N°27 - décembre 2013 Congrès ERS 2013 Editorial · asynchronies en VNI (Ventilation Non...

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Dans une session plénière, A. Carlucci a fait le point sur les données récentes publiées sur ce thème. Tout d’abord, elle rappelle qu’une ventilation de bonne qualité nécessite une entente entre le patient et le respirateur. En fait, si en ventilation spontanée, tout le travail respiratoire est assuré par la pompe musculaire, lorsqu’on applique une assistance ventilatoire, une deuxième pompe vient Congrès ERS 2013 23 ème Congrès de l’European Respiratory Society, à Barcelone : comme les années précédentes, nous étions nombreux à partager les temps forts de la pneumologie européenne, tant en termes de communications que de posters et d’échanges. L’ANTADIR, dans le cadre de sa mission de recherche et fidèle à ses engagements, a permis à un groupe de médecins de participer activement à ce congrès. Nous vous proposons dans ce numéro les résumés des interventions marquantes concernant les questions relatives : • à la ventilation non invasive : les asynchronies, les indications de la VNI et la VNI à haute-intensité (pour/ contre). • aux atteintes cardio-vasculaires et métaboliques associées au syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), ainsi que le problème de la conduite automobile chez le patient SAOS. • à des mises au point sur le déficit en alpha-1 antitrypsine, la place de l’écho-endoscopie et l’activité physique au cours de la BPCO. Nous tenons à remercier l’ensemble des médecins qui ont contribué à la rédaction de ce numéro, Marjolaine GEORGES, Fanny MAGNE, Julie PERRIN, Catherine THIL, Maeva ZYSMAN et Claudio RABEC pour leurs expertises valorisant particulièrement ce numéro d’INSPIRER avec des articles didactiques, bien référencés. Bonne lecture et rendez-vous en septembre prochain, à Munich. Pr Boris MELLONI Président de la CMTS ANTADIR N°27 - décembre 2013 Editorial Asynchronies en ventilation non invasive Sommaire PARTIE 1 ...............................................p.1 La VNI : nouvelles questions autour de la prescription - Asynchronies en ventilation non invasive.........p.1 - Le revers de la médaille ou dans quels cas ne pas utiliser la VNI ............................ p.5 - Pour ou contre la ventilation non invasive à haute intensité dans la BPCO sévère à l’état stable ? Faîtes vos jeux, rien ne va plus …...................... p.7 - Quoi de neuf en VNI ? Petite balade dans les salles et les couloirs où l’on parle .....p.12 PARTIE 2 ............................................ p.14 SAOS : que doit-on évaluer aujourd’hui ? - Syndrome d’apnées du sommeil et atteinte systémique ...........................................p.14 - Feu rouge pour les patients avec un syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil nouvellement diagnostiqué.............................................................p.16 PARTIE 3 ............................................ p.19 Pathologies respiratoires chroniques : quelques nouveautés en 2013 - Le déficit en alpha 1 antitrypsine.......................p.19 - Nouvelles frontières pour l’écho-endoscopie ................................................. p.20 - L’activité physique et la broncho- pneumopathie chronique obstructive ............ p.21 Partie 1 La VNI : nouvelles questions autour de la prescription Au cours de ce congrès, le sujet des asynchronies en VNI (Ventilation Non Invasive) a été largement abordé. Dr Claudio Rabec, Service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires - CHU Dijon • D’après la session : Monitoring patient-ventilator interaction during home ventilation (A. Carlucci, Pavia) • Et les communications : - Effects of patient ventilator asynchrony on gas exchange, respiratory muscle load, patient comfort and adherence to non-invasive ventilation (M. Ramsay et al, Londres) - Changes in patient ventilator asynchrony with 3 months home mechanical ventilation (HMV) therapy (M. Ramsay et al, Londres)

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Dans une session plénière, A. Carlucci a fait le point sur les données récentes publiées sur ce thème.

Tout d’abord, elle rappelle qu’une ventilation de bonne qualité nécessite une entente entre le patient et le respirateur. En fait, si en ventilation spontanée, tout le travail respiratoire est assuré par la pompe musculaire, lorsqu’on applique une assistance ventilatoire, une deuxième pompe vient

Congrès ERS 2013

23ème Congrès de l’European Respiratory Society, à Barcelone : comme les années précédentes, nous étions nombreux à partager les temps forts de la pneumologie européenne, tant en termes de communications que de posters et d’échanges.

L’ANTADIR, dans le cadre de sa mission de recherche et fidèle à ses engagements, a permis à un groupe de médecins de participer activement à ce congrès. Nous vous proposons dans ce numéro les résumés des interventions marquantes concernant les questions relatives :• à la ventilation non invasive : les asynchronies, les indications de la VNI et la VNI à haute-intensité (pour/contre).

• aux atteintes cardio-vasculaires et métaboliques associées au syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), ainsi que le problème de la conduite automobile chez le patient SAOS.

• à des mises au point sur le déficit en alpha-1 antitrypsine, la place de l’écho-endoscopie et l’activité physique au cours de la BPCO.

Nous tenons à remercier l’ensemble des médecins qui ont contribué à la rédaction de ce numéro, Marjolaine GEORGES, Fanny MAGNE, Julie PERRIN, Catherine THIL, Maeva ZYSMAN et Claudio RABEC pour leurs expertises valorisant particulièrement ce numéro d’INSPIRER avec des articles didactiques, bien référencés.

Bonne lecture et rendez-vous en septembre prochain, à Munich.

Pr Boris MELLONIPrésident de la CMTS ANTADIR

N°27 - décembre 2013

Editorial

Asynchronies en ventilation non invasive

Sommaire partie 1 ...............................................p.1

La VNi : nouvelles questionsautour de la prescription- Asynchronies en ventilation non invasive .........p.1- Le revers de la médaille ou dans quels cas ne pas utiliser la VNI ............................ p.5

- Pour ou contre la ventilation non invasive à haute intensité dans la BPCO sévère à l’état stable ? Faîtes vos jeux, rien ne va plus … ...................... p.7

- Quoi de neuf en VNI ? Petite balade dans les salles et les couloirs où l’on parle .....p.12

partie 2 ............................................p.14

SaOS : que doit-on évaluer aujourd’hui ?- Syndrome d’apnées du sommeil et atteinte systémique ...........................................p.14

- Feu rouge pour les patients avec un syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil nouvellement diagnostiqué .............................................................p.16

partie 3 ............................................p.19

pathologies respiratoires chroniques : quelques nouveautés en 2013- Le déficit en alpha 1 antitrypsine .......................p.19- Nouvelles frontières pour l’écho-endoscopie .................................................p.20

- L’activité physique et la broncho- pneumopathie chronique obstructive ............ p.21

Partie 1La VNI : nouvelles questions

autour de la prescription

Au cours de ce congrès, le sujet des asynchronies en VNI (Ventilation Non Invasive) a été largement abordé.

Dr Claudio Rabec, Service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires - CHU Dijon

• D’après la session : Monitoring patient-ventilator interaction during home ventilation (A. Carlucci, Pavia)

• Et les communications : - Effects of patient ventilator asynchrony on gas exchange, respiratory muscle load, patient comfort and adherence to non-invasive ventilation (M. Ramsay et al, Londres) - Changes in patient ventilator asynchrony with 3 months home mechanical ventilation (HMV) therapy (M. Ramsay et al, Londres)

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Figure 1 Différents types d’asynchronisme (thille et al) [4]

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l’effort inspiratoire du patient et le déclenchement du ventilateur (par exemple, effort inspiratoire inefficace, double déclenchement ou auto-déclenchement), ou pendant le passage de l’inspiration à l’expiration, quand le cyclage du ventilateur ne coïncide pas avec la fin de l’effort du patient (par exemple, cyclage prématuré ou retardé) [4] (Figure1).

s’ajouter afin d’apporter une suppléance ventilatoire à un diaphragme faible ou fatigué. Dans ce cadre, le ventilateur est censé assurer une assistance proportionnelle aux besoins du patient sans limiter l’expression de son activité respiratoire. Ces deux pompes doivent fonctionner en harmonie mais, dans la réalité, elles peuvent interagir de plusieurs façons dont certaines créeront des problèmes plutôt qu’elles ne les résoudront. Une bonne interaction patient-ventilateur est alors un élément clé. L’asynchronie est, dans ce cadre, une rupture de cet équilibre. A. Carlucci définit une asynchronie comme un désaccord entre un cycle « neural » (patient) et celui mécanique (ventilateur). Les asynchronies sont un fait fréquent chez les patients ventilés en réanimation à l’aide d’un système étanche. Or, à la différence de la ventilation invasive, la VNI présente deux caractéristiques uniques : le caractère non étanche du système et l’existence d’une résistance variable (type Starling), représentée par la voie aérienne supérieure. De ce fait, l’ensemble respirateur-poumon ne peut pas être considéré comme un modèle à un seul compartiment, ce qui favorise encore l’apparition d’asynchronismes. Ces asynchronies sont donc fréquentes en VNI. Selon les différentes situations cliniques (VNI appliquée en aigu ou en chronique) et les différentes étiologies, le pourcentage de patients ayant un nombre significatif d’asynchronies peut aller de 25 à plus de 50% [1-3]. Néanmoins, d’après une

communication présentée lors de ce congrès par une équipe londonienne, ces asynchronies ne paraissent pas être influencées par l’ancienneté de la ventilation ni par l’observance thérapeutique (Ramsay et al).

Ces asynchronies peuvent survenir à deux niveaux : pendant le déclenchement inspiratoire, comme conséquence d’un désaccord entre

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Brompton Hospital (Londres) remet en question ces affirmations. Dans leur étude portant sur 20 patients insuffisants respiratoires chroniques à l’état stable et dont le premier auteur est M. Ramsay, ils ont évalué les conséquences des asynchronies sur le travail respiratoire, les échanges gazeux, la tolérance à la VNI et l’observance thérapeutique. En utilisant le signal d’EMG parasternal comme marqueur de l’activité neurale ventilatoire, ils rapportent une corrélation directe et significative entre le taux d’asynchronies et le travail ventilatoire développé par le malade. Néanmoins, à la différence d’autres études, aucune corrélation n’a été trouvée ni avec les résultats des échanges gazeux estimés par SaO2 et PtcCO2, ni avec l’observance thérapeutique, ni avec le confort ressenti par le patient. De ce fait, les auteurs émettent des doutes sur l’intérêt clinique de détecter et traiter ces asynchronies.

Quoi qu’il en soit, et jusqu’à la publication de données plus robustes, il semble important de monitorer l’interaction patient ventilateur, afin de détecter et ensuite corriger les asynchronies. Les examens simplifiés utilisés classiquement pour évaluer la qualité de la VNI sont peu sensibles pour détecter la présence de ces événements. En effet, autant les gaz du sang, que la SaO2 nocturne et la PtcCO2 ne permettent qu’une évaluation globale de la qualité de la ventilation et donc ne sont pas aptes pour apprécier en détail l’interaction patient-ventilateur.

