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Le Magazine N°94 Mars 2005 ——————— www.aide-et-action.org DOSSIER Femmes africaines dans l’enseignement Réalités Société matriarcale : mythe ou réalité ? DOSSIER Femmes africaines dans l’enseignement Réalités Société matriarcale : mythe ou réalité ? SPÉCIAL FEMMES SPÉCIAL FEMMES Inde/Sri Lanka : reconstruire l’avenir Inde/Sri Lanka : reconstruire l’avenir « » « « « «

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“Assumer son destin dans le destin du monde”

Mon cœur est ardent, comme brûlant, mon soleil

Grand aussi mon cœur, comme l’Afrique mon grand cœur

Habitée d’un grand cœur, mais ne pouvoir aimer…

Aimer toute la Terre, aimer tous ses fils

Être femme, mais ne pouvoir créer

Créer, non seulement procréer

Et femme africaine, lutter

Encore lutter, pour s’élever plutôt

Lutter pour effacer l’empreinte de la botte qui écrase

Seigneur !… lutter

Contre les interdits, préjugés, leur poids

Lutter encore, toujours, contre soi, contre tout

Et pourtant!…

Rester femme africaine, mais gagner l’autre

Créer, non seulement procréer

Assumer son destin dans le destin du monde

Mbengué Diakhaté Ndèye-Coumba - Filles du soleil page 28

Dakar : Nouvelles Éditions Africaines, 1980, 42 pages

Lettre ouverte

SommaireEngagement citoyen 4-5

Mobilisation pour l’Asie

Campagne pour une éducation de qualité pour TOUTES

Parole de… 6-8Trois femmes, une volonté : la reconnaissance de leurs droits !

Perspectives 9-12

Femmes africaines dans l’enseignement

Spécial Inde/Sri Lanka I-VIII

Réalités 13-15

Société matriarcale : mythe ou réalité?

Actus 16-17

Passerelles 18-19

Voix de femmes pour la paix

Écho des médias 20-21

Le parrainage à l’honneur

Courrier des lecteurs 23

Photo de couverture : J. Piget. Un encart jeté sera inséré dans le magazine.Ce magazine contient un supplément de 8 pages.

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Éditorial

Vous êtes des milliers à avoir témoigné votre solidarité auprès des victimes des effrayants tsunamis du 26 décembre dernier.

Depuis cette funeste journée, qui a causé la mort de 300000 personnes,Aide et Action, comme d’autres ONG, a reçu, au-delà des dons, de très émouvants témoignages de soutien.

Vous avez répondu, dans l’urgence, auxappels de ces pays en pleine détresse.Nos partenaires sur place, en Inde et au Sri Lanka, ont relayé, auprès despopulations victimes, le formidable élande générosité que vous avez exprimé.

Pourtant, pouvons-nous, comme d’autres,dire aujourd’hui que nous avons assezreçu pour entreprendre la reconstruction

de ces milliers de villes, villages et communautés qui ont été dévastés par la vague géante? Non, et nous en sommes loin.

Le système éducatif, déjà malmené par les contraintes habituelles de paysqui mettent en œuvre d’autres priorités,est en lambeaux.

Notre action s’inscrit dans la durée etc’est la raison pour laquelle le parrainagejoue tout son rôle. Ce parrainage crée le lien de solidarité, sur le long terme,pour donner du temps et des moyens à une œuvre de longue haleine, dontles effets se mesurent dans le temps.

Nous disposons de moyens bien insuffisants au regard de la tâcheà accomplir. Pourtant, le souffle d’espoir

que nous apportons aux populationsmartyrisées représente bien plus que le simple fait de débourser 20€ par mois.

Nous devons donc continuer car l’urgenceest une chose, le développement une autre.Ce développement est d’autant plusessentiel qu’il participe à l’épanouissementet à l’émancipation des femmes, premièresvictimes d’un système d’abord et des catastrophes ensuite.

Rappelons-nous que l’un des objectifsdu Forum de Dakar sur l’«Éducationpour tous» est de parvenir à l’équitéentre les deux sexes quand il s’agit d’accès à l’école. Et que cet objectifétait pour 2005 !!!

Frédéric Naquet

Aide et Action, magazine trimestriel (mars à mai 2005) publié par l’association Aide et Action - 53, boulevard de Charonne - 75545 Paris Cedex 11 - Tél. : 01 55 25 70 00 - Internet : www.aide-et-action.org - E-mail : [email protected] - Représentant de l’association Aide et Action : Frédéric Naquet,Président - Directrice de la publication : Claire Calosci, Directrice générale - Rédacteur en chef : Nancy Barrett Saint-Laurent/Antoine Bordallo- Ont participé à la rédaction : A. Aun, C. Barras, S. Bernard-Srinivasan, I. Boustouler, A. Cassiot, O. Dan Tata, E. Diaz, J. Di Mayo, I. Dufeix, C. Heuzé,C. Leray, F. Naquet, R. Robinson, M. Shankar, M. Sylvestre, D. Tamsir Niane - Commission paritaire : 0708G 83 404 - Prix au numéro par abon-nement : 1 € - Abonnement de soutien : à partir de 16 € - Tirage : 80 000 ex. - ISSN : 1761-1024 - Dépôt légal : 1er trimestre 2005 - Conception-réalisation : publishing. Tél. : 01 41 11 65 45 - Imprimeur : Imaye, boulevard Henri Becquerel, 53000 Laval. Aide et Action, première association française de parrainage pour le développement de l’éducation, est une association apolitique et non confessionnelle. Aide et Action est une association reconnue d’utilité publique. Elle est, ainsi, habilitée à recevoir des legs et des donations exempts de tous droits de mutation.Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à contacter Aide et Action France (voir adresse ci-dessus) - Tél. : 01 55 25 7000 et Aide et Action Suisse- 154, route de Malagnou, CH - 1224 Chêne-Bougeries, case postale 338 - Tél. : + 41 79 409 20 46.Les coûts de réalisation, d’impression et de diffusion du magazine, sans cesse optimisés, sont intégralement pris en charge dans l’abonnement des parrains etdonateurs d’Aide et Action.En application de la loi du 06/01/1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification ou de suppression aux informations vous concernant en vousadressant à notre association.

Frédéric Naquet,Présidentd’Aide et Action

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Engagement citoyen

Mobilisation pour l’Asie L’élan de générosité provoqué par le tsunami est sans précédent. Des centaines de personnes

souhaitent parrainer le retour à l’école des enfants victimes de cette catastrophe. Parmi ces nouveaux parrains, beaucoup de groupes : municipalités, écoles, associations…

Si notre réseau bénévole a répondu présent face à l’urgence, nous avons également recensé de nombreuses initiatives portées par de nouveaux militants.

Ensemble !

Tout est parti d’un appellancé sur les ondes de RMC

par un châtelaillonnais pouraider les enfants victimes dutsunami. Une marraine, nou-velle bénévole, l’a entendu etlui a proposé d’agir pour sou-tenir le projet Urgence Asied’Aide et Action. Ensemble, ils

ont mobilisé la municipalitéde Châtelaillon-Plage (17), lesassociations, les écoles, les com-merçants et les autres bénévo-les du département pour orga-niser une grande journéed’action le 16 janvier 2005 :vente de galettes offertes parles boulangers, concert del’harmonie municipale avec laparticipation d’enfants… et3 000 personnes réunies surla plage comme un symboled’espoir. Cet événement adéclenché une belle couverturemédiatique avec des articlesdans Sud-Ouest, Le Littoral, LeLosange ainsi que des repor-tages sur Radio Terre Marine,Radio Demoiselle, FranceBleue Charente-Maritime, FranceInfo et France 3. Grâce à cette journée, nouscomptons plusieurs nouveauxparrains et marraines du projet«Retour à l’école», dont la com-mune de Châtelaillon-Plage!

Des dizaines de musiciens se sont mobilisés pour des concertssolidaires de rock, reggae, musiques classique ou folklorique!

À Morlaix (29), la toute nouvelle association SkolAsïa(École-Asie en breton) a organisé le 29 janvier un concertspécial Solidarité Asie. Grâce à l’énergie de ses vingt jeunesmembres, elle a rassemblé dix-huit groupes, obtenu la gra-tuité des prestations de la salle de spectacle Langolvas, dela sonorisation, de différentes imprimeries ainsi que l’impli-cation d’une centaine de bénévoles dont les techniciens.Là encore les médias étaient présents : Le Télégramme, OuestFrance et TV Breizh. SkolAsïa devient marraine du projet« Retour à l’école » et est déjà partante pour organiserd’autres événements.

Retrouvez des nouvelles de ce parrainage et des prochainesactions sur http://bacnews.homeip.net/~skolasia/

La mobilisation des plus jeunes estparticulièrement forte. Touchés par

les images transmises par les médias, ilssollicitent parents et professeurs pourorganiser des actions de solidarités’inscrivant dans la durée. Ainsi familles,classes ou écoles de musique parrainentle projet de «Retour à l’école». Lors du dernier concours de plaidoiriespour les droits de l’homme organisé parle Mémorial de Caen (musée pour lapaix) le 28 janvier, les participants, lesspectateurs et les internautes étaientinvités à rédiger un message de soutien

aux enfants indiens et leurs prochesvictimes du tsunami. Ces courriers consti-tueront la base de la première corres-pondance du Mémorial en tant que parrain. Ce partenariat a été possible avec laparticipation de l’équipe bénévole dudépartement à différents événementsdu Mémorial. Il devrait s’inscrire dans ladurée, non seulement grâce au parrai-nage mais aussi grâce à l’élaborationd’animations pédagogiques sur le thèmede l’éducation à la paix. Retrouvez des nouvelles de ce parrai-nage sur www.memorial-caen.fr

Les participants au concours de plaidoiries pour les droits de l’homme.

L’association SkolAsïa a réuni 18 groupes pour un concert au profit du retour à l’école des enfants en Inde.

Première page du journal Sud-Ouest du 17 janvier 2005.

Les jeunes !

En musique !

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Agenda de l’action bénévoleÀ Besançon (25) - Signature du manifeste de la Campagnemondiale de l’éducation les 19 et 20 mars suivie d’une marche des parrains le 1er mai.

