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    Lexpression rve lucide fut intro-duite en 1867 par lcrivain et sinologuefranais Lon dHervey de Saint-Denys(1822-1892) dans louvrageLes rves et lesmoyens de les diriger . Pour expliciter le pa-radoxe apparent de cette juxtapositionde mots prioricontradictoires, lauteursemploie dabord dcrire comment il estparvenu dvelopper la facult de rverde manire lucide ce qui, pour lui, est sy-nonyme dtre conscient de sa vritable si-tuation pendant le rve ou dtre conscientde rver. Dans la deuxime partie de sonlivre, il prcise, au cours de lanalyse criti-que quil fait des travaux du mdecin Mo-reau de la Sarthe (1771-1826), quun rvene peut tre estim lucide ou non-lucide selon quau rveil on parviendrait ou non se le bien remmorer . Il ne sagit l que desouvenirs oniriques.Plus tard, de faon assez identique, lcrivain et psychiatrenerlandais Frederik van Eeden (1860-1932), souvent fausse-ment cit comme tant linventeur du terme rve lucide publia en 1913 un ouvrage sur le rve, un roman intitulThe

    Bride of Dreams. Il y consignait des expriences de rve du-rant lesquelles il tait conscient de son tat quil quali a de lucide . Plus tard encore, en 1968, Celia Green, philosopheet psychologue anglaise, propose dans un livre relatant desexpriences de rve lucide,Lucid Dreams, une d nition si-milaire du rve lucide : Un rve lucide est un rve dans lequelle sujet est conscient de rver . Elle accorda surtout une cr-dibilit scienti que au rve lucide, ouvrant ainsi la porte des recherches plus approfondies dans le domaine.

    Lucidit et facults connexesDautres chercheurs, entre autres le psychologue alle-mand P. Tholey, d nissent le rve lucide par davantagede critres que ne le fait Celia Green(encadr page 65).Lexprience montre toutefois que plusieurs des critresexigs par Tholey ne sont que des possibilits qui d-coulent du fait dtre conscient que lon rve sans quecela se produise obligatoirement. Par exemple, lefait dtre conscient de notre tat de rveurnentrane pas dans tous les cas le souvenirdu songe au rveil. Il arrive quun sujet se re-mmore fortuitement un rve lucide plus tarddans la journe voire le surlendemain. En ce quiconcerne le contrle du rve, de nombreux su- jets assurent que, bien qutant conscients de

    leur situation de rveur, ils nont pas toujoursla facult de diriger leur rve, alors qu lin-

    erse des personnes relatent des rves quel-les ont pu contrler sans toutefois avoir tconscientes quelles dormaient. Nous verronsdailleurs que le contrle du rve est plus lefruit dun apprentissage quun lment li la lucidit.

    LaventureTechnique yogiquedans la traditionbouddhiste indo-tibtaine, la matrisedu rve lucideconsiste devenirconscient que lonrve. En France, ladcouverte de cette

    acult psychiqueremonte au XIX e sicle. Longtempsconteste par les

    scientiques, ellea t prouve enlaboratoire.

    G

    . M u g u e t

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    du rve lucide

    Le point de vue bouddhisteDans la tradition bouddhiste, faire un rve lucide est sim-plement d ni comme le fait de reconnatre que lon rve.Le sujet doit, grce sa lucidit, accrotre son habilit matriser son esprit mmoire, r exion et ainsi de suite

    et guider ses rves(voir article suivant).Ajoutons quil est important dans la

    d nition durve lucide de

    ne pas considrercomme quivalents

    les termes lucide et conscient , ou bien il fau-

    drait prciser conscient de r-ver . En eff et, il serait excessif

    de dire que le rveur non lucideest inconscient, comme il est ex-

    pliqu dans les textes philosophi-ques bouddhistes. Pendant le som-

    meil, la conscience est intrioriseet demeure en quelque sorte passivelorsquil ny a pas de lucidit. Le ph-nomne peut tre comparable nostats de rveries pendant le jour, quand

    nous suivons quelques penses demanire machinale sans vraiment

    nous rendre compte de ce que nous faisons sur le moment.Qui de nous na jamais t distrait au point daccomplir uneactivit sans en prendre pleinement conscience, tel que defaire un trajet et darriver destination sans avoir remar-qu quoi que ce soit?

