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Neurochirurgie de la douleur [17-700-B-10] - Doi : 10.1016/S0246-0378(15)62885-8 M. Sindou, MD, DSc, professeur en neurochirurgie a b , A. Brinzeu, MD, Sous presse. Épreuves corrigées par l'auteur. Disponible en ligne depuis le vendredi 19 juin 2015 Introduction La neurochirurgie de la douleur s'adresse aux douleurs chroniques, intolérables, ayant résisté aux traitements étiologiques des lésions causales, et rebelles aux thérapeutiques médicamenteuses. Par leur intensité et leur chronicité, ces douleurs entretiennent un véritable état de « douleur maladie », bien différent de la « douleur symptôme » qui constitue un signal d'alarme informant de la survenue d'un état pathologique. La neurochirurgie de la douleur s'inscrit comme une branche de la neurochirurgie fonctionnelle, dont la définition a été donnée en 1956 par Pierre Wertheimer dans son livre La Neurochirurgie fonctionnelle : « La neurochirurgie fonctionnelle est cette branche de la neurochirurgie qui vise à corriger les désordres fonctionnels qui ne peuvent être normalisés par la cure directe de la lésion responsable. Les opérations chirurgicales sont fondées sur les informations neurophysiologiques. Les procédures consistent en l'ablation des foyers irritatifs ou l'interruption des voies excitatrices. Dans le futur, de nouvelles procédures verront le jour, qui compenseront les systèmes de contrôle défaillants » [1 ]. Au cours des dernières décennies, les connaissances sur les mécanismes de la douleur chronique ont connu d'importantes avancées. Par voie de conséquence, les méthodes neurochirurgicales à visée antalgique et leurs indications se sont profondément modifiées, respectivement dans le sens d'une vaste multiplicité et d'une plus grande sélectivité. Les douleurs chroniques auxquelles le neurochirurgien est confronté sont bien différentes selon qu'il s'agisse de douleurs néoplasiques ou de douleurs non cancéreuses, en particulier neuropathiques. Les douleurs néoplasiques sont dues à l'envahissement des tissus par la lésion tumorale et son cortège de réactions inflammatoires, de transformations nécrotiques et de remaniements cicatriciels. Ainsi correspondent-elles le plus souvent à un « excès d'afférences nociceptives » et sont-elles le plus souvent contrôlées par les antalgiques classiques administrés par les voies orales ou parentérales. Dans les cas de douleurs très localisées, la réalisation de blocs anesthésiques locaux ou périduraux peut être la solution. Pour les douleurs plus étendues, la morphinothérapie intrathécale, qui vise à introduire l'opiacé au contact même de la moelle épinière, peut être utile. Dans certains cas étroitement sélectionnés, le recours à la neurochirurgie peut s'avérer bénéfique. Par ailleurs, les douleurs d'origine cancéreuse peuvent s'accompagner de réactions algodystrophiques ou de lésions des structures nerveuses de voisinage, c'est-à-dire pour ces dernières correspondre à des douleurs neuropathiques. La prise en charge thérapeutique doit tenir compte de ces divers mécanismes et recourir à leurs traitements spécifiques.

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Neurochirurgie de la douleur [17-700-B-10] - Doi : 10.1016/S0246-0378(15)62885-8

• M. Sindou, MD, DSc, professeur en neurochirurgie a b , A. Brinzeu, MD,

Sous presse. Épreuves corrigées par l'auteur. Disponible en ligne depuis le vendredi 19 juin 2015

Introduction La neurochirurgie de la douleur s'adresse aux douleurs chroniques, intolérables, ayant résisté aux traitements étiologiques des lésions causales, et rebelles aux thérapeutiques médicamenteuses. Par leur intensité et leur chronicité, ces douleurs entretiennent un véritable état de « douleur maladie », bien différent de la « douleur symptôme » qui constitue un signal d'alarme informant de la survenue d'un état pathologique.

La neurochirurgie de la douleur s'inscrit comme une branche de la neurochirurgie fonctionnelle, dont la définition a été donnée en 1956 par Pierre Wertheimer dans son livre La Neurochirurgie fonctionnelle : « La neurochirurgie fonctionnelle est cette branche de la neurochirurgie qui vise à corriger les désordres fonctionnels qui ne peuvent être normalisés par la cure directe de la lésion responsable. Les opérations chirurgicales sont fondées sur les informations neurophysiologiques. Les procédures consistent en l'ablation des foyers irritatifs ou l'interruption des voies excitatrices. Dans le futur, de nouvelles procédures verront le jour, qui compenseront les systèmes de contrôle défaillants » [1].

Au cours des dernières décennies, les connaissances sur les mécanismes de la douleur chronique ont connu d'importantes avancées. Par voie de conséquence, les méthodes neurochirurgicales à visée antalgique et leurs indications se sont profondément modifiées, respectivement dans le sens d'une vaste multiplicité et d'une plus grande sélectivité.

Les douleurs chroniques auxquelles le neurochirurgien est confronté sont bien différentes selon qu'il s'agisse de douleurs néoplasiques ou de douleurs non cancéreuses, en particulier neuropathiques.

Les douleurs néoplasiques sont dues à l'envahissement des tissus par la lésion tumorale et son cortège de réactions inflammatoires, de transformations nécrotiques et de remaniements cicatriciels. Ainsi correspondent-elles le plus souvent à un « excès d'afférences nociceptives » et sont-elles le plus souvent contrôlées par les antalgiques classiques administrés par les voies orales ou parentérales. Dans les cas de douleurs très localisées, la réalisation de blocs anesthésiques locaux ou périduraux peut être la solution. Pour les douleurs plus étendues, la morphinothérapie intrathécale, qui vise à introduire l'opiacé au contact même de la moelle épinière, peut être utile. Dans certains cas étroitement sélectionnés, le recours à la neurochirurgie peut s'avérer bénéfique. Par ailleurs, les douleurs d'origine cancéreuse peuvent s'accompagner de réactions algodystrophiques ou de lésions des structures nerveuses de voisinage, c'est-à-dire pour ces dernières correspondre à des douleurs neuropathiques. La prise en charge thérapeutique doit tenir compte de ces divers mécanismes et recourir à leurs traitements spécifiques.

La douleur neuropathique est selon la définition de l'International Association for the Study of Pain (IASP) « une douleur liée à une lésion et/ou un dysfonctionnement du système nerveux périphérique ou central intéressant principalement le système somatosensoriel » [2]. Deux décennies auparavant, elle avait déjà été définie par les neurochirurgiens Gybels et Sweet comme « une douleur associée à une atteinte du tissu nerveux périphérique ou central » [3]. Les douleurs neuropathiques se compliquent souvent d'algodystrophie réflexe (syndrome douloureux régional complexe [SDRC]). Les méthodes conservatrices de neurostimulation sont les plus récemment apparues dans l'arsenal thérapeutique ; elles ont acquis une place importante dans le traitement des douleurs d'origine neuropathique. Elles visent à renforcer le fonctionnement des systèmes inhibiteurs. Quelle que soit la technique utilisée, neurostimulation des nerfs périphériques, des cordons postérieurs de la moelle, du thalamus ou du cortex cérébral, la méthode ne peut être efficace que si les structures cibles ne sont pas anatomiquement détruites. Les techniques d'interruption des voies de la douleur, en devenant plus sélectives, ont gardé droit de cité pour le traitement de certaines douleurs neuropathiques topographiquement limitées. La pharmacothérapie intrathécale se développe, certes lentement, mais de façon prometteuse.

Cette mise au point est un essai de synthèse des données de la littérature, ainsi que de l'expérience des auteurs sur plusieurs milliers de cas. Bien entendu, il ne s'agit que d'un « instantané » sur l'état actuel de la thérapeutique neurochirurgicale de la douleur.

Évolution des concepts L'idée d'interrompre les voies de la sensibilité en cas de douleurs intolérables date de fort longtemps. C'est ainsi qu'en 1598 Ambroise Paré songea à traiter chez le roi Charles IX une plaie douloureuse du membre supérieur par application locale d'huile bouillante de façon à détruire les nerfs sensitifs de la région. Heureusement, le roi guérit avant que la thérapeutique ne fût mise à exécution ! En réalité, les premières véritables tentatives de traitement de la douleur sont celles de Abbe [4] et de Bennett [5] qui réalisèrent indépendamment les premières radicotomies postérieures en 1889, 67 ans après que Magendie ait établi que les afférences sensitives pénétraient dans la moelle par les racines postérieures. Peu de temps après survinrent les premiers essais de traitement de la névralgie faciale essentielle par Horsley et Frazier qui firent, respectivement en 1891 et 1904, les premières ganglionectomies et neurotomies rétrogassériennes du trijumeau. Puis, imaginée séparément par Schuller et Spiller et réalisée en 1912 par Martin, se généralisa la cordotomie spinothalamique, apport important au traitement de la douleur du fait de sa sélectivité sur les voies nociceptives et de la grande étendue de la zone qu'elle couvre. C'est seulement vers 1940 que naquit le concept de « chirurgie de la douleur » sous l'impulsion de Leriche qui consacra une grande partie de son œuvre à cette discipline, y introduisant largement l'usage de la sympathectomie, et avec Wertheimer celui de la myélotomie commissurale postérieure [1, 6]. Puis, pas à pas, une série d'auteurs s'appuyant sur les découvertes anatomiques et neurophysiologiques concernant les voies et les mécanismes de la douleur ou partant de constatations purement empiriques ajoutèrent à l'édifice de nouvelles techniques d'interruption des voies nociceptives, aussi bien au niveau du système nerveux périphérique que central.

Plus récemment, l'accent fut mis sur l'importance des structures inhibitrices contrôlant les voies nociceptives. C'est ainsi que Melzach et Wall démontrèrent en 1965 l'existence au niveau de la corne postérieure de la moelle de mécanismes de contrôle de l'entrée des afférences nociceptives. Ces mécanismes de contrôle sont au moins en partie sous la dépendance des fibres radiculaires de gros calibre Aβ à destinée cordonale postérieure puis

lemniscale. Ces fibres - grâce aux collatérales qu'elles envoient sur les neurones d'origine du faisceau spino-réticulo-thalamique (SRT) (découvertes en 1909 par Ramon y Cajal) - inactivent les voies nociceptives à destination extralemniscale : il s'agit de la gate control theory [7]. Ces travaux aboutirent à l'avènement des méthodes d'électroanalgésie par stimulation des voies afférentes primaires inhibitrices, soit au niveau des nerfs périphériques (Wall et Sweet [8]), soit au niveau des cordons postérieurs [9]. Parallèlement, Mazars [10, 11], se fondant sur les conceptions de Head et Holmes [12] selon lesquelles les voies de la sensibilité lemniscale (c'est-à-dire épicritique et proprioceptive) contrôleraient l'activité des voies de la sensibilité extralemniscale (c'est-à-dire douloureuse) au niveau thalamique, mit au point la méthode de stimulation thalamique intermittente antalgique par implantation d'électrodes au niveau du noyau ventro-postéro-latéral (VPL), relais des voies somesthésiques lemniscales et véritable « filtre » des afférences douloureuses. Plus récemment vit le jour la technique de stimulation du cortex cérébral moteur (c'est-à-dire précentral) à visée antalgique. Cette technique fut introduite par Tsubokawa en 1991 [13] après la constatation empirique que la stimulation du cortex, en avant du sillon central de Rolando, avait des effets antalgiques. Le mécanisme d'action est encore loin d'être complétement élucidé.

L'importance des systèmes de contrôle inhibiteur sur les mécanismes de la douleur est étayée par les travaux sur la désafférentation sensitive de Loeser et Ward [14] et de l'école lyonnaise [15]. Ces travaux ont prouvé que l'interruption des afférences sensitives par section des racines postérieures entraîne, au niveau central, en l'occurrence au niveau de la corne postérieure, une augmentation de fréquence des potentiels d'action des neurones s'y trouvant. Cette « hyperactivité de désafférentation », susceptible d'être réduite par des drogues anticonvulsivantes telles que son chef de file, la carbamazépine, pourrait expliquer un certain nombre de douleurs survenant après lésion des voies sensitives. Lorsqu'une interruption des « voies de la douleur » est envisagée, le risque d'augmenter la désafférentation doit inciter à faire appel à des interventions d'interruption aussi sélectives que possible. C'est de cette préoccupation que procèdent des interventions telles que, pour le trijumeau, les radicotomies sélectives juxtaprotubérantielles ou pour la zone d'entrée des racines spinales dorsales dans la moelle, la DREZotomie (DREZ : dorsal root entry zone) [16].

À partir des études sur les mécanismes neurochimiques intervenant dans le contrôle de la douleur s'est dégagée la possibilité d'intervenir directement sur les cibles neurochimiques. C'est ainsi qu'en 1974, Richardson et Akil effectuèrent des stimulations de la substance grise périaqueducale (SGPA) et périventriculaire (SGPV) [17], dans le but d'augmenter la sécrétion des systèmes endomorphiniques et sérotoninergiques. Puis, sous l'impulsion de Yasksh [18] et Lazorthes [19], se développèrent les méthodes de morphinothérapie intrathécale, en particulier au niveau lombaire. Ces travaux ont ouvert la voie du concept de la neurochirurgie pharmacologique intrathécale.

La tendance actuelle de la neurochirurgie de la douleur est à différencier les méthodes neurochirurgicales, en interventions interrompant les voies de la nociception et en interventions renforçant les mécanismes de contrôle inhibiteur, ces dernières entrant dans le cadre de la « neuromodulation ». Le clinicien doit donc s'efforcer de comprendre quels sont les niveaux d'origine et les mécanismes des douleurs auxquelles il est confronté. S'agit-il de douleurs par excès d'afférences nociceptives ou de douleurs par défaut du contrôle inhibiteur, ou des deux à la fois, ce qui est fréquent. Le succès de la chirurgie antalgique dépend de cette reconnaissance anatomique et physiologique.

Mécanismes anatomophysiologiques des douleurs chroniques Les bases anatomophysiologiques sont nécessaires à la compréhension des mécanismes de la douleur et au rationale des différentes méthodes antalgiques.

Si l'on écarte les douleurs psychogènes qui résultent fréquemment d'une sommation entre une « épine irritative » organique, souvent peu grave, et de phénomènes d'amplification psychologique, les douleurs chroniques comportent - principalement et de façon schématique - les douleurs par excès d'afférences nociceptives et les douleurs neuropathiques.

Douleurs nociceptives

À côté de l'excès d'afférences nociceptives dans les fibres C, liées à l'intensité des stimuli algogènes, il existe un certain nombre de phénomènes « satellites » contribuant à augmenter le mécanisme nociceptif.

L'hyperalgésie périphérique correspond à une augmentation des décharges des nocicepteurs par amplification de leurs réponses aux stimuli douloureux à la suite d'un abaissement de leur seuil de déclenchement. Il s'établit un cercle vicieux neurochimique périphérique qui provoque une libération accrue de médiateurs avec leurs effets excitateurs et sensibilisateurs sur les nocicepteurs.