Des systèmes de monitorage sophistiqués, couplés à des respirateurs portables, ont été développés ces dernières années par différents constructeurs. Ces systèmes permettent en général d’évaluer les tendances de différents paramètres sur une nuit. Outre cela, l’intérêt de quelques-uns de ces systèmes est qu’ils permettent également d’afficher les données brutes qui peuvent être ensuite analysées à l’aide d’un logiciel adapté, permettant ainsi une véritable polygraphie sous

Les asynchronismes en phase de déclenchement inspiratoire sont un fait commun pendant le sommeil des patients sous VNI et peuvent compromettre l’efficacité de la ventilation et la qualité du sommeil [5]. La survenue de ces asynchronismes est principalement influencée par le délai de réponse du ventilateur à l’effort du patient, qui peut varier suivant les différents ventilateurs [6], par la sensibilité du trigger et par le niveau d’effort inspiratoire du patient (qui dépend lui-même de la commande respiratoire et de la force musculaire).

A. Carlucci fait ensuite le point sur d’autres facteurs favorisant l’apparition d’asynchronies en VNI. Elle souligne que les fuites en sont la cause principale. Elles peuvent affecter le

déclenchement du ventilateur et le cyclage, mais aussi induire une fragmentation du sommeil. Des fuites peuvent grandement affecter le déclenchement, soit en empêchant la détection de l’effort inspiratoire du patient (conduisant à un effort inspiratoire inefficace) soit, au contraire, en simulant un débit inspiratoire (quand on utilise un trigger en débit) ou en abaissant le niveau de la PEP en dessous du seuil de déclenchement (quand on utilise un trigger en pression), ces deux situations pouvant conduire à un auto-déclenchement. En outre, quand le cyclage par débit est utilisé, des fuites peuvent aussi retarder le passage à l’expiration parce que, dans le but de maintenir la pression, le débit est maintenu au dessus du niveau auquel le passage à l’expiration survient. De là découle l’intérêt de régler une durée d’inspiration maximale afin de limiter les conséquences des fuites. D’autres éléments favorisant les asynchronismes sont un niveau élevé de pression inspiratoire (en particulier chez les patients obstructifs) et la présence d’une autoPEP (Figure 2). Enfin, les performances du respirateur en termes de détection et réponse à l’effort inspiratoire du patient, le mode ventilatoire choisi, le type de paramétrage et même le type de masque (un masque avec plus d’espace mort risque d’interférer avec la détection par le respirateur de l’effort du patient) peuvent tous influencer la survenue d’asynchronismes.

Pour A. Carlucci, les conséquences de ces asynchronies sont loin d’être banales. Outre les effets nuisibles sur la qualité de la ventilation déjà cités, des études montrent qu’elles s’associent, en situation aiguë à une prolongation de la durée de la ventilation mécanique et à un taux plus élevé de trachéotomies [4]

et, en ventilation au long cours, à une moindre tolérance à la VNI et à une moindre qualité du sommeil [1, 3, 7]. Néanmoins, dans une communication présentée dans ce congrès, l’équipe du

Figure 2 Niveau daide inspiratoire

et prévalence d’efforts inefficaces (thille et al) [4]

<10%

5

10

15

20

≥10%

Pres

sure

sup

port

(cm

H2O

)

Ineffective triggering

*

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ventilation, avec une lecture en différé. Parmi ces données, les courbes de débit et pression issues du respirateur peuvent permettre une évaluation plus ou moins pointue des interactions patient-ventilateur. Bien que ces systèmes aient eu un essor considérable au cours de ces dernières années, deux facteurs limitants vont à l’encontre de son utilité clinique. Le premier concerne la fiabilité des paramètres estimés, d’où la nécessité d’une validation par des études cliniques et/ou expérimentales. Le deuxième facteur réside dans le fait qu’à l’heure actuelle, aucun de ces systèmes ne permet d’incorporer des signaux pouvant témoigner de l’effort du patient (au minimum des mouvements respiratoires mesurés par des sangles thoraco-abdominales), qui restent un élément clé pour estimer l’interaction patient-ventilateur.

De ce fait, la polygraphie ventilatoire reste à ce jour le « gold standard » pour évaluer l’interaction patient-ventilateur. D’après l’avis des experts [8] pour être exploitable, le montage polygraphique de base doit comporter au moins 5 signaux :

• débit par pneumotachographe incorporé dans le circuit,

• pression au masque, • mouvements thoraciques et

abdominaux, • SaO2.

Bibliographie1. Carlucci A, Pisani L, Ceriana P,

Malovini A, Nava S. Patient-ventilator asynchronies: may the respiratory mechanics play a role? Crit Care;17(2):R54.

2. Guo YF, Sforza E, Janssens JP. Respiratory patterns during sleep in obesity-hypoventilation patients treated with nocturnal pressure support: a preliminary report. Chest 2007;131(4):1090-9.

3. Vignaux L, Vargas F, Roeseler J, et al. Patient-ventilator asynchrony during non-invasive ventilation for acute respiratory failure: a multicenter study. Intensive Care Med 2009;35(5):840-6.

4. Thille AW, Rodriguez P, Cabello B, Lellouche F, Brochard L. Patient-ventilator asynchrony during assisted mechanical ventilation. Intensive Care Med 2006;32(10):1515-22.

5. Rabec C, Rodenstein D, Leger P, Rouault S, Perrin C, Gonzalez-Bermejo J. Ventilator modes and settings during non-invasive ventilation: effects on respiratory events and implications for their identification. Thorax;66(2):170-8.

6. Aslanian P, El Atrous S, Isabey D, et al. Effects of flow triggering on breathing effort during partial ventilatory support. Am J Respir Crit Care Med 1998;157(1):135-43.

7. Fanfulla F, Taurino AE, Lupo NDA, Trentin R, D’Ambrosio C, Nava S. Effect of sleep on patient/ventilator asynchrony in patients undergoing chronic non-invasive mechanical ventilation. Respiratory Medicine 2007;101(8):1702-7.

8. Gonzalez-Bermejo J, Perrin C, Janssens JP, et al. Proposal for a systematic analysis of polygraphy or polysomnography for identifying and scoring abnormal events occurring during non invasive ventilation. Thorax 2012;67:546-52.

D’autres signaux pourront être incorporés tels que : qualité du sommeil (EEG, EMG, EOG), EMG phrénique, mesure des fuites, pression oesophagienne, effort inspiratoire, capnographie.

Néanmoins, ce type d’évaluation nécessite la reconnaissance d’une sémiologie peu connue à ce jour et, de même, du temps pour une analyse fine de l’ensemble des signaux.

En résumé : • Les asynchronies peuvent pénaliser la

qualité de la ventilation non seulement en limitant son efficacité mais aussi, pour certains auteurs, en altérant la qualité du sommeil et la tolérance à la méthode. De la sorte, l’évaluation des interactions patient-ventilateur reste un élément important à l’heure de monitorer la ventilation.

• Les sources les plus fréquentes des asynchronismes, telles que les fuites, un paramétrage inadapté ou une interface inadéquate, doivent être systématiquement prises en compte à l’heure d’essayer d’optimiser l’interaction patient-ventilateur.

• Les enregistrements obtenus des respirateurs modernes peuvent aider à identifier certaines asynchronies, mais ils ont des limites. La polygraphie reste l’étalon « or » pour son évaluation.

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Le revers de la médaille ou dans quels cas ne pas utiliser la VNI

Dr Fanny Magne, Service de Pneumologie – CHU Nancy

Les raisons du mésusage de la VNI chez les insuffisants respiratoires en décompensation

Dans son exposé, M. W. Elliott (Leeds, United Kingdom) a mis en avant le fait qu’il n’existe pas de contre-indication formelle à la VNI chez les insuffisants respiratoires en décompensation. Son mésusage semble davantage lié à des questions organisationnelles qu’à la sélection des patients susceptibles de bénéficier d’un traitement par VNI. Il est fondamental de réunir toutes les conditions nécessaires à la réussite de la mise en place d’une VNI puisqu’un retard à l’instauration de la ventilation mécanique en cas d’échec de la VNI augmente le risque de mortalité (Wood et al [1], Esteban et al [2]).

Ainsi, la VNI doit être pratiquée dans des unités spécialisées : nécessité d’une équipe compétente avec évaluation régulière des résultats obtenus. Les échecs peuvent être précoces : ils sont principalement liés au long délai d’instauration de la VNI, à une mauvaise tolérance du patient (nécessité d’une bonne compliance du patient non sédaté) et à la délivrance d’oxygénothérapie à haut débit en milieu hospitalier. Plusieurs facteurs prédictifs d’échecs de la VNI ont été mis en évidence notamment pour les exacerbations de Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO) (Moretti et al [3]) : ADL (Activity of Daily Living) scores bas, pH acide et nombreuses comorbidités à l’admission. Chez les patients BPCO, la VNI doit être instaurée si le pH est < 7,35 sans limite

La place de la VNI dans l’insuffisance respiratoire aiguë non hypercapnique

La place de la VNI dans l’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) non hypercapnique reste encore à préciser, comme l’a souligné P. Pelosi (Genova, Italie). Elle est indiquée dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) si le rapport PaO2/FiO2 est compris entre 200 mmHg et 300 mmHg (Rana et al [1]), mais une surveillance rapprochée de son efficacité est nécessaire (arrêt si, entre la première et la sixième heure, la PaO2/FiO2 <175 mmHg).

La VNI est indiquée en prévention des IRA après extubation des patients à haut risque (Nava et al [2]) mais dans le

de sévérité d’acidose. Elle n’est pas recommandée si le pH est ≥ 7,35 et ce indépendamment de l’importance de l’hypercapnie. Dans ce cas, seule une oxygénothérapie est préconisée avec comme objectif une saturation transcutanée en oxygène entre 88 % et 92 %. Pour les patients atteints de pathologies neuromusculaires, les indications de VNI sont connues : PaCO2 > 45 mmHg et normocapnie si elle est associée à une tachypnée ou une capacité vitale < 50 %. Pour les patients atteints de SOH, les indications de VNI sont comparables à celles des patients BPCO.

1. Wood. KA et al., Chest 1998. 2. Esteban. A et al., NEJM 2004. 3. Moretti. M et al., Thorax 2000.

Le but de cette session était de discuter des limites du recours à la Ventilation Non Invasive (VNI) en cas d’insuffisance respiratoire aiguë ou chronique.