    Le rve chamanique est-il lucide ?Dans son essai danthropologie exprimentale,Les tats nonordinaires de conscience, le chercheur franais Michel Nachezvoque un certain nombre dethnies quil dnomme des

    dream cultures , et qui utiliseraient selon lui depuislongtemps le rve lucide, la plus clbre tant celledes Sno, un peuple de Malaisie.

    Cependant, face au manque de prcisions dans lesdiverses tudes sur ce sujet, on est en droit de sedemander si les Sno pratiquent vraiment le rve

    lucide tel que nous lentendons, tout comme on peutse poser cette question pour les autres traditions an-

    cestrales et les divers arts de rver chamaniques. Dansces traditions ou arts, parmi lesquels peut tre inclus lart

    de rver dcrit par Carlos Castaneda, lob- jectif nest pas tant de devenir lucide et dele rester que dobtenir par le biais du rve,

    ou parfois un tat de transe appel rve,des initiations, des instructions, un renfor-cement psychique ou de parvenir entreren contact avec des entits varies, et ainside suite. Il serait donc sans doute plus ap-propri de parler, dans ces cas, dinductionde rves spci ques par suggestion ou hyp-nose et dincubation que dentranement

    la lucidit. Remarquons toutefois que cela nexclut pas lap-parition spontane de rves lucides dans un contexte aussifavorable, mme si daprs la connaissance que lon en aactuellement la lucidit du rveur nest pas explicitementrecherche dans ces systmes.

    Une dfinition du rve lucideP ul Tholey, entre autres, d nit le rve lucide par une sriede critres prcis. Pour lui, le rve lucide est caractris parsept aspects dont les quatre premiers sont essentiels :

    . le sujet est conscient quil rve ;2. il dispose de son libre arbitre ;3. sa facult de raisonnement est normale ;4. ses cinq perceptions sensorielles sont comparables la normale ;5. il a le souvenir de ltat de veille ;

    6. il se souvient clairement de son rve au rveil ;7. il peut interprter le rve au moment mme ou il rve.

    W i k i p e d i a

    Il a falluattendre

    1975 pour quesoit apporte lapreuve scienti quede lexistence durve lucide.

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    Des recherches anthropologiques plus prcises seraientncessaires pour lever le voile et bien dterminer quelleest la part de lucidit dans lart du rve des dream cultu-res ou des chamans. A n de dissiper une autre confu-sion courante, il faut voquer aussi le rve veill, quiest une mthode psychothrapique invente parRobert Desoille (1890-1966). Celle-ci est diff rentede la pratique du rve lucide, car elle se faitlorsque lon est rveill et consiste uti-liser limaginaire comme mode daccs linconscient.

    Preuve scientiqueLa capacit dtre conscient que lon rve pen-dant le sommeil a t longtemps fortementconteste par de nombreux scienti quesou philosophes. Cest ce qui a fait crire dHervey de Saint-Denys en introduc-tion de son ouvrage : Je sais bien que detels prliminaires seront fort mal accueillis par certaines personnes qui assurent navoir jamais quun sommeil mortiforme, et quivont jusqu repousser, comme une opiniondraisonnable, la seule ide que leur esprit ait pu veiller ; mais ce nest point pour ellesque je publie ce volume ; je les prie mmeinstamment de ne pas louvrir .Il a fallu attendre 1975 pour que lapreuve de lexistence du rve lucide

    soit produite par Keith Hearn de lUni-versit de Hull, en Grande-Bretagneavec le concours de son sujet, loniro-naute Alan Worsley. Pourtant, les r-sultats de lexprience ne furent pasdiff uss largement, et ce nest que plu-sieurs annes plus tard, aux tats-Unis,que le psycho-physiologiste amricainStephen LaBerge publia dans la pressescienti que la description de ses exp-riences prouvant quun sujet peut treconscient quil est en train de rver.Sa dmarche a t reprise et con rmepar la suite par plusieurs autres labo-ratoires dans le monde. La mthodeest simple, elle a t mise au point in-dpendamment par les chercheurs enAngleterre et aux tats-Unis, et reposesur des travaux antrieurs mens parles prcurseurs de la recherche sur lesommeil tel que William Dement, quiavaient dmontr que les directionsdes mouvements oculaires enregis-trs durant le sommeil paradoxal pou-vaient concider avec les orientations

    du regard en rve rapportes par lessujets. Sur la base de cette observation,

    lenregistrement polygraphique (variables physiologi-ques) des donnes physiques et lectriques du dormeurest surveill par un collaborateur ; lorsque le sujet prend

    conscience dans son sommeil quil rve, il bouge les yeuxselon un code convenu lavance, et ces mouvements

    volontaires bien spci ques apparaissent sur lesparamtres enregistrs.