Le réflexe de dendrite, dit « d'axone », est déclenché par la stimulation répétée des fibres afférentes primaires nociceptives. Il induit de façon rétrograde une inflammation neurogène périphérique due aux substances sécrétées en périphérie par les fibres nerveuses nociceptives : substance P (SP), calcitonine gene-related peptide (CGRP), etc. Ces substances renforcent le cercle vicieux périphérique.

Le système nerveux sympathique peut participer à l'entretien de certains types de douleurs par le biais de la sécrétion de noradrénaline. La stimulation répétée des fibres afférentes primaires nociceptives provoque à leur niveau une augmentation des récepteurs à la noradrénaline, ce qui les rend plus sensibles à cette dernière. Deux entités ont été décrites pour lesquelles le système nerveux sympathique joue un rôle physiopathologique : le SDRC de type I et de type II. Le type I correspond à l'algodystrophie et le type II à la causalgie. La douleur y est principalement à type de brûlure, s'accompagne de troubles vasomoteurs ainsi que de sudation et de troubles trophiques.

La contracture motrice réflexe à la douleur aggrave les phénomènes douloureux. L'arc réflexe se fait entre les collatérales des fibres afférentes primaires nociceptives et la corne ventrale de la moelle.

Une hyperalgésie centrale peut également s'associer à l'excès d'influx nociceptifs périphériques, par augmentation de la décharge des neurones convergents spinaux, abaissement de leur seuil de réponse et élargissement de leurs champs récepteurs. Ces phénomènes sont dus à des cercles vicieux neurochimiques de la corne dorsale faisant intervenir les récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). De même, l'augmentation

postsynaptique d'ions calcium aboutit à des changements géniques, créant ainsi une sensibilisation durable des neurones convergents.

Douleurs neuropathiques

Ces douleurs sont consécutives à une lésion du système nerveux sensoriel, soit périphérique, soit central. Plusieurs mécanismes physiopathologiques ont été incriminés.

Les décharges ectopiques sont des influx nerveux qui prennent naissance au niveau des fibres nerveuses lésées, par prolifération anormale des canaux ioniques, rendant ainsi la dépolarisation de ces neurones plus facile et même spontanée sans stimulus périphérique. Ces décharges ectopiques sont l'origine prépondérante des douleurs névromateuses.

La prolifération anormale des récepteurs adrénergiques (type α1) au niveau des fibres afférentes primaires nociceptives rend ces fibres plus sensibles à la noradrénaline, expliquant les douleurs médiées par le système sympathique.

L'atteinte des grosses fibres myélinisées Aβ, qui normalement ferment la « porte » au niveau de la corne dorsale (gate control), aboutit à une « porte » ouverte qui facilite la transmission nociceptive, expliquant ainsi certains types de douleurs neuropathiques considérées comme de désafférentation sensitive. Des enregistrements par microélectrodes des cellules de la corne dorsale de la moelle, faits chez l'animal d'expérience après section des racines spinales [14, 20], et chez des patients porteurs de lésions traumatiques de la queue de cheval ou d'avulsion des racines du plexus brachial [15, 21], ont permis de démontrer l'existence d'hyperactivités de désafférentation.

Les éphapses sont des néosynapses, c'est-à-dire des connexions aberrantes entre fibres des zones lésées. Cela explique certains types d'allodynies qui correspondent à la perception comme douloureuse d'une stimulation périphérique normalement non douloureuse, par exemple un effleurement cutané ou la simple mobilisation d'un segment de membre.

Au niveau de la corne dorsale, la stimulation des récepteurs NMDA ainsi que la sécrétion anormale de prostaglandines et de monoxyde d'azote peuvent entretenir un cercle vicieux de transmission nociceptive exagérée. L'existence d'une gliose « cicatricielle » peut également jouer un rôle en favorisant une hyperactivité spontanée des neurones locaux ; ce facteur pourrait jouer un rôle dans les douleurs d'avulsion plexique ou des lésions de la moelle épinière [16].

Au niveau encéphalique, les mécanismes de la douleur sont complexes et encore mal connus. De façon simple, ils peuvent être conçus - en particulier au niveau thalamique - comme correspondant à une « perte du filtre » des informations somesthésiques.

En réalité, ces deux types de douleurs (nociceptives et neuropathiques) sont souvent intriqués. C'est ainsi que les lésions « cancéreuses » peuvent provoquer des douleurs non seulement par phénomènes mécaniques, ischémiques et inflammatoires - qui, par l'intermédiaire d'une importante libération de substances algogènes tissulaires, entraînent un excès d'influx nociceptifs - mais aussi par atteinte des nerfs périphériques. À l'inverse, certaines lésions de nerfs périphériques peuvent être à l'origine de douleurs par génération d'influx ectopiques se comportant comme un excès d'afférences nociceptives. Wall et Gutnick [22] ont montré qu'après section d'un nerf périphérique, il se produit au niveau du « névrome » une

prolifération de fibres C génératrice d'influx nociceptifs sous l'effet de leur excitation par la noradrénaline locale du système sympathique de voisinage.

Bilan préchirurgical

Bilan clinique

La douleur, selon la définition de l'IASP, est « l'expression d'une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une pathologie tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en termes de telles lésions » [2].

La douleur chronique présente un caractère polymorphe : elle a des mécanismes générateurs qui peuvent être différents, n'est perçue qu'à travers la subjectivité d'un patient qui souffre, est influencée par des facteurs environnementaux et ne peut être exprimée que par un comportement verbal ou moteur.

La douleur possède trois composantes : une composante physique sensoridiscriminative caractérisée par le siège, l'irradiation, l'intensité, la nature et la durée ; une composante affective et psychologique caractérisée par une perception désagréable engendrant des modifications psychologiques durables en douleur chronique ; une composante cognitivocomportementale caractérisée par une mémorisation au niveau central et qui peut induire des comportements de toxicomanie, repli sur soi, modification de la vie sociofamiliale, etc.

L'interrogatoire fait l'inventaire des antécédents médicaux, chirurgicaux et psychiatriques du patient. Il fait rapporter l'histoire de la douleur, c'est-à-dire la date, le mode de début et l'évolution de la douleur, ainsi que les différents traitements entrepris et la réponse aux grandes classes pharmacologiques des antalgiques : anti-inflammatoires non stéroïdiens, paracétamol, opiacés mineurs (dextropropoxyphène, codéine et tramadol), opiacés majeurs (morphine et dérivés) et coanalgésiques (antidépresseurs, anticonvulsivants).

Le siège de la douleur ainsi que ses irradiations doivent être bien précisés. La topographie douloureuse doit être dessinée sur un schéma du corps et intégrée dans le dossier médical. Il faut savoir reconnaître les douleurs projetées qui sont ressenties à distance de la zone malade. Il existe deux types de douleurs projetées : les douleurs rapportées et les douleurs référées, lesquelles peuvent être trompeuses (Figure 1).

La description de la douleur doit être précise. Les douleurs neuropathiques associent souvent deux composantes douloureuses :

• des douleurs spontanées (elles sont de deux types souvent associés : douleurs de fond à type de brûlure, d'arrachement ou de dysesthésies et accès paroxystiques de douleurs fulgurantes à type d'élancements ou de décharges électriques) ;

• des douleurs provoquées de type allodynique ou hyperalgésique. Une aide au diagnostic de douleur neuropathique peut être apportée par le questionnaire mis au point par Bouhassira et al. [23] (Tableau 1).

Pour pouvoir quantifier la douleur, plusieurs échelles sont utilisées :

• l'échelle visuelle analogique où l'on demande au patient de montrer sur une réglette sa douleur sur une ligne droite entre l'absence de douleur à gauche et la douleur maximale imaginable à droite. L'examinateur peut alors lire sur le verso de cette réglette un chiffre allant de 0 à 10 (que le patient ne voit pas) ;

• l'échelle numérique simple (ENS) qui consiste à demander au malade de coter sa douleur par un chiffre allant de 0 (absence de douleur) à 10 (douleur maximale imaginable) ; c'est la plus utilisée en pratique courante.

Ces échelles, certes subjectives, permettent au clinicien d'avoir une idée de l'intensité de la souffrance du malade et de suivre l'évolution de cette dernière en fonction du temps et des thérapeutiques essayées. L'adjonction d'une échelle de qualité de vie avec impact de la douleur sur celle-ci est aussi très utile.

Les situations personnelles, vie conjugale, familiale, de relation, ainsi que le contexte socioprofessionnel et les éventuels conflits juridiques sont des éléments importants dans l'évaluation d'un patient douloureux. La notion de « bénéfice secondaire » à la douleur est à prendre en compte. Le contexte psychologique doit être également évalué, si nécessaire par un psychologue ou un psychiatre.

L'examen clinique comporte un examen neurologique appréciant la motricité et la sensibilité à la recherche d'une anesthésie ou d'une hypoesthésie, soit globale, soit dissociée. On peut retrouver : une hyperalgésie qui est une réponse augmentée à un stimulus normalement douloureux ; une allodynie qui se caractérise par une sensation douloureuse secondaire à des stimuli qui normalement ne doivent pas être perçus comme douloureux ; une hyperpathie, retrouvée surtout dans les douleurs de type neuropathique central, qui se caractérise par une exagération de la perception douloureuse lorsque le stimulus est répétitif (sommation temporelle) ou étendu (sommation spatiale).

L'atonie psychomotrice est une expression de la douleur qui n'est pas rare. Elle est particulière à l'enfant et le risque est de méconnaître la souffrance à cet âge : l'enfant est passif, triste, confiné au lit, avec une gesticulation très pauvre et une hostilité sourde. Chez le patient âgé, la douleur peut revêtir l'aspect d'une dépression masquée.

Au terme de l'examen clinique, il est primordial d'analyser l'ensemble des examens complémentaires biologiques et surtout l'imagerie morphologique, afin de dresser une carte de la (ou des) lésion(s) responsable(s) de la douleur. En outre, spécialement dans les cas de mécanismes difficiles à comprendre, une exploration fonctionnelle est d'une grande utilité.

Explorations neurophysiologiques

L'importance des explorations fonctionnelles dans la douleur a été particulièrement étudiée et démontrée par Garcia-Larrea et al. [24].

L'électro-neuro-myographie permet d'apprécier l'état des nerfs périphériques. La mesure de la vitesse de conduction sensitive explore la fonctionnalité des fibres sensitives périphériques.

Les potentiels évoqués somesthésiques (PES) explorent la fonction des fibres de gros calibre au niveau des nerfs périphériques, des racines dorsales, des colonnes dorsales de la moelle, des voies lemniscales du tronc cérébral et des fibres thalamocorticales projetant au niveau de

l'aire somesthésique SI du lobe pariétal. Une lésion de ces voies est responsable de bon nombre de douleurs neuropathiques. Les PES informent sur la topographie des lésions algogènes, comme dans le cas des lésions traumatiques plexiques, permettant de distinguer entre lésion postganglionnaire et avulsion radiculaire (c'est-à-dire lésion préganglionnaire). Les PES s'avèrent indispensables dans l'évaluation du patient douloureux chronique lorsque l'intégrité du système cordonal postérieur et lemniscal est une condition nécessaire au succès de l'intervention de neurostimulation thérapeutique. Ainsi en est-il pour la stimulation médullaire antalgique dont toute indication doit être précédée par l'étude du temps de conduction centrale (TCC).

La stimulation thermique par laser (dioxyde de carbone [CO2]) qui stimule sélectivement les fibres Aδ et C permet l'obtention de potentiels évoqués au niveau des voies nociceptives centrales. Les réponses corticales obtenues avec cette méthode sont très tardives (250-500 ms). Ces réponses s'avèrent particulièrement utiles dans la détection des altérations spinothalamiques par lésion médullaire ou du tronc cérébral [25].

La mesure des réflexes nociceptifs spinaux (réflexe RIII), qui sont des réponses musculaires réflexes provoquées par des stimulations périphériques nociceptives, est étroitement couplée à celle de la sensation douloureuse [26]. En pratique, ces réponses sont enregistrées pour le membre inférieur après stimulation du nerf sural au niveau du biceps fémoral homolatéral. Le réflexe RIII peut également être obtenu bien qu'avec davantage de difficultés au membre supérieur par stimulation des nerfs ulnaire et médian avec enregistrement respectivement des muscles ulnaire antérieur et grand palmaire. L'application du RIII peut être utile à l'évaluation thérapeutique. C'est ainsi que l'atténuation du réflexe RIII est bien corrélée avec l'efficacité clinique de la stimulation antalgique. (cf. infra « Stimulation médullaire ») [24].

Imagerie fonctionnelle

Parmi les techniques d'exploration par imagerie fonctionnelle, la tomographie par émission de positons (TEP) s'est révélée très intéressante pour la compréhension des mécanismes de la douleur ou l'évaluation des méthodes antalgiques. La TEP permet de visualiser in vivo les changements métaboliques et débitmétriques induits par des stimulations nociceptives. Dans les douleurs neuropathiques, la TEP montre un hypodébit sanguin thalamique controlatéral à la douleur, que celle-ci soit d'origine périphérique ou centrale. La normalisation de l'activité thalamique permet d'objectiver l'efficacité des procédures antalgiques. C'est ainsi qu'il a été montré que la stimulation du cortex précentral dans les douleurs secondaires à un accident vasculaire cérébral, ou le bloc à la lidocaïne dans celles consécutives à une lésion périphérique, entraîne une augmentation du débit sanguin thalamique en même temps qu'un effet antalgique. Cependant, l'utilisation de ces techniques reste encore le privilège de centres spécialisés. La TEP avec utilisation de la diprénorphine permet d'étudier les systèmes endomorphiques et leurs modifications sous l'effet des thérapeutiques [27].

Au total, c'est de la synthèse de l'ensemble de ce bilan préchirurgical que dépend l'indication de recourir ou non à la chirurgie antalgique, ainsi que le choix de la méthode la plus appropriée au cas particulier du patient.

Techniques chirurgicales Cette section ne se propose pas de détailler les données de la littérature qui ont été compilées pour sa rédaction, ni de préciser nos résultats personnels. Elle résume simplement les

différentes techniques chirurgicales avec mention de leur rationale, des principes opératoires et des grandes lignes d'indications.

Interventions lésionnelles (Figure 2)

Interventions d'interruption des nerfs sensitifs

Elles exposent au danger d'apparition d'un névrome et/ou d'une anesthésie douloureuse, ce qui doit faire préférer, à la section d'un nerf, son simple blocage par un anesthésique local et - si le test est positif - une « infiltration » à son voisinage par alcool ou phénol, ou encore une thermocoagulation percutanée. Les thermocoagulations les plus fréquemment pratiquées sont celle du nerf occipital pour la névralgie d'Arnold et celle des nerfs articulaires pour les douleurs du syndrome des articulaires postérieures lombaires.

