ci, du chef de fautes de gestion, est con­fol'me à 1 'interprétation générale donnée pm' la doctl'ine et la judspru­dence belge à l'art. 62 des lois coordonnées, tel qu'il est sorti de la révision de 1913. - Cfi'. Revue, 1925; no 2595; - 1926, p. 146; -Comm. Auvet's, 5janv. 1928, Revue, 1929, p. 330;- Comm. Luxem­botll'g, 5 mars 1932~ Revue, 1933, 11° 3305 (obs.).

Mais tout le monde est d'accord pOUl' reconnaître que le texte voté en 1913 l'a été par inadveetance et que la déclaration· du ministre de la Justice~ à laquelle se réfère le jugement, chdi'e en elle-même, J'epo­sait sm' une équivoque. De telle sode qne la question reste ouverte de savoir si l'action individuelle a été totalement a9olie ou si elle neper­si.st.e pas, en par•tie du moins, poln' certaines catégories de fautes : les infeactions aux statüts et à la loi.

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172 JURISPRUDENCE

On trouvera les éléments et arguments de .la controveJ'se sm' ce point dans les NOVELLES, Sociétés commerciales : nos 2037 a 2057' spé­cialem~nt nos 2043 et sui v. Nous y avons énoncé el>défendu l'avis que ''l'action individuelle des actionnaires reconnue et sanctionnée dans le système légal antél'ieur à. 1913, a été et reste maintenue par la loi de 1913 dans les deux cas de non-validité de la déchai'ge prévus par 1' article 77 actuel ".

Cfr. observ. sous Comm. Luxembourg 5 mars 1932, Revue, 1933, no 3305, p. 142.: -·proposition de loi Brunet, Masson, etc., Revue, 1933, no 3306.

No 34,9. - Cour d'appel de Gand (1re ch .).1- 22 novembre 1934 sur 1

Tribunal de 1re instance de Gand. - 7 novembre 1934. l\IM. De Ruycke, prés.; - De Bersaques et Smetryns, jug·es.

S. A. Ancienne Filature Y ... cf les administrateurs de la soc. coop. <<La Te.1:lile >>. Société coopérative. - Sanction appliquée à un coopérateur en faute par

le conseil d'administration. - Arbitrage interne. - Récusation. -Non recevabilité.

Lorsque les administrateurs d'une société coopérative infligent it un coopéraient une des sanctious prévues par le règlement cl'onlre inté1;ieur, Us n'agissent 110s en tant qu'arbitres d'une contestation entre la société et ce coopérateur; ils ne peuvent être, en conséquence, soumis aux causes de récusation des juges.

JUGEi'IIE~T DU TRIBU~AL DE -Ire INSTANCE DE GA~D, DU 7 NOYEl\IBRE 1934.

Vu l'expédition de l'acte de récusation, dressé au gTeffe de ce Tribunal, le 18 octobre 1\:134 ;

Attendu qu'il est admis, en doctrine et en jurisprudence, que les arbitres peuvent être récusés pour les causes qui autorisent la réetisation des membres des tribunaux de première instance; que s'il était vrai, conune on le soutient, que les adminisll'a­teurs de la société coopérative << La Textile >> ag·issent en qualilé d'arl.Jilrrs, lors­qu'ils imposent à l'un ou l'autre coopérateur une amende pour infraction au ri'gle­mcnt d'ordre intérieur de la société, ils de·vraient être récusés, par application de l'article 378, 6°, du Code de procédure civile, en raison du procès intenté par l'An­cienne Filature V ... à << La Textile>> ; mais que la qualité prétendue ne leur appm'­tient pas;

Attendu que, suivant la définition de GARSONNET et CEZAR Bnu (Traité théorique et pratique de procédure civile et comme1·cia"le, 3emc édition, t. Vlll, 11° 2W), l'arbitre est . << un particulier choisi par les parties pour jug·er leur diffél'end, ou un magistrat

, qu'elles ont investi de cette mission à l'exclusion de ceux que le lég-islateur a insti­tués pour la remplir >> ; que les mêmes autems appelh:·nt. compromis, le contrat par lequel les parties conviennent de soustraire le différend qui les divise au jug·ement des tribunaux désignés par la loi, pour le soumettre à une personne de leur choix,

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JURISPRUDENCE 173

et clause compromissoi1'e l'eng·ag·ement que prennent deux personnes de soumettre à un arbitre les difficultés qui pourront s'élever entre elles ; que l'arbitre est donc un juge et, puisque personne ne peut être juge en sa propre cause, il est de toute nécessité que l'arbitre soit un tiers ; que si des parties convenaient, pour le règ·le­ment d'une contestation, de s'en référer à l'avis d'une d'entre elles, leur convention ne constituerait pas un compromis (GLASSON et Cor,)ŒT-DAAGE, P1'écis de procédure civile, 2me éd., t. Il, p. 1863); . .

