N°27 · Thierry Devèze, directeur de l’innovation chez Thalès, spécialiste de la robotisation...

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N°27 3ème Trimestre 2014 L'HOMME ET LA MACHINE

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L'HOMME ET LA MACHINE

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Pour plus d’informations : [email protected]

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Juin 2014. Un logiciel réussit, pour la première fois au monde, à passer le test dit de Turing, mesurant la capacité d’une intelligence artificielle à penser.

L’actualité nous rappelle chaque jour combien les avancées technologiques du XXIème siècle sont en train de bouleverser notre quotidien, plus encore que la révolution industrielle du XIXème siècle n’a en son temps transformé notre société.

Pour comprendre l’ampleur de ces évolutions, c’est le thème, volontairement avant-gardiste, de « l’Homme et la machine » que nous avons choisi pour notre sixième Université d’été, qui s’est tenue les 28 et 29 août 2014 à la Maison de l’Amérique Latine à Paris.

Conçue, depuis son lancement en 2009, dans un esprit de formation et « d’ouverture des esprits », notre Université d’été est une convention annuelle réunissant l’ensemble de nos collaborateurs autour d’une quinzaine d’intervenants prestigieux, économistes, philosophes, grands industriels et acteurs des services financiers, pour débattre sur une thématique donnée. C’est un moment d’échanges et de réflexion, important pour nous en ce qu’il exacerbe notre curiosité sur le monde.

Nous choisissons de consacrer l’intégralité de ce numéro d’Inside Financial Services à la restitution des moments forts de notre Université 2014. Pourquoi ? Parce que le progrès exponentiel des technologies a des implications « vertigineuses », pour reprendre le terme d’un de nos intervenants, le Dr Laurent Alexandre. Vertigineuses pour notre société et la représentation que nous nous en faisons, vertigineuses pour notre économie et le devenir de nos emplois, vertigineuses enfin pour les industries de services – dont celle des services financiers.

Nous vous invitons à plonger, dans cette lettre, dans un tourbillon qui peut sembler au premier abord futuriste, mais dont les réalisations, bien concrètes elles, démontrent qu’il ne s’agit plus de science-fiction. De quoi nous donner matière, en cette nouvelle ère industrielle, à penser le secteur des services financiers de demain…

Bonne lecture, Les Associés

02. EDITO

03-04. L’HOMME ET LA MACHINE

05-07 NBIC ET GAFA : CES ACRONYMES QUI FAÇONNENT LE FUTUR DE L’HOMME

08-09. LA ROBOLUTION EST-ELLE HUMAINE ?

10. SMART MACHINES : LA ROBOTISATION DANS LES SERVICES, C’EST… MAINTENANT ?

11-14. DE L’INTERNET DES OBJETS AU CORPS CONNECTÉ

15. MORCEAUX CHOISIS : L’HOMME ET LA MACHINE DANS LES SERVICES FINANCIERS

L’ HOMME ET LA MACHINE

E D I T UNE NOUVELLE ÈRE INDUSTRIELLE

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La technique, qui s’est développée avec l’humanité et en est intrinsèquement constitutive, a consisté en tout premier lieu en un instrument de maîtrise, un instrument utile, libérant l’homme de certaines contraintes naturelles. Mais la technique est également un instrument de puissance et de pouvoir. Elle procure en effet au corps différents accessoires qui en deviennent des prolongements et développent les capacités de l’homme, relativisant de plus en plus la frontière entre la nature et l’artifice.

Jusqu’où le progrès technique peut-il changer l’Homme ? Sommes-nous conscients de l’impact du progrès technique sur notre identité et sur notre avenir ? Entrons-nous dans l’ère du post-humanisme ? Le développement des robots, de l’intelligence artificielle… est-il une menace pour les hommes ? Vers où mène l’utilisation extensive des données transactionnelles et comportementales des clients ? Quelle sera la place des machines dans les services financiers ? Pour quels bénéfices pour l’entreprise, ses actionnaires ou collaborateurs ?

Pour répondre à ces questions, nous avons eu le plaisir d’accueillir lors de notre Université d’été : Bruno Bonnell, entrepreneur, Président de Robolution Capital, penseur de la « Robolution industrielle » ; Jean-Yves Hepp, Fondateur

de Unowhy, spécialiste de l’e-éducation, Alexis Normand, responsable du développement du département santé pour la société Withings, un des leaders mondiaux des objets connectés dans le domaine de la santé, Olivier Levard, journaliste high tech et entrepreneur, spécialiste des objets connectés et des « wearable technologies », Thierry Devèze, directeur de l’innovation chez Thalès, spécialiste de la robotisation du champ de bataille, Emmanuel Vignon, Chief Technical Off icer de Yseop, société pionnière dans l’intelligence artificielle appliquée aux industries de service ; mais aussi le Docteur Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo, auteur de La mort de la mort, et spécialiste des technologies NBIC, ou Jean-Michel Besnier, philosophe, auteur de Demain les posthumains (cf. pages 5 - 14).

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SPÉCIAL UNIVERSITÉ D’ÉTÉ EXTON CONSULTING 2014L'HOMME ET LA MACHINEQUELLE PLACE POUR L’HOMME DANS LA NOUVELLE ÈRE INDUSTR IELLE DU XX I ÈME S I ÈCLE ET LE SECOND Â G E D E S M A C H I N E S ? C ’ E S T L E F I L R O U G E D E N O T R E U N I V E R S I T É D ’ É T É D É D I É E À « L’ H O M M E E T L A M A C H I N E » .

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Nous avons également eu l’honneur d’accueillir de grands témoins issus des secteurs financiers, Michel Gougnard, DG de Covéa AIS, Michel Mathieu, DG Délégué de Crédit Agricole S.A., et François Nédey, Directeur Technique Assurances Biens et Responsabilité d’Allianz France (cf. page 15). Nous remercions ici tous les intervenants pour leur présence et la qualité des échanges qu’il nous a été donné d’avoir avec eux.

Au cours de ces deux jours de riches débats, quatre thèmes ont particulièrement retenu notre attention, en ce qu’ils ouvrent selon nous des enseignements et perspectives intéressants pour le devenir des industries de service. Ils font l’objet des articles ci-après :

- le développement convergent des NBIC et les projections du courant de pensée transhumaniste,

- l’avènement des robots dans la société civile,

- l’intelligence artificielle dans les industries de services,

- l’explosion des objets connectés dans le quotidien.

Les intervenants que nous avons reçus nous ont engagés à réfléchir au progrès technique et à l’innovation, ainsi qu’au devenir de l’Homme à l’ère de la « robolution ». Trois réflexions en préambule aux articles qui vont suivre.