Interventions sur le système sympathique

Particulièrement développées par Leriche en France [6] et White aux états-unis [28], elles n'ont plus la vogue du passé. Elles gardent cependant des indications dans certaines douleurs d'origine viscérale ou encore en cas d'importants troubles vasomoteurs responsables ou satellites de douleurs rebelles. Les sympathectomies peuvent être faites à différents niveaux, par voie percutanée ou endoscopique :

• pour le membre supérieur, au niveau de la chaîne thoracique paravertébrale du deuxième au quatrième ganglion, soit au niveau du ganglion stellaire par blocs percutanés répétés d'un anesthésique local, sa destruction exposant à un syndrome de Claude Bernard-Horner ;

• pour le membre inférieur, au niveau du sympathique lombaire ;

• pour l'abdomen et les viscères, au niveau du système splanchnique, et pour les cancers pancréatiques avec douleurs solaires, au niveau du plexus cœliaque.

Interventions sur les racines spinales

Radicotomies percutanées chimiques ou thermiques

Les premières radicotomies chimiques, faites par injections sous-arachnoïdiennes, ont été réalisées à l'alcool en 1930 par Dogliotti [29]. L'alcool exposant à de fréquentes complications (déficits moteurs, troubles sphinctériens, paresthésies douloureuses) du fait de sa grande diffusibilité, il a été abandonné au profit du phénol. Le mélange au phénol d'une solution glycérinée (pour le rendre moins agressif) ou de pantopaque (pour suivre sa migration sous radioscopie) permet d'obtenir un produit plus lourd que le liquide cérébrospinal (LCS) et assez peu diffusible, de maniement plus facile [30]. L'injection peut s'accompagner de douleurs violentes et de céphalées traduisant une réaction méningée, nécessitant l'emploi d'antalgiques puissants dans la période postopératoire. D'après une étude des principales séries publiées jusqu'en 1976, qui regroupait 805 cas, cette méthode s'était révélée utile dans 65 % des cas tout au moins pour une période de quelques mois. Quant à ses risques, si les paresthésies et les atteintes motrices s'étaient révélées le plus souvent transitoires, les complications génitosphinctériennes, elles, avaient été le plus souvent durables. Le consensus est de réserver la radicotomie chimique aux affections cancéreuses. De par leur réalisation percutanée, elles sont utiles chez les malades fragiles à espérance de vie brève, en particulier

dans les cancers périnéopelviens comportant déjà des troubles génitosphinctériens sévères. Les radicotomies thermiques, développées par Uematsu [31] peuvent être une alternative aux radicotomies chimiques lorsque peu de niveaux radiculaires sont concernés.

Qu'elles soient par thermocoagulation ou par phénolysation, les lésions n'ont en réalité pas de sélectivité sur le type de fibres lésées, contrairement à ce qu'il était classique de dire. En effet, des études histologiques ont montré que les lésions thermiques atteignaient aussi bien les fibres myélinisées de gros calibre que celles de petit calibre peu ou pas myélinisées [32, 33, 34]. Il en est de même pour la phénolysation qui provoque aussi des lésions chroniques affectant tous les types de fibres [35]. Ce type de résultat est en concordance avec la constatation fréquente de paresthésies, de dysesthésies associées à une hypoesthésie du territoire des racines infiltrées.

Radicotomies dorsales chirurgicales

Le principe de la radicotomie dorsale chirurgicale repose sur les lois de Bell (1811) et Magendie (1821) qui avaient mis en évidence la fonction exclusivement sensitive des racines dorsales. Conçue par Dana en 1886, elle a été réalisée pour la première fois en 1889 par Abbe [4] et par Bennett [5]. Les radicotomies dorsales interrompent non seulement les fibres sensitives somatiques mais aussi les afférences viscérales et vasculaires qui les rejoignent à partir des ganglions latérovertébraux par les rameaux communicants gris. Le fait qu'un territoire somatique métamérique dépende de trois racines au moins oblige à des radicotomies assez étendues pour être efficaces, ce qui en limite les indications. Au niveau cervical ou lombosacré, la réalisation de radicotomies étendues risquent d'entraîner une perte fonctionnelle du membre par ataxie et anesthésie complète, et au niveau sacré des troubles génitosphinctériens sévères. C'est pourquoi les indications doivent être réduites aux seules douleurs d'origine cancéreuse et topographiquement limitées. Dans les cancers périnéopelviens, lorsqu'il existe une perte totale des fonctions génitosphinctériennes, il peut être fait appel à une méthode simplifiée qui consiste à ligaturer en masse le fourreau dural au-dessous de l'émergence des gaines durales des racines S1, par un abord interlamaire limité L5-S1 [36].

Une radicotomie intradurale, ou sa variante extradurale, peut avoir un effet antalgique net en cas d'englobement radiculaire par une tumeur vertébroépidurale. Le geste peut être fait lors de l'abord du rachis pour l'exérèse de la lésion et la décompression-fixation.

Voisine de la radicotomie dorsale, la ganglionectomie spinale transrachidienne - avec interruption des rameaux communicants à leur arrivée dans la racine dorsale - a été proposée pour les douleurs de type causalgique [37]. Mais elle a cédé la place à la stimulation médullaire.

Quelle que soit la technique envisagée, un bloc anesthésique local radio- ou scan-guidé en préalable à une radicotomie peut être une utile précaution pour en prévoir l'effet antalgique et préciser l'étendue des sections à réaliser.

Interventions d'interruption des nerfs crâniens sensitifs de l'extrémité céphalique (trijumeau [V], glossopharyngien [IX] et vague [X]) (Figure 3)

Les interventions lésionnelles sur les nerfs crâniens ont été - et sont encore - fréquemment employées pour le traitement des névralgies essentielles, surtout trigéminales mais aussi

glossopharyngiennes. Depuis la validation de l'hypothèse de leur mécanisme par compression vasculaire, tout au moins pour la plupart des cas, la première option du traitement neurochirurgical est devenue la décompression vasculaire microchirurgicale car elle s'adresse à la cause de la névralgie. Cette pathologie, son diagnostic et son traitement sont détaillés infra dans le chapitre sur les névralgies trigéminales et vago-glosso-pharyngiennes [38].

L'interruption des nerfs crâniens sensitifs peut être réalisé, soit par section microchirurgicale dans l'angle pontocérébelleux, soit par thermocoagulation percutanée au moyen d'une électrode introduite sous contrôle radiologique respectivement par le foramen ovale pour le nerf V [39] et par le foramen jugularis pour les nerfs IX-X [40]. Une alternative est représentée par le groupe des opérations sur le tractus trigéminal descendant (ou tractus spinal) [41] ou le noyau spinal (noyau relais nociceptif), par abord stéréotaxique [42] ou direct [43, 44], ou encore par voie percutanée guidée par tomodensitométrie [45].

Ces interventions potentiellement dangereuses ont été abandonnées pour les névralgies essentielles ; elles peuvent cependant être utilisées pour des douleurs céphaliques particulièrement rebelles aux méthodes moins invasives, comme les douleurs d'origine traumatique, postzostérienne et surtout néoplasique.

Interventions sur la zone d'entrée des racines dorsales dans la moelle

Popularisée comme premier et très important niveau de modulation de la sensibilité et de la nociception par la théorie du gate control [7], la dorsal root entry zone (DREZ) a été considérée comme cible potentielle pour le traitement de certaines douleurs segmentaires, principalement celles secondaires à une désafférentation sensitive et/ou à des remaniements tissulaires de la racine spinale et de la corne dorsale de la moelle [46]. Avec pour objectif de détruire des circuits nociceptifs dans cette région, a été mise au point la DREZotomie microchirurgicale (DTM). Sa cible a été conçue pour préserver au moins en partie les voies à destination de la colonne dorsale, évitant ainsi la création d'une anesthésie complète avec son retentissement fonctionnel et le risque d'apparition d'un syndrome d'anesthésie douloureuse [28] (Figure 4). Pénétrant au sein de la corne dorsale, la DREZotomie a la capacité de détruire par des microcoagulations les neurones de la corne dorsale susceptibles d'être devenus hyperactifs [14, 21, 47, 48, 49, 50], et donc des générateurs de ces douleurs neuropathiques (Figure 5).

La technique de la DREZotomie microchirurgicale est illustrée [51, 52, 53, 54] par la Figure 6.

La procédure requiert une grande précision sous magnification du microscope opératoire pour être sélective et éviter d'endommager le faisceau pyramidal latéralement et le cordon dorsal médialement. Le monitorage peropératoire des potentiels évoqués moteurs et somatosensitifs peut aider le chirurgien à en limiter les risques neurologiques jusqu'à ce que la courbe d'apprentissage de l'opérateur ait atteint son plateau d'expertise.

D'autres modalités techniques de destruction de la DREZ ont été développées postérieurement à la méthode microchirurgicale, les agents lésionnels étant : la thermocoagulation par radiofréquence par Nashold [55], le laser par Levy [56] et Powers [57], la sonde à ultrasons par Dreval [58] puis la microaspiration par Spaic [59]. Ces procédés détruisant la totalité de la DREZ et de la corne dorsale ne permettent pas d'obtenir d'effets sélectifs [52, 53, 54].

Les indications des interventions de chirurgie de lésion dans la DREZ sont restrictives.

Les douleurs d'origine cancéreuse peuvent relever de la chirurgie dans la DREZ lorsqu'elles sont de topographie limitée, telles que celles du syndrome de l'apex thoracique de Pancoast-Tobias (où elle est généralement réalisée de C7 à Th3) ou du plancher périnéal dépendant des racines sacrées. Dans notre série, l'intervention obtient le contrôle de la douleur dans les quatre cinquièmes des cas pour une survie de un an et demi en moyenne [52, 53, 54, 60].

En ce qui concerne les douleurs neuropathiques, la chirurgie dans la DREZ - quelle qu'en soit la modalité - peut être considérée comme le standard de traitement des douleurs des avulsions radiculaires et des douleurs segmentaires des lésions de la moelle épinière [52, 53, 54].

Quatre-vingt-dix pour cent des patients porteurs de lésions traumatiques du plexus brachial (ou éventualité plus rare, du plexus lombosacré) de niveau préganglionnaire, c'est-à-dire l'avulsion radiculaire, développent des douleurs réfractaires. La chirurgie doit être réalisée au niveau des segments avulsés et étendue aux racines adjacentes si les douleurs s'étendent à leur territoire (Figure 7). La revue de la littérature montre une sédation complète de la douleur à long terme dans 58 à 87 % des cas selon les auteurs. Dans notre série, l'effet sur la douleur était de 60 % sans douleur et sans opioïdes à 12 ans d'après la courbe actuarielle [61]. Il y avait une suppression totale de la composante paroxystique dans presque tous les cas et de la douleur de fond à type de brûlure dans 40 % des cas.

Trente-cinq pour cent des patients porteurs de lésions traumatiques de la moelle épinière développent des douleurs intolérables, de façon majoritaire ceux qui sont victimes de lésions du cône médullaire et/ou de la queue de cheval. Les douleurs sont de deux types :

• celles dites « segmentaires » correspondant aux segments médullaires et aux niveaux radiculaires lésés ;

• celles situées dans le territoire sous-jacent à la lésion d'interruption de la moelle, qualifiée de sous-lésionnelles.

Seules les douleurs segmentaires peuvent être favorablement influencées par la DREZotomie. Dans notre série où la durée de suivi était de un à 20 ans, six ans en moyenne, le taux de sédation complète à long terme en était de 68 % sur les douleurs segmentaires [62].

Une DTM peut se discuter pour certaines douleurs secondaires à des lésions des nerfs périphériques, en particulier traumatiques, mais seulement si celles-ci sont à prédominance paroxystique et/ou allodynique, et seulement si la stimulation médullaire qui doit être la première option s'est avérée inefficace. Il en est de même pour les douleurs causalgiques (SDRC de type II) et également les douleurs postradiques ou postzostériennes [60].

Enfin, pour les douleurs associées à une hyperspasticité, la DREZotomie microchirugicale - en permettant de supprimer de façon conjointe les afférences nociceptives et les afférences myotatiques, toutes deux entretenant l'hypertonie excessive - a un bon effet antalgique : 82 % des cas dans notre série. La DREZotomie est faite au niveau cervical (C5-Th1) pour l'hyperspasticité du membre supérieur de l'hémiplégie, et au niveau lombosacré (L2 à S2 ou S4 selon s'il existe ou non une hyperactivité vésicale) pour la spasticité excessive des membres inférieurs des paraplégies sévères [63, 64].

Myélotomies commissurales et centromédullaires

La myélotomie commissurale imaginée par Greenfield et Armour [65] a été réalisée pour la première fois en 1928 par Leriche en Europe [6] et par Putnam en 1934 aux États-Unis [66]. Elle vise à interrompre, par une incision longitudinale de la commissure blanche ventrale faite au fond du sillon dorsal, la décussation des fibres spino-réticulo-thalamiques des segments correspondants, au moyen d'une incision sur plusieurs métamères. Cette technique a surtout été appliquée au niveau lombaire pour les douleurs périnopelviennes dues aux cancers abdominopelviens (avec un taux d'efficacité de 65 % à un an dans la série de 107 patients de Wertheimer) [67]. La myélotomie commissurale a été appliquée au niveau cervical pour des douleurs de la moitié supérieure du corps par Lembcke [68] ; mais son caractère très dangereux à ce niveau l'a faite abandonner.

Les mécanismes de l'action analgésique de cette intervention ne sont pas aussi clairs que le laisserait supposer le principe sur lequel elle repose. En effet, la myélotomie commissurale entraîne dans la plupart des cas une analgésie non seulement au niveau des métamères intéressés par la section mais aussi des territoires sous-jacents [69, 70]. Ces effets plus larges s'expliquent vraisemblablement par une atteinte profonde des cordons latéraux où passent les fibres du faisceau paléo-spino-réticulo-thalamique.

C'est sur cette hypothèse d'ailleurs que repose le concept de la « myélotomie extralemniscale » centromédullaire de Hitchcock développée en 1970 [71]. La cible est centromédullaire, à la jonction cervico-occipitale. Réalisée par voie percutanée sous anesthésie locale, une thermolésion y est faite par introduction d'une électrode à travers le ligament atloïdo-occipital sous contrôle radiologique et monitorage électrophysiologique. L'intervention peut aussi être faite également sous contrôle tomodensitométrique [72]. Cette méthode s'applique aux douleurs néoplasiques diffuses du tronc et/ou des membres avec déficits constitués. L'effet antalgique est généralement limité dans le temps, deux ans en moyenne.

