MUSIQUES ET DANSES · 2014. 4. 17. · femmes, portant des jupes en peau de mouton garnies de...

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AFRIQUE DU SUD MUSIQUES ET DANSES XHOSA VENDA TSONGA dans le cadre de l'Année des Droits de l'Homme et des Libertés VIL w-tewArr Centre International de Créations Théâtrales Alpha-Fnac THEATRE DES BOUFFES DU NORD 16 - 21 OCTOBRE 1989 Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés

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AFRIQUE DU SUDMUSIQUES ET DANSES

XHOSAVENDA

TSONGAdans le cadre de l'Année des Droits de l'Homme et des Libertés

VIL w-tewArr

Centre International de Créations ThéâtralesAlpha-Fnac

THEATRE DES BOUFFES DU NORD16 - 21 OCTOBRE 1989

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Nowayilethi Mbizweni Photo T. J. Lemon

MUSIQUES ET DANSES DES PEUPLESXHOSA (TRANSKEI),VENDA ET TSONGA (NORD TRANSVAAL).transmises selon la tradition orale, et pratiquéesde nos jours en Afrique du Sud.

Soirée sans entr'acte d'environ 1 h 30, dansl'ordre suivant (sous réserve)Percussions tsongaChants et mbila, vendaChants diphoniques et arcs musicaux xhosaPercussions et danses tsongaChants et mbila, vendaChants et danses xhosa

Participants :POUR LA MUSIQUE ET LA DANSE XHOSANofinish Notileni DYWILINokoleji Nokontoni MANISINonhlupeko MAPHILIBAAmelia Nosilence MATISONowayilethi Noyho MBIZWENITsolwana Bernard MPAYIPELINofenitshala Tshiswayo MVOTYONolineti Nomawethu NTESENogcinile Nomaqobisa YEKANI

POUR LA MUSIQUE ET LA DANSE VENDAThanyani Phineas NDOUNndwamato George RALULIMINsthavhemi Jameson RAMUKHITHI

POUR LA MUSIQUE ET LA DANSE TSONGAM. Mackson MAVUNDAK. Marks RIKHOTSORonald G. RIKHOTSOPercy F. KUBAYIS. Joe KHOSA

ProductionFestival d'Automne à ParisCentre International de Créations ThéâtralesAlpha-Fnac

avec France Libertés,Fondation Danielle Mitterrand,Ministère de la Culture, de la Communication, desGrands Travaux et du Bicentenaire,Association Française d'Action Artistique.

WESAINTIAURENif

Ces concerts ont été organisés avec le concoursd'Andrew Tracey, assisté par Jaco Kruger.

Andrew Tracey est directeur de l'International Libraryof African Music, Rhodes University, Grahamstown.L'ILAM a été fondé par son père Hugh Tracey,ethnomusicologue connu pour ses enregistrements ettravaux qui ont permis d'établir les fondements d'uneconnaissance des pratiques musicales dans toutel'Afrique Centrale et l'Afrique du Sud. Andrew Traceypoursuit le travail entrepris par son père. L'ILAM est uncentre de recherche, d'enseignement et d'éditiondans le domaine musical africain. L'ILAM ne souscritpas à la politique d'apartheid du gouvernement Sud-Africain.

Jaco Kruger est un ethnomusicologue diplômé del'Université du Cap. Il a consacré plusieurs années àl'étude de la musique Venda et a fondé la sectiond'ethnomusicologie à l'Université de Venda.

Réalisation pour le Festival d'Automne à ParisJoséphine MarkovitsShan BensonChristian CamerlynckSonorisation : Sonomix 4, Guy-Noël.

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A quoi peut bien servir un programme pour une soiréede danses et de chants africains ? J'ai présenténombre de programmes de musique africaine, aussisuis-je bien placé pour savoir qu'il y a toujours deuxcatégories de spectateurs, quelle que soit la ville dumonde où la représentation ait lieu : la première veuttout savoir sur le spectacle qu'elle va voir - qui sontces gens, d'où viennent-ils, quel est le sens de cechant, le symbolisme de cette danse, pourquoil'exécutent-ils de cette manière... ? Sans unepréparation intellectuelle à la représentation, ils sesentent mal à l'aise et même rétifs à accepter ce queleurs sens feront parvenir à leur cerveau. Danscertains cas extrêmes (moins rares que vous nepourriez le penser), la personne ne regardepratiquement pas le spectacle, se contentant de lirele programme pour en dévorer le contenu. Il y aégalement les "sensibles", résolument anti-intellectuels, qu'irrite toute forme d'explication..."Envoyez la musique ! Ne vous mêlez pas de ça! Toutce que je veux c'est partager l'expérience au niveauhumain avec les artistes...". L'auteur de programmedoit donc tenir compte de ces deux types de réactionpour en dépasser les limites. J'ose espérer que lepublic français, "intellectuels" et "sensibles"confondus, saura voir, interpréter et apprécier le hautdegré d'interaction qui est atteint dans tout groupe demusiciens venant d'un environnement rural d'Afrique.Cette réciprocité dans l'action conjuguée les absorbetotalement ; c'est le point focal de leur attentiondurant une représentation. C'est l'exigence la plusévidente de la structure de la musique africained'ensembles, avec sa polyphonie et la complexitédes relations entre les parties...

Les musiciens invités à Paris, issus des nationsXhosa, Venda et Tsonga, ont l'habitude de jouer avanttout pour eux-mêmes et pour leur communauté, etnon pour un public.., en aucun cas, pour desspectateurs payants dans une salle de théâtre àl'étranger. Ce ne sont pas des professionnels, ils n'ontjamais joué dans une salle de spectacle. Ilsconstituent les groupes avec lesquels troisethnomusicologues sud-africains ont choisi detravailler. Les membres du groupe xhosa ont été leprincipal objet d'étude du dernier livre du professeurDave Dargie, Xhosa music ; les groupes Venda etTsonga ont, respectivement, fait l'objet desrecherches de Jaco Kruger et Pedro Espi-Sanchis.

