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  MARS 2015     L     A      N     O     T     E     D         A     N     A     L     Y     S     E  Pierre-Yves Cusset*, Hélène Garner**, Mohamed Har**, Frédéric Lainé** et David Marguerit*  www.strategie.gouv.fr  Alors que la France s’in terroge sur les fractures qu i traversent s on modèle de société , et que le gouvernement prépare des mesures visant à favoriser la participation des habitants des quartiers prioritaires à la citoyenneté et à l’activité économique, il est indispensable de partir d’une analyse qui démêle les multiples causes des difcultés d’insertion économique que rencontrent les « jeunes issus de l’immigration ». Ces dif cultés sont identi ables en matière d’éducation, d’emploi, de conditions de vie et de logement ; elles sont particulièrement marquées pour certaines catégories de population, dont les enfants ayant deux parents immigrés, les descendants d’immigrés d’Afrique, les garçons. Ces dif cultés reètent d’abord la situation socioéconomique de ces jeunes et de leurs parents, exposés aux défaillances de nos politiques publiques : obstacles à l’entrée sur le marché du travail des jeunes et des peu quali és, réussite scolaire tributaire de l’origine sociale, absence de uidité du marché du logement, existence de discriminations. Les constats sont similaires pour les habitants des quartiers de la politique de la ville. Qu’il s’agisse de l’éducation, de l’emploi ou du logement, l’analyse fait cependant apparaître qu’une part importante des écarts de résultats avec les populations sans ascendance migratoire directe ne s’explique pas par les seuls facteurs sociodé mographique s observables. Un tel constat plaide pour que les politiques de droit commun soient complétées par des politiques spéciques visant à lutter contre les inégalités. C’est pourquoi France Stratégie fera prochainemen t des propositions permettant d’orienter nos politiques publiques dans un sens plus favorable à ces populations qui cumulent les difcultés.  Jeu nes issus de l’immi gr ation : q uels obstacles à leur insertion économique ? Structure des sortants du système éducatif par niveau de diplôme, selon la zone d’origine des parents (2007-2012) 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% Hommes moins de 30 ans Femmes moins de 30 ans Ensemble moins de 30 ans Ensemble moins de 25 ans Sans ascendance migratoire directe Descendants d’immigrés d’Afrique Descendants d’immigrés d’Europe Descendants d’immigrés d’autres continents 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% Diplôme du supérieur Bac CAP-BEP Non diplômés Taux de chômage des jeunes actifs par zone d’origine des parents, en 2012 Non diplômés : sans diplôme ou avec le seul brevet des collèges ; Afrique : y compris le Maghreb. Lecture : 33 % des descendants d’immigrés africain s sont sortis diplômés du supérieur du système scolaire entre 2007 et 2012 contre 45 % des jeunes sans ascendance migratoir e directe. Source : Insee, enquêtes Emploi 2007-2012, calculs France Stratégie  * Départemen t Société, Institutions et Politiques sociales. ** Département Travail-Emplo i. Source : Insee, enquête Emploi 2012, calculs France Stratégie HORS SÉRIE

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  • MARS2015

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    Pierre-Yves Cusset*, Hlne Garner**, Mohamed Harfi**, Frdric Lain** et David Marguerit*

    www.strategie.gouv.fr

    Alors que la France sinterroge sur les fractures qui traversent son modle de socit, et que le gouvernement prpare des mesures visant favoriser la participation des habitants des quartiers prioritaires la citoyennet et lactivit conomique, il est indispensable de partir dune analyse qui dmle les multiples causes des difficults dinsertion conomique que rencontrent les jeunes issus de limmigration .

    Ces difficults sont identifiables en matire dducation, demploi, de conditions de vie et de logement ; elles sont particulirement marques pour certaines catgories de population, dont les enfants ayant deux parents immigrs, les descendants dimmigrs dAfrique, les garons. Ces difficults refltent dabord la situation socioconomique de ces jeunes et de leurs parents, exposs aux dfaillances de nos politiques publiques : obstacles lentre sur le march du travail des jeunes et des peu qualifis, russite scolaire tributaire de lorigine sociale, absence de fluidit du march du logement, existence de discriminations. Les constats sont similaires pour les habitants des quartiers de la politique de la ville.

    Quil sagisse de lducation, de lemploi ou du logement, lanalyse fait cependant apparatre quune part importante des carts de rsultats avec les populations sans ascendance migratoire directe ne sexplique pas par les seuls facteurs sociodmographiques observables. Un tel constat plaide pour que les politiques de droit commun soient compltes par des politiques spcifiques visant lutter contre les ingalits. Cest pourquoi France Stratgie fera prochainement des propositions permettant dorienter nos politiques publiques dans un sens plus favorable ces populations qui cumulent les difficults.

    Jeunes issus de limmigration : quels obstacles leur insertion conomique ?

    Structure des sortants du systme ducatif par niveau de diplme, selon lazone dorigine des parents (2007-2012)

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    Taux de chmage des jeunes actifs par zone dorigine des parents, en 2012

    Non diplms : sans diplme ou avec le seul brevet des collges ; Afrique : y compris le Maghreb.Lecture : 33 % des descendants dimmigrs africains sont sortis diplms du suprieur du systme scolaire entre 2007 et 2012contre 45 % des jeunes sans ascendance migratoire directe.

    Source : Insee, enqutes Emploi 2007-2012, calculs France Stratgie

    * Dpartement Socit, Institutions et Politiques sociales.** Dpartement Travail-Emploi.

    Source : Insee, enqute Emploi 2012, calculs France Stratgie

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    SYNTHSE INTRODUCTIVELexpression jeunes issus de limmigration peut littralement recouvrir les jeunes immigrs ou descen-dants dimmigrs rsidant en France, mais elle est couramment utilise pour dsigner les seconde gnra-tion , les enfants ns de parents ayant immigr en France lors de direntes vagues migratoires1. Si les immi-grs ont connu un parcours migratoire depuis leur pays dorigine, les seconds sont ns en France, y ont t scolari-ss et sont quasiment tous de nationalit franaise. Ces jeunes sont en moyenne dans une situation lgard de lemploi plus dfavorable que les jeunes natifs , cest--dire les jeunes franais sans ascendance migra-toire directe. Cette note analyse les dicults dinsertion conomique que connaissent ces jeunes descendants dimmigrs et cherche en identifier les principaux facteurs.

    Le constat de dicults dinsertion professionnelle des jeunes descendants dimmigrs masque des situations trs contrastes, notamment selon lorigine migratoire des parents. Ainsi, les descendants dimmigrs africains sont la fois les plus touchs par le chmage et les moins bien insrs dans lemploi, tandis que les descendants dimmigrs dEurope du Sud connaissent des situations proches de celles des natifs. Sur la population des jeunes actifs de moins de 25 ans, le taux de chmage des descendants dimmigrs dAfrique (y compris le Maghreb) atteint 42 % en 2012 contre 22 % pour les descendants dimmigrs europens ou pour les natifs. Les femmes descendantes dimmigrs africains, un peu moins touches par le chmage que les hommes, ont par ailleurs des taux dactivit plus faibles que les femmes sans ascendance migratoire directe. Avec la crise, linsertion dans lemploi de ces jeunes issus de limmigration africaine sest en outre fortement dgrade.

    Ces constats valent aussi pour la qualit de linsertion sur le march du travail. En moyenne, les descendants dimmigrs africains sont surexposs la prcarit (CDD, intrim) et connaissent davantage de priodes de chmage la sortie des tudes, tandis que les descendants dimmigrs dEurope du Sud suivent des parcours daccs lemploi proches de ceux des jeunes sans ascendance migratoire directe. Les descendants dimmigrs africains intgrent par ailleurs moins la fonction publique dtat. Les jeunes descendants dimmigrs du Maghreb connaissent quant eux le plus fort cart entre le niveau de diplme et la qualification du poste occup.

    Plusieurs types de facteurs, en partie lis, peuvent tre avancs pour expliquer les dicults particulires daccs

    lemploi rencontres par les jeunes descendants dimmigrs. Un premier type de facteurs, dterminant en partie les autres, renvoie des caractristiques sociales et notamment au milieu socioconomique dont sont issus ces jeunes. Les descendants dimmigrs viennent en eet de milieux sociaux plus modestes que lensemble de la population : les trois quarts des descendants de deux parents immigrs ont un pre ouvrier, contre un peu moins de la moiti des descendants de couple mixte et plus dun tiers des enfants de parents non immigrs. Les descendants dimmigrs ont galement plus souvent un parent qui ne travaille pas au moment de la fin de leurs tudes. Ils sont plus de 20 % vivre sous le seuil de pauvret, contre 10 % des Franais sans ascendance migratoire directe, et cette exposition est particulire-ment forte lorsquils vivent encore chez leurs parents.

    Le parcours scolaire et les processus dorientation des descendants dimmigrs sont une autre source dexplication de ces dicults. En eet, plus souvent sans diplme la fin de leur scolarit que les natifs, ils atteignent en moyenne des niveaux de diplme moins levs et, pour les descendants dimmigrs dAfrique et de Turquie, dans des filires souvent moins porteuses en matire dinsertion professionnelle (moins dapprentissage par exemple). Leurs origines modestes expliquent en partie ce parcours scolaire direnci. Mais le milieu social nexplique pas tout. Lanalyse statistique des performances des lves aux tests PISA montre que, mme aprs contrle du milieu socioconomique, les lves issus de limmigration en France obtiennent en moyenne des scores infrieurs ceux des lves natifs, soit un cart quivalent une anne de formation.

