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XTRA POL e ÉPIDÉMIOLOGIE ET POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ANALYSE CRITIQUE DES PUBLICATIONS INTERNATIONALES N°24 DÉCEMBRE 2004 Département santé environnement 12, rue du Val d’Osne - 94415 Saint-Maurice cedex Tél. : 33 (0) 1 41 79 67 00 - Fax : 33 (0) 1 41 79 67 67 http://www.invs.sante.fr Mesures de réduction de la pollution atmosphérique : quelle efficacité sanitaire ? I NSTITUT DE VEILLE SANITAIRE

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ÉPIDÉMIOLOGIE

ET POLLUTION

ATMOSPHÉRIQUE

ANALYSE CRITIQUE

DES PUBLICATIONS

INTERNATIONALES

N°24 ◆ DÉCEMBRE 2004

Département santé environnement

12, rue du Val d’Osne - 94415 Saint-Maurice cedexTél. : 33 (0) 1 41 79 67 00 - Fax : 33 (0) 1 41 79 67 67

http://www.invs.sante.fr

Mesures de réduction de la pollution atmosphérique :

quelle efficacité sanitaire ?

I N S T I T U T D E V E I L L E S A N I TA I R E

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Le champ des connaissances de l’impact sanitaire des pollutions atmosphériquesévolue constamment et rapidement.De nombreuses enquêtes épidémiologiques sont très régulièrement publiéesdans la littérature scientifique internationale.Pour les diffuser, en faire connaître la force et la faiblesse, pour qu’elles puissentenrichir les connaissances de tous, spécialistes et non spécialistes, maisacteurs dans le domaine de l’épidémiologie et de l’environnement, Extrapolpublie, sous la forme de numéros thématiques, des analyses commentées deces études.Deux spécialistes, un épidémiologiste et un métrologiste, non impliqués dansl’étude concernée, conjuguent leurs compétences sur le sujet traité et effectuentensemble une analyse critique de l’article.Chacune est composée d’un résumé des objectifs, méthodes et résultats del’étude d’une part, et de commentaires d’autre part. Ces derniers portent sur lavalidité interne, notamment sur les méthodes de mesure de l’exposition et del’effet sanitaire, et sur la validité externe de l’étude, c’est-à-dire sur sa cohérenceavec l’état des connaissances existantes. Dans cette partie de leur travail, les analystes situent le niveau de confiancequ’ils accordent aux résultats de l’enquête ainsi que leur valeur décisionnelledans les trois grands domaines que sont la recherche, l’action et la prévention.Un long éditorial propose, dans chaque numéro, une synthèse de l’ensemble.

Comité scientifiqueRené Alary, Laboratoire central de la préfecture de police de Paris (LCPP)Jean-Guy Bartaire, Claudine Goldgewicht, Revue Pollution atmosphériquePierre-André Cabanes, Service des études médicales EDF/GDF (SEM EDF/GDF)Christian Cochet, Séverine Kirchner, Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI)Christian Elichegaray, Hélène Desqueyroux, Agence de l’environnement et de la maîtrise del’énergie (Ademe)Véronique Delmas, Air normandBernard Festy, Jean-Marie Rambaud, Association pour la prévention de la pollution atmosphériqueMartine Ledrans, Sylvia Medina, Sylvie Cassadou, Institut de veille sanitaireYvon Le Moullec, Laboratoire d’hygiène de la ville de Paris, (LHVP)Vincent Nedellec, ConsultantIsabelle Nicoulet, Direction générale de la santéMichel Nominé, Martine Ramel, Institut national de l’environnement industriel et des risques(Ineris)Françoise Ricordel, Sandrine Rocard, Direction de la prévention de la pollution et des risques,ministère de l’Ecologie et du Développement durableAlain Target, Association pour la protection de l’atmosphère (ASPA)Denis Zmirou, Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement (Afsse)

Comité de rédactionEdwige Bertrand, Alexandra Blondeau, Sylvie Cassadou, Daniel Eilstein, Jacqueline Fertun,Sylvia Medina

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Directeur de la publicationGilles Brücker

Directeur général del’Institut de veille sanitaire

EditeurInstitut de veille sanitaire

InVS12, rue du Val d’Osne

94415 Saint-Maurice CedexTel : 01 41 79 67 00Fax : 01 41 79 68 40

Site internetExtrapol est disponible

sur le site de l’InVSwww.invs.sante.fr

ParutionTrois fois par an

Avril-Septembre-Décembre

ISSN0032-3632

ImprimeurCARACTERE S.A.S.

Aurillac

[email protected]

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Editorial 2Philippe Glorennec, Christian Elichegaray

Le point de vue du décideur 5Alain Grimfeld

Analyses commentées 6

• Cardiorespiratory and all-cause mortality after restrictions on sulphur content of fuel in Hong-Kong: an intervention studyA. Hedley et al.

Mortalité toutes causes et d’origine cardio-respiratoire après la réduction des teneurs en composés soufrés des carburants à Hong-Kong :évaluation d’une intervention 6

• Effect of the reduction of petrol lead on the blood lead levels of South AfricansL. Maresky et al.

Effet de la réduction de la teneur en plomb des carburants sur les plombémies des Sud-Africains 9

• National vehicle emissions policies and practices and declining US carbon monoxide-related-mortality.J. Mott et al.

Politiques et pratiques nationales concernant les émissions automobiles et baisse de la mortalité liée au monoxyde de carbone, aux Etats-Unis. 11

• Effect of air-pollution control on death rates in Dublin,Ireland : an intervention studyL. Clancy et al.

Effets du contrôle de la pollution de l’air sur les taux de mortalité à Dublin, Irlande : évaluation d’uneintervention 14

• An assessment of the effectiveness of lead pollutionreduction strategies in North Lake Macquarie, NSW,AustraliaA. Morrison

Evaluation de l'efficacité des stratégies de réduction de la pollution par le plomb à North Lake Macquarie, NSW, Australie 16

• Particulate pollution and health : a review of the Utah valley experienceC. Arden Pope

Pollution particulaire et santé : un bilan de l’expérience de la vallée de l’Utah 20

• Impact of changes in transportation and commutingbehaviors during the 1996 summer olympic games in Atlanta on air quality and childhood asthmaM. Friedman et al.

Impact des changements dans les transports et les modes de déplacements pendant les jeuxolympiques de l’été 1996 à Atlanta sur la qualité de l’air et l’asthme de l’enfant 23

• Improved air quality in reunified germany and decreases in respiratory symptomsJ. Heinrich et al.

Amélioration de la qualité de l’air en Allemagne réunifiée et diminution des symptômes respiratoires 26

• Oslo traffic study - part 1: an integrated approach to assess the combined effects of noise and airpollution on annoyanceR. Klaeboe et al.

Etude du trafic à Oslo (1ère partie) : une approche intégrée pour évaluer les effets combinés du bruit et de la pollution de l’air sur la gênedes habitants d’Oslo 29

• Oslo traffic study - part 2: quantifying effects of trafficmeasures using individual exposure modeling J. Clench-Aas et al.

Evaluation quantifiée des actions sur le trafic automobile par modélisation de l’exposition individuelle 31

Les articles ont été analysés et commentés par :René Alary, Frank Balducci, Céline Boudet, CharlotteBraun, Philippe Bretin, Hélène Desqueyroux, FrédéricDor, Laurent Filleul, Patricia Guieu-Renzi, Yvon LeMoullec, Mariam Meybeck, Vincent Nédellec, HervéPernin, Hélène Prouvost, Christian Renaudot, GeorgesSalines, Rémy Stroebel.

Extrapol n° 24 - Décembre 2004

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Pollution atmosphérique n° 184

Sommaire

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e nouveau numéro d’Extrapol présente des étudesépidémiologiques qui ont tenté d’évaluer les réper-cussions sanitaires d’interventions visant à réduire lesniveaux de pollution atmosphérique. Ce type de travailintéresse au premier plan les décideurs et les agencespubliques, comme l’Agence de l’environnement et dela maîtrise de l’énergie (Ademe), qui ont en charge lasurveillance de la qualité de l’air et la mise en place oula promotion de politiques visant à réduire la pollutionde l’air.

Plusieurs études ont essayé de quantifier les bénéficessanitaires d’un changement de composition des carbu-rants : réduction des teneurs en soufre à Hong-Kong,des teneurs en plomb en Afrique du Sud. A Hong-Kong,les auteurs ont estimé à 600 le nombre de décès enexcès avant la mesure, soit 10 268 personnes-annéesde vie perdues et ils ont observé une baisse de moitiédes concentrations en dioxyde de soufre (SO2) les cinqpremières années après la mesure. Au Cap, laplombémie en population générale étaitsignificativement plus basse après réduction du plombdans l’essence. Aux USA, une série de mesuresréglementaires a permis de réduire les émissions de COpar les véhicules ; des auteurs ont pu étudier les décèsen rapport avec une intoxication au monoxyde decarbone avant et après ces mesures et observer lesdiminutions parallèles des émissions de CO dans lesgaz d’échappement et des taux de décès parintoxication au CO d’origine automobile.

Les effets de la mise en place d’une réglementationentraînant une réduction de la pollution de l’air ontaussi été observés à Dublin, suite à l’interdiction de lavente de charbon : les concentrations moyennesannuelles de fumées noires ont diminué de façonnette, passant de 50,2 µg/m3 à 14,6 µg/m3. Lesniveaux de SO2 ont baissé de façon plus progressivedans le temps. Les auteurs estiment, aprèsajustement, le nombre de décès évité annuellement à243 pour les pathologies de l’appareil circulatoire

(-10,3 %) et à 116 pour les pathologies de l’appareil respiratoire (-15,5 %).

Une étude a évalué l'efficacité des stratégies deréduction de la pollution par le plomb autour d’unefonderie de métaux, en Australie. La plombémie desenfants (< 13 ans) a diminué, mais la valeur guide dequalité de l’air n’est pas respectée dans toute la zoneexposée.

De nombreuses études ont eu lieu dans la vallée del’Utah, aux USA, dans le contexte d’une situationquasi-expérimentale : arrêt de l’activité du siteindustriel, durant une année, ayant entraîné unediminution des PM10 émises par l’usine. Surl’ensemble des études épidémiologiques, desassociations entre la mortalité journalièrecardiovasculaire et respiratoire, les admissionshospitalières et les PM10 ont été observées. L’effet deces particules est retrouvé in vitro, mais des doutessubsistent sur les composés en cause : composéschimiques, métaux ou autres substances déposés surles particules ou absorbés, ou les particules elles-mêmes.

Des auteurs ont cherché à savoir si les mesures prisespour diminuer la congestion du trafic pendant les jeuxolympiques d’Atlanta ont eu un impact positif sur laqualité de l’air et sur la santé des populations. Unediminution importante du nombre des admissions enurgence pour crise d’asthme a bien été observéedurant la période des jeux.

Dans l’est de l’Allemagne, après la réunification, l’impactde la décroissance des teneurs atmosphériques enparticules totales en suspension (TSP) et en SO2 sur laprévalence des affections respiratoires non allergiqueschez les enfants a été évalué. Les effets bénéfiques dela réduction de la pollution de l’air ont été observés surles maladies infectieuses telles que la bronchite et lerhume, mais ni sur la toux matinale, ni sur la fonctionrespiratoire. Deux articles ont étudié l'impact de

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Pollution atmosphérique n° 184 Extrapol n° 24 - Décembre 2004

Editorial

par Philippe Glorennec1 et Christian Elichegaray 2

1 Ecole nationale de la santé publique, Rennes 2 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, Paris

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Pollution atmosphérique n° 184

l'évolution du trafic automobile, en termes de nuisancessonores et de pollution atmosphérique, sur la santé àOslo. Il s’agit d’une analyse de corrélation croisée entreles niveaux de pollution estimés par modélisation et lerésultat d'une enquête permettant de caractériser lebien-être d'une cohorte de 1 500 individus.

Ces pionniers de l’étude d’interventionCes études mesurant l’efficacité sanitaire desinterventions sont tout d’abord intéressantes d’unpoint de vue épidémiologique, notamment pour lapollution atmosphérique urbaine. Les preuvesexpérimentales figurent, en effet, parmi les critères decausalité, couramment utilisés, proposés par Hill [1].Or ces « preuves » sont, évidemment, difficiles à réunirdans la mesure où l’on est rarement en situationcontrôlée de diminution franche de l’exposition. Il fautdonc savoir gré à ces épidémio logistesd’avoi r su sa is i r l’opportunité de brusqueschangements d’émission pour en évaluer lesbénéfices sanitaires. Cela contribue ainsi à renforcerencore la confiance que l’on peut avoir dans la naturecausale de la relation entre pollution atmosphériqueurbaine et santé, et donc la légitimité des évaluationsd'impact sanitaire de la pollution atmosphériqueurbaine [2]. Notons néanmoins qu’une évaluation(avec publication) systématique des mesures degestion permettrait de s’affranchir plus facilement dudoute sur un éventuel biais de publication attaché à cetype d’étude.

Toujours d’un point de vue épidémiologique, lesétudes d’intervention souffrent des difficultés propresà l’épidémiologie environnementale (pathologies nonspécifiques, risques individuels faibles, difficultés demesure de l’exposition, manque de puissance) [3]. Dufait des erreurs de classification des expositions,l’association entre action sur le facteur de risque etbénéfice sanitaire est probablement sous-estimée.Une difficulté supplémentaire, propre àl’épidémiologie évaluative, est due au caractèreprogressif des changements de la qualité de l’air. Latraduction sur le terrain des réglementations peutêtre longue (renouvellement des équipementsindustriels et automobiles) et les situationsévaluées par certaines des études commentéesici (mesures sur les combustibles, comme àDublin ou Hong-Kong) constituent des exceptionspar leur caractère instantané. Par ailleurs, les étudesd’intervention sont complémentaires aux activitésmenées par les associations agréées pour lasurveillance de la qualité de l’air et à celles menéespar l’InVS pour le suivi des relations exposition-risque. Cette surveillance parallèle du milieu et de sesrelations avec la santé des populations permet desévaluations d'impact sanitaire qui contribuent, sanscontrainte de taille de population et à moindre coût, àl’évaluation des politiques publiques en estimant le

bénéfice sanitaire lié aux améliorations de la qualitéde l’air.

De futures études pourront bénéficier de l’expérienceméthodologique de ces pionniers de l’étuded’intervention. C’est le cas pour la prise en compte debénéfices, comme dans l’étude menée à Oslo,combinant effets morbides et nuisances, ou enestimant, comme à Hong-Kong, le nombre d’annéesde vie gagnées par une diminution desconcentrations urbaines en particules. Ce typed’informations s’avère en effet utile pour les analysescoûts/bénéfices d’une réduction de la pollution.

