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LES 11 QUARTIERS NANTAIS Quinze pages d’actualité sur votre lieu de vie Quinze pages d’actualité sur votre lieu de vie HISTOIRES DE QUARTIERS L’Hermitage Le passage Pommeraye L’Hermitage Le passage Pommeraye SUPPLÉMENT À NANTES PASSION, M AGAZINE DE L’I NFORMATION MUNICIPALE N°158- OCTOBRE 2005

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LES 11 QUARTIERS NANTAIS

Quinze pages d’actualitésur votre lieu de vieQuinze pages d’actualitésur votre lieu de vie

HISTOIRES DE QUARTIERS

L’HermitageLe passage PommerayeL’HermitageLe passage Pommeraye

SUPPLÉMENT À NANTES PASSION, MAGAZINE DE L’ INFORMATION MUNICIPALE N°158-OCTOBRE 2005

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HISTOIRES DE QUARTIER

C’était ni plus ni moins qu’uncloaque. Avec mes parents,lorsque nous empruntions la ruede l ’Hermitage, nous marchions

en son centre pour éviter toutes sortesde choses jetées par les fenêtres...” JeanDuret, historien de la butte Sainte-Anne,se souvient du quartier de l ’Hermitagedans les années trente avant que la citéne sorte de terre. Lacis de venelles etde cours, enchevêtrement de construc-tions désordonnées, dont on se plaintdéjà en 1727 : le faubourg portuaire,juché sur l ’éperon rocheux des derniers

But te Sainte-Anne

L’Hermitage, ancien port d’attaSur la butte Sainte-Anne, sont amarrés depuis la moitié du XXe siècle, six grands vaisseaux de béton à flanc de coteau,baignés de soleil, la proue élancée vers la Loire : L’Hermitage. Un symbole des habitations à bon marché des annéestrente. Une cité aux rues arborant des noms de corsaires et au passé “sabordé” par la Seconde Guerre mondiale…

cont reforts du Si llon de Bretagne, n’apas bonne réputation jusqu’au XXe siècle.

Un quart ier insalubre. Au XIXe siècle,s’y implantent marins, charpentiers demarine et de nombreux artisans gravitantautour des activités portuaires et deconstruction navale. Habité par une fortecommunauté bretonnante récemmentimmigrée à Nantes, le quartier se densifie.On ne s’y risque pas après la tombée de lanuit. Jusqu’à la création de la rue del’Hermitage en 1884 (en référence à l’er-mite franciscain qui s’installa sur la butte

en 1529) en lieu et place du chemin noncarrossable à part ir duquel on accédaitaux maisons par des escaliers en pierre.La seule voie charretière desservant lequartier est le chemin du Moulin desPoules, ancien chemin de Couëron (aujour-d’hui, la rue de la Bourdonnais). Repliésur lui-même, l ’Hermitage est l ’un desquart iers les plus insalubres de Nantes.Lorsqu’en 1865 le commissaire central depolice enquête sur le “ quartier des Bre-tons” , il ressort des rapports que l’Hermi-tage et Chantenay sont habités “ par desBas-Bretons, pauvres et sales, logeant

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dans des réduits sans air, ni soleil, quiconservent dans leurs maisons desmatières, des os, des vieux chiffons, ouqui y élèvent des lapins” . Les hygiénistesmettent en garde contre les risques d’épi-démie et les dangers sanitaires. Mais déjàdans la première moitié du XIXe, le doc-teur Ange Guépin s’emploie à montrer le

lien entre insalubrité et mortalité. Aussi àla fin de ce siècle, le conseil municipaldécide-t-il d’élargir les rues, d’en ouvrirde nouvelles, de casser les maisons insa-lubres et de construire les premiers bainset lavoirs publics. Les sept maisons dres-sées entre la rue de l’Hermitage et le quaisont démolies. La rue de l’Hermitage estélargie et nivelée. La rue Dupleix est per-cée. “ En 1906, elle rejoint le boulevardSaint-Aignan” , affirme Jean Duret.