Cordotomie antérolatérale

L'intervention consiste en la section de la voie SRT, responsable de l'intensité douloureuse (Figure 8). La voie SRT est profondément située dans le cordon antérolatéral de la moelle. Le principe de cette intervention est illustré par la Figure 9. L'intervention vise à obtenir une analgésie de l'hémicorps opposé au-dessous du niveau de la section. En effet, 80 % des fibres SRT décussent pour se rendre au cordon antérolatéral controlatéral. Imaginée par Schuller [73] et Spiller [74], la cordotomie antérolatérale a été réalisée pour la première fois, à travers une laminectomie, au niveau cervicothoracique, par Martin [74], puis au niveau cervical supérieur par Foerster [75]. Une voie antérieure intersomatique au niveau cervical inférieur a été décrite [76, 77] ; mais elle a été peu employée. La première cordotomie cervicale percutanée a été réalisée en 1963 par mullan [78], par implantation d'une aiguille de strontium radioactif au contact du faisceau spinothalamique par voie dorsolatérale. C'est en 1965 que Rosomoff [79] a mis au point la cordotomie percutanée par électrocoagulation, la trajectoire étant une voie latérale à travers le ligament jaune de l'espace C1-C2. Pour pallier l'inconvénient de provoquer des troubles de la commande ventilatoire par lésion des fibres respiratoires descendant du tronc cérébral jusqu'au métamère C4 à travers le faisceau réticulospinal ventrolatéral, il a été proposé de placer la lésion en C5 par introduction de l'aiguille par voie antérieure à travers le disque [80] mais cette méthode a été peu employée.

Une technique très usitée a été la cordototomie microchirurgicale par voie interlamaire, faite au niveau cervicothoracique pour les douleurs de la moitié inférieure du corps et au niveau cervical supérieur pour les algies de la moitié supérieure.

Pour la technique percutanée, la plus souvent utilisée, la trajectoire est latérale en C1-C2 avec repérage du quadrant antérolatéral par myélographie [81], contrôle de la pénétration médullaire par mesure d'impédance [82] et repérage du faisceau spinothalamique et du faisceau pyramidal par électrostimulation [83, 84]. Le guidage qui peut être scanner est un appoint technique intéressant [85]. La cordotomie percutanée a l'avantage de ne pas nécessiter d'anesthésie générale et de permettre la coopération du malade pour le repérage des structures et le contrôle du niveau de l'analgésie. La cordotomie en C1-C2 a l'inconvénient d'interrompre les fibres réticulospinales de la commande respiratoire du même côté, ce qui interdit de la réaliser bilatéralement ou lorsque - faite unilatéralement - il existe une atteinte pulmonaire ou phrénique du côté où devrait avoir lieu la cordotomie.

Quelle que soit la technique de la cordotomie, deux problèmes importants se posent : celui du niveau de la section et celui de son uni- ou bilatéralité ; ce qui conditionne l'importance et la fréquence des effets secondaires et des complications :

• le niveau de la section doit tenir compte de la hauteur nécessaire à la décussation du faisceau spino-réticulo-thalamique, mais aussi de l'abaissement plus ou moins marqué, mais fréquent, du niveau de l'analgésie dans les mois suivant l'intervention. C'est ainsi que pour les douleurs de la moitié inférieure du corps (douleurs des membres inférieurs, périnéopelviennes, abdominales), la cordotomie a intérêt à être faite à la jonction cervicothoracique, et pour les douleurs du thorax et des membres supérieurs au niveau cervical supérieur ;

• lorsqu'une cordotomie bilatérale s'avère nécessaire, elle expose à des effets secondaires (troubles génitosphinctériens, hypotension orthostatique, etc.) et à des complications (motrices, respiratoires) plus fréquents et plus sévères qu'en cas de cordotomie unilatérale.

Le maintien de l'efficacité des cordotomies au cours de l'évolution est difficile à apprécier du fait de la survie souvent brève d'un grand nombre de malades (cancéreux) dans les séries publiées. Il ressortait d'une étude [86] et de la revue de la littérature qu'une bonne efficacité de la cordotomie ne se maintenait au-delà de la première année que chez 60 % des malades. Cette notion de dégradation des résultats avec le recul du temps doit rendre prudent quant aux éventuelles indications pour affection non cancéreuse ou cancéreuse non évolutive.

Pour les cancers périnéopelviens avec douleurs à prédominance unilatérale, la cordotomie cervicothoracique est souvent inefficace (d'emblée) en raison de la fréquence de survenue de douleurs du second côté dès l'intervention (49 % des cas). Il s'agit de douleurs préalablement masquées, du fait de leur moindre intensité, par le phénomène d'extinction sensitive.

Les effets secondaires des cordotomies doivent être soigneusement considérés avant d'en poser l'indication. En effet, la section devant être d'autant plus profonde que l'on veut que la cordotomie soit durablement efficace, certaines fibres contenues dans le tractus intermediolateralis vont être forcément lésées, en particulier les fibres génitosphinctériennes ainsi que celles de la régulation vasomotrice. Ces dernières sont étroitement intriquées aux fibres paléo-spino-réticulo-thalamiques et il n'existe aucun moyen électrophysiologique actuel pour les repérer. Une revue de la littérature décrit ces effets secondaires [87].

Tractotomie spinothalamique mésencéphalique (Figure 10)

Réalisée tout d'abord à ciel ouvert par Dogliotti en 1938 [88] puis Walker en 1942 [89], la tractotomie pédonculaire du faisceau spinothalamique a été réalisée par voie stéréotaxique pour la première fois par Spiegel et Wycis en 1948 [90], puis en France par Mazars en 1958 [91]. Elle consiste en une coagulation sous-thalamique du faisceau spinothalamique par voie stéréotaxique parasagittale.

De l'étude des grandes séries publiées, il ressort que les meilleures indications sont représentées par les douleurs néoplasiques cervicocéphaliques des cancers oto-rhino-laryngologiques et cervicothoraciques, des cancers du sein et de l'apex pulmonaire. L'intervention est rapportée comme efficace dans 80 % des cas [92].

La tractotomie mésencéphalique n'a pas l'inconvénient de la cordotomie antérolatérale sur la commande respiratoire ; mais des dysesthésies postopératoires peuvent survenir (15 % des cas), de même que des troubles oculaires moteurs : diplopie, paralysie de fonction, jusque dans 60 % des cas dans certaines séries.

Interventions cérébrales

Interventions sur le diencéphale

L'hypothalamotomie postéromédiane stéréotaxique mise au point par Sano en 1962 pour le traitement psychochirurgical de l'agressivité a été appliquée au traitement des douleurs par Sano lui-même en 1971 [93] puis par Fairman en 1972 [94]. Son rationale est que cette région recevrait des afférences nociceptives des faisceaux paléo-spino-réticulo-thalamiques, et serait le siège de réactions végétatives et de réactions d'angoisse aux agressions douloureuses. Cette méthode, qui relève surtout de la psychochirurgie, ne s'est révélée efficace que dans 60 % des cas opérés pour douleurs cancéreuses et inefficace pour les douleurs non cancéreuses en particulier centrales.

La thalamolaminotomie développée elle aussi par Sano dès 1964 [93] consiste à détruire stéréotaxiquement, après repérage radiologique et électrophysiologique, la partie postérieure des noyaux intralaminaires du thalamus des deux côtés en deux temps. Cette méthode repose sur le rationale que ces noyaux sont des zones de projection des voies nociceptives extralemniscales. Pour Siegfried, la thalamolaminotomie ne s'est révélée que rarement efficace (35 % des cas), comme d'ailleurs la pulvinarotomie [95] mise au point par Kudo en 1966 [96]. Récemment, Jeanmonod et al. (1994), grâce à un repérage et monitorage par microélectrodes des noyaux de projection des afférences nociceptives au niveau thalamique, ont redonné de l'intérêt à ces cibles [97, 98]. Mais les indications restent encore à préciser.

Interventions sur le lobe frontal

La lobotomie préfrontale et ses variantes - largement pratiquées dans le passé - appartiennent davantage au groupe des interventions de psychochirurgie qu'à celui des opérations antalgiques. En effet, elles modifient l'attitude du malade envers sa douleur plutôt qu'elles ne diminuent réellement la perception de la douleur. Elles ne sont actuellement que d'indication exceptionnelle.

Chirurgie hypophysaire à visée antalgique

L'hypophysectomie pour traitement de cancers date des années 1950 [99]. Les premières hypophysectomies ont été réalisées par voie sous-frontale ; elles ont été abandonnées du fait de leurs risques opératoires. Elles ont connu cependant un regain d'intérêt avec l'approche transsphénoïdale, qu'elle soit faite par abord direct ou par stéréotaxie avec implantation d'yttrium radioactif 90 [100], cryolésion [101], thermocoagulation [102], hypophysiolyse par injection intrasellaire d'alcool [103] et plus récemment radiochirurgie.

L'étude de la littérature montre que les hypophysectomies étaient efficaces non seulement sur le développement de la tumeur et de ses métastases, en particulier dans les cancers hormonodépendants (sein, prostate), mais aussi sur les douleurs diffuses, notamment celles osseuses. L'acte opératoire sur l'hypophyse agirait par des mécanismes complexes, non seulement endocriniens, mais aussi par des effets à distance du traumatisme opératoire ou des agents lytiques sur la région hypothalamique, comme en témoignent des études anatomiques sur patients décédés [104].

Pharmacothérapie intrathécale

L'injection directe en sous-arachnoïdien de substances analgésiques permet d'un côté d'atteindre des concentrations locales importantes sans irruption dans la circulation générale et d'un autre côté d'utiliser des substances qui pourraient être dangereuses en administration systémique. L'analgésie intrathécale morphinique fut introduite par Yaksh [18] et Lazorthes [19] dans les années 1980. Depuis, de nouveaux produits ont été utilisés, notamment des inhibiteurs sélectifs des canaux calciques voltage-dépendants type N connus comme les -conotides. La pharmacothérapie intrathécale est indiquée surtout pour le traitement des douleurs liées à des néoplasies ; néanmoins, elle peut être utilisée aussi pour le traitement de certaines douleurs neuropathiques, notamment celles liées à des lésions médullaires.

La technique implique la mise en place sous contrôle scopique d'un cathéter intrathécal relié soit à un réservoir implanté en sous-cutané, sur lequel l'on peut brancher une pompe externe, soit à une pompe implantée pour les traitements de longue durée (Figure 11). Les pompes implantables les plus fréquemment utilisées sont programmables avec un débit ajustable ; elles ont une durée de vie moyenne de trois à cinq ans dépendant des paramètres d'utilisation.

La technique est relativement simple et le taux de complications graves - en particulier d'overdose - est peu important si l'administration du produit est rigoureusement contrôlée. S'agissant d'une implantation de matériel, le problème principal est l'infection postopératoire, de l'ordre de 5 à 8 % selon les séries. Les infections impliquent l'ablation complète du matériel pour guérison. Les migrations ou les désadaptations de cathéter nécessitent une révision chirurgicale du montage.

Les patients pour lesquels la thérapie intrathécale est particulièrement utile sont ceux porteurs de néoplasies, en particulier lorsque la tumeur est étendue avec une large distribution des douleurs.

Le principal produit utilisé est la morphine. Les doses équivalentes systémiques sont dans un rapport 100/1, les doses per os de 300/1. Cela permet de calculer la dose au moment des changements entre les différentes modalités. L'administration la plus utilisée est la voie lombaire avec le cathéter remontant jusqu'au niveau médullaire de la jonction thoracolombaire. Les hautes concentrations de morphine sont à éviter à cause des granulomes

arachnoïdiens qui peuvent se former en regard du bout distal du cathéter. Le taux d'efficacité de la morphinothérapie intrathécale pour douleurs cancéreuses est de l'ordre de 80 %. L'addition des anesthésiques locaux permet d'augmenter ce taux à 95 %.

Une implantation intraventriculaire peut être envisagée pour les cancers cervicofaciaux avec invasion des nerfs crâniens et/ou cervicaux.

Il est habituel que les doses de morphine nécessaires augmentent au fur et à mesure que la maladie progresse. Néanmoins, une augmentation rapide des douleurs doit faire toujours soulever la question d'un dysfonctionnement du montage ou de la pompe, ou encore la progression de la néoplasie, et donc d'une nouvelle prise en charge oncologique.

Les douleurs neuropathiques ne se prêtent pas aussi bien à la pharmacothérapie intrathécale. Néanmoins, cette dernière peut constituer un recours. Mais elle doit être utilisée avec beaucoup de réserve ; en effet, elle expose tout aussi bien que les voies systémiques à une assuétude.

Les -conotides (Prialt®) sont mieux adaptés à ce type de patients et en particulier ceux avec lésions médullaires. Ces bloquants de canaux calciques voltage-dépendants de type N ne peuvent être utilisés qu'en intrathécal. En effet, ce type spécifique de canaux est très particulièrement localisé au niveau de la moelle, surtout sur la partie postsynaptique des laminae I et II. L'effet des -conotides est extrêmement spécifique et puissant ; il réalise un blocage de la transmission du signal nociceptif aussi bien que sa genèse, en particulier dans le cas des douleurs neuropathiques d'origine médullaire [105].

Ces mêmes canaux se retrouvent au niveau cérébral mais avec une distribution plus ample ; néanmoins, ils sont surtout retrouvés dans le thalamus postérieur et dans des régions corticales impliquées dans la perception de la douleur telles que l'aire SII et l'insula postérieur. Étant donné la grande diffusibilité du produit traduite par un volume de distribution égal au volume total du LCS, une injection intrathécale lombaire a une action cérébrale.

Une limitation de son usage réside dans les troubles de la circulation du LCS qui peut être altérée chez les patients avec lésions médullaires postraumatiques ou postopératoires. Les complications spécifiques du produit sont surtout des effets secondaires neurologiques comme des troubles somesthésiques ou des effets sur les fonctions supérieures allant jusqu'à des hallucinations.

Par ailleurs, le baclofène intrathécal, largement utilisé pour le traitement de la spasticité, a montré des effets antalgiques, non seulement pour les douleurs des contractures en relation avec l'hypertonie, mais aussi pour certaines douleurs neuropathiques associées aux troubles spastiques. Ce traitement mérite d'être considéré, pour le traitement des douleurs neuropathiques en particulier d'origine médullaire.

Au total, la pharmacothérapie intrathécale peut être proposée, outre pour une fonction de test, pour des situations où d'autres méthodes neurochirurgicales seraient inadaptées. Quoi qu'il en soit, avant toute indication, l'origine des douleurs doit être analysée de telle sorte que le produit utilisé et la modalité d'administration retenue soient logiquement adaptés aux mécanismes générateurs de la douleur, ainsi qu'aux sites des récepteurs neurochimiques de la substance envisagée pour infusion.

Interventions de neurostimulation

C'est la populaire théorie du gate control de Melzach et Wall parue en 1965 dans Science [7] qui fut à l'origine des méthodes modernes de neurostimulation. Ces méthodes visent à renforcer le contrôle inhibiteur des mécanismes de la douleur (Figure 12). Cette neurostimulation électrique peut être appliquée au niveau du système nerveux périphérique [8] ou de la moelle spinale elle-même [9, 106]. D'un autre côté, c'est le concept, plus ancien, de Head et Holmes [12] sur le contrôle thalamique de la douleur qui fut à l'origine de la neurostimulaton par électrodes profondes du noyau somesthésique VPL du thalamus ; cette méthode fut développée par Mazars dans les années 1960 [10]. Plus récemment, enfin, fut développée la neurostimulation du cortex cérébral à visée antalgique au Japon par Tsubokawa [13] (Figure 1).