Attendu que les administrateurs d'une société coopérative sont les org·anes par l'intermédiaire desquels l'être mm'al, la personne juridique, ag-it; que tous leurs actes, accomplis dans hi limite des pouvoirs qui leurs out été donnés, sont des actes émanant de la société elle-même ; que, partant, lorsque le conseil d'administration d~ « La Textile » inflig·e à un coopérateur une des amendes prévues à l'article 15 du règlement, c'est la société elle-mème qui punit l'associé en faute ; qu'il n'est pas possible de considérer comme un juge la société, qui, en conflit avec un de ses mem­bres, prononce contre ce dernier l'amende convenue, ni d'appeler sentence a1'bitrale la décision par laquelle la sanc.tion est pl'ise; qu'au fond, l'on prête aux intéressés l'idée d'un simulacre de justice, lorsqu'on prétend que les administrateurs récusés appliquent les amendes en tant qu'arbitres d'une contestation entre la société et un des coopérateurs ;

Attendu que, pour apprécier le caractère réel du dt'oit accordé par l'article 15 du règlement au conseil d'adtninistration, il faut rapprocher celte disposition de l'ar­ticle -17 des statuts, qui autorise le collège des administrateurs à prononcer l'exclu­sion d'un associé; que l'imposition des amendes et l'exclusion de la société sont prévues en des termes analog·ues ; fiU'il est cependant certain, que la seconde de cés mesures n'est pas prise en vertu d'un compromis, puisque c'est la loi elle-même qui permet à hi société de le prendre ; qu'en réalité, ni l'une ni l'autre mesure ne relève d'un pouvoir juridictionnel proprement dit; qu'elles sont toutes deux des actes d'autorité que le conseil d'administration a contractuellement le droit de faire et qu sont si peu des sentences arbitrales que les Tribunaux peuvent être appelés à en vérifier la rég·ularité ;

Attendu qu'il importe encore de sig·nalet' la différence considérable, au point de vue de la rédaction, entre l'art. 15 du règlement, d'où l'on veut déduire un prétendu compromis, et l'art. 16, qui, lui, contient une vraie clause compromissoire et règ·Ie la formation d'un véritable tribunal arbitral ; que, si_on admettait l'existence d'un compromis pour l'application des amendes, l'on aboutirait à cette conséquence sin­gulière et baroque que le conseil d'administration, érig·é en tribunal arbitral et ren­dant la justice vis-à-vis d'un membre de la société, devrait suivre, en principe, dans la procédure, toutes les formes et tous les délais établis pour les tribunaux, alors que les arbitres nommés en vertu de l'art. ·f G du règ-lement, sont dispensés expres­sément de toute formalité ;

Par ces motifs, Le Tribunal, ouï 1\J. le Président en son rapport et :M. de Clipelle, premier sub­

stitut du procureur du Roi, en ses conclusions en partie conforme, déclare la récu­sation non recevable; condamne la société récusante à une amende de 100 fr., au profit du Trésor et aux dépens.

ARRÊT.

Le jug-ement ci-dessus a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Gand ('!rech.),

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174 JURISPRUDENCE

le 2! novembre 1934 : la Co m', considérant « que l'appelalite affirme dans son acte d'appel que les t)ersonnes qu'elle récuse sont des arbitres et que ceux-ci exercent un pouvoir juridictionnel, mais qu'elle s'abstient de justifier du fondement de ces deux propositions que le premier jug·e a repoussées pat• des considérations jucli-

---cieuses-cque-la-Gom-Ladopte--»,,. ---------'------------~---

Observations.- La Jurisprudence commerciale des Flanckes en rap­portant cette décision intéressante, expose, comme suit, i~s faits qui avaient donnù lieu au litige :