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cas des IRA post opératoires, il existe peu de données. Des études sont nécessaires pour évaluer l’intérêt de la VNI ou de la CPAP en prévention ou en traitement des IRA et pour préciser les risques de complications chirurgicales. Pour l’orateur, le développement de l’échographie en réanimation permettant une évaluation à la fois pulmonaire (contusions/atélectasies du parenchyme, épanchement pleural liquidien ou gazeux), cardiaque et de la volémie est une technique prometteuse (Pelosi et al [3]).

1. Rana R et al., Crit Care Med 2006. 2. Nava S et al., Crit Care Med 2005. 3. Pelosi P et al., Anesthesiology 2012.

Arrêtons de jouer avec les masques : limites et contre-indications de la VNI à domicile en pédiatrie

C. Wallis, pneumo-pédiatre au Great Omond Street Hospital de Londres, a présenté les limites de la VNI au long cours à domicile, en pédiatrie, en s’appuyant sur sa pratique clinique (Wallis et al [1]). Les sources d’échecs peuvent tout d’abord être d’ordre technique : faible variété d’interfaces disponibles, nécessité de modifications fréquentes et personnalisées au rythme de la croissance de l’enfant, manque de performances des respirateurs notamment en termes de sensibilité du trigger inspiratoire et en particulier pour les enfants pesant moins

de 10 kg. Ces difficultés sont cependant progressivement palliées grâce au développement de nouvelles générations de respirateurs (matériaux, algorithmes). Les échecs peuvent également être d’ordre clinique : mauvaise tolérance de l’interface, lésions cutanées aux points de pression, malformation maxillo-faciale. La plus fréquente de ces malformations est la dysmorphose à type de rétro maxillie (Image 1). Une prise en charge multidisciplinaire, en collaboration avec des chirurgiens ORL spécialisés, permet de dépister et de traiter précocement ces enfants ; l’utilisation de masques à embouts narinaires est une alternative intéressante. Enfin, les échecs peuvent être d’ordre domestique, ce qui nécessite l’implication et l’éducation des parents (Carnevale et al [2]), l’adaptation de l’environnement, un suivi régulier par des prestataires compétents et, à l’avenir, un suivi rapproché par télémédecine.

1. Wallis C et al., Paediatr Respir Rev 2000.2. Carnevale FA et al., Pediatrics 2006.

VNI au long cours chez les patients insuffisants respiratoires chroniques : quand les bénéfices ne justifient pas les contraintes

Dans son exposé, P. Wijkstra (Groningen, the Netherlands) s’est intéressé au rapport bénéfices/

contraintes de l’utilisation au long cours de la VNI chez les patients atteints d’insuffisance respiratoire chronique hypercapnique. Pour les patients souffrant de sclérose latérale amyotrophique (SLA), une seule étude randomisée a suggéré que la VNI améliorait significativement la survie et permettait le maintien de la qualité de vie, mais seulement chez les patients atteints de la forme spinale (Bourke et al [1]). Par ailleurs, une étude observationnelle a montré que la trachéotomie améliorait la survie chez des patients souffrant de SLA, de forme spinale ou bulbaire ; cependant, la dimension qualité de vie n’a pas été étudiée.

Ainsi, tous les patients atteints de SLA devraient recevoir au plus tôt des informations sur la VNI et être informés des indications et conséquences de la trachéotomie. Pour les patients BPCO, même si les effets bénéfiques de la VNI au long cours existent (diminution des exacerbations et des hospitalisations, sans amélioration de la survie), son utilisation en routine en termes de qualité de vie, ses effets en fonction des différents phénotypes de BPCO et les mécanismes physiopathologiques de son efficacité doivent être étudiés.

1. Bourke S et al., Lancet 2006

image 1

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Pour ou contre la ventilation non invasive à haute intensité dans la BPCO sévère à l’état stable ? Faîtes vos jeux, rien ne va plus…

Dr Claudio Rabec et Marjolaine Georges - Service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires, CHU Dijon

A ce jour, aucune étude ne permet d’affirmer un bénéfice de la VNI (Ventilation Non Invasive) au long cours chez les patients présentant une BPCO (Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive). Cependant, il est à noter que dans l’étude Eurovent, la BPCO est l’étiologie retrouvée chez 38 % des patients ventilés à domicile [1]. De même, les données de l’observatoire ANTADIR [2] montrent qu’en France, la BPCO occupe, avec l’obésité hypoventilation, une part de plus en plus importante dans la population de malades ventilés au long cours (un tiers des patients BPCO sont sous VNI ± O2 au 31 décembre 2012).

Si les études les plus anciennes, non randomisées, montrent des effets physiologiques bénéfiques de la VNI à court terme, les essais randomisés contrôlés plus récents, comparant l’oxygénothérapie seule à l’oxygénothérapie associée à la VNI, ne mettent en évidence que des bénéfices limités de la VNI [3, 4, 5]. Dans le travail récent de McEvoy et al [6], il est à souligner que l’amélioration de la survie sous VNI est à peine significative (p = 0,045) par rapport à l’oxygénothérapie seule, au détriment de la qualité de vie.

L’absence de mise en évidence d’un bénéfice réel de la VNI chez les patients BPCO pourrait être liée aux réglages du ventilateur et notamment un niveau de l’IPAP ou de la fréquence

de ventiler ces patients avec de fortes pressions d’insufflation et des fréquences respiratoires élevées, cherchant ainsi à quasi normaliser la PaCO2.

Une session a été consacrée à discuter les enjeux de cette nouvelle approche. Dans un véritable « duel de titans », W. Windisch d’un côté et S. Nava de l’autre ont plaidé le pour et le contre de cette ventilation appelée « ventilation de haute intensité » (VNI-HI)

Pour la ventilation non invasive à haute intensité dans la BPCO

W. Windisch présente les différents travaux de son équipe, en faveur de la VNI à haute intensité.

de rattrapage trop basse. Ceci est l’hypothèse de l’école allemande, sous l’égide de W. Windisch : à la différence des résultats favorables observés dans d’autres pathologies, chez le patient BPCO la VNI ne marche pas, puisque l’on n’arrive pas à normaliser la PCO2. D’après lui, ceci est d’autant plus logique, qu’à la différence d’autres types d’insuffisants respiratoires pour qui l’hypercapnie relève d’une diminution du volume courant, chez les BPCO, elle répond plutôt à une augmentation de l’espace mort physiologique. Puisque ces patients ventilent en général à de hauts volumes courants, l’utilisation de faibles niveaux d’insufflation n’apporterait pas grande chose sur le plan physiologique.

Sa proposition repose donc sur l’idée

D’après le symposium “Long-term home ventilation : towards the optimal target ” “High-intensity NIV in COPD : the Pro position” W. Windisch “High-intensity NIV in COPD : the Con position” S. Nava

8 inspirer n°27 - décembre 2013

Effets physiologiques de la VNI-HI

Une première étude, publiée en 2002 [7], montre chez 14 patients BPCO sévères (VEMS 970 ± 430 ml) une amélioration significative de la PaCO2 diurne en ventilation spontanée qui passe de 59 ± 8 mmHg à 46,0 ± 5 après 8 jours de ventilation, en utilisant une pression inspiratoire moyenne de 30 ± 4 cmH2O. Ces effets persistent, après 6 mois de ventilation.

Un deuxième travail [8] explore les mécanismes de l’amélioration des échanges gazeux diurnes. Une augmentation de la ventilation minute liée à une augmentation du volume courant à fréquence respiratoire constante est mise en évidence.

Un troisième essai, cette fois randomisé [9] montre une amélioration significative de la capnie nocturne mais pas de la capnie diurne, après six semaines de VNI-HI (IPAP moyenne : 28,6 ± 1,9 cmH2O) comparée à six semaines de VNI à basse pression (14,6 ± 0,8 cmH2O) selon un schéma en cross-over. Dans la même étude, on constate une tendance à

Malgré des fuites majorées, l’observance à la VNI-HI est meilleure (utilisation moyenne 11 ± 5 h/ nuit versus 8 ± 3 sous VNI avec réglage standard). La qualité du sommeil est également préservée sous VNI à haute intensité [14].

Effet de la VNI-HI sur la tolérance à l’effort

L’intensité de la dyspnée diminue (le score de Borg passe de 6 à 4), la distance parcourue augmente (de 209 à 252 m) et l’oxygénation est meilleure lorsque le test de marche est réalisé sous VNI-HI avec les mêmes réglages que la nuit à domicile, par rapport à un effort réalisé sous oxygène seul [15].

Effet de la VNI-HI sur le plan cardiovasculaire

Une étude physiologique menée par une équipe italienne [16], la seule étude sur cette modalité ventilatoire publiée par une équipe autre que celle de Windisch et al, a montré une diminution significative du débit cardiaque sur VNI-HI. Or ces malades souffrent souvent de comorbidités cardiaques et l’évolution de la maladie amène souvent à une défaillance cardiaque droite.

Les données d’un abstract présenté par l’équipe de Windisch [17] au cours de ce congrès suggèrent néanmoins un effet favorable sur la fonction cardiaque, comme le témoigne une diminution significative du taux de pro-BNP.

Contre la ventilation non invasive à haute intensité dans la BPCO

S. Nava plaide la position contre. Tout d’abord, il rappelle que selon les recommandations actuelles du groupe de travail GOLD mais aussi de par les résultats des méta-analyses récentes [18], les évidences ne sont pas suffisantes pour recommander l’utilisation systématique de la VNI dans la prise en charge de la BPCO sévère, à l’état stable.

Il souligne également que les

l’augmentation du VEMS (970 ± 460 ml sous VNI-HI versus 640 ± 110 ml sous VNI à basse pression, p = 0,08).

Effet de la VNI-HI sur la survie

Deux études rétrospectives publiées par la même équipe suggèrent une amélioration de la survie par rapport à des cohortes historiques : survie à 2 ans de 86 % [10] et à 5 ans de 58 % (IPAP 28 ± 5 cmH2O ; FR 21 ± 3 /min) [11].

Effet de la VNI-HI sur la qualité de vie, l’observance thérapeutique et le sommeil

Un score destiné à évaluer spécifiquement la qualité de vie des patients ventilés a été développé par la même équipe : questionnaire SRI (Severe Respiratoy Insufficiency Questionnaire) [12]. Une étude multicentrique portant sur 85 patients dont 27 patients BPCO montre que, quelle que soit l’origine de l’hypoventilation alvéolaire, la VNI améliore significativement la qualité de vie quand la pression inspiratoire est progressivement augmentée en hospitalisation jusqu’à obtenir le meilleur résultat gazométrique possible [13].

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différences entre la VNI conventionnelle et la VNI à haute intensité pratiquée par l’équipe de Windisch ne portent pas uniquement sur la pression inspiratoire. On notera qu’ils utilisent un mode VPAC dans le groupe VNI-HIV alors que dans le groupe contrôle, ils se servent d’un mode ST. En outre, en plus d’une pression inspiratoire plus élevée, ils règlent pour la VNI-HI une fréquence respiratoire de rattrapage bien plus élevée, pouvant atteindre 30/min [9].

