Newsletter division Amérique latine des Sciences Po n°3

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1 Edito : l’école des Affaires internationales de Paris et l’Amérique latine Lancée en septembre 2011, l’école des affaires internationales de Sciences Po (Paris school of international affairs) est placée sous la direction de Ghassan Salamé, professeur de relations internationales, ancien conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU. Elle comprend six masters : sécurité internationale ; politique économique internationale ; management public international ; environnement, développement durable et risques ; international project finance ; sciences et politiques de l'environnement en coopération avec Paris 6. Le cursus intègre également des mineures « professionnalisantes » et des mineures régionales (area studies) dont l’Amérique latine selon une approche pluri- disciplinaire. L'école a accueilli, en septembre 2010, 500 élèves dont 430 élèves dans la formation diplômante et 70 en échange. - créé en amont p (grandes entreprises, ONG et institutions internationales). On peut espérer que cette réforme soit au bénéfice des étudiants désireux de s’orienter professionnellement vers l’Amérique latine. A suivre ! Marie Castillo [email protected] Table des matières Édito Économie Peut-on s'attendre à une intégration commerciale et politique en Amérique du Sud en dépit des divergences des modèles de développement ? par Natalia Garcia, consultante en communication politique (D09)………. Page 2 L’Agence française de développement et les enjeux du développement en Amérique latine par Alejandra Caracas (Sciences-Po PEI 09), consultante en politiques publiques et stratégie……….page 3 Entreprise Le Chili, une opportunité pour les entreprises françaises par Louis des Cars, CEO Coface Chili, Président des CCEF du Chili (Ecofi 85)……….page 5 ECA, une entreprise à la conquête du « nouveau monde » par Marie-Laure Charles, directeur commercial d’ECA Brésil……….page 7 Politique Équateur : le syndrome du 30-S, Par Guillaume Fontaine, FLACSO Équateur/Laboratoire de recherche sur la gouvernance……….page 10

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La newsletter Amérique latine des Sciences Po publie les articles des Alumni sur la région : Chili, Brésil, intégration régionale, Equateur.

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Edito : l’école des Affaires

internationales de Paris et l’Amérique

latine

Lancée en septembre 2011, l’école des affaires internationales de Sciences Po (Paris school of international affairs) est placée sous la direction de Ghassan Salamé, professeur de relations internationales, ancien conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU. Elle comprend six masters : sécurité internationale ; politique économique internationale ; management public international ; environnement, développement durable et risques ; international project finance ; sciences et politiques de l'environnement en coopération avec Paris 6. Le cursus intègre également des mineures « professionnalisantes » et des mineures régionales (area studies) dont l’Amérique latine selon une approche pluri-disciplinaire. L'école a accueilli, en septembre 2010, 500 élèves dont 430 élèves dans la formation diplômante et 70 en échange.

-

créé en amont p

(grandes entreprises, ONG et institutions internationales). On peut espérer que cette réforme soit au bénéfice des étudiants désireux de s’orienter professionnellement vers l’Amérique latine. A suivre ! Marie Castillo [email protected]

Table des matières

Édito

Économie

Peut-on s'attendre à une intégration

commerciale et politique en Amérique du Sud

en dépit des divergences des modèles de

développement ? par Natalia Garcia, consultante en communication

politique (D09)………. Page 2

L’Agence française de développement et les

enjeux du développement en Amérique latine par Alejandra Caracas (Sciences-Po PEI 09), consultante

en politiques publiques

et stratégie……….page 3

Entreprise

Le Chili, une opportunité pour les entreprises

françaises par Louis des Cars, CEO Coface Chili, Président des

CCEF du Chili (Ecofi 85)……….page 5

ECA, une entreprise à la conquête du

« nouveau monde » par Marie-Laure Charles, directeur commercial d’ECA

Brésil……….page 7

Politique

Équateur : le syndrome du 30-S, Par Guillaume Fontaine, FLACSO Équateur/Laboratoire

de recherche sur la gouvernance……….page 10

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Économie

Peut-on s'attendre à une intégration commerciale et

politique en Amérique du Sud en dépit des divergences

des modèles de développement ?

Par Natalia García (D 09), consultante en communication politique

[email protected]

L'Amérique du Sud est perçue comme une région polarisée et divisée politiquement, montrant l’existence de plusieurs modèles d’intégration dans la région. L’existence de conflits bilatéraux comme celui entre l’Équateur et la Colombie et surtout le Venezuela empêchent une réelle intégration commerciale et politique latino-américaine. Le cas latino-américain montre bien que les discours des dirigeants varient très facilement au niveau rhétorique. En effet, certains pays, comme le Chili, le Pérou, la Colombie et la majeure partie des pays d’Amérique Centrale paraissent privilégier des accords bilatéraux de commerce avec les États-Unis et en même temps participe à la formation d’accords d’intégration régionale comme le Mercosur ou le CAN. Cependant, l´approbation du traité constitutif de l'Union des Nations Sud-américaines pourrait être entendue comme une solution viable pour diminuer les différences idéologiques qui existent dans la région et promouvoir une intégration commerciale et politique réelle des pays latino-américains. Deux modèles, deux voies dans la région latino-américaine. L’intégration difficile du continent à la globalisation économique mondiale n'est que le reflet sur l'arène internationale de la difficulté d’intégrer populations et Etats. L'Amérique du Sud reste ainsi un des continents les plus inégalitaires de la planète, où les écarts sociaux sont encore à ce jour une source d'instabilité politique. Ils représentent un handicap important pour n'importe quel projet de développement à moyen terme. Entre régionalisation et mondialisation, l’Amérique latine se trouve donc face à des choix décisifs en termes de modèles politico-économiques et de société. Le