" Aux termes de l'art. 17, des statuts de la société coopérative " La Textile ", l'exclusion d'un associé peut être prononcée par sîmple décision du conseil d'administration, avec obligation pour celui-ci œen donner connaissance à l'assemblée générale lors de la première réu­nion qui suit la décision ; elle ne devra pas être motivée et ne sera susceptible d'aucun recours ". D'autre part~ le règlement d'ordre inté­rieur de cette société, élaboré en vedu d'une autre clause statutai1~~, assm·e, par son art. 15, " l'observation stricte et complète " de ses dispositions en imposant aux contrevenants des amendes qüi seront prononcées par le conseil d'administration dont la décision ne sera susceptible d'aucun recours, ce, sans préjudice au droit d'exclusion ; et ce règlement, par son article 16, orgànise 1' arbitrage en cas de contestation " entee un des coopérateurs et le conseil d'administration,

1 '-:!11

sur une question que celui-ci n'a pas le pouvoir de trancher souverai-nement en vertu des statuts ou du règlement ".

-, Intei'pellée par le conseil d'administration, du chef dïnfraction au règlement, une firme associée de " La Textile ", 1' Ancienne Filature V ... a, aussitôt, assigné les membres de ce conseil d'adniinistratimi devant le Tribunal de commerce de Gand, aux fins d'entendt•e elire qu'ils n'avaient pas le droit de lui infliger des sanctions.

" Et api"'ès avoir engagé cette action, la dite firme, invoquant l'ar­ticle 378,6°, duC. deproc. civ.,qui autorise la récusation "S'ilya procès civil entre le juge et une des parties ,, • a diligenté, selon les formes presct·ites par les art. 384 et ss. du même Code, une procédure de récusation contre les membres du con·seil d'administration ".

Le jugement, confirmé par la Cour d'appel, a rejeté la récusation comme " manquant en fait " : dans le cas de l'espèce, le conseil d'ad­ministration n'a pas la qualité d'arbitre, a-t-il décidé, et, par suite, il n'est point soumis aux causes de récusation qui visent les juges.

Le Teibunal de pe instance de Gand émet, .du reste, l'opinion de principe que, s'il était vrai que les administrateurs fussent des arbitres

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JURISPRUDENCE 1?5

dans 1 'application de hi sanction contestée, ils devraient êtee récusés, en raison du peocès qui leur était intenté œautr'e part, par les deman­deurs.

Cette opinion n'est pas contestable en présence des termes de l'ar­t"icle 378, 6°, du Code de procédure civile et de 1 'assimilation cei'taine de l'arbitre au j~tge, de l'arbitrage auprocès et de la sentence au jugement.

Elle ne contredit aucunement la thèse défendue dans cette Remte, à. plusieurs reprises, par notre collaborateur M. Paul DEMEUR (1924, no 2593; - 1925, no 2620;- Civ. Brux., 30 déc. 1933, Revue. 1934, no 3394, p. 172), à savoie que " la ·clause inséi'ée dans un contrat de société, instituant comme arbiti'e l'un des membres de cette société pour les litiges dérivant des eelations ainsi formées " est pleinement obligatoire.

L'intérêt que peut avoir le fntul' arbitre dar1s la société, particula­rité bien connue des contractants, ne fait pas obstacle à ce que ceux-ci renoncent volontaÎl'ement d'avance à s'en prévaloiP, en cas de mise en mouvement de l'arbitrage : ni l'ordre public ni les bonnes mœm•s

·ne sont intéressés à ce que des parties capables et maitresses de leurs dt'oits l'enoncent d'avance, librement, à. la garantie de la faculté de Pécnsation fondée sur l'intéeêt de l'arbitre au litige ( Contnt: H. WAR­

. LOMONT' Panel. pér.' 1934, ll0 67).

No 3450. - Tribunal de commerce da Mons (Bureau d'assistance · judiciaire). - 21 décembre 1933.

MM. Marcoux, prés.; - Grandp1·ez, référ.; _:___ Senny, subst. proc. du.Roi; Mtres Hanotiau et Reumont cf Demay et Leclercq, avocats

(Cttratem·s E. Reumont et A. llanotiau, q. q. cf Albert Bt(lhy et consorts) . . Assistance judiciaire. -.Faillite. - Lois des 26 décembre 1882 et

29 juin 1929.- Action ne rentrant pas dans le cadre des actes visés à l'article 1er de la loi du 26 décembre 1882. - Applicabilité. -Bénéfice de la procédure gratuite.- Loi du 29 juin 1929, art~ 3.­Personnes civiles. - Universalités juridiques.