    Le rapprochement souvent opr entre jeunes issus de limmigration et habitants de quartiers en dicult renvoie un troisime phnomne, celui de la sgrga-tion spatiale et de la concentration des descendants dimmigrs comme des immigrs dans des quartiers cumu-lant les dicults conomiques et sociales : communes pauvres, taux de chmage lev, loignement des zones demploi, faible rseau de transport, moindre densit de certains services publics, etc. Cette situation pse sur les parcours scolaires et freine laccs lemploi de tous les habitants de ces zones, les descendants dimmigrs napparaissant pas cet gard spcifiquement pnaliss.

    Cependant, mme une fois neutraliss les eets de struc-ture (origine sociale des parents, niveau de diplme, locali-sation), le risque de chmage plus lev persiste pour les descendants dimmigrs. Cet cart non expliqu, qui est trs fort pour les descendants dimmigrs africains,

    1. Cette note sappuie sur des donnes disponibles publies par lInsee, la Dares, la DEPP, le Cereq, lIned, la DSED, la DGAFP, lONZUS et lOCDE. Voir lencadr ci-contre pour des lments de dnition.

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    renvoie des facteurs non pris en compte dans les enqutes utilises pour tablir ce constat. Parmi ces facteurs non expliqus se trouvent les phnomnes de discriminations lemploi lies principalement lorigine suppose de ces jeunes ou leur lieu de rsidence. Cette discrimination, mesure notamment via des testings , apparat particulirement marque pour les jeunes descendants dimmigrs dAfrique, et pour les jeunes hommes. Elle est galement fort ressentie : un quart des immigrs et des descendants dimmigrs dclarent avoir vcu des discriminations au cours des cinq dernires annes ; ils sont prs de la moiti parmi les originaires dAfrique subsaharienne, le principal critre de discrimination ressentie tant alors la couleur de la peau. Le fait dhabiter un quartier prioritaire augmente galement le sentiment davoir subi une discrimination lie lemploi.

    Cette note analyse ces dicults dinsertion conomique sous langle de lducation, de lemploi, du logement et du niveau de vie.

    DES PARCOURS SCOLAIRES PEU FAVORABLES LINTGRATION CONOMIQUELa dmocratisation de laccs lducation na pas empch que demeurent de fortes ingalits dans les appren-

    tissages. Ces ingalits se creusent ds la maternelle et compromettent laccs aux filires les plus favorables la poursuite des tudes suprieures. On les retrouve dans la structure des sortants du systme ducatif dont les niveaux dtudes et de diplme sont peu favorables une bonne intgration conomique. Les comparaisons inter-nationales de lOCDE montrent galement ce qui, dans les caractristiques des systmes ducatifs, permet dexpliquer une partie des carts entre les rsultats des lves issus de limmigration et ceux des autres lves.

    Des dicults qui saccumulent tout au long de la scolarit

    Les carts de rsultats et de trajectoires scolaires des jeunes issus de limmigration dpendent de plusieurs facteurs inter-dpendants : performances scolaires antrieures, orienta-tion, origine sociale, caractristiques des tablissements, lieu de rsidence, etc. Ils rsultent ainsi dun long proces-sus cumulatif dingalits dans les apprentissages qui commence lcole maternelle.

    Du dcrochage silencieux aux ruptures scolaires

    En raison dun environnement souvent moins favorable lapprentissage de la langue, un long processus de dcro-chage silencieux sengage pour de nombreux enfants issus de limmigration, ds le plus jeune ge. Ce retard

    Encadr. lments de dfinition des populations analyses2

    Jeune issu de limmigration : dsigne dans cette note les jeunes descendants dimmigrs.

    Immigr : personne ne trangre ltranger et rsidant en France. En 2011, les immigrs reprsentaient 8,6 % de la population franaise (5,6 millions de personnes)3. Parmi eux, environ 40 % sont de nationalit franaise. Les immigrs peuvent tre arrivs en France lenfance, ladolescence, lors de leurs tudes suprieures ou aprs la fin de leurs tudes.

    Descendant dimmigrs : selon la dfinition adopte par les organismes de statistique publique, personne ne et rsidant en France ayant au moins un parent immigr. Cette population est identifie dans les enqutes par rfrence la nationalit et au pays de naissance des parents des individus (pas de reprage au-del de lascendance directe). On estime que la France compte en 2012 environ 6,8 millions de descendants dimmigrs, ce qui reprsente 11 % de lensemble de la population rsidente4. Les descendants se rpartissent part gale entre ceux ayant deux parents immigrs et ceux issus de couple mixte. Sur la population des 18-50 ans, 95 % ont la nationalit franaise5. Tant en proportion quen nombre, la France est le pays europen qui compte la plus importante population de descen-dants dimmigrs dEurope parmi les 25-54 ans6, alors que la proportion dimmigrs se situe dans la moyenne euro-penne. Certaines enqutes, comme lenqute Gnration du Creq, incluent aussi dans les descendants dimmigrs ceux qui sont ns ltranger, de parents immigrs, et qui ont fait leur scolarit en France. Ces dfinitions ne sont pas celles retenues au niveau international. Par exemple, lOCDE dfinit les descendants dimmigrs comme les personnes nes dans le pays de rsidence et dont les deux parents sont ns ltranger, quelle que soit la nationalit des parents7.

    Natif ou personne sans ascendance migratoire directe : la population de rfrence est compose des personnes ni immigres ni descendantes dimmigrs.

    2. Les informations disponibles par origine gographique sont maintenant nombreuses, mme sil reste difcile de retracer lexhaustivit des situations par origine gographique trs dtaille.3. Donnes du recensement : www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF02162.4. Daprs les donnes des enqutes Emploi in Bouvier G. et Breem Y. (2014), Dmographie des descendants dimmigrs , Infos migrations, n 66.5. Enqute Trajectoires et Origines, Ined. Par ailleurs les enfants ns en France de rapatris ne sont pas descendants dimmigrs si leurs parents taient de nationalit franaise. 6. Bouvier G. (2012), Les descendants dimmigrs plus nombreux que les immigrs : une position originale en France , in Insee Rfrences Immigrs et descendants dimmigrs en France, DSED.7. OCDE (2012), Trouver ses marques : les indicateurs de lOCDE sur lintgration des immigrs, ditions OCDE, Paris.

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    8. 95 % des enfants ns en France et seulement 42 % parmi ceux qui sont ns ltranger. 9. MEN-DEPP, Panel dlves du second degr entrs en 6e en 2007, enqute Famille (2008).10. Insee Rfrences - dition 2012, Immigrs et descendants dimmigrs en France.11. Dans lanalyse PISA, les lves issus de limmigration sont ceux qui sont ns ltranger de parents ns ltranger et ceux qui sont ns dans le pays daccueil mais dont les parents sont ns ltranger.12. Seuil en de duquel llve na pas acquis les comptences minimales requises pour trouver sa place dans la socit contemporaine ; Perspectives de lducation 2015, OCDE.13. Vanhoffelen A. (2013), Les bacheliers du panel 1995 : volution et analyse des parcours , n 10.13, DEPP, ministre de lducation nationale, septembre.14. MEN-DEPP, Panel dlves du second degr entrs en 6e en 2007, enqute famille (2008), et Fiches thmatiques - ducation et matrise de la langue Immigrs , Insee Rfrences - dition 2012.

    dans lacquisition de comptences linguistiques et dapprentissage dbute avant la scolarit lmentaire, notamment parce que ces jeunes sont moins nombreux avoir t scolariss au moins trois ans lcole maternelle (82 % contre 96 % pour les autres enfants8). Cela se traduit par dimportants carts de niveau dans les rsul-tats aux preuves nationales de sixime. Les lves issus de familles immigres accusent un retard de 10 points en franais (46 sur 100 en moyenne contre 56 pour les autres lves) et de 8 points en mathmatiques (57 sur 100 en moyenne contre 65)9. Le retard accumul par ces jeunes avant lentre en sixime pse aussi sur leur parcours au collge o seuls 56 % dentre eux nauront pas redoubl et auront obtenu leur brevet, contre 70 % pour les autres lves10.

    Des dicults que le milieu social nexplique que partiellement

    Les rsultats des tests PISA montrent qu lge de 15 ans les jeunes issus de limmigration11 sont au moins deux fois plus susceptibles de figurer parmi les lves en dicult. Lors de lenqute de 2012, leur proportion parmi les lves obtenant un score sous le niveau 2 en mathmatiques12 (sur une chelle de 6) atteint 43 % en France (contre 22 % pour lensemble des lves, et 23 % en moyenne dans les pays de lOCDE). Ce constat confirme les rsultats des valuations nationales. Comment expliquer de tels carts ? Lanalyse des corrlations entre les perfor-mances aux tests PISA et les caractristiques des lves et des tablissements apporte des lments de rponse.

    Les jeunes issus de limmigration proviennent souvent de milieux dfavoriss. On estime quen France les trois quarts de ces jeunes appartiennent une famille dont la personne responsable est ouvrire, employe de service ou inactive, contre seulement le tiers pour les jeunes qui nont pas de parents immigrs13. Or, le milieu socioconomique a un impact sur la perfor-mance scolaire beaucoup plus important en France que dans la plupart des autres pays de lOCDE. En France, le fait dappartenir une catgorie sociale plus favorise se traduit par une augmentation du score en mathmatiques de 57 points, soit laugmentation la plus marque de tous les pays de lOCDE (en 2012). En termes de dure de scolarit, cet cart est quivalent prs de deux ans dtudes.