S. Nava centre ensuite la controverse autour de trois axes.

La VNI-HI a-t-elle une plus grande efficacité physiopathologique ?

Dans cette partie de l’exposé, faisant appel à un fin raisonnement physiologique, S. Nava rappelle rapidement les mécanismes de l’hypercapnie dans la BPCO. Chez ces patients, à la différence des autres étiologies d’insuffisance respiratoire dans lesquelles le mécanisme d’hypercapnie relève d’une défaillance diaphragmatique (fatigue ou faiblesse), l’hypoventilation alvéolaire est surtout la conséquence d’une augmentation de l’espace mort physiologique du fait de la majoration des inégalités V/Q. Accessoirement, d’autres mécanismes peuvent être aussi incriminés : 1) une inefficacité mécanique relative liée à la distension thoracique et à l’augmentation de la résistance des voies aériennes supérieures et 2) une réduction de la commande ventilatoire. Dans ce contexte, comment soutenir l’hypothèse d’une amélioration par la mise en repos des muscles respiratoires par de fortes pressions d’insufflation, comme le suggère Windisch ? En outre, plusieurs études démontrent une adaptation mécanique positive du diaphragme dans la BPCO ce qui remet en question l’intérêt de reposer les muscles respiratoires par la VNI. L’étude de Levine [19], par exemple, met en évidence dans des biopsies diaphragmatiques de patients BPCO, des changements cellulaires reflétant une résistance augmentée à la fatigue, avec une

mort élevé, l’objectif thérapeutique est d’augmenter le volume courant afin que le volume puisse « surpasser » cet espace mort et « atteindre » les alvéoles. Néanmoins, dans une de ses études [9] W. Windisch souligne que l’effet moyen différentiel en termes de volume expiré obtenu par la VNI-HI par rapport à des pressions « conventionnelles » est d’à peine 96 ml alors que celui des fuites est de 226 ml. Cela signifie que si l’on obtient avec de fortes pressions d’insufflation un gain en volume inspiré de 325 ml, seulement 1/3 de ce volume se traduit par une augmentation effective de la ventilation. De la sorte, ces résultats restent difficiles à expliquer par le gain en ventilation relativement modeste constaté par les auteurs, surtout si l’on considère que ces patients ventilent à hauts volumes courants.

La VNI-HI peut elle avoir des effets délétères ?

S. Nava rappelle le risque de barotraumatisme lié à la ventilation. Il présente des microphotographies des échantillons d’autopsie effectuée chez une patiente dépendante d’une ventilation, dans le cadre d’une sclérose latérale amyotrophique avec des anomalies histologiques assez impressionnantes alors que l’IPAP était réglée à 14 cmH2O. On peut craindre le pire, dit-il, chez les BPCO dont le parenchyme pulmonaire est déjà bien altéré. Et ceci d’autant plus que l’équipe de Windisch propose une ventilation non seulement à des pressions mais aussi à des fréquences élevées qui réduisent le temps expiratoire et augmentent le risque d’hyperinflation.

S. Nava aborde ensuite une analyse détaillée des travaux de Lukácsovits [16] sur les conséquences hémodynamiques de la VNI-HI. La baisse de la PaCO2 et du travail respiratoire sous VNI à haute intensité a un coût : une chute significative du débit cardiaque de 28 % sous VNI à haute intensité par rapport à la ventilation spontanée alors qu’il ne chute que de 13 % sous VNI conventionnelle. On observe une réduction similaire de la

augmentation du pourcentage des fibres lentes de type 1. Par ailleurs, chez les BPCO sévères, il a été mis en évidence des modifications anatomiques qui aident à préserver la zone d’apposition du diaphragme, permettent un raccourcissement normal à volume courant [20]. Enfin, dans une étude physiologique, Vitacca [21] a montré chez 23 patients BPCO étudiés qu’une IPAP moyenne de 15 ± 3 cmH2O est suffisante pour obtenir le maximum de réduction de la charge mécanique diaphragmatique.

Faut-il réduire la PaCO2 chez le BPCO ?

La valeur pronostique de l’hypercapnie dans la BPCO à l’état stable n’est pas clairement établie. Dans une étude menée au sein de l’ANTADIR, chez des patients BPCO traités par oxygénothérapie au long cours, une PaCO2 basse est liée à une surmortalité [22] tandis que dans une autre étude, une mortalité similaire est observée dans un groupe de patients normocapniques (PaCO2 < 45 mmHg) et hypercapniques (PaCO2 > 45 mmHg) [23]. S. Nava souligne que même l’équipe de W. Windisch est arrivée à la même conclusion : une étude, publiée par son équipe en 2007, évaluant les facteurs pronostiques de survie dans la BPCO montre qu’un niveau de PaCO2 élevée n’est pas associé à un plus mauvais pronostic [24].Ces études laissent suggérer que le niveau de PaCO2, davantage qu’un critère de sévérité, est une réponse adaptative visant à protéger les muscles respiratoires de la fatigue.

En outre, même si l’on accepte que la PaCO2 doit être « la » cible de la VNI, à l’instar de W. Windisch, S. Nava souligne que les résultats, en termes d’amélioration, obtenus par son équipe ne diffèrent pas de ceux obtenus par l’équipe de Diaz en utilisant une IPAP moyenne plus basse 18 ± 2 cmH2O (– 8.2 mm Hg) [25] donc bien loin des « hyper » pressions utilisées par l’équipe allemande.

Finalement, pour W. Windisch, comme les BPCO développent une hypercapnie surtout parce qu’ils ventilent à espace

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capacité à délivrer l’oxygène qui peut atteindre les 250 ml d’oxygène par minute. Cette chute de l’apport d’O2 pourrait avoir des conséquences péjoratives, comme un déficit de perfusion des organes vitaux.

Enfin, S. Nava aborde la question de la tolérance à de si hauts niveaux de pression inspiratoire. Il signale les résultats partiels de l’essai randomisé UK HOT-HMV TRIAL [26], qui sont en contradiction avec les résultats de l’équipe allemande : réduction du temps total de sommeil sous VNI-HI (IPAP moyenne 26 ± 3 cmH2O) comparé au sommeil sous oxygénothérapie seule. En outre,

l’observance rapportée est nettement plus faible que celle indiquée par l’équipe de W.Windisch : l’utilisation n’est que de 3 ± 1.6 heures.

au terme de ce bel exercice de dissertation « à deux », on peut conclure que le dernier mot est loin d’être dit. Si les preuves dans la littérature ne sont pas suffisantes pour recommander cette technique, il est probablement certain que la ventilation doit être optimisée au cas par cas, sur la base de données physiologiques et d’un monitoring nocturne étroit, pour les patients BpCO.

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12 inspirer n°27 - décembre 2013

Un masque qui démasque des événements…

Le masque nasal (MN) et le masque facial (MF) peuvent être utilisés pour délivrer une PPC ou une VNI. Des études préliminaires chez des patients apnéiques montrent un index d’apnées-hypopnées (IAH) résiduel significativement supérieur avec un MF [1]. Cette question a ainsi suscité une étude prospective.

C. Abdulmalak et al (Dijon, France) ont étudié 54 patients (35 traités par pression positive autopilotée, 17 traités par double niveau de pression et 2 par pression auto-asservie) utilisant habituellement un MF et présentant des événements résiduels obstructifs, malgré un niveau élevé de PPC ou de PEP (en cas de VNI ou ventilation servo assistée). Les critères d’inclusion étaient : persistance sous ventilation d’évènements obstructifs malgré une pression ≥ 14 cmH2O en PPC ou > 10 cmH2O en VNI ou ventilation servo assistée. Deux polysomnographies ont été réalisées sous des réglages identiques, la première avec un MN, la seconde avec un MF.

L’IAH enregistré sous MF est significativement supérieur à celui enregistré sous MN (43 évènements par heure vs 8 évènements par heure sous MF (p<0,001)). Pour 81 % des patients, l’IAH est augmenté de plus de 20 évènements par heure sous MF. Les anomalies résiduelles sont majoritairement obstructives. Le sommeil est plus fragmenté sous MF que sous MN.

La pression nécessaire au bon contrôle des apnées résiduelles est également supérieure sous MF (18 cmH2O vs 14 cmH2O, p<0,001) alors que les fuites sont similaires.

Cette étude suggère que le MF est susceptible de dégrader la qualité de la ventilation en PPC comme en VNI. Ces résultats sont probablement liés au fait que le MF repousse vers l’arrière la langue ou la mâchoire inférieure. Le MN devrait donc être préféré au MF, en première intention.

Ca chauffe l’humidificateur…

L’utilisation d’un humidificateur chauffant chez les patients ventilés au long cours reste controversée : en théorie, il améliorerait la tolérance des patients à leur traitement et leur qualité de vie mais, en même temps, il représente un surcoût important… De plus, l’humidificateur serait même susceptible d’induire des asynchronismes patient-ventilateur ou d’augmenter le travail inspiratoire à cause du volume augmenté du circuit.

Mandal et al (Brompton Hospital, Londres) ont présenté deux posters validant l’utilisation d’humidificateurs chauffants sur les circuits de ventilation non-invasive. Dans la première étude, les auteurs ont randomisé 15 insuffisants respiratoires hypercapniques lors de l’initiation de la VNI, sans humidificateur ou avec un humidificateur chauffant (HC). Après chaque période de 3 semaines, une polysomnographie a été réalisée.

L’enregistrement comprenait une mesure de l’activité inspiratoire (EMG parasternal) et une capnographie transcutanée. Ils n’ont pas trouvé de différence en termes de capnie diurne sous VNI avec ou sans HC. L’activité électromyographie du muscle parasternal diminuait sous VNI mais de façon comparable, quelle que soit l’humidification. La pression inspiratoire délivrée dans le masque était la même dans les 2 groupes. Néanmoins, ils ont observé une amélioration significative d’un score de qualité de vie spécifique (SRI) uniquement chez les patients bénéficiant d’un HC (p<0,05).

Dans la deuxième étude, 12 patients sous VNI au long cours pour une BPCO ont été ventilés pendant 30 minutes avec ou sans HC. Dans cette étude, l’objectif était d’évaluer comparativement les aysnchronismes sous VNI chez les patients avec ou sans HC. Ils n’ont pas trouvé de différence significative dans le pourcentage d’asynchronismes entre les deux groupes.

Ces données confirment que l’HC n’a pas d’impact délétère sur l’efficacité de la VNI alors qu’il pourrait avoir des effets bénéfiques supplémentaires sur la qualité de vie. L’HC peut donc être utilisé en toute sécurité durant la VNI.

L’administration d’oxygène peut-elle diminuer la PCO2 ?