Stimulation transcutanée

Bien que non chirurgicale, l'électrostimulation transcutanée (transcutaneous electro-neuro stimulation [TENS]) constitue le premier stade de la stimulation antalgique.

Les électrodes sont appliquées sur la peau et reliées aux bornes d'un générateur dont le patient règle lui-même l'intensité et la fréquence de stimulation. Les électrodes doivent être placées autant que possible en regard du trajet du nerf périphérique correspondant à l'innervation sensitive de la région douloureuse. Elles sont considérées en bonne place lorsque la stimulation évoque, pour une intensité basse, des paresthésies dans la totalité du territoire du nerf stimulé. Lorsque la stimulation directe du nerf n'est pas possible, car en situation profonde, les électrodes peuvent être mises en regard de la zone douloureuse ; mais cette stimulation « in loco dolenti » est un pis-aller.

Lorsqu'il existe une composante algodystrophique intéressant une articulation, les électrodes doivent être mises de part et d'autre de l'interligne articulaire.

Pour les douleurs neuropathiques, l'électrostimulation transcutanée vise à renforcer le fonctionnement des fibres (inhibitrices) de gros calibre à seuil bas [8]. En fait, elle agirait aussi par un effet de masquage sinon de réel blocage des influx nociceptifs transitant le long des nerfs [107].

L'expérience acquise à travers une série de plus de 1000 cas, et l'étude des séries de la littérature révèlent [108] que l'efficacité de la stimulation transcutanée dépend étroitement du siège des électrodes. C'est ainsi que les électrodes doivent être placées : pour les amputés, de part et d'autre du moignon, le long des troncs nerveux ; pour les atteintes des nerfs périphériques, sur le tronc du nerf, si possible en position proximale par rapport à la lésion (cela est facile si le nerf a une situation superficielle) ; pour les atteintes radiculaires, sur le trajet du nerf périphérique correspondant au métamère radiculaire, avec pour situation idéale au-dessus du canal carpien à l'avant-bras pour le nerf médian, de part et d'autre de la gouttière épitrochléo-olécrânienne pour le nerf ulnaire, au creux poplité pour le nerf tibial, au col du péroné pour le nerf péronier, etc. ; pour les lésions du plexus brachial, au niveau du creux sus-claviculaire et/ou du creux axillaire ou distalement sur les troncs nerveux ; pour les zonas, le long du dermatome correspondant ; pour les algodystrophies, en particulier pour celle de l'épaule fréquemment frappée de la classique périarthrite scapulohumérale, en regard de l'articulation douloureuse.

La stimulation transcutanée peut être initiée en ambulatoire. Bien que simple en principe, elle nécessite beaucoup d'explications au patient et d'en contrôler le bon usage. C'est pourquoi il ne faut pas hésiter à hospitaliser le patient pour quelque 48 heures. Cette hospitalisation donne le temps de faire varier le siège des électrodes pour trouver le lieu d'efficacité maximale et de déterminer les meilleurs paramètres du générateur, ainsi que la durée et le rythme des séances intermittentes de stimulation. Le test est ensuite poursuivi à domicile une quinzaine de jours dans les conditions de vie habituelle du patient. Il est conseillé au patient de ne mettre en œuvre la stimulation qu'au moment de l'apparition des douleurs principales, dans le but d'éviter l'épuisement de son effet antalgique.

D'après notre expérience [109], les meilleurs résultats sont obtenus pour les algodystrophies, en particulier celles de type I de l'épaule, et certaines douleurs neuropathiques, notamment celles par lésion des nerfs périphériques, pour lesquelles un effet utile de la stimulation se maintient au-delà de un an chez 80 % des patients. Les douleurs radiculaires, comme celles sciatiques persistant après chirurgie discale, peuvent bénéficier de la stimulation externe si le déficit radiculaire n'est pas complet. Les douleurs postzostériennes sont rarement influencées, celles d'origine médullaire ou encéphalique presque jamais.

Stimulation des nerfs périphériques

La stimulation directe des nerfs périphériques, abandonnée pendant longtemps au profit de la stimulation médullaire, a été récemment remise à l'ordre du jour en utilisant la modalité percutanée d'insertion des électrodes. La cible du nerf occipital pour certaines algies occipitales et algies céphaliques est en cours d'essais clinique (Figure 13), de même que la stimulation des petits nerfs sous-cutanés pour les douleurs lombaires postchirurgie.

Stimulation médullaire

Le rationale présumé de la stimulation médullaire a été largement étudié par l'École de Stockholm [110]. Ses effets neurophysiologiques sont vraisemblablement liés pour l'essentiel à l'activation des fibres afférentes primaires au niveau des colonnes dorsales, cible de la stimulation électrique. Cependant, il ne s'agit probablement pas là du seul mécanisme d'action ; en effet, dans certains cas où les électrodes avaient migré sur la face ventrale de la moelle, des effets antalgiques n'en avaient pas moins été constatés [111]. Par ailleurs, le fait que dans tous les cas où un bénéfice est obtenu le patient ressent des paresthésies recouvrant le territoire douloureux fait poser le problème d'un effet au moins partiellement placebo. La démonstration d'un mécanisme objectif a été apportée par les enregistrements du réflexe nociceptif RIII, retrait en flexion du membre inférieur aux stimuli douloureux en cours de stimulation médullaire. Lorsque la stimulation est efficace, le réflexe RIII est déprimé [112] (Figure 14). Cela est cohérent avec la mise en évidence chez l'animal d'expérience d'une inhibition de la potentialisation des neurones WDR (wide dynamic range) par la stimulation de la moelle [113]. Cette inhibition pourrait être en relation avec une inhibition des acides aminés excitateurs et une activation de la neurotransmission GABA-ergique (acide γ-aminobutyrique) de la corne dorsale [114].

Les électrodes de stimulation peuvent être implantées, soit à travers un abord chirurgical interlamaire (Figure 15), soit par voie percutanée sous contrôle scopique (Figure 16). Quoi qu'il en soit, la localisation optimale de l'électrode est la limite supérieure des segments médullaires correspondant au territoire douloureux, homolatéralement à la douleur, au niveau du gracilis pour le membre inférieur et du cuneus pour le membre supérieur. La technologie

actuelle fournit de nombreux types d'électrodes à contacts multiples. La stimulation bipolaire a l'avantage sur le mode unipolaire d'éviter que les paresthésies ne diffusent aux racines sensitives de voisinage et d'éviter que des contractions musculaires parasites n'apparaissent par diffusion aux racines motrices voisines.

Pour la localisation thoracique basse de l'électrode, c'est-à-dire au niveau du cône médullaire, la voie percutanée par ponction en région lombaire en dessous de L2 est préférée, à condition que l'espace extradural soit libre de fibrose. Pour les localisations thoracique haute ou cervicale, l'abord direct interlamaire est préférable, mais le placement percutané de l'électrode peut être fait si l'opérateur est expérimenté.

La technique percutanée a l'avantage d'un positionnement de l'électrode sous anesthésie locale, ce qui permet d'interroger le patient sur la bonne couverture de la région douloureuse par les paresthésies induites par la stimulation-test. En effet, les douleurs ne peuvent être soulagées qu'à cette condition de bonne couverture. Si l'électrode a été placée par voie ouverte sous anesthésie générale et qu'il est constaté au réveil que les paresthésies ne couvrent pas correctement le territoire douloureux, l'électrode doit être repositionnée.

Pour les douleurs neuropathiques, l'efficacité est étroitement dépendante du siège de la lésion sur les voies de la somesthésie et du degré de fonctionnalité des fibres cordonales dorsales jusqu'au tronc cérébral. Une étude rétrospective des résultats d'une série montre qu'une lésion interrompant les afférences primaires au niveau radiculaire, c'est-à-dire centralement au ganglion spinal, ou encore au niveau de la moelle épinière, était associée à un taux d'échec très élevé [115] (Figure 16). Lorsque l'examen clinique et les données de l'imagerie ne permettent pas d'être assuré de l'état des colonnes dorsales, l'étude des PES est le moyen d'évaluer leur fonctionnalité. L'indicateur de sélection est le TCC.

Celui-ci est représenté par l'intervalle N13-N20 (potentiel de corne dorsale cervicale-potentiel cortical) pour le membre supérieur et l'intervalle N22-P39 (potentiel de corne dorsale lombosacrée-potentiel cortical) pour le membre inferieur. Dans une étude corrélative [115], lorsque le TCC était anormal, le taux de succès, défini comme une sédation d'au moins 50 % de la douleur initiale à long terme, était nul, tandis qu'il atteignait 75 % pour les patients chez qui le TCC était normal (p<0,005). Ainsi, lorsque le TCC est significativement altéré au niveau des voies nerveuses correspondant au territoire douloureux, le patient ne peut pas bénéficier de la stimulation médullaire (Figure 17).

Une implantation de l'électrode seule - sans le boîtier de stimulation - en tant que test de la stimulation médullaire peut être faite. Ce test doit être réservé aux patients où l'efficacité de la stimulation serait douteuse. Il est important de savoir que ce test comporte un taux non négligeable de faux positifs et de faux négatifs [116]. Lorsque l'électrode est implantée par voie percutanée, sous anesthésie locale, une stimulation-test peut facilement précéder l'implantation définitive du générateur, cela afin de s'assurer de la bonne localisation des paresthésies induites et de la bonne tolérance à ces paresthésies. Un test bref a l'intérêt de réduire les risques d'infection du matériel. La procédure de sélection recommandée est résumée dans le Tableau 1.

Si l'on considère - globalement - les résultats publiés dans la littérature, la stimulation médullaire ne s'est révélée utile, c'est-à-dire avec une réduction de la douleur de 50 % ou plus, que dans quelques 30 % des cas à long terme. Mais lorsque la sélection a été faite selon des

critères restrictifs tels ceux recommandés précédement, la méthode s'est avérée utile à long terme dans les deux tiers des cas.

Dans le domaine des douleurs neuropathiques, les principales indications sont les suivantes : les douleurs secondaires aux amputations [117], aux lésions des nerfs périphériques [118], aux neuropathies diabétiques réfractaires aux traitements médicamenteux [119] et surtout les douleurs secondaires aux fibroses arachnoépidurales spinales [120] et du failed back surgery syndrome [121]. Ces dernières considérées comme liées à la fibrose cicatricielle créée par la chirurgie correspondent en fait à des atteintes radiculaires de mécanismes variés. Il peut s'agir certes d'englobement fibreux des racines après la chirurgie, mais bien souvent aussi d'une dénervation provoquée par la hernie discale ou la compression arthrosique si la chirurgie a été tardive. Les explorations neurophysiologiques peuvent en authentifier la marque. La stimulation donne de meilleurs résultats si la douleur est anatomiquement limitée plutôt que diffuse, et quand elle est unilatérale plutôt que bilatérale. La douleur lombaire, lorsqu'elle prédomine, est considérée comme un facteur de mauvais pronostic. Il a été constaté cependant que le positionnement de l'électrode en situation haute, c'est-à-dire au niveau des vertèbres thoraciques Th8-Th9, pouvait influencer favorablement la douleur lombaire en plus des douleurs radiculaires crurosciatiques. Quant aux douleurs postzostériennes, les résultats sont généralement peu favorables à long terme [122], de même que les douleurs d'origine médullaire lorsque les lésions ont interrompu les voies cordonales postérieures [115]. Leur fonctionnalité peut être évaluée par la mesure du TCC des PES. Enfin, la stimulation médullaire n'est généralement pas efficace dans les douleurs centrales de siège encéphalique comme le syndrome dit thalamique de Dejerine-Roussy.

La stimulation médullaire peut être largement efficace dans le SDRC de type I, c'est-à-dire l'algodystrophie comme la périarthrite scapulo-humérale, ou de type II c'est à dire les causalgies.

La stimulation médullaire peut en outre être utile dans les artériopathies douloureuses des membres inférieurs, non seulement pour la douleur mais aussi pour les phénomènes ischémiques et les troubles trophiques s'ils ne sont pas au stade de prégangrène. Le mécanisme d'action est un effet de sympathectomie fonctionnelle, en particulier si les électrodes sont mises au niveau des segments médullaires de la jonction thoracolombaire, c'est-à-dire en vertébral Th10. Enfin, la stimulation de la moelle épinière au niveau thoracique en Th1 peut avoir un effet bénéfique dans l'angine de poitrine, à la fois par un effet hémodynamique et un mécanisme antalgique propre.

Les risques neurologiques de la stimulation médullaire sont exceptionnels. Les complications les plus fréquentes sont les suivantes. Les infections du matériel, de 1 à 5 % selon les séries, nécessitent l'ablation du matériel implanté ; une nouvelle implantation peut être faite dans un délai de six mois après la guérison de l'infection. La migration de l'électrode qui aboutit à une inefficacité de la stimulation et/ou une mauvaise localisation des paresthésies, ou encore un dysfonctionnement électrique du système implanté, observés dans 5 % et 3 % des cas, respectivement, nécessitent une révision du montage [123].

Le renouvellement de la batterie implantée - qui s'impose après quelques années d'utilisation - peut être réalisé sous anesthésie locale. Les nouveaux systèmes de batteries rechargeables pallient cet inconvénient.

Stimulation cérébrale profonde

Les techniques stéréotaxiques permettent d'accéder aux cibles. Les principales cibles sont, d'une part, les sites opiacés, à savoir la SGPV et la SGPA, et, d'autre part, les noyaux relais somesthésiques du thalamus.

La stimulation des noyaux somesthésiques du thalamus contralatéralement à la douleur repose sur le concept de Head et Holmes selon lequel les voies lemniscales exerceraient un contrôle inhibiteur sur les voies extralemniscales [12]. C'est Mazars qui fut le premier à appliquer la stimulation profonde chez l'homme, en l'occurrence au niveau du noyau VPL du thalamus, particulièrement pour le traitement des douleurs de désafférentation sensitive [11]. La cible ventro-postéro-mediane (VPM) fut ensuite proposée par Hosobuchi en particulier pour les douleurs neuropathiques du territoire trigéminal [124] (Figure 18).

La bonne position de l'électrode mise par méthode stéréotaxique sous anesthésie locale est confirmée lorsque la stimulation peropératoire évoque des paresthésies dans le territoire de la douleur.

D'après les données de la littérature, il n'existe en fait pas « d'indication reine » de cette méthode [125, 126], cependant la stimulation VPL/VPM serait plutôt efficace dans les douleurs de désafférentation périphérique, prenant une place légitime lorsque la stimulation médullaire n'est pas indiquée ou s'avère inefficace.

