Nexus 65 La Legende de Shambhala

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    Du Tibet la Russie,de la Chine lInde,lgendes et textessacrs se recoupent surlexistence dun royaumeluxuriant enclav dans lescontreforts himalayens,abritant des hommes et

    des femmes dune grandesagesse. Shambhalaexiste-il rellement ?

    La

    lgende de

    Shambhala A u cours de ces derniers sicles, plusieurs chercheursont essay de localiser le royaume de Shambhala en

    sappuyant sur les crits traditionnels. LeBhgavata Purna1 et lencyclopdie sanskriteVachaspattyao rent une premireperspective de localisation. Shambhala serait situ au nord delHimalaya, au pied du mont Mrou, le centre de lunivers selonla cosmogonie indienne, symbole de la rencontre entre lternelet le temporel.Alexandre Csoma de Koros (1784-1842), linguiste etorientaliste hongrois, a pass quatre ans dans un monastrebouddhiste au Ladakh. Durant cette priode, il a reproduit unecarte datant du XVIIe sicle qui situait Shambhala entre le 45e et le 50e degr de latitude nord, au-del du euve Sir Daria(alimentant la mer dAral), cest--dire en Sibrie orientale.Un autre document religieux, tudi par lexplorateur RusseNikolai M. Prevalsky (1839-1888), situe Shambhala environ

    88 degrs de longitude est2

    . Ces deux coordonnes permettentde dlimiter la zone dans laquelle se situe Shambhala lestdes monts Alta, important massi montagneux dAsie centrale

    culminant 4 506 mtres. Lorientaliste et tibtologue italienGiuseppe Tucci (1894-1984), quant lui, croit avoir reconnuShambhala dans le voisinage du euve Tarim (province duXinjiang, ouest de la Chine).Nanmoins, lemplacement gographique du royaume demeureaujourdhui toujours insaisissable. En ce qui concerne la voieterrestre, largument a longtemps t celui de la di fcultdaccs dans un milieu extrmement hostile et escarp.Mais avec les nouvelles technologies dont nous disposonsaujourdhui, quen est-il ? Lditeur australien Tony Bushbyexplique que les tentatives de localiser Shambhala par voiesariennes sont extrmement di fciles du ait du microclimat donbnfcie ce lieu. Ce climat, la ois doux et humide gnreraiten permanence une sorte de brouillard rendant Shambhalaindcelable.

    1. LeBhgavata Purnaest lun des dix-huit textes sacrs de la littratureindienne.2. N.M. Prevalsky,Mongolia, London, 1876, p. 63.

    . Tent tives de loc lis tion

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    On lappelle Djang Shambhala1 ou Sham-bhala du Nord . Plusieurs gnrations de religieux tib-tains ont con rm lexistence de cette valle dune grandebeaut, ceinture de montagnes enneiges, aux con ns duTibet et de la Mongolie. Au cours du XIXe et du XXe sicle,plusieurs quipes dexploration sjournant dans lHimalayaont rapport avoir camp auprs de sources deau chaudealimentant une vgtation luxuriante dans des endroitsautour desquels il ny avait que dsolation, roche et glace.Cependant, la localisation de cet endroit nigmatique ali-mente toujours la spculation. Et pour cause, Shambhala entant que lieu saint sur Terre semble demeurer inaccessi-ble aux voyageurs inexpriments et dpourvus dun cer-tain entranement spirituel. Cet article propose dexplorerle mystre de Shambhala selon di rentes approches. Il nesagit pas ici de privilgier une interprtation du mythe,mais plutt den faire partager la droutante saveur. Que cesoit les rcits et la peinture de Nicholas Roerich ou ltude dela littrature sacre tibtaine, chaque approche prodigue detroublants clairages. En croisant les perceptions, ressentis

    et expriences des uns et des autres, nous essaierons def-eurer au plus prs le mystre de la Terre de Shambhala.

    Quand lOccident rencontre lOrientLes premires mentions du royaume de Shambhala dans lalittrature occidentale remontent la n du XIXe sicle2. lpoque, le nouvel Empire des Indes suscite lengouementde riches Occidentaux et de chercheurs en qute dexotisme.En traduisant et en vulgarisant di rents corpus de textessacrs, ces derniers vont permettre au public occidental dese saisir des principaux mythes et philosophies lgus parlOrient.Shambhala fait partie de ces mystres qui ont t lobjet deconvoitise et de bon nombre de spculations en Occident.Pendant des dcennies, des explorateurs et des chercheursse sont aventurs sur les hauts plateaux himalayens pourtenter de localiser cet illustre royaume3.Si toutes les explorations connues ce jour se sont soldespar des checs, certaines ont contribu to er notreconnaissance sur les manifestations du mystre de Sham-bhala. Cest ce titre que nous nous pencherons sur lu-vre de Nicholas Roerich (1874-1947), peintre, crivain etexplorateur russe. Roerich, qui a consacr sa vie la com-prhension de cet Orient si complexe et subtil, nous lgue

    travers ses crits et ses toiles un patrimoine rare et dunegrande beaut.

