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OBLIGATIONS Nervosité sur le marché obligataire européen à l’approche des élections en France Si l'économie mondiale est sur le point de s'extraire de la spirale déflationniste (causée par la mondialisation, les évolutions démographiques et des politiques monétaires très accommodantes), on peut s'attendre à ce que la politique redevienne un important facteur de volatilité sur les marchés financiers. Une évolution qui ne s'est, par ailleurs, pas encore traduite dans les tous pans du marché. La différence entre l'indice de volatilité du S&P 500 — qui mesure le degré d'inquiétude des investisseurs, connu sous le nom d'indice VIX — et l'indice qui mesure le niveau d'incertitude liée à la conduite de la politique économique dans le monde se trouve à un sommet historique, signe que les marchés boursiers mondiaux n'ont pas encore vraiment tenu compte de la montée des risques politiques. Mais, après des années principalement dominées par les politiques des banques centrales, ces risques pourraient revenir au premier plan sur le marché obligataire de la Zone Euro, notamment avec les échéances électorales prévues en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et peut-être aussi en Italie et le lancement officiel des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Les investisseurs européens, déjà secoués en 2016 par la victoire du Brexit, l'élection de Donald Trumpet le référendum en Italie, s'attendent à un nouveau regain de volatilité de l'indice Euro Stoxx (indice Vstoxx) au mois d'avril, avec la tenue du premier tour des élections présidentielles en France. En France, le scandale qui risque de mettre hors-jeu le candidat républicain à la présidentielle, François Fillon, a également réveillé le spectre d'une victoire de Marine Le Pen, la candidate du Front national qui plaide en faveur d'une sortie de l'euro. Alors que les récents sondages indiquent que Le Pen devrait passer au second tour, où elle sera battue par Emmanuel Macron (si aucun candidat ne récolte plus de 50% des voix, un second tour sera organisé le 7 mai), les investisseurs semblent subitement vouloir davantage se couvrir contre les fluctuations de cours. FÉVRIER 2017 L'analyse de Thierry Masset Les bénéfices en guise d’antidote à l’incertitude politique Nervosité sur le marché obligataire européen à l’approche des élections en France Les producteurs de pétrole de schiste ternissent la lune de miel entre l’OPEP et les investisseurs La bonne et la mauvaise dette périphérique Un “profit warning” constitue-t-il une réelle surprise? Les obligations indexées sur l’inflation restent attrayantes

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OBLIGATIONS

Nervosité sur le marché obligataire européen à l’approche des élections en

France

Si l'économie mondiale est sur le point de s'extraire de la spirale déflationniste (causée par la mondialisation, lesévolutions démographiques et des politiques monétaires très accommodantes), on peut s'attendre à ce que la politiqueredevienne un important facteur de volatilité sur les marchés financiers.

Une évolution qui ne s'est, par ailleurs, pas encore traduite dans les tous pans du marché. La différence entre l'indicede volatilité du S&P 500 — qui mesure le degré d'inquiétude des investisseurs, connu sous le nom d'indice VIX — et l'indicequi mesure le niveau d'incertitude liée à la conduite de la politique économique dans le monde se trouve à un sommethistorique, signe que les marchés boursiers mondiaux n'ont pas encore vraiment tenu compte de la montée des risquespolitiques.

Mais, après des années principalement dominées par les politiques des banques centrales, ces risques pourraientrevenir au premier plan sur le marché obligataire de la Zone Euro, notamment avec les échéances électorales prévuesen France, aux Pays-Bas, en Allemagne et peut-être aussi en Italie et le lancement officiel des négociations sur la sortie duRoyaume-Uni de l'Union européenne.

Les investisseurs européens, déjà secoués en 2016 par la victoire du Brexit, l'élection de Donald Trumpet leréférendum en Italie, s'attendent à un nouveau regain de volatilité de l'indice Euro Stoxx (indice Vstoxx) aumois d'avril, avec la tenue du premier tour des élections présidentielles en France. En France, le scandale quirisque de mettre hors-jeu le candidat républicain à la présidentielle, François Fillon, a également réveillé le spectred'une victoire de Marine Le Pen, la candidate du Front national qui plaide en faveur d'une sortie de l'euro. Alors que lesrécents sondages indiquent que Le Pen devrait passer au second tour, où elle sera battue par Emmanuel Macron (siaucun candidat ne récolte plus de 50% des voix, un second tour sera organisé le 7 mai), les investisseurs semblentsubitement vouloir davantage se couvrir contre les fluctuations de cours.