Le nouveau paradigme d’innovation. Nous sommes passés d’une recherche orientée vers la résolution d’un problème ou la réponse à un besoin exprimé, à une production d’objets inventifs satisfaisant des besoins non formulés, comme le symbolise le succès des applications mobiles sur smartphones. Les entreprises auront-elles le choix de s’adapter ou non à ce nouveau paradigme d’innovation ? Non. Il leur faudra être dans cette course à l’innovation si elles ne veulent pas que d’autres prennent leur place. Il leur faudra adapter leurs modèles aux nouvelles technologies.

L’imprévisibilité du futur. La vitesse d’adoption des technologies n’a cessé de s’accélérer. Dans le même temps, il nous est toujours impossible de prédire où en seront les technologies dans 100 ans, pour le simple fait qu’il nous est très difficile de les imaginer aujourd’hui. Pour autant il est indispensable de connaître les tendances qui sont à l’œuvre et de dépasser la peur du futur pour regarder l’avenir positivement et y voir des opportunités.

La technique, un danger et une chance pour l’Homme. Le progrès technique n’est pas forcément, on le sait, synonyme de progrès social.

L’âge de machines de plus en plus performantes refaçonne le monde de l’entreprise et nos métiers. L’homme, en coopération avec la machine, devient-il meilleur dans ce qu’il fait, la machine prenant en charge les tâches automatisables ? D’ici à 20 ans, ce seraient la moitié de nos métiers qui pourraient être remplacés par des robots : les plus menacés, en volume, seraient les emplois de service, de ventes et administratifs/de bureau…* Ces prévisions annoncent moins un cataclysme sur les emplois qu’une transformation radicale de la nature des métiers. C’est par ailleurs l’essence même de certains métiers qui est en question, comme en témoigne le nouveau « rapport au risque » - risque de plus en plus « singulier » - induit par l’analyse des données, notamment génétiques, par les assureurs, qui pourrait faire oublier l’un des fondamentaux de ce métier : la mutualisation de risques incertains.

Au final, peu importe l’attractivité des nouvelles technologies, c’est bien la question du choix d’orientation de l’Humanité future (augmentée ou simplifiée ?) vers laquelle l’Homme du présent souhaite aller qui se pose.

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* Carl Benedikt Frey, Michael Osborne, The future of employment : how susceptible are jobs to computerization ?, University of Oxford, 2013.

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NBIC ET GAFA : CES ACRONYMES QUI FAÇONNENT LE FUTUR DE L’HOMME1

NBIC POUR NANOTECHNOLOGIES (LA CAPACITÉ À INTERVENIR AU MILLIARDIÈME DE MÈTRE), BIOLOGIE, INFORMATIQUE ET SCIENCES COGNITIVES (INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET SCIENCES DU CERVEAU). QUATRE LETTRES POUR AUTANT DE DISCIPLINES DONT L’ÉVOLUTION RAPIDE ET LA CONVERGENCE PRÉPARENT UN CHOC TECHNOLOGIQUE SANS PRÉCÉDENT.

Les prodromes ne manquent pas : le séquençage intégral du génome humain est réalisé depuis plus de 10 ans, l’ingénierie cellulaire peut créer la vie à partir de matière inerte depuis quelques années, la reproduction du fonctionnement du cerveau humain sur ordinateur est en cours (l’Human Brain Project en Suisse)…

Si les développements singuliers des NBIC impres-sionnent déjà, ce n’est rien en comparaison de la rupture que promet leur convergence au cours de ce siècle. Dans les prochaines décennies, les influences croisées des nanotech-nologies et de la biologie permettront ainsi de réparer n’importe quel organe et feront émerger une véritable « chirurgie génétique ». Quant à l’informatique et aux sciences cognitives, leurs enrichis-sements réciproques autoriseront très vite le développement d’une intelligence artificielle supérieure à celle de l’homme.

Comme toute révolution, la révolution NBIC a ses apôtres : les trans-humanistes. Pour ce mouvement de pensée apparu au cours des années 1990, l’homme entre dans un âge où il va sans cesse pouvoir s’augmenter et se modifier grâce aux ressources génétiques, informatiques et robotiques mises à sa disposition. Résolument technophiles, les transhumanistes s’enthousiasment de l’hybridation croissante annoncée entre l’homme et la machine. Réparé dans sa maladie par des nanorobots, aidé dans son travail par une intelligence artificielle prodigieuse, l’homme 2.0 des transhumanistes n’aura de cesse que d’améliorer sa condition.

Si les associations transhumanistes ont égrainé un peu partout en une vingtaine d’années (ainsi de l’As- sociation française transhumaniste), c’est dans la Silicon Valley que ce mouvement est le plus puissant. Un très sérieux lobby transhumaniste s’y est progressivement construit avec ses figures de proue (Ray Kurzweil par exemple, recruté par Google), son école

(Singularity University) et son organe de presse (Wired). Son influence est telle qu’elle imprègne explicitement la stratégie de firmes internationales regroupées sous l’acronyme « GAFA », pour Google, Apple, Facebook et Amazon.

Le XXIème siècle sera donc transhumaniste ou ne sera pas ! Transhumaniste d’abord puisqu’il accueillera « la Singularité », moment de l’Histoire (vers 2050 disent les spécialistes) où une forme d’intelligence non biolo-gique dépassera l’intelligence humaine. Transhumaniste ensuite, parce qu’avec l’hybridation croissante entre l’homme et la machine, l’humanité deviendra successi-vement « transhumanité » (âge de « l’homme amélioré ») puis post-humanité (ère de « l’homme-cyborg »).

Qu’elle inquiète ou enthousiasme, la révolution NBIC restituée par la pensée transhumaniste ne peut laisser indifférent. Pour tenter d’y voir plus clair, entretien avec le Dr Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo et Président de DNAVision, et questionnement raisonné du philosophe spécialiste du posthumanisme Jean-Michel Besnier.

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Parler de révolution NBIC au XXIème siècle, n’est-ce pas exagéré ? Non. La révolution NBIC de ce siècle sera aussi struc-turante que la révolution électro-chimique de la fin du XIXème siècle. Pour saisir l’ampleur du bouleversement qui nous attend, il faut bien comprendre la différence entre croissance « linéaire » ou « exponentielle » de la tech-nologie. Aujourd’hui, la rapidité d’évolution technologique est sous-estimée en dehors du cercle des spécialistes. Les développements dans les NBIC sont en effets portés par des lois exponentielles dont la loi de Moore n’est qu’un exemple (note : loi énoncée en 1975 par Gordon Moore, l’un des fondateurs d’Intel, selon laquelle la puissance des circuits électroniques double à prix constant tous les 18 mois).