À Salies-de-Béarn (64) - Concert de piano donné dans l’église de Saint-Martin avec la participation gracieuse de Madeleine Malraux, artiste internationale. Le 2 avril à 20h30.Contact : Françoise Dulau au 05 56 06 19 38.

À Bourges (18) - Rencontre des marraines et parrains avecprésentation d’images du Burkina Faso suivie d’un dîner(hôtel Kyriad avenue d’Issoudun). Le 2 avril à 18h. Contact: Michèle Fraize au 02 48 68 90 22.

À Blois-Vienne (41) - Soirée théâtrale Chahutpar la compagnie Clin d’Œil de Gérard Audax au théâtre Monsabré rue Bertheau. Soirée au profit d’un projet éducatif à Dessalines-Haïti «Éducation à la paix et à la citoyenneté». Le samedi 2 avril.Contact : Joëlle et Alain Renault au 02 54 70 71 39.

À Clermont-Ferrand (63) - Concert de chansons françaisesTempête et cris d’amour par Naik Caruel au profit des enfants sinistrés de l’Inde et du Sri Lanka. Le 12 avril à 20h30. Maison de la Culture, salle Boris Vian.Contact : Jean-Marie Marsat au 04 73 63 02 61.

À Mayenne et Laval (53) - Deux soirées théâtre avec le concours de jeunes comédiens du Cours Florent. La Malle à palabres (contes africains):vendredi 15 avril à 20 h 30 - théâtre municipal à Mayennesamedi 16 avril à 20 h 30 - foyer culturel rue du Vieux Saint-Louis à Laval.Contact : Gérard Neveu au 02 43 04 32 03.

À Aix-en-Provence (13) - Église de la Madeleine : concertDes enfants chantent pour les enfants. Le 29 avril à 20h30.Contact : Lorette Gaillat-Reynaud au 04 42 26 92 17.

Le projet phare consiste à recueillir60 signatures sur chaque «manifeste

pour une éducation de qualité pourTOUTES», symbolisant les 60 millions defilles exclues de l’école. Autour de la jour-née du 8 mars, les équipes bénévoles ont

ainsi mené des actions de sensibilisationà l’occasion de conférences, expositionsthématiques, projections de films, concerts,afin de recueillir les signatures nécessaires.À Montpellier, le coup d’envoi de la campa-gne a été donné lors d’un lâcher de ballonsle 12 mars. À La Rochelle, à la chambre desmétiers de Charente-Maritime (17), une soirée-débat a eu lieu avec la présence de nombreuxchefs d’entreprise.Cette campagne a aussi permis de nouerde nouveaux partenariats, comme par

exemple entre l’équipe bénévole d’Aix-en-Provence et l’UNICEF. Mais la mobilisationne s’arrête pas là!La campagne doit continuer pour quesoit entendue la voix des filles excluesde l’éducation. Les équipes porterontde nouveau ce message lors de différen-tes manifestations locales, telles que leForum des associations à Besançon et laSemaine africaine à Rennes dans les-quelles elles appelleront à la signaturedu manifeste.

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Campagne pour une éducationde qualité pour TOUTES

En décembre, nous vous avons présenté la «Campagne pour une éducation de qualité pour TOUTES ». Depuis,

vous avez été nombreux dans toute la France à rejoindre cette mobilisation citoyenne.

Vous aussi vous pouvez vous mobiliser!Rejoignez-nous et agis-sez pour défendre ledroit à l’éducation desfilles. Vous pouvez fairesigner le manifeste dansvotre association, votrelieu de travail, votreclub de sport, votrefamille…Vous pouvez contactervotre équipe bénévoledans votre département.

� Vous trouverez des informations et des idéesd’actions sur notre site: www.aide-et-action.org/cmeou en nous appelant au 01 55 25 70 23.

Les étudiants se mobilisent aussiCampagne «Droit à l’éducation, droit sans discrimination» L’éducation pour toutes et tous est une thématiquequi parle aux étudiants: ils y ont tous eu droit! La réalité est loin d’être la même partout. Les étu-diants sont donc fortement mobilisés pour le droit à l’éducation des filles.L’association Déclic, «agitateur de solidarité», relaieet coordonne la campagne auprès de 420 associationsétudiantes aussi bien dans les écoles de commerce etles écoles d’ingénieurs que dans les universités.

� Vous êtes étudiant ou enseignant dans le supé-rieur et vous souhaitez apporter votre contribution?Prenez vite contact avec Marie-Anne Priout au01 48 57 86 72 ou à [email protected]

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Aide et Action: Qui est Mayra Carreras?Mayra Carreras: J’ai 48 ans et je suis origi-naire de Monteplata (une des provinces lesplus pauvres du pays). Cela fait vingt-neuf ansque j’habite la capitale, Santo-Domingo,avec mes trois enfants que j’élève seule.

A&A: Quels sont vos souvenirsde Monteplata?M.C.: Quand j’ai eu 3 ans, monpère est mort et ma mère étaitencore très jeune. Elle s’est rema-riée et m’a emmenée vivreavec mes grands-parents.Nousétions seize dans une toutepetite maison, mais nousétions une famille. J’ai dû partir à l’âge de8 ans travailler en tantque bonne. J’ai appris lestâches ménagères. À 16 ans,j’ai connu un monsieurbeaucoup plus âgé quemoi, avec lequel je mesuis échappée et j’ai eutrois enfants. Cette rela-tion n’a pas duré car ilbuvait beaucoup. Une fois

seule, j’ai dû faire beaucoup de nettoyageet de repassage pour les autres. J’ai réussi àélever mes enfants mais ma fille est tombéemalade à l’âge de 7 ans (elle a maintenant28 ans). La vie est devenue plus difficile.

A&A: Comment avez-vous connu le Programme de formation techniquepour les femmes (cf. encadré)? M. C. : Je vendais des vêtements dansla rue et quelqu’un m’a parlé d’une

école où on ensei-gnait aux femmesà effectuer des«travaux d’hom-me». J’ai vu qu’ilsp r o p o saientdes cours detapisserie. J’ai

c o m m e n c éles cours en plusde mes travaux de bonneet un an plus tard, je tra-vaillais dans un atelier.C’était en 1995, il y a déjàdix ans! Aujourd’hui, grâceà l’appui du centre deformation, j’ai acquis un

métier et je suis autonome. Je paie la mai-son, j’achète les repas, les médicamentsde ma fille et je peux même faire deséconomies.

A&A : Quelles difficultés avez-vous rencontrées?M.C. : Mon plus grand obstacle a été lamaladie de ma fille. C’était difficile d’allerau centre et de s’occuper d’elle en mêmetemps. Finalement, je la laissais la jour-

née avec ma sœur. Mes garçonsdisaient que ce n’était paspour moi, que c’était un tra-vail d’homme et que j’étaistrop vieille pour faire ça.Mais quand on veut, l’âgen’est pas un obstacle ! Main-tenant, notre vie s’est amé-

liorée. Mes enfants ont com-pris et ils me soutiennent. Ils

parlent de moi avec fierté.

A&A: Avez-vous suscité d’autres vocations?M.C.: Oui, en me voyant travailler durdans l’atelier, beaucoup de femmes sesont motivées et même des hommes! Jeleur disais de ne pas se décourager. Il faut

Parole de…

Trois femmes, une volonté : la reconnaissance de leurs droits!

Mayra en République dominicaine et Ela au Cambodge ont eu accès à l’éducation malgré de nombreux obstacles. Exemples de force et de volonté, elles transmettent

aujourd’hui leur expérience. Moïra Sauvage, femme engagée, nous livre ses impressions sur ces deux témoignages.

RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

Une femme de volontéObstinée et volontaire, Mayra Carreras est une de ces femmes qui a su mener de front ses responsabilités de mère et de femme. Aujourd’hui, formée à la tapisserie, elle a dû « faire tomber des barrières » pour y arriver. Portrait d’une femme émancipée.

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L’atelier de tapisserie du Programme de formation technique.

Aujourd’hui, grâce à l’appui du centre

de formation, j’ai acquis un métier et je suis

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Photo : A&A R.D.

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arriver à faire tomber les barrières etaprès, tout devient plus clair.

A&A: Quel est votre but désormais?M.C.: J’aimerais avoir mon propre ateliermaintenant. Petit à petit, j’essaie de le mon-ter. J’ai acheté un compresseur, comme ça,quand j’arriverai à avoir le local, j’aurai déjàquelques outils. Je sais que je réussirai. �

Propos recueillis par Ernesto, Aide et Action République dominicaine

Le 13 décembre 2003, Mayra Carreras a été félicitée par le Vice-Président de la République Rafael Francisco

Albuquerque de Castro pour son courageet son dévouement envers sa communauté.

Programme de formation technique pour les femmes

Le Centro de solidaridad para el desarrollode la mujer est une ONG locale de solidaritéenvers les femmes. Son Programme de formation technique a pour objectifd’appuyer les femmes en difficulté, enleur offrant une formation professionnelleinitialement réservée aux hommes (électricité, menuiserie, plomberie, tapisserie…). L’association appuieégalement l’intégration de ces femmesdans des entreprises locales.

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«Elle était très bonne élève, maistimide et solitaire au début », se sou-vient Mme Phalla Neang1, coordina-

trice du programme « Éducation pourenfants handicapés ». « Cela n’a pas étéfacile pour Ela de sortir de l’isolement dûà sa surdité. Elle n’était pas très motivéepour les jeux ou les activités de groupe. »

Une vraie transformationPuis on lui a proposé des cours de dansetraditionnelle khmère : « La danse l’a peuà peu transformée. Elle a acquis de laconfiance et l’estime de soi. Elle a réussià exprimer ses émotions et à dépasser labarrière de la langue ». À l’école, Ela aappris la langue des signes et a commencé

à communiquer. « J’avais des amies quin’étaient pas sourdes, nous communiquionsun peu avec les mains, maissurtout nous jouions beau-

coup; il n’est pas tou-jours nécessaire

de parler pourjouer. Certaines

amies essayaient quandmême d’apprendre quel-ques gestes. Mais quand jevoulais vraiment raconter une histoire, jela racontais à mes amies sourdes. »

Aujourd’hui, Ela emmène les six petitesfilles inscrites en maternelle dans leur

salle de classe. Commencealors tout un programmed’éveil, d’apprentissage dela langue des signes, dejeux pour s’approprierson corps et maîtriser sesmouvements. Trois matinspar semaine, Ela leur

raconte une histoire enlangue des signes. Pour elle, c’est facilecar elle maîtrise cette langue depuis très

Ela et une de ses collègues captivent leur auditoire.