La loi du 29 juin 1929 sw· l'assistance ju(riciaire est applicable aztx actlons qui ne J'entrent pas dans le cadre des actes J'epris à l'article 1e1' de la loi dn 26 décembre 1882.

· Celle-ci règle seule la procédure gratztitè en matière de falllUe pour les actes et juge­ments qu'elle désigne Umitativement.

La loi du 29 juin 1929 a étendu le bénéfice de la procédzt1'e gratuUe aztx personnes civiles.

Bien que la loi ne vise pas les universalités jul'idiques telles que les masses faillies,

N'3450

Page 44: No 34t3. - Liquidation d'une société en ~ommandite simple. … · No 34t3. - Liquidation d'une société en ~ommandite simple. Répartition elu foncls social entre associés. I.

176 JURISPRUDENCE

les successions vacantes ou béné~ciaires, ces unive1'salités sont des S1tjets de droit 1'en­trant dans le cadre ill'i?nité des bénéficiaires de la loi tel que l'a fixé l'article 1e1

••

En conséquence, les curateurs d'une faillite, agissant ès qualité, sont recevables à demander le bénéfice de l'assistance judiciaire. -Attendu~qu~le:-dMsndmu'-Bl;ah~-objecte-:-1_Q_queJaJoLdu_26_décembœi882_l~ègle __ _ seule la procédure gratuite en matière de faillite pour des actes et jug·ements limi­tativement désig·nés par elle; 2° que la loi du 29 juin 192!l n'est pas applicable en matière de faillite ;

Quant au premier moyen : Attendu que les requérants fondent uniquement leur requête sur la loi du 29 juin

1929 ; il est en effet constant que-la loi du 26 décembre 1882 ne peut être d'applica­tion en l'espèce, l'action dont s'ag·it ne rentrant pas dans le cadre des actes repris à l'article 1er de la dite loi : c'est précisément parce que leurs champs d'applieation sont différents que la loi du 29 juin 1929 a expressément maintenu en vig·ueur la loi du 26 décembre 1882 ;

Attendu, en conséquence, que la loi du 26 décembre -1882 n'est pas un obstacle à la recevabilité de la présente requête ;

Quant au second moyen : Attendu que la loi du 29 juin 1929 a étendu le bénéfice de la procédure gratuite

aux personnes civiles : l'article 3 parle, en effet, des << personnes » en g·énéral ; Attendu que l'intention du législateur est évidente : accorder la procédure gTa­

tuite à tous les vrais indig·ents ; elle a aug·menté le nombre des bénéficiaires éven­tuels, mais a exigé des preuves plus sévères d'indigence ;

Attendu d'ailleurs qu'en l'article 1er de la loi, le législateur a exprimé son inten­tion de n'exclure personne en employant des termes on ne peut plus g·énéraux : << L'assistance judiciah·e a pour but de dispenser en tout ou en partie ceux qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face aux frais d'une procédure quelconque n ;

Attendu que la masse faillie constitue une universalité juridique représentée par un ou des curateurs ayant des oblig·ations, des devoirs ; que la loi ni les débats pal'lemrntaires n'ont, il est vrai, visé les universalités juridiques, telles que les·suc­cessions vacantes ou bénéficiaires ; que néanmoins ces universalités sont des sujets de d1·oit rentrant dans le cadre illimité des bénéficiaires de la loi tel que l'a fixé l'article 1er ;

Attendu, en conséquence, que la loi du 29 juin -1929, s'applique aux masses fail- . lies; que la présente requête est donc recevable ;

Attendu (sans intérêt) ; Attendu, d'autre part, que les prétentions des demandeurs q. q. pa1·aissent justes,

qu'ils ont intérêt à les faire valoil;; Par ces motifs,

Le bureau d'assistance judiciaire du Tribunal de cmilmerce de Mons, ouï M. Demay en ses moyens de défense et M. le substitut du procureur du Roi Senny en ses· réquisitions, déclare la demande recevable et fondée ; admet en conséquence ...

Observations.- Voir ci-après no 3451.