    Un apprentissage progressifLa possibilit de communication entreun onironaute habile et un chercheur aouvert le champ de nombreuses pos-

    sibilits dinvestigation. Lintrt pour lerve lucide sest aussi dvelopp et des m-

    thodes dinduction du rve lucide ont t misesau point. En eff et, bien que le rve lucide puisse se

    produire de manire spontane chez denombreuses personnes, en particulierpendant lenfance, cest un phnom-ne qui reste occasionnel et alatoire.DHervey de Saint-Denys avait nan-moins dj dmontr quun entrane-ment appropri peut nous permettrede rver lucidement chaque nuit, outout au moins de manire frquente.Dans son ouvrage, lauteur associesouvent les termes de lucidit et vo-lont, ce qui pousse se demandersil ne confond pas les deux. Toute-

    fois, le passage suivant montre clai-rement quil nen est rien : Je voyaisen mme temps se dvelopper chez moi, sous lin uence de lhabitude, une facult laquelle jai d la plus grande partie desobservations consignes plus loin, celledavoir souvent conscience en dormant de ma situation vritable, de conserver alors, en songe, le sentiment de mes pr-occupations de la veille, et de garder par suite assez dempire sur mes ides pour en prcipiter au besoin le cours dans telleou telle direction quil me convenait deleur imprimer .Stephen LaBerge, minent spcialis-te contemporain du rve, crit dansson livre,Sveiller en rvant (2004) : Durant les rves lucides nous pouvonsraisonner clairement, nous remmorer les conditions de notre vie dans ltat deveille, et agir volontairement lintrieur du rve aprs r exion ou en accord avec des plans tablis avant lendormissement et tout cela en tant profondment en-dormi et en exprimentant intensment

    un monde onirique qui peut se manifes-ter comme tonnamment rel .

    Un exem lede r ve uc e

    L e chemin qui se dessinait devantmoi ainsi que tout le paysageaux alentours tait couvert dune paissecouche de neige immacule et scintillantede laquelle mergeaient dimmensesconifres. Il faisait frais, je marchaispaisiblement, puis il me vint lesprit queje ne connaissais pas cet endroit et je medemandais comment javais pu arriver ence lieu inconnu. cela sajouta le fait queje me rappelai que nous tions en t etque, par consquent, il ne pouvait neiger.Tout coup, je compris que je rvais etje fus sur le champ merveille et empliede joie. Je continuais avec curiosit mapromenade dans la neige qui crissait sousmes pas. En sortant de la fort, japerusune maison la toiture en terrasse laquelle on pouvait accder par un escalierde pierre, je me dis alors que si je montaissur ce toit, je pourrais voir le paysage auloin. Lorsque je gravis lescalier abrupt,je sentis sous mes doigts la rugosit despierres du mur sur lequel je prenais appui.Une fois arrive sur le toit, je me demandaice qui se passerait si je sautais dans levide, ce que je s un peu craintive. Je netombai pas ; au lieu de cela, je me mis

    otter doucement dans lair et je restai ainsiquelques instants avant de me rveiller.

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    Rver pour sveiller

    Le marquis de Saint-Denys d-veloppa une approche systmatiquedu rve lucide partir dexprien-ces spontanes quil eut dans sonadolescence. Lorsque son livre futpubli, il avait quarante-cinq ans.Il mit en place durant toutes cesannes les fondements dune tech-nique qui fut reprise, ou redcouverte, et amliore par lasuite, et qui a abouti de nos jours diverses pratiques pro-poses par les onirologues et les onironautes, en particulierpar Stephen LaBerge et le Lucidity Institute (USA). Il sagiten gnral de techniques accessibles toute personne mo-tive qui souhaite les mettre en uvre.Paralllement, dHervey de Saint-Denys procda, sorti delenfance dit-il, une recherche sur ce que ses contem-porains psychologues et physiologistes les plus clbresconnaissaient du rve lucide. Il ny trouva aucun lmentsrieux sur le sujet. Il mena donc une recherche historiquesur les thories et mthodes relatives au rve et en conclut quil ny a rien tirer de la prtendue science onirocritique des

    anciens au point de vue pratique o nous nous plaons . Daprsles informations quil avait sa disposition et les argu-

    ments quil avance, sa conclusion apparat justi e.On ne peut pourtant prjuger de la part de mystrequi a pu couvrir une ventuelle pratique du rvelucide pendant toute une poque o lglise, puisla lgislation quelle in uena, condamnrent lespratiques lies au rve, et mme, on la dit, certainsrves jugs trop prompts faire le lit du Mal.