    Mais lanalyse statistique montre que, mme aprs prise en compte du milieu socioconomique, les lves issus de limmigration en France obtiennent en moyenne des scores infrieurs de 37 points ceux des autres lves, soit presque lquivalent dune anne dtudes (contre 21 points en moyenne dans les pays de lOCDE).

    Une concentration des dicults qui aggrave les ingalits scolaires

    Lorganisation du systme ducatif franais pse galement sur les parcours de ces enfants : la rpartition des lves issus de limmigration dans les dirents tablissements en France est une des plus concentres des pays de lOCDE (graphique 1). Si la rpartition de ces lves tait similaire celle des autres jeunes, chaque quart des tablissements en accueillerait 25 %. Dans la ralit, 70 % des lves issus de limmigration sont scolariss dans le quart des tablisse-ments qui achent la plus forte concentration de cette population. Ils reprsentent plus de 40 % de leectif total de ces tablissements, soit 10 points de plus que la moyenne de lOCDE. En outre, un jeune issu de limmigration sur deux (53 %) frquente un des tablisse-ments prsentant la plus forte concentration dlves dont la mre est peu instruite (non titulaire dun diplme de fin dtudes secondaires).

    Or la forte concentration des lves issus de limmigration dans les tablissements a un impact nga-tif sur leurs performances, comme le montrent les tests de corrlation eectus partir de PISA 2009 en comprhension de lcrit (graphique 2). Les corrlations sont particulirement importantes entre les perfor-mances de ces lves et les dsavantages des tablissements (pourcentage des lves issus dun milieu social dfavoris mesur ici par la concentration des lves dont les mres sont peu instruites, quelles soient ou non issues de limmigration).

    Une orientation trop rarement choisie

    Parmi les lves issus de limmigration entrs en sixime en 2007, seuls 47 % nont pas redoubl au collge et ont t orients vers une seconde gnrale ou technologique, soit 11 points de pourcentage de moins que les lves issus de familles non immigres14. Lorientation ne reflte pas systmatiquement leurs choix, car ils sont davantage dirigs vers les filires professionnelles alors mme que

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    leurs parents sont plus nombreux souhaiter une orienta-tion vers la filire gnrale (49 %) que ceux des lves issus des familles non immigres (43 %). Or ce sont les filires professionnelles qui produisent 50 % des flux annuels dlves en situation de dcrochage scolaire15 et prsentent de faibles taux de poursuite dans le suprieur. De plus, au sein mme des filires professionnelles, les enfants issus de limmigration obtiennent moins facile-ment une place en apprentissage (15 % contre 29 % pour les autres jeunes)16. Or entrer en apprentissage, cest signer un contrat de travail, tre embauch, donc franchir ltape cruciale de laccs au premier emploi17. Cet cart ne peut tre expliqu par les seules perfor-mances scolaires et traduit vraisemblablement une forme de discrimination.

    Pour ceux qui sont orients vers les filires gnrales et technologiques, les carts de performances demeurent aussi importants. Parmi les jeunes sans ascendance migratoire directe, 64,2 % obtiennent le baccalaurat. Ils

    sont seulement 32,9 % parmi les jeunes issus de familles immigres de Turquie et au-dessus de la moiti parmi ceux issus de familles du Maghreb (50,8 %), du Portugal (51,3 %) et dAfrique (55 %)18.

    Le fait que ces jeunes issus de limmigration sont moins souvent orients vers les filires gnrales que les autres jeunes19 ne favorise pas la poursuite dtudes suprieures. Moins nombreux obtenir un bac S (de 4,7 % 9,4 % selon le pays dorigine, contre 17,4 % pour les natifs)20, leur prsence dans les filires slectives demeure faible21.

    Trop peu de diplms, trop de peu diplms

    En France, la structure de la population des jeunes selon le niveau de diplme, un an aprs la fin de leurs tudes initiales, illustre bien le rsultat de ces ingalits accumules (graphique 3). Sur un flux annuel de prs de 700 000 sortants du systme ducatif sur la priode 2007-2012, un peu plus de 90 000 sortants sont descendants dimmigrs, soit 13 %. Si lon intgre aussi les jeunes immigrs, on atteint 19 %.

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    Concentration d'lves issus de l'immigrationConcentration d'lves dont la mre est peu instruite

    lves issus de l'immigration dans le quartile suprieur (%)

    Graphique 1. Proportion des lves issus de limmigration qui frquentent le quart dtablissementsprsentant la plus forte concentration mesure par deux indicateurs

    Source : OCDE, 2012

    15. MENESR et SGMAP (2014), Rapport de diagnostic, valuation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire , 28 mars, p. 24.16. Couppi T. (2015), Sinsrer quand on est issu de limmigration , in Alternatives conomiques, Entrer dans la vie active, Hors-srie n 71.17. Dayan J.-L. et Har M. (2010), Lavenir de la formation professionnelle des jeunes , La Note danalyse, n 169, Centre danalyse stratgique.18. Vanhoffelen A. (2013), op. cit.19. Vallet L.-A. et Caille J.-P. (1996), Les lves trangers ou issus de limmigration dans lcole et le collge franais. Une tude densemble , Les Dossiers dducation et Formations, n 67, ministre de lducation nationale.20. Vanhoffelen A. (2013), op. cit.21. Les bacheliers de 2002-2004 dont les parents navaient pas le bac reprsentaient seulement 15 % des lves des grandes coles mais 60 % des entrants en sixime en 1995 . Cette proportion est estime en 2002, 2003, 2004 partir dun panel de 17 830 lves entrs en sixime en 1995, panel mis en place par la DEPP. Voir Caille J.-P. et Lemaire S. (2009), Les bacheliers de premire gnration : des trajectoires scolaires et des parcours dans lenseignement suprieur brids par de moindres ambitions ? , France, portrait social, Insee.

    Lecture : en France, 70 % des lves issus de limmigration sont scolariss dans le quart des tablissements qui affichent la plus forte concentration de cette population.

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    22. Lain F. et Okba M. (2005), Linsertion des jeunes issus de limmigration : de lcole au mtier , Net.doc, Creq.

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    Norv

    ge

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    sil

    Can

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    ande

    Irlan

    de

    Isla

    nde

    Esto

    nie

    Concentration d'lves dont la mre est peu instruite

    Concentration d'lves issus de l'immigration

    Graphique 2. Corrlation entre la performance en comprhension de lcrit des lves issusde limmigration et des indicateurs de la concentration dlves dans les tablissements

    Lecture : en France, plus les tablissements concentrent des lves dont la mre est peu instruite, moins bonnes sont les performances des lves issus de limmigration (coefcient de corrlation ngatif de 0,45).Note : les pays sont classs par ordre croissant du coefcient de corrlation entre la concentration dlves dont la mre est peu instruite et leur performance.

    Les sorties sans diplme du systme ducatif sont nombreuses chez les descendants dimmigrs, avec 23 000 jeunes par an, soit une proportion de 24 % (16 % pour les autres jeunes). De fortes disparits existent toutefois selon les zones gographiques de naissance des parents. Pour les descendants dimmigrs originaires dEurope, la proportion est similaire celle des autres jeunes. Elle est deux fois plus leve pour les descendants dimmigrs venus dAfrique (30 %) et 1,5 fois plus leve pour les autres rgions (26 %). De plus, la proportion de sortants sans diplme chez les descendants dimmigrs africains est beaucoup plus forte parmi les jeunes hommes (39 %) que parmi les femmes (21 %).

    cela sajoutent les 15 000 jeunes descendants dimmigrs qui quittent chaque anne le systme ducatif avec uniquement un CAP ou un BEP, soit 16 %. La proportion

    est de 20 % pour les descendants dimmigrs originaires dEurope et de 13 % pour ceux originaires dAfrique, un cart important qui sexplique notamment par un inves-tissement plus lev des premiers dans les filires techniques22, comme le btiment, et par leur accs plus frquent aux filires de formation par apprentissage. Au total, ce sont donc 40 % des jeunes descendants dimmigrs qui sortent chaque anne du systme ducatif sans diplme ou diplms de niveau CAP-BEP (soit plus de 37 000 jeunes par an, en moyenne).

    La proportion des jeunes descendants dimmigrs qui sortent avec seulement un baccalaurat (26 %) est similaire celle des autres jeunes, mais cela masque en ralit deux caractristiques dont les eets se cumulent. Dune part, parmi ceux qui poursuivent jusquau baccalau-rat, les estimations montrent que les jeunes issus de

    Source : OCDE, 2012, base de donnes PISA 2009

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    limmigration obtiennent moins souvent leur diplme (entre 32 % et 55 % selon la zone dorigine, voir plus haut) que les autres jeunes (64,2 %)23. Dautre part, 38 % des jeunes issus de limmigration qui poursuivent dans le suprieur nobtiennent pas de diplme en fin de formation24, contre 22 % pour les autres jeunes. Ainsi, 34 % des jeunes descendants dimmigrs qui sortent du systme ducatif sont diplms du suprieur, soit 8 points de pourcentage de moins que les autres jeunes (42 %)25. Les jeunes descendants dimmigrs originaires dEurope ont un meilleur taux de russite (37 %).