    Par Orianne Rigel

    Nicholas Roerich,Song of Shambhala, 1943, Museum dArt Oriental, Moscou. Nicholas Roerich Museum (New York)

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    Entre 1923 et 1928,Roerich a dirig plu-sieurs expditionsen Inde, au Xinjiang, danslAlta, en Mongolie et auTibet (voir carte ci-contre).Au cours de ces expdi-tions, il a glan de nom-breuses informations etanecdotes concernant unemystrieuse valle, peu-

    ple dhommes la sages-se et aux pouvoirs hors ducommun. Dans son jour-nal de voyage4, il relateles phnomnes trangesdont il a t tmoin plu-sieurs reprises lors de sonsjour au nord des hauts plateaux tibtains. Lauthenticit deses expriences sera con rme par les moines quil rencon-trera au cours de son voyage.DansLe Cur de lAsie, Roerich nous invite avant toute chose nous dtacher de nos prjugs dOccidentaux ethnocentris-

    tes : Pour le lecteur non averti, ces renseignements peuvent sansdoute paratre mtaphysiques et abstraits, ou peu importants. Pour lobservateur sceptique, une nouvelle de ce genre, noye dans les spculations politiques et commerciales du jour, peut sembler une superstition de plus, dnue de ralit. Mais lobservateur attentif qui a pntr les profondeurs de lAsie verra les choses tout fait autrement [].Tout ce qui est dit sur Shambhala, ces rcits, ces l- gendes, ces chants et ce folklore contiennent ce qui est peut-tre le plus important message dOrient .

    Deux ShambhalaRoerich dcouvre que la tradition orientale (vdique et tib-taine notamment) distingue deux Shambhala : lune cleste(ou Grande Shambhala), dont les rayons sont perceptiblesen quelques endroits dans le grand Nord (aurores borales) ;lautre physique, lieu sacr dans lequel le monde terrestre est reli aux plus hauts tats de conscience 6. Par ailleurs, il expli-que que les conceptions errones sur la situation gogra-phique de Shambhala ont des raisons naturelles : Dans tousles livres sur Shambhala, aussi bien que dans toutes les lgendesqui sy rapportent, sa localisation est dcrite dans un langage trs symbolique, presque indchi rable pour le non-initi. []. Vouscomprendrez facilement pourquoi ce voile est ncessaire. On a de-mand un des Mahatmas pourquoi ils cachent si soigneusement leurs ashrams. Le Mahatma a rpondu : Autrement une proces-

    sion sans n venue de lOccident et de lOrient, du Nord et du Sudenvahirait nos retraites. Actuellement, personne ne peut dranger

    nos travaux sans y avoir t invit 7.En 1928, Nicholas Roe-rich sentretient avec uncertain Lama Brang. Cetchange, trs riche endtails et en enseigne-ments, sera retranscritdans une lettre intituleShambhala la resplendis- sante: Lama, vous parlez

    dun lieu saint sur la terre.La vgtation y est-elleabondante ? Les montagnes semblent nues et les oura- gans et le froid dvastateur y semblent extraordinaire-ment svres.

    Au milieu des montagnes, il existe des valles enclaves dont onne souponne pas lexistence. Des sources chaudes nourrissent uneriche vgtation. De nombreuses herbes mdicinales et plantes rares peuvent prosprer sur ce sol volcanique inhabituel. Peut-tre avez-vous remarqu des geysers sur les hautes terres ? Peut-tre avez-

    vous entendu dire qu seulement deux jours de Nagchu, o lon ne peut voir ni arbre ni plante, il existe une valle avec des arbres, delherbe et de leau tide. Mais qui peut connatre les labyrinthes deces montagnes ? Sur les surfaces rocheuses, il est impossible de distinguer des traces humaines .