Des exemples… ?En 1950, les serveurs informatiques les plus performants avaient une puissance d’un KiloFlops (mille opérations par seconde). Le palier passait à un MegaFlops (un million) dès 1964, un GigaFlops en 1986 (un milliard), un PetaFlops en 2007 (un million de milliards), passera à un ExaFlops en 2018 (un milliard de milliards) et atteindra un YottaFlops en 2037 (un million de milliards de milliards). Et à chaque palier franchi, correspond une application médicale. En 1990, la plupart des généticiens s’accordaient à dire que le séquençage intégral de nos chromosomes était techniquement impossible. Dès 2003, le premier séquençage intégral était pourtant réalisé pour 3 Mds $. Il coûte aujourd’hui moins de 1000 $ et devrait atteindre le prix d’un jeans avant 2020 !

Dans ces évolutions scientifiques, les transhuma-nistes voient une révolution. Expliquez ?Les NBIC progressent en effet, mais elles vont surtout converger en ce sens que les découvertes dans un domaine serviront aux recherches dans un autre, ce qui permettra des avancées médicales spectaculaires. Trois vagues peuvent être identifiées. Première vague : l’hybridation de l’homme avec la machine. Nous en avons déjà des exemples avec le premier cœur artificiel posé sur un patient en 2013 ou encore les lentilles intelligentes pour diabétiques en cours de développement chez Google. Deuxième vague : l’ingénierie cellulaire. En 2010, la première cellule vivante artificielle était créée à partir de matière inerte par Craig Venter. Aujourd’hui, les spécialistes sont d’ores et déjà capables de construire de petits morceaux de cerveau en laboratoire. Demain ce seront des organes complets ! Troisième vague : la nanomédecine. Avant la fin du siècle, nos corps seront

parcourus par d’innombrables nanorobots capables de se mouvoir, de communiquer et de réparer nos molécules et gènes défectueux. C’est en ce sens que j’ai parlé de « mort de la mort ». La personne qui vivra 1000 ans est déjà née !

Ces potentialités posent des questions éthiques. L’opinion laissera-t-elle faire ?Les questions éthiques sont en effet légions. Je prendrai l’exemple de l’eugénisme qui progresse. Fin 2013, le premier brevet pour sélectionner les meilleurs bébés était déposé par une filiale de Google aux Etats-Unis – il est en ligne et chacun peut le vérifier (note : Patent No. US 8,543,339,B2). Dans le même ordre d’idées, les spécialistes nous annoncent le premier utérus artificiel à l’horizon 2050-2075. Inévitablement, il faudra se demander jusqu’où l’on peut aller en la matière. Aujourd’hui nous pouvons être horrifiés, mais nous trouverons ça normal demain. Tout comme la majorité des gens s’horrifiaient de l’IVG il y a 40 ans et trouvent cela normal aujourd’hui. Avec la révolution NBIC, nous irons de petite transgression en petite transgression. L’opinion va adorer et la demande sociale sera forte pour ces innovations : nous opérons de la myopie aujourd’hui, opérerons du cancer avant 2030, pourquoi ne pas aller plus loin ?

Cette révolution est-elle portée consciemment par des acteurs ?Oui. Ce choc technologique est porté par quelques firmes : « GAFA » pour Google Apple Facebook et Amazon. Ces compagnies, marquées par l’idéologie transhumaniste, relèvent selon moi davantage de l’église que de l’entreprise classique. Le cas de Google est le plus symptomatique. L’entreprise investit massivement depuis quelques années dans le secteur des NBIC. Elle a par exemple créé une filiale, Calico, qui s’est fixé pour objectif de repousser l’espérance de vie de 20 ans d’ici à 2035 ; elle a investi avec sa filiale 23andMe dans le séquençage ADN ; et elle vient de racheter en moins d’un an, les huit principales firmes de robotique. Mais ce qui frappe, c’est l’idéologie transhumaniste qui imprègne son projet. Ce n’est pas un hasard si Ray Kurzweil, le « ponte » du transhumanisme qui rêve d’uploader le contenu du cerveau sur une puce en silicium, vient d’être nommé directeur du développement chez Google. La croisade transhumaniste est en route et je résumerai lapidairement en disant : GAFA = NBIC = TH (note : TH pour transhumanisme) !

ENTRET IEN AVEC LE

DR LAURENT ALEXANDRE*

*Laurent Alexandre, chirurgien et neurobiologiste, est diplômé de Sciences-Po, d’HEC et de l’ENA. Fondateur de Doctissimo.fr et d’une dizaine d’entreprises high tech, il dirige aujourd’hui l’entreprise DNAVision qui est spécialisée dans le décryptage du génome. Il est l’auteur de Google démocratie et La mort de la mort.

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Quelles conséquences sociétales pour la révolution NBIC ?La révolution NBIC nous fait entrer dans une dialectique entre déterminisme et imprévisibilité. Déterminisme parce que nous avons une emprise croissante sur notre environnement et imprévisibilité car les sauts technologiques portés par les lois exponentielles nous réservent bien des surprises. Il va être compliqué de planifier une stratégie dans un monde aussi peu borné. Une seule certitude, la société de demain ne ressemblera pas à celle d’aujourd’hui et tous les domaines seront touchés.

Par exemple ?La politique cédera la place à la biopolitique et à ses questions du type « la police devenue biopolice aura-t-elle le droit de lire dans notre cerveau ? ». De même, le clivage droite/ gauche sera balayé par celui entre bioprogressistes et bioconservateurs. La géopolitique sera quant à elle complètement refaçonnée au profit de la zone Asie-Pacifique. Les

Chinois viennent par exemple de se lancer dans un séquençage génétique des individus ayant un QI supérieur à 160. Imaginez le monde en 2080 lorsque la Chine produira des Bill Gates à la chaîne ! De même, l’économie va changer de face avec le choc technologique. En quelques années déjà, l’avènement du numérique et d’Internet a refaçonné le paysage et fait quasiment disparaître des acteurs autrefois prospères : Universal is, Kodak, La Redoute… La révolution NBIC sera encore plus violente. Plus fondamentalement, je m’interroge sur la valeur travail : que deviendra le travail dans un monde où la robotique boostée par la loi de Moore s’imposera ? En résumé, le toboggan biotransgressif ne sera pas un long fleuve tranquille !

Et dans le domaine de l’assurance ?Il restera du risque, mais plus d’aléa. Dans les cinquante prochaines années, la prédiction génomique va changer la face de l’assurance et le meilleur assureur aura un nom : GAFA !

JEAN-MICHEL BESNIER* : « LA RÉVOLUTION TECHNOLOGIQUENOUS PROMET-ELLE UN MONDE MEILLEUR ? »

Si la révolution NBIC, déjà bien amorcée, semble aujourd’hui incontestable, tel n’est pas le cas du Transhumanisme.