Le rationale de la stimulation de la SGPV et de la SGPA repose sur la démonstration chez le rat que la stimulation de la SGPA assurait une analgésie suffisante pour qu'il soit possible de réaliser de la chirurgie viscérale sans besoin d'anesthésie [127] et que cette analgésie était liée à la mise en jeu des systèmes opioïde et sérotoninergique descendants [128, 129]. Richardson et Akil appliquèrent à l'homme la stimulation de la SGPV et de la SGPA [17], son antagonisation par la naloxone témoignant d'un effet opioid-like [130].

La bonne localisation de l'électrode mise en place par technique stéréotaxique sous anesthésie locale est attestée par le fait que stimulation peropératoire provoque une sensation de bien-être et de chaleur corporelle. La cible SGPV est préférée à la cible SGPA, cette dernière étant davantage génératrice d'effets indésirables tels que sensations de vertiges, réactions de peur, d'anxiété et de malaise imminent. S'agissant de la seule méthode de neurostimulation réalisable pour les douleurs diffuses, la stimulation des sites opiacés s'adresse surtout aux douleurs d'origine cancéreuse polymétastatiques. Comme pour l'administration de morphine, le risque est celui de l'autostimulation d'un système producteur d'endomorphines et donc susceptible d'assuétude. À vrai dire, la stimulation des systèmes opioïdes n'est que rarement indiquée depuis le développement des prescriptions de doses importantes de morphiniques par voie orale, parentérale ou leur administration par voie intrathécale ou intraventriculaire.

La stimulation profonde de l'hypothalamus postérieur a été remise à l'ordre du jour pour le traitement de l'algie vasculaire de la face sévère (cluster headache) [131].

Stimulation corticale motrice (précentrale)

La stimulation du cortex moteur fut introduite par Tsubokawa en 1991 sur la base expérimentale chez un modèle animal de douleur chronique que la stimulation corticale de la région motrice inhibait l'hyperactivité anormale du thalamus faisant suite à une lésion du système sensitif spinothalamique [13, 132]. Bien auparavant, dès 1957, avaient été décrites sur l'animal les capacités du système moteur pyramidal d'exercer une inhibition sur les

afférences de la corne dorsale spinale [133, 134]. En 1974, Adams avait appliqué la stimulation du tractus pyramidal au niveau de la capsule interne pour induire un effet analgésique chez l'homme [135].

La technique chirurgicale (Figure 19) consiste à placer une électrode en regard du cortex moteur. La plupart des équipes préfèrent placer l'électrode en situation extradurale pour éviter les risques de complications intradurales. Pour ce faire, une petite craniotomie par volet est réalisée en regard du cortex précentral controlatéral au territoire douloureux. Le cortex est repéré en avant du sillon central identifié par la neuronavigation couplée à une imagerie par résonance magnétique (IRM) anatomique et si nécessaire fonctionnelle. La localisation du sillon central peut être confirmée par l'enregistrement des PES (la zone d'inversion N20/P20 situé le sillon central). Le repérage peut être complété par stimulation extradurale du cortex, ce qui permet d'observer des réponses de contractions musculaires à la stimulation directe du cortex moteur. L'électrode est placée dans la zone du cortex moteur dont la somatotopie correspond le mieux à la zone douloureuse. L'électrode est ensuite reliée à la batterie mise en sous-cutané. L'intensité de la stimulation est ensuite réglée de telle façon qu'elle soit sous le seuil de contraction motrice. Le patient ne ressent aucune sensation induite, en l'occurrence des paresthésies lors de la stimulation.

Les complications postopératoires sont rares si les implantations d'électrodes sont faites en extradural. Les plus fréquentes sont les infections (2 %) ; elles nécessitent le plus souvent l'explantation du matériel. La méthode n'induit pas d'épilepsie à long terme. En revanche, lors des séances de réglage des paramètres, des crises épileptiques pourraient survenir si l'intensité de la stimulation était mal contrôlée.

Le mécanisme de la stimulation corticale motrice (SCM) reste incomplètement élucidé. Des études en imagerie fonctionnelle chez l'homme montrent que la stimulation corticale provoque une augmentation du débit sanguin cérébral - témoin de l'activité synaptique locale - au niveau du thalamus ventrolatéral (c'est-à-dire moteur) ipsilateral à la stimulation, mais également des régions cingulaire antérieure et orbitofrontale, de même que de l'insula et de l'amygdale principalement controlatérales, ainsi que de la partie haute du tronc cérébral [136, 137]. Il semble donc que la SCM soit capable d'influencer l'activité de la pain matrix connue pour jouer un rôle dans la composante affectivoémotionnelle de la douleur chronique. L'activation enregistrée au niveau de la région périaqueducale mésencéphalique témoigne de l'activation des voies descendantes inhibitrices. D'ailleurs, des études électrophysiologiques chez des patients stimulés [138] ont montré que la SCM était capable d'inhiber les réflexes nociceptifs spinaux, ce qui témoigne d'un renforcement de la modulation inhibitrice descendant jusqu'au niveau spinal (Figure 20).

Par ailleurs, les études de Maarrawi et al. par TEP-scan à la diprénorphine [27] ont établi que la SCM agirait en augmentant la sécrétion et la libération des opioïdes endogènes. Cet effet serait lié à l'activation des structures de la pain matrix. L'efficacité de la SCM de façon prépondérante dans les douleurs centrales, en particulier après accident vasculaire cérébral (central post-stroke pain), pourrait s'expliquer par l'activation des zones de la pain matrix non détruites mais rendues « silencieuses » par phénomène de diaschisis [139].

La SCM fait encore l'objet études avant de confirmer son acceptation dans l'arsenal thérapeutique classique. Un consensus se dégage cependant pour l'utiliser pour le traitement des douleurs postaccidents vasculaires cérébraux, comme les douleurs dites thalamiques [140] ou celles du syndrome de Wallenberg [141], ainsi que pour les douleurs trigéminales

neuropathiques [142]. Dans ces deux indications, pour lesquelles n'existe pas de solution thérapeutique vraiment efficace, deux patients sur trois bénéficient d'une amélioration correspondant à plus de 50 % de leur douleur [143, 144, 145, 146]. La stimulation magnétique transcrânienne (repetitive transcranial magnetic stimulation [rTMS]) est actuellement à l'essai, plusieurs études préliminaires ayant montré qu'une réduction transitoire de la douleur après rTMS était corrélée à un effet positif de la SCM implantée [147, 148]. L'absence de réponse à la SMT ne permet cependant pas de prédire un effet négatif de la méthode.

Par ailleurs, cette méthode a démontré des effets moteurs intéressants chez les patients déficitaires. Des études expérimentales et cliniques sont en cours pour apprécier ces effets d'amélioration motrice [149].

Indications et conduites à tenir

Indications dans les douleurs d'origine cancéreuse

L'avis neurochirurgical doit bien entendu n'être demandé qu'après la cure dûment conduite de la lésion néoplasique et de ses complications mécaniques ou infectieuses. L'indication d'une intervention antalgique se conçoit lorsque les douleurs échappent au traitement médical antalgique, lorsque l'augmentation des doses conduirait à des effets toxiques et pour les opiacés une assuétude.

La chirurgie antalgique doit être réservée aux cas étroitement sélectionnés suivant les critères suivants :

• une espérance de survie de l'ordre d'un minimum d'une année ;

• des conditions générales et de défenses immunitaires suffisamment bonnes pour que la chirurgie n'expose - de par trop - à des risques d'infection ou à des complications générales. Dans l'hypothèse où la faiblesse de l'état général serait liée à la prise d'une grande quantité d'antalgiques, le recours à la chirurgie porterait l'espoir que la diminution des antalgiques améliore l'état général ;

• une lésion suffisamment focalisée pour que la chirurgie neurologique soit apte à « couvrir » la région douloureuse.

Des protocoles différents sont adoptés selon les cas particuliers (Figure 21).

Douleurs des cancers cervicofaciaux

Une douleur qui dépendrait du seul territoire trigéminal peut être contrôlée par l'interruption du nerf trijumeau seul, soit par une section microchirurgicale de la pars major de la racine trigéminale dans l'angle pontocérébelleux (APC), soit, si l'état local de la joue, de la fosse ptérygomaxillaire et de la base du crâne le permet, par une thermocoagulation percutanée au travers du foramen ovale sous anesthésie locale. Lorsque la douleur est étendue au territoire du glossopharyngien et du vague, il faut y associer l'interruption de leurs radicelles sensitives, par abord microchirurgical dans l'APC ou encore, si l'état local le permet, par thermocoagulation percutanée du ganglion d'Andersch au niveau du foramen jugularis.

Lorsqu'existent des douleurs intéressant le territoire des racines cervicales supérieures, l'on peut y associer une interruption des racines C1, C2, C3, soit par abord direct, soit par thermocoagulation percutanée des racines dans leurs canaux de conjugaison respectifs.

Pour les douleurs étendues, plutôt que de réaliser des neurotomies combinées des nerfs crâniens sensitifs, il peut être recouru à l'interruption du tractus spinal descendant au niveau du bulbe par abord direct, ou par voie percutanée scan-guidée, ou encore par tractotomie spinothalamique mésencéphalique stéréotaxique. La morphinotherapie intraventriculaire, malgré des risques infectieux, peut être une alternative.

Douleurs cancéreuses correspondant au territoire du plexus brachial

Pour les douleurs du syndrome de l'apex thoracique, la DREZotomie correspondant aux territoires cervicothoraciques concernés, le plus souvent de C7 à Th3, est la technique la plus appropriée.

Lorsque les douleurs sont plus étendues, comme dans certains cancers du sein intéressant la partie latérale du cou, le creux sus-claviculaire, le creux axillaire et la partie supérieure du thorax, une cordotomie controlatérale en C2, soit par abord direct, soit percutanée, est indiquée. Son indication doit prendre en compte l'existence d'un risque de défaillance respiratoire, surtout s'il existe des troubles ventilatoires dus à l'envahissement bronchopulmonaire ou à une paralysie phrénique. En effet, la cordotomie haute, controlatérale à la lésion, inclue inévitablement les fibres réticulospinales descendantes, vectrices de la commande diaphragmatique.

Ces douleurs étendues peuvent être également accessibles à la tractotomie pédonculaire stéréotaxique, faite controlatéralement, laquelle fait courir moins de risques ventilatoires. La morphinothérapie intraventriculaire, moins lourde mais avec risque infectieux lié à la présence de matériel implanté, est une alternative.

Douleurs des envahissements néoplasiques de la paroi thoracique

Lorsqu'elles sont limitées (tumeur costale, mésothéliome pleural, etc.), ces douleurs peuvent relever de blocs et de neurolyses paravertébraux, de thermorhizotomies percutanées, ou encore d'une radicotomie postérieure ou d'une DREZotomie aux niveaux segmentaires correspondants.

Douleurs des cancers périnéopelviens

Les douleurs périnéopelviennes, associées ou non à des douleurs du membre inférieur, relèvent préférentiellement de la morphinothérapie intrathécale, par injections répétées dans un réservoir sous-cutané pour les patients à espérance de vie brève, ou par pompe programmable implantée pour les patients avec espoir de survie longue. L'on peut avoir aussi recours à la cordotomie bilatérale, de préférence cervicale basse par abord direct, ou encore à la myélotomie commissurale par abord direct ou percutané scan-guidée, s'il existe déjà une abolition des fonctions génitosphinctériennes. Chez les patients à survie brève, la phénolysation intrathécale est une alternative.

Lorsque les douleurs et les lésions responsables sont strictement limitées au plancher périnéal et d'évolution lente, l'on peut avoir recours à une DREZotomie microchirurgicale des seuls segments sacrés.

Douleurs par envahissement du plexus lombosacré ou des nerfs d'un seul membre inférieur

Dans ces formes avec conservation des fonctions génitosphinctériennes, la cordotomie unilatérale du côté opposé est une technique appropriée ; si le membre inférieur est très déficitaire, une DREZotomie lombosacrée peut être indiquée.

Douleurs solaires par cancer de l'estomac et cancer du pancréas

Elles relèvent préférablement de l'infiltration radio- ou scan-guidée par substances neurolytiques du plexus cœliaque et des nerfs splanchniques. L'alternative est l'implantation d'un cathéter intrathécal, au niveau T6, pour infusion d'antalgiques, en particulier morphiniques et anesthésiques locaux.

Douleurs des envahissements néoplasiques radiculaires par tumeur vertébrale et/ou épidurale

Pour ces douleurs par envahissement/compression radiculomédullaire par néoplasies vertébroépidurales, la chirurgie antalgique peut être aisément associée au traitement chirurgical de la lésion (décompression/stabilisation). Lorsque la décompression ne suffit pas à libérer les racines, l'acte chirurgical peut être une radicotomie postérieure extra- ou intradurale, ou une DREZotomie.

Douleurs des métastases osseuses multiples

Lorsque ces douleurs deviennent rebelles aux traitements pharmacologiques et/ou hormonothérapiques, l'indication d'une hypophysiolyse ou d'une hypophysectomie ou surtout d'une radiothérapie focale peut être discutée, bien entendu surtout s'il s'agit d'un cancer hormonodépendant. Ces indications sont exceptionnelles.

Douleurs associées

Rappelons que l'origine des douleurs rencontrées dans les états cancéreux ne se résume pas à des mécanismes par excès d'influx nociceptifs. Peuvent exister en association ou même isolément des douleurs algodystrophiques. Celles-ci relèvent de la stimulation transcutanée externe et, si besoin, de la stimulation médullaire. Existent aussi souvent des douleurs de type neuropathique par compression ou destruction des nerfs sensitifs. Celles-ci relèvent des méthodes correspondantes.

Indications dans les douleurs neuropathiques

De façon générale, les douleurs neuropathiques relèvent logiquement et en premier lieu des méthodes de neurostimulation analgésique, « conservatrices » par nature. Ces méthodes ne doivent être mises en jeu qu'après échec des traitements médicamenteux appropriés. Au nombre de ces médications, les principaux anticonvulsivants sont cités : carbamazépine, clonazépam, gabapentine, capables de réduire l'hyperactivité neuronale, et certains

thymoanaleptiques (tricycliques en particulier, en perfusion intraveineuse lente). Outre leurs effets psychotropes, ces derniers ont des propriétés analgésiques propres en augmentant le taux de sérotonine et de noradrénergiques dont le rôle est connu pour la neuromédiation des systèmes inhibiteurs de la douleur.

Lorsque les méthodes de neurostimulation ne constituent pas la solution, il peut être légitime de considérer les techniques lésionnelles, en particulier si le mécanisme prépondérant de la douleur correspond à un foyer de neurones hyperactifs accessibles.

Des protocoles différents sont adoptés selon les cas particuliers.

Douleurs des amputés

Les douleurs des amputés ne sont pas univoques.

Le névrome hypertrophique douloureux, dont le diagnostic ne peut être retenu que si la palpation décèle une masse dont la mobilisation et la percussion y provoque des douleurs excruciantes, peut être réséqué et le nerf après recoupe mieux enfoui.