Parce que leurs résultats sont fondés sur desobservations, et pas sur les résultats demodélisations, les études d’intervention sont trèsconvaincantes, non seulement en épidémiologie, maisaussi pour les décideurs et le public.

Néanmoins, s’il est illustratif et pertinent, l’indicateursanitaire n’est pas toujours utilisable ou le seul àdisposition pour mesurer l’efficacité d’une décision.Un bon exemple est fourni dans ce numérod’Extrapol par les expositions au plomb. En effet, lessymptômes de l’imprégnation saturnine sont très peuspécifiques de ce polluant (par exemple, perte dequotient intellectuel à faibles doses) et difficiles àdéceler. Ainsi, Morrison, dans l’étude sur les effets dela réduction des rejets de la fonderie de North Lakeen Australie, envisage d’autres indicateurs commel’état des milieux, en complément de la plombémie,indicateur classique d’exposition. Cette diversité desindicateurs est louable car la plombémie est elle-même sujette à des variations comportementales ousaisonnières affectant sa fiabilité, surtout lors d’uneestimation ponctuelle. Des modélisations indirectesd’exposition, à partir de données environnementales,sont dans ce cas utiles [4].

L’évaluation des interventions doit être, d’une façonplus générale en santé environnementale, posée àplusieurs niveaux (mesures de gestion, émission dessources, conséquences sur le milieu et l’exposition,santé des populations) ainsi que l’envisagent,notamment, le Health Effects Institute (HEI)1 etl’Organisation mondiale de la santé pour les indicateursde santé environnementale [5]. Il peut alors paraîtresouhaitable que les épidémiologistes inscriventleurs travaux dans une logique globale d’évaluation,envisagée dès la préparation de la décision et dansun cadre pluridisciplinaire.

S’il n’est pas opportun de conclure à des recom-mandations générales en termes de gestion tant lessituations analysées ici sont disparates et appellent

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1 Assessing the Health Impact of Air Quality Regulations: Concepts andMethods for Accountability Researchhttp://www.healtheffects.org/Pubs/Comm11ExecSumm.pdf.

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donc des actions spécifiques, on peut cependantnoter deux points (presque) communs à bon nombrede ces études. D’une part, elles s’intéressent auximpacts liés à l’usage de combustibles fossiles et,d’autre part, elles mettent toutes en évidence desbénéfices sanitaires plus ou moins prononcés despolitiques de réduction des émissions. De telséléments plaident largement en faveur de politiquesvisant à poursuivre les améliorations de la qualité del’air par une gestion rationnelle de l’énergie, enparticulier celle issue des processus de combustion,

la promotion des technologies propres et ledéveloppement des énergies renouvelables. Ilsplaident aussi pour une meilleure prise en compte desrisques sanitaires dans les choix énergétiques, dans lecadre de politiques fondées sur le concept dedéveloppement durable. Les professionnels de santépublique peuvent jouer un rôle central en la matière encontribuant à la production de bases scientifiquessolides et étayées en mesure de convaincre lesdécideurs politiques et institutionnels des bénéfices àattendre des actions à mener.

[1] Hill A. The environment and disease: association orcausation? Proceedings of the Royal Society ofMedicine 1965; 58:295-300.

[2] Filleul L, Medina S, Cassadou S. [Urban particulateair pollution: from epidemiology to health impact inpublic health]. Rev Epidemiol Sante Publique 2003; 51(5):452-527.

[3] Hémon D. Recherche épidémiologique sur l'environ-nement et la santé : quelques aspects méthodologiques.Rev Epidémiol Santé Publ 1995; 43:395-411.

[4] Mushak P. Lead remediation and changes inhuman lead exposure: some physiological andbiokinetic dimensions. Sci Total Environ 2003; 303 (1-2):35-50.

[5] Corvalan C, Briggs. Development of environmentalhealth indicators. In : UNEP, EPA, WHO, editors.Linkage methods for environment and health analysis.General guidelines. Geneva: WHO, 1996:19-53.

RÉFÉRENCES

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e rôle du décideur est fondé sur deux principes :

- la preuve et, partant, les principes de prévention oude précaution ;

- la démarche de développement durable.

Les études présentées dans ce numéro mesurentl'efficacité sanitaire des interventions.Ces études sont tout d'abord intéressantes d'unpoint de vue épidémiologique, notamment pour cequi concerne la pollution atmosphérique urbaine. Eneffet, elles offrent des preuves expérimentales quifigurent parmi les critères couramment retenus pourétablir un lien de causalité.

Cela étant, il est bien connu que les étudesd'intervention souffrent des difficultés propres àl'épidémiologie environnementale, telles quel'observation d'affections non spécifiques, laconstatation de risques individuels faibles, lesdifficultés de mesure de l'exposition et le manque depuissance.

Cependant, leurs résultats étant fondés sur desobservations, et non sur des résultats demodélisation, les études d'intervention restent trèsconvaincantes, non seulement en épidémiologie, maisaussi pour les décideurs et le public.

Ainsi, lorsque la preuve scientifique est apportée,dans un contexte actuel de connaissances, d'unrisque de danger, la question pour le décideur estuniquement de savoir s'il aura les possibilitéstechniques, réglementaires et financières deprévenir le risque. Pour toutes les études qui sontrapportées dans ce numéro, il serait donc tentantde déclarer que le décideur, politique notamment,

a tous les éléments à sa disposition pour prendre lesmesures de prévention adaptées à lapréservation de la santé de ses concitoyens.

Concernant les effets de la pollution de l'air sur lasanté, les modalités de prise de décision devraientpouvoir bénéficier des textes d'application de la Loisur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie (dite LoiLepage) de 1996.

Lorsque la preuve ne peut être encore apportée, du faitde l'insuffisance de connaissances scientifiques, aumoment où doit être prise la décision, face à un risquede danger grave, irréversible et coûteux pour lasociété, il est licite de discuter l'application du principede précaution de manière proportionnée (en particulierau plan financier). Il appartiendra alors au décideur dedévelopper une démarche pédagogique, à l'échelle dela population, visant à faire comprendre que la décisionainsi adoptée pourra être révisable, en fonction del'acquisition de connaissances nouvelles générées,notamment par le programme de recherche lancéconjointement à la prise de décision.

Cette démarche est celle qui préside à l'élaborationde la Charte de l'environnement, que certaines desplus hautes instances politiques actuelles voudraientvoir adossée à la Constitution de la Vème République.

Finalement, ces décisions dans le domaine Santé-Envi ronnement ont pour but de favor iser undéveloppement durable, que certains auraient préférévoir traduit de l'anglais « sustained development » pardéveloppement préservé, qui est devenu unedes préoccupations majeures des politiques desanté environnementale.

Le point de vue du décideur

par Alain Grimfeld Direction générale de la santé

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Analyses commentées

Mortalité toutes causes et d’origine cardio-respiratoire après la réduction des teneurs en composés soufrés des carburants à Hong-Kong : évaluation d’une intervention

Cardiorespiratory and all-cause mortality after restrictions on sulphur content of fuel in Hong-Kong: an intervention study Hedley AJ, Wong CM, Thach TQ, Ma S, Lam TH, Anderson HR. The Lancet, 2002; 360:1646-52

Problématique

L'impact de la pollution atmosphérique sur la santé estle plus souvent estimé à partir d’analyses de sérieschronologiques, d’études de panels, d’études decohortes ou d'études consécutives à des accidents.Peu d'études épidémiologiques ont tenté de mesurerles effets d'une intervention humaine.

Les associations les plus fortes sont généralementconstatées entre les niveaux de SO2 et de PM10 et lamortalité cardio-respiratoire. Des excès de décès ontainsi été associés à des effets respectivement à courtet à long terme de l’exposition à ces polluants.

Résumé

Objectifs

Le 1er juillet 1990, la concentration de composéssoufrés contenus dans le fuel utilisé par les véhicules

et les sources fixes à Hong-Kong fut limitée à 0,5 %. Ilfut constaté une diminution immédiate des niveaux dedioxyde de soufre et de sulfates contenus dans lesparticules inhalables, mais aucun effet sur les autrespolluants. Dans les deux années suivantes, il y eut unediminution des bronchites chroniques, ainsi que del'hypersensibilité bronchique chez les enfants.

L'objectif du travail présenté est d'évaluer les effets àcourt et long terme (cinq ans) de l’intervention sur lamortalité à Hong-Kong.

Méthodes

Les auteurs ont utilisé les données de mortalitémensuelles toutes causes, respiratoires, cardiovas-culaires, cancéreuses et autres causes, stratifiées parâge, cela pour les années 1985 à 1995, soit cinq ansavant et après la mesure de restriction du taux desoufre dans le fuel.

Ils ont également recueilli, pour la période de 1988 à1995, les concentrations atmosphériques quotidiennesde SO2, sulfates dans les particules inhalables (SO4 RSP),NO2, NO3 et PM10 dont ils n'ont conservé que lesmoyennes mensuelles. Des cofacteurs comme latempérature et l'humidité relative ont été relevés.

Des méthodes de régression linéaire et de régressionde Poisson, avec ajustement sur la tendance, lasaisonnalité, la température et l'humidité relative ontpermis d'estimer le taux de mortalité global, par année,par cause de décès et par classe d'âge par rapport au

Analyse commentée par

Franck Balducci1 et Rémy Stroebel2

1 Faculté de médecine de Grenoble 2 Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie,Paris

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Analyses commentéesXTRA

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taux moyen, pour la saison chaude et pour la saisonfroide. La stratification sur la période (avant 1990/après1990) permet de mettre en évidence un termed'interaction qui représente le changement relatif de latendance du taux de mortalité entre les deux périodes,et donc les effets de la mesure sur la réductionannuelle moyenne du nombre de décès.

L'excès de risque de décès a été estimé par unerégression de Poisson, en comparant les quartiersprésentant une forte diminution de la concentration enSO2 et ceux présentant une faible diminution, avecajustement sur la tendance, la saisonnalité, latempérature, l'humidité relative et une variable binaire(avant/après la mesure).

Le nombre d'années potentielles de vie perdues a étéestimé en utilisant l'âge au moment du décès etl'espérance de vie avant la mesure. En appliquant à cenombre le terme d'interaction estimé précédemment, ila été possible d'estimer le nombre d'années de vie"sauvées" lié à la mesure de restriction du soufre dansle fuel.

Enfin, les auteurs ont estimé le gain d'espérance de vieà partir du risque relatif calculé pour une variation de10 µg/m3 de SO2.

Résultats

L'étude montre une diminution de la concentrationatmosphérique de SO2 de 53 % la première annéeaprès la mesure de réduction du soufre dans le fuel, de50 % entre deux et cinq ans après la mesure et de45 % au-delà de la cinquième année.

La concentration de sulfates dans les particulesinhalables a, elle aussi, chuté, mais est ensuiteremontée jusqu'à reprendre son niveau initial. Lesconcentrations atmosphériques des autres polluantsn'ont pas évolué excepté les concentrations d'ozonequi ont légèrement augmenté.

Un changement est intervenu dans les courbesreprésentant la fréquence des décès cardiovas-culaires, respiratoires et toutes causes. En effet, alorsqu'avant la mesure, ces courbes présentaient unesaisonnalité très régulière, on constate la premièreannée après la mesure une disparition du pic de décèsen saison froide pour toutes les classes d'âge (aucunemodification pour les néoplasmes et autres causes dedécès). Inversement, la seconde année après lamesure est caractérisée par une forte remontée de lamortalité en saison froide. Les années suivantes, lacourbe reprend l’aspect qu’elle avait avant la mesure.Ce phénomène est expliqué par le fait que les individus« fragiles » ont été protégés la première année mais, enraison de leur espérance de vie limitée, sont décédésla seconde année, s'ajoutant aux décès attendus lorsde cette seconde année, provoquant ainsi, par unesorte d'effet « rebond », une surmortalité.

La tendance à l'augmentation du nombre de décèsobservée avant la mesure (+3,5 % par an du nombrede décès toutes causes et tous âges confondus, enraison de l'augmentation de la taille et de l'âge de lapopulation) se ralentit fortement à partir de juillet 1990,ce qui tendrait à démontrer qu'il y a eu des effets àlong terme.

Enfin, la mortalité cardio-respiratoire a chuté (-3,27 %)dans les quartiers où la diminution des concentrationsde SO2 était la plus forte, alors qu'elle a continué decroître (+1,35 %) dans les autres quartiers.

Le nombre annuel de décès en excès avant la mesurede restriction du soufre dans le fuel est estimé à 600,représentant 10 268 personnes-années de vie perdues.

Le taux de mortalité standardisé sur l'âge a diminué aucours des 10 années sur lesquelles a porté l'étude.Cette baisse s'est accentuée après la mesure.

En 1991, sur les 5,8 millions d'habitants que comptaitHong-Kong, le nombre de personnes-années de viegagnées est de 667 095 chez les hommes et de308 614 chez les femmes au-delà des deux annéesaprès la mesure, ce qui représente un allongementmoyen de la durée de vie de 31 jours par individu.

Basé sur le risque relatif associé à une diminution de10 µg/m3 de la concentration en SO2, ce gain de duréede vie est de 15 jours par individu et par annéed'exposition.

Commentaires

Il aurait été intéressant de connaître la teneur en soufredu fuel avant la mesure de réduction et d’avoir uneestimation des quantités de dioxyde de soufre émisesavant et après la mise en application de cette décision.

Les auteurs ayant observé de grandes différences deconcentrations atmosphériques selon les districts de laville, il aurait été pertinent de présenter les variationsde concentrations en SO2 sur chacune des cinqstations prises en compte. Outre les concentrationsmoyennes mensuelles, il aurait été judicieux deprendre en compte également les concentrationsmaximales sur la base, par exemple, des valeursmoyennes journalières les plus élevées.

Malgré ces remarques, l’étude présentée dans cetarticle constitue une approche originale et trèsintéressante de la relation entre les concentrations dedifférents polluants (notamment dioxyde de soufre etsulfates dans les particules inhalables) et les taux demortalité (respiratoire, cardiovasculaire) puisqu'ellepermet de quantifier les bénéfices, en termes dequalité de l'air et pour la santé humaine, engendrés parune mesure de restriction du soufre dans le fuel.

Les auteurs ont su combiner des techniquesstatistiques (régression linéaire, régression de Poisson,

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analyse de séries chronologiques) habituellementutilisées en épidémiologie pour mesurer l'impact de lapollution atmosphérique sur la santé (mortalité le plussouvent), et une méthode innovante applicable à cettediminution provoquée et brutale du taux d'oxydes desoufre dans l'air.

Ceci leur a permis, en effectuant des comparaisonsavant/après la mesure, de présenter leurs résultatssous différentes formes : variation du taux de mortalité(point d'inflexion dans la courbe de tendance), nombred'années potentielles de vie perdues avant la mesure,gain d'espérance de vie après la mesure, etc.