continent américain est bien celui où des expériences inédites et originales d’intégration régionale obligent à une relecture des rapports nord-sud. D’une part, il y a un groupe qui trouve des accords avec un modèle d’intégration Nord- Sud (ZLEA ou ALCA) fortement soutenu par les Etats-Unis. D’autre part, un groupe qui soutient la rhétorique de la « révolution bolivarienne » (ALBA) utilisée surtout par Chavez qui se présente comme l’alternative d’intégration régionale basée sur le peuple latino-américain, un clair exemple de contestation contre l’impérialisme économique nord-américain. De plus, les divergences existantes par rapport au modèle de développement à suivre augmentent les crises à l’intérieur du modèle d’intégration existant. Cela est illustré par le cas de la CAN, victime de la tenaille états-unienne, qui est parvenue à soumettre à la signature de TLC les gouvernements d’Alvaro Uribe en Colombie et d’Alejandro Toledo en Pérou. Des modèles vus principalement sous l’angle commercial. L'image de l'Amérique Latine s’est améliorée considérablement si nous négligeons les différences idéologiques et observons simplement les résultats économiques des différents blocs commerciaux. Premièrement, la construction régionale en Amérique Latine est bien loin de phase initiale d’ouverture au libre-échange, durant laquelle d’importantes avancées se sont réalisées comme les réductions tarifaires, l’augmentation des échanges intra-régionaux et la construction d'institutions communes. Par exemple, le Mercosur est devenu un acteur international et constitue aujourd’hui le 4

ème dans le groupe économique

mondial derrière l'ALENA (Association de libre-échange nord-américaine entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique), l'Union européenne et le Japon. Par ailleurs, la construction régionale a ainsi abouti à la création d'un marché sud-américain de l'industrialisation, à construire sur les principes d'un régionalisme ouvert. Cela représente l'ouverture au monde d'un espace économique, qui représente 45 % de la population de l'Amérique Latine, 59 % de son territoire et 54 % de son produit intérieur brut. Pourtant, le nouvel accord d’intégration, l’UNASUR pourra d’une grande manière s’agréger et former une seule voix latino-américaine. L´Unasur, une solution aux divergences politiques. Le Traité constitutif de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) signé par les 12 pays de l'Amérique Latine constitue un nouveau signe des mutations qui s’opèrent actuellement en Amérique Latine. En effet, la Déclaration de Cochabamba implique un vaste contrat social sud-américain qui incorpore des mesures aussi bien que sociales qu’économiques. Cette déclaration est la preuve de l’émergence d’une nouvelle ère politique et sociale, où les gouvernements sont plus sensibles aux demandes populaires se forment et s’écartent de la tutelle des Etats-Unis et des entreprises transnationales. Le projet, qui s’ébauche dans le sud du continent, pourrait marquer réellement un nouveau cap dans le développement économique, politique et social de la région. Mais il reste à voir si l’accord conduit à un vrai processus d’intégration ou s’il représente seulement une prolongation du modèle antérieur, enrobée d’un discours innovant.

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L’Agence française de développement et les enjeux du

développement en Amérique latine

Par Alejandra Caracas (Sciences-Po PEI 09) Consultante en politiques publiques et stratégie [email protected]

L’Agence française de développement (AFD) est le principal opérateur du financement de l’aide au développement du gouvernement français et agit sous le contrôle de ses ministères de tutelle. Elle trouve ses origines en 1941 par disposition du Général de Gaulle durant la période d’occupation allemande. Le rôle de la Caisse centrale de la France Libre était, à cette époque, celui d’un institut d’émission monétaire et du Trésor public. À soixante-dix ans de sa création, l’AFD a connu une transformation remarquable en raison d’un accroissement important de ses outils de coopération, de ses domaines de compétence ainsi que de ses zones d’intervention. La présence de l’AFD en Amérique latine est néanmoins très récente notamment par rapport à d’autres régions comme l’Afrique ou l’outre-mer. En juin 2006, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a autorisé l’AFD à intervenir au Brésil ainsi que dans d’autres pays émergents certains, pour financer la protection des biens publics mondiaux. Plus tard, en juin 2009, dans le contexte de la crise économique internationale, le CICID a autorisé l’intervention dans une dizaine de nouveaux pays, parmi lesquels se trouvent le Mexique et la Colombie, sous le mandat d’une relance verte et solidaire. Afin de construire une stratégie d’intervention adaptée aux enjeux régionaux, le département Amérique latine et Caraïbes (ALC) de l’AFD a commandité une étude qui permettrait d’avoir un aperçu général des dynamiques économiques et sociales et des politiques publiques dans des secteurs variés. Ce projet a été confié à l’Institut des Amériques (IdA), groupement d’intérêt scientifique qui regroupe

une quarantaine d’établissements français, avec la participation d’une équipe de plus de 15 chercheurs spécialistes de l’Amérique latine. Pendant un an, les experts ont travaillé aux côtés de l’AFD pour développer un ouvrage d’actualité, concentré à la fois sur des aspects socio-économiques et sur le rôle de l’État et les politiques publiques. Le processus d’élaboration a été enrichi par l’organisation d’un atelier de réflexion de deux jours en septembre 2010, durant lequel des représentants des ministères, des bailleurs de fonds et des universitaires ont échangé sur les conclusions des auteurs. L’ouvrage présente une Amérique latine qui émerge comme un acteur indiscutable dans la scène internationale et qui présente des taux de croissance moyens d’environ 6 % en 2010. Après plusieurs décennies caractérisées par une forte volatilité économique et une faible croissance, l’Amérique latine a bien résisté à la récente crise financière internationale, notamment par rapport à d’autres régions du monde comme l’Europe. Cette progression est la conséquence non seulement d’un contexte international favorable — notamment de l’augmentation de la demande chinoise —, mais également d’une réduction de la vulnérabilité financière et d’une bonne gestion macroéconomique. Cependant, malgré une diminution importante des taux de pauvreté et d’indigence et d’un enracinement progressif de la démocratie, la région fait face à des obstacles qui nuisent son développement sur le long terme. L’ouvrage mentionne en particulier les fortes inégalités sociales et spatiales, la faible productivité et innovation, le déficit d’infrastructures, le faible niveau de l’épargne et de l’investissement,