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Le but principal de cette classe maternelle :leur donner un niveau

suffisant pour faire une entrée réussie

en primaire

CAMBODGE

Ela, professeur du silenceEla est sourde et enseigne la langue des signes à l’école maternelle de ChbaAmpeou, dans la banlieue de Phnom Penh. Ela fait partie des premiers enfantssourds à avoir reçu une éducation spécialisée au Cambodge, au sein de cettemême école. Son expérience d’élève lui est aujourd’hui d’un grand secours.

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Moïra Sauvage est journaliste deformation. Mère de quatre enfants,grande voyageuse, elle connaît

particulièrement bien les problématiquesliées à la défense des droits des femmes.«Dans les deux cas, ce qui me frappe c’est lavolonté de transmettre leur expérience.L’effet de levier de l’éducation est ici évident,notamment pour lutter contre les préjugéset les stéréotypes. Rappelons-nous de cequ’était la France au XIXe siècle! L’évolutionque nous avons pu constater depuis estdirectement le fruit de l’éducation.

Vers l’autonomieJ’ai été particulièrement touchée par l’in-terview de Mayra. L’expression « travaild’homme» qu’elle emploie reflète une cer-taine vision de la société: sa contributionau changement est indéniable et sa volonté(« Quand on veut, on peut ») vraimentadmirable. C’est aussi ma devise! Mayra dit que ses enfantssont fiers d’elle : c’estessentiel. Cette fierté vase propager et d’autresfemmes vont suivre sonexemple. L’éducation estune partie du processusde l’autonomisation. Lavolonté et la personnalitéde chacun représentent des clés sup-plémentaires. Elle pointe également les problèmes d’accèsau soin : ce phénomène se retrouve dansle monde entier et il est totalement lié à

l’éducation. Le rôle de l’éducation est ausside sensibiliser les femmes sur cet aspect.

L’éducation, ce n’est pasjuste lire et écrire, maistransformer l’être humainen citoyen conscientde ses droits.Avec Ela, on assiste àla transformation d’unepersonnalité, basée sur

l’estime de soi. La difficultépour les femmes est encore trop souvent lemanque de reconnaissance et la positiond’infériorité qu’elle entraîne dans la société.Amnesty international, dont je fais partieen tant que bénévole, lutte beaucoup

pour l’universalité des droits et contre lerelativisme culturel : on ne peut pas direque dans tel pays c’est comme ça parceque c’est la tradition ! Les sociétés évo-luent en permanence ! Il existe desdroits fondamentaux et l’Éducation pourtous en fait partie : elle est nécessairepour combattre les préjugés. J’ai quatreenfants et j’ai toujours insisté pour leurinculquer le respect de l’égalité desdroits, des garçons comme des filles. Carlutter contre l’injustice, c’est aussi trans-mettre autour de soi ! �

1 Moïra Sauvage est présidente de la Commission femmes– section française – d’Amnesty international.

FRANCE

Moïra Sauvage, une femme engagéeMoïra Sauvage 1 nous donne son point de vue sur les témoignages de Mayra et Ela. Avis d’une femme qui pose l’éducation comme droit fondamental.

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L’éducation, ce n’est pas juste lire et écrire,

mais transformer l’être humain en citoyen conscient de ses droits

longtemps et peut ainsi raconter son his-toire naturellement. Elle montre les ima-ges, puis signe pour les enfants. Aprèsleur avoir raconté des histoires sur les ani-maux, Ela propose aux enfants de venireux-mêmes présenter ces animaux auxautres. «Je fais toujours attention de signer2

lentement pour les enfants, qui n’ont

pour l’instant que très peu d’expérience.Mais c’est le but principal de cette classematernelle: leur donner un niveau suffisantpour faire une entrée réussie en primaire.»Ela est ravie de sa nouvelle vie. Son his-toire personnelle lui est très utile pourcomprendre les difficultés de ses élèves.Et ici, elle n’est pas perçue comme une

handicapée. La vie en dehors de l’écoleest en effet souvent plus difficile, même siEla a su développer de nombreuses astu-ces pour « l’apprivoiser» ! �

1 Phalla Neang est directrice de l’école et responsable des pro-grammes de Krousar Thmey (partenaire d’Aide et Action auCambodge). Retrouvez-la dans le magazine 88, p. 13.2 Verbe se rapportant au langage des signes.

Tous les jeudis, Ela se rend dans une autreONG spécialisée pour les sourds : le DDP(Deaf Development Program). Notre parte-naire cambodgien Krousar Thmey a déve-loppé une langue des signes khmère baséesur la langue des signes américaine. Or lefonctionnement de ses programmes (ouvertured’un nouveau niveau scolaire chaque année)nécessite la création très rapide de nou-veaux signes afin de rendre l’éducation pos-sible. Le DDP travaille donc en collaboration

étroite avec notre partenaire et des spécia-listes des langues des signes et de la lin-guistique pour élaborer la langue dessignes khmère. Quatre autres étudiantssourds de Krousar Thmey réfléchissentavec Ela aux mots non encore traduits etleur trouvent des signes appropriés. Ela esttrès fière de faire partie de ce comité et decontribuer au développement de l’éduca-tion pour les sourds dans son pays. Sa timi-dité s’est enfin envolée !

Attention, travaux !

La confiance des élèves est essentielle.

L’éducation sert aussi à lutter contre les préjugés et les stéréotypes.

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>> Perspectives>> Perspectives

Femmes africainesdans l’enseignement L’enseignement en Afrique est-il le privilège des hommes?Malgré les difficultés, les femmes de plusieurs pays africains tiennent vaillamment le haut du pavé dans la lutte contre la sous-scolarisation. Réalités, contraintes et progrès concernant la place des femmes dans l’enseignement…

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L’enseignant est la pierre angulairede tout système éducatif. Le rôlefondamental qu’il joue dans la for-

mation des citoyens est évident. EnAfrique comme un peu partout dans lemonde, la reconnaissance de son rôledans le développement progresse chaquejour. À titre individuel ou à travers lesstructures associatives et syndicales, ilcontribue fortement à l’avènement dechangements importants dans la société.Les femmes, dont le nombre ne cesse decroître dans cette catégorie socioprofes-sionnelle, ont largement contribué à sarenommée. Elles doivent faire face à uneautre réalité que celle de leurs homolo-gues masculins : l’enseignante en Afriqueest souvent mère au foyer, avec toutesles contraintes familiales et sociales quecela implique.L’enseignement a longtemps été ledomaine de prédilection des hommes.Aujourd’hui, la présence des femmes estde plus en plus forte. Dans un pays

comme Madagascar, les femmes cons-tituent la majorité de l’effectif du per-sonnel dans l’enseignement primaire.Mais la plupart des pays d’Afriquesitués au sud du Sahara sont dans lasituation inverse.

L’institutrice, un modèleTous les spécialistes de l’éducation enAfrique s’accordent sur les effets et le rôleessentiels de la présence féminine dans lecorps enseignant. On constate par exemplequ’une institutrice peut être un modèlepour les filles et un exem-ple pour les garçons. Ladirectrice de l’école deNyarikungo (Tanzanie)parle de son expérience:«… Les institutrices cons-tituent souvent un exem-ple pour les filles. Celales stimule de voir que desfemmes peuvent faire autre chose que ceque leur mère faisait. Elles savent que

nous avons nous aussi rencontré des pro-blèmes identiques aux leurs, sans que celanous ait découragées. Souvent, du reste, onvoit des enseignantes qui ont un rôle detutrice vis-à-vis des élèves. Quand c’est lecas, c’est la fille qui a choisi sa tutrice…».Le fait d’avoir une institutrice permet auxfilles de se projeter positivement dans lasociété et d’avoir la volonté de franchir lecap primaire/secondaire, qui pose souventproblème. D’autre part, en tant que fem-mes, elles sont particulièrement bien pla-cées pour déceler et combattre les freins à

la scolarisation des filles.Les traditions représen-tent encore un poidsconsidérable et certainsarguments pour luttercontre ces préjugés sontplus facilement portéspar les enseignantes. Elles

sont souvent les meilleuresambassadrices de causes comme la luttecontre le mariage précoce. La présencedes femmes dans les associations deparents d’élèves est également un appuinon négligeable pour ces causes.Halimatou, enseignante à Kièchè dans unvillage du Niger, représente le principalrecours pour les filles de tous âges de sonécole. Elle leur consacre une écoute atten-tive. On imagine bien que des questionscomme celles ayant trait à la puberté trou-vent une meilleure attention de la partd’une femme dans un milieu fortementmarqué par les tabous. Cette enseignantene se prive pas d’aller à la rencontre desmères d’élèves et de tous les parentsd’une manière générale. Elle conseille etsensibilise les villageois sur la scolarisa-tion des filles et la nécessité pour lesparents de s’impliquer davantage.Mais il existe de fortes disparités géogra-phiques dans l’affectation des femmes dansles écoles. Il est ainsi courant d’observer un

Le plus frappant est sans doute la part indéniable

que prennent les femmes dans l’éducation préprimaire, quels quesoient les pays. Partout dans le monde, ce sont donc les femmesqui s’occupent des enfants en bas âge quand ils ne sont pas dans leur famille. Le primaireest majoritairement investi par les hommes (sauf à Madagascar).Pour le secondaire, les chiffres sontexacerbés. En France, les femmessont majoritaires tout au long de la scolarité des enfants.