Il a été suggéré que l’oxygénothérapie à fort débit pourrait « rincer » l’espace mort

Quoi de neuf en VNI ? Petite balade dans les salles et les couloirs où l’on en parle

Dr Claudio Rabec - Service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires, CHU Dijon

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anatomique des voies aériennes supérieures. Ainsi certains patients comme les BPCO, hypercapniques puisque ventilant à espace mort élevé, pourraient tirer bénéfice de cette technique. Avec cette hypothèse, Moller et al (Munich) ont évalué par gamma caméra la clairance d’un radionucléide inhalé après administration de débits croissants d’O2 à l’aide d’un OptiflowTM chez 10 sujets sains. Ils confirment un effet « débit dépendant » de l’administration d’O2 sur la clairance du radionucléide (et donc de l’espace mort). Ceci ouvre des perspectives intéressantes sur une potentielle application thérapeutique de l’oxygénothérapie à haut débit chez les patients hypercapniques par espace mort élevé.

La VNI n’est pas un bon « anti-inflammatoire » pour la BPCO…

Un des critères actuellement acceptés pour la mise en route au long cours d’une VNI chez un BPCO sont les exacerbations répétées. Des études ont en effet montré une diminution du taux d’exacerbations chez ces patients traités par une VNI bien conduite [2]. Dans une étude prospective observationnelle présentée comme abstract dans ce congrès, Paone et al. (Rome) ont suivi l’évolution des différents marqueurs d’inflammation dans les expectorations (IL6, TNF alpha, IL10 entre autres) dans une cohorte de 68 BPCO ventilés au long cours, en comparaison avec un groupe témoin sans VNI. Les deux groupes étaient homogènes en termes d’âge, fonction respiratoire et gaz du sang. Bien qu’ils aient trouvé une diminution significative du nombre d’exacerbations à 2 ans, en faveur du groupe VNI, celle-ci n’a pas été accompagnée d’une différence en termes d’évolution des marqueurs d’inflammation. Ils concluent que, bien que la VNI paraisse diminuer le taux d’exacerbations, cet effet ne paraît pas être rattaché à une action quelconque sur la réponse inflammatoire.

Amplitude de l’onde de pouls et micro éveils respiratoires

Les événements anormaux survenant sous VNI peuvent être responsables d’une fragmentation du sommeil. L’évaluation de la qualité du sommeil nécessite une polysommographie (PSG), examen coûteux et lourd quant à l’analyse. Il est connu que les micro-éveils s’accompagnent de modifications du tonus sympathique qui ont comme conséquence des modifications de l’amplitude de l’onde de pouls. En partant de ce constat, Dan Adler et al. (Genève) se sont intéressés à la performance des variations de l’amplitude de l’onde de pouls comme marqueur de micro-éveils respiratoires. Dans une étude où ils ont analysé 27 PSG de patients avec SOH et sous VNI, ils ont trouvé qu’une diminution de l’onde de pouls ≥ 30 % a une sensibilité de presque 90 % pour la détection de micro-éveils en rapport avec un événement respiratoire. Ceci ouvre une perspective intéressante pour l’évaluation du retentissement des événements respiratoires sur la qualité du sommeil, par l’intermédiaire d’un outil simple et facilement disponible.

Cinétique de la PaCO2 et survie sous VNI

A ce jour, il n’est toujours pas clairement établi quelle est la valeur pronostique des modifications de la PaCO2 sous VNI au long cours.

T. Tsuboi et al (Kyoto, Japon) ont analysé la cinétique de la PaCO2 sur plusieurs années, chez 190 patients restrictifs ventilés au long cours. Ils ont classé les patients en 3 groupes selon que la PaCO2 ait une tendance descendante (Groupe 1), légèrement ascendante (Groupe 2) ou modérément ascendante (> 1.85 mm Hg/an, Groupe 3). Ses résultats laissent suggérer une valeur pronostique majeure de l’évolution des chiffres de PCO2 sous VNI : si la probabilité de poursuivre la VNI

est de 69 % à 10 ans dans le groupe 1, elle est de 39 % dans le groupe 2 et seulement de 12 % dans le groupe avec une augmentation modérée de la PaCO2. Ce travail est un des premiers à suggérer fortement qu’une amélioration de la PaCO2 au long cours (ou tout au moins une « non aggravation ») doit être un des objectifs princeps à cibler chez les patients sous VNI, du moins chez les patients restrictifs.

Tous les patients BPCO ne sont pas égaux devant la VNI…

La BPCO est une pathologie hétérogène qui peut s’exprimer par différents phénotypes avec un pronostic diffèrent. Dans une communication présentée dans ce congrès, Borel et al. (Grenoble) partent du postulat que la réponse à la VNI peut varier selon ces différents phénotypes. Pour évaluer ceci, ils ont mené une étude multicentrique portant sur 213 BPCO sous VNI au long cours qu’ils classent en deux groupes : BPCO « respiratoires » (obstruction sévère) et BPCO « systémiques » (obstruction modérée mais comorbidités importantes y compris haute incidence d’obésité). Le suivi médian global a été de 47 mois. Après ajustement de toutes les variables, ils concluent que les BPCO « respiratoires » ont une survie significativement plus courte et qu’une VNI utilisée correctement est associée à un meilleur pronostic seulement chez les patients du groupe « systémique ».

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14 inspirer n°27 - décembre 2013

Apnées du sommeil et stress oxydatif

Le stress oxydatif est un des principaux éléments participant à l’atteinte systémique du syndrome d’apnées du sommeil.

Il peut être mesuré par différents dosages, plasmatiques ou urinaires tels que les isoprostanes marquées (lipides peroxydés) par exemple. Celles-ci sont augmentées lorsque les désaturations nocturnes sont importantes (p = 0.002) et sont donc augmentées chez les patients ayant un SAOS. Elles sont corrélées à la sévérité de la maladie. Enfin, on peut les utiliser comme marqueur prédictif précoce du remodelage endothélial, selon Monneret et al [1].

Les anti-oxydants sont significativement diminués chez ces mêmes patients (p = 0.004), selon Faure et al [2].

Apnées du sommeil et athérosclérose

Hypertension artérielle

L’hypertension artérielle (HTA) touche 60 % des patients ayant un syndrome d’apnées du sommeil.

Les apnées du sommeil induisent des hypoxies intermittentes, responsables d’un stress hypoxique important et d’une stimulation des chémorécepteurs périphériques. Il en résulte une augmentation de l’endothéline 1, une augmentation de l’expression du récepteur de l’endothéline A et une sensibilité

accrue au calcium intracellulaire. De plus, le système sympathique est activé, entraînant une majoration de la production d’angiotensine II par le rein. Ces différents mécanismes induisent une majoration de la vasoconstriction, donc une majoration de la pression artérielle systémique, selon Foster GE et al [3]. L’équipe de Renaud Tamisier (Grenoble) a mesuré l’activité sympathique chez 38 patients apnéiques sans co-morbidités cardiovasculaires et montré qu’il existe une corrélation significative entre l’intensité de l’activité sympathique et les chiffres de pression artérielle dans cette population (R = 0.39 pour la PA systolique, R = 0.42 pour la PA diastolique, p<0.01).

Athérosclérose

Les patients avec un SAOS non traité présentent un risque plus important d’événements cardiovasculaires, fatals ou non, selon J.M. Marin [4].

En 2010, Gottlieb et al [5] ont démontré que les patients apnéiques avaient un risque ajusté de 65 % de présenter un accident cardiovasculaire. En 2011, une étude portant sur 2721 patients SAOS, suivis pendant 5 ans, a mis en évidence 95 événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque aiguë, AVC). Chez ces patients, le IAH (IAH par rapport à l’IAH de base dans la population) était plus important que chez les patients n’ayant pas présenté d’événements (5.86 vs 2.67, p = 0.01) (Chami et al [6]).

La physiopathologie est identique à celle de l’hypertension artérielle vue ci-dessus. En outre, la dysfonction endothéliale

augmente la thrombogénèse. La rigidité artérielle est plus importante, majorant la post-charge du ventricule gauche. Ces différentes et importantes modifications vasculaires sont évidemment associées à un risque accru d’événements coronariens, thrombotiques, de dysfonction ventriculaire gauche et d’arythmies (Dempsey et al [7]).

Apnées du sommeil et activité cérébrale

Les apnées du sommeil, de par l’hypoxie intermittente et les micro-éveils qu’elles induisent, sont responsables d’importants troubles de la mémoire. Canessa et al [8] ont montré, chez 17 patients ayant un SAOS sévère non traité, une altération des capacités cognitives, de la mémoire à court et long terme, des troubles des fonctions exécutives et de l’attention. Tous ces tests se sont normalisés après 3 mois de PPC.

Par ailleurs, les apnées favorisent le développement dans l’hippocampe des cellules microgliales aux caractéristiques morphologiques particulières, qui prédisposent aux maladies neurodégénératives (Sapin et al [9]). Plus généralement, les apnées du sommeil favorisent les ischémies microvasculaires, notamment au niveau de l’hippocampe, et stimulent la voie du cortisol, impliqué dans l’atrophie hippocampique. De plus l’obésité, fréquemment associée au SAOS, augmente le stress oxydatif cérébral, l’inflammation et les ischémies microvasculaires. Ces différents mécanismes inhibent la croissance hippocampique par inhibition de la voie

Syndrome d’apnées du sommeil et atteinte systémique

Dr Catherine Thil, Département de Pneumologie – CHU Nancy

Le syndrome d’apnées du sommeil (SAOS) est une maladie de plus en plus fréquente, la plupart du temps associée à l’obésité. Les manifestations cliniques, la traduction sur la qualité du sommeil sont maintenant bien connues. Il est intéressant de se pencher sur les aspects micro-cliniques et biologiques pour comprendre toutes les atteintes d’organes induites par le SAOS et l’importance d’un traitement bien conduit.

PARTIE 2SAOS : que doit-on

évaluer aujourd’hui ?

15inspirer n°27 - décembre 2013

du VEGF, de la voie CREB-1 (impliquée dans la plasticité et la survie neuronales), et de la voie Sir2a (impliquée dans la plasticité neuronale également) selon Fotuhi et al [10].

Apnées du sommeil et métabolisme

Le syndrome d’apnées du sommeil est fréquemment associé à l’obésité, elle-même responsable d’une insulino-résistance, puis d’un diabète, majorant encore le risque cardiovasculaire. La prévalence du SAOS chez les patients diabétiques de type II est supérieure à 20 % dès lors que le BMI est supérieur à 30 kg/m2 ; elle est supérieure à 5 % chez les femmes diabétiques de type II d’après Young [11], Foster [12], Resnick [13]. L’incidence du diabète de type II chez les patients SAOS est variable selon les études, les OR allant de 1.62 à 13.45, selon Pamisi et Tasali [14].