On a beaucoup parlé et écrit en France sur lasituation politique en Afrique du Sud. L'attention sur lepays a été, en outre, maintenue par les tournées decertaines stars de la musique populaire, telles queLadysmith Black Mambazo et Johnny Clegg dont lesmusiques reflètent bien les conditions de la lutte enAfrique du Sud

Mais, pour l'occasion, il s'agit d'aller un peu plus loin.Ces musiciens et danseurs ne viennent pasprésenter une "image de l'Afrique du Sud", maisplutôt une image d'eux-mêmes dans ce coin précisdu monde qui est le leur. Il va sans dire qu'ils sontaffectés, comme chacun de nous, et parfois mêmeviolemment, par la situation de leur pays; mais quepeuvent-ils ? Tirer des forces de ce qui fait leurspécificité, comme leurs traditions qui restent trèsfortes dans les régions rurales et qui fournissent lariche texture de leur organisation sociale, leurs stylesmusicaux, leur littérature orale, où ils continuentd'exprimer dans leurs danses et leurs chantsséculaires les valeurs qui leur sont chères. Parmi cesvaleurs, les plus évidentes sont : la continuité de leurtradition qui est liée à ce concept fondamentalementafricain qu'est le respect des ancêtres ; l'importancede la solidarité avec les frères de sang (et doncchanter et danser avec eux) ; l'importance qu'il y a àconfirmer les événements sociaux et les étapesd'une vie par le cérémonial ; et surtout le respectréciproque, à la fois pour l'individu et pour la positionsociale. Ces valeurs continuent de jouer, au-delà desrégions rurales, un rôle important dans la sociétéurbaine moderne d'Afrique du Sud.

En ce qui concerne la relation musicale entre les troisgroupes présentés ici et la musique populaire,personne ne pourrait prétendre que leur musique estdirectement parente de celle des groupes pop. Lapop-music de l'Afrique contemporaine a de multiplesracines. Pourtant, chacun à sa façon, les troisgroupes exposent les principes essentiels du son etde la réciprocité musicale qui continuent de sous-tendre toute la production musicale moderne sud-africaine. Beaucoup de groupes modernesconsidèrent les musiciens tels que ceux qui sontprésentés (et tant d'autres qui existent toujours)comme une source d'inspiration permanente.

Quels sont exactement les principes de la réciprocitémusicale ? Les gens sont différents et doivent vivreensemble : la musique africaine, reflétant la vie tellequ'elle est, est l'intense coopération de plusieursparties différentes. Elle est fondamentalementpolyphonique : une composition est toujours en aumoins deux parties qui s'opposent entre elles. Cetteopposition peut être rythmique (c'est le cas le plusfréquent), mais il est d'autres domaines d'opposition,métrique, mélodique, dans le mouvement, le timbre, leregistre, la complexité, la responsabilité, le pointd'entrée d'un instrument, etc.

XhosaLe groupe Xhosa, dirigé par la vénérable MmeNofinish Dywili, 71 ans, se compose des damesNosilence Matiso, Nokoleji Manisi, NowayilethiMbizweni, Nofenitshala Mvotyo, Nogcinile Yenaki,

Nolineti Ntese, Nonhlupeko Maphiliba, et un seulhomme, Tsolvvana Mpayipeli Ils viennent du villagede Ngqoko, près de Lady Frere, dans le Transkei. LeTranskei est l'un de ces "homelands" prétendumentindépendants que créa le gouvernement nationaliste,et qui se trouve à l'est de la province du Cap, entre lesmontagnes du Lesotho et la mer. C'est un immensepaysage de montagnes pouilleuses et de valléespleines d'herbe et de rocaille avec très peu d'arbres.

Le fait qu'il n'y ait pratiquement que des femmes dansle groupe reflète leur mode de vie : c'est un pays defemmes et d'enfants ; la plupart des hommes en âgede gagner leur vie sont partis travailler dans l'une desgrandes villes voisines, Port Elizabeth ou Cape Town.Ce sont donc surtout les femmes qui, dans la plupartdes cérémonies ou à l'occasion d'événements moinsimportants, tiennent le rôle principal.

Dans la société xhosa, comme dans presque toutesles sociétés africaines, à chaque étape de la viecorrespond une forme musicale reconnue. Il y a, parexemple, des chants et des danses pour enfants,pour adolescents, pour les initiations des filles et desgarçons, et pour les adultes hommes et femmes. Il y aune catégorie de musique pour les devins/guéris-seurs ainsi que pour les événements sociaux,mariages ou fêtes de la bière. En bref, la musique estétroitement liée à la vie de la société.

Le groupe Xhosa se compose principalement defemmes mariées dont la danse spécifique s'appelle leumngoungqo. (Le q représente l'une des consonnesen "click" de la langue xhosa, les autres étanttranscrites par les lettres c et x). C'est une ronde, trèsdigne comme il sied à une personne mariée, où lesfemmes, portant des jupes en peau de moutongarnies de perles, se meuvent lentement, en frappantdes talons et en chantant. La danse, disent-elles, estconçue pour la période d'initiation des filles,l'intlombe. Mais elles dansent dès que les femmesmariées de Ngqoko se rassemblent, parce que c'est.leur danse. Le style de chant polyphonique est d'unevariété particulièrement rare ; les musicologues s'yintéressent beaucoup parce qu'il permet de remonterde façon significative jusqu'au peuple Khoisan,depuis longtemps disparu, et à sa musique. Dans ledistrict de Ngqoko, on trouvait encore des individusdu peuple San au début du siècle. Le peuple xhosaconstituait l'avant-garde de la pénétrationméridionale des peuples de langue bantu ; il gardadonc des contacts sur plusieurs siècles avec les Khoiet les San, assimilant au passage beaucoupd'éléments de leurs cultures. Les sons en clicks ensont la preuve la plus évidente. Cette polyphonie oùchacun chante librement et indépendamment de sonvoisin, entrant dans la polyphonie à des moments

différents, est également un souvenir de ce peupleaujourd'hui disparu. Les relations rythmiques entreles pas de danse et le chant, fondées sur l'utilisation,en Afrique, de la polymétrique des nombres 2, 3 et 4,sont souvent très difficiles à comprendre pour lesnon-Xhosa.