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ainsi que des enjeux environnementaux de taille. L’origine de ces facteurs est ancienne et la solution particulièrement compliquée. L’atout de cet ouvrage est précisément le lien construit entre les problématiques régionales et l’analyse des actions publiques mises en place par les différents pays. À travers l’analyse des systèmes politiques et du rôle de l’État en Amérique latine, l’ouvrage présente une mosaïque de trajectoires distinctes, dont un des points communs est la démocratisation régionale. Ainsi, des nouveaux acteurs participent aux décisions des politiques publiques et à l’approfondissement des processus de décentralisation. A présent, dans une grande partie des pays d’Amérique latine, ce sont les gouvernements locaux qui agissent en coopération étroite avec le gouvernement central dans la construction de projets innovants, notamment dans le domaine du transport collectif (Transmilenio a Bogotá ou le Metrobús à Mexico), du logement social et de la revitalisation du patrimoine urbain. Par ailleurs, face aux enjeux liés à la réduction de la pauvreté et des inégalités, l’ouvrage analyse les politiques de protection sociale et les programmes de transferts sociaux. En raison des problèmes de finances publiques des années 1980, de la faible pression fiscale et du développement du secteur informel, les pays d’Amérique latine ont entamé des processus de réforme pour assurer l’accès à l’assurance maladie, au chômage ou à la retraite afin de lutter contre l’appauvrissement de la population. L’ouvrage analyse les initiatives des transferts sociaux inspirées du plan mexicain Progresa (1997) et présentes aujourd’hui dans une quinzaine de pays. Ces programmes impliquent un faible montant d’investissement pour les gouvernements et ont des résultats prouvés sur le plan sanitaire. Toutefois, leur impact sur la réduction de la

pauvreté et des inégalités est encore hypothétique. En ce qui concerne l’environnement, l’AFD considérait comme essentielle l’analyse des conditions régionales pour aider à la promotion d’un développement économique sobre et compatible avec la préservation des ressources naturelles. En ce sens, l’ouvrage identifie les principaux obstacles à l’adoption des mesures concrètes pour la protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique. Malgré le haut degré de sensibilité du sujet, certains pays ont réussi à établir des législations environnementales et à intégrer ces questions dans des secteurs connexes tels que l’aménagement du territoire. Les dernières pages de la publication traitent sur les relations entre l’Amérique latine et l’Europe. En effet, depuis 1999, avec la célébration de sommets biannuels entre les chefs d’État des deux régions, de nombreux programmes de coopération ont été mis en œuvre. Néanmoins, la visibilité et l’impact des relations bilatérales sont moindres par rapport au rapprochement commercial et politique avec l’Asie et, pour certains pays comme le Mexique ou l’Amérique centrale, avec les États-Unis. Finalement, le chapitre s’interroge sur la capacité de l’Europe à profiter des liens diplomatiques, culturels et économiques existants avec ce partenaire incontournable dans les années à venir. Pour conclure, les Enjeux du développement en Amérique latine est le premier ouvrage de l’AFD dédié à la région et sera disponible en version électronique au cours du mois de mars. Les connaissances tirées des articles des experts seront surement de grande utilité pour construire une stratégie d’intervention régionale adaptée aux particularités locales.

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Entreprise

Le Chili, une opportunité pour les entreprises françaises

Par Louis des Cars, CEO Coface Chili, Président des CCEF du Chili (Ecofi 85) [email protected]

L’Amérique Latine est devenue une zone très attractive en termes d’investissements et le Chili, représente une très bonne opportunité, notamment en tant que plateforme régionale. L’année 2011 devrait se caractériser au Chili, par une croissance soutenue, comme en 2010 avec une croissance de 6%.

Louis des Cars

Le Chili, est le meilleur risque pays de la région.

Le pays dispose d’une gestion macro économique exemplaire, qui lui permet de résister aux chocs externes, comme cela a été le cas durant la crise financière 2008-2009. Au regard de la notation risque pays Coface, le Chili se situe en A2, à savoir qu’il constitue un meilleur risque que de nombreux pays européens,

comme l’Angleterre ou l’Espagne par exemple. Aujourd’hui, le Chili est un pays solide qui dispose en particulier, d’un fonds souverain richement doté, provenant des recettes du cuivre. Cette solidité permet au Chili de mettre en place des mesures contra cycliques pour relancer l’économie en cas de besoin, comme cela a été le cas en 2008/2009, avec un plan de relance de près de 4 milliards de dollars. Contrairement aux pays européens, un pays comme le Chili qui fait partie de l’Ocde, dispose de marges de manœuvre importantes pour accélérer son développement. Le sauvetage des mineurs a montré au monde, que ce pays était bien géré et efficace dans la gestion et cet évènement, ce qui a permis d’améliorer considérablement son image pays. Sur le plan du chômage, celui-ci a fortement baissé et se situe à 6,8%, ce qui témoigne du dynamisme, en dépit d’avoir été touché en février 2010 par le cinquième plus puissant tremblement de terre dans l’histoire mondiale. Le Système financier Chilien est un des plus solides du monde et cette solidité tranche avec la crise qui a durement touché de nombreux pays développés. Un des éléments essentiels dans le développement d’un pays est la qualité de son marché financier et des Institutions financières qui y opèrent. Les banques opérant dans ce marché sont considérées comme les plus