    Rserv aux appels Au cours de cet change, Roerich interroge le lama surltrange inaccessibilit de la Shambhala terrestre. Com-ment se fait-il quelle nait pas encore t dcouverte alorsque sur les cartes, tous les sommets [semblent avoir t] mar-qus et toutes les valles, toutes les rivires explores 8 ?Pour le lama Brang, ce mystre sexplique par la doublenature du royaume de Shambhala. Si Shambhala a bienune existence physique, en tant que lieu saint sur terre ,elle procde galement dune nature plus subtile. Les vi-brations de ce lieu sont tellement particulires et levesquil est impossible pour les personnes nayant pas e ectuun important travail spirituel den percevoir la frquence.Voil pourquoi, daprs le lama, la simple qute physiquedu royaume demeure vaine. Seuls les appels sont auto-riss fouler le sol de la valle mystrieuse : Si un noble es- prit, dj prpar, entend une voix proclamant Kalagiya !, cestlappel de Shambhala. [] Quun homme essaie datteindreShambhala sans un appel ! [] Certains dentre eux ont disparu

    jamais. Seuls quelques-uns atteignent le lieu saint, et seulement sileur karma est prt 9.

    Sur les pas de

    Shambhala se cacherait aux confns de la Mongolie, du Tibet et du dsertde Gobi (Google-earth).

    Luvre de lexplorateur russecompte parmi les plus beaux tmoignages

    qui nous aient t lgussur le mystre de Shambhala.

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    Plusieurs rcits de voyageurs ayant parcouru les voies hi-malayennes font tat dtranges rencontres avec des gar-des . Ces di rents tmoignages se recoupent dans leurdescription : toujours trs lgrement vtus, ces individusferaient preuve de capacits physiques inoues. Dans lesannes 1910, leStatesman, grand journal de lEmpire des In-des, relate la rencontre dun major britannique avec lun deces individus : Alors quil campait dans lHimalaya, le major sest loign un jour du campement, avant laube, et sest renduaux falaises voisines pour contempler les majestueuses silhouettesdes montagnes enneiges. De lautrect de la gorge se dressait un grandrocher. Il a t trs tonn de voir, travers la brume du matin, un hom-me debout sur le rocher. Lhommetait grand, presque nu, et portait une longue chevelure noire. Appuy sur un grand arc, il observait atten-tivement le secteur situ derrire lerocher. Alors, apercevant apparem-ment quelque chose, il a descendula pente presque verticale grandes

    enjambes. Stupfait, le major est rentr au camp et a interrog les

    serviteurs sur cette trange apparition. sa grande surprise, ils sont demeurs trs calmeset lui ont dit avec respect : Le Sahib a vu undes hommes des neiges qui gardent la rgioninterdite [] .Au cours de son voyage, Roerich a inter-rog plusieurs lamas a n den savoir plussur ces mystrieux individus. Et chaquefois, il obtint la mme rponse.

    Des apparitions inoubliablesDans son journal, le professeur Roerichrelate un incident inoubliable qui luiest arriv prs du monastre de Ghum10. Un jour, vers midi, quatre dentre nous rou-laient en voiture sur une route de montagne.Soudain, notre chau eur a ralenti. Sur la routetroite, nous avons vu une litire porte par quatre hommes en gris. Dans la litire tait as- sis un lama avec de longs cheveux noirs et unecourte barbe noire, ce qui est absolument inha-bituel chez les lamas. Il portait une couronne sur la tte. Ses vtements rouges et jaunes

    taient dune propret tincelante. La chaise porteurs est passe toute prs de nous et le lama nous a souri et nous a salus de la tte plusieurs fois. Nous avons poursuivi no-tre route, non sans conserver longtemps une vive impression deltrange lama. Plus tard, nous avons essay de le retrouver, mais notre grand tonnement, les lamas locaux nous ont informs quilny avait pas de lama de ce genre dans tout le district. Ils nous ont dit que les litires ne servent porter personne dautres que le Da-la Lama, le Tashi Lama et les morts de haut rang, et que la cou-ronne nest utilise que dans le temple. Les lamas nous ont dit toutbas : Vous avez probablement vu un lama de Shambhala ! 11.DansLe cur de lAsie, Nicholas Roerich retranscrit un autrevnement marquant survenu en Chine, lors du passage deson expdition prs du Mont Humboldt (6 343 mtres). Une matine ensoleille et sans nuage. Le ciel bleu brille. Au-dessus de notre camp vole un norme vautour noir. Nous le regar -dons avec nos Mongols. Soudain, un des lamas bouriates dsigneun point du ciel bleu : Quest-ce que cest ? Un ballon blanc ?Un avion ? Nous voyons un objet brillant, volant trs haut, dunord-est vers le sud. Nous prenons dans les tentes trois paires de puissantes jumelles pour observer cet norme corps sphriquequi resplendit ct du soleil. Il se dtache nettement sur le fondbleu du ciel et avance trs grande vitesse. Nous le voyons ensuitechanger brusquement de direction, passant de sud sud-ouest.Puis il disparat derrire la chane Humboldt aux pics enneigs.

