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"D’AMPLES SECTEURS DU PROLÉTARIAT PRIS AU PIÈGE DE LA COMPÉTITION RÉFÉRENDAIRE. MISÈRE DE L’ÉLECTORALISME PROFITANT DU RECUL DES LUTTES." (Avec des camarades en Grèce)Lettre numéro 42septembre 2015

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    Mouvement Communiste/Kolektivn proti Kapitlu Avec des camarades en Grce

    Lettre numro 42 septembre 2015

    GRCE : LE CAPITAL INTERNATIONALIS PRVAUT

    SUR LE NATIONALISME PETIT-GREC. DAMPLES SECTEURS DU PROLTARIAT PRIS AU PIGE DE LA COMPTITION RFRENDAIRE. MISRE DE LLECTORALISME

    PROFITANT DU RECUL DES LUTTES.

    LA MASCARADE LECTORALE En juillet 2015, la Grce a t place sous les projecteurs du monde entier. Le spectacle

    qui sen est suivi impose de rpondre une srie de questions qui intressent le proltariat.

    Pourquoi ce fameux rfrendum a-t-il t dcid, et par qui ? Qui a gagn et qui a perdu ? Cette

    mascarade lectorale a t le terrain daffrontement entre des fractions plus internationalises

    du capital en Grce et des secteurs des classes dominantes pro-drachme et hostiles une

    restructuration de lconomie et de ltat en Grce, mene sous commandement europen. Ces

    secteurs correspondent au nationalisme petit-grec. Ils ont aujourdhui une nouvelle formation

    politique prte les reprsenter : lUnit populaire forme par les partisans du retour la

    drachme, sortis de la Syriza. Le rfrendum a oblig le gouvernement Syriza-ANEL abattre

    ses cartes, dvoiler sa vritable politique.

    Le rfrendum grec du 5 juillet 2015 posait cette question : Acceptez-vous le projet

    d'accord soumis par la Commission europenne, la Banque centrale europenne et le Fonds

    montaire international lors de l'Eurogroupe du 25 juin 2015 et compos de deux parties, qui

    constitue leur proposition unifie ? . La rponse des votants (62,5 % des inscrits aux listes

    lectorales) a t sans quivoque. Non 61,31 %, Oui 38,69 % et Nuls ou Blancs 5,8 %.

    Pari politique gagn donc pour lexcutif social-nationaliste dAlexis Tsipras qui avait prn

    un Non massif afin de renforcer le gouvernement grec dans les ngociations avec les

    Institutions crancires. Honnie du temps de lopposition parlementaire, la Troka avait t

    opportunment renomme ainsi par la Syriza et ses allis nationalistes et racistes de lANEL

    (les Grecs indpendants) ds leur conqute du pouvoir central de ltat lors des lections

    lgislatives du 25 janvier 2015.

    Une nette majorit des votants du 5 juillet avait cru au pari du chef du gouvernement.

    La haine envers la Troka et ses prescriptions daustrit ont amplifi le rsultat du Non. De la

    mme manire, le soutien actif donn au camp du Oui par la plupart des membres de la caste

    de politiciens qui ont gouvern la Grce depuis 1945, a convaincu des secteurs non

    ngligeables du proltariat utiliser le bulletin rfrendaire pour leur signifier une nouvelle

    fois leur hostilit. Lappel nationaliste, enfin, a fourni le dernier et principal ingrdient au

    triomphe du Non.

    .

  • Mouvement Communiste/Kolektivn proti Kapitlu Lettre numro quarante-deux

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    Des rfrences aux guerres du Ploponnse entre 431 et 404 av. J.C., la guerre

    dindpendance contre lEmpire ottoman (1821-1829), en passant par la rsistance

    loccupation allemande de 1941 1945, pour finir avec linsurrection tudiante du

    17 novembre 1973 qui marqua le dbut de la fin de la dictature des Colonels ; tout y est pass

    pour flatter lorgueil national des Grecs pour quils votent Non. Pour loccasion, la Syriza a

    abandonn ses drapeaux rose ple pour inonder les places de drapeaux nationaux blanc-bleu.

    Parfaitement laise dans ce bain nationaliste, son alli lANEL a jou la surenchre

    patriotique en ciblant les Nazis allemands . Des propos qui ont fait mouche y compris dans

    la base gauchiste de la Syriza toujours prte redorer le mythe de la Rsistance pour

    parvenir ses fins daujourdhui.