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performantes d’Amérique Latine. Le système financier est sain, performant et très compétitif. Le Chili est un des pays les mieux placés pour constituer un pays plateforme pour les multinationales. Le Chili est le Singapour de la région. C’est le pays qui a signé le plus d´accords de libre échange dans le monde. 57 TLC on été signés avec l’Union Européenne, les Usa mais aussi la Chine, le Japon…Cela permet au Chili de constituer une plate forme commerciale idéale entre l’Amérique Latine et l’Asie, et représente une porte d’entrée privilégiée sur les USA. Par ailleurs, étant le meilleur risque pays de la région, avec des règles juridiques claires et un solide système financier, de nombreux groupes, ont choisi le Chili comme siège régional comme la compagnie d’assurance Cardif ou Sodexho. OPA des entreprises chiliennes sur l’Amérique Latine. Au cours de l’année 2010, on a assisté à une forte expansion des entreprises chiliennes, en particulier, en Amérique Latine. Ainsi à titre d’exemple, Lan a fusionné avec la compagnie aérienne Tam, en contrôlant 70% des droits de vote, et s’est convertie en la seconde capitalisation boursière mondiale, des compagnies privées, dans le secteur aérien. Pour donner une idée, Lan pèse quatre fois plus en bourse que des compagnies comme Air France ou Lufthansa, en raison d’un niveau de rentabilité bien supérieur. Dans le secteur de la grande distribution, il existe un fort développement des groupes chiliens comme Cencosud (second acteur en Amérique Latine) Falabella ou Ripley qui sont de classe internationale, au Brésil, Pérou, Colombie ou Mexique. Dans le domaine de la banque d’investissement, des entreprises comme Celfin ou Larrain Vial sont en train de se développer très fortement au Pérou et en Colombie, profitant de la future intégration régionale des marchés financiers de ces pays, avec le Chili. Nous pourrions multiplier les exemples qui sont légions. Le grand avantage du Chili, est de pouvoir s’appuyer sur un

marché financier très sain et puissant, grâce aux fonds de pension, ce qui permet aux groupes de pouvoir financer relativement facilement des acquisitions, via des augmentations de capital en bourse ou des émissions obligataires avec des spread très compétitifs. Le Chili a été la première destination des investisseurs étrangers en 2010, en Amérique Latine, pour 40 milliards de dollars et se place devant le Brésil. La grande majorité de ces investissements ont été destinés au secteur du cuivre qui est en plein boom avec l’explosion de son cours sur la place de Londres. Progressivement, se dessine une intégration régionale du Chili, du Pérou et de la Colombie qui représentent à eux trois un marché de 200 millions d’habitants, soit 35% du Pib de la région. Il existe de nombreuses opportunités d’investissement. Le Chili offre de nombreuses opportunités. A titre d’exemple, la présence française est très faible dans le secteur financier. Ainsi, Il existe des opportunités pour les groupes d’assurance français, notamment dans l’assurance vie qui va enregistrer un ROE moyen estimé de 20% en 2010, avec une hausse des bénéfices nets de 45,4%. Le secteur de l’assurance a enregistré en 2010, une croissance des primes de 16,9%. Il existe de nombreux secteurs porteurs comme le private equity, la banque d’investissement, le private banking, le crédit à la consommation, les infrastructures, l’énergie, le transport, l’agroalimentaire, l’environnement, l’hôtellerie, le secteur minier et les produits de grande consommation. Pour réussir en Amérique Latine, il faut bien maitriser les éléments suivants : réseaux, aspects culturels et pratiques dans les affaires. Les multinationales ne prennent pas toujours au sérieux, ces éléments qui sont fondamentaux. En conséquence, il est capital pour les entreprises de pouvoir se développer en s’appuyant, sur des collaborateurs qui maitrisent tous ces éléments locaux, ainsi que les aspects culturels de la maison mère. La

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qualité des collaborateurs est un facteur, qui fait la différence entre le succès et l’échec. Il existe de nombreux exemples d’échecs de groupes qui ont simplement choisi des collaborateurs, qui n’ont jamais compris la façon de faire des affaires en Amérique Latine. Le secteur exportateur chilien souffre de la forte appréciation du peso contre le dollar et l’euro. La forte hausse des cours du cuivre se traduit par une rentrée massive de dollars qui additionné, au montant très important des investissements étrangers, ont fortement apprécié le peso chilien. Cette hausse a pour conséquence de réduire considérablement, la compétitivité des exportations chiliennes, qui obligent les sociétés à améliorer leur productivité pour rester rentable. Pour cette

raison la banque centrale a mis en place un programme de Usd 12 milliards en 2011, pour défendre sa monnaie contre son appréciation trop rapide. En conclusion, le Chili a montré sa forte capacité de résistance à la crise et au tremblement de terre et se trouve très bien positionné pour maintenir son fort taux de croissance comme en 2010, avec un niveau de croissance en 2011, de 6%. Cette crise a encore démontré le principal atout du Chili dans cette région qui est la solidité de sa macroéconomie, qui en fait le pays le plus stable de la région et donc, un pays intéressant en termes d’investissement. Le Chili est passé à une nouvelle étape dans son développement et il ne faudrait pas que les investisseurs français perdent cette opportunité une nouvelle fois.