    Tout le camp a suivi ltrange apparition et les lamas murmurent :cest le signe de Shambhala ! .

    Nicholas Roerich

    Nous prenonsd ns les tentestrois p iresde puiss ntesjumelles pourobserver cetnorme corpssphrique qui

    resplendit ct du soleil

    Svetoslav Roerich,Portrait de Nicholas Roerich, 1937. Nicholas Roerich Museum

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    Un parfum dencens dans lairLors de son expdition dans lAlta, il semble que NicholasRoerich soit pass relativement prs de la Shambhala ter-restre. Entre Maral-Bashi et Kuchar (province du Xinjiang,Chine), le palefrenier de lexpdition, Suleyman, sadresse laventurier en ces termes : Cest l, derrire cette montagne,

    que vivent les saints hommes. Ils ont quitt le monde pour sauver lhumanit par leur sagesse . Un peu plus loin, le lama qui gui-de la caravane adopte un comportement trange. Au grandtonnement du professeur, ce dernier se couvre la boucheet le nez dune charpe, alors que la temprature est douce.Le lama sexplique : prsent il nous faut prendre des prcau-tions. Nous approchons des territoires interdits de Shambhala. Nousallons bientt rencontrer le sur, le gaz empoisonn qui garde la frontire de Shambhala .Et Nicholas Roerich de poursuivre :Nous nous regardons stupfaits, parce que nous sentons simulta-nment un fort parfum, comme les meilleurs encens de lInde. Dovient-il, alors que nous ne sommes environns que de rocs dnuds ?Les lamas chuchotent : Sentez-vous le parfum de Shambala ? [] Notre Tibtain, Konchok, sapproche de nous cheval et dit voixbasse : Non loin dici, lorsque le Dala Lama est pass du Tibet laMongolie, les gens et les animaux de la caravane se sont tous mis trembler. Le Dala Lama a expliqu quils ne devaient pas avoir peur, parce quils avaient touch la zone interdite de Shambhala et que lesvibrations de latmosphre taient inhabituelles pour eux 12.Tou- jours dans cette mme rgion, Roerich relate le passage delexpdition devant une norme pyramide de sel de Glauber for-me par les retombes dun grand geyser sal 13 en pleine monta-gne.Les lamas expliquent lexplorateur russe quil sagissaitde la troisime frontire de Shambhala .Dans ses rcits, Nicholas Roerich ne prtend jamais ouverte-

    ment avoir foul le sol de la Shambhala terrestre. Mais lonsait quil fut touch par elle : On ressent une motion particulire

    dans ces montagnes recules o les surfaces blanches des glacierscachent souvent les traces physiques des voyageurs (). En vritun grand nombre de choses qui pourraient sembler fantastiques et invraisemblables, se transforment lorsquelles sont observes sans prjug lendroit mme o elles se sont produites, et deviennent

    une force vivante .Et cest cette force vivante, celle-l mmequi donne une consistance bien relle au Royaume des hom-mes sages , que le peintre a russi poser sur ses toiles.

    A u Ier sicle de notre re, le philosophe grec Apollonius deTyane voyagea jusqu Shambhala en se laissant simplemen guider par les messages quil percevait. Pendant son voyage,il engagea un scribe assyrien, Damis, afn de retranscrirequotidiennement ses enseignements et ses actions. Prs dedeux sicles aprs sa mort, limpratrice Julia Doma mandatale philosophe athnien Philostrate pour rdiger une biographiedApollonius partir des codex de Damis. DansVie dApolloniusde Tyane (217-245) de Philostrate, on apprend quApolloniusest rest dans la rgion transhimalayenne pendant plusieurs moet y a rencontr le souverain dalors : Hiarchas ( le lgislateursaint ). Pendant son sjour, il ut le tmoin de phnomnesincroyables comme ces puits projetant des rayons verticaux delumire bleue. Il parle galement avec beaucoup denthousiasmde pierres lumineuses pouvant tre actives afn dirradier uneintense lumire trans ormant la nuit en jour volont. Les prouscientifques et mentales des habitants de cette cit perdueimpressionnrent beaucoup Apollonius. Non seulement le sagegrec ut le tmoin de la manire dont le peuple de Shambhalautilisait la lumire du Soleil, mais il vit galement des tres lv environ un mtre du sol, non pas pour en tirer une quelconque satisfaction personnelle, mais parce quil considrait cela comme un hommage acceptable au divin . Des habitants de Shambhala,Apollonius disait quils vivaient sur terre, mais cependant pas