Ce «modèle» est représentatifd’une bonne partie des payseuropéens. Les raisons sont multiples: orientation fréquentedes femmes vers des métiersintellectuels, stéréotypes forts, etc.Cela conduit à un déséquilibredes genres dont nous ne connaissonspas encore les conséquences surl’éducation des enfants. Mais de nombreuses études s’accordentsur un point : si la recherche de la parité est utopique, un équilibreraisonnable est garant d’une éducation plurielle.

Ce graphique représente la part que prennent les femmes dans l’éducation dans plusieurs pays d’intervention d’Aide et Action et en France. Certaines données ne sont pas disponibles.

La place des femmes : d’un déséquilibre à l’autre

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Elles sont souvent les meilleures

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L’équité des genres dans l’enseignement est indispensable.

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clivage important entre milieux urbain etrural. Les femmes enseignantes dans leprimaire sont majoritaires en ville.Souvent, leur mari a un emploi salarié, ilest par exemple fonctionnaire. Elles tra-vaillent dans des écoles primaires publi-ques, comme c’est le cas à Niamey (Niger)ou à Dakar (Sénégal). Elles bénéficientdes avantages du milieu urbain : la proxi-mité des centres de soin ou l’existence demoyens de transport. De nombreux com-merces sont rapidement accessibles, lesadministrations sont proches.

Des conditions de travail difficilesMais il y a aussi les inconvénients. Il esttrès courant de trouver des classes de80 élèves ! Faire face à une telle quantitéd’apprenants est déjà difficile, mais celaveut dire également 80 copies à corrigeret des préparations decours en conséquence.De telles conditions detravail ajoutées aux rôlesde la femme dans sonfoyer, surtout lorsqu’ellea ses propres enfants, nefacilitent pas l’exercice dumétier. En milieu rural, les classes sontgénéralement moins chargées. La scolari-sation des filles y rencontre des entravesde toutes natures qui contribuent à la fai-blesse des effectifs. Mais avoir des classesmoins chargées est loin d’être suffisantpour enseigner dans de bonnes condi-tions. Les enseignants doivent parfoisfaire de longs trajets pour rejoindre descentres administratifs ou des centres desoin. On enregistre quelquefois plusieursjours d’absence des enseignants, obligésde se déplacer pour percevoir leur salaire

ou effectuer des formalités administra-tives. Il n’est pas rare de constater que,même pour participer aux séances deformation, il leur faut parcourir plusieurskilomètres. Tout cela sans compter lesmoyens de transport aléatoires et les rou-tes souvent difficiles d’accès.En Tanzanie, à Nyachimo, la création d’unCentre de ressources pédagogique (TRC 1

en anglais) construit en partenariat entreAide et Action et la communauté villa-geoise en 1998, a permis de résoudrecertaines questions : «… Les TRC ont per-mis aux hommes comme aux femmes dese rencontrer, d’échanger et de trouverensemble des solutions aux problèmesqu’ils vivent quotidiennement. Avant, unefemme devait quitter sa famille pouracquérir une formation complémentaire.Maintenant, elle peut le faire sur place au

TRC sans perturber savie familiale. C’est aussiun moyen de diminuerl’absentéisme des maît-res. Au lieu d’être partisune semaine en forma-tion, ils peuvent se for-

mer sur place sans quit-ter leur village.» D’autre part, les préjugés et stéréotypes àl’égard des femmes, que l’on constate unpeu partout dans le monde, se posent avecencore plus d’acuité dans certains milieuxruraux. Il est certain que l’exercice dumétier d’enseignant présente d’énormesdifficultés. C’est encore plus vrai pour lesfemmes. Que celles-ci travaillent en milieurural ou urbain, elles doivent en plus deleur travail quotidien assurer de nombreu-ses tâches ménagères. Car même si desévolutions considérables sont notées dans

En France comme ailleurs se pose la questionde la représentation de la femme

et des préjugés sexistes qu’elle peut entraîner.En 1997, un rapport était commandé par le gouvernement français à deux parlementaires,Simone Rignault et Philippe Richert. Il portaitsur l’image des hommes et des femmes dans les manuels scolaires. La conclusion de ce rapportsouligne l’évolution générale favorable. Mais la vigilance est de mise. En comparant les manuels à différentes époques, on s’aperçoitqu’ils reflètent une vision de la société à chaquegénération. L’image de la femme dans les manuels a donc suivi l’évolution du statut de la femme dans la société : reconnaissance de ses droits, intégration dans la vie active,redéfinition des rôles familiaux, etc. Si le fait de s’occuper d’un enfant est systématiquementassocié à la femme dans les manuels, comments’étonner que des adultes associent ce rôleexclusivement à la mère?Les manuels tiennent une place importantedans la formation du citoyen. En cela, ils sontaussi importants que d’autres supports, maisleur large diffusion en augmentera l’impact. Ils sont choisis par les enseignants : les critèresde choix sont nombreux et varient selonles équipes pédagogiques. Mais il faut souventque les enseignants «s’y retrouvent» pour les sélectionner. C’est-à-dire qu’ils reconnaissent des référentiels qu’ils ont acquisdans les manuels de leur génération. D’où la difficulté d’une évolution des stéréotypes.Soutenir l’évolution positive de l’image de la femmeà travers les manuels scolaires représente doncun combat essentiel. En France comme ailleurs.

Le manuel scolaire, partenaire de l’enseignant

et reflet de l’évolution des mœurs

Avoir une institutrice permet aux filles

de se projeter positivementdans la société

L’expérience personnelle des femmes enseignantes est riche et très utile.

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Aide et Action: Comment avez-vous débuté dans ce métier?Jeyanthi Grace : Au début, je devais affronter des problèmes au sein de la communauté. Certains parents des castes privilégiées refusaient que leurs enfants aillent à la même écoleque les enfants des basses castes. Des enfants n’avaient pasaccès à l’école et des enseignants devaient aller chercher à piedles enfants chez eux, puis les ramener à la fin des cours.

A&A: Comment avez-vous résolu ces problèmes?J. G. : Les enseignants ont dû travailler dur pour créer un environnement favorable à l’éducation. En tant que femmeenseignante, j’ai eu la chance de pouvoir discuter avec les mèresd’élèves et les convaincre de l’importance de l’éducation pourleurs enfants. Il était également très naturel pour nous de prendrel’initiative sur les questions d’hygiène des enfants à l’école.

A&A: Quelles sont vos relations avec les mères d’élèves?J. G.: Ici, les deux tiers des enseignants sont des femmes. Cela permetaux filles de réaliser que l’école est un endroit sûr pour étudier.

L’abandon des filles estbeaucoup plus importantdans les écoles où il n’y a quedes hommes enseignants carles parents hésitent à y envoyer leurs filles. D’autre part, les groupesde femmes soutenus par l’ASSEFA sont essentiellement composés demères d’élèves. Petit à petit, nos liens avec les mères se sont amélioréset elles se sont impliquées dans le développement de l’école.

A&A: De quoi êtes-vous la plus fière?J. G. : Du fait que les élèves travaillent aujourd’hui dans touttype de domaine : agriculture, enseignement, mécanique, ingénierie, santé… J’aimerais ajouter que ce n’est pas le niveaud’étude qui importe. À l’ASSEFA, les enfants apprennent aussicomment prendre en charge la santé de quelqu’un, la façond’élever des chèvres, de gérer un jardin potager… L’éducationde base est complémentaire de ce type de savoirs. C’est là tout le succès de notre projet éducatif.1 Partenaire d’Aide et Action en Inde depuis 1985.

Mme Jeyanthi Grace est l’institutrice de l’école primaire d’Ayyanarpuram, d’ASSEFA 1. Être une femme enseignante peut impliquer de sérieux avantages. Interview.

différents domaines, les mentalités n’ontpas changé favorablement partout en cequi concerne le partage des tâches et desrôles entre hommes et femmes.Et pourtant, les enseignantes tiennent à leurfonction, malgré des difficultés telles que cel-les mises à jour par Simone Soahita, institu-trice à Madagascar: «Nous avons la vocationet la forte envie d’améliorer en permanenceles méthodes pédagogiques mais le pro-blème se pose sur le temps, les moyens àcause des difficultés de la vie et des tâchesménagères. Le coût de la vie augmente, lesalaire des enseignants est trop bas».

Lutter pour l’égalitéL’expérience personnelle des femmesenseignantes est riche et très utile pour lamise en œuvre de nouvelles solutions. Laresponsable académique du district deMisungwi (Tanzanie) montre ce que l’actionindividuelle d’une femme peut changerdans la société: «L’année dernière, partouten Tanzanie, des panneaux en dur ont étéconstruits pour signaler la présence d’uneécole. J’ai personnellement participé à lamise en œuvre de cette initiative. Le pan-neau est simple: le nom de l’école, sonadresse et deux figures représentent un

écolier et une écolière. Ce n’était pas cequi était prévu à l’origine. Seul un écolierfigurait sur le panneau. Je me suis battuepour que fille et garçon soient présents, àégalité, sur cette figuration. C’était symbo-liquement important et croyez-moi, cen’est pas pour autant que ce fut simple!Les réactions les plus vives vinrent desfamilles qui trouvaient anormale cettepromotion de la scolarisation des filles». Des changements sont en cours, par le faitdes États, mais aussi grâce à la mobilisationdes femmes elles-mêmes. Hadja Abibatou,présidente d’une organisation de femmesenseignantes au Sénégal est formelle :«Nous nous battons partout où il se doitpour que la cause des femmes enseignan-tes soit entendue». L’équité des genres,particulièrement dans l’enseignement, estindispensable. Il n’est pas concevable parexemple que les femmes gagnent encoremoins que les hommes, déjà largement

sous-payés sur le continent. Comme par-tout, de nombreux progrès restent à faire,mais il est incontestable que cette notiond’égalité des droits et de valorisation durôle des hommes et des femmes dansl’enseignement primaire fait son cheminen Afrique. Prendre l’éducation et les fem-mes au sérieux est une conditionindispensable à une évolution positive dela société car l’éducation est un puissantlevier pour atteindre l’équité de genre. �

1 Les TRC, ou Centres de ressources pédagogique en français, per-mettent la formation des maîtres et leur suivi. Ils peuvent aussidispenser d’autres formations aux communautés.