    La carte du vote rfrendaire fait merger que le Non a t largement le fait des jeunes

    chmeurs, des salaris de ltat, qui tout la fois redoutent des nouvelles coupes dans les

    effectifs, la fin des retraites complmentaires et le recul de lge de dpart la retraite, des

    pauvres gs, qui craignent quon leur ponctionne davantage le revenu, des habitants des les,

    menacs par la hausse de la TVA insulaire exige par la Troka, les petits commerants et les

    agriculteurs dont un fisc devenu efficient signerait larrt de mort. Les armateurs viss par la

    requte de la Troka daccrotre leurs prlvements fiscaux aussi ont t tents par le Non car,

    en cas de passage la drachme, ils auraient continu tre pays en dollars amricains mais

    leurs cots salariaux auraient diminu denviron la moiti car libells dans la devise nationale.

    Du ct du Oui, on trouve les patrons les plus intgrs au march mondial les

    professions librales et les possdants terroriss par la perspective de voir leurs pargne en

    euros transformes en drachmes fortement dprcies, lintelligentsia et aussi des secteurs

    minoritaires de salaris du secteur priv (issus pour la plupart dentreprises exportatrices) qui

    risquent de perdre leur emploi si la Grce abandonne leuro. Environ 45 % des lecteurs nont

    pas particip au rfrendum ou ont exprim des votes Nuls ou Blancs. Autant de gens qui nont

    pas adhr lide dominante que ce vote allait changer leur condition. Lanalyse sociologique

    et politique du vote dment la vulgate gauchiste qui veut que les deux camps qui se sont

    affronts taient spars par des frontires de classe, capitalistes dun ct (Oui) et proltaires

    de lautre (Non). Dans le camp du Non on trouve aussi bien la petite bourgeoisie

    traditionnellement ractionnaire que le chmeur enrag, larmateur que le salari de base du

    secteur public. Et dans le camp du Oui on a bien sr une majorit de rentiers, de petits-

    bourgeois exerant des professions librales et de patrons mais aussi des ouvriers du secteur

    priv qui craignent de perdre leur emploi.

    Pour ceux qui insistent qualifier le Non de vote de classe, voici quelques exemples de

    patrons trs engags eux-aussi pour le Non : le 1er juillet, Dimitris Gianakopoulos, le P-DG de

    Vianex sest rang ouvertement du ct des partisans du Non lors du meeting The Diamonds

    of the Greek Economy 2015 (Les diamants de lconomie grecque 2015). La chane de

    supermarchs Galaxias , est connue pour ses publicits nationalistes du genre

    supermarch strictement grec avec des capitaux grecs et des travailleurs grecs . Pour cette

    entreprise, une concurrence plus rude de la part de grands groupes de distribution trangers

    pourrait la mettre en srieuse difficult. Laustrit rduisant aussi le pouvoir dachat de ses

    clients se traduirait par un manque gagner pour Galaxias .

    Le rsultat du vote na, bien entendu, aucune incidence sur les motivations des uns et

    des autres. Les jeunes chmeurs vont le rester encore longtemps, les retraites vont tre

    rformes dans le sens souhait par la Troka, la TVA des les va tre augmente de mme

    que la taxation sur les revenus agricoles et mme les armateurs vont probablement devoir

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    ramnager leur activit pour continuer chapper au fisc grec. En dautres termes, sur le fond,

    la Troka a gagn sur toute la ligne et, avec elle, le capital grec internationalis qui veut que

    le pays conserve leuro comme monnaie nationale. Le nouveau plan daustrit et de

    rformes que le gouvernement grec sest empress de faire adopter implique des mesures

    dconomie pour 12 13 milliards deuros, contre 8,5 milliards deuros du plan propos par la

    Troka, le 26 juin, moins de dix jours avant la tenue du rfrendum, et le contre-plan

    contemporain de lexcutif grec de 8 milliards deuros.

    LES CHOIX DE TSIPRAS Mythe vite fan de la dite gauche radicale europenne, Alexis Tsipras a-t-il donc

    tout perdu, comme le soutiennent les reprsentants de la minorit pro-drachme de la Syriza

    (aujourdhui runis au sein de la nouvelle formation Unit populaire ) en troite compagnie

    des tenants du Oui ? A-t-il trahi le mandat des lecteurs ?

    Rponse : Non deux fois. La dcision dorganiser le rfrendum a t dicte par des

    raisons internes. Alexis Tsipras savait que sa majorit parlementaire nallait pas approuver le

    dernier plan de la Troka et mme celui concoct par son excutif avant lappel aux urnes. Il

    savait aussi que la population redoutait par-dessus-tout le retour la drachme, qui se traduirait

    par la dprciation massive et subite des salaires et des pargnes dans les conditions actuelles

    et compte tenu du fait que la Grce importe pour sa demande intrieure 52 % en produits

    agricoles et 85 % en nergie. Ds lors, la rsolution de la quadrature du cercle devait sortir de

    lisoloir. Le Non sest traduit par la victoire personnelle du leader qui la dpense pour

    marginaliser les partisans de la drachme internes la Syriza et constituer un semblant dunit

    nationale au Parlement autour de lacceptation des prconisations des cranciers institutionnels.