    Une dcouverte tardive en Occident Il semble aussi que Saint-Denys nait pas eu connaissance,tout au moins lpoque o il rdigea son livre, des m-thodes hautement sophistiques de la pratique du rvelucide en Inde et au Tibet et ceci malgr le fait quil futprofesseur au Collge de France o sigeaient la mmepoque lminent indologue Eugne Burnouf et le tib-tologue douard Foucaux. Peut-tre ne les interrogea-t-il pas sur le sujet, mais il se peut aussi que ses confr-res ignorassent les mthodes bouddhiques lies au rve.En eff et, ce nest quau dbut du XXe sicle que les Oc-cidentaux prirent connaissance des pratiques yogiquesbouddhistes avec les rcits dAlexandra David-Nel et les

    crits de lama Kazi Dawa Samdup, entre autres leYoga tib-tain et les doctrines secrteset leBardo thdol. Nanmoins, il a

    Yoga du rvedu bouddhismetibtain, pratiqueschamaniquesou occidentaleschaque spiritualitofre une approchespciquedu rve lucide.

    Le Rve , Pierre Puvis de Chavanes, 1883, Muse dOrsay.

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    encore fallu attendre quesoient implants en Occidentle bouddhisme de rite tib-tain et lenseignement dubn. Il a aussi fallu attendreque, paralllement, des anthropologues sintressent demanire plus objective des socits juges jusque-l pri-mitives. Ces conditions runies, les chercheurs purent fairele lien entre la dcouverte occidentale du rve lucide et lestraditions anciennes.

    Le yoga du rve indo-tibtainLe bouddhisme tibtain, qui tire son origine du bouddhismen en Inde sous limpulsion du Bouddha Shakyamouni, etla spiritualit bn tibtaine, prsente au Tibet avant lebouddhisme, ont tous deux une mthode du rve lucidelabore qui a t pratique et prserve oralement et parcrit jusqu nos jours.La pratique du yoga du rve dans le bouddhisme tibtainest surtout connue au sein de ce que lon appelle les six yo- gas de Naropa , mais aussi dans la transmission de la yoginiindienne Nigouma. Lorigine de ces enseignements remon-te au moins un personnage hors-norme, Tilopa, qui vivaiten Inde du Nord la n du Xe sicle. La tradition bn, bienque distincte du bouddhisme, prsente de nombreuses si-militudes avec celui-ci, notamment en ce qui concerne le yoga du rve. Lobjectif initial de ce yoga est de participerau dveloppement dans lecontinuummental dune pleineconscience, ou conscience lucide, ininterrompue, et ceci

    dans le but de raliser ce quest la nature de lesprit.Les diff rents tats de conscience sont appels des tatsintermdiaires ou bardos ; il existe donc pour cette phi-losophie un tat intermdiaire du rve, comme il existe lebardo de ltat de veille ordinaire qui est lexprience de laralit veille et consciente telle que nous la connaissons ;un bardo de la mditation, celui du processus de la mort ;de la ralit (ou de lentre-deux-vies) ; de la qute dune re-naissance. Des matres tels que Gyatrul Rinpoch, NamkhaiNorbou, ou Tenzin Wangyal Rinpoch rendirent largementaccessible en Occident grce leurs ouvrages une pratiquequi tait autrefois rserve surtout des adeptes religieuxou lacs, hommes et femmes, qui taient suivis (guids?) etconseills.