Après avoir chanté umngqungqo, les femmesentonnent des chants d'un style plus vivant, tel quelingoma zabakwetha, chant pour l'initiation desgarçons, umtshotsho, la danse des jeunes, oulingoma zotywala, chants pour fêtes de la bièrechacun se caractérise par son style vocal et ses pasde danse. Autre style, qui sera illustré par les deuxdevins/guérisseurs du groupe, Nokoleji Manisi etNonhlupeko Maphiliba, le lingoma zamagqirha, danslequel, à la manière africaine, danse et chant sontutilisés pour découvrir les origines du mal qui frappele patient.

Les paroles des chants sont parfois liées à lasignification du rassemblement, mais le plus souvent,elles racontent les petits problèmes quotidiens deschanteurs. Quelques exemples : "Comme une queuede vache, les problèmes t'attendent toujours à lamaison"--"Non, non, rien à faire, commence par fairele lit" (c'est-à-dire ne commence pas par faire le lit,où ton mari va tarder à venir et tu seras déçue)--"Monmari a couché avec une autre femme, faisons uneprière, mesdames"--"En voilà un voleur ! Rapportemes affaires ! "--"Tu n'es pas une bonne fille,pourquoi tardes-tu à te marier ? Tu pourrais déjàavoir des enfants ! "--"Tap, tap, tap, pourquoi teplains-tu de notre mariage ? "--"Mes deux enfantssont aussi beaux que ceux d'une colombe"--"Tu tevantes de cette vieille chose, mais ce n'est qu'uneordure"--"Que va-t-il m'arriver quand ilsdéclencheront tout ce scandale autour de moi ?

Ce n'est qu'une idée de quelques-uns des problèmesde cette région isolée, uniquement peuplée defemmes, accablée par la sécheresse et la pauvreté.Les femmes Xhosa, et d'autres Africaines, seconstruisent une force morale étonnante face auxdifficultés de la vie. Comme le montrent les parolesde leurs chansons, le plus intolérable de cesproblèmes reste l'absence prolongée de leurs mari,fils, amants et père. Mais le fait de tout transcrire enchansons avec des amies est un moyen de rendre lavie plus supportable.

Mme Nowayilethi Mbizweni est une experte de latechnique vocale umngqokolo, chant diphonique,comme il en existe au Tibet et en Mongolie. Cettetechnique exige que la chanteuse entonne une notetrès profonde et très grave, comme un bourdon. Ellesélectionne ensuite des fractions harmoniques decette note pour les faire résonner dans sa bouche ou

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sa gorge et produit de ce fait une mélodie que l'onperçoit comme un son sifflant aigu, presque éthéré,au-dessus du bourdon. En orient, le bourdon restemonotone ; la technique africaine laisse le bourdonchanger de ton pour se mettre en conformité avec lesystème harmonique xhosa. En fait, l'umnggokoloressemble à une version vocalisée du son de l'arcumrhubhe. C'est un arc que l'on tient dans la bouchepour le faire résonner, en jouant simultanément, avecune baguette. C'est l'instrument préféré des filles deNgqoko.

Mme Nofinish Dywili est la doyenne musicale duvillage de Ngqoko. C'est toujours elle qui dirige lesactivités musicales du village. Son instrument deprédilection est le uhadi, autre sorte d'arc musical, quiest resté très populaire dans les zones rurales duTranskei. Il possède une gourde de résonance et onle frappe avec un léger bâtonnet ou même un brind'herbe. Semblable au berimbau brésilien (originaired'Angola), il fait partie de la même famille d'arcsmusicaux africains. L'instrumentiste pince la cordede l'arc de bas en haut sur tout un ton, et utilise sapoitrine pour agrandir ou fermer l'ouverture de lagourde, sélectionnant ainsi des harmoniquesdifférents pour la résonance. C'est un instrumentpaisible, sans prétention, que l'on utilise beaucoupdans les chansons d'amour ou dans les chants defemmes, le soir, à l'intérieur des maisons, tandis queles autres chanteuses l'accompagnent de doucesharmonies. Pourtant, cet instrument très simple estcapable d'accompagnements d'une extrême subtilité.

VendaLa très riche culture musicale des Venda estreprésentée ici par trois musiciens, M. ThanyaniPhineas Ndou, au mbila dza madeza, lamellophoneou sansa, M. Nndwamato George Ralulimi, à la flutethsitiringo et M. Ntshavheni Jameson Ramukhiti, voixet danse.

Le mbila dza madeza est l'instrument caractéristiquede la musique venda, désigné dans d'autres partiesdu continent africain sous le nom de mbira, kalimbaou likembe. On en joue en Afrique du Sud, payspourtant pauvre en instruments, uniquement chez lesVenda et leurs voisins. L'instrument possède entre 22et 34 touches ou lamelles métalliques, faites de clousou de ressorts, aplaties en forme de spatule aumarteau, fixées à une petite planche et finalementaccordées dans la gamme heptatonique, avec troisoctaves pleins. On pince les touches avec les deuxpouces et un index ; l'instrument est placé à l'intérieurd'un grand résonateur. A l'origine, il s'agissait d'unecalebasse, mais les joueurs d'aujourd'hui utilisentsouvent une grande boîte métallique. Tout autour dela calebasse ou de la boîte de fer blanc sontattachées des rangées de capsules de Coca Cola ou

de bière. Les occidentaux s'irritent parfois du bruitqu'elles font, mais elles ont, pour les Africains, unefonction importante - augmenter la qualité rythmiquede la musique et agir à la façon d'un amplificateur.

Le mbila dza madeza peut devenir un instrumentd'expression et de haute virtuosité. Il est aussi ancienque le très similaire mbira des Shona du Zimbabwe.Aujourd'hui, le mbila, comme d'autres instrumentstraditionnels, devient rare surtout à cause desinfluences modernes, des transistors, de l'éducation,etc... M. Ndou qui est mécanicien automobile, et sesamis, sont très populaires comme musiciens desfêtes du week-end. Leur musique est familiale ; on lajoue pour des amis ou de petits groupes informels. Lerépertoire du mbila se compose essentiellement deschansons à boire malende, et de tout un pan de lamusique Venda qui peut parfaitement être transposépour cet instrument : la musique domba des écolesd'initiation, le malombo, musique des envoûtements,le tshikona, danse nationale et même les hymnes deséglises africaines venda. Les chants tshilembaconstituent une autre catégorie d'importance ; cesont les chants du peuple Lemba qui vit au milieu desVenda. Certains de ces chants ont plus de quatrecents ans et remontent à l'époque où les Venda sesont séparés des Shona du Zimbabwe pour conquérirla terre sur laquelle ils vivent aujourd'hui.