    . autres tmoign ges

    Nicholas Roerich,Le Pouvoir des grottes,1926. Nicholas Roerich Museum

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    lorigine retranscrit par le Roide Shambhala, le Tantra de Ka-lachakra a t di us en Orient partir du XIe sicle de notre re. Ap-pelant la compassion et lamour de

    tous les tres, le Tantra de Kalachakraprophtise galement la n prochainedun cycle, de notre cycle. Lors de cet v-nement funeste, le royaume de Shambhalaet notre univers terrestre seront appels, unenouvelle fois, se rencontrer

    Le tantrisme tibtainLe mythe de Shambhala plonge ses racines dans la tradi-tion tantrique du bouddhisme tibtain. Il est li lnon-ciation par le Bouddha historique Shakyamuni duntantra bien particulier, le Tantra de Kalachakra, terme

    signi ant Roue du Temps en sanskrit. Le dpositairede lenseignement de Kalachakra par le Bouddha nestautre que le souverain de Shambhala en personne, le roi

    Suchandra, Seigneurde la luneparfaite

    en sans-

    krit. SelonSo a Stril- Rever, auteur

    du Tantra de Ka-lachakra, le Livre du

    corps subtil14, le Tantrade Kalachakra souvre avec

    une strophe dans laquelle le roiSuchandra prsente sa requte de lensei-

    gnement au Bouddha. Et dans plusieurs strophes, des points di rents du dveloppement de lenseigne-

    ment, le Bouddha sadresse au roi et linterpelle. Lenseigne-

    ment de Kalachakra ayant t ralis par le Bouddha deson vivant, le Tantra de Kalachakra sinscrit donc dansune poque historiquement dtermine15.

    Le roi Suchandra constitue donc notre lien ini-tial avec le royaume de Shambhala. Nanmoins,comme le prcise Sa Saintet le Dala Lama, lasingularit de lenseignement de Kalachakrarside dans le fait quil a t transmis par [] Bouddha des tres se trouvant dans un tat mysti-que de karma et de perception purs 16. Le royaumedu roi Suchandra ntant pas proprement parlun lieu terrestre , Shambhala nest ni archivdans nos chroniques, ni identi able dans un atlasde gographie. La situation dnonciation tant relie un espace-temps dont les coordonnes nouschappent , linscription temporelle de lnoncia-tion de Kalachakra demeure donc incomplte.

    Kalachakra, la croise des mondesPour les bouddhistes tibtains, lenseignement deKalachakra est karmiquement reli au royau-me de Shambhala. Et cest avec la transmissiondu Tantra de Kalachakra que, comme lindiqueSo a Stril-Rever17, notre monde a touch le mondede Shambhala, que notre histoire a touch lhistoire

    de Shambhala et que notre karma humain a touch le karma de la socit des veills de Shambhala.

    Aux origines du mythe

    tout fait pos sur elle, [] ne possdaient rien et cependant avaient la richesse de tous les hommes . Ces habitants avaient pour seuleidologie une philosophie cosmique, qui considrait lUnivers commeune chose vivante, se ondant dans le Divin (Vie dApollonius de Tyane ,livre III).Des phnomnes similaires urent rapports au dbut du XXe sicle parlorientaliste de renom et premire emme occidentale devenir lama,Alexandra David-Nel (1868-1969), con ortant ainsi des sicles plus

    tard, le rcit de Philostratus. Dans son livreMagie et Mystre au Tibet , A. David-Nel dcrit Shambhala comme tant un royaume non amarr au temps et lespace comme nous le sommes .Citons galement ans les crivains ranais Daniel Meurois et AnneGivaudan qui, dansLe Voyage Shambhalla1, proposent uneinterprtation du rle du Royaume et de ses habitants auprs de laterre et des hommes. Les pages qui composent ce livre sont le ruitdun travail de projection de conscience hors du corps physique, etsont donc par dfnition invrifables scientifquement. Nanmoins, lesin ormations quelles nous dlivrent prsentent lintrt de questionnernotre condition dhumain. Comme le prcisent ses auteurs,Le Voyage Shambhallanest rien dautre quun appel de lHomme lhomme 2.

    1. Le Voyage Shambhalla, ditions Le Persa, [1986] 2001.2. Ibid., Pr ace au lecteur .

    La tradition bouddhiste tibtaineconsidre ce royaume comme

    tangiblement reli notre monde

    travers le partagedun enseignement commun :le Tantra de Kalachakra.

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    E ectue sur la base du Tantra, cette connexion na cess dvo-luer au cours de notre histoire qui se trame en parallle lhistoirede Shambhala .