Mouvement de pensée résolument progressiste, le Transhumanisme s’inscrit dans une optique de « fin de l’Histoire », portée par une « horreur du Temps ». Le postulat ? Puisque l’homme tend toujours vers un mieux-être et que la révolution NBIC lui permettra de satisfaire perpétuellement ce besoin, l’Histoire n’aura plus de sens – ou plutôt, n’aura plus qu’un sens unique, statique, prévisible.

Mais, comme le remarque Jean-Michel Besnier, « peut-on vraiment souhaiter un monde qui préfère la duplication à la reproduction, la réactivité à la réflexion, l’automatisme à la conscience ou le mécanisme à l’esprit » ?

Le monde des transhumanistes, est certes le monde de l’homme parfait, mais il est aussi et surtout celui de « l’homme clos sur lui-même ». Quel homme sera capable de vivre dans un monde « où nous aurons perdu la conscience, la réflexion, le désir, la vulnérabilité, l’incertitude, l’incomplétude, en un mot tout ce qui nous porte à communiquer les uns avec les autres et à aimer l’autre que soi » ? Réponse de Jean-Michel Besnier : « un homme simplifié ».

Simplifié, car le pouvoir des machines nous impose de penser comme les machines elles-mêmes et de devenir « des êtres de signaux » (qui déclenchent des comportements) au lieu de rester « des êtres de signes » (qui appellent des conversations). C’est le « syndrome de la touche étoile » : un meilleur des mondes aussi simple et inhumain qu’un serveur vocal nous sommant d’appuyer sur la touche étoile du téléphone.

C’est oublier que l’Homme repose sur deux jambes : « les outils et les techniques d’un côté, les mots et le langage de l’autre », rappelle Jean-Michel Besnier. « Je crains que les technologies, qui écrasent la dimension du symbolique et du langage, ne nous livrent qu’aux outils qui créent l’hubris, la démesure », résume le philosophe.

« La question la plus difficile, qui se pose à nous aujourd’hui, conclut Jean-Michel Besnier, est : peut-on ne pas vouloir ce qu’on peut techniquement réaliser ? »

*Jean-Michel Besnier est professeur de philosophie à la Sorbonne où il dirige l’équipe de recherche « rationalités contemporaines ». Il est membre du Conseil scientifique de l’Institut des Hautes Etudes en Sciences et Techniques. Parmi ses derniers ouvrages : Demain les posthumains, et L’homme simplifié, le syndrôme de la touche étoile

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L’ HOMME ET LA MACHINE

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LE TERME « ROBOT » POUR « ROBOTA » OU « CORVÉE » EN TCHÈQUE, A ÉTÉ UTILISÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 1921, DANS UNE PIÈCE DE THÉÂTRE DE KAREL CAPEK, POUR DÉPEINDRE DES ROBOTS D’APPARENCE HUMAINE QUI LIBÈRENT L’HOMME DE L’ASSERVISSEMENT DU TRAVAIL AVANT DE SE RÉVOLTER CONTRE L’HUMANITÉ.

Selon la Fédération Internationale de la Robotique (IFR), le marché mondial de la robotique devrait atteindre 200 Md€ en 2023 contre 26 Md€ en 2013 en grande partie grâce à l’essor des robots domestiques. Après la robotique industrielle, la robotique de service fait son apparition auprès du grand public : robots aspirateurs, tondeuses, robots de sécurité, robots chirurgicaux… Bruno Bonnell, initiateur du fonds Robolution Capital, estime que nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une véritable révolution par les robots, une « robolution ».

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LA ROBOLUTION EST-ELLE HUMAINE ?2

La révolution par les robots ou la « robolution » comme vous l’appelez, c’est pour quand ?Regardez bien autour de vous, la robolution, c’est déjà

une réalité ! La ligne 14 du métro parisien, le pilote

automatique de l’airbus A380, la voiture sans chauffeur

de Google… les robots sont déjà présents au quotidien

dans nos vies et l’intégration du robot dans nos

maisons, nos écoles, nos rues et nos entreprises ne

va faire que s’accélérer. Dans 15 à 20 ans, la vie n’aura

rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Les générations

actuelles ne seront plus des « digital natives » mais des

« robot natives ». Un jour, un ami vous dira « Tiens,

regarde, j’ai acheté un robot », et puis d’autres amis

suivront, jusqu’à ce que vous-même vous vous décidiez

à franchir le pas, comme pour une tablette il y a 4 ans !

Pourtant, dans notre inconscient collectif, l’image du robot fait peur. Comment expliquer cette perception négative ?Malheureusement la pièce de théâtre de Capek, qui

a popularisé le terme de robot, a propagé une image

négative des robots dans les pays occidentaux, en

dépeignant des robots « humanoides » qui finissaient

par prendre le contrôle de l’humanité. À l’opposé, au

Japon, la perception du robot est culturellement plus

positive, notamment en raison du personnage de

manga Astroboy, qui est apparu dans les années 50. Il

s’agissait d’un « garçon robot » qui mettait ses pouvoirs

au service du bien et de la justice. Il est intéressant

de constater que dans ces deux civilisations, le terme

de « robot » reste encore aujourd’hui associé à l’image

de l’humanoïde ou de l’androïde… mais c’est une

perception un peu poussiéreuse, un robot, ce n’est pas

du tout ça.

ENTRET IEN AVEC

BRUNO BONNELL*

* Bruno Bonnell est un multi-entrepreneur spécialisé en technologies interactives. Fondateur d’Infogrammes (société de jeu vidéo internationale), il est le Président de Syrobo, le syndicat français de la robotique de service. En 2012, il crée le premier fonds européen dédié à la robotique de service : Robolution capital. Ce fonds s’impose comme un des piliers de l’écosystème robotique en France et en Europe, pour encourager les initiatives de ce secteur en très forte croissance. Il est l’auteur notamment de Viva la robolution.

L’ HOMME ET LA MACHINE

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Alors quelle définition pourrait-on donner au robot ? Est-ce une simple machine qui doit imiter et répéter les gestes de l’homme ?Le robot, c’est une machine dotée de trois caracté-ristiques : des capteurs permettant d’appréhender son environnement (distances, température, pres-sion…), des logiciels capables d’interpréter ces signaux, et des actionneurs (roues, moteurs, bras...) chargés de mettre en mouvement le robot. De mon point de vue, la finalité du robot n’est pas de repro-duire l’homme et ses mouvements, mais l’amener à accomplir des tâches de manière plus efficace que l’homme. En réalité, comme pour beaucoup d’inven-tions, on a commencé par fabriquer des robots en essayant de reproduire le fonctionnement de l’être humain. Il y a donc eu beaucoup de recherches sur l’ « humanoïde robot », en Europe et en Asie. Les robots de demain ne seront pas une imitation ou une optimisation de l’homme mais des inven-tions qui apporteront une autre réponse à l’usage attendu. L’exemple le plus parlant est celui du robot aspirateur : lorsque que nous avons pensé ce robot, nous n’avons pas cherché à reproduire le geste de la ménagère. Nous avons conçu une « galette » avec une forme et un mode de déplacement différents qui lui permettent de passer sous les obstacles ou contourner les objets.