    Alexis Tsipras na pas trahi ses lecteurs car il a bien interprt leur volont de rester dans

    leuro tout prix. Sa seule faute , si on peut parler de faute, a t de vendre la baliverne

    dun Non qui ferait barrage laustrit. Mais en cela il na fait quexploiter lillusion

    dmocratique bourgeoise de la souverainet populaire toute-puissante. Pur produit des relations

    consolides entre le capital grec et ltat, le jeune leader de la Syriza sest rvl aussi

    chevronn que ses prdcesseurs dans le maniement anti-ouvrier de llectoralisme.

    Lobjectif de plus longue haleine dAlexis Tsipras et de son excutif a lui aussi t

    atteint pour linstant : viter leffondrement de ltat par banqueroute et lui garantir le soutien

    dune portion consquente de la socit civile en dpit de la rupture des principaux mcanismes

    dintgration conomique pour cause de crise fiscale de ltat. Sans argent dans les caisses de

    ltat, lexcutif a racl les fonds de tiroirs de toutes les institutions tatiques (collectivits

    territoriales, fonds de pension, assurances sant) avant de cder la Troka. Le gouvernement a

    rduit au maximum les dpenses publiques. Au cours des six premiers mois de 2015, elles ont

    t de 23,2 milliards deuros, contre plus de 26 milliards sur la mme priode de 2014. Les

    recettes, elles, ont fondu de prs de 2 milliards deuros sur la mme priode, 21,8 milliards.

    Dans ce sens, la Syriza au gouvernement a peu ou prou poursuivi les politiques de restriction

    des dpenses de ltat des gouvernements prcdents. Lexcutif Samaras (Pasok social-

    dmocrate + Nouvelle dmocratie de centre-droit) avait comprim les dpenses totales des

    administrations publiques de prs de 11 % entre 2013 et 2014. Un pourcentage comparable aux

    conomies faites par le gouvernement Syriza-ANEL entre janvier et juin 2015. Les coupes

    budgtaires les plus svres pratiques par le gouvernement actuel ont vis les financements

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    des allocations familiales, les hpitaux et les services daide lemploi, explique le site

    MacroPolis1.

    La crise na pas non plus frapp les salaris dune manire homogne. Plusieurs

    catgories de salaris du secteur public ont t nettement plus prserves que ceux du priv.

    Les salaires du priv ont baiss de 19 % en moyenne et ceux des fonctionnaires denviron

    25 %, rappelle lIMK. De plus, prs de 300 000 emplois ont t supprims dans le secteur

    1 En 2013 (dernires donnes chiffres disponibles par Eurostat), le quart des dpenses tatiques sont alles dans le

    gouffre des remboursements des prts (9 % en moyenne pour lensemble de la zone euro). Lassurance-vieillesse a

    bouff elle seule un autre quart des dpenses publiques (22 % en moyenne pour lensemble de la zone euro) et

    les services gnraux de ltat (dont les salaires des employs de ladministration civile) ont absorb plus de 16 %

    de largent tatique, contre 14,3 % en moyenne pour lensemble de la zone euro). La politique sociale en Grce

    est surtout fonde sur loctroi de pensions en tous genres , rsume Nikolaos C. Kanellopoulos, chercheur du

    KEPE (Centre de la planification et de la recherche conomique), Or, selon lui, cette politique est inefficiente et

    permet le maintien de plusieurs diffrences de traitement . (http://www.lesechos.fr/enjeux/business-

    stories/globalisation/02147594633-grece-inefficiences-corruption-et-clientelisme-aggravent-la-crise-sociale-

    1120335.php#)

    Plus dun foyer sur deux dclare que la retraite est la principale source de revenu, indique une enqute mene

    dbut 2015 par la Confdration hellnique des commerants et des artisans (GSEVEE). Enfin, les forces de

    rpression et larme ont capt prs de 7 % des dpenses publiques (6 % en moyenne dans lensemble de la zone

    euro). Incidemment, le nouveau plan accept par le gouvernement Tsipras et impos par la Troka se focalise sur

    la rduction des dpenses des services gnraux de ltat, la compression du montant global des retraites et sur la

    baisse des dpenses militaires, trois postes des dpenses de ltat qui dpassent les moyennes europennes

    respectives.