Une PME française à la conquête du « nouveau monde »

Par Marie-Laure Charles, directeur commercial de ECA Brésil [email protected]

Le groupe ECA (www.ecagroup.com) est né en 1936 à Saint Tropez, et a bien grandi depuis sa création … En effet, en 2011, ce groupe, spécialisé en robotique et en simulation, dont le siège social est resté sur la Côte d’Azur mais a déménagé à Toulon-La Garde, compte 640 employés. Cette PME a grossi par croissance externe, notamment ces cinq dernières années, en rachetant des petites entreprises, de 15 à 30 employés en moyenne, ayant chacune sa spécificité et réparties sur tout le territoire français… et hors de l’hexagone. Ainsi, sur la carte de France, du Sud au Nord, on trouve le siège et la plus grosse entité du groupe, leader mondial en

robots sous-marins anti-mines, puis un autre spécialiste de robots sous-marins, mais pour le secteur pétrolier et l’assainissement de l’eau, à Montpellier. Deux filiales se trouvent à Toulouse, spécialisées, comme il se doit, dans l’aéronautique. L’une fait des « structures de montage » (ou « moules », en langage courant) d’avions et travaille en étroite collaboration avec son voisin Airbus, l’autre fait de l’avionique, des outillages et des bancs d’essais pour avions et hélicoptères. En région parisienne, le spécialiste en robots terrestres (pour le déminage et le NBC- Nucléaire, Biologique et Chimique) se trouve à Saclay.

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Plus à l’Ouest, on trouve une usine de convertisseurs d’énergie et de système de pilotage pour bateaux et sous-marins (ce dernier est hérité d’Alsthom Marine), dans la banlieue de Nantes. Puis à Lannion, en Bretagne, l’un des leaders mondiaux en simulation avec ses simulateurs de motos, voitures, camions, bus et … avions ! Hors de l’hexagone, on peut trouver l’un des leaders mondiaux en simulateur de bateaux, civils et militaires, et de sous-marins, basé à Gênes, en Italie. Ses simulateurs, qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à de vraies passerelles de bateaux, forment les officiers mariniers de plusieurs pays, dont la France : un simulateur ayant été installé à l’Ecole Navale, dans la rade de Brest, l’été dernier, en 2010. ECA a également deux filiales aux Etats Unis, l’une dans la simulation d’avion, l’autre dans l’imagerie marine, avec des logiciels d’analyse des fonds marins. Avec toute cette palette de produits, ECA ne pouvait pas ne pas être présent sur le marché latino-américain … d’où l’idée d’ouvrir une filiale en Amérique latine, idée convertie en réalité mi 2010, avec la création d’ECA América latina Ltda, basée à Rio de Janeiro. Pourquoi le Brésil ? Tout simplement parce que c’est LE pays en pleine expansion qui a, et aura, le plus de besoins dans les domaines pétrolier et militaire, et qui exige, par ses appels d’offres, une part locale (ou « local content ») prépondérante, souvent de 60 ou 70 % du montant du contrat. Pour vendre au Brésil, il faut être Brésilien … ou avoir des partenaires et sous-traitants brésiliens, qu’il faut savoir bien maitriser ! Ceci n’étant pas une mince affaire, il faut être sur place pour tout vérifier, une fois avoir formé les ingénieurs et techniciens qui s’occuperont de la production et de l’assemblage des produits et systèmes.

Contrairement aux clichés de vacances, où le Brésil semble paradisiaque, y travailler est autre chose : c’est un pays très compliqué et lent, d’une lourdeur administrative à en faire renoncer plus d’un ! Il faut être vigilant en permanence : les arnaques, les non apparitions aux rendez-vous (avec aucune excuse a posteriori) et les promesses non accomplies étant monnaie courante ! Pour y monter une société il faut : avoir de l’argent pour le capital social puis pour toutes les dépenses obligatoires, diverses et variées ; bien s’entourer : d’un cabinet d’avocats, de fiscalistes et d’un cabinet comptable. Ces trois corps de métier doivent être sérieux et doivent pouvoir travailler ensemble et, surtout, au départ, avoir été hautement recommandés ! Dans les autres pays du Cône sud, l’Argentine et le Chili se taillent la part du lion pour la prospection, étant très européens, donc plus proches de nos mentalités ; le Chili étant doté, en plus, d’une organisation allemande, dans le bon sens du terme : honnête, travailleuse et sérieuse, basée sur une éducation d’un très bon niveau. Pour le Groupe ECA, investir en Amérique latine représente à moyen et long terme un potentiel de vente non négligeable, surtout dans les domaines robotiques off shore et dans les simulateurs de bateau : pour la pêche, les pétroliers et les marins militaires. Voici quelques illustrations de robots déjà vendus ou en cours d’analyse par Petrobras, le géant pétrolier brésilien : le Roving Bat sert à inspecter et à nettoyer les coques des bateaux, quant à Alistar 3000, ce « yellow submarine » va jusqu’à 3000 mètres de profondeur pour inspecter les fonds marins. Comme ce sont des robots, ils sont télécommandés et n’ont donc personne à bord mais sont remplis d’électronique de pointe.

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Politique

Le syndrome du 30-S

Guillaume Fontaine 1 (D 09)

(HDR 2009) FLACSO Équateur/Laboratoire de recherche sur la gouvernance [email protected]

Introduction

Quatre ans après avoir assumé la direction de l´exécutif en Equateur, Rafael Correa est toujours très populaire. Le conflit qui l´a opposé à une partie de la Police Nationale, en septembre 2010, semble même avoir resserré les rangs des partisans et sympathisants du mouvement Alliance pour une Patrie Altière Et Souveraine (PAIS, pour ses sigles en espagnol), qu´il a créé en 2005 et qui contrôle près de la moitié des sièges à l´Assemblée Nationale. Cette popularité ne repose pourtant pas sur les résultats économiques de la «révolution citoyenne», ni sur une amélioration notable des indicateur sociaux. À moyen terme, elle risque d´exacerber la tension croissante entre les sources de légitimité du gouvernement, en particulier les processus participatifs et le nationalisme volontariste (1) et la pratique de l´hyper-présidentialisme qui limite la responsabilité du gouvernement dans l´effectivité des politiques sectorielles (2).