La méthode conduisant à estimer la variation relativedes taux de mortalité est cependant expliquée trèsbrièvement dans cet article et peut, de ce fait, s'avérerdifficile à comprendre pour les lecteurs non initiés.

Par ailleurs, si la durée de l'étude paraît très convenablepour ce type d'approche (10 ans), il peut semblerréducteur de n’utiliser que des données mensuelles demortalité. Les données quotidiennes de pollution ont dûégalement être réduites à des moyennes mensuelles.Cette non prise en compte des micro-cycles(principalement en fonction des jours de la semaine) neconstitue-t-elle pas une source de biais?

Enfin, une mise en perspective, même succincte, desrésultats obtenus ici avec ceux observés dans lesétudes antérieures effectuées par le même organisme(Department of Community Medicine) et portant surl’effet de la même mesure sur la santé d’enfants, auraitété judicieuse (voir en fin d’article : Sur le mêmesujet…).

En conclusion, cet article présente l'une des étudesconsécutives à la mesure de restriction du soufre dansle fuel à Hong-Kong.

Les résultats observés, en termes de bénéfice pour lasanté, semblent faibles en regard d'autres études, maisil est possible qu'il s'agisse d'une estimation incomplèteliée au type d'analyse (séries chronologiques) neprenant en compte que les effets à court terme. Uneétude prospective de suivi de cohorte semblerait mieuxadaptée pour quantifier l’impact total de la mesure prise.

Cependant, alors que de nombreuses études avaientdémontré que des augmentations de pollutionpouvaient être à l'origine d'une augmentation de lamortalité touchant principalement des individusfragilisés, mais sans pouvoir estimer précisément decombien de temps ces décès avaient été « précipités »,cette approche a permis de quantifier le gaind’espérance de vie des individus exposés à unediminution de la pollution soufrée.

Les auteurs rapprochent cette étude d’autres travauxsemblables effectués notamment en Europe, dontcertains n’ont pas démontré de lien causal clair entre lesteneurs de SO2 et la mortalité. Mais, ils soulignent que lesconcentrations en particules respirables (dont les effetssur la santé sont bien documentés), même si elles n’ontpas montré de variation avant et après l’événement, sontnotablement supérieures à Hong-Kong. Par conséquent,des effets combinés et synergiques du SO2 et d’autrespolluants ne sont pas à exclure.

Sur le même sujet…

Deux études, antérieures à celle analysée ici, ont étépubliées sur les effets de la même intervention. Lesréférences de ces deux articles sont les suivantes :

- Peters J, Hedley AJ, Wong CM, Lam TH, Ong SG,Liu J, Spiegelhalter DJ. Effects of an ambient airpollution intervention and environmental tobaccosmoke on children’s respiratory health in Hong Kong. Int J Epidemiol 1996; 25(4):821-5.

- Wong CM, Lam TH, Peters J, Hedley AJ, Ong SG,Tam AYC, Liu J, Spiegelhalter DJ. Comparisonbetween two districts of the effects of an airpollution intervention on bronchial responsivenessin primary school children in Hong Kong. J Epidemiol Community Health 1998; 52:571-8.

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GlossairePersonnes-années de vie perdues : somme desannées de vie perdues cumulées pour l’ensemble de lapopulation considérée

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Pollution atmosphérique n° 184 Extrapol n° 24 - Décembre 2004

Analyses commentées

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Pollution atmosphérique n° 184

Analyses commentées

Problématique

La toxicité du plomb est admise de très longue date.Mais ce n’est qu’au cours des dernières décenniesque cette problématique a réellement suscité unintérêt.

Les effets neurologiques du plomb ont été décrits etles résultats d’études épidémiologiques réalisées depar le monde ont montré que le plomb, à faiblesdoses, était un danger pour le système nerveuxcentra l , notamment chez les enfants et lesnourrissons.

Lors de la réalisation de cette étude (1990), il étaitadmis que la principale source de plomb en milieuurbain était l’essence plombée. La plombémiehabituelle en milieu urbain était estimée à 150 µg/l, laplombémie d’origine naturelle étant estimée à 2 µg/l.Plusieurs publications avaient montré, dans des paysqui s’étaient engagés sur la voie de la réduction de laconcentration en plomb des essences, l’impact decette réduction sur la plombémie des populations. Undébat existait cependant sur l’importance de cetteréduction et sur l’intérêt d’une suppression complète

des additifs à base de plomb au regard des risqueséventuels présentés par d’autres additifs et des coûtsinduits.

En Afrique du sud, des mesures de réductionprogressive du plomb des essences ont été prisesentre 1983 et 1989. A la date de l’étude, il n’existaitpas d’évaluation de l’impact de ces mesures sur laplombémie de la population générale.

Résumé

Objectif

Les auteurs cherchent à déterminer l’effet de ladiminution de la concentration en plomb des essencessur les niveaux de plombémie des habitants de la villedu Cap, en Afrique du Sud, au cours de la période1984-1990.

Méthodes

Deux échantillons d’habitants adultes de la zoneurbaine de la ville du Cap ont été tirés au sort, l’un en1984 (n=25) et l’autre en 1990 (n=34). Il s’agissait depersonnes non connues comme exposées au plomb,ni professionnellement, ni dans leur activité habituelle.

Les prélèvements ont été faits par microméthode :prélèvement de sang capillaire au bout du doigt, aprèsdeux nettoyages de la peau à l’alcool isopropylique.Les analyses ont été réalisées par spectrométried’absorption atomique à four graphite.

Effet de la réduction de la teneur en plomb des carburants sur les plombémies des Sud-Africains

Effect of the reduction of petrol lead on the blood lead levels of South Africans Maresky LS, Grobler SR. The Science of the Total Environment. 1993; 136:43-8

Analyse commentée par

Philippe Bretin1 et Christian Renaudot2

1 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice2 Airparif, Paris

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Pollution atmosphérique n° 184 Extrapol n° 24 - Décembre 200410

Analyses commentées

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RésultatsEn 1984, la moyenne et la médiane des plombémiesmesurées étaient respectivement de 97 et 100 µg/l, lesvaleurs individuelles étant comprises entre 30 et 160 µg/l.En 1990, la moyenne et la médiane des plombémiesétaient respectivement de 72 et 67 µg/l avec des valeursindividuelles comprises entre 6,2 et 141 µg/l.

Les auteurs concluent qu’il y a bien une différencesignificative des niveaux de plombémie entre le groupede 1984 et celui de 1990 (p<0,01).

Ils notent que ces niveaux sont « bien en dessous » desvaleurs relevées dans la bibliographie internationalepour les populations urbaines, estimées à 100-150 µg/l.Ils remarquent également qu’ils sont plus faibles queles niveaux mesurés dans certaines zones industrielleset dans des zones où l’ajout de plomb à l’essence apourtant été interdit.

Les auteurs notent qu’il n’a pas été établi de niveau deplombémie sans effet observé, mais considèrent queles niveaux de plombémie mesurés sont à l’intérieur demarges de sécurité reconnues.

Ils considèrent, enfin, qu’il n’y a pas d’évidence scientifiqueconvaincante à diminuer encore ou supprimer totalementle plomb des essences en Afrique du Sud, le coûtrisquant d’être difficile à financer.

Commentaires

Cette étude montre, comme beaucoup d’autres, l’impacttrès positif de la suppression du plomb des essences surla diminution de la plombémie des populations.

Soulignons, toutefois, le fait que cette étude n’est pasrécente et que, sur la problématique du plomb dansl’atmosphère, de nombreuses évolutions ontété constatées depuis, notamment en Europe. Leconstat d’hier n’est donc vraisemblablement plusvalable en ce qui concerne les plombémies actuellesdes populations urbaines des pays européens.

On peut émettre quelques critiques en matière deméthodologie. Il aurait été intéressant, pour mieuxcomparer et comprendre les plombémies mesurées, demettre celles-ci en relation avec les concentrations enplomb dans l’atmosphère. A aucun moment, en effet,l’article n’évoque la teneur en plomb dans l’air, que cesoit en situation de fond urbain (cas de l’échantillonétudié) ou en proximité du trafic routier (cas des routierssuivis dans de précédentes études). Cette absence de

référence est sans doute liée à l’absence de mesuresin situ. Seule cette caractérisation permettrait d’avoirune idée de l’exposition induite par l’ensemble dessources de pollution urbaine, et pas seulement du traficroutier, même si ce dernier constitue à l’évidence unesource plus que dominante.La variabilité des plombémies observées au sein deséchantillons laisse perplexe pour des sujets supposésnon exposés à des sources spécifiques de plomb. Iln’est pas donné d’information sur la précision de lamesure de la plombémie par micro-méthode, quipourrait expliquer en partie la variabilité des résultats.

L’échantillon est supposé non soumis aux sources deplomb « connues », sans qu’aucune précision ne soitréellement apportée sur ce point. Les auteurs n’abordentpas de manière précise les autres sources locales decontamination par le plomb, que ce soit dans l’habitat ouen milieu extérieur (peintures, sources industriellesspécifiques). La représentativité de l’échantillon parrapport à la population urbaine de la ville n’est pasconnue. Il n’est pas indiqué s’il existe des différencesentre les deux échantillons sur des facteurs de confusiontels que l’âge et le sexe.

Les autres causes possibles de la diminution desplombémies ne sont pas abordées (alimentationnotamment).

Par ailleurs, les doutes émis sur l’intérêt, en termes derapport coût/efficacité, de la poursuite de la réduction dela teneur en plomb des essences ne sont pas étayés etdébordent l’objectif de l’étude. Il n’y a aucune donnéesur le coût des solutions de remplacement. Le caractèreacceptable, au plan de la santé publique, du niveau deplombémie de la population estimé par l’étude n’est passuffisamment argumenté en l’absence de seuil reconnusans effet pour le plomb. L’argument d’une plus faibleplombémie de la population générale du Cap, parrapport à la plombémie relevée dans des régionsindustrialisées de pays ayant interdit le plomb dansl’essence, est critiquable. Il n’est pas discuté la situationdes personnes ayant d’autres sources supplémentairesd’exposition. Enfin, la situation des enfants qui ne sontpas inclus dans l’étude mais qui sont la population laplus à risque n’est pas abordée.

Glossaire

Plombémie : teneur en plomb dans le sang expriméehabituellement, en France, en µg/l.

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11 Extrapol n° 24 - Décembre 2004

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Pollution atmosphérique n° 184

Analyses commentées

Problématique

Le monoxyde de carbone (CO) est responsable de plusde 2 000 décès annuels par intoxication aux Etats-Unis. Le nombre de décès imputables au CO, parmillion d’habitants, est cependant en diminution. Lesexplications possibles de cette diminution sont :

- la sécurité croissante des appareils et installationsdomestiques ;

- une amélioration dans la prise en charge médicale ;

- l’utilisation de systèmes d’alarme dans les habitations ;

- la réduction des émissions de CO par les véhicules.

Ce travail se concentre surtout sur cette dernièrehypothèse, une majorité des décès étant due àl’exposition aux gaz d’échappement et une série demesures réglementaires ayant progressivement réduitles émissions de CO d’origine automobile depuis 1970,et surtout après 1975.

Résumé

Objectifs Les auteurs visent à évaluer l’influence des politiqueset des pratiques concernant les émissions de gaz parles véhicules à moteur sur la mortalité en rapport avecle monoxyde de carbone. Ils décrivent, sur une périodede 31 ans (1968-1998), les décès en rapport avec uneintoxication au monoxyde de carbone aux Etats-Unis.

Méthodes Il s’agit d’une analyse de tendance longitudinaleutilisant :

- les données informatisées de mortalité fournies par lesCenters for Disease Control and Prevention (CDC) ;

- les estimations annuelles de la population résidantepubliées par l’US Census Bureau, qui constituent lesdénominateurs des taux ;

- les facteurs unitaires d’émission en CO des véhiculeslégers (20 000 véhicules testés selon un protocoled'essai bien défini avec départ à froid) qui ont étéfournies par l’US Environmental Protection Agency. A partir de la composition du parc automobile desUSA, ces facteurs d'émissions et la prise en comptede l'âge et du type du véhicule ont permis de calculerles émissions de CO moyennes, par véhicule et par an.

Politiques et pratiques nationales concernant les émissions automobiles et baisse de la mortalité liée au monoxyde de carbone aux Etats-Unis

National vehicle emissions policies and practices and declining US carbonmonoxide-related-mortality Mott JA, Wolfe MI, Alverson CJ, Macdonald SC, Bailey CR, Ball LB, Moorman JE, Somers JH, Mannino DM, Redd SC.Journal of American Medical Association. 2002; 288(8):988-95

Analyse commentée par

René Alary1 et Georges Salines2

1 Laboratoire central de la préfecture de police de Paris2 Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice

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Pollution atmosphérique n° 184 Extrapol n° 24 - Décembre 200412

Analyses commentées

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Les décès inclus dans l’étude sont tous les décèssurvenus aux Etats-Unis, de 1968 à 1988, pour lesquelsune intoxication par le CO, sans relation avec unincendie, figurait sur le certificat de décès. Les décèssont classés en fonction de l’intention (suicide,homicide, accident, indéterminé, autre) et dumécanisme (en relation avec un véhicule, sans relationavec un véhicule, indéterminé). La définition et leclassement de chaque cas sont déterminés par unalgorithme, selon les codes diagnostiques attribués àchaque décès enregistré dans la base de données. Cecodage est réalisé par les CDC à partir des certificatsde décès qui contiennent, aux Etats-Unis, jusqu’à 20éléments diagnostiques pouvant avoir contribué audécès. Les codes sont issus de la huitième révision dela classification internationale des maladies pour lapériode 1968-1978 et de la neuvième révision pour lapériode 1979-1998.

Des régressions binomiales log-linéaires négatives etde Poisson sont utilisées pour estimer les variationsdes taux et les intervalles de confiance à 95 % de cesvariations.

Des modèles de régression binomiale négative sontégalement utilisés pour étudier directement l’associationentre les émissions annuelles d’origine automobile et lestaux annuels de décès liés au CO en relation avec unvéhicule à moteur.

Afin d’estimer le nombre de décès accidentels qui seseraient produits si les taux de décès liés au CO étaientrestés à leurs niveaux d’avant 1975, les taux moyensannuels de décès liés au CO pendant la période 1968-1974 sont calculés, puis appliqués aux estimations de lapopulation des Etats-Unis pendant la période 1975-1998.

Afin de déterminer si une meilleure prise en chargemédicale a été un facteur de réduction de la mortalitépar intoxication au CO, les décès sont classés en deuxcatégories : les décès survenus au domicile ou hors detout contexte de soins sont classés comme « décèssans traitement » ; les décès survenus à l’hôpital, que cesoit en hospitalisation, aux urgences ou à l’arrivée del’ambulance à l’hôpital, sont classés comme « décèspouvant être survenus après traitement ». Les variationsdes taux de décès sans traitement et de décès pouvantêtre survenus après traitement sont comparées pour lapériode 1979-1998 (années pour lesquelles le lieu dudécès est mentionné sur les certificats).

