Naissance et évolution d’un quartier nouveau Les Glacis de ... · pieds ! Et je me souviens,...

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Maria Sterckeman / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1 Naissance et évolution d’un quartier nouveau Les Glacis de Dunkerque par Maria Sterckeman Le Petit Larousse définit ainsi, pour une part le mot Glacis: terrain découvert aménagé en pente douce à partir des éléments extérieurs d'un ouvrage fortifié ; cette explication répond bien à ce qu'était notre quartier avant la guerre : il se trouvait effectivement en arrière des fortifications. C'était une plaine sableuse, un peu ondulée (anciennes dunes) limitée par l'Avenue des Bains (celle-ci bordée d'arbres et faisant face au Square Rombout), à l'Est par la Rue Maurice Vincent, au Sud par l'actuel Boulevard Verley et à l'Ouest par le Canal Exutoire. Sur cette plaine existaient, côté Nord, un terrain hippique et un terrain de tennis. Après les hostilités de 39/40 vint l'occupation allemande et le 4 Juin 1940 la prise de 40.000 prisonniers Français qui furent retenus, durant plusieurs jours, sur ce territoire. Saviez-vous que les Glacis servaient de champ de manoeuvres ? Un exercice du 110 e de ligne sur les Glacis Lorsque Dunkerque fut enfin libérée (9 Mai 1945) les dégâts subis par la Ville étaient considérables, il y avait des décombres partout et la situation était plus ou moins identique dans les communes environnantes. Cependant, que ce fut, par nostalgie ou par nécessité de retrouver un emploi, nombreux étaient les Dunkerquois voulant "rentrer au Pays". Les Pouvoirs Publics eurent à faire face à d'énormes difficultés : - enlèvement des décombres, - mise en état des services : eau, gaz, électricité, - ravitaillement de la population par la réouverture des commerces d'alimentation, boucheries, boulangeries, - emplois à trouver, ou à retrouver, - nécessité de trouver des terrains libres pour le relogement (constructions provisoires) ; le terrain des Glacis, qui appartenait précédemment à l'Autorité Militaire, fut retenu pour y installer rapidement des baraquements (destinés chacun à au moins 2 familles, souvent 3 ou 4 et des U.K.100, appelés familièrement "Chalets Américains", tout ceci à partir de fin 1945 et 1946.

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Naissance et évolution d’un quartier nouveau Les Glacis de Dunkerque par Maria Sterckeman

Le Petit Larousse définit ainsi, pour une part le mot Glacis: terrain découvert aménagé en pente douce à partir des éléments extérieurs d'un ouvrage fortifié ; cette explication répond bien à ce qu'était notre quartier avant la guerre : il se trouvait effectivement en arrière des fortifications. C'était une plaine sableuse, un peu ondulée (anciennes dunes) limitée par l'Avenue des Bains (celle-ci bordée d'arbres et faisant face au Square Rombout), à l'Est par la Rue Maurice Vincent, au Sud par l'actuel Boulevard Verley et à l'Ouest par le Canal Exutoire. Sur cette plaine existaient, côté Nord, un terrain hippique et un terrain de tennis.

Après les hostilités de 39/40 vint l'occupation allemande et le 4 Juin 1940 la prise de 40.000 prisonniers Français qui furent retenus, durant plusieurs jours, sur ce territoire.

Saviez-vous que les Glacis servaient de champ de manœuvres ?

Un exercice du 110e de ligne sur les Glacis Lorsque Dunkerque fut enfin libérée (9 Mai 1945) les dégâts subis par la Ville étaient considérables, il y avait des décombres partout et la situation était plus ou moins identique dans les communes environnantes.

Cependant, que ce fut, par nostalgie ou par nécessité de retrouver un emploi, nombreux étaient les Dunkerquois voulant "rentrer au Pays".