D’un point de vue physiopathologique, les apnées du sommeil induisent à la fois une fragmentation du sommeil et des hypoxies intermittentes. L’activité sympathique augmentée et le stress oxydatif ainsi induit conduisent à une dysfonction des cellules ß des îlots de Langerhans et à une insulinorésistance. De plus, les voies de l’inflammation sont activées (augmentation du TNF et de l’Il-6), les adipocytes sécrètent davantage de leptine et moins d’adiponectine. (Hajer et al [15], Shaw et al [16]). Ceci a également été démontré par Pamidi et al [17] ; les patients apnéiques ont une sensibilité à l’insuline diminuée de 27 % et une sécrétion d’insuline augmentée de 37 % par rapport aux patients non apnéiques. En outre, plus le SAOS est sévère, plus le métabolisme du glucose est perturbé (Priou et al [18]). Les désaturations nocturnes augmentent l’insulinorésistance (r = 20.46, p = 0.004), alors qu’une saturation correcte augmente le degré de sensibilité à l’insuline (r = 0.46, p = 0.004) (Borel et al [19]).

TraitementLe traitement du syndrome d’apnées du sommeil réside essentiellement dans la PPC. Il s’agit de rendre à nouveau perméables les voies aériennes

supérieures en imposant une pression positive continue, créant ainsi une véritable attelle pneumatique. Les résultats sont, la plupart du temps, spectaculaires sur la symptomatologie présentée par les patients.

L’équipe de P. Lloberes (Barcelone) a montré qu’après 3 mois de traitement par PPC chez des patients ayant un syndrome d’apnées du sommeil et une HTA résistante, il existait une diminution significative de la pression artérielle diurne systolique et diastolique (p = 0.03 et 0.02 respectivement), ainsi qu’une diminution significative de l’aldostéronémie (21.76 ng/dL vs 25.28ng/dL, p = 0.01).

Deux modes ventilatoires principaux sont utilisés pour traiter les apnées du sommeil : la pression positive continue fixe ou autopilotée. L’équipe de J.L Pépin (Grenoble) a réalisé une étude randomisée, mono-centrique, comprenant 322 patients ayant un syndrome d’apnées du sommeil, divisés en deux groupes, l’un traité par PPC fixe et l’autre par PPC auto-pilotée (CPAP). L’analyse de la pression artérielle diastolique sur 24 heures montre une diminution plus importante de celle-ci dans le bras PPC fixe (p = 0.0477).

Un traitement par CPAP bien conduit améliore la fonction endothéliale, en jouant sur les différents facteurs mentionnés ci-dessus : diminution du stress oxydatif, diminution de l’activité sympathique (Kohler [20]).

Enfin, l’équipe d’E. Bjornsdottir (Islande) a mené une étude portant sur 822 patients SAOS, comparés à 742 sujets contrôles, pour objectiver l’évolution de la qualité de vie (questionnaire SF-12) avant et après traitement par PPC (communication affichée). Les patients SAOS non traités rapportaient une moins bonne qualité de vie par rapport au groupe contrôle (p < 0.0001) et les patients traités notaient une amélioration de leur qualité de vie.

Dans le syndrome d’apnées du sommeil, l’altération de la qualité du sommeil est la principale plainte des patients, mais ce syndrome touche de multiples organes. Les apnées du sommeil sont autant d’épisodes d’hypoxies, qui stimulent le

système sympathique et augmentent le stress oxydant. Ces deux éléments conduisent à une majoration de la pression artérielle systémique, à une modification de la structure endothéliale, à une dysfonction pancréatique, à une inflammation systémique plus importante. Cliniquement, ceci se traduit par des hypertensions artérielles résistantes, un diabète de type II, de nombreux événements cardio-vasculaires.

Le traitement de ces comorbidités est essentiel à prendre en compte, mais le principal traitement reste la pression positive continue, pour corriger les apnées et donc les hypoxies intermittentes. L’observance doit être parfaite pour obtenir le meilleur contrôle possible de ces affections associées.

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16 inspirer n°27 - décembre 2013

Recommandation n° 1 : Le risque lié à la conduite doit être systématiquement évalué

Sont considérés comme des conducteurs à haut risque ceux qui rapportent une somnolence modérée ou sévère, associée à un précédent accident de la route. Les « presque-accidents » attribuables à la somnolence, la fatigue ou l’inattention doivent au même titre alerter les cliniciens. Le consensus ATS réaffirme l’intérêt d’interroger systématiquement les patients suspects de SAHOS quant à leur conduite automobile.

Pour identifier ce type de situations, le score d’Epworth semble ne pas être suffisant puisqu’il n’est pas toujours corrélé au risque d’accidents [5, 6].

Un outil simplifié d’évaluation de la somnolence, tel qu’une échelle visuelle analogique (EVA) sur laquelle le patient décrit la somnolence ressentie pendant une journée habituelle, pourrait constituer un bon outil de dépistage [7]. Il a été démontré que le score EVA est fortement corrélé au score d’Epworth. Toutefois, un

score d’Epworth supérieur ou égal à 9 justifierait des investigations complémentaires.

Les patients à haut risque doivent être immédiatement avertis du danger que représente la conduite, tant qu’un traitement efficace n’a pas été mis en place.

En outre, la somnolence est fréquente chez les conducteurs professionnels mais reste sous évaluée. Dans un travail portugais [8], 20 % des conducteurs de poids lourds interrogés sont somnolents, 36,6 % rapportent un « presque-accident » lié à la somnolence et 16,3 % ont eu un accident provoqué par un endormissement. Dans une autre étude portant sur 517 transporteurs australiens [9], 41 % d’entre eux ont un test diagnostique simplifié fortement évocateur d’un SAHOS alors que seulement 12 % des sujets ont un score d’Epworth supérieur à 10.

Il a récemment été rapporté que le résultat des tests de maintien d’éveil (TME) corrèle bien avec la performance sur un simulateur de conduite. Les sujets

sont considérés comme pathologiques si la latence d’endormissement est comprise entre 0 et 19 minutes, intermédiaires entre 20 et 33 minutes et alertes entre 34 et 40 minutes. Une latence d’endormissement pathologique inférieure à 19 minutes est significativement corrélée au nombre de « situations à risque » dans un simulateur de conduite [10]. Ces résultats confortent l’intérêt des tMe en médecine du travail avant d’autoriser aux sujets SaHOS traités la reprise de leur activité professionnelle (conduite automobile mais aussi postes de sécurité).

L’analyse de l’EEG de veille permettrait d’identifier les patients apnéiques à haut risque et d’apprécier l’efficacité du traitement. Ainsi, l’analyse des fluctuations redressées (DFA, detrented fluctuation analysis), contrairement à une analyse conventionnelle du spectre de puissance, réalisée sur l’EEG de veille le matin prédit la performance sur simulateur de conduite [11].

Dr Claudio Rabec et Marjolaine Georges, Service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires - CHU Dijon

D’après la session : « Clinical Year in review - Somnography in respiratory medecine » r.L. riha

Le lien entre somnolence et risque d’accident est bien établi [1] : la somnolence est responsable de 15 à 20 % des accidents de la route. Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) est l’affection la plus fréquente à l’origine d’une somnolence diurne excessive (SDE) [2]. Comme le SAHOS augmente le risque d’accident d’un facteur 2 à 3 [3], les cliniciens sont fréquemment confrontés à la question de l’aptitude à conduire. La mise à jour des recommandations de l’ATS (American Thoracic Society), publiées en Juin 2013 [4], précise la conduite à tenir vis-à-vis des patients avec un SAHOS nouvellement diagnostiqué et qui sont des conducteurs non professionnels.

Feu rouge pour les patients avec un syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil nouvellement diagnostiqué

17inspirer n°27 - décembre 2013

Feu rouge pour les patients avec un syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil nouvellement diagnostiqué

Recommandation n° 2 : L’évaluation de l’aptitude à la conduite des patients apnéiques doit prendre en considération de potentiels facteurs co-existants.

Certaines conditions peuvent accroître le risque d’accident soit en aggravant la somnolence, soit en diminuant l’efficacité de la PPC. Dans une population de transporteurs, il a été démontré que la prise d’un antidépresseur s’associe à une somnolence significativement plus importante [8]. Une étude récente montre que les performances de conduite des sujets apnéiques, efficacement traités, sont plus altérées après une nuit de privation de sommeil que celles des sujets du groupe contrôle, alors que les performances des apnéiques sont similaires à celles du groupe contrôle après une nuit de sommeil normale sous PPC. Les patients SAHOS sont donc plus sensibles à la privation de sommeil [12].

De ce fait, d’après les recommandations, doivent être systématiquement recherchés :• des troubles neurocognitifs (dépression, pathologies neurologiques),

• une restriction du temps de sommeil,• la prise de substances ou de traitements potentiellement sédatifs.

Recommandation n° 3 : Autant le patient que sa famille jouent un rôle capital dans la réduction du risque d’accident. Des approches éducatives doivent viser à modifier les habitudes de conduite.

Recommandation n° 4 : La polysomnographie doit être l’examen de choix pour affirmer le diagnostic de SAHOS dans cette population. Cet examen doit être réalisé si possible dans un délai de moins d’un mois. Un examen peut être réalisé à domicile chez des patients sélectionnés dans des situations particulières (forte suspicion clinique de SAHOS, longue liste d’atteinte). Il n’est pas recommandé d’initier un traitement empirique par pression positive continue (PPC) avec comme objectif de réduire le risque d’accident de la route en raison des contraintes que ce traitement

représente mais aussi du risque d’entraîner des erreurs de prise en charge à long terme.

Recommandation n° 5 : Seul le traitement par PPC est recommandé chez les patients ayant un SAHOS confirmé et un fort risque d’accident de la route. L’effet des autres traitements (orthèse d’avancée mandibulaire ou chirurgie) sur le risque accidentel n’a pas été étudié.

Une méta-analyse récente [13], portant sur 1293 patients, confirme une réduction drastique du risque d’accident de la circulation et de « presque-accidents » mais également d’accidents sur simulateur de conduite après un traitement par PPC bien conduit.

La sieste [14], la photothérapie [15] et la caféine [16] peuvent aussi améliorer la vigilance et les performances de conduite, voire même réduire le risque d’accident.

Recommandation n° 6 : La prescription de traitements stimulants (modafinil, méthylphénidate) n’est pas recommandée dans le seul objectif de réduire le risque d’accident de la route.

Cet avis ne repose que sur une seule étude [17] qui montre que le modafinil n’améliore pas le temps de réaction ni les incidents de conduite. De plus, il y a une modification de la perception subjective de la somnolence qui peut conduire à une dangereuse surestimation des capacités de conduite.