    Une dicile insertion sur le march du travail, surtout pour les jeunes dorigine africaineEn 2012, les descendants dimmigrs reprsentent 9,8 % de la population franaise en ge de travailler (ge de 15 64 ans), soit 3,9 millions de personnes. En comparaisoneuropenne, la France compte la plus importante propor-tion de descendants directs dimmigrs dEurope, galement qualifie de seconde gnration , alors que la proportion

    dimmigrs en France se situe dans la moyenne europenne26. Cette population de descendants dimmigrs est particulirement jeune : 19 % des descen-dants dimmigrs ont entre 18 et 24 ans, contre 11 % pour lensemble de la population. Cest parmi les descendants dimmigrs africains que lon compte le plus de jeunes, puisque 45 % dentre eux appartiennent cette tranche dge, contre 10 % seulement parmi les descendants dimmigrs europens27.

    Les dicults dinsertion sur le march du travail que rencontrent les jeunes en gnral sont accentues pour certaines catgories de jeunes, en lien avec leur niveau ou leur spcialit de diplme, mais galement avec leur lieu de rsidence ou leur ascendance migratoire. Les jeunes descendants dimmigrs africains connaissent ainsi les taux de chmage les plus levs et cette situation rsulte aussi bien de facteurs structurels que deets rsiduels non expliqus, renvoyant pour partie des eets de rseau ou des discriminations.

    Un chmage plus lev pour les jeunesdescendants dimmigrs non europens

    Les descendants dimmigrs sont davantage exposs au chmage que les natifs sans ascendance migratoire directe (14,2 % de taux de chmage contre 8,6 % en 201228) mais moins que les immigrs eux-mmes (16,9 %).

    Tableau 1. Taux de chmage par ascendance migratoire en 2012, en pourcentage

    23. Une exception toutefois pour les jeunes issus des familles originaires dAsie du Sud-Est (66 %). Voir MEN-DEPP (2013), Les bacheliers du panel 1995 : volution et analyse des parcours , Note dinformation, n 10.13, septembre.24. Couppi T. (2015), op. cit.25. Ces caractristiques se retrouvent dans la population ge de 18 35 ans. Voir notamment Mogurou L., Brinbaum Y. et Primon J.-L. (2010), Niveaux de diplme des immigrs et de leurs descendants , in Trajectoires et Origines. Enqute sur la diversit des populations en France , Premiers rsultats, octobre, Document de travail, n 168, Insee-Ined ; et Fiches thmatiques - ducation et matrise de la langue Immigrs - Insee Rfrences dition 2012.26. Bouvier G. (2012), op. cit.27. Insee Rfrences (2012), op. cit.28. Minni C. et Okba M. (2014), Emploi et chmage des descendants dimmigrs en 2012 , Dares Analyses, n 023, mars.

    Descendants dimmigrs dEurope

    Descendants dimmigrs dautres continents

    0%5%

    10%15%20%25%30%35%40%45%

    Diplmedu suprieur

    Bac CAP-BEP Nondiplms

    Graphique 3. Structure des sortants du systme ducatif par niveau de diplme,selon la zone dorigine des parents (2007-2012)

    Sans ascendance migratoire directe

    Descendants dimmigrs dAfrique

    Non diplms : sans diplme ou avec le seul brevet des collges.Afrique : y compris le Maghreb.Lecture : 33 % des descendants dimmigrs africains sont sortis diplms du suprieur du systme scolaire entre 2007 et 2012 contre 45 % des jeunes sans ascendance migratoire directe.

    Source : Insee, enqutes Emploi 2007-2012, calculs France Stratgie

    Taux chmagedes moins de 30 ans

    Hommes Femmes Ensemble

    Sans ascendance migratoire 16 16 16 22

    Descendants dimmigrsdEurope 17 16 16 22

    Descendants dimmigrsdAfrique 34 30 32 42

    Descendants dimmigrsdautres continents 31 17 25 29

    Immigrs dEurope 23 17 20 28

    Immigrs dAfrique 34 35 35 45

    Immigrs dautres continents 19 23 21 26

    Taux chmagedes moins de 25 ans

    Ensemble

    Champ : population des mnages de France mtropolitaine.

    Source : Insee, enqute Emploi, calculs France Stratgie

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    Cest particulirement vrai pour les jeunes de moins de 25 ans dorigine africaine dont le taux de chmage dpasse les 40 %, soit presque le double du taux des jeunes sans ascendance migratoire directe (voir tableau 1). Les jeunes descendants dimmigrs europens ont en revanche une situation proche de celle des jeunes sans ascendance migratoire. Parmi lensemble des descen-dants dimmigrs gs de moins de 30 ans, les jeunes hommes sont plus touchs par le chmage que les jeunes femmes, mais ces dernires ont des taux dactivit plus faibles (voir infra).

    En 2010-2012, environ 120 000 jeunes descendants dimmigrs africains sont au chmage, dont prs de la moiti sont non diplms (tableau 2).

    Tableau 2. Nombre de chmeurs de moins de 30 ans parmi les descendants dimmigrs en 2010-2012

    Au regard du risque de chmage, la situation des jeunes descendants dimmigrs africains sest fortement dtriore avec le dclenchement de la crise, entre 2008 et 2010 (graphique 4).

    Graphique 4. Taux de chmage des 15-29 ans selon lascendance migratoire (2007-2012)

    Des taux dactivit plus faibles pour les descendantes dimmigrs non europens

    Parmi les descendants dimmigrs, les taux de chmage sont plus levs pour les hommes que pour les femmes, mais le taux dactivit des femmes en ge de travailler est plus faible (61 % contre 70 % pour les hommes). Sur la tranche dge 30-54 ans, en 2012, ce taux dactivit est de presque 82 % pour les femmes contre 91 % pour les hommes. Les descendantes dimmigrs sont moins actives que les femmes sans ascendance migratoire directe, mais beaucoup plus que les femmes immigres29.

    Si on dtaille par origine migratoire des parents, on constate que les femmes descendantes dimmigrs turcs sont les moins actives (59 %), suivies des descendantes dimmigrs du Maghreb (72 %), tandis que les descendantes dimmigrs portugais ont un taux dactivit suprieur mme celui des femmes sans ascendance migratoire (84 % contre 75 %)30. Comme pour lensemble des femmes, le fait davoir de jeunes enfants rduit lactivit mais avec un eet maxi-mal pour les descendantes dimmigrs non europens.

    Les jeunes hommes de moins de 30 ans descendants dimmigrs africains sont galement moins actifs que leurs homologues sans ascendance migratoire, avec des taux dinactivit respectifs de 16 % et 8 % (parmi ceux ayant termin leur formation initiale). Pour les jeunes femmes descendantes dimmigrs africains, ce taux dinactivit atteint 28 %, contre 15 % pour les natives en 2012.

    Un risque plus lev de chmage, toutes choses gales par ailleurs

    Parmi lensemble des jeunes de moins de 30 ans, le risque de chmage est plus lev pour les non-diplms (risque multipli par 2,2 par rapport un bachelier gnral), pour les titulaires dun CAP-BEP dune spcialit de services et pour les jeunes dont le pre est ouvrier non qualifi, employ de service ou inactif, ou dont la mre est inactive (tableau 3).

    Le risque de chmage est galement li au lieu de rsidence. Il est plus faible dans lagglomration de Paris et plus lev dans les moyennes et grandes agglomrations du Nord ou du Sud de la France. Le fait dhabiter en ZUS accrot la probabilit dtre au chmage de moiti par rapport un habitant hors ZUS31. Le risque de chmage ne renvoie donc pas seulement des caractristiques indivi-duelles mais aussi aux caractristiques des marchs locaux du travail, notamment de lappariement spatial entre lieu de rsidence et localisation des emplois, donc des moyens

    29. Minni C. et Okba M. (2014), op. cit.30. Insee Rfrences (2012), op. cit.31. Ce sur-chmage sobserve pour tous les niveaux de diplme et toutes les classes dge, voir rapport 2013 de lONZUS.

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    15

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    2007 2008 2009 2010 2011 2012Descendants d'immigrs d'EuropeDescendants d'immigrs d'AfriqueDescendants d'immigrs d'autres continentsSans ascendance migratoire directe

    Nombrede chmeurs

    Nombre dechmeurs

    non diplms*Descendantsdimmigrs dEurope 52 000 17 000

    Descendantsdimmigrs dAfrique 118 000 52 000

    Descendants dimmigrsdautres continents 26 000 11 000

    Champ : population des mnages de France mtropolitaine.* Aucun diplme ou brevet seul.

    Source : Insee, enqute Emploi, calculs France Stratgie

    Champ : population des mnages de France mtropolitaine.

    Source : Insee, enqute Emploi, calculs France Stratgie

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    favorisant ou non cet appariement (rseau de transport, prsence dentreprises dans les ZUS, problmatiques plus gnrales denvironnement et daccessibilit lemploi).

    Les descendants dimmigrs africains ptissent deets de structure ngatifs : un niveau moyen de diplme plus faible, une proportion de moins de 30 ans plus importante, lorigine sociale des parents plus ouvrire (cf. infra) et une localisation plus prononce dans les ZUS. Un quart des descendants dorigine africaine et 23 % de ceux originaires de Turquie habitent en ZUS, contre seulement 6 % des descendants dorigine europenne et 4 % des natifs32. Un lment facilitant leur insertion est leur localisation plus importante en le-de-France, rgion conomique particulirement dynamique o prs dun quart des emplois salaris franais sont implants33 : 40 % des descendants dimmigrs africains y rsident mais le rseau de transport dessert ingalement les dirents quartiers de la rgion.