    En revanche, les postes des dpenses de ltat qui ont dj t malmens sont ceux du logement et des

    quipements (0,5 % des dpenses totales, contre une moyenne de la zone euro de 1,4 %), la sant (8,6 %, contre

    14,7 %), la culture et les loisirs (1,1 %, contre 2,2 %), lenseignement (7,6 %, contre 9,7 %), la maladie et

    linvalidit (2,5 % contre 5,5 %), les aides la famille et aux enfants (1,1 %, contre 3,3 %) et le traitement du

    chmage (1,5 %, contre 3,8 %) pour une population active dont le quart est sans emploi (prs de 60 % de

    chmeurs parmi les jeunes). Et ce alors que plus du cinquime de la population du pays ne parvient pas se

    nourrir chaque jour avec de la viande, du poisson ou leurs quivalents vgtaux, selon une tude rcente dElstat,

    le service statistique grecque. En 2013, 23 % des foyers grecs taient plongs dans la pauvret. Le seuil de

    pauvret est dfini par des ressources infrieures 60 % du revenu mdian de 16 170 euros annuels. Cest le

    deuxime taux le plus lev en Europe aprs celui de la Serbie. Les familles proches de ce seuil taient quelque

    36 % du total en 2013, contre prs de 28 % en 2009. Parmi les groupes les plus vulnrables de la population, on

    compte les hommes sans travail (dont plus de la moiti sont pauvres), les foyers avec trois adultes ou plus et des

    enfants (38 % de pauvres dans cette catgorie), les parents isols (37 %), les inactifs qui ne peroivent pas de

    retraites (30 %), les locataires (30 %), les adolescents isols jusqu 17 ans (29 %), les travailleurs temps

    partiel (27 %) et les adultes seuls de moins de 65 ans (24%) Au fil du temps, la pauvret qui a frapp dabord

    les personnes ges et les percepteurs de pensions a touch en priorit les jeunes et les enfants. Ainsi, si au dbut

    de la crise elle se concentrait surtout dans les zones rurales, elle a dferl ensuite vers les aires urbanises. Enfin,

    la pauvret qui a commenc se rpandre auprs des secteurs les moins instruits de la population, touche

    aujourdhui les personnes qualification plus leve , rsume Nikolaos C. Kanellopoulos

    (http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/globalisation/02147594633-grece-inefficiences-corruption-et-

    clientelisme-aggravent-la-crise-sociale-1120335.php#).

    Pendant ce temps, 10 % des Grecs les plus pauvres ont vu leurs revenus plonger de 86 % entre 2008 et 2012

    tandis que les familles les plus riches nont perdu que 17 20 % de leurs ressources , indique son tour ltude

    de lIMK. Sur la mme priode, le fardeau fiscal a grimp de 337 % pour les familles les plus dmunies alors que

    celui de celles aux revenus les plus levs na augment que de 9 %. La fraude fiscale, ce vritable flau en Grce,

    est lune des principales raisons des ingalits face aux impts, dplore lInstitut allemand des politiques

    macroconomiques (IMK) li la DGB, la Confdration allemande des syndicats, dans une tude rdige par

    deux Professeurs de lUniversit dAthnes, Tassos Giannitsis et Stavros Zoglafakis, publie en mars 2015 et

    couvrant la priode de 2009 2012 (http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/globalisation/02147594633-

    grece-inefficiences-corruption-et-clientelisme-aggravent-la-crise-sociale-1120335.php#).

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    public civil entre 2009 et 2013, pour moiti des contractuels dont le contrat na pas t

    renouvel et pour lautre moiti constitue par des nouveaux retraits non remplacs.

    Aujourdhui, ladministration de ltat compte prs de 700 000 personnes. Toutefois, une

    partie non ngligeable demploys publics (en particulier ceux rattachs aux ministres des

    Finances, de la Justice, de la Culture, de la Dfense et dautres organismes tatiques) sest vue

    gratifie par des primes personnalises de 500 1 000 euros ou a bnfici de promotions

    internes, pointe lInstitut allemand. La prservation du systme clientliste des partis politiques

    qui ont tour tour occup le pouvoir y est pour beaucoup, note lIMK. Au total, des portions

    significatives de fonctionnaires ont gard des salaires sensiblement plus hauts que ceux du

    priv, spcialement parmi les moins bien pays et ceux qui gagnent des salaires moyens 2

    Selon une tude publie fin 2014 par le Ministre du travail, en 2013, dans le secteur

    priv, prs de 22 % des quelques 1,5 million de salaris travaillaient temps partiel ou avaient

    des CDD. Prs de 40 % des 1,2 million salaris temps complet et en CDI ne gagnaient

    quentre 500 et 1 000 euros de salaire brut par mois et prs de 9 % dentre eux taient

    rmunrs en dessous du salaire minimum de 680 euros sur 14 mois.

    Daprs les dclarations officielles des employeurs livres en 2014 aux services de

    scurit sociale (IKA), le ratio de salaris pays en-dessous du minimum contractuel tabli

    pour les travailleurs non qualifis slevait en 2013 33 % du total, contre 17 % en 2011. Prs

    de 40 % des salaris du secteur priv touchaient alors environ 630 euros nets par mois. A titre

    de comparaison, un enseignant dbutant du secondaire reoit un traitement mensuel de prs de

    1 100 euros. Il faut aussi compter avec le travail au noir.