FÉVRIER 2017

L'analyse de Thierry MassetLes bénéfices en guise d’antidote àl’incertitude politiqueNervosité sur le marché obligataireeuropéen à l’approche des électionsen FranceLes producteurs de pétrole de schisteternissent la lune de miel entre l’OPEPet les investisseursLa bonne et la mauvaise dettepériphériqueUn “profit warning” constitue-t-il uneréelle surprise?Les obligations indexées sur l’inflationrestent attrayantes

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Ainsi, sur le marché obligataire, ces derniers préfèrent désormais éviter les emprunts d'État français : le différentielde rendement entre les obligations à 10 ans françaises et allemandes a grimpé de 0,40 % depuis la mi-janvier et aatteint son niveau le plus élevé depuis 2012 (0,70 %), signe d'une volonté de se couvrir contre les incertitudespolitiques. Ce que l'on pourrait appeler une "prime Le Pen".La menace populiste est également bien présente aux Pays-Bas. Les obligations souveraines néerlandaises à 10ans affichent d'ailleurs une prime de risque de 0,35% (+0,30%).En Italie, l'échec du référendum, le jugement de la Cour constitutionnelle invalidant partiellement la loiélectorale et les craintes relatives au secteur bancaire ont renforcé la probabilité d'élections anticipéescette année, avec le même effet : la prime de risque sur les obligations souveraines italiennes à 10 ans est passéede 1,6% à 2%.Et, pour couronner le tout, la Grèce, au centre d'un désaccord entre le Fonds monétaire international etl'Europe, fait de nouveau la une de l'actualité. Même si un terrain d'entente était trouvé, les défis auxquels le paysest confronté sur le long terme, tels que la réforme de l'économie et la diminution du chômage, restent les mêmes. Ennovembre, le chômage s'est stabilisé à 23%, plus de deux fois plus que la moyenne de la Zone Euro. Le FMI ad'ailleurs déclaré que le taux de chômage "devrait rester à deux chiffres jusqu'au milieu du siècle".

Peut-être refroidis par les résultats des scrutins au Royaume-Uni et aux États-Unis l'année passée - que de nombreuxsondages et investisseurs n'avaient pas vus venir -, les cambistes sont en train de pousser à la baisse le cours del'euro par rapport au dollar, la paire de devises la plus négociée au monde.

Ces mouvements rappellent les fluctuations observées durant la crise de la dette, lorsque les "activistes obligataires"prêchaient la bonne parole de la discipline budgétaire et faisaient délibérément grimper les coûts d'emprunt des pays qui,selon, s'écartaient du droit chemin. Si les banques centrales étaient parvenues à annihiler une grande partie de leur pouvoir,ou tout du moins recentrer leur attention sur le marché des changes, la perspective d'une possible fin de la politiquemonétaire de relance rend le marché obligataire plus exposé aux risques politiques.

Comme, dans un même temps, les mesures de protectionnisme et de relance budgétaire – avec les réductionsd'impôts et les investissements dans les infrastructures à hauteur de 1.000 milliards de dollars promis par Trump -,couplées à une situation de quasi plein emploi aux États-Unis, augmentent la probabilité d'une accélération del'inflation, nous préférons rester prudents à l'égard du marché des obligations souveraines.

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Surtout dans la Zone Euro, où le discours anti-mondialisation constitue un handicap : après le Brexit, l’élection deDonald Trump et la démission de Matteo Renzi, Marine Le Pen est élue présidente en France et l’AfD devient le premier partid’opposition en Allemagne. Voici à quoi pourrait ressembler le scénario catastrophe de l’anti-mondialisation. Bien que leschances de la candidate anti-euro Marine Le Pen au second tour le 7 mai soient minces, et même en cas de victoire, il estpeu probable que la dirigeante du Front national emporte la majorité aux élections législatives de juin. Selon nous, laréévaluation du risque électoral sur les marchés des obligations souveraines françaises et néerlandaises est lerésultat direct de l'issue des élections américaines et de l'échec du référendum en Italie.