Est-ce que les robots vont vraiment changer notre vie ?Prenons l’exemple de la voiture. Il est très probable que dans 10 ans, 20 % du trafic d’une ville soit réalisé par des véhicules sans chauffeur, pour les livraisons, le nettoyage ou bien même le transport en commun. 20 %, cela change tout, posséder une voiture ne sera plus vraiment nécessaire. Et moins de voitures, c’est un secteur industriel à reconfigurer, ce sont des espaces urbains que l’on peut réutiliser… cela remet en cause plusieurs fondamentaux de notre société.

Autre exemple dans la santé : selon une étude américaine d’Intuitive Surgical, plus de 40 % des opérations seront exécutées par des robots chirurgicaux d’ici 10 ans. Demain, les chirurgiens délégueront une partie de leur geste à une machine, plus précise, comme c’est le cas aujourd’hui pour une opération des yeux. Autre cas de figure : la visite chez un généraliste. La durée moyenne d’une consultation est de 17 minutes : 10 minutes pour des tâches administratives, 7 minutes pour des gestes médicaux. Demain, on trouvera des « kiosques santé » dans les entreprises, qui ausculteront et analyseront l’état de santé du patient, pour l’orienter éventuellement vers un médecin pour un rendez-vous mieux préparé et plus efficace.

La robotisation des services aura donc un impact fort sur l’emploi…Nous devons prendre en compte la réalité éco-nomique actuelle : on ne peut pas produire les produits de demain avec des usines d’hier sans robots. Bien sûr, certaines activités professionnelles seront durement touchées. Mais il ne faut pas se limiter à comptabiliser la destruction d’emplois. Prenons l’exemple d’une usine automobile récemment construite au Japon : il y a plus d’ingénieurs qui ont travaillé à la conception de l’usine que de salariés qui travaillent dans l’usine. Les robots, ce sont aussi de nouveaux emplois, à plus forte valeur ajoutée.

Et quel impact pour l’homme ? Une société où davantage de travail est effectué par les robots, cela veut peut-être dire moins d’interactions sociales ?Il est vrai que l’identité de l’homme au XXème siècle est très liée au travail. L’homme se définit et se valorise aujourd’hui par son travail. C’est d’ailleurs pour cela que le chômage crée des situations de détresse.

Avec la robotisation du travail, on va pouvoir s’affranchir de tâches répétitives et difficiles. Est-ce que cela veut dire que les gens qui les exécutent n’auront plus de valeur ? Non, l’un des enjeux de notre société est de générer de nouveaux référents sociaux. Il faudra arrêter de se définir par rapport à la valeur travail et trouver d’autres valeurs : par exemple donner de son temps, interagir avec les autres, embellir la vie. Les robots n’ont pas vocation à remplacer l’humain, mais à améliorer notre capacité à être humain…

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D’ICI 2020, PRÈS DE 50 % DES MÉTIERS SERAIENT AUTOMATISÉS, ET PRÈS DE 70 % D’ICI À LA FIN DU SIÈCLE*.

Les premières réactions par rapport à ces avalanches de nouvelles possibilités pourraient être incrédules, voire négatives. C’est oublier, d’une part, qu’il nous est difficile, en 2014, d’imaginer les métiers qui constitueront nos sociétés dans 30, 40 ou 50 ans, et, d’autre part, que les évolutions, pourvu qu’on sache bien les appréhender, peuvent aussi constituer des opportunités. L’intelligence artificielle, prochaine révolution ? « Une révolution déjà engagée, et offrant de réelles opportunités dans les métiers de services », rectifie Emmanuel Vignon, Chief Technical Officer d’Yseop**. Tentons d’y voir plus clair.

« Pour les services financiers, les applications sont multiples : écriture automatique de messages

marketing personnalisés, génération automa-tique de rapports financiers et d’analyses financières complexes, sans oublier la géné-ration de guides individuels d’entretiens - qui

permettent, grâce à une analyse automatique de la situation d’un client, de proposer en quelques

secondes au conseiller une grille de compré-hension individualisée de

chaque dossier (appétence identifiée à certains produits,

construction d’argumentaire de vente…) », commente Emmanuel Vignon.

En somme, les smart machines peuvent constituer un atout fantastique pour améliorer l’interaction, accélérer l’accès à l’information et sa sélection pertinente. Mais qu’on ne s’y trompe pas : il s’agit bien ici de collaboration efficiente entre l’homme et la machine. Plus que jamais, ce seront les compétences de l’homme, aidé par la machine, qui permettront d’intensifier la relation des institutions, y compris financières, avec leurs clients. « Parce que, conclut Emmanuel Vignon, la créativité humaine restera la valeur ajoutée de l’homme pour longtemps ».

SMART MACHINES : LA ROBOTISATION DANS LES SERVICES, C’EST… MAINTENANT ?3

Les smart machines, prochaine révolution des industries de services ?

L’homme avec la machine et non contre la machine

* Carl Benedikt Frey, Michael Osborne, The future of employment : how susceptible are jobs to computerization ?, University of Oxford, 2013 ; Kevin Kelly, “Better Than Human: Why Robots Will — And Must — Take Our Jobs”, Wired, décembre 2012.** Yseop est le premier moteur d’intelligence artificielle qui écrit et dialogue comme un humain. La société est présente en France, en Angleterre, aux Etats-Unis et en Amérique latine.

Revenons à la définition de l’intelligence artificielle. C’est, selon l’un de ses pionniers John McCarthy, la technologie qui permet de créer des machines intelligentes ; avec pour principe le fait que les aspects du langage et de la connaissance répondant à

un processus déterminé et descriptible sont simulables par une machine. En un mot, les smart machines dépossèdent l’Homme des tâches automatisables, tout en lui laissant (jusqu’à quand ?) l’apanage de ce qui constitue sa singularité profonde : l’intuition, l’émotion, la créativité.

L’introduction de l’automatisation dans nos sociétés n’est certes pas nouvelle. On a vu au XIXème siècle l’automatisation du secteur primaire, puis celle du secteur industriel. Pourquoi le secteur tertiaire n’est-il pas encore touché massivement par ce phénomène ? « Parce que

les industries de service demandent de maîtriser le langage », rappelle Emmanuel Vignon. Or, il est très compliqué de demander à une machine de comprendre et interpréter le langage humain. En témoignent les nombreux développements récents en termes de « natural language understanding » (ex : SIRI d’iPhone), dont les meilleurs systèmes sont capables d’analyser correctement 70 à 80 % des demandes. Des résultats honorables, certes, mais qui ne sauraient convenir aux industries de service où le traitement des interactions doit être sans défaut.