    Le risque de chmage plus lev des descendants dimmigrs africains persiste, toutes choses gales par ailleurs, cest--dire mme quand on neutralise les eets lis lge, au diplme, lorigine sociale ou au lieu de rsidence (tableau 3) : par rapport un natif, ce risque est presque doubl et il apparat plus fort que le risque de chmage li la rsidence en ZUS (multipli par 1,5 par rapport un non-rsident en ZUS).

    Le poids des eets rsiduels dans le sur-chmage des jeunes dorigine africaine

    Sur la population des moins de 30 ans, environ la moiti des carts de chmage constats en dfaveur des descendants dimmigrs africains ne sont pas expliqus par les variables structurelles que sont lge, le sexe, le niveau et la spcialit de diplme, la catgorie sociopro-fessionnelle du pre et de la mre et le lieu de rsidence (ZUS ou non ZUS) (graphique 4). Les eets rsiduels non expliqus (discriminations, eet des formations par alter-nance, matrise de la langue, eets des rseaux sociaux, etc.) sont galement trs marqus pour les immigrs dAfrique.

    Une moindre qualit dinsertion dans lemploi stable

    La qualit de linsertion dans lemploi des descendants dimmigrs nest pas non plus la mme que pour lensemble de la population : ils sont surexposs la prcarit et linstabilit dans lemploi. Aprs la sortie de formation initiale, les jeunes descendants dimmigrs africains ont plus souvent que les autres des contrats courts, des missions dintrim ou des contrats dure dtermine.

    Tableau 3. Facteurs de risque de chmageparmi les jeunes de moins de 30 ans

    32. Insee Rfrences (2012), op. cit.33. www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=20&ref_id=tratc03103.

    Odds-ratio (rapport de risque)de chmage

    Moins de 20 ans 1,920 24 ans 1,825 29 ans RfrenceFemme 1,1Homme Rfrence

    1,3 Rfrence

    CAP - BEP spcialit de services 1,5CAP - BEP spcialit de production 1,2Bac gnral RfrenceBac spcialit de services 1,1Bac spcialit de production 0,7Bac+2 sant, social 0,2Diplme du suprieur, spcialitde services ou sciences humaines

    0,8

    Diplme du suprieur, spcialitde production ou scientifique 0,7

    Pre inactif 1,3Pre non salari 0,8Pre cadre nsPre profession intermdiaire 0,9Pre employ de servicesou de commerce

    1,1

    Pre autre employ RfrencePre ouvrier qualifi nsPre ouvrier non qualifi 1,1Mre inactive 1,3Mre autre situation RfrenceRside dans lagglomration de Paris 0,8

    1,4

    Rside en moyenne ou grandeagglomration du Sud de la France Autre rsidence en France RfrenceRsident ZUS 1,5Non rsident ZUS RfrenceImmigr originaire dEurope nsImmigr originaire dAfrique 2,2Immigr autres origines 1,3Descendant dimmigrs europens Descendant dimmigrs africains 1,9Descendant dimmigrs dautres continents 1,4Sans ascendance migratoire directe Rfrence

    Rside en moyenne ou grandeagglomration du Nord de la France

    Annes 2007 2008Annes 2009 2012

    Estimation reposant sur un modle logit prenant en compte lge, le genre, leffet conjoncturel (annes 2009-2012), le niveau et la spcialit du diplme, lorigine sociale du pre et de la mre, le lieu de rsidence et lorigine gographique.Les odds-ratios par origine gographique permettent de mettre en vidence les effets hors effets de structure. Par exemple, lodds-ratio entre le taux de chmage brut des descendants dorigine africaine et celui des natifs est de 2,6 sur les annes 2007-2012. Hors effets de structure, cet odds-ratio est de 1,9.

    Lecture : le risque de chmage pour un jeune de moins de 20 ans est multipli par 1,9 par rapport un jeune de 25 29 ans toutes choses gales par ailleurs .

    Champ : actifs de 15 29 ans de France mtropolitaine, annes 2007 2012.

    Source : Insee, enqutes Emploi 2007-2012, calculs France Stratgie

    Sans diplme 2,2

    1,2

    1,1

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    Ils passent davantage par des pisodes de chmage : 29 % dentre eux connaissent au moins deux ans de chmage au cours de leurs cinq premires annes de vie profession-nelle, contre 8 % seulement pour les jeunes descendants dimmigrs dEurope du Sud et 11 % pour les natifs34. Et cinq ans aprs la fin de leurs tudes, la probabilit quils aient un emploi stable est un tiers plus faible que pour les natifs ou les descendants dimmigrs dEurope du Sud35.

    Graphique 5. cart au taux de chmage moyen des moins de 30 ans : eets structurels et eets rsiduels (2007-2012)36

    En revanche, une fois tenu compte des dicults daccs lemploi et des types de postes occups, on ne relve pas de dirence significative sur le niveau des rmunra-tions, ni sur le temps de travail. Cest vrai galement chez les femmes : les descendantes dimmigrs travaillent aussi souvent temps partiel et en situation de sous-emploi que les femmes sans ascendance migratoire directe37.

    Un dclassement plus lev dans des emploispeu qualifis pour les jeunes hommes descendants dimmigrs du Maghreb

    Un autre indicateur de la qualit de linsertion est ladquation entre le niveau du diplme et la catgorie du

    poste occup. Les jeunes hommes diplms de lenseignement secondaire et descendants dimmigrs sont davantage exposs au dclassement que les autres jeunes et ils accdent moins souvent dans leur premier emploi un poste douvrier et demploy qualifi38. Mme en neutralisant les eets de structure (notamment de diplme), les jeunes hommes descendants dimmigrs du Maghreb ont davantage de risque doccuper un emploi peu qualifi ; ils prouvent en outre un trs fort sentiment de dclassement subjectif, cest--dire de sous-utilisation de leurs comptences.

    Les jeunes hommes descendants dimmigrs dEurope du Sud sont plus frquemment dans les mtiers du BTP

    Mme si la sgrgation professionnelle est moins forte pour les descendants dimmigrs que pour les immigrs, les jeunes descendants dimmigrs noccupent pas les mmes mtiers que les jeunes sans ascendance migra-toire. Tandis que les jeunes descendants dimmigrs du Maghreb exercent davantage les mtiers du social, du transport, ou encore de lhtellerie-restauration pour les jeunes femmes, les jeunes hommes descendants dimmigrs dEurope du Sud investissent nettement les mtiers du btiment ou de llectricit-lectronique, suivant la spcialisation de leurs pres et bnficiant ainsi de leurs rseaux de relations sociales39. Cette orien-tation professionnelle concourt leur meilleure insertion dans lemploi.

    Une sous-reprsentation dans la fonction publique

    En 2010, la fonction publique ne reprsente que 10 % des emplois occups par les descendants dimmigrs, contre 14 % pour les natifs. Cette moindre prsence est observable dans les trois fonctions publiques (dtat, territoriale, hospitalire). caractristiques sociodmographiques identiques, les descendants dimmigrs ont 8 % de chances en moins de travailler dans la fonction publique que les natifs40. Cet eet moyen varie nanmoins forte-ment selon lorigine migratoire des parents et le type de fonction publique. Ainsi, tre descendant dimmigrs africains hors Maghreb rduit de plus dun quart (29 %) la chance dtre salari de la fonction publique dtat plutt que du priv, mais accrot de plus de 50 % la chance dtre salari de la fonction publique hospitalire.

    34. Couppi T. (2015), op. cit.35. Jugnot S. (2012), Laccs lemploi la sortie du systme ducatif des descendants dimmigrs , in Insee Rfrences dition 2012 : Immigrs et descendants dimmigrs en France.36. Effets calculs partir dune analyse de la variance. Une autre mthode (celle d'Oaxaca-Blinder) teste sur les effets structurels concernant les descendants dorigine africaine donne des rsultats semblables. Les effets structurels sont bien entendu sensibles au nombre de facteurs introduits dans la modlisation (voir Jugnot, 2012, op. cit.) : en plus des effets du diplme, leffet des catgories sociales du pre et de la mre est par exemple important.37. Minni C. et Okba M. (2014), op. cit.38. Couppi T. (2015), op. cit.39. Lain F. et Okba M. (2005), op. cit.40. Baradji E., Idmachiche S. et Schreiber A. (2012), Les descendants dimmigrs dans la fonction publique , in Insee Rfrences dition 2012 : Immigrs et descendants dimmigrs en France.

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    Effets structurels Effets rsiduels

    Lecture : pour les immigrs dEurope, les effets structurels devraient conduire un cart au taux de chmage moyen de 1,6 point, mais celui-ci est compens par des effets rsiduels ngatifs ( 2,2). Lcart au taux de chmage moyen de ces immigrs nest au nal que de 0,6 point.

    Source : Insee, enqutes Emploi 2007-2012, calculs France stratgie

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    Une moindre participation aux rseaux dinsertion professionnelle

    Quelles sont les raisons de cette situation ? Elle tient dabord des eets de rseau. Les descendants dimmigrs africains ont moins recours des rseaux professionnels, personnels ou familiaux qui constituent pourtant, avec les candidatures spontanes, le principal canal de recrutement en France. Cela rsulte notamment de leur milieu social dorigine. Plus souvent ouvriers ou employs, les parents immigrs dAfrique sont aussi beaucoup plus souvent que les autres en situation de retrait du march du travail : les pres sont plus frquemment chmeurs ou retraits et les mres sont plus nombreuses navoir jamais travaill41. Leurs enfants ont donc moins que les autres recours des rseaux professionnels et ils sont plus susceptibles de se tourner vers les missions locales42. Les descendants dimmigrs dEurope du Sud bnficient davantage des rseaux professionnels de leurs parents et parviennent ainsi plus rapidement trouver un emploi, le plus souvent en lien avec le domaine dactivit des pres.