Résultats

De 1968 à 1998, 116 703 décès, pour lesquels uneintoxication par le CO sans relation avec un incendiefigurait sur le certificat de décès, ont été enregistrés.Pendant cette période, le taux de décès en relation avec lemonoxyde de carbone est passé de 20,2 à 8,8 décès parmillion de personne-années, soit une diminution estiméede 57,8 % (intervalle de confiance à 95 % : 52,6-62,4).

Un véhicule à moteur est mentionné sur le certificatcomme mécanisme à l’origine du décès, dans 70,6 %des cas.

Sur l’ensemble de la période étudiée (1968-1998), lestaux annuels de décès accidentels non liés aux véhiculesautomobiles ont diminué de manière homogène. Enrevanche, les taux annuels de décès liés aux véhiculesautomobiles n’ont commencé à décliner qu’après 1975 :les taux de décès accidentels liés au CO en relation avecun véhicule à moteur sont passés, de 1975 à 1996, de4,0 à 0,9 décès par million de personnes-années, soitune diminution estimée à 81,3 % (intervalle de confianceà 95 % : 77,0-84,8). L’équipement d’un pot d’échap-pement catalytique de tous les véhicules neufs a étérendu obligatoire en 1975. Après la mise en place decette mesure, les émissions de CO d’origine automobileont diminué, de 1975 à 1996, d’un pourcentage estimé à76,3 % (intervalle de confiance à 95 % : 70,4-82,0). Cecicorrespond à une diminution annuelle moyenne de3,6 g/mile des émissions de CO d’origine automobile.

Les taux de suicides par CO en relation avec unvéhicule à moteur ont également diminué, sur la mêmepériode, de 10,0 à 4,9 décès par million de personnes-années, soit une diminution estimée à 43,3 % (intervallede confiance à 95 % : 24,3-57,5).

Cependant, si les tendances concernant les décèsaccidentels liés au CO en relation avec un véhicule àmoteur et les émissions de CO d’origine automobilesuivent des trajectoires quasi parallèles, les tauxannuels de suicides impliquant des véhicules à moteurn’ont commencé à diminuer qu’en 1988, plus de dixans après le début de la diminution des émissionsautomobiles de CO.

En ce qui concerne l’influence éventuelle del’amélioration de la prise en charge médicale, onconstate que, de 1979 à 1998 (années pour lesquellesles données sont disponibles), les décès liés au CO ontdiminué de 66,7 % (intervalle de confiance à 95 % : 64,7-68,3) dans le groupe des personnes éventuellementtraitées avant le décès, et de 47,3 % (intervalle deconfiance à 95 % : 45,9-48,8) dans le groupe despersonnes non traitées.

Si les taux de décès liés au CO étaient restés lesmêmes avant et après 1975, 19 008 décès supplé-mentaires seraient survenus pendant la période 1975-1998, dont 61 % auraient été liés à un véhicule àmoteur, 24 % non liés à un véhicule à moteur et 15 %de mécanisme indéterminé.

Commentaires

Cette étude est particulièrement intéressante car ellepermet d’accéder, pour la première fois, à une analysedes données de mortalité par intoxication au monoxydede carbone depuis 1968. Les données de surveillance

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13 Extrapol n° 24 - Décembre 2004

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Pollution atmosphérique n° 184

Analyses commentées

publiées précédemment portaient uniquement sur despériodes postérieures à 1975, et ne permettaient doncpas d’analyser l’impact éventuel de l’introduction despots d’échappement catalytiques.

La nature écologique de cette étude empêche d’entirer des inférences causales. Cependant, la diminutionparallèle des émissions de CO dans les gaz d’échap-pement et des taux de décès par intoxication au COd’origine automobile a peu de chance d’être unecomplète coïncidence. Les auteurs analysent d’ailleursde manière convaincante les causes alternatives endémontrant qu’elles ne permettent pas aussi biend’expliquer les données observées.

On peut regretter que la clarté de la démonstration soitparfois obscurcie par certains choix ou contraintesméthodologiques. En particulier, les périodes deréférence pour la présentation des donnéesconcernant les décès (1968-1978 et 1979-1998) etcelles concernant les émissions de CO (1968-1974 et1975-1996) ne sont pas les mêmes : le codage desdécès a en effet changé après 1978 et les potscatalytiques ont été introduits en 1975, ce quiexplique ces choix. Ces contraintes ajoutent unecomplexité supplémentaire au travail décrit, mais nechangent pas grand chose sur le fond.

On peut, par contre, regretter que les auteurs nediscutent pas davantage la différence observée entreles tendances concernant les décès accidentels et lessuicides : si la courbe des premiers suit étroitementcelle des émissions de CO d’origine véhiculaire, ladiminution des suicides intervient beaucoup plus tard, ycompris pour les suicides utilisant un véhicule. Aucuneexplication satisfaisante n’est apportée concernantcette constatation.

Les données sanitaires utilisées étant issues descertificats de décès, les limites inhérentes à cette sourcesont retrouvées ici : contenu du certificat limité àquelques données démographiques, au lieu du décès etau diagnostic porté par le médecin (ne sont pas fournies,par exemple, des données sur les circonstancesentourant le décès comme la consommation associéed’alcool et/ou de drogue). Le remplissage des certificatspar les médecins est lui-même de qualité inconstante etne permet pas toujours de classer de manièresatisfaisante le décès selon le mécanisme, l’intention, oumême le lieu de survenue. En outre, il aurait été

intéressant de savoir si la cause du décès a été confirméepar une mesure du taux de carboxyhémoglobine.

Seulement 6,1 % des décès sont classés comme« non reliés à un véhicule à moteur ». Par ailleurs,l’analyse montre que le nombre de décès classéscomme « mécanismes indéterminés » (23,3 %) suit uneévolution plus proche de celle du nombre de décèsclassés comme « liés à un véhicule à moteur » (70,6 %)que de celle du nombre de décès « non liés à unvéhicule à moteur ». Cela illustre la prédominanceconsidérable de la cause « véhicule à moteur » parmiles décès liés au CO, aux Etats-Unis. Cette situationcontraste de façon importante avec la situation dansnotre pays, car les quelques données françaisesdisponibles, à Paris en particulier et pour ces dernièresannées, ne font pas état d'un nombre aussi importantde décès liés à un véhicule à moteur. Il est regrettablede ne pas avoir plus d’informations sur les circonstancesdes accidents ayant conduit au décès, qui pourraientmettre en cause les conditions d'utilisation du véhiculedans un environnement peu adapté (garage nonventilé) ou l'entretien du véhicule.

En conclusion, cette étude apporte une intéressantedescription de la mortalité due au CO, aux Etats-Unis,sur une période de plus de 30 ans. Elle analyse la partprise par la réglementation des émissions de CO et, enparticulier, par l’introduction des pots catalytiquesaprès 1975 dans la diminution observée des décès liésaux véhicules à moteurs. Malgré cette diminution,l’intoxication au CO demeure une cause majeure dedécès par intoxication aux Etats-Unis, avec plus de1 700 suicides et 500 décès accidentels tous les ans.Les progrès enregistrés dans la réglementationconcernant les émissions des véhicules ont permisd’éviter de nombreux décès, mais il ne faut pas ignorerque des décès par intoxication au monoxyde decarbone continuent à se produire, même avec desvéhicules récents. Ils sont le fait, soit de conditionsparticulières d’utilisation dans des locaux insuf-fisamment ventilés entraînant lors de l'utilisation duvéhicule un appauvrissement en oxygène, soit le faitd’une perte d’efficacité progressive du pot catalytique.

Il serait également fort utile que soit réalisée une telleétude systématique sur les décès, en France.

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Pollution atmosphérique n° 184 Extrapol n° 24 - Décembre 200414

Analyses commentées

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Problématique

Le 1er septembre 1990, la publicité, la vente et ladistribution de charbon bitumineux ont été interdites àDublin par le gouvernement irlandais. En effet, la qualitéde l’air s’était détériorée à partir des années quatre-vingt, suite à une augmentation du prix du pétrole et àune plus grande utilisation du charbon pour chaufferles logements et l’eau. Les périodes de pollutionatmosphérique à Dublin étaient associées à des décèshospitaliers pour cause respiratoire.

Résumé

Objectifs

L’objectif de cette étude est d’estimer l’impact de lamesure d’interdiction (et de la diminution des niveauxambiants de la pollution particulaire qui lui est liée) sur lamortalité à Dublin. L’analyse tient compte d’autresfacteurs connus intervenant sur la mortalité : température,humidité, épidémies de grippe, variations séculaires depopulation.

Méthodes

Les indicateurs de pollution particulaire et soufrée, lesfacteurs météorologiques et la mortalité ont étécomparés, par saison, avant et après l’interdiction dela vente de charbon (2 périodes de 72 mois chacune,du 1er septembre 1984 au 31 août 1990 et du 1er

septembre 1990 au 31 août 1996) ; puis l’impact del’interdiction sur la mortalité a été étudié selon laméthode des séries temporelles interrompues àl’aide d’un modèle de régression de Poissonpermettant de prendre en compte des facteurstemporels ou des cofacteurs pouvant modifier lesestimations (épidémies de grippe, variables météoro-logiques…).

Plus précisément, les indicateurs de pollutionparticulaire ont été construits à partir des moyennesjournalières de fumées noires et de dioxyde de soufrede six stations mesurant la pollution de fond à Dublin.

L’humidité relative et la température moyenne journalièreont été relevées, pour la même période, à l’aéroportde Dublin.

Les indicateurs sanitaires étaient la mortalité toutescauses hors accident (code CIM 9 < 800) pour tous lesâges, chez les moins de 60 ans, chez les 60-74 ans etchez les 75 ans et plus. La mortalité tous âges parpathologie de l’appareil respiratoire (code CIM 9 [480-496] ; 507) et la mortalité tous âges par pathologie del’appareil circulatoire (code CIM 9 [390-448]) ontégalement été analysées.

Les variations observées dans la structure par âge de lapopulation de Dublin durant la période d’étude ont

Effets du contrôle de la pollution de l’air sur les taux de mortalité à Dublin, Irlande : évaluation d’une intervention

Effect of air-pollution control on death rates in Dublin, Ireland : an intervention studyClancy L, Goodman P, Sinclair H, Dockery DW. The Lancet. 2002; 360:1210-4

Analyse commentée par

Patricia Guieu-Renzi1 et Hélène Prouvost2

1 Airmaraix, Marseille2 Observatoire régional de santé Nord-Pas-de-Calais, Lille

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Extrapol n° 24 - Décembre 2004

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Pollution atmosphérique n° 184

Analyses commentées

conduit à utiliser, plutôt que les données brutes, destaux de mortalité standardisés sur l’âge en utilisant,comme référence, la population irlandaise de 1991.

En l’absence de système de surveillance de la grippeen Irlande, les auteurs ont pu identifier 5 périodesépidémiques (3 avant l’interdiction et 2 après) commeétant les périodes dont la moyenne glissante sur 14jours du nombre de décès causés par les grippes et lespneumonies se situent au-dessus du percentile 95 desmoyennes glissantes calculées sur l’ensemble de lapériode d’étude.

Les variations temporelles de la mortalité (liées àl’amélioration du système de soins, des conditionssociales, des comportements individuels…) - nonmesurables - ont été prises en compte au travers dutaux standardisé de mortalité toutes causes, causescardiovasculaire et respiratoire, calculé par la méthodedirecte pour le reste de l’Irlande.

L’analyse statistique a été réalisée séparément pour lamortalité toutes causes, la mortalité respiratoire, lamortalité circulatoire et l’ensemble des autres causesde mortalité. L’effet de l’interdiction est exprimécomme une variation en pourcentage du rapport décèsobservés/décès attendus.

Résultats

Suite à l’interdiction de la vente de charbon à Dublin,les concentrations moyennes de fumées noires ontdiminué de façon nette, passant de 50,2 µg/m3 à 14,6µg/m3 en moyenne annuelle. Cette réduction a étéplus marquée pour les mois d’hiver (de 85,4 à 21,5µg/m3) que pour les autres saisons. Les niveaux deSO2 ont baissé de façon plus progressive dans letemps, avec une diminution d’un tiers desconcentrations après l’interdiction (de 33,4 µg/m3 à22,1 µg/m3). Aucune différence n’a été observée ence qui concerne les températures moyennes avantet après l’interdiction, mais l’humidité relative était enmoyenne plus élevée pendant la période postérieure àl’interdiction.

Les auteurs ont mis en évidence une baisse des tauxstandardisés de mortalité toutes causes après le 1er septembre 1990 (date de l’interdiction), passant de9,41 ‰ à 8,65 ‰ par an, soit une diminution de 8 %.Cette baisse s’observait de façon homogène danstoutes les tranches d’âge. Des diminutions de 13,4 %et 16,1 % ont été observées, entre les deux périodes,pour les décès pour cause cardiovasculaire etrespiratoire, respectivement.

Après ajustement sur la température, l’humidité, latendance à long terme et les épidémies de grippe, laréduction du nombre de décès semblait moinsconséquente mais restait significative pour la mortalitétoutes causes (-5,7 %), cardiovasculaire (-10,3 %) etrespiratoire (-15,5 %). En revanche, les auteurs

notaient une légère hausse du taux standardisé dedécès pour l’ensemble des autres causes de décèsaprès ajustement (+1,7 %), mais cette augmentationn’était pas significative.

La diminution du nombre de décès toutes causesreprésentait 7,9 % chez les moins de 60 ans, 6,2 % chezles 60-74 ans et 4,5 % chez les 75 ans et plus.

Commentaires

Les études de séries temporelles interrompues sontutilisées pour évaluer des interventions quand une étudesur échantillon n’est pas possible. Cette approche n’estpas une simple étude de type « avant-après », car ellepermet de prendre en compte des tendancestemporelles par des méthodes de régression, ce qui aété fait dans cette étude. Les auteurs expliquent endétail les justifications et la méthode de standardisationdirecte des taux de mortalité, au détriment peut-êtred’informations sur la construction des indicateursd’exposition à la pollution atmosphérique et leurreprésentativité, sur la source des données de mortalitéet sur la méthode des études de séries temporellesinterrompues.

La période d’étude de 12 ans (6 ans avant et 6 ansaprès l’interdiction) est assez longue, ce qui est unavantage dans ce type d’étude, en termes depuissance statistique. Les auteurs concluent, aprèscomparaison de leurs résultats avec les résultatsd’études de séries temporelles européennes, que cesdernières sous-estiment le bénéfice sanitaire d’unebaisse des niveaux de pollution atmosphérique. Lesfumées noires et le SO2 sont des indicateurs de lapollution acido-particulaire et, d’une ville à l’autre, lacomposition de cette pollution est variable selon lessources d’émissions. Les auteurs ne précisent pas s’ilsont tenu compte de cette limite dans leur comparaison.