L’autre branche de « l’industrie du langage », la « natural language generation », est, elle, beaucoup plus avancée - et beaucoup plus prometteuse pour les industries de service. « Le natural language generation offre plein d’opportunités et cela marche, c’est en train d’exploser, avec la promesse, clé pour les industries de service, d’automatisation de l’expertise ! » s’enthousiasme Emmanuel Vignon.

Emmanuel Vignon

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DE L’INTERNET DES OBJETS AU CORPS CONNECTÉ4

Après l’internet fixe et l’internet mobile, l’ « internet des objets » est une nouvelle tendance lourde. Le marché des objets connectés devrait connaître une forte croissance dans les prochaines années.

Selon l’iDate, chacun d’entre nous possèdera en moyenne 10 objets connectés en 2022. « Il s’agit de la dernière vague de la révolution numérique : celle de l’internet des objets et du corps connecté », déclare Olivier Levard. La miniaturisation des capteurs, l’équipement croissant des utilisateurs en smartphones, l’extension des réseaux wifi et 4G et le besoin d’ « hyper-connectivité »des individus contribuent à l’émergence d’objets connectés capables de nous restituer des informations sur notre environnement et d’interagir à distance.

Ce nouvel eldorado numérique est riche d’opportunités pour les entrepreneurs. De nouvelles start-up, inconnues il y a encore 3 ans, se positionnent sur ce marché, inventent de nouveaux usages, imaginent des services et de nouveaux modèles économiques. C’est la nouvelle « nouvelle économie » après celle des NTIC de la fin des années 90. Et cette économie a déjà ses « stars ». De l’autre côté de l’Atlantique, la société Fitbit, spécialisée dans le « quantified self », est le leader des bracelets connectés. Nest, jeune société américaine tout juste rachetée par Google (pour 3,2 Mds de dollars ! ), connaît une croissance fulgurante grâce à ses thermostats et détecteurs de fumée pilotés par smartphone.

L’OFFRE D’OBJETS CONNECTÉS A VÉRITABLEMENT EXPLOSÉ CES DERNIERS MOIS. APRÈS LA TÉLÉVISION ET LA VOITURE CONNECTÉES, LE « TOUT CONNECTÉ » TOUCHE DÉSORMAIS LE MOINDRE DE NOS OBJETS DU QUOTIDIEN : MONTRE, LUNETTES, VALISE, PORTE-CLÉ, AMPOULE, PÈSE-PERSONNE, BROSSE À DENTS…, SANS COMPTER LES OBJETS DU « QUANTIFIED SELF », TELS QUE LES TRAQUEURS D’ACTIVITÉ PHYSIQUE, ANALYSEURS DE SOMMEIL, CAPTEURS POUR RAQUETTES DE TENNIS…

L’accélération de ce phénomène a de quoi dérouter. Certes, certains de ces objets, passé l’effet de surprise, finiront

par lasser et termineront leur vie au fond de nos placards, au rang des gadgets pour « geek ». D’autres en revanche

pourraient bien transformer nos habitudes de vie et les rapports à notre environnement.

Etat des lieux autour des interventions d’Olivier Levard, journaliste et entrepreneur, auteur de Nous sommes tous

des robots, et d’Alexis Normand, responsable du développement du département santé de Withings.

L’internet des objets, nouvelle économie

Olivier Levard

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La France n’est pas en reste sur ce marché. Withings commercialise déjà plusieurs produits : pèse-personne, montre connectée, traqueur d’activité, tensiomètre sans fil, analyseur de sommeil et depuis peu, un système de vidéo-surveillance HD. Parrot, connu pour ses systèmes de communication mains-libres pour voiture, se positionne aujourd’hui sur les drones grand public pilotés par smartphone, mais propose aussi un capteur d’ensoleillement et d’engrais pour les plantes ! La société Netatmo propose quant à elle une station météo qui mesure la qualité de l’air ainsi qu’un bracelet bijou qui surveille l’exposition aux UV. Enfin les jeunes pousses MyVaps et Smokio rendent déjà la cigarette électronique « has been » en proposant une cigarette connectée qui renseigne le fumeur sur son « équivalent cigarette classique ».

Le marché français des objets connectés devrait passer de 150 millions d’euros en 2013 à 500 mil-lions d’euros en 2016*, pour représenter 3 % des dépenses high-tech des Français, une part qui reste encore marginale. Trois grands domaines sont concernés : le transport et les objets liés à la mobilité, la domotique et ses « box » permettant de contrôler la sécurité de la maison, l’éclairage ou encore la gestion de l’énergie, et enfin la santé, avec les objets liés au sport et au bien-être.

Quelles sont clés de la réussite sur ce marché des objets connectés ? Selon Olivier Levard, il y a

trois conditions à réunir : « Tout d’abord, il faut un consensus sociétal sur l’usage de l’objet. Faire attention à son poids, suivre son activité, protéger sa maison sont des usages bien perçus. En revanche, avoir en permanence sur soi des lunettes capables de filmer n’importe quel individu à son insu pose forcément des problèmes de respect de la vie privée d’autrui… Deuxième condition, il faut que l’objet s’inscrive dans un standard afin de permettre son interopérabilité avec les devices mobiles et les plateformes logicielles du marché. Sur ce terrain, les géants du secteur Google, Apple et Android sont déjà engagés dans une bataille féroce. Enfin, dernière condition et non des moindres, il faut que l’objet… ait du style ».

Les objets connectés vont-ils remplacer le smartphone ?

Le smartphone est devenu en quelques années notre interface avec tout ce qui nous entoure : amis, travail, loisirs, finances, information, divertissement. Pourtant, avec la multiplication d’objets connectés,

certains n’hésitent pas à évoquer sa disparition programmée… Selon Suranga Nanayakkara, du MIT de Singapour, il serait plus logique d’utiliser des devices placés à d’autres endroits du corps. Alors, par quoi remplacer le smartphone ?Les « Google glass » sont souvent évoquées comme l’objet communiquant du futur. Ces lunettes

sont dotées d’un écran, d’un GPS, d’un micro et d’une caméra permettant la reconnaissance d’images. Le concept a de quoi séduire, mais l’objet n’améliore pas réellement l’expérience utilisateur. Qui souhaite réellement avoir constamment un écran devant les yeux ? La montre connectée, également multifonction, permet de consulter ses messages,

de s’orienter mais aussi de suivre son activité et son rythme cardiaque. C’est sans doute l’objet personnel le moins intrusif, le plus communément « accepté » par les consommateurs. Mais avec son petit écran, elle ne permet pas réellement de visualiser du contenu et encore moins d’écrire un texte. Elle reste aujourd’hui un simple accessoire

en complément de notre smartphone.Force est de constater que le compagnon « tout-en-un » capable de remplacer le

smartphone n’est pas encore né. Celui-ci risque au contraire de remplacer bientôt d’autres objets de notre quotidien : notre carte de crédit, nos clés et peut-être un jour notre carte

d’identité et notre carnet de santé…

600

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2016p

355

2015p

240

2014p

150

2013

Prévisions Xerfi/ Sources : Xerfi d’après GFK, l’Atelier BNP Paribas, Ifop, NPD, Strategy Analytics

TCAM 2016p-2013+49,4 %

Les ventes d’objets connectés pour la santé et la maison en valeur d’ici 2016Unités : million d’euros, taux de croissance annuel moyen

12* Etude Xerfi, février 2014.