    Des phnomnes discriminatoires fonds sur lorigine suppose ou le lieu de rsidence

    Les discriminations ethniques sont un facteur aggravant. Comme dj analys, les carts observs en matire de chmage ou demploi entre les descendants dimmigrs et les natifs, entre les descendants dimmigrs et les immigrs, entre les descendants dimmigrs eux-mmes, relvent de dirents registres : des caractristiques individuelles (niveau et spcialit de formation initiale, ge, sexe, catgorie socio-professionnelle des parents) mais galement locales (lieu de rsidence). Pour ces caractristiques observables, les carts refltent des mcanismes loeuvre sur le march du travail pour tous les individus. Mais une fois ces eets neutraliss, une partie importante de ces carts reste inexplique pour certains jeunes descendants dimmigrs sans quon puisse prcisment distinguer ce qui ressort de variables non intgres dans les enqutes (comme les eets de rseau ou la matrise de comptences linguis-tiques) ou dune forme de pnalit ethnique43. Une partie de ces carts peut en eet tre impute des comporte-ments discriminatoires lencontre de ces populations.

    En complment des analyses conomtriques prsentes, le testing permet dapprhender les comportements discriminatoires des employeurs en isolant leet dun critre sur la probabilit dtre convoqu en entretien ou embauch. Depuis le milieu des annes 2000, cette mthode exprimentale a ainsi mis en lumire une discrimination ngative lgard de descendants dimmigrs africains, surtout envers les hommes44. Des testings visant isoler leet du lieu de rsidence sur la probabilit dtre convoqu en entretien tendent gale-ment prouver lexistence dune discrimination territoriale45. Ce ressenti de discrimination est particulirement fort parmi les individus ayant une ascendance migratoire directe : un quart des immigrs et des descendants dimmigrs dclarent avoir vcu des discriminations au cours des cinq dernires annes, cette proportion atteignant prs de 50 % pour les immigrs et descendants dimmigrs originaires dAfrique subsaharienne46. Pour ces derniers, le principal critre de discrimination ressentie est la couleur de la peau. Le fait dhabiter en ZUS augmente aussi le sentiment davoir subi une discrimination lie lemploi47 mais, toutes choses gales par ailleurs, lorigine migratoire des personnes demeure la variable la plus dterminante de lautodclaration des discriminations.

    Au final, cette situation plus dfavorable lgard de lemploi des descendants dimmigrs, qui se concentre sur ceux dont les parents ont immigr dAfrique, renvoie pour partie des phnomnes extrieurs au march du travail. En complment des obstacles ducatifs dj analyss, le poids de lenvironnement tant en termes de localisation spatiale que de conditions et niveaux de vie est gale-ment dterminant.

    Concentration spatiale et conditions de logementLes immigrs et leurs descendants ne sont pas rpartis de faon homogne sur le territoire48. Si ceux dorigine europenne chappent en grande partie aux phnomnes de sgrgation et de concentration, il nen est pas de mme pour les immigrs dorigine africaine et leurs

    41. Jugnot S. (2012), op. cit.42. Brinbaum Y. et Rieucau G. (2012), Comment les jeunes issus de limmigration cherchent-ils et trouvent-ils leur emploi ? , Connaissance de lemploi, n 99, CEE, www.cee-recherche.fr/fr/c_pub2.htm.43. Fournier I. et Silberman R. (2006), Les secondes gnrations sur le march du travail en France : une pnalit ethnique ancre dans le temps. Contribution la thorie de lassimilation segmente , Revue franaise de sociologie, n 47.44. Voir notamment Cdiey E., Foroni F. et Garner H. (2008), Discriminations lembauche fondes sur lorigine lencontre de jeunes Franais(es) peu quali(e)s. Une enqute nationale par tests de discrimination ou testing , Premires synthses, Dares, n 06.3 ; Duguet E., Landri N., LHorty Y. et Petit P. (2010), Are young French jobseekers of ethnic immigrant origin discriminated against? A controlled experiment in the Paris area , Annals of Economics and Statistics, n 99-100, p. 187-215 ; Edo A. et Jacquemet N. (2013), La discrimination lembauche sur le march du travail franais, Opuscule du CEPREMAP, n 31, ditions rue dUlm.45. Pour une synthse des testings et de leurs limites, voir Effets de quartier, discrimination territoriale et accs lemploi. Les rsultats dun testing , Document de lONZUS, n 4, juin 2013. Le lieu de rsidence a t ajout comme nouveau critre de discrimination prohib par le code du travail dans la loi du 21 fvrier 2014 de programmation pour la ville et la cohsion urbaine.46. Insee-Ined (2010), Trajectoires et origines. Enqute sur la diversit des populations en France , Premiers rsultats, octobre, Document de travail, n 168.47. Okba M. (2014), Jeunes immigrs et jeunes descendants dimmigrs. Une premire insertion sur le march du travail plus difcile, en particulier pour ceux qui rsident en ZUS , Dares Analyses, n 74, septembre.48. lments principalement tirs de lInsee Rfrences dition 2012 : Immigrs et descendants dimmigrs en France.

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    descendants. Ceux-ci sont trs concentrs dans certaines rgions et, lintrieur de celles-ci, dans certaines communes souvent pauvres et forte proportion dimmigrs. Moins souvent propritaires, trois fois plus souvent dans le secteur HLM lorsquils sont locataires, ils subissent gale-ment des phnomnes de discrimination dans laccs au logement, tablis par plusieurs enqutes de testing.

    Les immigrs et leurs descendants sont concentrs dans des communes et des quartiers pauvres et forte proportion dimmigrs

    Les immigrs sont concentrs dans les communes les plus pauvres49 mais galement les plus denses en logement social, en chmeurs et en personnes immigres (graphique 6). Cela vaut essentiellement pour les immigrs dAfrique (Maghreb compris), puisque les immigrs dorigine europenne se distinguent assez peu des personnes sans ascendance migratoire directe. Ce phnomne de concentration des immigrs dorigine africaine sestompe lgrement pour leurs descendants.

    En 2008, parmi les 18-50 ans, 19 % des immigrs et 14 % de leurs descendants directs vivent dans une ZUS, contre seulement 4 % des autres rsidents de la France mtro-politaine en mnage ordinaire50.

    On a pu calculer un indice de sgrgation de la population immigre en le-de-France51. Cet indice mesure dans un quartier ou une commune la part des individus qui

    devraient partir pour que ce quartier ou cette commune ait une composition identique celle du reste du territoire de rfrence. En 1999, dans les quartiers des units urbaines de plus de 50 000 habitants, les Maghrbins, les Africains subsahariens et les immigrs dAsie du Sud-Est se rvlaient tre les groupes les plus sgrgus. Entre 1968 et 1999, la sgrgation a nanmoins baiss de 5 points de pourcentage pour les immigrs maghrbins, de 9 points pour les immigrs africains, de 1,7 point pour les Asiatiques et 3,6 points pour les Europens.

    Sur un intervalle de temps sensiblement quivalent, soit 1968-2005, la part des jeunes issus de limmigration parmi les moins de 18 ans a beaucoup progress : elle est passe de 11,5 % 18,1 %. Par ailleurs, alors que plus des trois quarts des jeunes issus de limmigration taient dorigine europenne en 1968, ce ntait plus le cas que dun quart dentre eux en 2005. La part des jeunes issus de limmigration varie videmment beaucoup dune rgion ou dune commune lautre. Cest en le-de-France quelle est la plus importante : elle est passe de 16 % en 1968 37 % en 2005. En Seine-Saint-Denis, sur la mme priode, elle est passe de 19 % 57 %. En 2005, elle atteint ainsi 41 % Paris, 40 % dans le Val-de-Marne et 38 % dans le Val-dOise. Dans certaines communes dle-de-France, cette concentration de jeunes dorigine immigre peut atteindre des niveaux trs levs : 70 % des jeunes Saint-Denis ou Grigny ; environ 75 % Clichy-sous-Bois, Aubervilliers et La Courneuve52.

    49. Au regard du potentiel scal. Le potentiel scal est la mdiane du revenu scal par unit de consommation mesure dans la commune, le revenu scal correspondant la somme des ressources dclares par les contribuables sur la dclaration des revenus.50. Personnes qui partagent la mme rsidence principale, quelles aient ou non des liens de parent.51. Pan K Shon J.-L. (2011), La sgrgation des immigrs en France : tat des lieux , Population & Socits, n 477, Ined, avril.52. Aubry B. et Tribalat M. (2011), Les concentrations ethniques en France : volution 1968-2005 , Espace Populations Socits, 2011/3, p. 493-507.