1 Texte présenté lors de la table ronde sur

«Quatre ans du gouvernement de Rafael Correa en Equateur: un premier bilan» organisée le 14 février 2011 par l´OPALC et l´IHEAL, avec la participation de Guillaume Long, conseiller du Secrétaire National de la Planification et du Développement, René Ramirez.

1. Les fondements du pouvoir

Une légitimité reposant sur des processus participatifs

L´exceptionnelle légitimité dont jouit le Président Correa repose avant tout sur le soutien électoral qui l´a porté au pouvoir et a, depuis, été renouvelé systématiquement. Élu au second tour des présidentielles de 2006 avec près de 57% des suffrages, Rafael Correa a été réélu au premier tour de celles de 2009 avec 52%. C´est une première, dans ce pays qui est revenu à la démocratie en 1979. En 2007, 67% des électeurs ont appuyé son programme lors d´une consultation nationale sur l´opportunité de convoquer une Assemblée nationale constituante ; le mouvement PAIS a ensuite gagné 70% des sièges de cette Assemblée. En 2008, la nouvelle Constitution politique a été approuvée par 64% des électeurs lors d´un référendum. Finalement, en 2009 le mouvement PAIS a gagné 46% des 124 sièges de l´Assemblée nationale, donnant au Président de la République une majorité relative jamais atteinte par ses prédécesseurs.

Dès le début de son premier mandat, Rafael Correa a adopté un style de gouvernement visant à conforter cette relation directe avec le «peuple» équatorien, ce qui lui vaut le qualificatif péjoratif de «populiste» de la part de ses détracteurs, y compris d´une partie de l´académie. Chaque samedi il se

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réunit avec une partie de son cabinet politique dans une commune différente. Il y règle les affaires courantes et dialogue en direct avec la population locale. Ces réunions publiques sont retransmises par la radio et la télévision nationale et des extraits en sont ensuite reproduits et commentés dans les autres médias durant la semaine.

Cette relation directe entre le chef de l´exécutif et l´électorat a pour corolaire le conflit permanent avec les partis traditionnels et les journalistes qui sont souvent accusés d´être à la solde des élites nationales. La mise en scène qui la caractérise a tendance à simplifier les problèmes et à donner au Président le meilleur rôle, mettant en valeur son pouvoir charismatique tout en ridiculisant ses adversaires politiques. D´aucuns ont beau jeu de souligner que ce style manichéen, voire démagogique, est la principale clé du succès du mouvement PAIS. Cependant, un tel succès est aussi dû à l´existence d´un appareil bureaucratique nationaliste et centralisateur.

Un nationalisme volontariste

Dès la campagne de 2006, le projet politique de Rafael Correa se réclamait d´un nationalisme volontariste s´appuyant sur la planification quinquennale, pour redonner à l´État un rôle central dans l´économie du pays. Ce projet a donné lieu à la création du Secrétariat National de la Planification et du Développement (SENPLADES), héritier du Conseil National du Développement et du Conseil National de Modernisation et organe exécutant du Plan National de Développement.

La planification pluri-annuelle équatorienne n´est certes pas de type productiviste, à l´instar des plans quinquennaux dictés autrefois par le Gosplan en URSS. Elle n´a pas pour objet de fixer des volumes de production ni d´organiser la division du travail pour atteindre des objectifs définis par le parti au pouvoir. Le document organique de plusieurs centaines de pages qui résume les directives du SENPLADES a d´ailleurs été révisé en 2009, pour s´ajuster aux

principes de «sumak kawsay» (traduction quichua de «bien vivre») proclamés par la Constitution. Toutefois, le Plan National de Développement est devenu un instrument de politique publique dirigiste, dont l´autorité est sanctionnée par plusieurs articles de la Constitution et au nom duquel le Président de la République peut même dissoudre l´Assemblée nationale. Dans son ensemble, ce document s´inspire clairement de la théorie de la dépendance et des politiques de développement auto-centré, diffusées dans les années 1950-1960 par Raul Prebisch puis par la Commission Économique des Nations Unies pour l´Amérique Latine (CEPAL).

Pour se faire une idée de la complexité du dispositif de planification en vigueur en Équateur, il suffit de lire l´organigramme du SENPLADES. Actuellement, il se compose de quatre unités de coordination (insertion stratégique nationale, planification institutionnelle, participation citoyenne et interculturalité et conseil juridique), deux unités de direction (communication et représentation aux directoires et entreprises publiques) et deux sous-secrétariats généraux (planification pour le «bien vivre» et démocratisation de l´État). Ces derniers s´appuient à leur tour sur cinq sous-secrétariats (information, planification nationale, territoriale et politiques publiques, investissement public, suivi et évaluation, changement institutionnel et décentralisation) et des sous-secrétariats de zones administratives.

En fait, plus qu´une agence technique au service du chef de l´exécutif, le SENPLADES s´est littéralement imposé comme un «super-ministère», dont les compétences et la responsabilité se situent au sommet de l´organigramme fonctionnel du gouvernement (au-dessus des ministères et autres secrétariats d´État). Il a joué un rôle notoire dans les débats de la Constituante, coordonnant la levée de l´information, facilitant les travaux des commissions parlementaires, organisant les débats et in fine participant à la rédaction des 444 articles de la Constitution, dont les deux tiers ont été adoptés entre juin et septembre 2008 (après plusieurs mois de discussions sur

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le premier tiers des articles). Il a également joué un rôle actif dans l´élaboration, la mise en oeuvre et l´évaluation de politiques sectorielles. Enfin, le SENPLADES a joué un rôle clé dans la réforme institutionnelle mise en oeuvre depuis 2007, réorganisant les ministères, créant des secrétariats d´État et des organes de contrôle, multipliant les commissions techniques et les systèmes d´information pour donner corps à la planification.