Les chansons à boire malende, et leurs danses sontexécutées quand les gens s'assemblent pour le

plaisir, pour boire la bière de maïs qu'ils font à lamaison. On trouve alors souvent un joueur de mbila,ou un joueur de tambour murumba. Les danseursapportent leurs jambières en crécelles, mathuzwu.Les paroles des chansons couvrent un large éventailthématique. Le thème le plus courant est celui desrapports entre les deux sexes : "Tu vas faire fuir lesfilles".., on prévient un mari qu'il lui faut éviter lesjeunes filles, "Tu es fou de maudire ta mère". Deschants nationaux : "Nous sommes heureux etprospères au Venda", "M. Kheteni, le pays est mort".Des chansons moralisatrices : "Apaise ton oncle"...qui traitent du respect familial dont on doit fairepreuve envers un "oncle" pendant une beer party, les"travailleurs migrants"... le traumatisme du travailmigratoire s'exprime souvent dans les chansons. Et,bien sûr, des chansons comiques : "Les moustiques","Les gens de Ngudza ont volé un manguier !" (M.Ramukithi vient d'ailleurs de Ngudza !).

La flûte tshitiringo de M. Ralulimi intervient lorsqu'onjoue tshikona, la danse nationale venda, et domba, ladanse d'initiation des filles. Cette dernière est peut-être la plus belle de toutes les chansons venda ; on lajoue d'habitude à la tombée de la nuit, quand lesjeunes filles initiées se mettent à chanter "nousvoulons notre dîner". Les combinaisons

Danseurs et percussionnistes Tsonga D. R.

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Musique et Danse Xhosa dans le village de Ngqoko Photo T. J. Leman

instrumentales sont rares dans la musique verida, etle fait d'entendre le mbila et le tshitiringo jouerensemble est un rare privilège. M. Ralulimi joueégalement du "penny-whistle". L'instrumenttraditionnel, dont il joue encore à l'occasion, est uneflûte traversière bouchée. Jadis les bergers enjouaient tout en gardant les troupeaux, mais il fautconstater avec tristesse que seuls les anciens saventencore en jouer aujourd'hui.

TsongaContrairement à l'idée courante qui associe toute lamusique africaine aux tambours, ceux-ci étaient trèsrares en Afrique du Sud avant l'ère coloniale. LesTsonga, avec leurs voisins vende et pedi duTransvaal septentrional, étaient pratiquement lesseuls utilisateurs de tambours d'Afrique du Sud.Comme tous les garçons dans maintes sociétésafricaines, les jeunes Tsonga doivent subir uneinitiation. Dans les années qui la précèdent, etcomme partie intégrante de leur éducation musicaleet sociale, beaucoup de garçons (et même de filles)entrent dans une école de percussion xigubu. Le nomde l'école vient du double-tambour xigubu. M.Mackson Mavunda, le maître (muqambhi), enseignele xigubu dans une école primaire proche de Giyani,dans le Gazankulu, où il fait également fonction dedirecteur d'école. Il a actuellement douze élèves et aaccepté de sélectionner les meilleurs d'entre euxpour le festival : Ronald Rikhotso, son frère Marks etPercy Kubayi. Le cinquième membre du groupe, JoeKhosa, est l'inspecteur des écoles Tsonga ; lui aussi,dans sa jeunesse, a suivi les cours d'une écolexigubu.

A l'école, les élèves apprennent les mouvements debase et l'art du tambourinaire qui leur serontimportants lorsqu'ils auront atteint l'âge adulte, et enparticulier : construire les tambours et les accorder,apprendre des phrases par onomatopées et des"conversations" pour voix et tambours, lestechniques des nombreux styles de tambours et dedanses tsonga, ainsi qu'un grand nombre dechansons. Parmi les styles qu'ils doivent apprendre,on trouve le kuwamikapa et le xifase, danses desjeunes gens où garçons et filles dansent ensemble enchangeant sans cesse de partenaire. Il y a aussi lesdanses où hommes et femmes frappent des pieds,respectivement le muchongolo et le xichayachayaque le groupe de M. Mavunda présente ici. Ces deuxdanses sont associées à la détente et à la boisson.

En Afrique, boire et faire de la musique à boireconstituent, bien sûr, un plaisir, surtout en hiverquand les moissons ont été engrangées et qu'il n'y aplus de travail aux champs. Mais la bière, en Afrique,ne représente pas uniquement le plaisir et le laisser-aller ; elle implique aussi la présence des ancêtres

c'est pourquoi elle a une si grande importance dansles domaines de la religion, de l'histoire, de la cultureet de la vie quotidienne. De plus, la danse a uneimportante fonction socio-politique. Tout commechez les Venda, les chefs du village Tsongapatronnent des équipes de danse pour tenter degagner en charisme politique. Une grande troupexichayachaya regardée par une grande foule signifieque le chef de tribu local jouit d'un fort prestigepolitique.

C'est avec le xigubu qu'on peut voir l'importance queles Tsonga donnent à la formation des jeunes gens àpartir de l'âge tendre ; ils les initient graduellementaux difficultés physiques et techniques de lacoordination, individuellement ou dans un groupesocial, c'est ce qui forme la base de la réciprocitémusicale et sociale dont ils devront faire preuve àl'âge adulte. La présence continue de deux métriquessimultanées sur les trois tambours alto dont joue leprofesseur, contrairement au rythme que donne letambour basse ou ngoma, les très rapideschangements de tempo et de pulsation dans legroupe, la très grande coordination des mouvementschorégraphiques avec le rythme des tambours, sontles éléments inhérents au xigubu, comme ils le sont,d'ailleurs, dans toutes les percussions africaines.

Andrew Tracey

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DEMAIN LES TRADITIONS...