Ont participé à la rédaction : Regina Robinson, responsable

Communication, MadagascarMeera Shankar, responsable

Parrainage, Inde du SudOusmane Dan Tata,

chef de projet, ParisL’un des enjeux pour les institutrices est de déceler et combattre les freins à la scolarisation des filles.

La femme enseignante doit souvent faire face à des préjugés et des stéréotypes.

En Inde, trente ans d’expérience pour Jeyanthi

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Réalités

Société matriarcale : mythe ou réalité?

Il existe des communautés où les femmes sont aux origines de l’héritage culturel et social. La femme transmet son nom et ses biens. Elle est la seule à pouvoir le faire. Point de repère

de la vie quotidienne, elle est aussi gardienne des traditions. Une position centrale mais aujourd’hui fragilisée par l’ouverture sur le monde «moderne». De nouveaux défis pour

ces femmes venues d’ailleurs. Voyage aux pays des femmes…

Lazuo est une femme moso, peu-ple de l’enclave chinoise deYongning, au pied des premiers

contreforts tibétains. Assise en tailleurautour du foyer, elle prépare du thé etfume la pipe. Son visage cuivré et sonsourire édenté portent soixante-dix ansde labeur. Aujourd’hui Lazuo sourit. Ellevient de recevoir un héritier qui possé-dera ses terres et prendra toutes lesdécisions du clan : sa fille vient d’accou-cher d’une petite fille.Les Moso appartiennent à l’une des der-nières sociétés dites matriarcales recen-sées au monde. La vérité scientifiqueoblige à parler de société matrilinéaireet matrilocale – matriarcale évoquantl’idée d’une domination féminine quin’existe pas ici.La famille n’a pas comme base un pèreet une mère. Dans cette société matrilo-cale, un homme vivra jusqu’à sa mortchez sa mère entouré de ses sœurs, niè-ces, tantes et frères. La société est matri-linéaire : la femme transmet le nom et lapropriété. À la tête du clan, elle régit

aussi la vie quotidienne, prend les déci-sions. Elle est l’administratrice de toutesles possessions : la maison, les champs,les bateaux, les animaux et la nourriture. Complémentaires, les hommes pêchent,chassent et travaillent les champs. Lefruit de leurs efforts est remis à la femmequi est chargée de le distribuer équita-blement à chaque membre de la famille.L’enfant est sacré car il est considérécomme venant du royaume des ancêtres.Élevé par son clan, le père géniteur n’aaucune responsabilité par rapport àl’enfant. Le rôle de la paternité dite« sociale » est tenu par les oncles. Dansleur langue, le mot « père » n’existe,d’ailleurs, même pas.Chez les Moso, le mariage est rare. Lesrelations sexuelles s’organisent selon lemodèle dit de la « visite ». Chaque nuit,les frères partent de la maison et lesamoureux « rendent visite » aux sœurs.

Chaque matin, les amoureux partent etles frères reviennent. L’homme moso ades droits et devoirs dans la maison desa mère mais pas dans la maison de samaîtresse où il n’est que l’invité.

Une sexualité libreÀ partir de la puberté, une jeune fillemoso peut choisir ses partenaires et lesrépudier librement. À cet âge, les mèresont préparé une chambre à leur fille quidispose de la « clé » comme bon luisemble. Mme Yan Ruxian, docteur enethnologie au centre de recherche surles nationalités de l’Académie des scien-ces sociales de Chine est partie vivre etétudier chez les Moso. « Ni la famille, nila société n’obstrue la libre recherched’un amant ou d’une maîtresse. Si l’hom-me et la femme se plaisent, ils passerontla nuit ensemble. Mais l’homme n’esttoujours que de passage. Si l’un ou les

La société moso est matrilinéaire. La femme transmet le nom et la propriété.

Chez les Moso, la femme est à la tête du clan.

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deux partenaires ne souhaitent pascontinuer la relation, ils ne se « verront »plus. Chez les Moso, aucun des deux par-tenaires ne cherchera à déranger, con-traindre ou posséder l’autre sans sonaccord. L’homme ne maltraite pas lafemme, la femme n’opprime pas l’homme.Les relations sexuelles sont libres.Imaginons le cas où plusieurs garçonsaimeraient la même fille. Eh bien, celaserait à la fille de choisir. La chastetéavant le mariage, l’amour extraconjugual,le divorce, etc. ne peuvent pas existerpuisque le mariage n’a pas lieu. La jalou-sie est rare chez eux. »Une étude menée dans les années 60 amontré que si la liberté sexuelle était demise chez les Moso, beaucoup d’entreeux n’avaient pourtant qu’un ou unepartenaire au cours de leur vie.

Un enjeu majeur : la préservation de leurs modes de vieL’ethnologue sino-français Cai Hua apublié Une société sans pères ni maris : lesNa 1 de Chine 2, qui présente une étudescientifique de la société moso. Dans cetouvrage, l’auteur avance que « le mariagen’apparaît plus comme le seul mode devie sexuelle institutionnalisée possible.Le cas Na témoigne du fait que le mariageet la famille ne peuvent plus être consi-dérés comme universels, ni logique-ment, ni historiquement ». Ce cas adepuis longtemps suscité un vif intérêtdans la communauté scientifique maisaussi parmi les touristes. Voilà un groupequi bannit la notion du mariage, depaternité et qui s’adonne à la libertésexuelle. Aujourd’hui, cette minorité estmenacée par l’exploitation continue deson environnement. Se préserver estdevenu l’enjeu primordial des Moso.Mais les rapports sociaux s’en trouventbouleversés et avec eux la position desfemmes. La société moso n’est qu’unexemple de société matrilinéaire etmatrilocale. Bien qu’il existe des défi-nitions qui posent une basecommune, chaque sociétéde ce type présente desparticularismes. C’est le cas des Touareg.Ensemble de tribus noma-des d’éleveurs disperséesen Algérie, au Niger, auMali, en Libye et au Burkina Faso, lesTouareg nouent leurs liens identitairesautour d’une langue, d’une organisation

familiale, sociale et politique communes.La femme a toujours tenu une place àpart chez les Touareg. Aujourd’hui encore,elle est la charpente de la société. C’estelle qui s’occupe de l’éducation desenfants et gère le quotidien. Chez lesTouareg et contrairement aux Moso deChine, le mariage est de coutume. La

femme a depuis des sièclesacquis la liberté d’expres-sion. Elle a toujours participéaux côtés des hommes auxgrandes orientations qui ontdécidé du contenu et du

sens de la vie touareg. Pré-cieuse, elle est aussi préservée. Les hom-mes sont tous soumis à un code de con-duite nommé Asshak, gardien de l’intégrité

de ces femmes. Ce code place la femmecomme facteur anoblissant de l’homme.Si l’homme venait à abuser de son avan-tage physique, il ne serait plus noble etserait déchu de ses droits. Les femmesprononceraient son exclusion et il seraitbanni. Aujourd’hui encore le plus grandsacrilège de la société touareg est de

porter atteinte à l’intégrité physique,morale et intellectuelle d’une femme.Dépositaire de la tradition, elle a la chargede transmettre la langue et l’écriture tifi-nagh aux enfants. Socle de l’avenir de la communauté, lafemme touareg doit aujourd’hui faireface à de nouveaux enjeux. Suite à degrandes sécheresses, beaucoup de tri-bus touareg se sont sédentarisées dans

Aujourd’hui la femme reste

la charpente de lasociété touareg

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les zones urbaines. L’influence du moder-nisme sur la culture traditionnelle estsans appel. L’équilibre est bouleversé.L’école et la rue s’occupent de l’éduca-tion des enfants et peu à peu la langueet l’écriture touareg s’évanouissent. Lesfemmes et les hommes tentent de résisterà l’extinction de leur patrimoine culturel

mais le monde «moderne» ne semble pasleur laisser la possibilité de préserver lapratique de leurs coutumes. Le rôle socio-culturel de la femme dans la société toua-reg s’est retrouvé modifié. Aujourd’hui,elle doit continuer à être dépositaire de laculture mais doit aussi s’adapter aux exi-gences de la vie « moderne ». L’éducation est la clé de son adaptation.Intégrée et éduquée, elle pourra ainsicontinuer à jouer son rôle d’éducatriced’antan en incitant à la scolarisation desjeunes tout en préservant les spécificitésculturelles de sa communauté.Ces attaques du monde « moderne »brouillent les équilibres des sociétés

matrilinéaires. Lourde de conséquencessur le statut et le rôle de la femme,l’introduction de ce nouvel universmodifie les traditions pourtant préser-vées depuis des siècles. Mais des femmes et leurs communautésluttent pour la sauvegarde de leur iden-tité et de leur mode de vie. C’est le casdes femmes de Juchitán, ville zapotèquede l’état mexicain de Oaxaca. Située aucroisement de la route qui relie l’Amé-rique du Nord à l’Amérique du Sud et dela ligne de chemin de fer qui raccordel’Atlantique au Pacifique, cette ville estau carrefour du commerce national etinternational. Et pourtant, Juchitán est loin d’être unecité où l’économie de marché est reine.Les hommes sont principalement agri-culteurs, artisans ou pêcheurs. Les fem-mes sont, elles, en grande majorité desmarchandes. Mais, au-delà de cette acti-vité commune, c’est la finalité de leurcommerce qui est singulière. Juchitáns’organise autour d’une économie desubsistance. Les femmes ne cherchentpas à accumuler des richesses ni à fairedu profit. Leur seule ambition est degarantir les moyens de subsistance deleur famille et plus globalement de leurcommunauté. Il y a peu de concurrenceentre les marchandes car chacune estspécialisée dans une production diffé-rente. Aujourd’hui encore, le commerceà Juchitán est centréautour de la nourri-ture. Elle est produite,négociée et consom-mée au niveau local.Les surplus ne sontpas mis sur le mar-ché car ils feraient chu-ter les prix. C’est alors l’occasiond’organiser de grandes fêtes où toutela ville se retrouve autour de la nourri-ture non vendue.