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Suivre son poids, mesurer son activité, calculer les calories dépensées, surveiller son rythme cardiaque, sa tension, analyser la qualité de son sommeil… Les objets liés au « quantified-self » se multiplient. Ils permettent de collecter des informations sur l’activité des individus, de se fixer des objectifs et de partager toutes ces données avec ses proches ou avec des professionnels de santé.

Ces pratiques d’ « auto-mesure » et de prévention sont le prolongement assez naturel des comportements d’autodiagnostic et d’automédication amorcés il y quelques années avec les sites de santé en ligne et les forums de patients : l’individu veut être davantage acteur de sa santé, comprendre son corps, agir sur son bien-être, être conseillé par d’autres… pour éviter de solliciter le corps médical.Ce mouvement n’est pas près de s’arrêter. 57 % des Français accepteraient de rendre accessibles au corps médical leurs données personnelles sur leur activité physique*. « De la même manière qu’il nous est impensable aujourd’hui de conduire sans tableau de bord ou GPS, il nous sera impensable demain d’aller consulter le médecin sans apporter son propre tableau de bord de santé », déclare Alexis Normand de Withings.

Plus globalement, avec le vieillissement de la population, ses problématiques de maintien à domicile et l’explosion des maladies chroniques (maladies cardio-vasculaires, diabètes, cancers…), l’ensemble des objets et dispositifs médicaux connectés (glucomètres, brassards tensiomètres, piluliers électroniques…) apparaissent aujourd’hui comme des solutions d’accompagnement incontournables pour pallier les difficultés de notre système de soins et l’accroissement significatif des dépenses.

Tous ces objets apportent un gain indéniable sur la santé : davantage de prévention, un meilleur suivi médical et une meilleure observance du traitement par les patients. À long terme, ce sont potentiellement autant d’économies sur les médicaments et les parcours de soins. « Aux Etats-Unis, une étude a mesuré que chaque point d’indice de masse corporelle perdu chez les personnes obèses ou en surpoids représente une économie d’environ 200 dollars sur les dépenses annuelles de santé. En rapportant ce chiffre aux statistiques de perte de poids chez nos utilisateurs de balances connectées, nous estimons l’économie potentielle à 75 dollars par utilisateur de balance connectée », indique Alexis Normand.

Au-delà de l’usage individuel et de l’impact sur l’utilisateur, qui est encouragé à modifier son comportement pour améliorer sa santé, tous ces objets pourront potentiellement transformer les pratiques en matière de recherche médicale. En effet, la collecte anonyme et agrégée de données sur plusieurs utilisateurs, combinée à la connaissance de leur profil et de leurs pathologies, ouvre un large champ d’exploitation. On rejoindrait

alors des usages de type « big data ». Aujourd’hui, la recherche médicale implique un recueil long et couteux de données sur de larges échantillons de patients. Par ailleurs, certains domaines manquent encore de données épidémiologiques, de données de suivi des malades et de leur traitement en conditions réelles. « Ces objets connectés permettraient un monitoring automatisé à grande échelle sur des périodes longues. Nous pourrions également utiliser ces objets connectés comme des outils de veille sanitaire permettant de suivre en temps réel l’évolution d’une maladie ou d’un traitement », ajoute Alexis Normand.

Reste que ce type d’usage pose deux questions. La première concerne la fiabilité des données recueillies : comment s’assurer que les analyses ne sont pas faussées par des protocoles de mesure non respectés, des appareils défectueux ou encore des erreurs de lecture ? La seconde couvre le traitement statistique de toutes ces données : quelles méthodologies appliquer ? Avec quel niveau de pertinence dans l’interprétation des résultats ? Le passage de la théorie à la pratique risque encore de prendre quelques années.

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La m-santé et le développement du « quantified self »

Le véritable enjeu des objets connectés : l’usage de la donnéeLe marché des objets connectés n’est pas un simple business de vente de capteurs ou d’applications mobiles. La monétisation des données est au cœur des modèles économiques de tous ces nouveaux entrants. Qu’il s’agisse de votre localisation, de votre mode de transport, de votre niveau d’activité physique, de votre temps de présence à domicile ou au travail, ou encore de votre état de santé, toutes ces données personnelles peuvent désormais être mesurées et partagées, avec vos proches… ou avec d’autres. Ces nouveaux « capteurs de connaissance client » ouvrent un large champ de services dans tous les secteurs et pour tous les acteurs économiques.

La première exploitation économique, assez standard, c’est bien évidemment le ciblage marketing et la proposition d’offres en relation avec le profil de l’utilisateur. On est dans le cas standard d’achat de « fichiers clients ».

L’autre exploitation possible, c’est la vente de données agrégées et anonymes à des tiers. Les mesures liées au poids ou au sommeil peuvent intéresser les industries pharmaceutiques, voire les spécialistes de matelas. Les statistiques de temps de parcours domicile-travail ou le niveau d’activité physique sur un segment d’utilisateurs donné pourraient également intéresser des assureurs.

12 * Etude IFOP, décembre 2013.

Alexis Normand

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L’usage des objets connectés dans le domaine de la santé suscite plusieurs questions : les assureurs devront-ils à terme financer une partie de ces équipements ? Ont-ils intérêt à intégrer ces objets dans leurs prestations ? Si oui, seront-ils en mesure d’exploiter les données de leurs clients ? Pourront-ils alors segmenter leur risque et moduler leur tarif en fonction de ces informations ?

S’appuyant sur les bénéfices du monitoring, les concepteurs de bracelets connectés explorent de nouveaux services. Withings développe ainsi des offres à destination des employeurs et des assureurs. Côté employeurs, il s’agit de proposer des programmes de prévention au travail via la distribution de capteurs aux salariés et la mise en place de suivis personnalisés. Côté assureurs, il s’agit à ce stade de proposer aux clients des offres commerciales innovantes. Ainsi, Axa offre depuis mai dernier le capteur de mouvements de Withings pour toute souscription à sa complémentaire santé Modulango.