Cependant, cette étude est très intéressante et apportede nouveaux éléments factuels permettant deconfirmer l’impact de la pollution atmosphérique sur lamortalité mis en évidence dans de nombreuses études,mais souvent présenté sous forme de scénarios, peut-être moins convaincants.

En conclusion, l’interdiction de la commercialisationde charbon à Dublin a entraîné une nette diminution desconcentrations de fumées noires. Après ajustement, lenombre de décès en moins, par an, est estimé à 243pour les pathologies de l’appareil circulatoire et à 116pour les pathologies de l’appareil respiratoire.

Ce changement a été visible dès la première saisonhivernale suivant l’interdiction, démontrant ainsil’impact à court terme de la pollution acido-particulairesur la mortalité mis en évidence dans d’autres étudesépidémiologiques.

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Analyses commentées

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Problématique

La région entourant la fonderie de métaux Pasminco,en Australie, est connue comme étant contaminée,depuis de nombreuses années, par les métaux lourdset en particulier par le plomb. Des campagnes demesures environnementales (air, sols, poussières demaison) ainsi que de dépistage de la plombémie chezles jeunes enfants (1-4 ans) ont montré des résultatsalarmants en 1991 : 84 % des enfants dépistés à NorthLake Macquarie avaient des niveaux de plomb dans lesang supér ieurs à la va leur gu ide de 100 µg/ lrecommandée par le National Health and MedicalResearch Council (NHMRC). Un comité de gestion aalors été nommé. Un programme de réduction desexpositions ayant pour objectif la dépollution desmilieux contaminés (sols et poussières) et la réductiondes niveaux d'émission de l'installation a été initié.

Résumé

Objectifs

L'objectif de ce travail est d'évaluer l'efficacité desstratégies de réduction de la pollution par le plomb àNorth Lake Macquarie. L'efficacité du programme estjugée sur le constat de la réduction :

1) des plombémies des enfants à des concentrationsinférieures à 100 µg/l ;

2) des concentrations de plomb dans les sols et lespoussières ;

3) des concentrations atmosphériques jusqu’au niveaudes valeurs guides pour la qualité de l'air dans la zonerésidentielle concernée.

Méthodes

Les actions de réduction des expositions au plomb ontconcerné :

- l'environnement extérieur (sols) ;- l'environnement intérieur (poussières) ;- la surveillance des rejets atmosphériques de la

fonderie ;

Evaluation de l'efficacité des stratégies de réduction de la pollution par le plomb à North Lake Macquarie, NSW, Australie

An assessment of the effectiveness of lead pollution reduction strategies in North Lake Macquarie, NSW, AustraliaMorrison AL. The Science of the Total Environment. 2003; 303:125-38.

Analyse commentée par

Céline Boudet1 et Frédéric Dor 2

1 Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement, Maisons-Alfort

2 Institut de veille sanitaire, Sant-Maurice

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Analyses commentées

- la vérification du respect des valeurs guides dansl’air ambiant.

En outre, une action de sensibilisation a été menéeauprès de la communauté locale sur les dangers liésau plomb et sur les modalités individuelles deréduction des expositions.

La stratégie a évolué au cours du temps. En premier lieu,au cours des 15 dernières années, et en réponse à lapression communautaire et réglementaire, l’effort aporté sur la réduction, par l’exploitant, desémissions atmosphériques canalisées, puis desémissions diffuses. Elles sont ainsi passées de 92 à 15tonnes, par an, entre 1988 et 2000. Parallèlement, unobjectif de qualité de l’air à la limite de la zonerésidentielle concernée est fixé, en 1995, à 1,5 µg/m3,puis à 1 µg/m3 à compter de janvier 1998, pour 95 % dutemps.

Dans un deuxième temps, les actions de dépollution ontconcerné l’habitat. Entre 1996 et 1999, elles ont étéciblées sur les 25 propriétés individuelles où les enfantsprésentaient les plombémies les plus élevées lors de lacampagne de 1991. Elles incluaient le nettoyage desplafonds, le remplacement des revêtements de sol,l'installation de filtres au niveau des fenêtres,l'évacuation des terrils contaminés et la mise en placed'une couverture paysagée (pelouse, etc.). Le caractèrerestrictif de la population concernée par ces mesuresétant mal perçue, cette stratégie a ensuite mis en oeuvrela dépollution dans la totalité de la zone affectée par lesémissions : 600 foyers, toutes les écoles et autres lieuxpublics sous l'influence directe de la fonderie ont ainsiété dépollués et des actions de sensibilisation ont étéconduites auprès des populations.

Enfin, concernant les sols, un seuil d’action a été fixé à300 mg de plomb par kilogramme. Ce seuil conduit àdéclencher la dépollution du site et constitue l’objectifde cette dépollution.

Résultats

Les indicateurs de l’efficacité des mesures sont :

- la plombémie des enfants (< 13 ans) de North LakeMacquarie : elle a diminué de 110 à 75 µg/l entre1991 et 2000. Cependant, chez les enfants âgés de 1 à 4 ans, on observe une stabilisation des niveauxde plomb dans le sang, et 35 % d'entre eux ontencore des niveaux supérieurs à 100 µg/l ;

- le respect de la valeur guide de qualité de l’air de1 µg/m3 : malgré la diminution des émissions,principalement les émissions canalisées, cet objectifn’est pas atteint à la limite de la zone exposée.

Ces résultats mitigés révèlent les difficultés à conduireune stratégie d’action adaptée en s’appuyant sur desconnaissances scientifiques solides, des moyens,

notamment financiers, appropriés et une implicationdes différents acteurs concernés.

Au plan scientifique, la réduction des émissionsatmosphériques devait conduire à une réduction plusimportante des plombémies, compte tenu d’une périodede fermeture de la fonderie survenue en 1993-1994. Lesniveaux moyens de plombémie ont alors chuté de 113 µg/l(mai 1993) à 101 µg/l (novembre 1993) pour croître ànouveau jusqu’à 110 µg/l dès la ré-ouverture del'installation, en mai 1994. A des niveaux faibles deplomb dans l'air, un modèle comme IEUBK (US-EPA,1999) suggère que les plombémies sont très peuaffectées par inhalation directe. Néanmoins, uneétude américaine récente contredit cette assertion etsuggère plutôt que IEUBK ne tient pas correctementcompte de l’impact de la pollution atmosphérique surles niveaux de plombémies (Hilts, in press). Dans le casde la fonderie de Pasminco, compte tenu du faibleeffet de la réduction des concentrations atmo-sphériques sur la réduction des plombémies, il estenvisagé de réduire, dans le futur, la valeur guideactuelle de 1 µg/m3 (non respectée) à 0,5 µg/m3 (valeurproposée par l’Organisation mondiale de la santé) si cesplombémies restent élevées. Malgré sa difficulté àrespecter la valeur guide actuelle, l'exploitant s'estmontré favorable, au cours de la commissiond'enquête, à la révision de ses stratégies de réductiondes émissions afin d'atteindre les objectifs actuels etfuturs de qualité de l'air.

Dans l’estimation des expositions, la difficulté résidedans la prise en compte, non seulement des émissionscanalisées, mais également des émissions diffuses.Or, ces dernières sont difficiles à évaluer. Malgré laréduction substantielle des émissions canalisées, lesmesures récentes réalisées sur les poussièresconfirment que les dépôts de plomb au sol sont encoreimportants dans la zone résidentielle, que ce soit enenvironnement extérieur ou à l’intérieur des locaux.Ce dernier aspect entraîne une obsession de propretédes mères de famille se sentant coupables des niveauxde plombémie mesurés chez leurs enfants. Au plan des moyens et de l’implication des acteurs,d'autres problèmes pouvant affecter l'évaluation desmesures de réduction ont été mis en évidence. Toutd'abord, le taux de participation des enfants auprogramme de dépistage semble faible (le nombre réeld'enfants affectés dans la zone est mal connu) et il estfort possible que cela entraîne un biais systématiquedans les résultats. Par ailleurs, la coordination entre lecomité de gestion des mesures de réduction et lesautorités locales n'a pu être formalisée, ce qui a puaccroître la contamination lors, par exemple, de travauxroutiers sans mesure de protection efficace. De plus,l'exploitant de la fonderie n'a jamais, depuis 1997,respecté les valeurs guides de concentration atmos-phérique de plomb, et les contrôles environnementauxdont il a eu la charge n'ont pas obéi à toutes les normes

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Analyses commentées

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australiennes en termes d'échantillonnage et d'analyse.Enfin, il est clair qu’une part importante de la conta-mination de l'environnement est liée aux pratiqueshistoriques locales qui consistaient à utiliser les scoriesde la fonderie pour le drainage et les aménagementspaysagers de la région.

Pour l’auteur, l'échec du programme est lié à uneabsence de concertation entre le gouvernement,l'industrie et la communauté dans la mise en œuvre de lastratégie. Les agences gouvernementales ont laissé lapopulation exposée à des niveaux de plomb élevés enrefusant de renforcer les dispositions réglementaires quiobligeraient l'exploitant à se mettre en conformité avecles valeurs guides de qualité de l'air. Les mêmesagences n'ont pas fait respecter l'utilisation deméthodes validées pour la dépollution ou la définitiond'objectifs pour les concentrations résiduelles deplomb. Pasminco n'a pas assumé de façon très activeses responsabilités dans la réduction des risques pour lacommunauté et a été plutôt réfractaire dans sesréponses aux demandes gouvernementales etcommunautaires. En focalisant son action sur un nombrelimité d'individus, la communauté elle-même s’est privéede moyens de pression efficaces sur le gouvernement etl'exploitant pour améliorer la qualité de sonenvironnement. Le succès du programme dépend decette cohérence tri-partite, basée sur le développementde relations dynamiques et interactives.

L’ensemble de ces constatations conduit l’auteur àformuler des recommandations supplémentaires. Endehors des points soulevés précédemment, ellesintègrent l’application et le renforcement des objectifsde réduction des émissions canalisées de la fonderieainsi que l'élimination des rejets diffus. Des fondsdoivent être débloqués afin d'accélérer la dépollutionde toutes les maisons et des espaces publics dans lazone contaminée. Un recensement des populationsdoit être entrepris dans la zone afin de repérerclairement les populations vulnérables. L’ensemble duprogramme doit être organisé en concertation avec lesautorités locales.

Commentaires

L’article proposé est scientifique et social à la fois. Il restecependant superficiel dans l’analyse et n’approfonditpas les incohérences dans les stratégies employées.Ainsi, le contexte social local, le nombre de personnesrésidantes de la zone contaminée et travaillant sur le site(même si une note de bas de page fait référence à uneautre publication sur le contexte social et les implicationslégales, cela aurait pu être rappelé) et l’expositionpotentielle de cette population ne sont pas décrits. Deplus, la zone exposée n’est pas clairement définie.

Cette absence de description de la situation présentéeest préjudiciable pour comprendre l’analyse surl’évaluation de l’efficacité des actions de réduction desexpositions.

Sur le plan social, une grande partie de la zonerésidentielle appartient à l'industriel et les maisons sontlouées par lui, certainement à des employés. Il est difficilede connaître son étendue exacte sur la base de ce seularticle, mais ce contexte peut aider à expliquer la faiblepression communautaire locale. Ainsi, les personnesrésidant dans cette zone ont-elles in fine fait l'objet ou non de mesures similaires (ou plus importantes) dedécontamination et de réduction des expositions ?Ont-elles été concernées par les mesures dans les sols,les maisons et par le dépistage de la plombémie ?

Il n’y a pas de justification de la délimitation de la zoned’étude. Il est évoqué une zone « tampon » quientourerait l’installation et des retombées de poussièresà des distances comprises entre 1 et 2 km de lafonderie, dans la direction des vents dominants,distances insuffisantes pour prendre en comptel’ensemble des dépôts significatifs de métaux lourds ausol. En conséquence, la population concernée ne peutêtre clairement identifiée et caractérisée. L’importancedes émissions diffuses interroge, par ailleurs, surl’éventuelle prise en compte d’une zone inférieure à1 km autour de la fonderie.

L’absence de description des expositions potentielles,et notamment des voies d’exposition pertinentes dansle contexte, empêche d’analyser la cohérence entre lesstratégies de réduction de ces expositions et lesplombémies mesurées. Aucune description des usagesdes ressources naturelles locales n'est présentée, tantsur la zone « tampon » qu'en dehors (hormis le fait queles scories étaient utilisées depuis fort longtemps pourl'aménagement du paysage). Les voies d'expositionindirectes telles que l'alimentation ne sont pasévoquées et seules l’inhalation et l’ingestion departicules ou de poussières semblent être prises encompte. Les autres voies ont-elles été écartées a prioriou bien n’ont-elle jamais été prises en compte ? Enfin,l'exposition professionnelle est connue pour induire desexpositions supplémentaires à celles liées au domicile,que ce soit pour les employés résidant dans la zone« tampon » ou les autres. Y a-t-il eu des procéduresd'éducation et de recommandations de bonnespratiques mises en place par les industriels et lesautorités locales à l'attention de ces personnes (ilsemble que seuls les enfants, via l'école, aient étésensibilisés) ?Enfin, on note que l’article qui emploie au début laterminologie « métaux lourds » cible finalement sonpropos exclusivement sur le plomb. Il semble que desrésultats de mesures soient disponibles pour d'autresmétaux (en particulier dans les poussières). Enl'absence de connaissance sur les interactions entre

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Analyses commentées

ces éléments, il aurait été judicieux de justifier la nonintégration des autres métaux à l'étude.

En conclusion, l’évaluation des stratégies d’action estd’une importance capitale. Trop souvent les travauxs’arrêtent à leur mise en place sans proposer d’embléeun dispositif d’évaluation. Malheureusement, cet articlene relate pas la méthode d’évaluation employée. Il meten lumière l’absence d’analyse scientifique de la

situation, tant sur la définition de la zone d’étude quesur les expositions potentielles de la population et lacaractérisation de celle-ci. Il reste une succession deconstats laissant une impression d’inachevé dansl’analyse de la cohérence et de l’efficacité des actions.Enfin, l'article révèle les difficultés d’associerl’ensemble des acteurs pour une constructioncollective d’objectifs à atteindre. Dans le cas présent,chacun a obéi à sa logique. Le résultat ne pouvait alorsêtre que l’échec.