Les Pouvoirs Publics eurent à faire face à d'énormes difficultés :

- enlèvement des décombres, - mise en état des services : eau, gaz, électricité, - ravitaillement de la population par la

réouverture des commerces d'alimentation, boucheries, boulangeries, - emplois à trouver, ou à retrouver, - nécessité de trouver des terrains libres pour le relogement (constructions provisoires) ; le terrain

des Glacis, qui appartenait précédemment à l'Autorité Militaire, fut retenu pour y installer rapidement des baraquements (destinés chacun à au moins 2 familles, souvent 3 ou 4 et des U.K.100, appelés familièrement "Chalets Américains", tout ceci à partir de fin 1945 et 1946.

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L'un de ces baraquements servit d'Eglise, c'était l'Eglise Sainte Jeanne d'Arc. Un pharmacien sinistré s'y installa dans un baraquement construit en dur, c'est à dire en briques, ce qui était obligatoire pour la conservation des médicaments.

Dans ce nouveau quartier, né des circonstances de guerre, régna un grand esprit de solidarité et d'amitié dont le souvenir est encore vivace chez les anciens occupants que j'ai pu contacter.

De cette solidarité, naquit également une entraide et une animation de loisirs sous l'impulsion des habitants du quartier.

Les habitations provisoires qui semblent avoir été particulièrement appréciées sont les U.K.100

(Chalets Américains) : il y régnait un plus grand confort et une disposition plus fonctionnelle et plus judicieuse. Chaque logement y était individuel et il était environné d'un petit terrain, les relations étaient ainsi facilitées entre voisins. Les habitants des chalets qui ont quitté ce logement, pour aller vivre en habitation "collective" de plusieurs étages, ont eu du mal à s'y habituer.

On ne saurait en dire autant pour les habitants des baraquements parfois appelés les "baraquins" ce dont ils ont tous beaucoup souffert. Ces baraquements étaient froids (planches mal jointes) chauffage difficile, peu de confort. La mortalité infantile y fut la plus importante de France. Dans quelques cas "voisinage difficile" les logements étaient trop proches l'un de l'autre, d'où parfois conflits...

Tel qu'il était ce quartier, parti de rien, a suscité bien des activités et une vie réelle.

Tous les habitants étaient logés à la même enseigne (à part la différence signalée entre chalets et baraquements), l'Eglise, les écoles étaient installées dans des mêmes baraquements (hormis évidemment, les dimensions).

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Des commerces d'alimentation, boucherie, boulangerie, fruits et légumes, droguerie, bazar, pâtisserie, s'y installèrent ainsi qu'une permanence de soins infirmiers et une bibliothèque pour tous. La C.A.F. (Caisse d'Allocations Familiales), y ouvrit une école de formation ménagère, puis pour les adultes des permanences ménagères furent organisées avec l'appui de l'Association Populaire Familiale. Ces activités préluderont à la création du Centre Social et à la construction d'une salle polyvalente destinée en particulier (mais pas uniquement) aux personnes âgées. Ces structures : Centre Social, crèches, salle polyvalente permirent à des Associations diverses de se domicilier et d'œuvrer dans le quartier. De nos jours ces activités sont toujours dynamiques et actives au Service du quartier, le Centre Social restant le pôle attractif.

Ainsi que relaté ci-dessus, les écoles ont fonctionné dans les baraquements, mais année après

année, la situation s'est améliorée : des écoles ont été construites en "dur" et dans d'excellentes conditions. Maintenant il existe, et cela depuis des années, des écoles primaires privées ou officielles, des C.E.S. : signalons que le Lycée Fénelon, domicilié avant la guerre, rue du Maréchal French, a été rebâti sur l'actuel territoire des Glacis.

Un fait intéressant à signaler fut la création par une poignée de bénévoles d'une Maison de Vacances Familiales Populaires, dans les locaux de l'école de la Providence (ouverte durant les périodes de Vacances). Après avoir fonctionné durant plusieurs années, forts de l'expérience acquise, ces pionniers bénévoles, habitants des Glacis ou non, employés en général des A.C.D.B., essaimèrent à Longefoy sur Aime. Ils y créèrent une Maison de Vacances, qui fonctionne toujours, gérée par des habitants de la Région, mais aussi par des Dunkerquois, qui se déplacent, lorsque c'est nécessaire, pour suivre le déroulement des activités et la gestion de l'équipement.