Paradoxalement, c'est après avoir entendu desmusiciens sud-africains "modernes" (pratiquant desgenres urbains largement diffusés par la radio et ledisque) que la France découvre, à l'occasion duFestival d'Automne 1 989 des groupes traditionnels(d'origine essentiellement rurale, interprétant desrépertoires transmis oralement) venus de troisgrandes cultures noires : les Xhosa, les Venda et lesTsonga. Il serait tentant d'opposer les premiers auxseconds, d'insister sur ce qui, au premier abord, lessépare ; ce ne serait guère conforme à la réalité etn'aiderait sans doute pas à comprendre la place dece qu'on nomme les traditions dans une Afrique duSud n pleine mutation. Puisque, là-bas, unpatrimoine musical qui n'a jamais cessé de sediversifier et de s'enrichir fournit le sol dans lequels'enracinent les créations modernes, mieux vauts'attacher à rechercher ce qui les relie, ce qui, au-delà des différences, porte les prémices d'une vasteet multiple communauté musicale.

Aujourd'hui, considérons par exemple unemanifestation, une réunion politique ou syndicale,l'enterrement d'un militant victime de la répressionnous en voyons les images à la télévision (pourautant que le permet maintenant la censure sud-africaine) et nous entendons ces chants qui mettentles foules à l'unisson alors que la voix est à l'évidencel'émanation du corps tout entier. Ce qui frapped'abord dans cette musique qui, immanquablement,accompagne tout événement social, heureux oudramatique, c'est l'impression de masse enmouvement qu'elle donne, c'est sa profondeur aussi.En cela, elle est typiquement sud-africaine : jusquedans cette expression populaire et spontanée, elleconserve le souci du timbre riche-de l'épaisseur" dutimbre-pour les voix comme pour les instruments, etune organisation polyphonique qui rend plusdynamiques encore les formes responsoriales(alternance d'un soliste et d'un choeur qui lui répond,ou de deux groupes de chanteurs) par l'utilisation decycles décalés les uns par rapport aux autres (lesparties, circulaires, ne commencent pas au mêmemoment, tout en évoluant solidairement). Pourtant, onne saurait qualifier cette musique de "traditionnelle".Ces choeurs sont modernes, c'est-à-dire qu'ils sesont développés au cours de notre siècle. Ces chantsportent l'empreinte de multiples influences;croisements indigènes et rencontres avec des sonsétrangers les ont sans cesse nourris et remodelés.Pour cette raison, ils apparaissent comme un langagemusical commun à toute l'Afrique du Sud comme,sans doute, le reflet d'une musique nationale.

Dans les rues, les églises et sur scèneNon qu'il y ait uniformité ; des différences existent,

mais elles ne peuvent masquer un très large partage.Ce que les reportages nous font entendre de la rue etdes ghettos, les ensembles spécialisés dans le chantreligieux nous en indiquent probablement la source.Qu'ils soient Zulu (comme les Holy Brothers), Tswana(comme les Rustenburg Boys) ou Sotho (comme leSoweto Male Choir), leurs polyphonies vocales acapella reposent sur les mêmes fondementsépaisseur du timbre, cycles décalés. Ils ont hérité cesprincipes de traditions qu'on retrouve chez lesmembres du groupe Nguni (Zulu, Swasi, Xhosa) et quiont étendu leur emprise à des populations voisinesdont les structures musicales étaient compatiblesavec les leurs, d'autant plus facilement qu'en cedomaine les apports étrangers pouvaient faire lien.Ces chants modernes, en effet, ont été coulés dans lemoule des cantiques missionnaires protestants. Ils enont débordé, bien sûr, mais en ont gardé certainséléments, les progressions harmoniques notamment.Ils ne sont donc à proprement parler ni "noirs" ni"blancs", mais sud-africains tout simplement, aussidifficile que cela paraisse à écrire aujourd'hui. Ce quel'on peut dire des chants de lutte et des chantsreligieux s'applique tout aussi bien aux musiquesprofanes : des uns aux autres, il n'existe aucunesolution de continuité. Ladysmith Black Mambazo, leplus connu des groupes pratiquant l'isicatamiya (quidésigne, dans la polyphonie, un style d'attaque et unearticulation particulièrement "tranchants"), possèdeun double répertoire, religieux et profane qu'écoutentavec attention les groupes qui se mesurent lors desconcours d'amateurs du samedi soir (IngomaEbusuku). Et les premiers, qui ont participé auGraceland de Paul Simon, aussi bien que lesseconds, travailleurs émigrés dans leur propre pays,perpétuent sans nécessairement le savoir unesynthèse de chant choral africain, de cantiqueseuropéens, d'hymnes franco-américains(méthodistes en particulier) et de chansons tirées desspectacles de Minstrels où s'entremêlèrent au 19esiècle Amériques noires et blanches. Ces groupessud-africains continuent de chanter sansaccompagnement ; d'autre part, la musiqueinstrumentale moderne est d'une extraordinairerichesse en Afrique du Sud. Les formes noires desEtats-Unis ont joué un rôle insigne dans sondéveloppement, mais aussi le Country and Westernet, à nouveau, les Minstrels qui s'incarnaient lors duCape Coon Carnival; les orchestres de fifres ettambours anglais ou écossais, le tickey draai reprispar les Métis du Cap aux travailleurs Afrikaners etdont l'origine remonte aux quadrilles: on n'en finiraitpas de faire la généalogie de ce que nousconnaissons aujourd'hui sous le nom de mbaqangaet que l'Europe a entendu d'abord dans sonadaptation rock par Johnny Clegg avant d'applaudirl'un de ses maîtres originels Simon "Mahlatini"

Thanyani Phineas NDOU Photo Andrew Tracey

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Nkabinde. Et puis, il y a le goût pour les revues (ladernière en date, Sarafina de Mbongeni Ngema etHugh Masekela, offrant un bel échantillon desdiverses musiques actuelles), et le dynamisme dujazz sud-africain, de Peter Rezant à Abdullah Ibrahimet Chris McGregor. Partout se manifeste une manièreidentique d'approcher le timbre et le temps quipermet, même à une oreille peu avertie, dereconnaître presque infailliblement une musiqued'origine sud-africaine.