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Analyses commentées

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Problématique

La vallée de l’Utah comprenait 188 000 personnes en1990. Cette zone située à 1 402 mètres d’altitude,souvent soumise à des inversions de température enhiver, était caractérisée par la présence d’une aciériereprésentant la source principale de pollution. Elle a faitl’objet de nombreux travaux épidémiologiques. Cesétudes ont porté plus précisément sur l’impact sanitairede l’arrêt d’activité du site industriel durant une année,suite à une grève ayant entraîné une diminution desPM10 émises par l’usine. La population était répartie surquelques communes de la vallée, à l’est de l’usine.

Résumé

Objectifs

Il s’agit d’une revue de la littérature concernantl’ensemble des études publiées sur la vallée de l’Utah,

spécifiquement. Les objectifs de ces différentesétudes étant d’évaluer les associations entre diversindicateurs de santé et la pollution par les PM10, dansla région, notamment durant l’année de fermeture del’usine mais également avant et après la grève.

Méthodes

L’aciérie a été fermée pendant 13 mois, du 1er août1986 au 1er septembre 1987, avec pour conséquenceune réduction substantielle des niveaux de pollutionparticulaire dans l’air ambiant.

La mesure des PM10 a été réalisée selon la méthode deréférence de l’EPA, sur trois sites de mesures prochesde l’usine et répartis sur trois communes : Lindon, Provoet Orem. Les niveaux moyens de PM10 étaient assezuniformes, quasiment égaux sur les sites d’Orem et deLindon, et 15 à 20 % plus faibles sur le site de Provo.Les variations journalières en PM10 des trois sites demesures étaient très bien corrélées entre elles (R > 0,95).

Les concentrations en dioxyde de soufre (SO2), enozone (O3) et en aérosol d’acidité forte sontrelativement faibles et/ou non corrélées positivementavec la pollution particulaire.

Les effets sanitaires des PM10 ont d’abord été étudiéspar des travaux épidémiologiques incluant l’annéed’arrêt de l’usine. L’approche utilisée était le plussouvent celle des études de série temporelle.Différents effets sanitaires ont été étudiés dans les 14études recensées par la revue : fonction pulmonaire et

Pollution particulaire et santé : un bilan de l’expérience de la vallée de l’Utah, USA

Particulate pollution and health : a review of the Utah valley experienceArden Pope C, III. Journal of Exposure Analysis and Environmental Epidemiology. 1996; 6(1):23-34

Analyse commentée par

Mariam Meybeck1 et Laurent Filleul2

1 Observatoire régional de l'air de Midi-Pyrénées, Toulouse2 Institut de veille sanitaire, Saint Maurice

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Analyses commentées

incidence des cancers du poumon, prévalence dessymptômes respiratoires, absentéisme scolaire,mortalités respiratoire et cardio-vasculaire.

Plus récemment, des études expérimentales complé-mentaires ont permis une investigation plus pousséedes effets biologiques de la pollution particulaireissue de cette vallée. Des échantillons depoussières sur filtres avaient été collectés un an avantla fermeture, pendant et après l’année de fermeture del’usine. Les filtres ont subi une extraction aqueuse envue de l’analyse de leur contenu en métaux et encomposés oxydants. Les extraits aqueux ont étéadditionnés à des cultures de cellules humaines del’épithélium respiratoire (BEAS-2B) pendant despériodes de 2 à 24 heures. Ces mêmes solutions ontégalement été injectées dans les trachées de ratsSprague-Dawley.

Résultats

Sur l’ensemble des études épidémiologiques, desassociations entre la mortalité journalière et les niveauxjournaliers de PM10 ont été observées dans la vallée del’Utah sur la période d’avril 1985 à décembre 1989. Lesmortalités cardiovasculaire et respiratoire étaient particu-lièrement concernées.

Les résultats épidémiologiques ont également mis enévidence une réduction des admissions à l'hôpital pourcauses respiratoires au cours de la fermeture de l'aciériecomparativement avec la période d’exploitation. Lesadmissions hospitalières pour maladies respiratoiressont fortement associées aux niveaux de PM10, avec uneffet majoré chez les enfants et concernant plus souventles bronchites et l’asthme que les pneumonies et lespleurésies. Ces résultats n’ont pas été observés sur lesadmissions hospitalières d’une vallée voisine nonexposée aux émissions de l’usine.

Plusieurs études ont également montré que les effetssanitaires dus aux particules s’étendent sur plusieursjours après l’exposition.

Les études conduites plus récemment montrent que lesPM10 recueillies l'année de fermeture de l’usineprésentaient les concentrations les plus basses de fersoluble, de cuivre et de zinc et le nombre le plus basd'oxydants (composés réactifs soupçonnés d'être unecause majeure des effets pulmonaires) sur l’ensembledes trois années.

De façon cohérente avec ces observations, lesparticules des années avant et après fermeture ontcausé in vitro des lésions du tissu pulmonaireimportantes, avec production de niveaux élevés demédiateurs de l’inflammation, par comparaison auxparticules de l’année de fermeture. S’il reste difficiled’appliquer directement aux effets cliniques, les effetsdes particules observés in vitro, l’instillation dessolutions polluées dans les trachées de rats a montré

également que les extraits des années avant et après lafermeture de l’usine avaient des effets bien plusimportants que ceux de l’année de fermeture de l’usine.

Discussion

Pour Pope, s’il existe pour chaque étudeépidémiologique recensée des limites liée à laméthodologie, la confrontation de leurs résultats faitapparaître une grande cohérence entre ces derniers.Cette cohérence est observée tant sur l’ordre degrandeur des risques estimés que sur leurscaractéristiques temporelles (délai d’apparition, durée).

L’auteur discute les limites générales de ces études quipeuvent être, selon lui, de trois types.

1. La plausibilité biologique des effets observés

Les travaux publiés alors ne permettaient pas d’apporterdes éléments de réponse sur les mécanismesbiologiques. Néanmoins, la plausibilité biologique étaitsupposée grâce à l’ensemble cohérent des effetsrespiratoires observés.

2. La méthodologie d’analyse

Néanmoins, à travers l’ensemble des études, ilapparaissait difficile pour l’auteur de généraliser unbiais méthodologique ou analytique, en raison de lamultiplicité des indicateurs considérés et de la diversitédes schémas d’étude et techniques d’analyseemployés. Les résultats étant cohérents, il était difficilede dire que l’ensemble de ces résultats aurait pu êtredû à un biais systématique.

3. Les facteurs de confusion

Il s’agit d’un facteur de risque simultanément associé àl’exposition et à l’indicateur de santé, qui est mal prisen compte dans les analyses et fausse la relationestimée. Les facteurs de confusion potentiels identifiéspar les auteurs étaient la consommation de cigarettes,les facteurs socio-économiques, les épisodes épidé-miques de maladies contagieuse tels que le VRS et lesfacteurs météorologiques ou d’autres polluants. Ilressortait de la discussion que les résultats observésdans la vallée de l’Utah ne pouvaient pas être biaiséspar ces cofacteurs, soit parce que la méthodologieemployée ne nécessitait pas un ajustement sur cesfacteurs, soit parce qu’ils étaient pris en compte dansles analyses.

Commentaires

Du point de vue de l’approche expérimentale, lescommentaires portent plus particulièrement sur lesétudes conduites plus récemment. Il est intéressantque les filtres ayant recueilli les particules aient étéconservés depuis le début des mesures, y compris

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Analyses commentées

pendant la période de fermeture de la principalesource de ce type de pollution. Les méthodesd’analyses des poussières par extractionaqueuse excluent, cependant, toute connaissancesur les composés non solubles, notamment lescomposés organiques volatils, hydrocarbures mono oupolycycliques qui peuvent s’avérer aussi toxiques queles métaux analysés. La gamme des métaux analysésn’est pas exhaustive, pour des raisons analytiqueségalement, liées en particulier à la méthoded’extraction et à la limite de détection. Il aurait été, parexemple, intéressant d’étudier la présence et les effetsdes métaux lourds présents dans les particules.

De plus, il est reconnu actuellement que les particulesplus fines que les PM10, c’est-à-dire les PM2.5,pénètrent plus profondément dans l’appareilrespiratoire. Il aurait été intéressant de connaître la partdes PM2.5 dans les PM10 recueillies, ainsi que leurcomposition, ce qui aurait permis d’affiner la recherchedes causes des effets sanitaires. Le fait d’avoir utiliséla partie soluble des poussières recueillies sur lesfiltres, et non les particules originales, ne permet pasde connaître l’influence de la taille des particules, deleur configuration et des composés insolubles dansl’eau qu’elles contenaient.

Du point de vue de l’approche épidémiologique, denombreux travaux ont été publiés sur la vallée del’Utah qui constituaient, lors de leur parution, uneavancée dans l’approche méthodologique des effetssanitaires de la pollution atmosphérique. Les résultatsétaient cohérents avec la littérature internationale,l’ensemble des facteurs de confusion potentiels ontété pris en compte et les auteurs observent unensemble d’effets respiratoires cohérents associés auxniveaux de PM10.

Cependant, la plupart des analyses ont été réaliséesau début des années 1990 et, compte tenu de larichesse des données disponibles, il serait intéressantd’appliquer les méthode statistiques utiliséesaujourd’hui (modèles additifs généralisés, méthode ducase-crossover…).

Par ailleurs, la question qui se pose concerne les effetsà long terme, dans cette région. Les auteurs évoquentune possible augmentation des cancers dans la zoneet des études sur ce sujet seraient intéressantes àmener.

En conclusion, la situation quasi-expérimentale de lavallée de l’Utah a permis de conduire de nombreusesétudes qui montrent d’une façon évidente le lien entrel’exposition des personnes à la pollution particulaire et

les effets sanitaires associés recensés par lesadmissions hospitalières ou la mortalité. Une inconnuedemeure dans les causes précises des affectionsrespiratoires rencontrées vis-à-vis de la compositionde la pollution, compte tenu de la complexité et del’hétérogénéité des composés particulaires mis en jeu.

Cette expérience apporte donc des éléments en faveurde la causalité des effets des particules sur la santé.Elle permet également d’argumenter l’hypothèsequ’une diminution des niveaux de pollutionatmosphérique peut être suivie d’une diminutiond’effets adverses sur la santé.

Sur le même sujet...

Cinq autres articles ont été publié sur les effets dela même intervention. Leurs références sont lessuivantes :

- Arden Pope III. Respiratory disease associatedwith community air pollution and steel mill, UtahValley. Am J Public Health 1989;79:623-8.

- Mark W. Frampton and al. Effects of aqueousextracts of PM10 filters from the Utah Valley onhuman airwayepithelial cells. Am J Physiol 1999;277:L960-7.

- Janice A. Dye and al. Acute pulmonary toxicityof particulate matter filter extracts in rats:coherence with epidemiologic studies in UtahValley residents. Environ Health Perspect 2001;109(3):395-403.

- Arden Pope C, III Respiratory hospitaladmissions associated with PM10 pollution inUtah, salt lake and cache valleys. Arch EnvironHealth 1991;46(2):90-7

- Ghio AJ and al. Inflammatory lung injury afterbronchial instillation of air pollution particles. AmJ Respir Crit Care Med 2001;164:704-8.

1 Se référer à la norme Afnor EN 12341

Glossaire

PM10 : particules de diamètre aérodynamique inférieurà 10 microns1.

PM2,5 : particules de diamètre aérodynamique inférieurà 2,5 microns.

VRS : Virus respiratoire syncytial qui provoque desinfections pseudo-grippales en particulier chez l’enfant.

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Analyses commentées

Problématique

Les mesures mises en place pour diminuer lacongestion du trafic ont-elles un impact positif sur laqualité de l’air et sur la santé des populations ? Il s’agitd’une des rares études pour laquelle on dispose d’unedurée d’étude suffisante (quatre semaines), clairementdélimitée dans le temps et permettant une comparaisonavant, pendant, après.

Résumé

Objectifs

Les jeux olympiques d’Atlanta, en 1996, ont conduit lespouvoirs publics locaux à modifier les conditions decirculation et l’offre de transport public pour éviter lesembouteillages. Les auteurs ont étudié les relationsentre trafic automobile, qualité de l’air et santé (asthme)au cours de cette période.

MéthodesIl s’agit d’une étude de type écologique comparant les17 jours des jeux olympiques d’été de 1996 pendantlesquels un plan de réduction du trafic routier a été misen place, aux quatre semaines avant et après les jeux.Ce plan consistait à accroître de manière significativel’offre de transport public (1 000 bus supplémentairesfonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre),modification des horaires de travail, fermeture ducentre ville aux déplacements privés, mise en place deparkings permettant le transfert des voyageurs desvéhicules particuliers vers le réseau de transport public(« park and ride »), information du public sur le traficautomobile et la qualité de l’air.

Le nombre d’admissions et de consultations pour crised’asthme a été collecté pour une population d’enfants de1 à 16 ans, résidant dans le centre d’Atlanta. En parallèle,les admissions en urgence pour d’autres pathologies ontégalement été analysées. Les auteurs ont utilisé lesinformations provenant de quatre bases de donnéesd’établissements hospitaliers ou d’organismes de santé.

Les données de qualité de l’air provenaient de cinq stationsfixes mesurant l’un ou l’autre des 5 polluants étudiés :PM10, CO, NO2, O3 et SO2. Un comptage du nombre demoisissures dans l’air a également été réalisé. Selon lepolluant, les auteurs ont retenu, soit les moyennes journa-lières (PM10, SO2, moisissures), soit les valeurs maximaleshoraires (O3, NO2) comme indicateur d’exposition.

Impact des changements dans les transports et les modes de déplacements sur la qualité de l’air et l’asthme de l’enfant,pendant les jeux olympiques de l’été 1996 à Atlanta, USA

Impact of changes in transportation and commuting behaviors during the 1996 summer olympic games in Atlanta on air quality and childhood asthma Friedman MS, Powell KE, Hutwagner L, Graham LM, Teague WG. Journal of the American Medical Association. 2001; 85:897-905

Analyse commentée par

Hélène Desqueyroux1 et Hervé Pernin1

1 Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie,Paris

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Analyses commentées

Les paramètres météorologiques provenaient d’uneseule station et comprenaient la température, la vitesseet la direction du vent, l’hygrométrie, la pression et lerayonnement solaire.

Pour quantifier l’intensité du trafic routier, les auteursdisposaient de quatre sites de comptage (deuxautoroutes et deux voies urbaines), des données detransport public (nombre de trajets par jour) et du chiffredes ventes de carburant sur l’ensemble de la Géorgie.

Pour chacun des paramètres ci-dessus, les auteurs ontcalculé les moyennes pendant et en dehors des jeuxolympiques. Une analyse de variance a été réaliséepour tester le caractère significatif des différencesobservées. De plus, des analyses statistiquescomplémentaires ont été conduites sur le nombre decrises d’asthme, afin de les relier à des variablesexplicatives potentielles telles que la périodeconsidérée, le jour de la semaine (ouvré/non ouvré), la température et l’exposition cumulée à la pollutionatmosphérique sur un, deux ou trois jours. Enfin, lesanalyses ont recherché une corrélation entre lesniveaux d’ozone et l’intensité du trafic d’une part, lesparamètres météorologiques d’autre part.