    Daprs lInspection du travail grecque, prs de 14 % des travailleurs du secteur priv

    ntaient pas dclars en 2014. La plupart dentre eux sont des immigrs (10 % du total des

    trangers). La crise et la restructuration de ltat ont fragilis tous les secteurs du salariat mais

    les travailleurs prcaires du secteur public et les moins qualifis du secteur priv ainsi que les

    chmeurs ont t les segments du proltariat les plus touchs par les patrons et les politiques de

    la Troka et des gouvernements qui se sont succd depuis 2010.

    En janvier, la Syriza avait promis de relever le salaire minimum, de ne pas couper les

    retraites et de prserver le secteur public. Aujourdhui, pour prserver ltat, elle accde

    toutes les requtes de la Troka. Nouveau Pasok, elle dfend en priorit les intrts de

    ladministration publique dont sont issus la plupart de ses cadres et militants ainsi que de la

    bureaucratie syndicale dtat dont elle tente de restaurer les prrogatives contractuelles lgales

    balayes par le deuxime Mmorandum. Sur ce point particulier, la Syriza entend rtablir les

    mcanismes de mdiation institutionnelle des conflits sociaux rudement endommags par la

    crise et les luttes de ces dernires annes. Tout le reste nest pas une priorit pour le parti de

    Tsipras.

    Sa victoire aux lections lgislatives de la fin janvier 2015 est le produit driv de la

    dfaite du mouvement de rsistance laustrit qui a culmin dans les journes de rvolte de

    2012 et par loccupation pendant plusieurs mois de la place Syntagma par des milliers de

    participants aux origines les plus diverses dont principalement des jeunes. La dfaite de ce

    mouvement dampleur ( ce titre, nous conseillons la lecture dun bilan crit par un camarade

    2 Voir : http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/globalisation/02147594633-grece-inefficiences-corruption-

    et-clientelisme-aggravent-la-crise-sociale-1120335.php#.

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    grec du groupe Skya3) a conduit plusieurs de ses participants tenter la voie lectorale avec la

    Syriza dont lessor concide avec la fin de la lutte de masse de rue. Dans ce sens, la victoire du

    Non est le dernier soubresaut de lillusion entretenue par cette formation politique sur les

    cendres du mouvement de rsistance laustrit. Il en est la pierre tombale. Le masque est

    tomb. Leuphorie de la victoire du Non a cd la place la rude ralit des rapports de

    forces et la Syriza a t astreinte dvoiler sa vritable raison dtre: dfendre ltat-patron

    grec, y compris, sil le faut, au prix dun conflit avec le capital priv . Do, par exemple, la

    proposition de relvement de 26 29 % de limpt sur les socits (la Troka finira par la fixer

    28 %), l'imposition exceptionnelle 12 % des bnfices d'entreprises dpassant le demi-

    million d'euros (non retenue) et les dclarations de guerre contre lvasion fiscale (la Troka

    veut que lexcutif passe aux actes).

    LE JEU AVEC LA TROKA Pourquoi donc le gouvernement Tsipras a attendu si longtemps pour cder la Troka

    alors quil savait pertinemment quil navait pas les moyens de sa politique et quil a replong

    le pays dans la crise ? Le vritable diffrend entre les cranciers institutionnels et lexcutif

    grec portait sur lagenda de restructuration de lappareil de ltat grec. Les premiers exigeaient

    les dites rformes avant daborder le thme dun second effacement de la dette aprs celui

    dit du PSI (Private Sector Involvement) de mars 2012. Au final, avec cette opration, ce furent

    105 milliards deuros de dette dtenus par les investisseurs privs qui ont t effacs. Conseill

    comme le fut son prdcesseur, George Papandrou, par le banquier daffaires franais de la

    banque Lazard, Mathieu Pigasse, Tsipras voulait quon efface 100 milliards deuros

    supplmentaires de la dette avant de dmarrer les ngociations sur les rformes .

    Au fil des mois, les dites lignes rouges de la Syriza ne pas franchir dans les

    ngociations ont t dpasses les unes aprs les autres. In fine, il est apparu clairement que les

    positions de la Troka et celles de lexcutif social-nationaliste grec ntaient pas si distantes.