On peut donc constater que la popularité du Président de la République s´appuie à la fois sur une relation personnelle avec la population équatorienne et sur un appareil administratif aux pouvoirs et aux compétences renouvelées. Néanmoins, cette complémentarité n´exclue pas une certaine tension entre les fondements de la légitimité du mouvement PAIS et l´exercice du pouvoir par son chef charismatique, comme on le verra dans la section suivante.

2. Les tensions du pouvoir

L´hyper-présidentialisme

Nous avons indiqué que le Président Correa jouissait, depuis 2009, d´une majorité relative sans précédent à l´Assemblée nationale. Cette cohésion idéologique entre le pouvoir exécutif et le législatif devrait constituer un facteur de consensus et tempérer l´orientation présidentialiste qui caractérise traditionnellement le régime politique équatorien. Cette hypothèse est d´ailleurs étayée par le fait que la Constitution de 2008 a consacré ce que l´on appelle la «mort croisée», c´est-à-dire la responsabilité mutuelle entre les deux pouvoirs. Or il n´en est rien. En fait les débats parlementaires montrent que la majorité présidentielle est loin d´être unie, même si en dernier ressort les députés de PAIS se rangent toujours derrière leur chef.

Sur une trentaine de lois adoptées entre mai 2009 et septembre 2010, la moitié ont fait l´objet d´une objection partielle du Président.

Cette figure introduite elle aussi par la nouvelle Constitution reprend l´esprit de ce qui était connu de longue date comme les «décrets d´urgence économique» et en élargit le champ d´application. Le chef de l´exécutif peut ainsi imposer au législateur une version amendé d´un projet de loi pourtant adopté en deuxième débat. Pour s´y opposer, l´Assemblée a alors 30 jours et doit rassembler une majorité des deux tiers, ce qui est en l´occurrence pratiquement impossible.

Une autre expression de cet hyper-présidentialisme se trouve dans les relations entre le Président et les ministres de son gouvernement. Tout se passe comme si le rôle prépondérant du premier dans certains domaines - comme la justice, la politique étrangère, la politique pétrolière ou la politique économique - reléguait les ministres intéressés au rang de conseillers du prince. Dans d´autres domaines, moins stratégiques ou plus techniques en ce sens qu´ils requièrent plus d´information et d´analyse - comme l´éducation, l´environnement ou l´économie - les ministres concernés sont supervisés par le SENPLADES. Dans un cas comme dans l´autre, le gouvernement est privé de toute marge de responsabilité dans la formulation et l´exécution de la politique qu´il a pourtant en charge. Faute de premier ministre, tous sont tenus de répondre de leurs faits et actes devant le Président de la République et ses équipes de technocrates.

Cette omniprésence du chef de l´État s´est récemment étendue au pouvoir judiciaire. Ainsi, après une année 2010 sans élections, une nouvelle consultation populaire est prévue en avril 2011, portant sur une dizaine de questions, dont quatre visent à ratifier des mesures voulues par Rafael Correa mais qui impliquent une réforme de la Constitution. Il s´agit en premier lieu d´empêcher la caducité de la prison préventive en cas de délit mineur et de ratifier les mesures substitutives à la détention, instaurées par la réforme du Code Pénal. Il s´agit aussi de confier la réorganisation du système judiciaire à une commission technique en lieu et place du Conseil de la Magistrature et de modifier la composition de ce Conseil. D´autre part, le Président souhaite

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interdire aux groupes financiers privés d´être actionnaires de médias (et vice-versa).

Les autres questions, portant sur des problèmes de société, dénotent une orientation clairement plébiscitaire et un ton plus manichéen, voire démagogique. Il s´agit d´un côté de convertir en délit pénal tout enrichissement non-justifié et le travail clandestin. On veut aussi interdire le commerce des jeux de hasard et les spectacles ayant pour fin la mise à mort d´un animal (comme la corrida). Enfin, il est question de créer une instance de régulation des contenus des programmes médiatiques, contre des messages violents, sexuels ou discriminatoires.2

Les limites du centralisme bureaucratique et de l´hyper-présidentialisme

L´initiative de la consultation nationale est intervenue au lendemain du conflit entre le chef de l´exécutif et une partie de la Police Nationale, le 30 septembre 2010. Ce conflit a été déclenché par le vote d´une nouvelle loi sur le secteur public (suivant la modalité de l´objection présidentielle partielle) et la suppression de certains avantages sociaux dont bénéficiaient les policiers. Il a donné lieu à des affrontements violents entre policiers et partisans de PAIS faisant une dizaine de morts, tandis que le Président Correa était retenu dans l´enceinte d´un hôpital de la Police Nationale. Selon la version officielle, il s´agirait d´une tentative de coup d´État orchestrée par l´ex-Président Lucio Gutierrez, exilé au Brésil après avoir été déposé, en avril 2005. De fait plusieurs enquêtes sont toujours en cours pour déterminer les responsabilités au sein de la Police et du parti Société Patriotique de Lucio Gutierrez, qui nie évidemment toute responsabilité dans ces événements.