Le "creuset" sud-africainLa ville a fait ces musiques ou, plus exactement, laville et les compounds miniers : c'est là qu'après leséchanges initiaux entre peuples Khoi-khoin(Hottentots) et colons boers, entre ces derniers etleurs esclaves malais, puis après la mise en contactdes populations de langue bantu (c'est-à-dire tousles "noirs" sud-africains ; seuls les Khoi-san,Hottentots et Boshimans, appartiennent à une autrefamille linguistique) avec cette culture euro-khoi déjàmélangée, se sont effectués les brassages intensesqui devaient donner naissance aux musiquesmodernes. Le développement de l'industrie minièrebouleversa en effet la société sud-africaine; l'une deses conséquences fut la systématisation du travailmigrant rassemblant en des lieux de labeur etd'habitation communs, en des enclos où la vie toutentière, jusqu'au divertissement, était minutieusementorganisée des milliers de déracinés africains,provenant de régions très diverses (d'Afrique du Sudcomme de pays voisins : Mozambique, Rhodesies-aujourd'hui Zambie et Zimbabwe, Nyassaland-aujourd'hui Malawi, même Tanganyika-aujourd'huiTanzanie). Les Métis, jouant fréquemment le rôled'intermédiaires culturels, et disséminant ainsi uneculture européenne déjà modifiée, ces travailleursmirent en commun ce qui leur permettait de survivreà l'oppression quotidienne; musiques et dansesfurent les ingrédients essentiels de cette culture noireinédite. Plus tard, la croissance urbaine, l'exode ruralrassemblèrent dans des ghettos non miniers deshommes et des femmes aux origines multiples, et leprocessus d'unification culturelle s'intensifia pourfaire éclore des foyers de créativité multicolore,pleinement sud-africaine, comme Sophiatown, àproximité de Johannesbourg, dans les années 50.

Mais cet aboutissement logique d'une histoire demélanges était la preuve trop flagrante de l'absurditédu système d'apartheid instauré après la prise dupouvoir par le Parti national en 1948. En 1955,Sophiatown devait être rasée. Sans pour autant quesoit détruite la curiosité des hommes qui les poussentà vouloir mieux se connaître, à s'empruntermutuellement, quelles que soient les barrièresérigées pour les séparer. L'évolution musicale desannées 80 en porte témoignage. Plus que jamais.

Quelles traditions ?Toutefois, ie développement du travail migrant, lacroissance des villes continuaient de bouleverserl'organisation des sociétés rurales ; de celles-làmêmes qu'on dit traditionnelles. D'autant plus que lesmeilleures terres avaient été aliénées au profit desagriculteurs blancs. Dans ces réservoirs de main-d'oeuvre desservant à la fois les fermes blanches etles zones industrielles, la vie de ceux qui restaientétait difficile : le sol ne donnait guère, les bras les plussolides étaient partis. La politique de "développementséparé" aggrava cette disparité, économique etculturelle, entre les villes et les campagnes. Lescourants d'échange ne purent être abolis : l'argent,les informations, les valeurs, les personnes allaient etvenaient sans cesse, toutefois l'instauration desBantustans appelés à devenir des pseudo-étatsindépendants (afin de donner une baseprétendument juridique à l'exclusion politique desAfricains citoyens de leurs "Foyers nationaux", donc"étrangers" dans une Afrique du Sud réservée auxBlancs et dotée de quelques strapontins pour lesIndiens et les Métis) s'efforça de figer dans uneidentité tribale artificielle des individus qui, sansrenoncer à leur passé, étaient en contact direct ouindirect et avec les représentants d'autres ethnies, etavec les nouvelles cultures "pan-sud-africaines".

Ainsi, les musiques avaient sans nul doute conservédes caractères propres et l'on pouvait, on peuttoujours, décrire des formes nguni, venda ou tsonga.Mais les musiques, surtout celles qui se transmettentoralement, sont indissociables de l'organisationsociale ; les modifications apportées à celle-ci nepouvaient pas ne pas avoir de répercussions sur unart qui accompagne toutes les étapes de la vie, tousses moments. Pour ne prendre qu'un exemple, si lapopulation des bantustans est composée en largepartie d'enfants, de personnes âgées et de femmes,celles-ci occuperont une place centrale dans laproduction musicale. Et l'âge moyen des musicienstendra, de toute manière, comme le reste ducontinent, à s'élever.

Pour toutes ces raisons, la notion de "tradition" doitêtre relativisée lorsque l'on parle des musiques sud-africaines. Il s'agit de musiques rurales, transmisesoralement, qui ont conservé les traits caractéristiquesdes formes existant auparavant mais dont d'autreséléments ont été modifiés : par des influencesexternes ; par suite des bouleversements liés àl'organisation politique, économique et sociale qu'aconnue le pays depuis plusieurs décennies. Il ne fauten aucun cas y entendre l'écho d'un universimmuable qui aurait été préservé sans changementdepuis des temps immémoriaux (comme, en un autredomaine, cherche à le faire croire la série de films"Les Dieux sont tombés sur la tête").

XhosaLes Xhosa se comptent probablement plus de cinqmillions et demi, dont environ deux millions et demidans le Transkei auquel Pretoria accorda uneindépendance fictive en 1976. Si le Transkei est leplus vaste des bantustans, le seul dont le territoire nesoit pas très éparpillé, sous le régime autoritaire deKaiser Matanzima la pauvreté y demeure la règlepour l'immense majorité des habitants.

Les Xhosa sont un sous-groupe de l'ensemble Nguni(qui comprend également les Zulu et les Swazi) dontils ont en quelque sorte constitué l'avant-garde aucours des grandes migrations qui les ont conduitsvers le sud-est. C'est ainsi qu'ils se sontprobablement installés dans la région qu'ils occupentactuellement vers le 14e siècle et s'y sont mêlés auxKhoi-Khoin. Par la suite, ils seront aussi les premiersà entrer en contact avec les Hollandais, au 18esiècle, sur la Great Fish River. Au 19e, comme laplupart des peuples de la région, ils seront soumis parles Zulu de Chaka avant d'être incorporés dansl'Afrique du Sud. C'est chez les Xhosa (comme dansles autres groupes nguni) que l'on trouve sans douteles exemples les plus achevés de polyphoniesvocales en cycles décalés, les Xhosa de l'ouest ayantgardé les marques les plus sensibles des pratiquesmusicales khoisan. Mais leur musique comporteégalement de riches répertoires pour l'arc musical(arc-en bouche ou arc à résonateur en calebasse).Enfin, le goût pour l'enrichissement des timbresvocaux a produit une forme étonnante de chantdiphonique qui fait entendre à la fois un bourdongrave mobile et des harmoniques ou des partielles dece bourdon, son qui n'est pas sans évoquer celui del'arc-en-bouche et que l'on peut égalementrapprocher de l'étrange "voix de chèvre" que SimonMahlatini émet derrière les Mahotella Queens dumbaganga.