    Et ce depuis le dbut des tractations. Le diffrend sur le calendrier, rformes dabord ou

    effacement de la dette dabord, rpondait deux logiques diffrentes menant au mme rsultat:

    restaurer ltat grec dans toutes ses prrogatives. La Troka voulait sassurer ce quelle appelle

    la soutenabilit de la dette, lire la capacit de ltat grec tenir ses engagements

    budgtaires dans le temps. Ceci dit, mme au sein de la Troka des contradictions importantes

    ont merg. Pour remettre la main la poche dans le cadre du troisime Mmorandum, le FMI

    exige une nouvelle restructuration importante de la dette grecque entirement applique aux

    prts des cranciers europens sous prtexte que, dans ses statuts, il est interdit de donner de

    largent un pays qui na pas rembours intgralement les crdits octroys prcdemment par

    le Fonds. La BCE et les autres capitales de la zone euro ne veulent pas leur tour faire les frais

    de lventuelle restructuration de la dette publique grecque arguant que les traits europens

    interdisent tout transfert de richesse dun pays lautre, donc y compris sous la forme de

    leffacement de prts donns par les institutions europennes. Le point de mdiation entre les

    cranciers europens et le FMI va probablement tre trouv sous la forme dun rallongement

    significatif des chances de restitution des prts et, peut-tre, par le report de quelques annes

    des versements des intrts dus au titre de ces prts. Mais, ce stade, la partie entre cranciers

    institutionnels nest pas termine.

    3 Voir : http://skya.espiv.net/2015/07/12/lumiere-eau-telephone-la-lutte-de-classe-dans-les-redevances-

    quotidiennes-luttes-dans-la-reproduction-sociale-et-le-travail-dans-les-quartiers-dathenes/

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    La Troka exige la mise en uvre de nouvelles mesures qui dvalorisent davantage la

    force de travail (employs et retraits du secteur public), de nouvelles conomies des dpenses

    (arme), de nouvelles hausses dimpts des socits et de la TVA et des privatisations. Aussi,

    pour renflouer les caisses de ltat avec des recettes accrues, la Troka entend confier chaque

    entreprise la ngociation collective des contrats de travail. Ceci dans le but de baisser

    ultrieurement le cot salarial donc daccrotre la rentabilit des socits, et, par-l, leur

    capacit payer des impts. Enfin, la Troka veut librer la vente de produits et services

    sous le rgime du monopole pour injecter davantage de concurrence et favoriser la

    centralisation de capitaux trop souvent disperss (ex. les pharmacies ou les cabinets mdicaux).

    Au-del des grandes phrases, le gouvernement Tsipras, de son ct, envisageait des

    mesures semblables mais appliques avec davantage de gradualit et avec un mlange diffrent

    pour composer avec les intrts des secteurs viss par le troisime Mmorandum en cours de

    dfinition. Or, le meilleur moyen de prendre du temps tait dobtenir demble une dcote

    massive de la dette publique afin de retrouver le chemin du march de la dette souveraine et de

    dgager des revenus indispensables maintenir le statu quo le plus longtemps possible et de

    mnager les segments de la socit civile qui allaient tre touchs par les rformes .

    Lobtention de leffacement du tiers de la dette de ltat aurait galement servi montrer la

    population que la Syriza est un parti dune nature diffrente des autres, un parti capable de tenir

    tte aux puissants du monde entier, un parti qui aurait donn lexemple tous les sociaux-

    nationalistes dEurope, de lextrme-droite lextrme-gauche. Un jeu bien compris par la

    Troka qui a resserr le cordon des financements au systme bancaire grec et cess toute

    discussion sur des nouveaux prts.

    En perspective, il y a un nouveau plan de prts internationaux de lordre de

    100 milliards deuros, dont environ un cinquime pour les instituts grecs de crdit sortis

    exsangues du contrle des capitaux impos par la BCE mais surtout par le bank run

    (panique bancaire) rampant qui a diminu de moiti le montant des dpts des clients entre

    septembre 2009 et mai 2015, ce montant passant de 237 milliards deuros 129 milliards (dont

    environ 40 milliards deuros retirs depuis janvier 2015), et aussi par la multiplication des

    mauvaises crances. Les crances qui risquent de ne pas tre recouvres reprsentent en

    moyenne 41 % de lensemble des actifs des quatre principales banques grecques, estime

    Barclays Capital. Elles sont dans lincapacit de se financer sur le march. Leurs coffres

    regorgent encore dobligations de ltat grec. Leur survie trs court terme ne dpend que des

    injections de liquidits de la BCE. Du coup, les banques ne prtent plus depuis plusieurs

    annes ; les sources de financement de march sont taries (actions et obligations) ; les

    pargnants exportent leurs conomies ou les thsaurisent dans la crainte de les voir

    transformes deuros en drachmes et fortement dprcies. La fonction dinstrument de

    paiement diffr de la monnaie est fortement diminue au point de bloquer la plupart des

    projets dinvestissement. A contrario, la fonction de la monnaie comme moyen de circulation

    sen retrouve nettement renforce. Les billets en circulation en Grce slvent quelque 50

    milliards deuros, soit prs du tiers du PIB attendu en 2015. A titre de comparaison, la

    moyenne de la zone euro correspond 10 % du PIB cumul des pays qui en font partie4.)