Les douleurs du moignon, survenant par crises à déclenchement spontané, relèvent de la stimulation transcutanée et, en cas d'échec de celle-ci, de la stimulation médullaire.

L'hyperesthésie (allodynie) cutanée au contact, au cas où la neurostimulation ne serait pas efficace, peut relever d'une DREZotomie de façon à en diminuer le caractère provoqué.

Le membre fantôme douloureux, lorsque les stimulations transcutanée puis médullaire ne sont pas efficaces, peut faire considérer la stimulation du cortex cérébral, avec mise d'électrodes au niveau de la représentation motrice du membre fantôme telle que décelée par l'IRM fonctionnelle.

Lorsqu'existent des avulsions radiculaires associées, la DREZotomie est la méthode efficace.

Douleurs dues aux lésions des nerfs périphériques

Ces douleurs, lorsqu'elles ont résisté aux méthodes de réparation nerveuse ou de libération du nerf, relèvent tout d'abord de l'électroanalgésie transcutanée, surtout si les nerfs sont superficiels, et si besoin de la stimulation médullaire. Si celles-ci s'avèrent inefficaces et si les composantes douloureuses prédominantes sont paroxystiques et/ou allodyniques, il peut être alors - et alors seulement - discuté une DREZotomie (a minima) au niveau des segments médullaires correspondants pour en diminuer le caractère provoqué.

Douleurs après atteintes traumatiques du plexus brachial

Pour ces atteintes, les effets de la neurostimulation sont dépendants de la topographie des lésions anatomiques. C'est ainsi que pour les lésions situées distalement par rapport au ganglion spinal, éventualité rare, la stimulation transcutanée ou médullaire peut être efficace. Au contraire, pour les lésions situées entre le ganglion spinal et la moelle, c'est-à-dire les arrachements au niveau médullaire, éventualité la plus fréquente, ces stimulations seraient inefficaces du fait de la dégénérescence des fibres jusqu'au tronc cérébral. L'état anatomofonctionnel des fibres ascendantes dans les colonnes dorsales de la moelle doit être

évalué par l'étude des PES, nommément le TCC. Lorsque ces fibres ne sont pas fonctionnelles, une stimulation thalamique du VPL ou une stimulation corticale motrice (précentrale) peuvent se justifier. Les douleurs de désafférentation d'avulsion du plexus brachial (comme celles moins fréquentes du plexus lombosacré) constituent une excellente indication de la DREZotomie.

Douleurs du plexus brachial secondaires aux cancers

Pour les douleurs du plexus brachial secondaires aux cancers du sein ou de l'apex thoracique - incluant celles des plexites radiques - la démarche peut être analogue à celles précédemment décrites.

Douleurs radiculaires après chirurgie rachidienne

Les douleurs par atteintes radiculaires, comme celles des sciatalgies résiduelles après chirurgie de hernie discale, ne répondent à la stimulation qu'elle soit transcutanée - appliquée sur le nerf péronier et/ou le nerf tibial dans la région poplitée - ou médullaire que s'il n'existe pas de dégénérescence importante des fibres sensitives correspondantes. L'indication d'une stimulation médullaire ne doit être portée qu'après s'être assuré de la normalité du TCC, et si nécessaire après test d'efficacité percutané.

Douleurs postzostériennes

Les douleurs postzostériennes sont très difficiles à contrôler. La stimulation médullaire donne des effets très inconstants du fait de l'importance et de la fréquence de la destruction des cellules du ganglion spinal, ainsi que des cellules de la corne dorsale, et donc de la dégénérescence des fibres ascendantes des colonnes dorsales. Lorsqu'il existe une importante allodynie, provoquée par l'effleurement cutané, une DREZotomie au niveau des segments médullaires correspondants peut diminuer cette composante invalidante.

Douleurs d'origine médullaire

Les douleurs séquellaires des atteintes médullaires ne peuvent être influencées par la neurostimulation médullaire que s'il existe un état encore fonctionnel des voies sensitives des colonnes dorsales jusqu'aux noyaux du tronc cérébral. Là encore, le contrôle du TCC est primordial avant toute décision d'intervention.

Les douleurs segmentaires, « radiculométamériques », secondaires à un écrasement du cône médullaire et/ou de la queue de cheval, répondent bien à la DREZotomie des segments correspondants aux lésions traumatiques. En revanche, les douleurs sous-lésionnelles en zone anesthésique, comme celles qui résident au niveau périnéoanal, ne peuvent être influencées par la DREZotomie, de même d'ailleurs que par la stimulation médullaire. Les essais de stimulation corticale motrice ne sont pas encore suffisamment avancés pour en connaître la valeur dans cette indication.

Douleurs dites de type « thalamique »

Les douleurs centrales, en particulier celles observées après accidents vasculaires cérébraux, comme dans le syndrome de Dejerine-Roussy (dites de type « thalamique ») ou dans le syndrome de Wallenberg, sont le plus souvent d'une grande intensité. La plupart des études de

stimulation du cortex moteur font état d'une efficacité d'environ 75 % chez les deux tiers des patients implantés. Il s'agit là de résultats importants si l'on considère que ces douleurs sont généralement rebelles à toutes les thérapeutiques, qu'elles soit médicamenteuses ou chirurgicales.

Douleurs de l'extrémité céphalique

La très grande majorité des douleurs faciales qui relèvent de la neurochirurgie sont des névralgies trigéminales ou beaucoup plus rarement vago-glossopharyngiennes. Ces syndromes douloureux n'appartiennent pas au cadre des douleurs neuropathiques ; elles sont de mécanismes très particuliers et spécifiques. Leur traitement a fait l'objet d'une mise au point dans l'EMC [38].

Cependant, le système trigéminal peut être le siège de douleurs neuropathiques par atteinte à ces différents niveaux.

Les douleurs liées à des lésions des branches périphériques, qu'elles soient d'origine odontologique, post-traumatique ou postchirugicale peuvent en principe répondre aux méthodes de neurostimulation au niveau du ganglion de Gasser. La technique par électrode implantée par voie percutanée à travers le foramen ovale [150], qui a l'avantage d'être peu invasive, se solde malheureusement fréquemment par un déplacement secondaire de l'électrode du fait des mouvements de mastication de l'articulation temporomandibulaire. L'implantation directe par abord sous-temporal extradural est relativement plus lourde [151].

Ces douleurs liées à une atteinte des branches périphériques, ou encore celles d'origine ganglionnaire, comme dans l'étiologie zostérienne, ne relèveraient d'une chirurgie lésionnelle comme la thermocoagulation percutanée rétrogasseriene que si les composantes dominantes étaient paroxystiques et/ou très fortement allodyniques.

Les douleurs à type d'anesthésie douloureuse ou dysesthésiques, qui s'observent parfois après chirurgie pour névralgie trigéminale, lorsqu'elles résistent aux perfusions de tricycliques, peuvent faire considérer la neurostimulation profonde du noyau VPL ou celle du cortex moteur.

La nucléotomie du noyau spinal du trijumeau au niveau bulbomédullaire est une cible potentielle pour les douleurs réfractaires de l'extrémité céphalique. En effet, sur cette structure convergent non seulement les afférences sensitives du nerf V mais aussi celles des nerfs IX-X, ainsi que des racines cervicales de C1 à C5 [44]. Mais cette intervention doit rester d'exception de par sa nature invasive et compte tenu de ses risques d'atteinte des structures intra-axiales de voisinage.

Les névralgies du nerf occipital, lorsqu'elles restent rebelles aux thérapeutiques locales en particulier aux « infiltrations », peuvent relever de la neurostimulation par électrodes implantées par voie percutanée le long du trajet sous-cutané du nerf après son émergence du triangle de Tillaux. Les séries publiées sont prometteuses.

Par ailleurs, peuvent être mentionnés des essais d'application de la stimulation du nerf occipital à d'autres syndromes douloureux de l'extrémité céphalique, bien qu'en dehors du champ des douleurs neuropathiques. Il s'agit de certaines formes de céphalées cervicogéniques, d'algies vasculaires de la face, de migraines chroniques, lorsqu'elles résistent

aux traitements classiques et présentent un caractère invalidant. Le rationale de la stimulation du nerf occipital dans ces pathologies reste encore incomplètement démontré. Cependant, du fait de la convergence d'afférences sensitives des racines cervicales, en particulier de C2, sur le noyau spinal du trijumeau, l'hypothèse que la stimulation du nerf occipital puisse jouer un rôle favorable sur le système trigéminocervical pour les céphalées cervicogéniques et sur le système trigéminovasculaire pour les algies vasculaires et la migraine a du sens.

De façon générale, il est utile de rappeler que les effets de la chirurgie peuvent s'amenuiser avec le temps. Il est souvent possible de potentialiser ou de réactiver ses effets antalgiques par les médicaments qui renforcent les systèmes neurochimiques du contrôle inhibiteur tels que les tricycliques, surtout si l'administration en est faite en intraveineux, par perfusions lentes, sur une durée prolongée (dix jours) et à fortes doses.

Conclusions La neurochirurgie de la douleur s'adresse aux douleurs chroniques, intolérables, résistantes au traitement étiologique de la lésion causale et à la correction de ses complications, et bien entendu rebelles aux traitements médicamenteux. Les méthodes neurochirurgicales à considérer sont bien différentes selon que l'on est en présence de douleurs par néoplasmes en évolution ou de douleurs neuropathiques. Souvent, le choix est difficile.

Bien des douleurs considérées comme neuropathiques du fait de leur présentation clinique sont en fait dues à des atteintes nerveuses compressives, comme dans de nombreux cas d'entrappements canalaires ou de sténoses vertébrales, pour n'en citer que quelques-unes. La chirurgie décompressive a intérêt à être effectuée avant que les lésions de dégénérescence ne deviennent irréversibles. Celle-ci faite à temps, les phénomènes douloureux y compris leur composantes neuropathiques peuvent être rapidement soulagés. Cette chirurgie « anatomique » doit être considérée en premier lieu [152].

Le recours à la neurochirurgie doit être envisagé avant que l'escalade des sédatifs n'entraîne un ralentissement psycho-intellectuel invalidant et avant que les antalgiques stupéfiants ne génèrent une toxicomanie irréversible.

Quel que soit le rationale de la technique chirurgicale envisagée, la neurochirurgie de la douleur porte en elle d'importantes limites. Qu'il s'agisse de douleurs néoplasiques ou de douleurs neuropathiques, les lésions causales restent présentes avec leur cortège de déficits, créateurs d'handicaps, et s'accompagnent souvent d'un état dépressif réactionnel évoluant pour son propre compte.

Quoi qu'il en soit, l'efficacité des techniques neurochirurgicales est liée à une sélection rigoureuse des patients, selon les critères dégagés tout au long de cette mise au point qui a mis l'accent sur l'anatomie et la physiologie. Il est bien évident que les méthodes neurochirurgicales ne trouvent leur place qu'au terme d'une analyse faite par une équipe multidisciplinaire.

Enfin, au fil de l'amélioration des connaissances, le traitement neurochirurgical de la douleur évolue. Cette mise au point se limite à n'être qu'un reflet momentané des connaissances et des thérapeutiques actuelles.

Figure 1 :

Projections des afférences radiculaires sur la corne dorsale. Rationale des douleurs « projetées ». Il existe deux types de douleurs projetées.A. Douleur rapportée, lorsque la douleur est ressentie dans le territoire innervé par la structure nerveuse atteinte. Le territoire innervé comporte non seulement le dermatome (tissus cutanés et sous-cutanés) mais aussi le myotome sensitif (muscles et tendons), le sclérotome (tissus ostéopériostés, articulaires et capsuloligamentaires) et le splanchnotome (viscères). Une illustration en est la compression du nerf sciatique (L) par une hernie discale par exemple, qui s'exprime jusque dans la distalité du membre inférieur, non seulement le long du dermatome mais aussi au niveau du sclérotome.B. Douleur référée, trompeuse pour un clinicien non averti. Les phénomènes de convergence des différents types d'afférences sensitives (somatiques et viscérales) sur la corne dorsale expliquent que les lésions viscérales peuvent entraîner des douleurs référées au territoire somatique du même métamère. C'est ainsi par exemple que l'ischémie coronarienne peut provoquer des douleurs au niveau de la face médiale de la main et de l'avant-bras gauche (métamères C8-Th1).

Figure 2 :

Interventions d'interruption des voies nociceptives. Les principales interventions sont figurées sous la forme d'une flèche double : sympathectomie (S), neurotomie (N), radicotomie dorsale (R), DREZotomie (dorsal root entry zone), myélotomie commissurale postérieure (MC), cordotomie antérolatérale (C), tractotomie spinothalamique pédonculaire (TST), thalamotomie stéréotaxique (T), lobotomie préfrontale et variantes (L). TH : thalamus ; VPL : noyau somesthésique ventro-postéro-latéral.

Figure 3 :

Interventions sur les voies cervicocéphalique et de la face : radicotomies des nerfs crâniens et thermocoagulation percutanée des nerfs trijumeau, glossopharyngien et vague.A. Le schéma de gauche figure les voies de la sensibilité cervicocéphalique. Le nerf V et le nerf VIIbis innervent la face et ses cavités. Les nerfs IX et le X innervent le carrefour aérodigestif. Les racines dorsales cervicales supérieures innervent la région cervicocéphalique. En vert sont figurés le sympathique cervical et le ganglion stellaire.B. Nerf V et complexe acoustico-vestibulo-facial (photo prise sous microscope opératoire au niveau de l'angle pontocérébelleux droit).C. Nerfs IX, X et XI pénétrant dans le foramen jugulaire. PICA : artère cérébelleuse postéro-inférieure ; VB : artère vertébrobasilaire ; Ch. Pl. : plexus choroïde.D. Vue des nerfs de l'angle pontocérébelleux droit après écartement du cervelet (C) médialement. Les nerfs sensitifs (V pars major, VIIbis, IX et radicelles sensitives du nerf X) ont été sectionnés. T : tente du cervelet. Coch : cochléaire ; Vest : vestibulaire ; SL : sinus latéral entrant dans le foramen jugulaire.E. Thermocoagulation percutanée du trijumeau (cliché de profil). L'électrode est introduite jusqu'au bord supérieur du rocher à travers le foramen ovale jusqu'au cavum de Meckel où siège le ganglion de Gasser (flèche). CP : clinoïde postérieure ; FO : foramen ovale.F. Thermocoagulation percutanée du glossopharyngien et du vague sensitif (cliché de profil). L'électrode est introduite jusque dans le foramen jugulaire (FJ) au niveau de sa pars nervosa où passent le nerf IX en avant et le nerf X en arrière.