Recommandation n° 7 : Les médecins sont encouragés à se familiariser avec les dispositions légales concernant les automobilistes apnéiques à fort risque accidentel.

18 inspirer n°27 - décembre 2013

ConclusionLes médecins, les patients et les responsables légaux doivent chacun comprendre l’importance de reconnaître la somnolence comme un facteur de risque d’accident automobile et encourager les interventions destinées à réduire ce risque accidentel.

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19inspirer n°27 - décembre 2013

Le déficit en alpha-1-antitrypsine, décrit pour la première fois par Laurell et Eriksson en 1963, est à transmission autosomique codominante. Les différentes mutations affectent le gène SERPINA 1. Le phénotype est défini par la vitesse de migration sur gel d’électrophorèse. Il existe une corrélation entre le phénotype et le taux d’alpha-1-antitrypsine circulante. Selon Blanco et al [1], la prévalence de ce déficit est plus élevée au nord de l’Europe. Sur le plan clinique, le registre AIR (Alpha one International Registry) recense parmi cette population déficitaire une atteinte pulmonaire chez 59 % des personnes, une atteinte pulmonaire et hépatique chez 19 %, uniquement une atteinte hépatique chez 6 % et 15 % sont asymptomatiques. Tanash et Nilsson [2] mentionnent dans cette population une espérance de vie des patients fumeurs inférieure à celle des non-fumeurs.

Le traitement de substitution est obtenu à partir du plasma dont on extrait une fraction purifiée d’alpha-1-antitrypsine. Celui-ci a été mis au point par JE Gadek et RG Crystal en 1981. Certaines études retiennent une efficacité du traitement sur le Volume Expiratoire Maximal à la première Seconde (VEMS) [3, 4], pour d’autres il s’agit d’une amélioration de la densité scanographique [5, 6] . Le traitement de substitution est indiqué pour les patients dont le VEMS est compris entre 30-35 % et 60-65 % de la valeur théorique. Le traitement est également préconisé pour les patients « déclineurs rapides », avec un meilleur bénéfice dans cette population. Mais cette entité pose un problème de définition : s’agit t-il de patients dont le déclin du

VEMS est accéléré, de patients dont l’altération du transfert de CO est accélérée ou bien prend-on en compte l’altération scanographique ? La méta analyse de Chapman [7] retient l’intérêt du traitement de substitution pour ralentir le déclin de la fonction pulmonaire chez les patients déficitaires. A contrario, le traitement n’est pas recommandé, compte tenu de l’absence de preuves, dans la méta analyse de Gotzsche [8].

Les nouvelles pistes thérapeutiques

Flotte et al [9] publient en 2011 une étude de phase II où neuf patients déficitaires en alpha-1-antitrypsine reçoivent, par injection intramusculaire, un vecteur viral recombinant exprimant l’alpha-1-antitryspsine. L’étude confirme la faisabilité et l’innocuité de cette méthode. Le nombre d’injections pour atteindre des concentrations thérapeutiques, l’augmentation des enzymes musculaires et la réponse immunitaire en sont les facteurs limitants.

L’apport de cellules souches pluripotentes est étudié par Yusa et al [10]. Il s’agit alors d’un traitement à base de cellules autologues « génétiquement corrigées ».

Selon Parfrey et al [11], une autre approche thérapeutique est d’empêcher la polymérisation anormale des complexes d’alpha-1-antitrypsine dans le foie, grâce à l’utilisation de chaperones.

Un nouveau test de diagnostic rapide

C. Vogelmeier a présenté l’AlphaKitR®. Dès la première visite, ce test permet la

détection directe de l’alpha-1-antitrypsine Z à partir de quelques gouttes de sang, en 15 minutes. La technique détecte les patients PiZZ dans 100 % des cas. Pour les hétérozygotes (MZ, SZ), la détection est de haute probabilité. Un diagnostic plus précoce permettrait une prévention et l’instauration d’un traitement plus rapidement.

1. Blanco I et al., Eur Respir J 2006. 2. Tanash HA et al., Respir Res 2010. 3. Seersholm N et al., Eur Respir J 1997. 4. Wencker M et al., Chest 2001. 5. Dirksen A et al., Am J Respir Crit Care

Med 1999. 6. Dirksen A et al., Eur Respir J 2009. 7. Chapman KR et al., COPD 2009. 8. Gøtzsche PC et al. , Dan Med Bull

2010. 9. Flotte TR et al., Hum Gene Ther 2011.10. Yusa K et al., Nature 2011.11. Parfrey H et al., Am J Respir Cell Mol

Biol 2004.

Le déficit en alpha 1 antitrypsine Dr Julie Perrin, Service de Pneumologie - Hôpital Robert Schuman Metz

D’après la conférence de M. Luisetti (Pavia, Italy), R. Sandhaus (Miami, United States of America), R. A. Stockley (Birmingham, United Kingdom), A. Turner (Birmingham, United Kingdom)D’après la conférence de C. Vogelmeier (Marbrug, Germany), S. Janciauskiene (Hannover, Germany), R. Crystal (New Yord, United State of America)

Partie 3Pathologies respiratoires chroniques :

quelques nouveautés en 2013

20 inspirer n°27 - décembre 2013

L’écho-endoscopie est une technique en plein essor, actuellement pratiquée en France dans 51 centres contre 5 seulement en 2007 ; en 2012, 4000 écho-endoscopies bronchiques ont été pratiquées.

Le contexte économiqueL’étude EVIEPEB visait à évaluer le rapport coût-efficacité de l’écho-endoscopie bronchique pour le bilan préopératoire des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC). Seize centres français ont été sélectionnés pour cette étude, 163 patients inclus de février 2009 à décembre 2010. Un diagnostic est obtenu dans 91,4 % (soit 149 patients) des procédures, conduisant à un traitement non-chirurgical chez 76 patients. 129 médiastinoscopies ont été évitées (79,1 %), 29 médiastinoscopies ont été nécessaires parmi lesquelles seulement 8 n’ont pas confirmé les conclusions de l’EBUS-TBNA.

Apport de l’écho-endoscopie bronchique dans la sarcoïdose

L’essai contrôlé randomisé de J. Annema a étudié l’écho-endoscopie bronchique versus la bronchoscopie conventionnelle pour le diagnostic de sarcoïdose. Il s’agit d’une étude multicentrique menée entre 2009 et 2011. Les patients pour lesquels le diagnostic de sarcoïdose est suspecté correspondent à des stades I ou II. L’écho-endoscopie bronchique avec ponctions transbronchiques à l’aiguille (sensibilité : 80 %) est supérieure à la bronchoscopie avec biopsies

transbronchiques et endobronchiques (sensibilité 53 %) pour l’évaluation des granulomes chez ces patients. Il s’agirait de la technique de choix, en l’absence d’autre lésion accessible (peau etc…).

Coupler écho-endoscopie œsophagienne et bronchique ?

Dans certains centres, les pneumologues pratiquent une écho-endoscopie œsophagienne dans le même temps que l’écho-endoscopie bronchique.

L’apport de l’écho-endoscopie transœsophagienne au cours d’une bronchoscopie a été évalué par l’équipe de F. Andreo chez des patients présentant des lésions médiastinales ou paramédiastinales. Parmi les 279 patients inclus, 50 soit 17,9 % ont eu une écho-endoscopie transoesophagienne. Dans 4 cas, l’écho-endoscopie transoesophagienne était complémentaire de l’écho-endoscopie bronchique (EEB), il existait une intolérance à l’EEB dans 9 cas, les lésions étaient inaccessibles ou présentant des difficultés techniques dans 20 cas ou étaient contre-indiquées ou à haut risque dans 17 cas. Dans 26 cas (52 %) des résultats de diagnostic supplémentaires ont été obtenus. Aucune complication n’a été observée. Il s’agirait donc d’une procédure alternative ou complémentaire pouvant améliorer le rendement diagnostique.

L’étude de L. Crombag souligne l’intérêt de coupler l’écho-endoscopie oesophagienne à l’EEB pour l’étude de la surrénale gauche, ce site constituant un

endroit de prédilection des métastases à distance du cancer bronchique.

L’avenir…Une technique de bronchoscopie virtuelle basée sur un système de navigation a été développée récemment. Celle-ci utilise une reconstruction spatiale des cibles médiastinales et des voies respiratoires à partir du scanner thoracique standard. Une étude comparative a cherché à évaluer l’innocuité et la précision diagnostique de cette nouvelle technique par rapport à la procédure EEB avec ponction transbronchique à l’aiguille standard. Vingt-deux patients atteints d’une tumeur médiastinale ou d’adénomégalies médiastinales ont subi les deux techniques. Les résultats concernant la précision diagnostique et l’innocuité sont similaires pour les deux techniques.

Nouvelles frontières pour l’écho-endoscopie

Dr Julie Perrin, Service de Pneumologie - Hôpital Robert Schuman Metz

D’après la conférence de L. Thiberville (Rouen, France), J. Annema (Leiden, Pays-Bas), K. Darwiche (Essen, Allemagne), R. Krenke (Varsovie, Pologne), F. Andreo (Barcelone, Espagne), L. Crombag (Amsterdam, Pays-Bas) et M. Evison (Manchester, Royaume-Uni)

Classification des aires ganglionnaires selon Mountain et Dressler

21inspirer n°27 - décembre 2013

Tout au long de la vie, la sédentarité accélère le processus de vieillissement, tant chez les sujets sains que chez les patients atteints de Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO). On sait, depuis plusieurs années, qu’il existe une fatigabilité musculaire liée à l’âge [1], dont les témoins sont multiples : atrophie musculaire, dysfonction des protéines des myofilaments [2], modification de la composition intrinsèque des muscles et du type de fibres musculaires (ex : réduction d’un tiers des fibres musculaires I et IIa) [3].En fait, plusieurs études tendent à montrer que la fatigue musculaire et la dysfonction musculaire semblent plutôt liées à l’inactivité elle-même qu’au vieillissement à proprement parler. Dans ce but, plusieurs recommandations internationales encouragent la pratique d’une activité physique d’au moins 30 minutes par jour, 5 jours par semaine.

Chez les patients atteints de BPCO, l’activité physique semble devenir un paramètre indispensable à l’évaluation initiale, au suivi et à la prise en charge des patients. En effet, on sait que l’inactivité physique est associée à la survenue d’événements délétères au patient (exacerbations, hospitalisations…). C’est la raison pour laquelle la compréhension de ce phénomène et l’élaboration d’une stratégie permettant d’améliorer la propension à l’exercice physique des patients BPCO sont indispensables. De ce fait, cette année, de nombreuses sessions du congrès de l’European Thoracic Society ont été consacrées à cette thématique.