    Du rle du souverain de ShambhalaDaprs lenseignement de Kalachakra, le roi Suchandraest un bodhisattva, cest--dire un tre qui a renonc la libration (devenir bouddha ) par ultime compas-sion a n daider tous les tres avancer sur la voie dela dlivrance. Les bodhisattvas sont une forme interm-diaire entre le Bouddha et les tres humains. De maniregnrale, les bodhisattvas ont un rle spirituel, celui deveiller au respect du Dharma ou ordre cosmique naturel.Ils ninterviennent donc pas directement dans la destinedes peuples. Lorsque cet ordre est gravement menac, lessouverains de Shambhala manifestent dans lhistoire hu-maine leur puissance courrouce(voir plus loin).

    Aprs avoir reu linitiation de Kalachakra, Suchandra re-tourna dans son royaume a n de retranscrire les ensei-gnements du Bouddha. Il composa un Tantra-racine ensanskrit de 12 000 strophes, leParamadibuddhatantra, ou Tantra du Bouddha primordial suprme . Suite cela,il t construire un grand mandala de Kalachakra(voir en-cadr p. 85)au sud de sa capitale, Kalapa, puis initia les ha-bitants de Shambhala aux enseignements de Kalachakra.Cette transmission fut dterminante pour lvolution dela socit de Shambhala.

    La ligne des rois kalkin

    Suchandra succdrent six rois dont nous neconnaissons rien sauf pour le dernier den-tre eux, Manjushri-Yashas18, appelManjukirti par les Tibtains.Sous le rgne de Manjushri-Yashas, la socit de Sham-bhala, alors divise enquatre castes, connutun schisme. Lune descastes de Shambhala,tente par le brah-manisme, dcida departir en Inde a ndtudier le vdis-me pour le rin-troduire ensuite Shambhala. Maisle Manjushri-Yas-has sut convaincreles habitants de re-noncer leur projetet de recevoir de luiles enseignements deKalachakra. La socit deShambhala en fut profon-

    dment transforme puisqueles quatre castes furent fondues

    en une seule famille. Ds lors, le roi Manjushri Yashas prit lenom de roi kalkin19, rigden en tibtain, titre que portrentgalement ses successeurs20.Suite ces vnements, les habitants du royaume deman-drent leur roi de rdiger un tantra abrg. Manjushri-Yashas composa un tantra douze fois plus court, en 1 030strophes, intitulSublime Tantra royal abrg de Kalachakra.Ce tantra abrg est lactuel ouvrage de rfrence des en-seignements de Kalachakra. Il fut ramen en Inde par lepandit Chilupa21, aux alentours du Xe sicle de notre re.Il nous est parvenu en sanskrit et dans ses traductions ti-btaines, elles-mmes traduites en mongol. Le tantra origi-nal de 12 000 strophes compos par Suchandra, est occultdepuis lors.

    Les prophties du Tantra de KalachakraDans la partie du Tantra intituleLivre I du monde, il est

    annonc que trente-deux rois, y compris Suchandra, r-gneront successivement, cent annes chacun, sur le trnede Shambhala. Durant cette priode de 3 200 ans, les desti-nes du monde iront en sassombrissant. Lhumanit sen-foncera dans le matrialisme idologique et lignorance, jusqu ce quen 2424, une superpuissance, dirige par desincarnations dtres dmoniaques, fdre plusieurs pays, lissue dune guerre mondiale de plusieurs annes.Le chef de la coalition des tats victorieux, connaissantlexistence du royaume de Shambhala, sera tent de vou-loir le faire passer sous sa domination. Cest alors qucla-tera une nouvelle guerre, qui ne sera pas limite notre

    univers matriel puisque des forces clestes inter-viendront dans les combats. Les massa-cres et les destructions dpasseront

    en horreur tout ce que nousavons connu jusque-l.

    Raudra Chakrin, montsur le trne en 2327, ap-

    paratra la tte desarmes de Shamb-hala. Le Seigneurdes larmes laroue sera assistdtres surnatu-rels combattant ses cts. Aumoyen darmespuissantes in-connues, dcri-tes comme des

    harpons et desroues clestes, il

    crasera les hordesde barbares , les

    Mleccha. La victoire duroi-kalkin de Shambhala

    sera la fois matrielle etspirituelle. Tous les guerriers

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    D ans un article intitulMistaken Foreign Myths about Shambhala23, le tibtologue amricain Alexander

    Berzin rcapitule les principales dformationset avatars thoriques dcoulant de la lgende de Shamb-hala. De manire gnrale, il dnonce la rutilisation dela lgende de Shambhala par les di rents mouvementset socits occultes qui ont essaim au dbut XIXe et duXXe sicle en Europe, en Russie et aux tats-Unis.Parmi ces groupuscules sotriques se dessinent deux ten-dances. La premire tend considrer Shambhala comme unparadis utopique dont les habitants sont appels sauver lemonde. La seconde dpeint le royaume comme un lieu rece-lant des pouvoirs malveillants.