Ce qui est plus que probable, c´est que la mutinerie du 30 septembre marque les limites

2 Pour consulter les questions en espagnol, voir

le site du quotidien national El Comercio: http://www.elcomercio.com/consulta2011/

de l´hyper-présidentialisme, au-delà du malaise qui affecte certaines institutions du pouvoir judiciaire. Non seulement elle montre que le Président de la République n´est pas aussi bien informé qu´il le pensait sur les réactions que provoquent ses réformes au sein de l´État. Elle indique aussi que le gouvernement est traversé par des rivalités et des luttes de pouvoir, qui peuvent éclater au grand jour à l´occasion d´une crise (comme cela avait d´ailleurs eu lieu en mars 2008, lors de l´invasion du territoire équatorien par l´armée colombienne). Elle est en outre un indice du risque de polarisation qui accompagne le style de gouvernement et la personnalisation du pouvoir. Elle rappelle, enfin, que les débats parlementaires ont une fonction démocratisante difficilement remplaçable au sein de la société équatorienne, et marque ainsi un point de rupture dans la pratique de l´objection présidentielle.

Tout cela survient dans une conjoncture économique peu favorable au gouvernement, dont la politique peine à faire la différence avec les prédécesseurs, une fois passé la vague de réformes structurelles. D´une part, la planification centralisée ne s´est pas encore traduite par une amélioration des indicateurs macroéconomiques à l´échelle des réformes institutionnelles. La croissance économique continue de dépendre de l´évolution aléatoire des prix du pétrole, dont ce pays est exportateur net depuis près de 40 ans. Après une année de croissance nulle en 2009 (quand le PIB de la région latino-américaine connaissait une baisse de 1,3%), elle s´est située à 3,7% en 2010 (bien moins que les 6% de croissance régionale). L´inflation est supérieure à 3,3% (elle a même atteint 8,8% en 2008, suite à l´envolée des prix des combustibles) et le chômage officiel 7,4%.

D´autre part, les indicateurs sociaux demeurent relativement constants. Les taux de pauvreté (42%) et d´extrême pauvreté (18%) n´ont pas baissé depuis quatre ans et figurent encore parmi les plus élevés en Amérique latine. L´évolution de l´indice de développement humain du PNUD suit un cours parallèle à celle de l´Amérique latine, bien que l´Équateur soit passé du 89e au 77e rang

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mondial, avec un IDH de 0,695 en 2009. La réduction des inégalités n´est pas plus visible, puisque l´indice Gini de revenus se situe autour de 54,4 en 2010 (contre 53,6 en 1998), ce qui situe l´Équateur dans une position intermédiaire entre la Colombie (58,5) et le Pérou (50,5).

Enfin, la «révolution citoyenne» a un prix: le gonflement de la fonction publique et des dépenses de l´État. D´une part, le nombre de fonctionnaires a augmenté de 22,6% en 2009, soit plus qu´entre 2001 et 2008 (+21,8%). Ce nombre dépasse aujourd´hui 454.000 emplois, qui représentent 6,8% de la population active et se concentre pour l´essentiel dans le gouvernement central (88,4%). Cette forte augmentation s´explique surtout par l´embauche de milliers de fonctionnaires sous contrat à durée déterminée, qui représentent désormais 20%

de la fonction publique dans le gouvernement et 23% dans les collectivités territoriales.

D´autre part, le budget de l´État continue d´augmenter, entraîné par les dépenses d´investissements en infrastructures. En 2010, les dépenses publiques ont atteint 21,3 milliards de dollars (37,4% du PIB). Elles ont surtout augmenté au début du mandat de Rafael Correa, puisque, entre 2007 et 2008, la part des dépenses du gouvernement central dans le PIB a bondi de 18% à 27,3% et celle du secteur public non-financier de 27,4% à 40,6%. Ces dépenses sont pour l´essentiel financées par les revenus du pétrole exceptionnels de 2007 et 2008, mais aussi par la capacité croissante de lever l´impôt. En effet, les

recettes fiscales sont passées de 10,4% à 12,1% du PIB entre 2007 et 2008, puis à 13,9% en 2009, bien que l´apport de l´impôt sur le revenu ait augmenté plus lentement que l´ensemble (de 2,8% à 4,8% du PIB). En définitive, cela n´a pas empêché de poursuivre la réduction de la dette publique, passée de 27,7% à 17,4% du PIB entre 2007 et 2009.

Conclusion

Le nationalisme volontariste appelé des voeux du chef de l´État s´appuie donc sur un centralisme bureaucratique qui renoue avec les politiques de l´après-guerre, autant que sur le charisme et la relation personnelle de Rafael Correa avec les citoyens. Plutôt que de populisme, il semble donc opportun de parler de nationalisme étatique ou de néo-nationalisme pétrolier (tant il est vrai que le financement des réformes structurelles dépend de cette ressource stratégique).

Cela dit, la «révolution citoyenne» rencontre aujourd´hui ses limites dans la dérive vers l´hyper-présidentialisme et le décalage entre l´ampleur des réformes institutionnelles et les modestes résultats sociaux et économiques du pays. Enfin, en juger par la tonalité du questionnaire aux accents plébiscitaires qui sera soumis à consultation nationale en 2011, il est clair que cette nouvelle échéance électorale sera pour Rafael Correa un moyen de raffermir sa légitimité en tirant partie du syndrome du 30-S.

Brèves Alexandre Kateb (D 01) publie en mai « les nouvelles puissances mondiales : pourquoi les BRIC changent le monde » aux éditions Ellipse. Carlos Santiso (RI 1993) vient d’être nommé directeur de la division de la gouvernance publique et de la modernisation de l’état de la Banque inter-américaine de développement. Frantz Toussaint (DESS 00) est conseiller de la Ministre de la Culture et de la Communication d'Haiti. t de la Communication d'Haiti.