Résultats

Une diminution importante du nombre des admissionsen urgence pour crise d’asthme a été observée durantla période des jeux. Cette diminution était comprise,suivant les sources de données, entre -11,1 % et - 44,1 %. Elle n’était pas observée pour les admissionsen urgence liées à d’autres pathologies que la crised’asthme. Les risques relatifs d’admission en urgencepour crise d’asthme pendant les jeux, comparativementà la période « hors jeux olympiques », était tousinférieurs à 1, de façon significative pour l’une dessources de données hospitalières, mais non signi-ficative pour les sources relatives aux admissionspédiatriques.

La plupart des indicateurs de pollution atmosphériqueretenus pour l’étude étaient en diminution pendant lapériode des jeux. Pour l’ozone, la baisse des valeurshoraires maximales sur Atlanta était de 27,9 %, lesconcentrations passant de 162 µg/m3 à 116 µg/m3. Des diminutions des valeurs moyennes journalièresétaient également observées pour le CO (-18,5 %),pour les PM10 (-16,1 %), et le NO2 (-6,8 %). Enrevanche, les concentrations de SO2 avaientlégèrement augmenté (+22,1 %).

Ni les conditions météorologiques, ni le comptage demoisissures n’ont varié de manière significative entreles périodes.

Les comptages de trafic ont montré une baisse de22,5 % du pic horaire matinal et de 2,8 % du traficjournalier, baisses observées principalement en centre

ville. Le nombre de trajets en transport public afortement augmenté (+217 %) et les ventes mensuellesde carburants sur l’ensemble de la Géorgie ontparallèlement diminué de 3,9 %.

Les analyses statistiques ont montré que, quelle quesoit la période étudiée, le niveau des valeursmaximales horaires d’ozone était corrélé avecl’intensité du trafic en heure de pointe du matin et surla journée. Même après prise en compte des variablesmétéorologiques, de l’autocorrélation des données etdu jour de la semaine, la réduction des niveauxd’ozone sur Atlanta était de 13 % pendant la périodedes jeux. Ces analyses ont également permis demettre en évidence une relation dose-réponse entrel’exposition cumulée à l’ozone et aux PM10 sur deux outrois jours et le nombre d’admissions en urgence pourcrise d’asthme. La prise en compte de l’expositioncumulée sur plusieurs jours rend plus évidente lacorrélation. Les auteurs attribuent l’amélioration de laqualité de l’air aux variations, même minimes, desconditions météorologiques et au plan de réduction dela circulation, l’effet plus marqué observé pour l’ozonerésultant des mécanismes de formation propres à cecomposé.

Concernant les relations avec le nombre d’admissionsen urgence pour crise d’asthme, ils soulignent lemanque de puissance de l’étude, du fait d’un trop petitnombre d’admissions journalières pour asthme. Parailleurs, parmi les biais discutés, figure la possibilitéd’une modification de la population d’enfants pendantla période des jeux (fuite d’une partie de cettepopulation hors d’Atlanta). Le fait que les admissionsen urgence pour cause non asthmatique n’aient pasété modifiées significativement pendant les jeux leurpermet d’écarter ce biais.

Enfin, les auteurs observent que, si leur étude a profitédes modifications de trafic induites par la tenue desjeux, elle aurait sans doute pu être beaucoup plusriche d’enseignements si ces modifications du traficavaient concerné une période plus longue, commecelles entraînées, par exemple, par une modificationdurable du plan de déplacement. En outre, ilssoulignent que des mesures de réduction du traficpeuvent être très bien acceptées pour l’organisationd’un événement prestigieux comme les jeuxolympiques, mais seraient plus difficiles à imposer enroutine.

Commentaires

Il est regrettable que certaines données n’aient pas étédavantage exploitées ou plus précisément décrites. Atitre d’exemple, les données concernant le trafic n’ont

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Analyses commentées

pas été exploitées et on apprend, à la fin de l’article,que le réseau de comptage n’a pas été adapté au plande circulation transitoire. Les informations sur letransport public sont inexploitables, du fait de la grandedisparité entre les périodes. Des éléments importants,comme l’identification de la période de vacancesscolaires par rapport à la période de l’étude, ne sontpas mentionnés. Concernant la qualité de l’air, latypologie des stations de mesure (station urbaine ou deproximité trafic) n’est pas précisée. Aucun comptagepollinique n’a été collecté ou estimé, alors que ceparamètre peut varier fortement d’une semaine àl’autre.

En conclusion, il est très rare de pouvoir observerdirectement l’effet d’une amélioration de la qualité del’air sur la santé. Il est également rare de pouvoirobserver simultanément une modification des conditionsde circulation automobile et une amélioration très nettede la qualité de l’air. Pour ces raisons, cette étude est particulièrementoriginale et mérite d’être largement connue, malgré seslimites, liées notamment à son manque de puissance.Nous pensons qu’il est dommage que les auteurs ne sesoient pas placés davantage dans une réflexionpluridisciplinaire intégrant l’ensemble des paramètresinfluençant la qualité de l’air.

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Analyses commentées

Problématique

Différentes études épidémiologiques transversalesd’origine nord-américaines et européennes ont montréque, chez les enfants, les bronchites et les symptômesrespiratoires étaient plus fréquents dans les zonesgéographiques affectées par des niveaux élevés departicules. La réunification de l’Allemagne a conduit,sur une courte période, à une forte décroissance de lapollution acido-particulaire dans la partie est du pays,et une diminution des maladies bronchiques chez lesenfants était donc attendue. Les résultats de cetteenquête d’intervention sont ici examinés.

Résumé

Objectif Il consistait à évaluer, dans l’est de l’Allemagne, aprèsla réunification, l’impact de la décroissance des teneurs

atmosphériques en particules totales en suspension(TSP) et en dioxyde de soufre (SO2) sur la prévalencedes affections respiratoires non allergiques chez lesenfants.

Méthode

Trois études transversales concernant les enfants ontété menées dans trois agglomérations, Bitterfeld,Hettstedt et Zerbst, d’une région de l’est de l’Allemagne,successivement en 1992-1993, 1995-1996 et 1998-1999. Les enfants, d’âge compris entre 5 et 14 ans,devaient séjourner dans l’agglomération depuis plus dedeux ans pour pouvoir être inclus dans les 3 cohortesconstituées. Dans ces secteurs géographiques, lesconditions météorologiques étaient identiques mais lessources de pollution étaient différentes : deuxagglomérations subissaient une forte pollution d’originedomestique et d’industrie (Bitterfeld et Hettstedt) alorsque la dernière (Zerbst), située au cœur d’une zoneagricole, était soumise uniquement à la pollutiond’origine domestique. Après la réunification, lesfermetures d'industries et le remplacement du charbonpar le gaz pour les foyers domestiques ont conduit, dès1990-1991, à une décroissance des niveaux de SO2 etde TSP.

Au plan de la surveillance environnementale, lesmoyennes annuelles de SO2 sont disponibles de 1991à 1998 (sauf à Zerbst de 1993 à 1998). S’agissant desTSP, les moyennes annuelles couvrent la période1993-1998, ou seulement 1994-1998 dans le cas de

Amélioration de la qualité de l’air en Allemagne réunifiée et diminution des symptômes respiratoires

Improved air quality in reunified germany and decreases in respiratory symptoms Heinrich J, Hoelscher B, Frye C, Meyer I, Pitz M, Cyrys J, Wjst M, Neas L, Wichmann HE. Epidemiology. 2002; 13:394-401

Analyse commentée par

Charlotte Braun1 et Yvon Le Moullec2

1 Institut universitaire de médecine sociale et préventive,Bâle, Suisse

2 Laboratoire d'hygiène de la ville de Paris

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Analyses commentées

Bitterfeld. Considérant la décroissance linéaire dulogarithme des concentrations annuelles observéessur cette période, les teneurs des premières annéesde la décennie ont été reconstituées. Les teneurs enSO2 ont été mesurées par fluorescence UV et les TSPpar radiométrie Bêta. En complément, l’aérosolultrafin a fait l’objet d’investigations pendant six mois,en 1993 puis en 1999, en utilisant un analyseurdifférentiel de mobilité électrique avec compteur denoyaux de condensation pour la fraction granu-lométrique comprise entre 10 et 100 nm et unspectromètre laser pour la fraction allant de 100 nm à1 µm.

Les troubles respiratoires ont été évalués à partir dequestionnaires distribués par les professeurs, remplispar les parents et retournés à l’école la semainesuivante.

D’une façon générale, les auteurs ont analysé lesdonnées avec soin. Etant donné que certains desenfants ont participé à plusieurs phases de l’étude, lesauteurs ont utilisé les GEE (Generalized EstimatingEquations) et des modèles linéaires mixtes pourévaluer la relation exposition-effets.

Résultats

Les niveaux de TSP et de SO2, les deux polluantsétudiés depuis le début de l’étude, ont chuté de façontrès importante dans les trois régions d’étude : ainsi ladécroissance est de 92 % pour le SO2 à Bitterfeld et de58 % pour les TSP à Hettstedt. En 1998, les taux deTSP et de SO2 étaient pratiquement identiques dansles trois régions d’étude. L’un des résultatsintéressants de la présente étude est le fait que,parallèlement à la réduction des taux de TSP et deSO2, les concentrations de particules en modenucléation (particules ultrafines) ainsi que lesconcentrations de dioxyde d’azote (NO2) se sontaccrues entre 1992 et 1999, probablement à cause del’augmentation de 22 % du trafic routier.

Cette étude, qui s’est déroulée en trois phases, entre1992 et 1999, a concerné au total 4 949 enfants : 3 264enfants ont participé à une seule phase, 1 685 à deuxphases et 325 aux trois phases.

Les effets bénéfiques de la réduction de la pollution del’air ont été observés pour les maladies infectieusestelles que la bronchite et le rhume, mais ne l’ont pasété pour la toux matinale et le manque de souffle. Pourun incrément de 50 µg/m3 de TSP, les odds ratiosajustés sont de 3,0 (intervalle de confiance à 95 % IC= 1,7-5,3) pour la bronchite, de 2,6 (IC = 1,0-6,6 ) pourla sinusite et de 1,9 (IC = 1,2-3,1) pour le rhume.L’ampleur des effets est similaire pour un accroi-ssement de 100 µg/m3 des teneurs en SO2. Les effetssur les autres symptômes caractéristiques de l’asthmen’ont pas été rapportés.

Les auteurs ont évalué séparément l’effet de la réductionde la pollution de l’air sur la santé respiratoire des enfantsexposés et non exposés à différentes conditionsdomestiques telles que l’humidité excessive ou laprésence de moisissures dans les logements, l’utilisationd’une cuisinière à gaz, le tabagisme parental et le contactavec un chat. Ils ont conclu que des effets plus marquésde la réduction de la pollution de l’air étaient observéschez les enfants non soumis à de telles expositionsdomestiques (bien que la majorité des intervalles deconfiance se superposent).

Commentaires

La présente étude apporte une preuve supplémentairequ’un air de meilleure qualité est associé à uneréduction des symptômes respiratoires chez l’enfant.Les résultats de cette étude sont en accord avecd’autres travaux similaires effectués par d’autreséquipes de recherche en Allemagne de l’Est.

Bien que les auteurs aient ajusté les analyses de ceseffets bénéfiques en tenant compte des sourcesd’erreurs potentielles, il est néanmoins possible qu’unepartie de la réduction des taux de maladiesrespiratoires observée soit due à des facteurs autresque la pollution de l’air, qui ont pu varier avec le temps,tels que l’alimentation, la situation socio-économiqueou l’accès aux soins médicaux. Le fait d’inclure uneffet région dans les modèles de régression ne permetpas de prendre en compte les changements survenusavec le temps.

Cette étude soulève un certain nombre de questionsintéressantes. Les travaux précédents comparant lestaux de prévalence des symptômes dans différentesrégions, caractérisées par des taux de pollution de l’airdifférents, partaient du postulat que les effets observésétaient dus à une exposition à la pollution sur le longterme. Ce travail suggère, au contraire, que lesvariations de niveaux de pollution de l’air influencentles taux de prévalence des maladies respiratoires plusrapidement, et que les études précédentes montraientplutôt des effets de la pollution de l’air sur la santérespiratoire à court ou moyen terme.

Il semble que la baisse du taux de bronchites soit liéeà la réduction des « polluants classiques » mais nonpas aux teneurs en NO2 ou au nombre de particulesultrafines qui ont augmenté entre les différentespériodes. Il est possible que l’augmentation de ces« polluants modernes » de l’air n’ait pas été assezimportante pour faire apparaître des effets sur la santé.D’autres suivis de la santé respiratoire des enfants,dans ces régions, ainsi que des mesures plus précisesdes niveaux d’exposition seraient nécessaires pourévaluer l’effet, sur la santé, d’une augmentationpossible de la pollution due au trafic routier.

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Analyses commentées

Par ailleurs, la prise en compte des expositionsdomestiques est un peu arbitraire et les auteurs nedonnent aucune explication sur la raison pour laquelleils sont partis du postulat que les enfants soumis à cesexpositions domestiques puissent représenter unsous-groupe sensible. Une exposition accrue àl’humidité à l’intérieur de la maison, aux émissions descuisinières à gaz et à la fumée de tabac a été associée,dans la littérature, à un risque accru de symptômes etde maladies respiratoires telles que la bronchite, maisaucune preuve n’existe en ce qui concerne le contactavec les chats. Les auteurs n’abordent malheureu-sement pas ce problème et le lecteur a l’impression queces résultats sont un peu le fruit du hasard.

En conclusion, il est rassurant de voir que les mesuresvisant à réduire la pollution de l’air ambiant ontréellement des effets bénéfiques sur la santérespiratoire des enfants. Une preuve indirecte que detels effets puissent être aussi observés dans desrégions où la principale source de pollution est le trafic

routier a été fournie par une équipe de chercheurs deCalifornie du Sud1. Ces auteurs ont, en effet, étudié lacroissance des poumons d’enfants ayant déménagé derégions où les taux de PM10 étaient élevés vers desrégions où ces taux étaient réduits et inversement. Lessujets qui avaient déménagé vers des régions où lesniveaux de PM10 étaient réduits présentaient uneamélioration de la fonction pulmonaire. I l estcertainement intéressant de poursuivre le suivi de lasanté respiratoire des enfants vivant dans des régionstelles que l’Allemagne de l’Est. D’autres études sont, enoutre, nécessaires pour évaluer l’effet de la réductionde la pollution de l’air dans les régions où le traficroutier constitue la principale source de pollution.