    Le berceau de la race aryenne De nombreux rcits des annes 1940-1950 mlant nazismeet occultisme, et les multiples expditions organises sous leIIIe Reich attestent cette drive. Plusieurs dignitaires de hautrang du rgime nazi, incluant Hitler, et plus particulirementHimmler et Hess, taient membres de socits occultes.Alexander Berzin rappelle dans son tude que les socitssecrtes de lAllemagne de lentre-deux-guerres, en parti-culier la socit Thul sont directement impliques dans ladi usion de lidologie nazie. Sintressant aux origines dela race allemande, la socit Thul considre lAsie centrale

    comme le berceau de la race dite aryenne et une poignede ses descendants directs vivraient encore dans une contre

    recule : le royaume de Shambhala. Entre 1926 et 1943, cer-taines socits occultes allemandes dont la socit Thul organisent plusieurs expditions au Tibet. La plus connue aeu lieu en 1938 sous lgide de lAhnenerbe, institut de re-cherche nazi cr en 1935 et ddi ltude du pangerma-nisme aryen. Daprs un rapport24 de Trevor Ravenscroft,militaire et crivain britannique, le but de ces expditionsrptes taient dtablir et de maintenir un contact avec leshabitants de Shambhala, a n de rcuprer leur pouvoir et dele dtourner au pro t de la cration dune super race aryen-ne . Daprs Ravenscroft, les tres de Shambhala refusrentdapporter leur assistance.

    Hlna Blavatsky et la thosophieParmi les courants adeptes dune version dulcore duShambhala bienveillant, Alexander Berzin cite la Socitthosophique fonde en 1875 par Hlna Blavatsky. Issuede la noblesse russe, Hlna Blavatsky (1831-1891) a par-couru le monde la recherche denseignements occultes etsjourna de nombreuses annes sur le subcontinent indien.Entre 1867 et 1870, elle prtend avoir tudi le bouddhismetibtain auprs de di rents matres au monastre de Tashil-hunpo, au Tibet. La connaissance des Europens de la culturetibtaine nen tant qu ses balbutiements lpoque, elledcide de traduire les fragments de textes auxquels elle a eu

    accs et den expliquer les concepts de base en les mlan-geant dautres concepts issus de lhindouisme et de loc-

    Leldoradorig en paradis terrestre ou diabolis,Shambhala a t malmen par lesmouvements occultes des sicles derniers.

    Nicholas Roerich,Grand esprit des Himalayas, 1934. Nicholas Roerich Museum

  • 8/6/2019 Nexus 65 La Legende de Shambhala

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    s p i r i t u a l i t

    N E X U S 65novembre-dcembre 2009 87

    cultisme. Blavatsky tait convaincue que lensemble des en-seignements sotriques des religions du monde entier neformait quun seul et mme corpus de connaissances occul-tes, do le syncrtisme quelle ralise dans ses crits entreles di rentes traditions. En 1888, Hlna Blavatsky men-tionne pour la premire fois le nom de Shambhala dans sonuvre principale,La Doctrine secrte. En ce qui concerne lapartie portant sur Shambhala, Blavatsky a rme ne faire queretranscrire des enseignements quelle a reus de ses matrespar tlpathie. On ignore donc dans quelle mesure HlnaBlavatsky a e ectivement tudi les textes du Tantra de Ka-lachakra. Daprs Alexander Berzin,La Doctrine secrtea jouun rle majeur dans lassociation, puis dans la confusion,entre Shambhala et occultisme auprs du public occidental.De fait, Blavatsky, on le sait aujourdhui, a abulait lenvi,mais son empreinte resta trs forte, Roerich ntant pas lunde ses moindres lecteurs.

    Alice Bailey et la Force de Shambhala A. Berzin poursuit son numration des interprtationsfausses du mythe de Shambhala en citant le cas dAlice Bailey(1880-1949). Cette thosophe britannique, mdium de sontat, prtendait capter des messages tlpathiques et rece-voir des lettres dun mystrieux matre tibtain. Aprs avoirbrigu sans succs la prsidence du mouvement thosophi-que, elle fonde en 1920 The Lucifer Trust aux tats-Unis. Seslectures et ses crits ont par la suite donn naissance au mou-vement New Age. DansInitiations humaine et solaire(1922),Let-tres sur la Mditation Occulte(1922),Trait sur le Feu cosmique