La hausse de l'inflation et des taux d’intérêt fait donc peser un risque sans précédent sur les obligationsmondiales, si l’on en juge la duration modifiée (mesure de la sensibilité de la valeur d’une obligation à une variation destaux d’intérêt) des indices Bloomberg Barclays U.S. et Global Aggregate. Celle-ci montre en effet qu’une variation de 1% destaux ferait chuter le cours des obligations de respectivement 5,9% et 6,9%. L’impact le plus important observé depuis lacréation des indices en 1989.

Alors que Donald Trump et ses projets d’infrastructure ont réussi, en quelques semaines, à davantage pentifier la courbe destaux que la Fed en plusieurs années, nous nous concentrons sur les obligations indexées sur l'inflation avec unecourte duration afin de nous protéger contre une accélération de la croissance des prix à la consommation (plus dedétails ci-dessous).

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2.1 Obligations indexées sur l’inflation : surpondération

Si les rendements dans les pays les plus fragiles de la périphérie et en France ont augmenté le mois passé, ils sont denouveau orientés à la baisse en Allemagne, ainsi qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni. Une fuite vers plus de sûreté estun signal perturbant, qui pourrait traduire un certain rejet du risque. Mais ces mouvements ne doivent cependant pasremettre en cause le fait que les rendements subiront, à moyen terme, des pressions à la hausse en raison des doutesconcernant la soutenabilité de la politique monétaire de relance par l’achat d’obligations. L’assouplissement quantitatif(QE) a perdu de son lustre et les investisseurs parient maintenant sur un relèvement des taux par la Fed sur fondd’amélioration des indicateurs économiques et de promesses d’investissements publics dans les infrastructures.

L’indice Bloomberg US de surprise économique, qui évalue si les données économiques se sont révélées supérieuresou inférieures aux prévisions des analystes, a fortement augmenté ces deux derniers mois et est aujourd’hui positifpour la première fois depuis août.

Une mesure des anticipations d’inflation américaines de la Fed, appelée point mort d’inflation à 5 ans dans 5 ans,prévoit une hausse annuelle des prix à la consommation de 2% entre 2021 et 2026, proche du taux le plus élevé depuismai.

La perspective d’une baisse des impôts sur les sociétés, d’un rapatriement des liquidités conservées endehors du pays, d’un allégement des réglementations et de mesures de relance a d’ores et déjà conduit lesinvestisseurs à prévoir des révisions à la hausse des bénéfices par action, après que le produit intérieur brutannualisé des États-Unis a grimpé de 3,2% au 3e trimestre, un rythme inédit depuis deux ans, et que le chômage areculé à un niveau inconnu depuis neuf ans en novembre dernier.

Parallèlement, les anticipations croissantes d’un désengagement de la BCE et de la Banque du Japon (BoJ) ontprovoqué une pentification de la courbe des rendements. En conséquence, le différentiel entre les rendements à 30ans et ceux à 5 ans rebondit après être tombé à son niveau le plus bas depuis le premier trimestre de 2015 au mois d’août. Ilest passé de 1,03% aux États-Unis, 0,9% en Allemagne et 0,5% au Japon fin août à respectivement 1,12%, 1,56% et 0,98%

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ainsi qu'à 2,5% en Italie.

Les programmes d’achat d’actifs des banques centrales ont exacerbé le danger sur les marchés obligataires en forçant lesinvestisseurs à rechercher le rendement dans la dette à long terme, plus sensible aux variations de taux d’intérêt et auxanticipations d’inflation que les obligations à court terme. Cela explique pourquoi les investisseurs privilégient aujourd’huiles échéances plus courtes des obligations souveraines, estimant que les banques centrales risquent d’alimenterl’inflation, phénomène qui diminue la valeur des obligations à très longue échéance. Une remontée du taux d’inflationamènera les investisseurs à examiner le rendement absolu généré par les obligations souveraines à 10 ans et à s’interrogersur la rentabilité d’un tel placement après inflation.