Des femmes irréductiblesBien qu’accomplissant des tâches com-plémentaires à celles des hommes, lesfemmes sont tout de même au centre duprestige social. La principale force agis-sante derrière ce modèle indépendantde marché est un sens de la communau-té qui dérive de la lignée maternelle. Cesont les femmes qui transmettent lesbiens mais aussi les traditions. Les habi-tants sont fiers de leur origine, de leurlangue maternelle – le zapotèque – etde leur coutume. Cette orientation cultu-

relle différente est si ancrée qu’elle estcapable de résister à l’invasion de l’éco-nomie de marché. Les grosses entre-prises n’ont jamais réussi à s’implanterà Juchitán, située dans un axe géogra-phique stratégique. Pendant de longuesannées, le gouvernement central aconvoité la région pour y installer unezone d’économie libre. En vain car la

population s’est uniecontre l’idée de devoirréaliser un autre mo-dèle de consomma-tion que le leur. Lesfemmes et les hom-mes de Juchitán n’ont

pas intériorisé les nor-mes et les règles de l’économie de mar-ché. Ils ont d’autres façons de pratiquerle commerce et autour de cela desvaleurs différentes.Les Moso en Chine, les Touareg enAfrique et les habitants de Juchitán auMexique harmonisent la vie socialeautour de la femme. Ce type de sociététend à disparaître. Confrontées à unenjeu de taille, les femmes doivent ten-ter de préserver leurs modes de vie.Héritières et gardiennes des traditions,c’est sur elles que repose la survie deleur civilisation. �

1 Na est un autre terme pour désigner les Moso.2 Une société sans pères ni maris : les Na de Chine,Cai Hua, juin 2000, quatrième édition PUF.

• ENGAGEMENT CITOYEN >>> Mobilisation pour l’Asie >>> Campagne pour une éducation de qualitépour TOUTES >>> • PAROLE DE… >>> Trois femmes, une volonté: la reconnaissance de leurs droits! >>>• PERSPECTIVES >>> Femmes africaines dans l’enseignement >>> • SPÉCIAL INDE/SRI LANKA • RÉALITÉS >>> Société matriarcale: mythe ou réalité? >>> • ACTUS • PASSERELLES >>> Voix de femmespour la paix >>> • ÉCHO DES MÉDIAS >>> Le parrainage à l’honneur >>> • COURRIER DES LECTEURS

Héritières et gardiennes des traditions, c’est sur

elles que repose la survie de leur civilisation

”La femme touareg dépositaire de la tradition doit faireface à de nouveaux enjeux.

Les marchandes de Juchitán pratiquent une économie de subsistance.

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Brèves Asie du Sud-Est

Actus

Retour sur nosactions en Haïti Deux grands types de projets sont en cours en Haïti. Le premier fait suite au chaos politique provoqué par le départ de l’ex-président Aristide début 2004. L’autre concerne la post-urgence organisée après le cyclone Jeanne.

La “Boîte à outils”Ce livre a été lancé officiellement le17 janvier 2005 au café du Centre cultu-rel français au Cambodge. C’est le fruitd’un partenariat entre l’Institut nationalde l’éducation, Mith Samlanh – Friendsinternational – et Aide et Action. Il pré-sente des activités éducatives facilesà réaliser dans les écoles formellespubliques comme dans les structureséducatives non formelles. Publié en6000 exemplaires (4000 en khmer, 1000en anglais, 1000 en français), il est destinéen priorité aux 4000 écoles primaires etcentres éducatifs du Cambodge.

Campagnemondialepour l’éducationAide et Action copilote le comité desix ONG qui travaillent sur l’organi-sation de la semaine d’action de laCME, du 24 au 30 avril 2005. Une ving-taine d’ONG cambodgiennes, dont nostrois partenaires Mith Samlanh, SIPARet Krousar Thmey, sont mobilisées pourmener à bien trois actions d’envergurenationale pour sensibiliser les cam-bodgiens à l’éducation.

Échange d’expériences sur la qualité de l’éducationFin 2004 a eu lieu le premier échangerégional (Cambodge, Laos, Vietnam etMyanmar) sur le thème de la qualité del’éducation. Cet échange co-organiséavec le SIPAR a permis de faire un bilanpositif des bibliothèques et des Centresd’Éducation pour tous. À la demandedes participants, un autre échange seraorganisé durant l’année 2005.

Parmi les étapes réalisées, celle de laconstitution du Comité post-urgence estmaintenant finalisée. Ce dernier a étéintégré au Comité central de coordinationmis en place par le ministère de l’Éduca-tion nationale pour les zones affectéespar la catastrophe. Les premiers pas decoordination ont été faits avec Care-Haïtiet Save the Children pour la post-urgenceen éducation à Gonaïves.1700 enfants sont concernés par la distri-bution d’un kit scolaire. Il se compose de

8 cahiers, 2 crayons, 2 plumes, 1 paquetde crayons de couleur, 1 jeu d’instrumentsde géométrie et 1 sac d’école. Des ren-contres ont été organisées avec lesdirecteurs d’école et les parents d’élèvesafin de cibler précisément les besoins.Les prochaines étapes impliquent la miseen place du processus pour la réhabi-litation de 10 écoles et la constructionde mobiliers scolaires pour 15 autres.L’accompagnement psychologique desenfants se met en place.

Le point sur le projet de post-urgence de l’Artibonite

21 bénévoles haïtiens ont été recrutéset formés à des activités axées sur lacitoyenneté et la résolution de conflitspar la non-violence. Plus de 500 séancesd’animation ont été réalisées dans une

centaine d’écoles. D’autre part, huit ren-contres avec les notables ont été organi-sées afin de développer l’entente et lacohésion entre les différentes localitéset le centre-ville de Gonaïves.

Le point sur le projet «Éducation citoyenne et animation de la jeunesse de Dessalines»

GLOBAL CAMPAIGN FOR

EDUCATION

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1700 enfants sont concernés par la distribution d’un kit scolaire.

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• ENGAGEMENT CITOYEN >>> Mobilisation pour l’Asie >>> Campagne pour une éducation de qualitépour TOUTES >>> • PAROLE DE… >>> Trois femmes, une volonté: la reconnaissance de leurs droits! >>>• PERSPECTIVES >>> Femmes africaines dans l’enseignement >>> • SPÉCIAL INDE/SRI LANKA • RÉALITÉS >>> Société matriarcale: mythe ou réalité? >>> • ACTUS • PASSERELLES >>> Voix de femmespour la paix >>> • ÉCHO DES MÉDIAS >>> Le parrainage à l’honneur >>> • COURRIER DES LECTEURS

Le Centre de ressources documentairess’étoffe. De plus en plus de documents sontaccessibles en ligne, sur les sujets les plusdivers. La rubrique «Actualités interna-tionales», nouvellement créée, vous per-met de consulter des articles de journaux etdes sites traitant de l’actualité en rapportavec les pays d’intervention de l’association.

Toute nouvelle également, la rubrique sur la«Campagne mondiale 2004 pour l’éduca-tion», avec la lettre d’information de laSemaine de la solidarité ou des dépliantsinformatifs à imprimer. Dans «Documentsorganismes internationaux», retrouvez denombreux textes de l’UNESCO, de l’UNICEFou des Nations unies sur des questions de

développement et d’éducation. Dans «SitesInternet spécialisés», une mine d’or: des liensculturels (bibliothèques, encyclopédies…),des liens vers d’autres associations ou mouve-ments éducatifs et des journaux indiens ouafricains en ligne. Pour vous tenir informé,ayez le réflexe CDRD!

www.aide-et-action.org/CDRD/

Aide et Action tient à remercier tous les par-rains et marraines qui sollicitent leur entre-prise pour soutenir les projets de l’associa-tion. Grâce à eux, de nombreuses entrepriseset comités d’entreprise nous ont rejoints en2004 et en ce début d’année 2005. Outre lesoutien financier, c’est aussi l’opportunité derelayer notre voix auprès du plus grand nombre.En ce début d’année, nous remercions toutparticulièrement La Redoute pour son nouvelélan de solidarité envers les victimes du tsu-nami. Un soutien financier est apporté pour ledéveloppement de nos projets de réhabili-tation en Asie grâce à l’opération «oursBaptiste» et au travers de leur associationSolidarcité. D’autres initiatives sont à saluer etnotamment celle de M. Misbach qui nous aintroduits auprès de l’entreprise Cryostar.Nous adressons aussi tous nos remercie-ments à Mme Picou qui a convaincu le club dejogging de l’Agence spatiale européenne deporter les couleurs des enfants d’Haïti ausemi-marathon de Paris et à M. Berland deBNP Paribas Londres qui va courir pour lesenfants du Mali au marathon de Londres.Nous leur souhaitons bonne chance!

� Si vous aussi souhaitez impliquer votreentreprise dans une action de solidaritéavec Aide et Action, n’hésitez pas à contacterle Service du développement des ressour-ces: Florent Marcoux (01 55 25 70 19) ouCatherine Leray (01 55 25 70 41).

Des nouvelles du centre de documentation

Tous ensemble, tous solidaires Parrains, marraines, bénévoles, mécènes, donateurs, salariés de l’association… vous avez tous été solidaires envers les victimes du tsunami. Avec votre soutien, nous pouvons aujourd’hui assurer dans le temps nos projets de développement. C’est sur la durée que nous réussirons à accompagner les populations touchées vers leur reconstruction. L’enjeu est de taille mais c’est tous ensemble que nous y parviendrons.

Toute l’équipe de la brasserie du Mabillon,à Saint-Germain-des-Prés (75), a voulucontribuer au projet de reconstruction pourles victimes du tsunami. Ils ont convenud’un mode de participation inhabituel en

consacrant le salaire d’une journée detravail qu’ils ont par la suite envoyé aubureau parisien d’Aide et Action. Un grandmerci à eux pour leur engagement et l’ori-ginalité de leur démarche!

Un soutien original au “Mabillon”

Les initiatives de tous permettent à Aide et Action de soutenir la population sinistrée et en particulier les enfants.Ph

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Des entreprises qui ont du souffle

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Rencontre avec Hadja Saran DarabaKaba, ex-présidente du REFMAP et ancienne ministre guinéenne.