    (1925) etTrait sur la Magie Blanche(1934), Bailey crivit abon-damment sur la Force de Shambhala . Cette dernire consi-drait le royaume comme le sige du Feu cosmique . Ce feu,quelle associait Lucifer, tait une force destructrice muepar la volont dannihiler toutes formes denseignement d-gnr (comprendre autre que celui du Feu cosmique ) etltablissement dun Nouvel ge pur.La Force de Shambhala, explique Alice Bailey, est lnergiehautement volatile qui constitue notre volont. En soi, cettenergie peut tre extrmement destructrice et tre sourcedu Mal . En revanche, les initis, inspirs par la volontdivine, peuvent exploiter cette force dans le but de raliserle Bien ultime. Shambhala, une hirarchie prside par

    Maitreya est charge de protger la Force, et le momentvenu, initiera les plus avancs au Mystres des ges ,au Plan .

    Alexander Berzin dplore ici une interprtation la foismanichenne et messianique du mythe de Shambhala, bienloin de lenseignement prodigu par le Tantra Kalachakra.Shambhala reste donc drape dans son mystre...

    Sources

    - Anzaldi Antonino, IZZI, Massimo, (1995),Histoire illustre de limaginaire universel, Mythes Lgendes et Croyances du Monde entier , Gremse International, p. 150.- Berzin, Alexander, [1996] (2003), Mistaken Foreign Mythsabout Shambhala, disponible ladresse suivante : http://www.berzinarchives.com- Meurois Daniel, Givaudan Anne, (1986),Le Voyage Shambhalla,Un plerinage vers soi , ditions Le Persa.- Roerich Nicholas, [1929] (2005),Le Cur de lAsie , ditions duIIIe millnaire.- Roerich Nicholas, (1928), Shambhala la resplendissante ,entretien avec le lama Talai Pho Brang.- Stril-Rever Sofa, (2001), La Transmission du Tantra deKalachakra , auteur duTantra de Kalachakra, Le Livre du corpssubtil , texte intgral traduit du sanskrit (2000), Descle de Brouwer.Texte disponible sur www.buddhaline.net

    Notes

    1. Par ois crit Shambhalla ou Shamballa2. La Doctrine Secrte dHlna Blavatsky (1888) constitue untournant dans le rapport des occidentaux au mythe de Shambhala.Avec cette uvre, les occidentaux sapproprient la lgende deShambhala, ce qui donnera lieu de multiples d ormations et donc des interprtations errones du mythe.3. Voir Alexander Berzin,Mistaken Foreign Myths on ShambhalaLegend,1996 [2003], disponible ladresse suivante : http://

    www.berzinarchives.com/web/en/archives/advanced/kalachakra/shambhala/mistaken_ oreign_myths_shambhala.html4. Le Cur de lAsie , ditions du IIIe millnaire, 2005.5. Le Cur de lAsie , pp. 71-726. Ibid., p. 118.7. Ibid., pp. 118-1198. Shambhala la resplendissante , 1928.9. Ibid .10. Dans ltat du Bengale occidental, Inde.11. Le Cur de lAsie , pp. 78-7912. Ibid . pp. 94 et suivantes.13. Le Cur de lAsie , p. 110.14. Descle de Brouwer, 2000.15. Le Bouddha a vcu aux VIe-5e s. av. J.-C.16. Paroles prononces lors de la premire initiation de Kalachakraque le Dala-Lama donna en Occident, Madison, aux tats-Unisen 1981.17. Tantra de Kalachakra, Le Livre du corps subtil ,Descle de Brouwer, 2000.18. Manjushri-Yashas : Glorieux Seigneur man de Manjushri 19. Le terme sanskrit kalkin est driv de kalkah et signife ciment , liant . partir de Manjushri-Yashas, les kalkins sontles souverains de Shambhala qui prservent lunit de leur royaumetantrique ciment en prvenant lintroduction de systmes decroyance trangers au tantrisme, considrs comme karmiquementngati s.20. Daprs les enseignements de Kalachakra, lactuel roi kalkinde Shambhala est Aniruddha, le Seigneur quaucun obstaclenarrte . Mont sur le trne en 1927, il rgnera jusquen 2027.21. Pandit : titre honorifque de la caste des brahmanes, en Inde,donn aux savants et aux religieux.22. Le panchen-lama est le deuxime plus haut che spirituel dubouddhisme tibtain Gulougpa (cole dite des bonnets jaunes).

    23. Article publi en 1996 et complt en 2003 sur www.berzinarchives.com.24 . The spear of Destiny , 1973

    sotrique

    Nicholas Roerich,Path to Kailas, 1933. Nicholas Roerich Museum