“ Les bienfaits purifiants du soleil” .Créé en 1913, l’Office public d’habitationsà bon marché (HBM) entend “ lutter contreles taudis et assainir les logements” . Unpremier projet est établi en 1931. Il consis-te à détruire les maisons vétustes situéesentre la rue de l’Hermitage, la rue Dupleix,la rue et la ruelle du Roi-Baco, pour y édi-fier des groupes d’habitations à bon mar-

ché. Dans un premier temps, les archi-tectes Guénault et Guchet étudient la pos-sibilité de construire trois barres paral-lèles à la Loire. Finalement, en 1932, ilsdéfinissent un projet, baptisé à l ’époqueGroupe de l ’Hermitage, composé de siximmeubles. Dans la grande longueur sontsitués cent appartements dit “ordinaires” ,et en proue de ces six vaisseaux de béton,cent-douze appartements “améliorés” ,avec balcon sur la Loire. Reprenant undispositif fréquent dans les immeublesHBM parisiens, deux ateliers d’artistessont prévus sur le toit des bâtimentssitués aux extrémités. Y séjournerontles peintres Brégeon, Joël Dabin, JeanBruneau. Les cinq nouvelles rues de cequart ier de marins prennent les nomsde corsaires nantais : Jean-de-Crabosse,Julienne-David, Commodore-Guiné, Alexis-Grassin et Chevalier-Thiercelin.

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Jean Duret, l ’historien de la butte Saint-Anne.

Les bombardements du 23 septembre 1943 causeront de sérieux dommages à la cité de l ’Hermitage.

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L’ inauguration de l’Hermitage a lieu le 5février 1938 alors même que les travaux nesont pas terminés. Dans son discours leprésident de l’Office public HBM del’époque, Charles Roger, donne la mesurede cette réalisation, véritable œuvre d’as-sainissement : “ Par suite de l’orientation,tous les locataires pourront jouir des bien-faits purifiants du soleil. Ils auront l’air, lalumière, et de plus une vue magnifique surla Loire pour certains d’entre eux.”

Les dommages de l a SecondeGuerre mondiale. Habitante de la citéde l’Hermitage, Lucette Chapeau, 72 ans,a emménagé avec ses parents au premierétage du premier bât iment, si tué rueChevalier-Thiercelin. “C’était en 1938 ou1939, j’étais trop petite pour m’en souve-nir aujourd’hui. La cité n’était pas finie.Ils faisaient exploser, avec des mines,les rochers des derniers contreforts duSillon pour pouvoir construire le boutdes immeubles avec les balcons vue surLoire.” En 1939, plusieurs immeublessont habités, d’autres encore en construc-tion. Mais les difficultés d’approvisionne-ment et la mobilisation des ouvriers ren-dent la poursui te des travaux difficile.Avant même son achèvement, prévu enoctobre 1940, la cité va connaître un destintragique avec la déclarat ionde la guerre. “ Deux détachements demitrailleurs de l ’armée allemande s’ ins-tallent sur les terrasses des bâtiments Bet D, c’est-à-dire le deuxième et le qua-trième en partant de la rue de Misery” ,

rapporte Jean Duret. Les bombardementsdu jeudi 23 septembre 1943 mettent unterme définit if aux travaux. La cité del ’Hermitage, principalement dans sapartie en construction, a subi de sérieuxdommages. “ Ce 23 septembre, une bombea explosé sur notre immeuble emportantfenêtres, portes, cloisons. Nous étions,ma mère et moi, réfugiées à Teillé. Nousavions vu les avions passer puis la fuméeau loin. Nous pensions que c’était Saint-Nazaire alors que c’était Nantes. C’est cejour qu’avaient choisi mon père et deuxcousins pour aller récupérer nos affairesdans notre appartement de la ci té. Lemusée des Salorges était en feu. Les der-

niers habitants étaient en train de démé-nager. La cité se vidait.” La petite Lucettey retournera six mois plus tard. “ En mars44, avec mes parents, un oncle et unetante. Il n’y avait pas un chat. C’était mort.Je ne voulais pas rester, j’avais peur.”

Reconstruction à l ’identique. La paixrevenue, l’heure est à la reconstruction. “En1945, l’Office nous a exhortés à reprendrel’appartement, sans quoi ils le réquisition-naient pour d’autres. Des ouvriers faisaientles premiers travaux pour parer au pluspressé.” Il faudra attendre 1949 pour voir lareprise du chantier. La reconstruction seraachevée à l’identique en 1953. Cette année-là, la famille du peintre Jean Bruneau prendles clés de l’appartement auquel est adjointun atelier d’artiste. “ Nous nous connais-sions tous dans l ’immeuble. Avant quel’ascenseur ne soit installé en 1975, nousbavardions dans les étages, ou encore dansles nombreux commerces qui existaientalors dans le quartier” , rapporte JeanneBruneau. “Nous avions l’une des vues lesplus agréables de Nantes. Aux premièresloges, nous apercevions les bateaux.Il y avait toujours deux ou trois bananiers à

quai, enface.” Quant à l ’isolation phonique des immeubles, Lucetterépond : “ Ce n’était pasune préoccupation del’époque. Il y avait plus debruit dehors que dedansavec la proximité des Chan-tiers où les gars faisaientles 3 x 8, les trains en bas,les bateaux qui déchar-geaient jour et nuit, lesbarriques de vin d’Algériequi roulaient sur le pavéjusqu’à la Chambre ducommerce, les bateaux desoja, les lancements debateau que l’on apercevaitde la fenêtre de l’apparte-ment... Tout le monde étaità sa fenêtre. La vie étaitagréable. Maintenant, on

n’entend que les voitures sur les quais...”Mais la vue sur la Loire, les grues Titan, laCité radieuse… est toujours aussi belle.