Aide et Action : Quelles sont les grandesréussites du REFMAP?>> Hadja Saran Daraba Kaba : Celafait des années que les bords du fleuveMano sont agités par des conflits armésimpliquant le Liberia, la Sierra Leoneet la Guinée. Depuis sa création, le REFMAP tented’amener cette sous-région vers la paix.En 2001, le président guinéen LansanaConté a menacé d’entrer en guerre contreson vieil ennemi libérien Charles Taylor.Les femmes du réseau se sont alors préci-pitées à Conakry et ont convaincu le pré-sident guinéen de renoncer à une esca-lade catastrophique.Les femmes du REFMAP sont aussi àl’origine des accords de paix du Liberia,obtenus en août 2003 à Accra (capitaledu Ghana), par la Communauté écono-mique des États d’Afrique de l’Ouest(CEDEAO). Notre réseau figure parmi lessignataires de ce texte qui mit fin à desannées de guerre civile. Plus globale-ment, aujourd’hui nous sommes tousd’accord sur le fait que la paix et la sécu-rité ne sont pas le monopole des seulsÉtats. Les citoyens, et notamment lesfemmes, sont les premiers concernés.Nous créons un « leadership » fémininqui agit pour les questions de paix et dedéveloppement. Les femmes ont prouvéque lorsqu’elles ont les capacités institu-tionnelles et individuelles, elles peu-vent faire la différence.

A&A : Quelles stratégies employez-vouspour entamer un processus de paix?>> H.S.D.K.: Comme on dit chez nous,« si celui qui doit dire la parole la dit, laparole sera écoutée ». Dans chaque pays,il y a des femmes suffisamment fortes etinfluentes pour peser sur les États. C’estsur elles que se repose notre stratégied’influence pour la paix. Le premier pasque nous voulons faire, c’est de réunirces femmes « leaders » et leur dispenserune formation en techniques de résolu-tion des conflits. Mais nous devons aussi

les confronter à notre propre expérience,nos propres conflits : Comment avons-nous procédé ? Quelles ont été nos réus-sites ? Nos échecs ? Et à partir de là, bâtirun programme pour chaque État. Il n’y apas de chemise standard pour arriver à lapaix. Chaque pays a son contexte bienspécifique. Je pense que c’est ce quimanque au mécanisme international, quiarrive souvent comme une baguettemagique. Dans le cadre du REFMAP,l’action est multiple, plus diffuse, plussouple et plus discrète surtout. On fait

Passerelles

Réunion du Réseau des femmes du fleuve Mano pour la paix.

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Voix de femmes pour la paixLes femmes africaines posent aujourd’hui la question du genre dans la prévention des conflits, la gestion et la restauration de la paix. Elles pensent que pour installer un développement et une paix durables en Afrique, les femmes doivent faire partie des processus de décision. C’est ce que le REFMAP 1 revendique, en assurant un plaidoyer à tous les niveaux. Reconnues sur la scène internationale pour leur actionen faveur de la paix, ces femmes ont reçu en 2003 le Prix des Nations unies pour les droits de l’homme.

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moins de tapage, mais on agit sur lesvrais ressorts. Et au moment où onmédiatise, le fruit est déjà mûr.

A&A : Selon vous, pourquoi est-il important de faire de l’influence?>> H.S.D.K.: La plupart du temps, nosresponsables prennent des décisionssans tenir compte de leurs répercussionssur la vie quotidienne des populations.Et pourtant, ces décisions sont supposéesêtre prises pour leur bien-être !Il est important d’influencer pour que desdécisions ne tombent pas comme ça surles populations sans qu’elles compren-nent. Elles les refuseront et ensuite, c’estla confrontation qui débouche la plupartdu temps sur des conflits. Dans notre démarche d’influence, nousfaisons attention de ne pas faire la mêmeerreur que nos responsables. Nous som-mes là pour être les porte-parole despopulations. Il ne s’agitpas de parler à leurplace. Nous allons à leurrencontre, nous discu-tons avec elles. Notre rôleest de porter leurs préoc-cupations, leurs réalitésdevant les décideurs. Lebut est d’aiguiller nos dirigeants versdes décisions qui aillent dans le bonsens, en tenant compte des réalités despopulations. Nous faisons en sorte queles efforts qui sont faits au niveau dela base puissent être renforcés au lieud’être annihilés.

A&A : Quels sont les risques que vous courez en faisant de l’influenceauprès des décideurs?>> H.S.D.K.: Un des risques de l’influenceest de n’être animé que par son seul

intérêt, son seul point de vue. Celadevient alors une attitude unilatérale quiaboutit à une forme d’autoritarisme.

C’était l’erreur que nousfaisions au début. Nousn’organisions pas d’espa-ces de concertation entrenous et les décideurset au final nous leurimposions nos reven-

dications. Aujourd’hui, nous essayons de créer l’écouteattentive chez les décideurs. On ne peutpas influencer quelqu’un qui n’est pas surla même longueur d’onde que nous. Il nefaut pas lui donner l’impression qu’on luiimpose quelque chose. L’influence n’estpas imposer son point de vue mais vérita-blement tenter d’ouvrir le dialogue.

A&A : Parlez-nous de votre partenariatavec Aide et Action?>> H.S.D.K.: Nous faisons deux points deconstat : 40% de la population de l’espace

Mano a moins de 15 ans et ces enfantsn’ont connu que la violence. Ils sont néset ont grandi dans ce contexte, ce qui faitd’eux des adolescents à part. Qu’allons-nous en faire ? Allons-nous les insérerdans un système éducatif « général»?Pour quels résultats? Ou bien faudrait-ildès maintenant entreprendre des réfor-mes éducatives pour que ces jeunesaient accès à une éducation de qualité etsurtout adaptée ?Nous pensons qu’Aide et Action peut nousaider à répondre à ces interrogations et àmettre en place des structures adaptéespour que ces jeunes deviennent descitoyens libres. �

Propos recueillis par Daouda Tamsir Niane,

responsable CommunicationAide et Action Guinée

1 Réseau des femmes du fleuve Mano pour la paix : organisation defemmes de Guinée, Sierra Leone et Liberia. Le fleuve Mano prendsa source en Guinée et traverse la Sierra Leone et le Liberia.

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Le but est «d’aiguiller les dirigeants vers des décisions qui aillent dans le bon sens».

Nous créons un ‘ leadership ’

féminin qui agit pour les questions de paix

et de développement.

Hadja Saran Daraba Kaba, ancienneministre guinéenne (aux Affaires socia-

les), est la présidente sortante du REFMAP. Elle est aujourd’hui une personne incontournable

pour toutes les questions touchant aux conflits. Au-delà de son action dans le REFMAP, elle est aussi à la tête de la Coordination des organisations féminines de Guinée(COFEG). Cette organisation met en place des sessions de for-mation pour le renforcement des capacités des associationsféminines et mobilise des ressources pour les projets des

groupements féminins. Débordante d’énergie, cette pasio-naria est devenue l’interlocutrice des organisations inter-nationales et des chancelleries. Membre influent de la sociétécivile guinéenne, Hadja Saran a été invitée lors de l’atelierinternational d’Aide et Action qui s’est tenu à Boffa(Guinée) en décembre 2004. Elle y a présenté l’expériencede son réseau, le REFMAP, en matière d’influence. Un partenariat se met en place entre les deux organisationsdans le cadre de l’éducation à la paix, un axe fort du programme Guinée d’Aide et Action.

Une femme mobilisée

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ÉCHO DES MÉDIAS

Le parrainage à l’honneur Largement dominée par les conséquences du tsunami en Asie du Sud, la revue de presse

de ce trimestre y consacre une part importante. Les médias insistent sur l’utilité du parrainage pour une action à long terme. Tour d’horizon des radios et télés.

Dès le 26 décembre, l’actualité mon-diale a tristement été dominée parle tsunami et ses conséquences.

Après les efforts indispensables de l’urgence,l’opinion mondiale s’est inquiétée à justetitre de la poursuite des efforts des États,des individus et des ONG, dans la durée.Dans ce contexte, le parrainage est apparucomme lien de solidarité avec les enfantset l’ensemble des populations.>>Dès le 4 janvier 2005, Claire Calosci,Directrice générale d’Aide et Action, étaitinterviewée sur France 3 : « Nous sommesfavorables au parrainage parce qu’il nefaut pas sortir les enfants de leur contexte(…) C’est là leur vie, et c’est là qu’ils ont lachance de pouvoir reconstruire leur pays».>> Sur Arte le 5 janvier, elle poursuitsur le thème de l’adoption : « L’adoption,ce sont des enfants qui sont rejetés deleur société pour différentes raisons.Mais ce n’est pas le cas ici. Là, il y a euune catastrophe naturelle. Les enfantsne sont pas socialement rejetés. Lesadopter reviendrait à les déraciner unedeuxième fois. »>>TF1, au «20 heures», a également donnéla parole à Aide et Action. Dans le repor-tage consacré au parrainage, Pierre Soëtardy a poursuivi le débat en tant que directeurde l’action bénévole : « L’adoption est

synonyme d’un déracinement et ce n’estpas forcément la meilleure des chosesaprès ce qu’ont connu les enfants sur place.Pour notre part, nous sommes vraimentspécialisés dans le parrainage, le retour à

la scolarisation normale pour beaucoupde ces enfants traumatisés. »>>Le 18 janvier, l’émission L’École des savoirssur Radio France Internationale invitaitClaire Calosci sur son plateau. Elle a pu

Si la catastrophe en Asie a largement mobilisé les médias du monde entier, les journaux ont en parallèle poursuivi

leur travail d’information générale. Sur le continent africain, les quotidiens sénégalais Le Soleil et Walfadjri ont chacunconsacré un article le 19 janvier 2005 à l’étude réalisée par Aide et Action sur le système scolaire au Sénégal. L’étude conclutqu’il est primordial de donner davantage de moyens aux collectivitéslocales pour développer l’éducation et la formation. L’articleprécise qu’Aide et Action, au travers de cette étude, recherche

la cohérence afin de réajuster son intervention avec les objectifsdu millénaire. Il cite Fambodji Fall Gaye, responsable Programme Sénégal d’Aide et Action : «Notre volonté étant d’accompagner les acteurs de l’école, de favoriser la mise en synergie de leurs actions de sorte que notre interventionpuisse être rationalisée». Elle ajoute «Notre association a beaucoup investi dans l’amélioration des conditions matérielles et pédagogiques pour la promotion du système éducatif et de ses différentes composantes ».