A l'origine du nouveau quartier, les habitants provenaient en général, du Centre Ville, de la Basse Ville ou de communes limitrophes. Ils auraient accepté n'importe quel logement pourvu qu'ils puissent revenir à Dunkerque. Mais nos concitoyens sont gens dynamiques, la vie reprenant le dessus, ils cherchèrent à quitter leur habitation provisoire.

Après quelques années, la construction d'immeubles de 4,5, 6 étages, actuellement "en cours de rénovation", permit le relogement, provoquant la disparition des chalets et baraquements. Rappelons que la Piscine et la Patinoire, le Jardin et la Résidence Fénelon, sont bâtis à l'emplacement de chalets et baraquements. Un certain nombre d'habitants firent des emprunts et construisirent, à l'extérieur de Dunkerque, leur habitation individuelle. Il reste peu de personnes ayant logé aux Glacis dans les premières années de la naissance du quartier, les témoignages sont assez difficiles à obtenir : nous espérons pouvoir poursuivre et préciser davantage "l'histoire des Glacis", grâce à des concours de Dunkerquois ayant connu cette histoire et surtout en ayant gardé la mémoire.

Nous avons pu obtenir des "souvenirs" d'une dame, qui était petite fille au début du quartier, nous les publions avec plaisir car nous y voyons, un témoignage d'amour filial et un éclairage sur la vie de ce secteur, les relations établies avec le pharmacien et sans doute avec les autres commerçants : Merci à

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Madame Badet-Bondois.

"Il y a très peu de choses, dont je me souvienne, car j'étais, à l'époque, encore très jeune et, faute de souvenirs précis, ce sont plutôt des anecdotes ou des images qui sont restées gravées dans ma mémoire. Tout d'abord la pharmacie (qui n'était qu'un baraquement comme presque tout à Dunkerque) était devenue dans ce quartier un peu désolé, un petit centre de rencontres accueillant où le sourire et la gentillesse de mon père attiraient de plus en plus de monde. Il avait beaucoup de clients mais sa caisse restait le plus souvent à moitié vide, car il avait très bon cœur et voulait avant tout aider les plus pauvres. Les gens y venaient pour leurs médicaments et préparations mais aussi, comme cela se faisait à l'époque, pour se faire soigner leurs "bobos" comme une brûlure, une coupure ou une entorse et même des cors aux pieds ! Et je me souviens, assise sur le comptoir, du haut de mes cinq ans, habitants des Glacis.

Cependant, le souvenir le plus précis, et le plus émouvant que j'ai de cette époque et de ce quartier, reste, le banquet des vieux, dont mon père avait participé à la création. La formule existe encore aujourd'hui, mais ces premiers pas dans l'aide sociale demeurent un événement et je suis fière de savoir que mon père en a été l'un des pionniers aux Glacis.

Ce jour là, ma sœur et moi, avions été déguisées en petites "Grand'mères" avec de somptueux costumes de soie et de satin que notre mère avait loués, rien n'était laissé au hasard et nous avions même une magnifique perruque de cheveux gris et un chapeau digne de la Cour d'Angleterre !

Une grande salle avait été aménagée et une grande gaieté filtrait dans les regards étonnés des invités "au banquet des Glacis", ma sœur et moi avions eu pour mission de distribuer des cigarettes et du tabac aux Messieurs et des bonbons aux Dames ; ces instants je les ai encore au fond du cœur, et du haut de mes 5 ou 6 ans, je revois encore la joie dans les yeux de mon père.

Comme vous le voyez, ce ne sont que bien peu de "choses", ces quelques bribes de souvenirs et croyez Madame, que je suis désolée de ne pouvoir vous apporter davantage."

Du Nord au Sud le Quartier s'est étendu, au fil des jours des constructions nombreuses ont été édifiées et nous souhaitons, dans une prochaine édition, en reparler.

Maria Sterckeman 1988