CATHERINE LE BRIGANDSources :- Documents de Jean Duret.- “L’Hermitage ou l ’histoire d’un office.1913-1988, 75 ans d’histoire” ;Office public d’habitation à loyer modéréde la Ville de Nantes.

- “Etude sur le patrimoine architecturaldes quartiers du centre de Nantes” ;CERMA (Association de recherche agrééede l ’unité pédagogique d’architecturede Nantes) ; 1980.

- Archives municipales.

1946 : les ouvriers parent au plus pressé.

La reconstruction de la cité sera achevée à l ’ identique en 1953.

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nÉdifié en 1843, le passagePommeraye est entrédans le 21e siècle sans avoir prisune ride. Témoin intactd’une époque, lieu mythique,il est aujourd’hui l’un des sitesles plus visités deNantes.

Dans la première moitié du XIXe

siècle, les rues de la Fosse,Crébillon et Jean-Jacques Rousseauforment un triangle coupé par deux

venelles, la rue du Puits-d’Argent et le pas-sage du Commerce. L’ensemble est compo-sé d’immeubles vétustes et de cours insa-lubres. C’est là qu’un jeune notaire ambi-tieux, Louis Pommeraye, a l’ idée deconstruire un passage couvert comme ceuxqui fleurissent à Paris depuis 1820. Ils repré-sentent un confort considérable pour le pié-ton qui doit affronter des rues sans trottoir,exposées aux intempéries.À partir de 1837, Charles Guilloux, restaura-teur, et Louis Pommeraye commencent àacquérir les terrains et immeubles qui leurpermettront de mener à bien leur vaste projet

immobilier. En 1841 est créée la sociétéPommeraye et Cie dont Louis Pommeraye estgérant. Avec 31 autres actionnaires, ils réunis-sent le capital nécessaire, 500 000 francs.Les architectes Jean-Baptiste Buron etHippolyte Durand-Gasselin réalisent lesplans de l’édifice : “ Ils prennent le parti decréer trois niveaux, qui permettent d’absor-ber via un grand escalier la forte déclivitédu terrain, tout en faisant de la place pourinstaller davantage de commerces. Ce pas-sage sur trois niveaux est unique en Euro-pe” , explique André Péron, auteur du livreLe passage Pommeraye (éditions Coiffard).

Soixante-six magasins de l uxe.Le 4 juillet 1843, les Nantais peuvent flânerà l’abri, découvrir le lèche-vitrines (car les

Cent r e vil l e

Le passage Pommeraye,une rue tout droit sortie du XIXe

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vitrines étaient jusqu’alors quasi inexis-tantes), trouver en un même lieu desdizaines de boutiques… L’édifice est pré-senté dans la presse locale comme “un desplus beaux monuments de notre cité, celuique peut-être on indiquera le premier auxétrangers, qui l’admireront plus que ceux-làqui en jouiront avec l’égoïsme ordinaire dela localité” . Son monumental escalierouvragé, à l’origine entièrement suspendu(un pallier sera créé ultérieurement auniveau intermédiaire) est une merveille deferronerie d’art. L’attention portée à tousles détails de la décoration est manifeste.À l’entrée de la galerie haute, dite “de laPoste” se tient Carilès le violoniste, voisi-nant avec les crieurs de journaux. L’hôteldes Colonies occupe toute la façade d’en-trée. Le va-et-vient des hommes d’affaires,courtiers et agents de change vers la Bourseest incessant. Il croise celui des passantsvenus peut-être s’approvisionner en frian-dises dans les chocolateries “Gaillard et Cie”dont la production embaume l’atmosphère.Au niveau de la rue de la Fosse, la galeriede l’Horloge abrite le restaurant de CharlesGuilloux, décoré par le peintre Achille Légier.Plusieurs papeteries, des bijoutiers, deuxcafés, un marchand de ruban, une épiceriefine, un magasin de curiosités exotiques,des luthiers, un “ Grand bazar” figurentparmi les 66 magasins de luxe qui occupentle passage. Comble des merveilles, ce der-nier s’illumine à la nuit tombée grâce à unmoderne éclairage au gaz, encore rarissimedans les rues.