VendaLes Venda sont aujourd'hui environ 550.000. Ilsdoivent être historiquement rattachés à la nébuleuseshona du Zimbabwe. Culturellement proches duMonomotapa au 15e et au 16e siècle, ils seraientdescendus vers le sud à la fin du 17e siècle. Là, ils sesont heurtés aux Pedi, aux Zulu et aux Tsonga quisont devenus leurs ennemis "traditionnels". Cettesituation de proximité conflictuelle, n'excluant pas, aucontraire, des intermariages, a occasionné denombreux échanges entre les deux groupes, dont ontrouve naturellement des traces dans la musique.

Venda et Tsonga ont en effet la particularité,comparés aux autres populations sud-africaines,d'utiliser des tambours. Chez les Venda, un grandtambour ngoma jouait un rôle important dans lesrituels de pouvoir et, par ailleurs, des ensembles de

tambours accompagnaient les danses depossession. On trouve encore de vastes répertoiresde chansons destinées à marquer tous les temps dela vie communautaire, certaines datant sans doutedu 16e siècle. Elles peuvent, dans des réunionsfamiliales ou autour de la bière de mais, êtresoutenues par des flûtes ou une mbira. Cetinstrument, très courant également chez les Shona,est composé de lamelles de métal accordées, fixéessur une planche dotée de bruisseurs (souvent descapsules de bouteille), l'ensemble étant placé dansun résonateur (calebasse autrefois, boîtesmétalliques aujourd'hui) : la combinaison voix/mbiraillustre à merveille l'interaction chant/instrument quiest l'une des marques de la musique venda et lamanière dont elle se développe sur des systèmesharmoniques cycliques.

TsongaLes Tsonga sont probablement arrivés sur la côteorientale, au nord du Limpopo avant le 16e siècle. Au19e siècle, ils vivaient dans la zone comprise entre leNatal et le Mozambique. Mais ils subirent lecontrecoup des expéditions zulu, furent soumis parl'un des héritiers rivaux de Shaka, Soshangane etfirent mouvement vers le Nord-Ouest pour venir aucontact des Venda et des Sotho. Ils se trouventaujourd'hui à cheval sur le Mozambique et l'Afriquedu Sud, sept à huit cents mille vivant dans ce dernierpays. L'influence nguni a déclenché des processusde centralisation politique dont on perçoit les effetsdans le rôle symbolique du tambour muntshitshi. Lestambours tiennent d'ailleurs une place toute spécialedans la vie sociale des Tsonga puisque c'est dans lesécoles de tambours que les jeunes garçons sepréparent pour le passage à l'âge adulte. Il existe biend'autres formes musicales chez les Tsongapolyphonies vocales responsoriales (proches decelles qu'on entend chez les Nguni), chansons debière, musiques d'exorcisme ; toutefois cesensembles de tambours sont sans doute ce qui, chezeux, est le plus extraordinaire : leur virtuositémélodique (puisque les instruments sont de hauteursdifférents : une basse donnant le schéma rythmiquependant que les altos brodent des variations enrelation avec les pas des danseurs) et rythmique, surdes tempos souvent rapides, est fascinante. Elle aprofondément marqué un musicien moderne commele guitariste Philip Thabane dont les groupes intitulésMalombo incluent de tels ensembles de tambours ;Thabane, à son tour, a rayonné sur toute unegénération de jazzmen sud-africains.

L'union des particularismes ?Philip Thabane est de mère ndebele (sous-groupenguni dont une partie vit au Zimbabwe) et de pèretswana ; malombo est un mot venda qui désigne lesesprits ; sa musique doit beaucoup aux tambours

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venda et tsonga ; il est révéré par des musiciens del'Afrique du Sud tout entière ; Gabriel Thobejane, quifut longtemps le percussionniste de Malombo, estpedi mais il a puisé à de multiples traditions pourinfluencer de nombreux batteurs sud-africainsmodernes. Ce n'est qu'un exemple, mais il indiqueclairement comment les traditions locales peuventstimuler la création d'une musique contemporainenationale. Il montre - et l'on pourrait en donner biend'autres illustrations - que la tradition peut stimuler lescréateurs modernes : sa richesse est négation de ladéshumanisation proclamée par le racisme ; sarésilience est une force qui contribue à la

constitution, à la consolidation d'une culturevéritablement nationale, sans exclusive. Dans cetteperspective, la tradition est la voie de l'avenir : unesource d'inspiration pour les futures générations demusiciens sud-africains, d'où l'importance de lapréserver malgré les changements sociaux qui lasapent, qui la transforment en permanence. L'effortde collecte entrepris par plusieurs musicologues,l'édition de disques ou de matériel audio-visuel,l'organisation de tournées à l'étranger participentd'un indispensable mouvement de sauvegarde et dediffusion d'un patrimoine qui constitue la fierté del'Afrique du Sud tout entière ; d'un patrimoine qui estcelui de l'humanité dans son ensemble. C'est trèsclairement la direction dans laquelle ont travaillé,avec beaucoup de clairvoyance, Hugh Tracey, sonfils, Andrew, et tous leurs collaborateurs de laBibliothèque Internationale de Musique Africaine.

Denis Constant-Martin

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La chronologie et la carte des bantustans sont extraites du livre de Pierre Haski, L'Afrique blanche, histoire etenjeux de l'apartheid. Le seuil/L'histoire immédiate.

Le Festival d'Automne à Paris remercie Pierre Haski d'avoir bien voulu compléter la chronologie pour cettepublication.