1Avol EL, Gauderman WJ, Tan SM, London Sj, Peters JM. Respiratoryeffects of relocating to areas of differing air pollution levels. Am J Respir Crit Care Med. 2001 Dec 1; 164(11):2067-72.

Sur le même sujet...

Trois études, antérieures à celle analysée ici, ont étépubliées sur les effets de la même intervention. Lesréférences de ces trois articles sont les suivantes :

- Heinrich J, Hoelscher B, Wjst M, Ritz B, Cyrys J,Wichmann H. Respiratory diseases and allergies intwo polluted areas in East Germany. Environ HealthPerspect 1999 Jan; 107(1):53-62.

- Kramer U, Behrendt H, Dolgner R, Ranft U, Ring J,Willer H, Schlipkoter HW. Airway diseases andallergies in East and West German children duringthe first 5 years after reunification: time trends andthe impact of sulphur dioxide and total suspendedparticles. Int J Epidemiol 1999 Oct; 28(5):865-73.

- Heinrich J, Hoelscher B, Wichmann HE. Decline of ambientair pollution and respiratory symptoms in children.Am J Respir Crit Care Med 2000 Jun; 161(6):1930-6.

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Pollution atmosphérique n° 184

Analyses commentées

Problématique

Le trafic automobile est source de pollutionatmosphérique, de bruit, d’accidents et de stress dontles effets sanitaires sont généralement étudiésséparément. Une étude portant sur l’évaluation demesures de réduction du trafic automobile dans la villed’Oslo a tenté de prendre en compte les effets combinésdu bruit et des gaz d’échappement sur le bien-être.

Le premier article est consacré à l’étude des effetscombinés du bruit et de la pollution de l’air. Le secondporte sur les variations d’exposition dues à laconstruction de deux tunnels (article suivant).

Résumé

Objectifs Vérifier l’hypothèse que les impacts, en termes dequalité de vie, chez les habitants exposés simul-

tanément au bruit et à la pollution atmosphérique serontplus fréquents que si les personnes n’étaient exposéesqu’à l’un des deux facteurs.

Méthodes Une enquête transversale a été répétée trois fois, en 1987,1994 et 1996. Chacune des trois enquêtes fut réalisée enautomne et comprenait environ 1 000 personnesinterrogées. Les résultats sont utilisés dans une étude detype avant/après la construction de deux tunnels en centreville. Le taux de réponse était d’environ 50 %. Lesentretiens étaient réalisés en face à face lors de la premièreenquête (1987) et par téléphone les autres années.

Les zones géographiques ont été choisies pourreprésenter un trafic respectivement en augmentation,en diminution ou inchangé après construction destunnels. L’échantillonnage était aléatoire, avec unpoids supérieur donné aux ménages de petite tailledans les enquêtes de 1994 et 1996. Les principalesquestions étaient : « Entendez-vous le bruit du traficjuste à l’extérieur de votre logement ? Ce bruit vousdérange-t-il beaucoup, un peu, pas du tout ? Sentez-vous les gaz d’échappement ? Ces odeurs vousdérangent-elles beaucoup, un peu, pas du tout ? ». Laformulation des questions a été légèrement modifiéeentre les enquêtes.

Le volume de trafic a été mesuré sur les principaux axes.Un système d’information géographique (SIG) a permisde localiser les logements tirés au sort. Au niveau del’habitation, la pression acoustique sur 24 h (24 h LAeq)

Etude du trafic à Oslo (1ère partie) : une approche intégrée pour évaluer les effets combinés du bruit et de la pollution de l’air sur la gêne des habitants d’Oslo

Oslo traffic study - part 1: an integrated approach to assess the combined effects of noise and air pollution on annoyance Klaeboe R, Kolbenstevdt M, Clench-Aas J, Bartonova Atmospheric Environment. 2000; 34:4727-36

Analyse commentée par

René Alary1 et Vincent Nédellec 2

1 Laboratoire central de la préfecture de police de Paris 2 Vincent Nédellec Consultant, Paris

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Pollution atmosphérique n° 184 Extrapol n° 24 - Décembre 2004

Analyses commentées

a été calculée selon une méthode « Nordique » et unmodèle de dispersion (Episode) a permis d’estimer lesconcentrations en NO2, NOx et PM10.

Les facteurs de confusion pris en compte sont le sexe,l ’âge, le statut marital , le niveau d’éducation,l’hypersensibilité au bruit et le tabagisme.

La première étape d’analyse des résultats étudie lesrelations entre les différentes variables d’exposition(pression acoustique, concentrations atmosphériquesdes polluants) et le désagrément (coefficient decorrélation de Pearson). La seconde étape met en œuvreun modèle de régression logistique pour déterminer si lespersonnes dérangées par un des facteurs ont un risqueplus élevé d’être dérangées par le second (à niveauconstant du second). Le modèle assure un contrôle desfacteurs de confusion déjà cités et de l’hypersensibilitéaux questions d’environnement et d’insécurité. Dans unetroisième étape, un modèle multivarié permet de définirles fonctions exposition-effet.

Résultats

Le coefficient de corrélation de Pearson entre lesmoyennes de PM10, PM2.5 et NO2 dépasse 0,90. Il estde 0,48 entre la pression acoustique de 24 h et laconcentration en NO2. Les plaintes et le désagrémentaugmentent avec l’accroissement des concentrationsmoyennes trimestrielles de NO2 et avec l’augmentationde la pression acoustique sur 24 h.

Les personnes très gênées par le bruit sont 25 fois (OR = 25) plus fréquemment gênées par les gazd’échappement que celles non gênées par le bruit. Cefacteur est de 18 lorsque l’on inverse la variabledépendante. Si l’on introduit dans le modèlel’hypersensibilité aux questions d’environnement et àl’insécurité comme variable indépendante, ces résultatsrestent significatifs (p<0,05) et substantiels.

Les deux indicateurs d’exposition sont considéréscomme variables indépendantes lors d’une troisièmephase d’analyse. Le taux des personnes gênées par lebruit augmente de 1,05 pour une augmentation de1 µg/m3 de NO2 au niveau du logement. Uneaugmentation de 10 µg/m3 de NO2 en moyennetrimestrielle génère 1,8 fois plus de personnesdérangées par le bruit.

Discussion

Les personnes ayant déclaré être « sensibles ou trèssensibles au bruit » ou « en danger dans le trafic auto-mobile » ont été considérées comme hypersensibles

aux problèmes d’environnement et exclues de l’analyse(2/3 des répondants) afin de vérifier que l’additivité deseffets n’est pas uniquement due à cette hyper-sensibilité. Les résultats indiquent toujours une proba-bilité plus forte d’être dérangé par un des facteurslorsqu’on est aussi dérangé par l’autre.

ConclusionA l’aide de données autorisant la séparation des effetsde la pollution atmosphérique et du bruit, il a étédémontré que ces facteurs d’environnement ont unimpact combiné non négligeable. L’utilisation defonctions exposition-risques incluant uniquement lagêne due au bruit ou celle due à la pollution peut doncdonner des résultats erronés lorsque l’on cherche àestimer l’impact du trafic sur la qualité de vie. Lesauteurs n’ont pas trouvé un modèle complètementsatisfaisant pour les expositions environnementalesayant des effets combinés. Pour évaluer les impactsdes mesures de réduction du trafic et de ses émissions,ils recommandent d’ajouter à la pollution atmos-phérique d’autres facteurs d’exposition. L’intégrationdes effets propres à chaque facteur et des effetscombinés entre les facteurs dans un modèle multi-étape nécessite des connaissances sur la causalité desmécanismes en jeu et sur les relations entre lesfacteurs pris en compte.

Commentaires

Le caractère subjectif des indicateurs de gêne, leschangements intervenus dans la population d’étude,dans la méthode d’entretien et dans la formulation desquestions fragilisent les résultats. On regrette que laprise en compte du tabagisme n’apparaisse pas dansles résultats alors qu’elle figure dans la méthode. Onpeut également regretter la non prise en compted’éventuelles expositions professionnelles.

En conclusion, le faible nombre de références citéesillustre le caractère novateur de cette étude. Il seraitintéressant de la répéter ailleurs en tenant compte desrecommandations formulées par les auteurs. Lesvariables reflétant l’état de bien-être et de qualité de viepourraient être complétées par des variablespermettant une mesure plus objective de l’état de santédes habitants. Les estimations des modèles concernantla pression acoustique et les concentrations en oxyded’azote au niveau des logements pourraient aussi êtrevalidés au moyen de mesures sur site.

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XTRAPOLe

Pollution atmosphérique n° 184

Analyses commentées

Problématique

Cet article est la deuxième partie d'une étude visant àétudier l'impact de l'évolution du trafic automobile, entermes de nuisances sonores et de pollution atmos-phérique, sur la santé à Oslo (voir article précédent).Cette partie présente les résultats relatifs aux effets dela pollution atmosphérique.

Résumé

Objectifs

Évaluer l’influence du trafic automobile et des mesuresde réduction de ce trafic sur un certain nombre desymptômes (fatigue…) permettant de caractériser lebien-être.

Méthodes

Il s’agit d’une analyse de corrélation croisée entre lesniveaux de pollution estimés par modélisation et lerésultat d'une enquête permettant de caractériser lebien-être d'une cohorte de 1 500 individus. L'analyse aété répétée dans le temps (1987, 1994, 1996) afin depouvoir estimer l'effet de réduction de la pollution.

La principale source de pollution à Oslo étant d'origineautomobile, les indicateurs de pollution choisis sont leNO2, les PM10 et les PM2.5. Il faut noter qu'en Norvègele gaz n'est pas utilisé pour la cuisson des aliments etque, dans ces conditions, il n'y a pas de source de NO2

à l'intérieur des bâtiments. L'exposition, prenant encompte les émissions et les paramètres météoro-logiques, a été quantifiée par un modèle combiné dedispersion (Lagrangien/Eulérien) avec une résolutionde 1 km2. Le modèle a permis d'estimer les moyenneshoraires entre septembre et décembre en ajustant àpartir de mesures sur sites. L'erreur sur les niveauxestimés est comprise entre 20 % et 30 %.

L'adresse des participants a été notée avec uneprécision de 5 m afin d'établir le niveau d'exposition dechaque participant. Le recueil d'autres données àpermis de classer les participants en sous groupes (âge,sexe, tabagisme, statut marital et niveau d’éducation).

Les participants devaient répondre par téléphone à unquestionnaire permettant de se situer par rapport à

Evaluation quantifiée des actions sur le trafic automobilepar modélisation de l’exposition individuelle

Oslo traffic study - part 2: quantifying effects of traffic measures using individual exposure modeling Clench-Aas J, Bartonova A, Klaeboe R, Kolbenstevdt M. Atmospheric Environment. 2000; 34:4734-44

Analyse commentée par

René Alary1 et Vincent Nédellec 2

1 Laboratoire central de la préfecture de police de Paris 2 Vincent Nédellec Consultant, Paris

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Pollution atmosphérique n° 184 Extrapol n° 24 - Décembre 2004

Analyses commentées

quatorze symptômes caractérisant l'effet ressenti de laqualité de l'air et « le bien-être ».

Une analyse multivariée a permis d'estimer, d'une part,la probabilité d'apparition d'un symptôme en fonctiondu niveau d'exposition à la pollution atmosphérique,d'autre part, l'odds ratio par polluant lorsque le niveaud'exposition varie du percentile 25 au percentile 75.

RésultatsLes niveaux horaires de NO2 sont passés d'environ55 µg/m3 en 1987 à 40 µg/m3 en 1996, ceux de PM10

de 30 µg/m3 à 20 µg/m3 sur la même période. Les PM2.5

représentent environ 2/3 des PM10. Malgré ladiminution des niveaux des indicateurs, la prévalencedes symptômes a augmenté pendant la période : ainsi,la sensation de fatigue est passée de 49,4 % en 1987 à62,7 % en 1996.

L'odds ratio relatif à la sensation de fatigue est de 1,38pour le NO2, 1,34 pour les PM2.5 (à titre de compa-raison, il est de 1,38 pour le bruit).

D'une manière générale, les symptômes (fatigue, toux,maux de tête, nervosité, dyspnée) augmentent avec lesniveaux de NO2. Une décroissance du NO2 de 50 µg/m3

à 40 µg/m3 en trois mois, telle qu'observée après undétournement du trafic, se traduit par une décroissanced'apparition du symptôme de fatigue comprise entre 5 et 10 %. Cette diminution est comparable entrefumeurs et non fumeurs, mais varie selon le sexe. Parailleurs, les femmes ont un niveau de base plus élevépour le symptôme fatigue et les enfants rapportentdavantage d'apparition de symptômes que les adultes.

Commentaires

L'étude fait état de facteurs de confusion socio-économiques potentiels car l'échantillon de populationétudié n'est pas le même au cours des trois enquêtes. Enoutre, l'influence des médias et la perception par lesindividus de la pollution atmosphérique ont pu varier dansle temps et influencer les réponses différemment d’une

enquête à l’autre. En revanche, l'âge, le sexe, le statutmarital ou le fait d'être fumeur ont été pris en compte.

D'une manière générale, les auteurs sont très critiquesdans l'appréciation des niveaux d'exposition auxpolluants, notamment pour le NO2, même si lamodélisation a été validée par des mesures sur site.Pour les PM2.5 l'estimation a été privilégiée.

La méthode mise en œuvre permet de comparer l'effetde certains polluants et de déterminer, en prenantcertaines précautions, sur quel polluant il convientd'agir pour avoir un meilleur bénéfice.

L'étude privilégie le symptôme « fatigue » considérécomme un indicateur de la qualité de vie.

En conclusion, même si les auteurs ont choisi desparamètres « santé » caractéristiques du niveau debien-être et de la qualité de vie, le caractère subjectif decertains de ces paramètres, la diversité de la populationquestionnée et le type d’entretien par téléphone ôtentun peu de solidité à l'étude. La méthode d'évaluationdes niveaux d'exposition n'appelle aucune remarqueparticulière. L'étude apporte des éléments intéressantssur la relation entre l'exposition à la pollution d'origineautomobile en milieu urbain et la sensation de bien-êtrede la population.

Glossaire

Modèle combiné de dispersion (Lagrangien/Eulérien) : code de calculs prenant en compte leséquations de base de la thermodynamique, de lamécanique des fluides et, pour certains, de la chimie,permettant de déterminer, à partir de la connaissancedes émissions polluantes, la concentration atmos-phérique de polluants dans une zone. Le modèle Eulérientravaille avec un système de référence fixe, alors que lemodèle Lagrangien utilise un système de référence quitient compte du déplacement des masses d'air. Cesdeux modèles sont dit de type « déterministe » parrapport à un modèle de type « statistique ouempirique » basé sur la connaissance des phénomèneset relations observés dans le passé.

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