En 1849, la fai l l i te. Pourtant, cinq ansplus tard, l ’opération se solde, pour sescommanditaires, par un fiasco énorme :“ La crise économique de 1848 entame laconfiance des actionnaires, qui réclamentleur investissement. La société est liquidéeen 1849. Après quelques péripéties, lebaron Baillardel de Lareinty, principal créan-cier, acquiert le passage pour la sommedérisoirede 300 000 francs, ce qui ne couvrepas le quart des créances !” Pour LouisPommeraye, c’est la ruine. Il avait investidans l’affaire tous ses biens et ceux de safemme. Il meurt subitement le 6 août 1850,à l’âge de 44 ans, laissant sept orphelins etune veuve qui devra solliciter la charge d’unbureau de poste pour subvenir aux besoinsde sa famille. Quant à l’associé, CharlesGuilloux, il abandonne son somptueux res-taurant du passage pour s’installer rue deGigant. À la mort de Jules le Baillardel deLareinty, héritier du passage à la mort deson père, sa veuve vend le passage aux“Assurances générales sur la vie deshommes” , qui le revendra par lots à partirde 1929. Aujourd’hui, on dénombre une cin-quantaine de copropriétaires.“Avec l’arrivée des grands magasins dans ledernier tiers du 19e, les passages couverts

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tombent en désuétude. Le passage Pomme-raye échappe miraculeusement aux bom-bardements de 1943, qui endommagentseulement sa verrière. Mais ce n’est qu’auxenvirons des années 70 que l’on commenceà regarder les passages d’un œil différent.Déjà, les surréalistes les avaient remis àl’honneur, attirés par leur côté glauque. Il ya trente ans, on redécouvre ces lieux quireprésentent des havres de paix pour lespiétons dans les villes envahies par la circu-lation automobile.”

Héros de l it térature et de cinéma.“ Progressivement, les passages couvertssont revitalisés, certains sont classés” , noteAndré Péron. Le passage Pommeraye, classé

monument historique le 26 décembre 1976,fait l’objet depuis d’une restaurationattentive. Chanté par André Pyere de Man-diargues dans une nouvelle éponyme, ilacquiert des lettres de noblesse au cinémaavec Lola puis Une chambre en ville deJacques Demy. Il inspire des peintres et,récemment, le dessinateur Tardi qui le croquedans L’ histoire du soldat inconnu. PourAndré Péron, “ le passage est un lieu qui sti-mule l’imaginaire urbain” . Dans les annéessoixante, il fut le cadre désigné d’une rumeuralléguant de la disparition de jeunes femmes

À gauche : Tournage de Lola par Jacques Demy dans le passage Pommeraye…qu’ il choisira à nouveau pour son film Une chambre en vil le (à droite).

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dans les cabines d’essayage d’un magasinde mode : “Du salon d’essayage, écrit AndréPéron, les jeunes femmes étaient entraînées(toujours selon la rumeur de Nantes) dansles caves profondes du passage d’où ellesétaient ensuite transférées vers des destina-tions inconnues. (...) Le passage-labyrintheavait désormais son Minotaure prélevantson tribut de jeunes victimes sur la popula-tion urbaine (...) Des parents inquiets inter-dirent quelque temps à leurs enfants d’em-prunter le passage. Bientôt la rumeur s’étei-gnit mais il arrive encore que des Nantais enparlent avec un reste d’inquiétude dans lavoix. Il est piquant de constater comment lepassage, dont la construction était considé-rée par le bourgeois de 1840 comme un

moyen de purger le quartier de laprostitution, va devenir un véri-table nid à fantasmes pour lesgénérations futures et constituerle support idéal d’un “ retour durefoulé” .Aujourd’hui ne subsiste aucune desboutiques d’origine. La dernière,l’armurerie Brichet, a fermé sesportes il y a quelques années. Lesvieux Nantais gardent le souvenirde la boutique “Hidalgo de Paris”et de ses farces et attrapes, voisinede la librairie Beaufreton qui aapprovisionné des générationsd’écoliers en livres et fournituresscolaires. Au-dessus des statues,des globes lumineux ont remplacé

les becs de gaz. Mais le passage a échappé àtoute métamorphose importante. Son aspectfigé, qui fut longtemps un handicap, est deve-nu avec les décennies un atout. Aujourd’hui,on apprécie le traitement obligatoirementuniforme des devantures, la perspective desgrands miroirs, les riches décorations qui fontdu passage “une rue qui aurait traversé letemps et nous serait parvenue intacte, toutdroit sortie du XIXe siècle” .

PASCALE WESTER

Sources : Archives municipales.

André Péron a écrit Le passage Pommeraye,aux éditions Coiffard.