CHRONOLOGIE

1652 Arrivée de Jan Van Riebeeck.1806 Les Anglais enlèvent le Cap aux Hollandais.1811-1812 Première guerre des Cafres.1820 Arrivée des premiers colons anglais.1834 Abolition de l'esclavage.1835-1837 Grand Trek.1838 Bataille de Blood River entre Boers et Zoulous.1843 Le Natal, colonie britannique.1852-1854 L'Angleterre reconnaît l'autonomie desrépubliques boers du Transvaal et d'Orange.1869 Découverte de diamants à Kimberley.1879 Huitième et dernière guerre des Cafres; guerreanglo-zoulou.1886 Découverte de l'or au Transvaal.1899 Début de la guerre des Boers.1902 Fin de la guerre des Boers à Vereeniging.1910 Naissance de l'Union sud-africaine.1912 Fondation du SANNC, ancêtre de l'ANC.1913 Le Natives' Land Act accorde moins de 10% desterres aux Noirs.1918 La Namibie, ex-colonie allemande, passe souscontrole sud-africain.1922 Grève sanglante des mineurs blancs.1936 Révision du Natives' Land Act : 13% des terres auxNoirs.1946 Grève sanglante de mineurs noirs.1948 Victoire du Parti national aux élections blanches.1958 Hendrik Verwoerd devient Premier ministre.1960 Albert Luthuli, prix Nobel de la paix ; émeutes àSharpeville ; interdiction de l'ANC et du PAC.1961 L'Afrique du Sud quitte l'Empire britannique etdevient une république ; création du MK, la branchemilitaire de l'ANC.1964 Condamnation de Nelson Mandela à la prison à vie.1966 Hendrik Verwoerd assassiné par un déséquilibrémental blanc ; John Vorster lui succède.1973 Vague de grèves à Durban, renaissance dessyndicats noirs.1975 lndépendence du Mozambique et de l'Angola.Guerre avec l'Angola.1976 Emeutes sanglantes à Soweto et dans l'ensembledu pays ; «indépendence» du Transkei.1977 Mort en prison de Steve Biko ; interdiction de laConscience noire et du journal The World.1978 Pieter Botha succède à John Vorster commePremier ministre.1980 Indépendance du Zimbabwe.1982 Scission de droite au sein du Parti national, AndriesTreurnicht crée le Parti conservateur.1983 Création du Front démocratique uni (UDF) ; lesBlancs approuvent la nouvelle constitution par référendum.1984 Signature du pacte de non-agression avec le

Mozambique ; nouvelle constitution ; droit de vote auxMétis et Indiens ; Botha devient président de la République;début d'une nouvelle vague d'émeutes des ghettos noirsDesmond Tutu, prix Nobel de la paix.1985 Poursuite des émeutes, état d'urgence (21 juillet)le rand s'effondre et l'Afrique du Sud proclame unmoratoire sur le remboursement de sa dette ; créationd'une « super-fédération » syndicale noire, le COSATU.1986 Abolition des pass ; levée puis rétablissement (12juin) de l'état d'urgence ; création par Botha d'un « Conseilnational » multiracial ; raids sud-africains à Harare,Gaborone et Lusaka ; poursuite des émeutes.

198709 janvier : Le Congrès National Africain (A.N.C), principalmouvement anti-apartheid, célèbre son 75e anniversaire,toujours dans la clandestinité.mars : procès du coopérant français, Pierre-AndréAlbertini, condamné à 4 ans de prison au Ciskei pour avoirrefusé de témoigner contre des opposants noirs.avril : grève des cheminots noirs, 16000 licenciements.8 mai : poussée de l'extrême droite aux électionslégislatives blanches.juillet : première rencontre à Dakar entre l'A.N.C. et unedélégation d'intellectuels afrikaners, sous le patronage deDanielle Mitterrand.août : grande grève de mineurs noirs. Des milliers delicenciements.7 septembre : libération anticipée de Govan Mbeki,numéro 3 de l'A.N.C., après 23 ans de prison.novembre : intervention massive des forces sudafricainesen Angola.

198824 février : 18 mouvements anti-apartheid dont le FrontDémocratique Uni (U.D.F.) interdits de toute activité par legouvernement sud-africain, une décision qui vientrenforcer l'état d'urgence toujours en vigueur.29 mars : assassinat de Dulcie September, représentantede l'A.N.C. à Paris. L'enquête n'aboutira pas.10 juin : Nelson Mandela, toujours emprisonné, célèbreses 70 ans; 70.000 personnes sont réunies au stade deWembley à Londres pour un concert d'anniversaire.14 août : Nelson Mandela subit une opération chirurgicale.Il ne regagne pas sa cellule, mais est installé dans une villaconfortable, dans l'enceinte d'une prison.décembre : plusieurs mois de négociations aboutissent àun accord de paix en Angola, prévoyant le retrait destroupes sud-africaines et cubaines de ce pays.

1989février : le président Pieter Botha, victime d'une congestioncérébrale, démissionne de la tête du parti national aupouvoir, tout en conservant les rênes du pouvoir. Il estremplacé par Frederik De Klerk, ministre de l'éducation, devingt ans plus jeune.9 juillet : Pieter Botha rencontre Nelson Mandela pour lapremière fois. Une prise de contact sans lendemain.14 août : après une longue lutte pour le pouvoir au sein duparti national, Pieter Botha est contraint de démissionneren accusant son successeur, De Klerk, de l'avoir trahi.Cette décision provoque des élections anticipées le 6septembre, qui confirment l'élection de De Klerk, malgréune double poussée de l'extrême-droite et des libérauxblancs anti-apartheid. Le jour du scrutin, 29 personnessont tuées dans des émeutes au Cap, le plus lourd bilandepuis des années en Afrique du Sud, alors quel'opposition noire lance une campagne de « défiance »contre l'apartheid.septembre : les premières déclarations et gestes deFrederik De Klerk suscitent l'intérêt. Il autorise desmanifestations pacifiques sans précédent au Cap et àJohannesbourg, et évoque la possibilité de négociations.L'espoir et le scepticisme se mêlent au début de sonmandat. A suivre...

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IMF'. J. SOTTO - PARIS

THEATRE DES BOUFFES DU NORD

AFRIQUE DU SUDDans le cadre de l'Année des Droits de l'Homme et des Libertés

16 - 21 octobre

Musiques et danses

XHOSA, VENDA, TSONGA

28 octobre - 19 novembre

SARAFINA !

Paroles, musique et mise en scène de Mbongeni NgemaChansons additionnelles de Hugh Masekela

28 novembre - 31 décembre

WOZA ALBERT!

de Percy Mtwa, Mbongeni Ngema, Barney Simonadaptation Jean-Claude Carrière

mise en scène Peter Brook

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