    0%2%4%6%8%

    10%12%14%16%18%

    vivent dans les 10 % des communes les plus pauvres

    0%10%20%30%40%50%60%

    vivent dans les 10 % des quartiers ou communesles plus denses en logement social

    vivent dans les 10 % des quartiers ou communesqui comptent le plus de chmeurs

    sansascendancemigratoire

    Immigrs descendantsdimmigrs

    dontEurope

    dontAfrique

    dontEurope

    dontAfrique

    0%5%

    10%15%20%25%30%35%40%45%

    0%10%20%30%40%50%60%70%

    vivent dans les 10 % des quartiers ou communesqui comptent le plus d'immigrs

    Graphique 6. Concentration des 18-50 ans selon leur ascendance migratoire (2008)

    Sources : Ined, enqute Trajectoires et Origines 2008 ; Insee, recensement de la population 2006 ; DGFip, Revenus scaux localiss 2007

    sansascendancemigratoire

    Immigrs descendantsdimmigrs

    dontEurope

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    dontEurope

    dontAfrique

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    Immigrs descendantsdimmigrs

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    sansascendancemigratoire

    Immigrs descendantsdimmigrs

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    53. Avec bien sr un impact de lanciennet de linstallation, diffrente pour les premiers et les seconds.54. Un logement est considr comme surpeupl sil compte moins de pices que la norme suivante : une pice de sjour pour le mnage ; une pice pour chaque couple ; une pice pour les clibataires de 19 ans et plus ; et pour les clibataires de moins de 19 ans : une pice pour deux enfants sils sont de mme sexe ou sils ont moins de sept ans ; sinon, une pice par enfant.55. ASDO (2006), La discrimination dans laccs au logement locatif priv, mai, www.halde.fr/IMG/pdf/resultats_testing_logement.pdf.56. Plan villeurbannais de lutte contre les discriminations au logement - Testing sur le parc locatif priv de Villeurbanne ralis par ISM-CORUM, juin 2011, www.discriminations.inegalites.fr/IMG/pdf/Testing_sur_le_parc_locatif_prive_de_Villeurbanne.pdf.

    Moins souvent propritaires, plus souvent en HLM

    En 2008, chez les 18-50 ans vivant en mnage ordinaire, la part de ceux qui vivent dans un mnage propritaire de sa rsidence principale stablit 33 % pour les immigrs, avec toutefois de fortes disparits puisque cette propor-tion est de 15 % pour les personnes originaires dAfrique (hors Maghreb) mais de 50 % pour les immigrs dorigine europenne et de 54 % pour les immigrs dorigine dAsie du Sud-Est53. Pour les descendants dimmigrs, la part des mnages propritaires monte 41 % (24 % pour les descendants dimmigrs dAfrique hors Maghreb, mais 51 % pour les descendants dimmigrs de lUE-27). Pour les autres rsidents, la proportion est de 55 %.

    Lcart de taux de proprit entre les immigrs et le reste de la population sexplique pour moiti par des dirences lies lge, aux revenus (plus faibles) et la concentra-tion dans des grandes villes o limmobilier est plus cher. Les descendants dimmigrs, eux, aprs contrle de ces eets de structure, vivent plus souvent dans un mnage propritaire que les autres rsidents sans ascendance migratoire directe. Toutefois, ce nest pas le cas pour les descendants dimmigrs du Maghreb et a fortiori pour les descendants dimmigrs du reste de lAfrique.

    En 2008, la part des 18-50 ans qui vivent en HLM stablit 33 % pour les immigrs. L encore, les disparits sont fortes puisque la proportion est de 46 % pour les immigrs dAfrique et du Maghreb, contre 13 % pour ceux de lUE-27. Sagissant des descendants dimmigrs dans leur ensemble, la proportion baisse 28 % (46 % pour les descendants dimmigrs dAfrique, 43 % pour ceux du Maghreb, 16 % pour ceux de lUE-27). Seules 14 % des personnes sans ascen-dance migratoire directe vivent dans un logement social.

    Deux fois plus nombreux occuper des logements de mauvaise qualit

    Selon les critres de la loi SRU, 6 % des mnages immigrs habitent dans un logement de mauvaise qualit contre 3 % des mnages non immigrs. Cest mme le cas de 10 % des mnages immigrs originaires de lAfrique hors Maghreb. Notons que les mnages immigrs locataires du parc priv vivent deux fois plus souvent dans un logement de mauvaise qualit que ceux du parc social. Par ailleurs, alors que le surpeuplement ne concerne que 5 % des mnages (au moins deux personnes) non immigrs, il touche 19 % des mnages descendants dimmigrs et 25 % des mnages immigrs54.

    Une mobilit rsidentielle plutt importante au sein du parc social

    ge, tranche dunit urbaine et niveau de revenu du mnage par unit de consommation donns, les immigrs et les descendants dimmigrs originaires dAfrique ont plus souvent chang de logement au cours des cinq dernires annes que le reste de la population. Le change-ment de statut doccupation est moins frquent, notam-ment lorsquon sintresse aux mouvements de sortie du parc social. Ainsi, 63 % des immigrs qui taient locataires dun HLM avant le dmnagement restent dans le parc social, contre 54 % des descendants dun parent immigr et seulement 36 % de ceux qui ne sont ni immigrs ni descendants dun parent immigr.

    Des discriminations dans laccs au logement

    Dans lenqute Trajectoires et Origines (TeO) de lIned, les immigrs africains et maghrbins arment entre trois et quatre fois plus souvent que la population majoritaire quau cours des cinq dernires annes on leur a refus un logement sans raison valable. Cette exprience de discrimination semble moins frquente pour les descendants dimmigrs dAfrique et du Maghreb, mme si elle reste substantielle-ment plus leve que pour la population majoritaire.

    Ces phnomnes de discrimination dans laccs au logement ont t confirms par plusieurs enqutes de testing. Par exemple :

    un testing eectu la demande de la Halde en 2006 dans trois rgions auprs dagences immobilires. 126 annonces de location de 120 agences ont t testes par 15 candidats distincts par leur origine ou leur situation familiale. niveau de vie quivalent, les candidats de rfrence (hommes de 28 ans au nom voquant une origine de France mtropolitaine) obtiennent deux fois plus facilement un rendez-vous pour une visite dappartement et, au terme de cette visite, ils ont quatre fois plus de chances dobtenir lappartement que les candidats dorigine maghrbine ou africaine55 ;

    un testing men par ISM Corum Villeurbanne de fin novembre 2010 mi-avril 2011 la demande de la municipalit, confrontant des candidats fictifs dorigine franaise des candidats dorigine maghrbine . Dans 57 % des tests, le candidat dorigine franaise a t favoris par rapport au candidat dorigine maghrbine , contre 39 % des cas o lgalit de traitement a t respecte56 ;

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    un testing men par 60 millions de consommateurs auprs dagences immobilires dbut 2014, qui met en vidence un taux de refus significativement plus lev (un tiers) pour le candidat africain la location (Babacar, 31 ans, commercial) par rapport au candidat de rfrence (Anne, 28 ans, assistante de direction, clibataire), dont le taux de refus tait nul57.

    NIVEAU DE VIE, SANT ET PARTICIPATION LA SOCITSi linsertion conomique dune personne passe en partie par lducation et le march du travail, elle dpend gale-ment de linsertion sociale. Ltat de sant, le niveau de vie et plus largement les conditions de vie ont un impact sur la russite scolaire et lobtention dun emploi. Or, les immigrs et leurs descendants connaissent des ingalits dans direntes dimensions de linsertion sociale, bien quelles soient moins fortes que pour linsertion conomique. Celles-ci dcoulent en partie des caractris-tiques individuelles, mais qui sexpliquent aussi, pour certaines, par la situation des parents. Par exemple, dans une socit de moins en moins mobile, les enfants de parents modestes ont plus de chances de vivre eux-mmes dans un mnage modeste lge adulte. Or les immigrs connaissent un niveau de vie plus faible que la population non immigre, et si lcart se rduit entre les descendants dimmigrs et les natifs, il nen reste pas moins significatif. La situation est assez comparable pour ltat de sant et plus contraste pour la participation la vie associative et politique.

    Un niveau de vie plus faible qui entrane une incidence plus marque de la pauvret

    Le niveau de vie mdian des immigrs est infrieur celui des non-immigrs, et lcart tend se creuser (graphique 7) :

    il tait de 50 % en 2007 (12 440 euros contre 18 690 euros),alors quil atteint 52 % en 2011 (13 360 euros contre 20 310 euros)58. Par ailleurs, il existe de fortes disparits selon lorigine gographique : les immigrs dAfrique ont le niveau de vie mdian le plus faible (12 240 euros en 2011), les immigrs dEurope le plus lev (16 520 euros). Ces dirences de niveau de vie entre immigrs et non-immigrs sexpliquent par un niveau de salaire moyen plus faible d loccupation demplois moins qualifis, un revenu du patrimoine moins important cause de la dtention de patrimoines plus faibles et un niveau de pensions et retraite moins lev.

    Les immigrs sont davantage touchs par la pauvret, une situation qui sest renforce ces dernires annes : leur taux de pauvret est pass de 36,1 % 38,6 % entre 2007 et 2011, alors quil est rest stable 11,3 % pour la population non immigre. En 2011, il est presque deux fois plus lev pour les immigrs venant dAfrique (44,1 %) que pour ceux dorigine europenne (24,8 %).

    Le niveau de vie des descendants dimmigrs est compa-rable celui des parents jusqu la dcohabitation, puis samliore : en 2008, ils taient ainsi 31 % sous le seuil de pauvret lorsquils vivaient chez leurs parents mais 12,5 % seulement lorsquils ny vivaient plus. Cette proportion est de 10,6 % pour les natifs59. La persistance dun cart sexplique en partie par les caractristiques sociodmographiques des descendants dimmigrs, qui sont par exemple plus jeunes que le reste de la population. Aprs contrle de ces caractristiques, on constate cependant que les descen-dants dorigine africaine gs de 25-34 ans ont une probabilit d'tre en situation de pauvret montaire suprieure de 4,7 points (9,2 points pour les moins de 25 ans) que le reste de la population.