    4 Voir : https://www.henderson.com/ukpa/post/11077/greek-mattress-stash-up-to-30-of-gdp

  • Mouvement Communiste/Kolektivn proti Kapitlu Lettre numro quarante-deux

    8

    LA CRISE FISCALE La crise fiscale de ltat sest mue en crise bancaire et en crise montaire avec la

    fonction du crdit de la monnaie svrement endommage. Or, le capitalisme sans crdit ne

    fonctionne pas5. Les entreprises ninvestissent plus ou pas assez pour accrotre la productivit

    du travail. Daprs Natixis6, linvestissement productif en volume (base 100 en 2002) est

    revenu en 2015 au niveau de 2002 aprs avoir culmin plus de 180 en 2008/2009. La mme

    source indique que si les dpenses publiques reprsentent encore prs de la moiti du PIB,

    linvestissement de ltat dans les quipements et les infrastructures a fondu de 5 % du PIB en

    2008/2009 3,5 % aujourdhui. Le secteur le plus rudement touch est celui du B-TP. Entre

    2008 et 2014, le nombre de PME grecques a chut de prs de 230 000 units emportant dans

    leur dgringolade quelque 700 000 emplois si lon croit une tude rcente du Centre pour la

    planification et la recherche conomique (KEPE). Nanmoins, la crise fiscale de ltat na pas

    dtruit le cycle industriel. Les profits aprs impts, intrts et dividendes verss des entreprises

    (tous secteurs confondus) correspondent en valeur 12 % du PIB entre 2014 et 2015. Ils

    taient de lordre de 10 % du PIB en 2012 (Natixis).

    La raison ? Une seule : la dvalorisation du prix de la force de travail. Et le secteur qui

    affiche la meilleure tenue depuis 2009 du niveau de productivit par tte en milliers deuros

    constants, est le manufacturier alors que la construction est en chute libre (Natixis). Lindustrie

    manufacturire reprsente prs de 15 % de la valeur ajoute brute totale (diffrence entre le

    chiffre daffaires et la valeur des biens intermdiaires consomms), contre moins de 13 % en

    2003. A linverse, la construction a vu sa part dans la valeur ajoute brute totale plonger de

    prs de 7 % moins de 2 %, selon Eurostat. Les industries de linformation et des

    tlcommunications ont bien tenu aussi, reprsentant aujourdhui prs de 5 % de la valeur

    ajoute brute totale. En rappelant que le transport maritime compte hauteur de 7 % du PIB et

    quil rsiste bien en raison de son internationalisation, sans compter la bonne sant des grosses

    entreprises touristiques (le tourisme dans son ensemble vaut prs de 10 % du PIB), on peut

    considrer quen dpit de la crise fiscale de ltat un gros tiers de la machine capitaliste

    grecque continue de gnrer et de raliser de la valeur.

    Certes, le chemin vers la normalisation du capitalisme en Grce est encore trs long. La

    restructuration de ltat est la condition indispensable pour y parvenir. Un tat qui, dans la

    crise fiscale, a agi en tant que capital individuel dot, comme tous les tats, de moyens et de

    droits spciaux, en dfendant bec et ongles les intrts particuliers dune administration

    publique tentaculaire, trs puissante, relie des segments significatifs de la socit par le

    clientlisme et dote de connexions fortes avec le crime organis. La survie de ltat avec tous

    ces rseaux dintrt a pris temporairement le dessus sur le bon fonctionnement de

    laccumulation de capital. Le proltariat grec a tent de saisir loccasion de la crise de ltat

    pour lancer son offensive en commenant par se dfendre contre la restructuration du capital

    ses dpens et laustrit. Mais sa dispersion en centaines de milliers de PME, sa division accrue

    entre chmeurs, salaris du public et du priv et, surtout, son positionnement relativement

    priphrique eu gard des principales citadelles ouvrires europennes et mondiales ne lui ont

    pas permis de gagner. Lisolement dans lequel il a t laiss en 2011 et 2012 par ses frres de

    classe du monde entier a t fatal. Comme pour la bourgeoisie grecque, la solution

    rvolutionnaire pour la classe ouvrire de ce pays nest pas en Grce. Les proltaires grecs

    5 Voir : http://mouvement-communiste.com/documents/MC/Letters/LTMC1135FRvF.pdf.

    6 Voir : http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=84801. Cest le mme document qui est cit dans le reste du texte.