Ce doute concerne plus particulièrement les États-Unis et le Royaume-Uni où les prévisions d’inflationpréoccupent les acheteurs d’obligations. Les Treasuries à 10 ans et les Gilts rapportent respectivement 2,45% et 1,30%par rapport à leurs plus bas historiques de 1,318 % en juillet et 0,51 % en août.

Alors que la livre sterling a pratiquement chuté à son niveau le plus bas depuis 1985, les anticipations d’inflation auRoyaume-Uni pour les dix prochaines années ont déjà bondi à leur niveau le plus haut depuis mai 2014, selon un indicedu marché obligataire. Le point mort d’inflation à 10 ans, qui correspond au différentiel de rendement entre les Giltsclassiques et ceux liés à l’inflation des prix de détail, a grimpé de 2,3 % à 3,3% le 22 juin, veille du référendum sur lasortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, selon des données compilées par Bloomberg.Aux États-Unis, le point mort d’inflation à 10 ans est monté à 2%, niveau qui n’avait pas été atteint depuis le 19 mai,alors que la Fed cible 2 % d’inflation.

Donald Trump et ses projets d’infrastructure ont réussi, en deux jours, à davantage pentifier la courbe des tauxque la Fed en plusieurs années. Les obligations US indexées sur l’inflation (TIPS) continueront donc d’attirer lesinvestisseurs à la recherche d’une valeur refuge (une enquête menée par Bank of America Merrill Lynch montre que lesflux en direction des TIPS ont battu tous les records ces deux derniers mois).

La dynamique est différente en Europe. Comme les États-Unis et la majorité du reste du monde, le vieux continent aconnu des années de déflation. Mais si la première économie mondiale semble être sur le point d’infléchir cettetendance, il faudra probablement plus de temps de ce côté-ci de l’Atlantique. Tout est une question de timing. Au vudes maigres perspectives de croissance, l’Europe ne devrait pas connaître de poussée inflationniste de sitôt. Cela se reflètedans l’évolution relative des points morts d’inflation, mesure basée sur la fixation des prix des obligations nominales et desobligations indexées sur l’inflation, qui augmente lorsque les prévisions d’inflation s’accélèrent. Mais l’incroyable déconvenueque vient de connaître le marché obligataire US signifie que la bulle obligataire (et ses rendements toujours plus négatifs) vitprobablement ses derniers jours en Europe. Le marché européen des obligations indexées sur l’inflation mériterait donc peut-être un examen plus approfondi.

Dans ce contexte et afin de tenir compte du rebond récent des prix des matières premières, nous avons achetédes obligations à échéance courte qui protègent contre l’inflation, la hausse des prix à la consommation étantsusceptible de dépasser l’objectif (2%) de la Fed et de la Banque d’Angleterre, tout en maintenant notre sous-pondération des obligations souveraines des pays développés (nous continuons de préférer les obligationsd’entreprise de la catégorie investment grade).. Les obligations à long terme (échéance d’au moins 10 ans), qui sont lesplus sensibles à l’inflation, ont chuté de 12% (en EUR) aux États-Unis et de 8,5% en Zone Euro au cours des trois derniersmois de 2016, du jamais vu depuis juin 2015. Par opposition, les obligations indexées sur l’inflation de la Zone Euro ont chuté

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de 4%, mais ont malgré tout rapporté 5% (en EUR) en 2016.

2.2 Emprunts émergents en devises fortes (position neutre) et en devises locales (sous-pondération)

Malgré un contexte difficile, les investisseurs en titres émergents n’ont clairement pas l’intention de baisser les bras.Tout en se préparant à la possible mise en œuvre de mesures protectionnistes (durant la campagne, Donald Trump s’estengagé à sortir les États-Unis du Traité transpacifique, il a accusé la Chine de manipuler sa monnaie et il a promis de bâtir unmur le long de la frontière mexicaine), ils estiment aussi que l’accélération de la croissance et la contraction desdéficits des comptes courants permettront aux pays émergents de limiter les dégâts. Les obligations émergentes ontainsi payé 3,10% de plus que les bons du Trésor américains, afin de rémunérer les investisseurs pour le risque encouru.

Les obligations émergentes ont été particulièrement secouées après les élections aux États-Unis. Mais depuis le 8novembre, elles sont parvenues à plus que limiter les dégâts (+1% en devises locales et +3,3% en devises fortes).

