MUTE Cédric Dubus

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CÉDRIC DUBUS MUTE

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Dossier de présentation de la série photographique MUTE

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CÉDRIC DUBUSMUTE

MUTE (note de l’auteur)

Pour démarrer une série, je prends beaucoup de photos. Mes yeux vont plus vite que mon cerveau.Je photographie. Je photographie quand quelque chose attire mon regard, je n’ai pas de sujet.

Avant je me baladais dans les villes, maintenant j’ai besoin d’un horizon plus vaste. Je prends la voiture pour sortir de la ville et entamer un voyage vers des contrées inconnues. Le stimulus, le procédé créatif, jaillit de cela.

En sortant de mon quotidien, en mettant une distance entre ma vie, mes habitudes, tout devient potentiellement photographiable. C’est dans ce processus que le tranquillement spectaculaire fait son apparition.

Mute parle de ces moments intermédiaires. Ces moments qui sont le déclic à l’action de photographier.

Dans le silence, dans la solitude qui amène souvent à l’observation, se trouve la poésie de ce que l’on veut photographier.

Mute est un rapport de l’espace, du vide et du plein. Le rapport d’une certaine humanité, de ces traces que les hommes laissent et qui sont parfois plus explicites que leurs comportements eux-mêmes.

Une image peut suffire. Pas besoin de son. Mute.

MUTE (autor’s note)

Routinely when I start working on a new serie, I take a lot of pictures. My eyes work faster than my brain. I photograph. I photograph when something catches my eye, whatever the subject.

In the past, I used to walk around the cities. Nowadays, I feel like I need a wider horizon. I go on a car ride. I drive outside the city and start a journey into unfamiliar lands. The stimulus – the creative process - emerges from here.

Escaping from my daily life - putting a distance between my routine and my habits - everything be-comes potentially a subject of photography. This is how the quietly spectacular reveals itself.

Mute is all about these intermediary moments, when the action of photography just clicks into place.

Often, while being on my own, these silences lead to a state of observation. This is where the poetry one dares to photograph lays.

Mute is about space, void and full. It is about tracking a certain type of humanity, about the traces that people leave behind. Traces that are sometimes more explicit than the human behaviors them-selves.

One picture shall be enough. No need for a sound. Mute.

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Cédric Dubus - MUTE, tranquillement spectaculaire - 2012/2013

L’entrée de Cédric Dubus dans la création artistique se fait progressivement, sous le signe d’une certaine dichotomie. Jeune skateur, il est amoureux de ce sport de rue où la virtuosité et la fugacité des exploits priment. Les images dont il s’entoure alors comme simple fan exposent le mouvement à son apogée et en restituent la fulgurance. À l’inverse, son métier de développeur en labo photo puis de photographe publicitaire spécialisé dans les natures mortes le conduisent à une approche essentiellement technique, où l’exigence de rigueur impose un tout autre rythme à l’image et à sa fabrication. Au bout de dix ans de pratique en studio, la nécessité de s’extraire de cette forme de carcan, et surtout de créer ses propres images se fait jour et le mène à repenser sa vie. Il franchira le pas en 2009 en choisissant de s’engager entièrement dans la voie artistique.

À partir de 2006, un double mouvement caractérise le processus d’apprentissage personnel et la démarche créative de Cédric Dubus. La frénésie organisée avec laquelle il va nourrir, documenter son regard et élaborer son univers visuel, coexiste avec un mode opératoire, sans plan ou sujet préétabli, probablement inspiré par les street photographers américains qu’il admire. L’héritage, mêlé à d’autres, est assumé.Ce processus, qu’il s’impose, le conduit à un combat contre lui-même. Il lui faut lutter contre tout ce qui intimement, le pousse au contrôle, à la planification, à une forme de rigidité. Il lui faut désapprendre tout ce qui vient du studio. Durant cette période, saisissant les images au vol, il photographie en abondance ce que son œil lui signale, comme une écriture automatique. Puis il laisse les images mûrir et sortir du nombre. Ce principe s’incarne notamment dans la série Where Did The Night Fall. Achevée en 2011, elle est marquée par une prise de vue vespérale, à l’instinct, des tirages noir et blanc travaillés au grain et sans recadrage. On retrouve les mêmes partis-pris dans Mindscapes en 2011, inspiré du roman de Cormac Mc Carthy, La route.

Dans le même temps, une autre partie de ses clichés affiche une esthétique directement issue de son parcours professionnel. La série Packshot, montre l’adaptation dans le geste artistique, de la technicité induite par ce type de prises de vues. Précision millimétrée, froideur du fond uni. Les dis-sonances, qui naissent de la nature des objets, de leur état, et du contraste avec le blanc immaculé des fonds, introduisent une dimension poétique et adressent un clin d’œil à l’univers marketing.

En réalité, durant toute cette période, située entre 2007 et 2013, se met en place le vocabulaire for-mel sur lequel la série Mute s’articule, qu’elle synthétise et dépasse.

propos receuillis par Nathalie Duronsoy

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MUTE : [anglais : muet / français : transforme]

Entamée en 2012 et récemment achevée, Mute se compose d’une quarantaine de photographies.Telle qu’elle a été conçue, cette présentation place la série sous le signe d’une symétrie apparente qui forme en quelque sorte le pivot de ce nouvel ensemble. Organisé en diptyques, la géométrie y est omniprésente, sensible dans les compositions, visible dans les décors, paysages, bâtiments ou lieux montrés. Les éléments graphiques -courbes, stries, hachures, ondulations- présentes dans le paysage ou les architectures, traversent et rythment la série.