Figure 4 :

Organisation de la dorsal root entry zone (DREZ) chez l'homme (A, B). Chaque radicelle est formée d'un segment périphérique (5) et d'un segment central (2) réunis au niveau de l'anneau pial (3). À la périphérie (6), les fibres n'ont aucune systématisation particulière. Au voisinage de l'anneau pial, les petites fibres (nociceptives) se disposent à la surface de la radicelle en majorité sur le bord latéral (4). Au niveau du segment central (1), elles se regroupent latéralement pour pénétrer dans le tractus de Lissauer (9, 10). Les grosses fibres destinées à la corne antérieure (myotatiques) sont au milieu (8) et celles à destinée cordonale postérieure (sensibilité discriminative et proprioceptive) en situation médiale (7). Les petites fibres se terminent sur les cellules d'origine du faisceau spino-réticulo-thalamique (SRT), voie nociceptive ascendante, qu'elles activent et sur les arcs réflexes polysynaptiques des motoneurones, en particulier ceux des muscles fléchisseurs. Les grosses fibres myotatiques se projettent sur les cellules de la corne antérieure et forment les arcs réflexes myotatiques. Les collatérales courtes des grosses fibres à destinée cordonale postérieure se terminent sur les cellules SRT qu'elles inhibent. La pointe de flèche évidée (B) montre la lésion de la DREZotomie microchirurgicale qui pénètre de 3 mm en profondeur dans la jonction

radicullomédullaire dorsale et fait un angle de 35 à 45̊ selon le niveau médullaire. GB : cordon postérieur de Goll et Burdach ; M : médian ; L : latéral ; SG : substance gélatineuse.

Figure 5 :

Hyperactivité neuronale de désafférentation. Enregistrements peropératoires de l'activité des neurones de la corne dorsale de la moelle chez l'homme, par microélectrodes.A. Activité de corne dorsale normale.B. Activité après lésion de désafférentation (avulsion plexique par exemple).

A, B. 1. Activité normale spontanée (A). L'activité spontanée est augmentée en cas de désafférentation (B). Ces activités spontanées anormales seraient à l'origine des douleurs paroxystiques ; ces douleurs répondent bien aux médications anticomitiales à visée antalgique ; 2. stimulations électriques (flèches) du tronc du nerf périphérique correspondant au métamère enregistré. Il existe des potentiels d'actions évoqués (A). Il n'y a pas de potentiels évoqués en B du fait de la désafférentation. 3. stimulations tactiles (flèches) du dermatome correspondant à ce même métamère. Il existe une réponse évoquée au niveau du neurone de la corne dorsale après chaque stimulation (A). En revanche, les stimulations du dermatome ne modifient pas l'hyperactivité spontanée des neurones (B), ce qui témoigne de leur désafférentation. Ce sont ces neurones hyperactifs qui sont les cibles de la DREZotomie (dorsal root entry zone).

Figure 6 :

Technique de la DREZotomie (dorsal root entry zone) microchirurgicale (au niveau cervical) avec racines en place : exposition de la face dorsolatérale (droite) de la moelle cervicale (en C6). Les radicelles sont réclinées postérieurement et médialement avec un crochet pour avoir accès à la partie ventrolatérale de la DREZ au niveau du sillon dorsolatéral. Une incision de 2 mm de profondeur est faite à 35° ventralement et médialement, au moyen d'un microbistouri, le long du sillon dorsolatéral (A). Les microcoagulations sont réalisées jusque dans l'apex de la corne dorsale au moyen d'une pince bipolaire à coaguler très fine et très pointue graduée en millimètres à l'extrémité, et ce jusqu'à une profondeur de 3 à 4 mm dans la corne dorsale (B).

Figure 7 :

Technique de la DREZotomie (dorsal root entry zone) microchirurgicale pour avulsion du plexus brachial (de C6 a T1, du côté gauche). Imagerie par résonance magnétique T2 montrant des pseudoméningocèles au niveau cervical inférieur du côté gauche (A, B). Potentiels évoqués somesthésiques après stimulation du nerf médian montrant une disparition des potentiels à partir de la moelle (N13) jusqu'au cortex (N20) du côté gauche, par comparaison avec le côté droit (C). Vues opératoires (partie crâniale vers le bas, caudale vers

le haut) montrant l'avulsion complète des racines de C6 à T1 du côté gauche ; le sillon dorsolatéral peut être facilement identifié (D). L'incision du sillon est effectuée au microbistouri (E). Des microcoagulations dans la corne dorsale, laquelle présente un aspect gliotique, sont effectuées à une profondeur de 3 à 4 mm au moyen d'une pince bipolaire graduée (F). Potentiels évoqués somesthésiques au niveau du : 1. plexus ; 2. tronc cérébral ; 3. cortex.

Figure 8 :

Deux systèmes de la sensibilité douloureuse. À droite : système latéral (néo-spino-thalamique) qui est superficiel dans le cordon ventrolatéral de la moelle. Il a une conduction rapide et paucisynaptique. Il se projette somatotopiquement sur les noyaux relais ventro-postéro-médian et ventro-postéro-latéral du thalamus, puis sur le cortex somesthésique primaire (SI) et secondaire (SII). C'est le système discriminatif de la sensibilité douloureuse. À gauche : système médial (paléo-spino-réticulo-thalamique) qui est profond dans le cordon ventrolatéral de la moelle. Il a une conduction lente et multisynaptique. Il a de nombreux relais dans la substance réticulée du tronc cérébral. Il se projette sur le thalamus médial (noyaux intralaminaire et parafasciculaire). Cette voie se distribue ensuite vers l'hypothalamus, les structures limbiques, le complexe amygdalien, les aires préfrontales, etc. L'ensemble de ce système est responsable de l'aspect affectif, cognitif et comportemental de la sensibilité douloureuse. AM : noyau amygdalien ; Hyp : hypothalamus ; GCA : gyrus cingulaire antérieur ; PF : cortex préfrontal ; INS : insula.

Figure 9 :

Repères anatomiques de la cordotomie antérolatérale : à droite est schématisée, d'après Walker [89], la disposition des fibres du faisceau spino-réticulo-thalamique selon leur provenance sacrée (S), lombaire (L), thoracique (T) et cervicale (C). À gauche est figurée en orange la section du quadrant antérolatéral qu'il faut réaliser pour obtenir un bon effet analgésique. Cette section doit être profonde en arrière pour intéresser le faisceau paléo-spino-réticulo-thalamique qui est la véritable voie responsable de l'intensité douloureuse de la sensation. Sur le plan technique, la cordotomie antérolatérale par abord direct postérieur implique après l'ouverture durale postérolatérale la désinsertion durale du ligament dentelé pour exposer le quadrant antérolatéral de la moelle jusqu'à l'émergence des racines antérieures ; puis la pie-mère est incisée à l'aide d'un microbistouri depuis l'insertion piale du ligament dentelé (LD) jusqu'à l'émergence de la racine antérieure. La partie profonde du quadrant antérieur est détruite au moyen d'un crochet mousse pour diminuer le risque de blesser l'artère spinale antérieure (ASA) et ses branches sulcocommissurales ou d'entraîner une lésion du faisceau pyramidal (P) immédiatement postérieur.

Figure 10 :

Tractotomie spinothalamique mésencéphalique par méthode stéréotaxique. Lésion de tractotomie mésencéphalique (cercle rouge) au niveau du tractus spinothalamique (en bleu).

Figure 11 :

Pharmacothérapie intrathécale (A, B) : cathéter intrathécal en regard de T9-T10 (A) (flèche) relié à une pompe programmable (B) implantée en sous-cutané. Patient traité pour douleurs néoplasiques par cancer abdominopelvien invasif.

Figure 12 :

Interventions de neurostimulation : cibles. Stimulation des grosses fibres afférentes primaires des nerfs périphériques et des racines spinales (S1), des voies cordonales dorsales (S2), du noyau ventro-postéro-latéral (VPL), du thalamus (TH) (S3), de la substance grise périaqueducale ou de l'hypothalamus postérieur (S4), du cortex moteur (précentral) (S5).

Figure 13 :

Stimulation des nerfs périphériques : nerf occipital (A, B). Électrodes sous-cutanées implantées le long du nerf occipital, reliées à un stimulateur mis en sous-cutané dans la région pectorale, pour névralgie occipitale post-traumatique.

Figure 14 :

Dépression du réflexe nociceptif (en flexion, du membre inférieur) RIII lors de la stimulation médullaire, lorsqu'elle est efficace. La technique de l'étude du RIII consiste à stimuler électriquement le nerf sural du patient et à enregistrer l'électromyogramme du biceps femoris (responsable du réflexe nociceptif en flexion). Le RIII est enregistré avant, pendant et après la mise en route du stimulateur. Les flèches indiquent le commencement (1) et la fin (2) de la

neurostimulation médullaire, par électrodes implantées au niveau Th10.A. Histogrammes de surface correspondant à tous les réflexes. Noter que le réflexe RIII est fortement déprimé pendant la stimulation et regagne ses valeurs basales peu après la fin de la stimulation.B. Réflexes moyennés, consécutifs. Chaque tracé est la moyenne rectifiée de cinq réponses enregistrées à 15 secondes d'intervalle.

Figure 15 :

A, B. Stimulation médullaire épidurale au moyen d'électrodes implantées par voie percutanée. Introduction dans l'espace épidural postérieur par voie percutanée à travers un trocart de Tuohy d'une électrode souple qui sera montée sous contrôle radioscopique, de la région lombaire jusqu'au niveau médullaire adéquat (A). Radiographie de contrôle antéropostérieure (B).C, D. Stimulation médullaire épidurale au moyen d'électrodes implantées par abord direct interlamaire. Schéma anatomique postérieur de l'électrode mise par voie interlamaire au niveau de la région cervicale (C). Contrôle radiologique, anteroposterieur et lateral de l'électrode (quadripolaire) mise en place dans la région cervicale (D).

Figure 16 :

Prédiction d'efficacité de la stimulation médullaire en fonction de la topographie et du caractère complet ou non des lésions nerveuses d'après l'expérience personnelle [109]. L'ensemble des résultats démontre qu'il n'y a généralement pas d'analgésie lorsqu'il existe une dégénérescence importante des fibres des colonnes dorsales. La fonctionnalité des fibres des cordons postérieurs peut être étudiée par l'étude de la conduction centrale des potentiels évoqués somesthésiques.A. Lésions radiculaires. I. Lésions complètes, distales par rapport au ganglion spinal : la stimulation médullaire peut être efficace ; II. lésions complètes, centrales par rapport au ganglion spinal (arrachement radiculaire par exemple) : la stimulation ne peut être efficace, ce qui est logique puisque dans ces conditions les fibres des colonnes dorsales ont dégénéré jusqu'aux noyaux bulbaires de Goll et Burdach (pointillés). D'ailleurs, dans de tels cas opérés, la stimulation provoque des paresthésies de tout l'hémicorps sous-jacent à la stimulation sauf au niveau des territoires métamériques correspondant aux racines interrompues ; III. lésions incomplètes des racines situées centralement par rapport au ganglion spinal : la stimulation peut être efficace si un nombre suffisant de fibres reste fonctionnel ; IV. lésions complètes de ces mêmes racines : la stimulation ne peut être efficace.B. Lésions médullaires. I. Lésion médullaire incomplète : la stimulation peut être

efficace ; II. lésion médullaire complète : la stimulation ne peut être efficace du fait que les fibres ont dégénéré jusqu'au tronc cérébral ; III. lésion de siège cordonal dorsal : la stimulation peut être efficace si le déficit n'est pas important ; IV. lésion de siège antérolatéral : la stimulation peut être efficace.

Figure 17 :

Arbre décisionnel. Processus de sélection d'un patient atteint de douleur neuropathique, candidat à la stimulation médullaire. VCN : vitesse de conduction nerveuse ; EMG : électromyographie ; PES : potentiels évoqués somesthésiques ; TCC : temps de conduction centrale.

Figure 18 :

Stimulation cérébrale profonde (cibles). Vue sagittale du crâne. L'électrode est placée par méthode stéréotaxique et repérage électrophysiologique au niveau de la cible cérébrale profonde repérée de profil par rapport à la ligne ca-cp de Talairach (commissure blanche antérieure-commissure blanche postérieure). Dans cet exemple : électrode implantée dans le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus, controlatéralement à la douleur.

Figure 19 :

Technique de stimulation corticale motrice (précentrale).A. Imagerie par résonance magnétique axiale T1 identifiant le sillon central (CS) et le gyrus précentral moteur (M).B. Projection du sillon central (CS) sur la voute crânienne.C. Repérage du gyrus précentral en vue coronale (flèche), par système de neuronavigation à partir de l'imagerie par résonance magnétique. Un tel repérage est important, particulièrement pour les patients victimes de lésions encéphaliques, lesquelles modifient la morphologie cérébrale.D. Repérage électrophysiologique du sillon central par l'inversion de polarité du potentiel cortical N20/P20, centrée sur la profondeur du sillon central.E. Radiographie crânienne de profil visualisant l'électrode extradurale de stimulation positionnée le long du gyrus précentral (moteur).

Figure 20 :

Mécanismes d'action de la stimulation corticale motrice (précentrale). Hypothèses fondées sur : l'exploration fonctionnelle chez l'homme : mesure du débit sanguin régional (rCBF : r cerebral blood flow) au moyen de la tomographie par émission de positons (TEP)-scan et de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle et étude du réflexe nociceptif de retrait RIII ; les enregistrements des activités unitaires chez l'animal (bursting cells, réponses aux stimulations nociceptives). La stimulation du cortex moteur (précentral) entraîne : la normalisation de l'activité du thalamus ipsilatéral (noyau ventrolatéral principalement), lequel est le siège d'un hypométabolisme et d'une hyperactivité électrophysiologique à type de bursting dans les douleurs neuropathiques ; une hyperactivité métabolique traduite par une augmentation du rCBF au niveau du cortex cingulaire antérieur et orbitofrontal ainsi qu'au niveau de l'insula postérieur et de l'amygdale, bilatéralement à prédominance controlatérale, et par ailleurs une diminution des potentiels évoqués (nociceptifs) par stimulation laser ; une hyperactivité métabolique (rCBF) et une réduction de la réponse aux stimuli nociceptifs au niveau du tronc cérébral, en particulier de la région périaqueducale ; une diminution du réflexe nociceptif de retrait (RIII) sous-tendu par les réseaux synaptiques de la corne dorsale de la moelle.

Figure 21 :

Interventions dans les douleurs cancéreuses (en évolution). Le type et le niveau des interventions dépendent du siège et de l'étendue des lésions responsables des douleurs. 1. Interruption des nerfs crâniens sensitifs ou tractotomie spinothalamique pédonculaire ; 2. DREZotomie cervicale (dorsal root entry zone) ; 3. radicotomie dorsale ou DREZotomie des racines thoraciques ; 4. DREZotomie sacrée ou pharmacothérapie intrathécale ; 5. cordotomie controlatérale cervicale haute ou tractotomie spinothalamique pédonculaire ; 6. pharmacothérapie intrathécale ou cordotomie bilatérale cervicale basse ou myélotomie commissurale si douleurs bilatérales ; 6bis. pharmacothérapie intrathécale ou cordotomie controlatérale cervicale basse ou DREZotomie unilatérale lombo-sacrée ; 7. cordotomie cervicale basse controlatérale.