L’économie potentielle sur les frais de soins n’étant pas mesurée à ce stade, il est difficile de dire si les assureurs ont un réel intérêt économique à financer ce genre de dispositif en dehors d’un parcours de soin ou d’un cadre thérapeutique bien défini. Il n’en reste pas moins que les futurs dispositifs médicaux connectés, prescrits par un médecin dans le cadre d’un traitement et donc remboursés par l’assurance maladie, finiront par être pris en charge par l’assureur. Si de tels usages venaient à s’amplifier, un modèle basé sur la location de matériel par des réseaux d’opérateurs intermédiaires pourrait émerger, supervisé par les professionnels de santé voire les assureurs.

Quant à l’exploitation des données produites par ces appareils, certains évoquent déjà la capacité qu’auront les assureurs à moduler les tarifs selon l’activité physique du client. Après le « pay as you drive » dans le domaine de l’assurance automobile, de nouvelles offres « pay less if you walk » verraient le jour, pour les clients qui accepteraient de prouver, données à l’appui, leur comportement à faible risque. Au-delà des contraintes techniques (volume des données à traiter dans le temps) et réglementaires (utilisation des données de santé), cette individualisation du risque pourrait à terme mettre à mal le principe de solidarité dans la prise en charge des dépenses de santé et ainsi remettre en cause le principe d’égalité d’accès aux soins.

« Les pratiques de quantification dans le domaine de la santé favorisent la micro-gestion individuelle de la santé au détriment d’une appréhension plus collective. Elles font des individus des entrepreneurs d’eux-mêmes responsables de leur bon ou mauvais comportement de santé, et peuvent distraire l’attention des causes environnementales ou socioéconomiques des problèmes de santé publique » explique Antoinette Rouvroy, Chercheur en philosophie du droit, membre du Comité de la Prospective de la CNIL*.

À ce jour, il n’existe pas de réglementation spécifique pour tous ces objets liés au « quantified self ». Mais nul doute que des restrictions d’usage seront posées à moyen terme, préservant ainsi l’équilibre entre sécurité des données et développement de nouveaux services.

L’offensive d’Apple sur la santé connectée : vers un dossier médical… sur iPhone

Avec la sortie de l’iOS8 et de l’Apple Watch, Apple rattrape son retard sur la santé connectée. L’iPhone intègre désormais en standard une application « Santé »

sécurisée par code ou empreinte digitale. Cette application n’est ni plus ni moins qu’un carnet de santé digital, permettant de stocker ses

données médicales (groupe sanguin, allergies, pathologies…) et capable d’intégrer l’ensemble des statistiques des objets connectés alentour : montre, traqueur d’activité, tensiomètre, capteur de pouls,

glucomètre... L’utilisateur pourra ainsi mettre à jour son dossier au fil de l’eau et le partager avec les professionnels de santé. Aux États-Unis, Apple

a déjà conclu un partenariat avec des hôpitaux américains pour leur donner la possibilité d’effectuer le suivi des patients et de leurs statistiques. Peut-être en France

une convergence possible avec le Dossier Médical Personnel lancé en 2011 et qui peine à se développer.

Quelles perspectives pour les assureurs santé… et leurs assurés « connectés » ?

* CNIL, cahier Innovation et Prospective, mai 2014.

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MORCEAUX CHOISIS : L’HOMME ET LA MACHINE DANS LES SERVICES FINANCIERSLors de notre université d’été, nous avons eu le plaisir et l’honneur d’accueillir trois grands témoins de grands établissements bancaires et assurantiels français pour débattre avec nous du sujet de « l’Homme et la machine » dans le secteur des services financiers. Nous les remercions ici chaleureusement pour leur présence et le partage de leurs convictions. Nous en restituons ici quelques morceaux choisis.

Michel Mathieu, DG Délégué, Crédit Agricole SA

L’Homme au centre de la banque de demain« Le principal enjeu de la digitalisation et de la réorganisation de la banque de détail, ce n’est pas la technologie en tant que tel, qui est disponible et que nous savons utiliser, c’est la compétence du conseiller et la capacité à organiser le mariage entre l’homme et la machine ». […]

« C’est la compétence de l’homme qui fera durablement la différence, rien d’autre. Il va également falloir revoir l’organisation de la banque pour passer d’une organisation hiérarchisée à une

organisation fluidifiée, valorisant l’autonomie et le savoir-faire de tous les acteurs ». […]

« Le vrai défi, finalement, est simple mais immense : adapter nos organisations, adapter nos pratiques managériales et surtout miser sur la formation de nos collaborateurs ».

Michel Gougnard, DG, Covéa AIS

La révolution digitale dans la gestion des sinistres« La révolution digitale que nous connaissons actuellement dans nos métiers d’indemnisation et d’assistance est équivalente à celle que nous avons connue dans les années 80 avec l’arrivée du téléphone. Le comportement « hyper-connecté » de nos assurés, l’arrivée de nouvelles technologies embarquées, la transformation de nos prestataires : tous ces moteurs sont de nature à modifier profondément la nature de nos activités et de nos services. Aujourd’hui, nous n’en avons pas encore perçu tous les effets. Moins de 1 % de nos déclarations sont réalisées sur internet ». […]

« Un sinistre bien géré, c’est une mise en confiance de l’assuré et une opportunité unique de capter de la donnée. Bien utilisées, ces données ont une valeur inestimable pour le multi-équipement de nos clients, la prévention et la surveillance du portefeuille ».

François Nédey, Directeur Technique Assurances Biens et Responsabilité, Allianz France

De l’utilisation de données statiques à l’exploitation de données dynamiques« La donnée est au cœur de nos métiers, et en premier lieu dans la tarification et la sélection des risques. Un large champ d’investigation s’ouvre, avec l’accès à des données « dynamiques » issues de nouvelles sources : habitudes de consommation, comportement de conduite, taux d’occupation des locaux... Il ne s’agit plus de segmenter des risques techniques et de projeter des tendances mais d’analyser le risque de chaque individu et de détecter des « signaux faibles ».

Nous allons vers un changement profond de nos méthodes d’analyse actuarielle ». […]

« Une grande partie de notre vie se déroule désormais dans le monde digital… ou a une image dans le monde digital. Si un assureur pouvait capter ces informations, nul doute qu’il serait notre meilleur

assureur. Il serait en capacité de nous proposer la meilleure formule, au meilleur tarif, au meilleur moment ! Mais l’individualisation signifie potentiellement la fin de la mutualisation, et donc de la solidarité instituée de fait par

l’assurance. La société voudra-t-elle de cela ? ». […]

« Le big data n’est pas sans impact sur l’homme et la société. A la fin du XIXème siècle, Nietzsche affirmait que la faculté d’oublier était nécessaire à la vie, que l’oubli permettait de se libérer du passé, d’agir et de se projeter dans l’avenir. Comment notre société réagira-t-elle à cette « hypermnésie digitale » ? C’est un enjeu sociétal majeur pour les générations qui nous suivent ».

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