    Deux mthodesLe yoga du rve comprend toutefois deux mthodes. Luneest fonde sur des techniques dentranement intense,physique et psychique, lies aux nergies subtiles qui par-courent le corps, quil est dangereux de pratiquer sans lesconseils et la surveillance dune personne quali e. Lautremthode, qui se combine souvent la premire, reposedavantage sur une approche lie la mditation et lat-tention, ainsi que sur des techniques de visualisation quipeuvent aussi mettre en uvre les nergies subtiles, mais

    de manire douce.Cest cette dernire mthode sans danger qui est expose

    publiquement. Elle conduit du rve ordinaire non lucide,au rve ordinaire lucide ; puis au rve de clart quipeut tre non lucide ou lucide, mais qui, par son contenuet son aspect, indique que ladepte a stabilis son esprit ;pour idalement aboutir au rve de claire lumire tou- jours lucide et libre de la dualit sujet-objet chez ltreralis.

    Autres traditions spirituellesEn ce qui concerne le taosme et le bouddhisme chinoisChan, galement issu du bouddhisme indien, CatherineDespeux, une minente spcialiste de la Chine, professeurmrite lInalco (Institut national des langues et civili-sations orientales), fait remarquer qu sa connaissance, ilnexiste pas de pratique spci que du rve lucide dans cesdeux traditions. Elle prcise toutefois que, dans le Chan, lefait de devenir conscient que lon rve est une consquencedu cheminement au cours duquel ladepte aura dveloppla pleine conscience, et que pour les taostes, le saint ne rve pas, les rves sont des dsordres des cinq lments et des motions. Le sage taoste ne dort pas non plus, lorsquil est ralis iest perptuellement dans un tat de conscience lumineuse .La mme remarque peut se faire au sujet du bouddhisme zenet aux autres formes de bouddhisme des coles du sud-estasiatique o lune des pratiques essentielles est galementde dvelopper une conscience lucide continue par la mdita-tion de mme que par lattention dans tous ses actes, ce quinaturellement conduira ladepte un moment de son par-cours spirituel se rendre compte quil rve.

    Orient versus Occident ?Lorsque lon tudie les divers courants de pratique du rve

    lucide, celui dOccident, plus rcent dune part, et ceux, tra-ditionnels dautre part, lon constate que cette pratique telle

    TribunauxPour les taostes,le saint ne rvepas, les rves sontdes dsordresdes cinq lmentset des motions.

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    quelle est envisage par les chercheurs occidentaux a defaon gnrale peu de similitudes avec les pratiques des dream cultures chamaniques ou assimiles, tandis quellese rapproche singulirement de la pratique yogique indo-tibtaine, tout au moins dans sa mthode lie lentra-nement de lattention. Ce qui est comprhensible dans lamesure o les pratiques du type dream culture et chama-

    niques sinsrent de prfrence dans une collectivit et uneculture spci ques. En ce qui concerne les deux courants,occidental et indo-tibtain, la distinction se fait plus sur lamotivation et les objectifs scienti ques ou spirituels quisous-tendent la matrise du rve lucide que sur les mtho-des adoptes ; en outre, le yoga du rve traditionnel off redavantage de possibilits par ses techniques mditatives.

    ConvergencesSi le rve lucide est une composante du cheminementspirituel pour le bouddhiste, quelle est la motivation delonironaute occidental ? Le marquis de Saint-Denys posedes questions qui apportent en elles-mmes un dbut derponse : Les rves ne sont-ils pas la tierce partie de notre exis-tence ? Pour ceux qui cherchent, le phnomne du rve nest-il pastroitement li ce grand mystre de la dualit psycho-corporellequon ne se lassera jamais de sonder ? .Bien que Saint-Denys pense que le simple fait de pouvoirguider ses rves volont soit agrable, il dit ne pas vou-loir rduire au seul amusement une mthode applicableaux progrs de la science, en particulier en mdecine et enpsychologie. Ce sont les mmes motivations qui semblentguider les chercheurs qui lui ont succd, tout au moins enapparence, car la part spirituelle ne peut tre nglige, Fre-derik van Eeden, par exemple, mentionne Dieu, le Christ etla prire de trs nombreuses reprises. En outre, avec ledveloppement des moyens de communication, les chan-ges et lintrt que les chercheurs ou des onironautes plusanonymes portent aux autres traditions, il apparat que cesdistinctions tant dans les objectifs que dans les mthodessestompent rapidement. Stphane LaBerge crit ainsi : Jerve pour trouver qui je suis au-del du rve que je fais de mon

    identit , alors qu linverse des yogis et yoginis bouddhis-tes se prtent aux expriences des scienti ques.Narcisse, Le Caravage,1598, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome.

    Dans ma cabane, rvant dimmortalit , Tang Yin (1470-1523) .