Soulignons, par ailleurs, que les pays émergents se portent mieux qu’il y a trois ans lorsque l’annonce d’une réduction duprogramme d’assouplissement quantitatif de la Fed avait provoqué une véritable onde de choc sur les marchés mondiaux (lefameux "taper tantrum"). En moins de quatre mois, les obligations émergentes en devises locales avaient perdu près de16%.

Selon des estimations du Fonds monétaire international (FMI), la croissance économique est repartie à la haussepour la première fois depuis 2010, tandis que le Brésil et la Russie sont en train de s’extraire de la récession. Etnous savons qu'un environnement où les courbes de taux se pentifient n'est pas nécessairement négatif pour lesobligations émergentes si cela s'accompagne d'une accélération de la croissance.Le déficit moyen des comptes courants de l’Afrique du Sud, du Brésil, de la Turquie, de l’Inde et de l’Indonésie, les"cinq fragiles" comme les a baptisés Morgan Stanley en 2013, est retombé à 2,4% du PIB, après avoir atteint unrecord de 5% en 2013, selon des données de Bloomberg.

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record de 5% en 2013, selon des données de Bloomberg.Les réserves de change ont augmenté dans des pays comme l’Indonésie et l’Inde. Ces derniers disposent donc desuffisamment de munitions pour défendre leur monnaieEnfin, le différentiel de rendement entre les obligations émergentes locales et les obligations européennesse situe à son niveau le plus élevé depuis des années (plus de 5%).

Cependant, si les fondamentaux sont nettement plus solides qu’à l’époque du "taper tantrum", les marchés obligataires nesont probablement pas au bout de leur peine.

Si Donald Trump met à exécution ses menaces protectionnistes, les exportations de ces pays vont ralentir etles États-Unis vont moins y investir.En outre, les banques centrales américaine, européenne et japonaise sont déjà prêtes à relever leurs taux ouà ne plus prendre de nouvelles mesures d’assouplissement, ce qui pousse les rendements des bons du Trésoraméricains à la hausse et met, par conséquent, les titres émergents sous pression.Par ailleurs, Fitch Ratings, Moody’s et S&P ont pris 3,1 fois plus de décisions négatives que positives àpropos des obligations souveraines et assimilées par pays émergents l’année passée. La dernière fois que ceratio était aussi élevé était en 1998, en pleine crise financière asiatique. Le nombre de décisions négatives n’a jamaisaussi haut en termes absolus. Cela reflète en partie le fait que davantage organismes publics des pays émergents ontdes obligations internationales et, donc, des cotes de crédit. Les spécialistes du crédit précisent souvent que les notesont un temps de retard. Autrement dit, le pire est peut-être déjà derrière nous. Apparemment pas. Sur les134 souverains notés par Moody’s, 26 % affichent des perspectives négatives, selon un rapport récent (la plus forteproportion depuis 2012). La plupart d’entre eux sont des émergents. On comprend donc que de nombreuxabaissements de note sont imminents. Même en l’absence d’abaissements, les détenteurs d’obligations n’ensortiront pas indemnes. Tout récemment encore (2015), le Brésil arborait l’équivalent d’une note "BBB-" (la plus bassede la catégorie investment grade) décernée par les trois grandes agences. Au cours des mois précédant sarétrogradation en catégorie spéculative, la prime de rendement moyenne sur ses obligations en dollar a plus quedoublé, entraînant de lourdes pertes pour les investisseurs internationaux. Tout défaut d’un pays a un effet domino surles entreprises privées et publiques. Pour une fois, S&P, Moody’s et Fitch pourraient prévenir à l’avance lesinvestisseurs de ce qui va suivre. Le message est clair : les pays en développement ne sont plus en aussi bonneforme.