    57. Le vrai visage de la discrimination au logement , 60 Millions de consommateurs, mars 2014, www.60millions-mag.com/actualites/articles/le_vrai_visage_de_la_discrimination_au_logement.58. Fiche 1.20 Niveau de vie des immigrs , in Insee Rfrences ditions 2010 et 2014 : Les revenus et le patrimoine des mnages.59. Lombardo P. et Pujol J. (2011), Le niveau de vie des descendants dimmigrs , in Insee Rfrences dition 2011 : Les revenus et le patrimoine des mnages.

    05101520253035404550

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    Ensemble Ensembleimmigr

    Immigrd'Afrique

    Immigr d'autres pays

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    En e

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    Niveau de vie mdian(ch. de gauche)

    Taux de pauvret(ch. de droite)

    Graphique 7. Niveau de vie et taux de pauvret selon lorigine gographiquede la personne de rfrence du mnage

    Source : che 1.20 Niveau de vie des immigrs , in Insee Rfrences ditions 2010 et 2014 : Les revenus et lepatrimoine des mnages

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    60. Hamel C. et Moisy M. (2013), Immigrs et descendants dimmigrs face la sant , Document de travail, n 190, Ined, www.ined.fr/fr/publications/document-travail/immigres-descendants-sante/.61. Berchet C. et Jusot F. (2012), tat de sant et recours aux soins des immigrs : une synthse des travaux franais , Questions dconomie de la sant, n 172.62. Hamel C. et Moisy M. (2013), op. cit.63. Mogurou L. et Santelli E. (2010), Sphres de sociabilits : relations familiales versus relations sociales , Document de travail, Ined, n 168.64. Hamel C., Mogurou L. et Santelli E. (2011), Lentre dans la vie adulte des lles et ls dimmigrs , Politiques sociales et familiales, n 105, http://cat.inist.fr/?aModele=afcheN&cpsidt=24599666.65. Tiberj V. et Simon P. (2012), La fabrique du citoyen : origines et rapport au politique en France , Document de travail, Ined, n 175.66. Tiberj V. et Simon P. (2012), op. cit.

    Un moins bon tat de sant et une couverture sant plus faible

    Outre les disparits de niveau de vie, les immigrs connaissent des ingalits en matire de sant. Ils sont plus nombreux que les non-immigrs dclarer un tat de sant altr : en 2008, ils taient 18 % des hommes le faire (contre 15 % pour les non-immigrs) et 25 % des femmes (16 % pour les non-immigres)60. Il nen a pas toujours t ainsi. Dans les annes 1980 et 1990, ltat de sant des immigrs semblait meilleur que celui des non-immigrs, mais la situation sest inverse dans les annes 200061. Cette volution est due en partie lutilisation de donnes et dindicateurs dirents. Toute-fois, il semble quune autre raison soit la dtrioration plus rapide de ltat de sant des immigrs. Cela sexplique par lattnuation de leet protecteur des habitudes de vie (consommation dalcool, rgime alimentaire riche en lgumes et en fruits, etc.), ainsi que par un eet dusure li des conditions socioconomiques plus diciles et la perte de liens sociaux induite par la migration.

    Les descendants dimmigrs dclarent aussi plus frquem-ment un tat de sant altr que les natifs (12 % contre 10 % pour les hommes ; 15 % contre 12 % pour les femmes)62. Ce sont les descendants dimmigrs espagnols, italiens et algriens qui dclarent le plus souvent un tat de sant altr. Aprs contrle des variables sociodmographiques, on constate que lorigine gographique des parents na plus deet significatif sur ltat de sant, sauf pour les filles dont les parents sont originaires dEspagne et dItalie un rsultat rest sans explication.

    Les descendants dimmigrs prsentent un taux de couverture par la scurit sociale couple une compl-mentaire plus faible que le reste de la population (81 % contre 93 % pour les hommes ; 83 % contre 93 % pour les femmes). Le non-recours et le renoncement aux soins sont chez eux plus frquents. Enfin, les descendants dimmigrs (surtout dAfrique subsaharienne, dAlgrie, de Turquie, du Maroc et de Tunisie) dclarent plus souvent que les autres patients avoir t moins bien traits ou reus par le personnel de soins.

    Des relations familiales fortes et un intrt marqu pour la politique malgr une participation plus faible aux lections

    Les descendants dimmigrs quittent plus tardivement le domicile de leurs parents que les natifs ; cela est particu-lirement vrai pour les originaires du Maghreb, dAfrique subsaharienne ou de Turquie63 et pour les hommes64. Ce constat sexplique par une plus grande instabilit profes-sionnelle et une proportion plus faible de vie hors mariage. Quand ils quittent le domicile familial, les descendants dimmigrs originaires du Maghreb et de Turquie vivent plus proches de leurs parents que les natifs. De plus, ils entretiennent des relations plus denses avec leur famille, linstar des descendants dimmigrs dEurope du Sud. Les descendants dimmigrs frquentent relativement moins leur voisinage que les natifs, alors quil ne semble pas exister de dirences significatives pour la frquentation des amis.

    Concernant la vie citoyenne, les descendants dimmigrs prsentent un niveau dadhsion des associations plus fort que leurs parents (29 % contre 24 %), mais moins important que les non-immigrs (36 %). Ceux qui sont originaires dAfrique subsaharienne, dEspagne ou dItalie et du reste de lUE-27 ont les taux dadhsion les plus levs. linverse, le taux est le plus faible pour ceux dorigine algrienne (22 %) et turque (26 %)65. Aprs contrle dune srie de variables socioconomiques, on constate que les descendants dimmigrs originaires du Maghreb, dAsie du Sud-Est, de Turquie et du Portugal ont une probabilit plus faible dadhrer une association.

    Les descendants dimmigrs ont un intrt plus fort pour la politique que les natifs ; ce rsultat persiste mme aprs contrle des variables sociodmographiques66. Cependant, ils sont lgrement moins souvent inscrits sur les listes lectorales (84 % contre 89 % pour les hommes ; 88 % contre 89 % pour les femmes) et participent un peu moins aux lections. Aprs contrle des caractristiques sociodmographiques, lorigine gographique ne semble plus avoir deet significatif en la matire.

  • CONCLUSION

    Les jeunes descendants dimmigrs restent particulirement touchs par les dicults dinsertion professionnelle, et encore davantage depuis la crise de 2008, malgr les mesures qui ont pu tre prises successivement, tant en matire dducation que demploi.

    Cette situation aecte plus particulirement les jeunes descendants dimmigrs africains (y compris le Maghreb) : taux de chmage, pour les moins de 30 ans, deux fois suprieur celui des autres jeunes et taux dactivit des jeunes femmes sensiblement infrieur celui de leurs homologues sans ascendance migratoire directe. Moins qualifis, ces jeunes sont plus exposs la prcarit dans lemploi, sourent de trajectoires heurtes et intgrent moins la fonction publique dtat. Ces dicults se traduisent par un niveau de vie infrieur et par des situations de pauvret plus frquentes.

    Plusieurs types de facteurs, en partie lis, sont avancs pour expliquer les dicults particulires rencontres par les jeunes descendants dimmigrs : un milieu socioconomique plus modeste que celui du reste de la population ; des parcours scolaires plus diciles, avec davantage de sorties du systme ducatif sans diplme et des niveaux de diplme moins levs, tout particulirement pour les garons ; des orientations moins favorables avec un faible taux de poursuite dans le suprieur, et, pour ceux qui sont orients vers les filires professionnelles, un moindre accs lapprentissage ; une concentration spatiale au sein de quartiers et communes cumulant les dicults conomiques et sociales.

    Toutefois, ces facteurs ne peuvent expliquer eux seuls les carts mentionns en termes dinsertion conomique. Mme une fois neutraliss les eets de structure (origine sociale des parents, niveau de diplme, localisation), un risque de chmage plus lev persiste pour les descendants dimmigrs. Cet cart non expliqu renvoie des facteurs non pris en compte dans les enqutes, dont des phnomnes de discrimination.

    Au regard de ce constat, lattention aux origines de ces jeunes, ns et socialiss en France, doit-elle tre le point de dpart dune direnciation entre les citoyens franais en fonction de leur ascendance migratoire ? Il convient certes de mobiliser les politiques de droit commun : politiques de lemploi, de lducation et du logement, renforcement des politiques de lutte contre les discriminations. Mais au vu des dicults spcifiques qui ont t identifies, il est urgent de rflchir aux moyens de complter ces politiques par des mesures particulires en direction des quartiers de la politique de la ville dune part, des descendants dimmigrs de lautre. Ces actions doivent saccompagner de mesures permettant dassurer ces populations une plus grande reprsentation politique67.

    Mots cls : immigr, jeunes, ingalits, intgration sociale, insertion conomique, discrimination, sgrgation

    Premier ministre

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    67. Voir notamment les travaux conduits dans le cadre de lexercice Quelle France dans dix ans ? : rapport thmatique Restaurer la confiance dans le modle rpublicain, France Stratgie, 2014, www.strategie.gouv.fr/publications/thematique-restaurer-conance-modele-republicain.