Dans un va-et-vient discret mais obstiné, un jeu subtil d’antagonismes vient animer l’ordre silencieux qui semble dominer les représentations. Aux compositions au cordeau, répond le surgissement du végétal ; de la précision des cadrages et l’ordonnancement des formes s’échappe le vol d’un oiseau ou la croupe d’un cheval ; à la netteté froide de perspectives désertes se juxtapose le désordre d’un tapis de cannettes ou de marques d’usure. Les espaces ouverts sur des horizons lointains amènent une respiration, aussitôt arrêtée par la verticalité d’un mur ou d’un sol, dont la matérialité emplit tout l’espace.

Au détour d’une photographie, suspendu dans un temps incertain, le détail le plus banal sollicite l’œil et la pensée. Les rapports de matières soigneusement étudiés jouent ce même jeu des confrontations. Ils mettent en valeur la tâche bleue d’un casque laissé pour compte ou un fleurisse-ment solitaire. Ils apportent du corps et de la vie à un endroit désert. Ils signalent le passage du temps.

De ces scènes, à de rares exceptions près, l’Homme est absent. Tout, ici, ou presque, semble évo-quer le départ, l’absence, l’abandon. Lorsqu’il est présent, il est loin ou nous tourne le dos, ramené à l’état de détail et de chose. Seule la trace de son passage nous le signale. C’est la trace qui do-mine, elle qui raconte. Envahissant parfois tout le cadre, elle crée alors une rupture dans la série, un son graphique qui tranche avec le silence qui semble régner ailleurs.

Un curieux sentiment d’attente émane de ces clichés, auxquels la tonalité générale et la délicatesse des coloris, ajoutent une suavité étrange. Les gris, les bleus, les beiges moyens ou clairs sont parfois bousculés par un vert proche de la saturation, un noir sale, un blanc pur. Une lumière uniforme et douce quoiqu’assez froide baigne toutes les images, et fait passage d’une photographie ou d’un diptyque à l’autre.

Dans l’impression d’étrangeté que provoquent ces confrontations duelles , la mise en relation des images, loin d’être purement plastique, invite au questionnement : À quoi nous renvoient-elles ?

Seuls face à ces histoires silencieuses, à ces spectacles immobiles, on cherchera en vain une autre indication : nul titre ne montre le chemin. De cette incertitude qui laisse le spectateur libre, peut naître sa propre interprétation, sa propre poétique.

propos receuillis par Nathalie Duronsoy

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Cédric Dubus – 1976.

Il en va de la technique comme de la culture : il faut savoir s’en abstraire pour accéder pleinement à ce qu’elle apporte. Le voyage de Cédric Dubus dans l’univers de la photographie commence à l’adolescence par le biais des photographies des skateurs qu’il admire, dont il tapisse les murs de sa chambre. Puis il se poursuit en laboratoire, un travail fait de précision et de rigueur. Au terme de cette formation, Cédric entre dans le milieu de la photographie publicitaire, où, pendant dix ans, il travaille surtout autour de l’objet, essentiellement en studio. Là encore, l’exigence technique prime et son approche, parfois presque chirurgicale de la composition est un héritage de cette période, encore perceptible aujourd’hui dans certaines séries ou clichés.

Comme une lame de fond, le besoin de s’échapper, de donner corps à ses propres images intérieures émerge petit à petit, parallèlement à sa pratique professionnelle. Avec un appétit qu’il qualifie lui-même de boulimique, il explore les différentes possibilités expressive de ses appareils, avant de cantonner l’usage du numérique à ses images publicitaires, pour jouer essentiellement de l’argentique en lequel il trouve une poésie singulière, en particulier dans les contraintes qu’impose le 6x7.

Amateur de littérature et de voyages, attiré par l’art, c’est en autodidacte passionné qu’il élabore sa pratique personnelle. Dès le début des années 2000 il photographie à tout va, s’intéresse aux créa-teurs contemporains, explore l’histoire de la photographie, se formant à travers les écrits d’au-teurs, au contact des œuvres et auprès d’artistes renommés comme Klavdij Sluban et Diana Lui. Sa généalogie artistique, celle dans laquelle il puise une part de son identité, englobe aussi bien l’école américaine avec Ray K. Metzker ou Joel Sternfeld ainsi que des contemporains comme Alex Soth, Christian Patterson, Rinko Kawauchi ou encore Hitoshi Fugo… La liste reste ouverte, sans barrière stylistique rigide ni figée.

En 2007, il débute ses premières séries, dont Where Did The Night Fall, en noir et blanc. Depuis 2009, il se consacre prioritairement à ses créations, et participe régulièrement à des expositions dont le festival des Transphotographiques à Lille et Transfotografia à Gdansk, en 2011. Ses travaux, remarqués par la critique, ont fait depuis l’objet de publications dans la presse spécialisée : Réponse-Photo (Nouveau Regard) ; Wadmag.com ; Le Journal de la Photographie ; Clik Clk ; Leica Store blog ; GUP ; This is paper… Dans le même élan, il fonde le collectif de photographes Cascade Collective.

Il vient d’achever une série en couleur qui marque une nouvelle étape dans sa démarche decréation : MUTE Le jeu sémantique présent dans le titre (en anglais : muet ; en français : transforme) synthétise de manière poétique le processus de mûrissement lucide qui caractérise le parcours artistique de son auteur, personnalité à l’esthétique à la fois radicale et délicate.

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Site : www.cedricdubus.com Email : [email protected] Mobile : 06.29.32.38.42.