2.3 Obligations d’entreprise « investment grade » et à haut rendement (dettes inférieures à « BBB-« ) :

neutre

Le vote des Britanniques en faveur d’une sortie de l’Union européenne en juin avait fait vaciller le marché des obligationsd’entreprise pendant des jours. La victoire inattendue de Donald Trump n’aura perturbé les investisseurs que quelquesheures et le référendum italien, quelques minutes. Malgré la surprise qu’elles ont créée, l’élection du candidatrépublicain et la défaite de M. Renzi n’ont pas été accueillies par les investisseurs européens de la même manièreque le Brexit. Le coût pour assurer les obligations "investment grade" européennes et américaines contre le risque dedéfaut n’a pas vraiment évolué, selon des indices suivant les CDS (Markit iTraxx Europe et Markit CDX North America). Aprèsle vote sur le Brexit, ces mesures de risque de crédit avaient atteint leur niveau le plus élevé depuis 2008 en Europe etavaient connu leur plus forte progression en six mois aux États-Unis. Cette fois, les investisseurs s’étaient mieux préparés etavaient nettement plus anticipé la possibilité d’une surprise en raison du précédent du Brexit.

Néanmoins, le rebond des ventes d’obligations d’entreprise européennes reste fragile en raison des risques politiquesimminents des deux côtés de l’Atlantique. La possible hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale (qui pourrait encoreaffaiblir l’attrait des obligations investment grade européennes qui offrent un rendement proche de zéro) peut être source devolatilité sur les marchés dans les mois qui viennent, tout comme les inquiétudes entourant les banques italiennes etl’instabilité politique en Zone Euro.

En même temps, l’appui de M. Trump aux énergies fossiles et aux métaux industriels (à travers son programmed’investissements visant à reconstruire et à moderniser les infrastructures vieillissantes du pays), pourrait engendrer unrebond des secteurs énergétique et minier, en particulier sur les segments à haut rendement, après de deux ans depertes lourdes sur fond d’effondrement des matières premières.

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Dans ce contexte, on peut difficilement s’attendre à une forte baisse des obligations d’entreprise européennes tantque la BCE et la BoE restent des acheteurs importants. Au 14 novembre, la BCE avait déjà acquis pour 63 milliardsd’euros d’obligations d’entreprise depuis le lancement du programme le 8 juin. Elle est intervenue sur le marché sous l’égidede son président Mario Draghi, qui ne ménage pas ses efforts pour doper l’investissement et la croissance dans la ZoneEuro. La prime de risque moyenne des obligations investment grade (-0,03%) et à haut rendement (2%) en EUR reste faible,selon les indices Bloomberg. Alors que les gestionnaires cherchent un endroit sûr pour placer leur argent sur fondd’assouplissement de la BCE, les rendements des obligations de Shell, Siemens et RATP sont passés en territoire négatif.Les rendements étaient parvenus à 4,5 % au plus fort de la crise de la dette souveraine de 2011 et à 7,3 % en 2008, leur plushaut niveau d’après les données disponibles remontant à 1996.

Néanmoins, ces mesures entraînent malheureusement une distorsion du marché du crédit.Pour les investisseurs à la recherche de rendements plus élevés, le programme de la BCE est malvenu, car ils doiventpartir à la recherche de rendements satisfaisants à travers le monde. Ils craignent désormais que la banquecentrale les pousse à abandonner ce marché et rende encore moins accessibles les rendements. Elle les faitsortir de leur zone de confort vers des secteurs tels que la dette à haut rendement, qu’ils ne maîtrisent pasnécessairement.La BCE commence à s’exclure elle-même du marché des obligations d’entreprise, les rendements tombant sibas que certains titres ne sont plus éligibles à son programme d’achats. Les rendements des obligations de la RATPsont déjà passés sous le seuil de -0,4 %. Ces taux de plus en plus négatifs amènent à s’interroger sur la marge demanœuvre dont dispose encore la BCE sur les marchés du crédit pour stimuler la croissance.

Les cours des obligations "investment grade" n’ont, par ailleurs, jamais été aussi exposées au risque d’unehausse des taux d’intérêt depuis janvier 1990, si l’on en juge par la duration moyenne de l’indice des obligations"investment grade" mondiales de Bloomberg, laquelle a atteint un niveau historique de 6,6 ans. Toute interruption del’assouplissement qualitatif risque de provoquer un retrait massif d’actifs à revenu fixe. Les responsables des banquescentrales de la Zone Euro prévoient que la BCE diminuera progressivement ses achats d’obligations avant la fin de sonprogramme d’assouplissement quantitatif, probablement en réduisant de 10 milliards EUR tous les mois.