1. Epidémiologie et définition

Plusieurs experts, dont le Dr H. Watz, ont rappelé que l’inactivité représentait un

point central chez les patients suivis pour une BPCO. Il est important de souligner qu’il existe actuellement de nombreuses méthodes pour mesurer et définir l’activité physique d’un individu. Nous avons ici retenu les deux mesures le plus souvent employées. La « physical activity level » (PAL) tend à évaluer l’énergie totale quotidienne par rapport à l’énergie de repos selon le barème suivant : >1,7 pour un individu actif, 1,4-1,69 pour un individu dit « sédentaire », <1,4 pour un individu très inactif et 1,1-1,2 pour un individu alité. La deuxième est l’activité mesurée par un podomètre (step/day ou pas/jour) : >12500 pour un individu très actif, 10000-12500 pour un individu actif, 10000-7500 pour un individu peu actif et <5000 pour un individu sédentaire.

Depuis plusieurs années, la différence significative d’activités physiques quotidiennes entre sujets atteints de BPCO et sujets sains est connue. Une des études princeps, réalisée en 2005, montrait qu’il existait une diminution de 50 % en moyenne des activités physiques chez les patients atteints de BPCO, par rapport aux fumeurs sans BPCO [4]. Rappelons qu’une importante étude en 2009 [5], incluant plus de 2000 patients atteints de BPCO et sujets à risques (fumeurs avec ou sans bronchite chronique) montrait l’existence d’une diminution significative d’activités physiques (en pas/jour) d’environ 70 % chez les patients avec une BPCO de stade IV, par rapport aux fumeurs sans BPCO. Ainsi, on estime que la proportion de patients actifs (PAL>1,7) est de 52 % en cas de bronchite chronique sans BPCO, de 26 % en cas de BPCO de stade I, 13 % si stade III, et 0 % si stade IV. Par ailleurs, peu de tests utilisés en routine sont suffisants pour estimer l’activité physique. En effet, même s’il existe une corrélation

significative entre le test de marche de 6 minutes et l’évaluation de l’activité physique (en pas/jour) (r = 0,61, p<0,001), celle-ci reste faible.

De plus, plusieurs études semblent montrer que cette « inactivité » apparaît dès les stades précoces de la BPCO notamment pour les BPCO de niveau modéré (stade II) [6], voire même de niveau léger (stade I) [7]. Ainsi, l’équipe de Van Remoortel [8] confirmait une différence d’activité physique entre des sujets contrôles versus ceux atteints de BPCO même à un stade débutant, toutes mesures confondues (pas/jour, PAL, temps passé en activité) (figure 1).

L’activité physique et la broncho-pneumopathie chronique obstructive

Dr Maeva Zysman, Service de Pneumologie - CHU Nancy

Figure 1 Niveau d’activité physique quotidienne

chez des sujets fumeurs avec BPCO, 1,49 ± 0,21 versus sans BPCO

1,62 ± 0,24 PAL, *p<0,05, d’après Van Remoortel et al., Thorax 2013

2.50

2.25

2.00

1.75

Fumeursans BpCO BpCO

C

pa

L

1.50

1.25

1.00

22 inspirer n°27 - décembre 2013

En outre, l’inactivité physique ne fait que se majorer au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. Ainsi, l’activité physique reste significativement plus faible chez les patients ayant présenté une exacerbation aiguë de BPCO dans l’année. De même, plus les patients présentent une diminution de leur activité physique, plus le risque pour eux d’être hospitalisés de nouveau, dans le mois suivant une exacerbation, est important [9].

2. Pertinence clinique et modification de l’histoire naturelle de la maladieUne activité physique régulière semble ralentir la survenue d’hospitalisations et diminuer la mortalité toutes causes confondues (RR = 0,76, IC 95 % [0,65 - 0,9]; (figure 2) [10].

De même, chaque augmentation de 0,14 PAL (Physical Activity level) a été associée à une diminution de risque de mortalité (RR = 0,46 ; IC 95 % [0,33-0,64] ; p<0,001) ; la mesure de cette activité devenant un des facteurs pronostiques les plus robustes dans la BPCO [11]. De plus, l’inactivité physique présente même chez les patients avec une BPCO modérée, ne semble pas liée aux autres paramètres cliniques habituels (dyspnée, bronchite chronique…).

Par ailleurs, le Dr Troosters a présenté une étude européenne actuellement en cours :

étude PROACTIVE, projet européen sur 4 ans, avec analyse intermédiaire à 2 ans, ayant pour objectif de développer, valider et utiliser les événements rapportés par les patients atteints de BPCO afin de connaître leurs niveaux d’activités physiques à l’aide d’agendas et de questionnaires complets et fiables. L’étude a également comme objectif d’évaluer l’utilisation des différents actimètres disponibles sur le marché, ces outils ayant été, jusque là, validés dans des populations saines [12] : 80 patients atteints de BPCO modérée (VEMS moyen de 57 %) ont été recrutés et ont porté pendant 14 jours consécutifs 4 des 6 moniteurs existants dans le commerce. Cette étude a permis de valider les outils suivants : Actigraph GT3X and DynaPort Move Monitor, comme ayant une meilleure sensibilité dans l’évaluation de l’activité physique des patients avec BPCO.

3. Bref rappel de physiopathologie

Les différents facteurs impliqués dans la diminution de l’activité physique des patients atteints de BPCO sont multiples : hypoxie chronique, stress oxydatif, apoptose accrue [13], malnutrition, déconditionnement, médicaments (corticoïdes…). Par exemple, plusieurs études ont montré qu’il existait un déséquilibre entre la synthèse et la

dégradation des protéines des muscles du diaphragme [14] et du muscle vaste latéral [15], associé localement à l’augmentation de cytokines pro-inflammatoires (NFKB, p65, …) [14].

Le Dr Maddocks, lors d’une présentation orale, a présenté une étude intéressante où 102 patients atteints d’une BPCO sévère (VEMS moyen de 20 %) ont été comparés à 100 sujets contrôles. Ils présentaient significativement plus de graisse intra musculaire, visualisée par tomodensitométrie, et ce, de manière indépendamment corrélée négativement au niveau de leur activité physique [16].

4. Comment améliorer l’activité physique des patients atteints de BPCO ?

Répondre à cette question reste, pour le moment, difficile puisque peu d’études ont pour objectif principal l’activité physique. De plus, la définition de la réhabilitation s’est modifiée au cours du temps. En 2006, on parlait d’« optimiser le statut fonctionnel » puis depuis 2013, il faudrait « améliorer les conditions physiques et émotionnelles pour modifier à long terme les comportements ». Ceci suppose de connaître précisément les comportements des patients, de savoir mesurer correctement l’activité physique, dans le but de diminuer les symptômes, et d’augmenter la durée de l’exercice.

Les outils envisagés sont multiples et variés : télémédecine, smartphones, podomètres, musique (qui diminuerait la sensation désagréable liée à l’activité physique), programmes de marche par internet [17].

Certains de ces outils sont validés par les sociétés savantes mais encore peu utilisés en pratique. De ce fait, beaucoup d’orateurs ont insisté pour que davantage d’essais dans ce domaine soient réalisés afin d’utiliser les bons moyens pour suivre et encourager les patients. Concernant les traitements non médicamenteux, il pourrait être envisagé l’utilisation de l’oxygène, d’héliox, ou la stimulation musculaire électrique, mais aussi la ventilation non invasive (VNI) qui diminue

Figure 2 Survie selon la méthode de Kaplan-Meier (toutes causes confondues) selon le niveau

d’activité physique régulière, d’après Garcia-aymerich et al, thorax 2006

23inspirer n°27 - décembre 2013

la charge des muscles respiratoires et la sensation de dyspnée chez les patients atteints de BPCO sévère (VEMS 32 ± 12 %), hypoxémiques (SpO2 = 86,5 ± 2,9 %), même si cet appareillage reste peu confortable, lourd, avec des difficultés d’utilisation [18]. Ainsi, certains essais ont démontré l’efficacité de la VNI avec oxygénothérapie sur la dyspnée ressentie par le patient, avec amélioration de l’endurance à l’exercice. Enfin, l’interval training offre une alternance des intensités faibles et élevées des exercices.

Pour les traitements médicamenteux, il pourrait être envisagé les bronchodilatateurs, les injections de testostérone (elles ont été envisagées pour améliorer la performance à l’effort des patients BPCO sévères [19] mais les effets indésirables à long terme sont nombreux et ne permettent pas l’administration de ces produits), les anticorps anti-myostatine (en intraveineux, tous les 2 mois - phase II d’une étude en cours chez des BPCO avec indice de masse corporelle bas) ou la vitamine D. On constate fréquemment une diminution du taux de vitamine D, corrélée avec la gravité de la BPCO [20], parallèlement à l’augmentation des fibres de type IIa contre une diminution des fibres de type I. Cependant, la supplémentation en vitamine D à court terme (2000UI/ jour pendant 6 semaines) n’a aucun effet sur le niveau d’activité physique, les exacerbations ou la qualité de vie [21]. Elle pourrait néanmoins potentialiser les effets de la réhabilitation.

ConclusionLe niveau d’activité physique est souvent largement réduit chez les patients atteints de BPCO, même à des stades peu sévères de la maladie, et, parfois, avant même d’en avoir fait le diagnostic. Les méthodes actuelles d’évaluation des patients atteints de BPCO (critères de GOLD - VEMS, nombre d’exacerbations, dyspnée) ne reflètent que partiellement cette notion qui semble cependant primordiale dans la prise en charge des patients, afin d’améliorer leur qualité de vie.

Bibliographie 1. Miller MS et al., J Appl physiol 2013

2. Yu F et al., Acta physiol 2007

3. Szentesi G et al., J Appl Physiol 1985

4. Pitta F et al., AJRCCM 2005

5. Watz H et al., ERJ 2009

6. Troosters T et al., Respir Med 2010

7. Shrikrishna S et al., ERJ 2012

8. Van Remoortel H et al., Thorax 2013

9. Pitta F et al., Chest 2006

10. Garcia-Aymerich J et al., Thorax 2006

11. Waschki B et al., Chest 2011

12. Rabinovitch RA et al., ERJ 2013

13. Agusti A et al., AJRCCM 2002

14. Testelmans D et al., ERJ 2010

15. Troosters T et al., AJRCCM 2010

16. Présentation orale n°1985 : Maddocks M

17. Moy ML et al., J rehab Res Rev 2010

18. Porszasz J et al., AJRCCM 2013

19. Casaburi R et al., AJRCCM 2004

20. Janssens W et al., Thorax 2010

21. Bjerk SM et al., Int J COPD 2013

Prochaine parution de la lettre “Inspirer” :

2ème semestre 2014

La lettre Inspirer est publiée par la Fédération ANTADIR - 66 boulevard Saint- Michel 75006 Paris Tél. : 01 56 81 40 60 - Fax : 01 56 81 40 61 - Site internet : www.antadir.com

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