Les femmes et l’éducation dans la presse sénégalaise

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insister sur l’importance du retour rapidedes enfants à l’école: «La première chose,c’est reconstruire l’enfant et lui permettrede reprendre vie au milieu de sa famille(…). Il est important de laisser les enfantsparler, de les laisser s’exprimer et de leurpermettre de faire des activités pour qu’ilsreprennent pied».

Passer très vite à la post-urgence>>Sur Bloomberg TV cette fois, chaînecâblée et spécialisée «Économie-Finances»,Claire Calosci est longuement intervenuedans l’émission Décodage immédiat le 19 jan-vier. Elle revenait juste de mission en Indedu Sud et au Sri Lanka: «On bascule del’urgence dans la post-urgence sans vrai-ment s’en rendre compte et aujourd’hui, ilfaut très vite travailler avec les sinistrés

pour qu’ils reprennent vie. Il faut à la foistravailler pour fournir le matériel néces-saire mais aussi sur la psychologie car lespopulations doivent reprendre confiance.Elles ont peur, elles ne savent plus où ellesen sont et l’avenir, elles ne le connaissent

pas. Il faut les aider àsortir de cette urgence,nécessaire dans un pre-mier temps, mais qui,si elle dure, risqueraitd’installer les popu-lations dans la dépen-dance. Il faut vite pas-ser à la post-urgence.»Les nombreuses ini-tiatives des bénévoles,

qui ont une fois de plus démontré leurdynamisme et leur force de mobilisation,ont largement été relayées dans la presserégionale française. Le Figaro étudiant (26 jan-vier) consacre un article aux énergiesdéployées par les associations étudiantespour récolter des fonds après le désastredu tsunami. Grâce à une «Opération Asie»,Aide et Action, partenaire de ce mouve-ment de solidarité, a pu bénéficier de cetélan de générosité. Un autre étudiant metl’action bénévole à l’honneur en donnantde son temps pour Aide et Action Suisse.>> Version femina Suisse (23 janvier), dansun long article, revient sur les divers enga-gements possibles en faveur de l’éduca-tion, par le biais du parrainage. �

“Le Soleil ” (19 janvier)Le Soleil rapporte, dans son édition du 19 janvier, la tenue d’un séminaire sous-régional organisé par l’AFAO-Sénégal(Association des femmes d’Afrique de l’Ouest), en partenariatavec Aide et Action Afrique, sur le thème de « l’autonomisationdes femmes par l’éducation et la formation dans le contexte de l’intégration». Youssouf Cissé, Directeur Afrique, y participaitaux côtés des représentants des pays de la CEDEAO(Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest).

“Walfadjri ” (28 janvier)Dans un article daté du 28 janvier, le quotidien Walfadjri annoncela signature des conventions entre le ministère de l’Éducationsénégalais, l’AGETIP (Agence d’exécution des travaux d’intérêtpublic) et Aide et Action. Cette convention va permettre à l’État sénégalais, en partenariat avec l’Agence française de développement, de construire 320 classes pour les écolesélémentaires et d’en rénover 100 autres dans la banlieue de Dakar. Ce programme concerne essentiellement les départements de Pikine, Guédiawaye et Rufisque.

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“Version femina” du 23 janvier 2005

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Pour nombre d’entre vous, soutenir le droit à l’éducation dépasse l’acte de parrainage ou de don. Bénévoles, parrains actifs, vous faitesbeaucoup plus. C’est là une des grandes forces de l’association.>> Mais comment faire pour aller plus loin?

Donnez du temps : rejoignez les équipes bénévoles !

La cause défendue par Aide et Action, le droit pour tous à une éducation de qualité, est peu connue du grand public. Partout en France, les équipes bénévoles d’Aide et Action s’emploient à la faire connaître et multiplient les interventions dans les écoles, les manifestations et les lieux publics.

� Rejoindre les équipes bénévoles, c’est pousser un peu plus loin l’engagement et c’est aussi rencontrer des personnes motivées autour du même enjeu ! Retrouvez leurs coordonnées sur www.aide-et-action.org ou auprès d’Isabelle au 01 55 25 70 06.

Relayez votreenthousiasme:faites connaîtreAide et Action

Le magazine, les coupons inclus dans votredernier reçu fiscal constituent autantd’outils pour faire connaître Aide et Action. Suite à la situation exceptionnelle en Asie, nous avons également conçu un kit Solidarité Asiequi comprend :

>> 1 présentoir

>> 40 bulletins de parrainage du projet Asie (Inde et Sri Lanka)

>> 1 affiche de format A3.

Déposez le kit dans une salle d’attente,dans votre entreprise, chez les commerçantsde votre quartier ou dans votre mairie. Il incitera de futurs parrains et donateurs à faire le premier pas !

� Vous pouvez le commander en complétant le bon de commandejoint ou en appelant Sandrine au 01 55 25 70 15.

Si vous êtes parrain, vos références (elles figurent sur l’étiquette adresse de votre magazine): I_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_I

� M. � Mme � Mlle Prénom: I_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_I Nom: I_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_I

Raison sociale (si collectivité) : I_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_I

Adresse : I_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_I

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CP: I_i_i_i_i_I Ville : I_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_I

Tél. : I_i_i_i_i_i_i_i_i_i_I E-mail : I_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_i_I

Merci d’adresser �1 �2 kit(s) Solidarité Asie à l’adresse ci-dessus (pour des quantités supérieures, merci de contacter Sandrine au 01 55 25 70 15).

Conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant, figurant sur notre fichier. Il suffit pour cela de nous écrire.

Depuis sa création, Aide et Action doit son succès au soutien actif de ses bénévoles, marraines,parrains et donateurs. Chaque jour, avec vous, nous relevons un défi : celui d’une Éducation de qualité pour tous. Voici quelques pistes pour prolonger votre engagement.

Déclinez votre engagement !

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Bon de commande à retourner à :

Aide et Action – Solidarité Asie – 53, boulevard de Charonne – 75545 Paris Cedex 11

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Hugo D., Arcueil (94) : Récemment,j’ai vu ma boîte aux lettres envahie de sollicitations diverses : auriez-vous donnéou vendu vos fichiers informatiques?

Non, bien sûr ! Aide et Action garantit à tousses parrains et donateurs la confidentialité.C’est une question d’éthique ! De plus, nous vous rappelons que vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant, figurant sur notre fichier (loi n°78-17 du 6 janvier 1978). Il suffit pour cela de nous écrire !

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Claudette L., Cellefrouin (16) : J’aimerais envoyer un colis à mon filleul,comment dois-je m’y prendre?

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Courrier des lecteursQue vous ayez des questions d’ordre général ou que vous souhaitiez être informé sur des points particuliers,

n’hésitez pas à nous écrire. Ce «Courrier des lecteurs» nous aidera à mieux

vous connaître et à répondre au plus près à vos préoccupations. Les lettres doivent

être envoyées à l’adresse suivante : Aide et Action - «Courrier des lecteurs»

53, bd de Charonne, 75011 Paris ou par internet à : [email protected]

L’envoi de colis est une question quirevient régulièrement. Les plus adaptés

sont des objets qui serviront à l’ensemblede la classe de votre filleul: cartes postales,cartes géographiques, photos de votrefamille et de son environnement, livres pourenfants, contes… Ils permettront un échangeculturel riche. N’envoyez surtout pas de cadeaux personnalisés que nous ne pourrions pas remettre à votre filleul: ilscréeraient des différences entre les enfantset risqueraient de poser des problèmes de jalousie. Évitez les livres de cours qui

correspondent rarement aux programmespédagogiques suivis! Pour ce qui est desaspects techniques, l’adresse est indiquéedans votre dossier de parrainage… inutiledonc de passer par Paris! D’autre part, nousvous recommandons l’envoi par lettre dans une enveloppe matelassée n’excédantpas 2 kg. Cela réduira les risques de perte et de difficultés douanières. Enfin, nous vous recommandons de ne pas mettre votreadresse sur des lettres destinées à votrefilleul mais de toujours indiquer la référencedu dossier. Nous pourrons lui remettre votre

courrier sans risque d’erreur (nombreux sont les enfants qui portent le même nom !). De plus, vous nous aiderez à rester les garants de la confidentialité que nous vousdevons en évitant que vos coordonnéespersonnelles puissent éventuellement être connues et utilisées par des personnesextérieures à nos équipes. Nous respecteronsainsi votre lien de solidarité.

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La solidarité dont vous faites part en parrainant ou en effectuant des dons est essentielle au développement et à l’éducation,

là-bas comme ici. Votre geste s’accompagne souvent d’une curiosité légitime. À nous de vous répondre !

Courrier des lecteurs

Gaëlle D., Caragoudes (31) :Pouvez-vous me dire quelle est la différence entre le parrainage de projet et le parrainage individuel?

Ces deux parrainages s’inscrivent dans la même démarche : le développement de l’accès à une Éducation de qualité pour tous. Quel que soit le type de parrainage que vous choisissez,vos versements sont les mêmes et contribuent à l’éducation de tous les enfants et au développement de leur communauté. En parrainant un projet (deux à quatre ans), une classe ou une école (cinq ou six ans), vous êtes informé trois fois par an de l’évolution du projet, des difficultés rencontrées et des résultats. Il n’y a pas de correspondance personnalisée, mais vous pouvez écrire aux acteurs du projet.En parrainant un enfant le temps de sa scolarité primaire

(cinq à six ans), ce dernier devient l’ambassadeur de sa classe et de sa communauté. Le lien de solidarité se concrétise par un échange de correspondance.Trois fois par an, dans le cadre de saclasse, il ou elle écrira quelques motset enverra des dessins. De son côté,l’enfant espère et attend également vos lettres. Dans tous les cas, la correspondance est importante et conforte les enfants, leur communauté et les enseignants dans leur choix pour l’éducation !

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Parrainage de projet : promotion de la lecture.

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