  • Mouvement Communiste/Kolektivn proti Kapitlu Lettre numro quarante-deux

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    peuvent encore donner lexemple en smancipant des illusions dmocratiques et nationales qui

    lont conduit la dfaite. Ils peuvent encore tre ltincelle qui embrasera la rgion mais ils

    doivent pour cela dpasser l'insurrectionalisme sans lendemain, la litanie des affrontements

    avec les flics la place Syntagma pour parcourir le chemin escarp de la lutte sur les lieux de

    travail, dans les quartiers populaires contre les patrons, ltat et ses sbires pour la

    rappropriation, le salaire et ldification de son autonomie politique.

    Le nouveau pari politique de la Syriza et de son leader, la convocation dlections

    lgislatives anticipes pour la fin septembre 2015, ne sera rien dautre que la rptition fane

    de la dispute rfrendaire, o le vritable enjeu est celui dpurer et disoler la fraction pro-

    drachme de la Syriza qui se prsente avec sa propre liste nomme Unit populaire. Cette fois-

    ci, le choix de revenir aux urnes est plbiscit par la Troka qui ne craint plus un drapage

    isolationniste petit-grec de la Syriza. En tmoignent plusieurs prises de position de soutien

    Tsipras de leaders europens faites peu avant et peu aprs lannonce officielle de dmission

    du Premier ministre grec7.

    PLANS ALTERNATIFS ET MIROIRS AUX ALOUETTES Les plans alternatifs la capitulation en rase campagne du gouvernement sont un

    joli catalogue des rves les plus fous dconomistes bourgeois ultra-minoritaires en rupture de

    ban avec la pense officielle dans leur discipline. Des rves pour ces Messieurs qui cependant

    se mueraient en cauchemars pires que ceux que vivent aujourdhui les sans-rserves en Grce

    si ces dits plans alternatifs se matrialisaient. Deux courants minoritaires ont merg on sein de

    la Syriza. Le premier, qui pendant un certain temps a t choy par Alexis Tsipras lui-mme,

    avait pour chef de file lancien ministre des Finances, Yanis Varoufakis. Ce dernier affirme ne

    jamais avoir eu lintention de restaurer la drachme. Mais pour rester dans leuro il pensait quil

    fallait riposter la clture des banques induite par la dcision de la BCE de fermer pendant une

    dizaine de jours le robinet des liquidits additionnelles fournies aux instituts grecs de crdit par

    des actions cibles de reprsailles. Il envisageait ainsi d mettre nos propres titres de

    reconnaissance de dette (IOU pour I owe you, je te dois en franais), voire, au minimum,

    annoncer que nous allons mettre notre propre liquidit libelle en euros ainsi que dprcier

    les obligations grecques 2012 (mises en 2012 pour tre aussitt rachetes par la banque

    centrale NdlR) que la BCE dtenait ou annoncer que nous allions le faire8.

    La BCE dtient, au total, 22 milliards deuros dobligations de ltat grec. Le passage

    deux monnaies aurait acclr la fuite vers la devise la plus forte, leuro bien sr. La

    dprciation des IOUs aurait t rapide et violente. La prise de la Banque de Grce, la

    banque centrale du pays membre de lEurosystme de la BCE, naurait permis de mettre la

    7 Le prsident de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a dit qu'il ne craignait pas que cette priode lectorale mette en

    danger la mise en uvre des rformes. Une trs large majorit avait soutenu le paquet de mesures au Parlement

    grec et nous nous attendons ce que ce soutien soit peut-tre encore plus fort aprs les lections. Ds avant

    l'annonce officielle, le responsable du cabinet du prsident de la Commission europenne Jean-Claude Juncker,

    Martin Selmayr, a tweet : Des lections anticipes en Grce peuvent tre le moyen d'largir le soutien au

    troisime plan de prts. La Commission respecte la dcision du Premier ministre Alexis Tsipras d'organiser un

    scrutin rapidement , a dclar au cours d'un point de presse une porte-parole, Annika Breidthardt. Beaucoup de

    partis d'opposition ont vot en faveur du nouveau plan de prts , a-t-elle rappel, insistant sur le fait que

    malgr les lections, les rformes peuvent tre mises en uvre . Aprs la dcision du gouvernement (grec) et

    le vote du Parlement, il n'y a pas besoin de nouvelle dcision politique pour qu'elles soient accomplies , a-t-elle

    conclu. 8 Source : New Statesman, 13 juillet 2015, interview Yanis Varoufakis

  • Mouvement Communiste/Kolektivn proti Kapitlu Lettre numro quarante-deux

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    main que sur cinq milliards deuros de rserves officielles, dont peine un milliard deuros en

    devises fortes. Le reste tant pour lessentiel de lor en barres et des Droits de tirage spciaux9,

    cours limit et difficilement changeables en cas de dclaration de guerre la BCE. Ce

    trsor qui nen est pas un naurait mme pas permis ltat grec de renflouer les banques du

    pays, qui ont besoin, aux dires de toutes les parties, de 10 25 milliards deuros de capitaux

    frais. Quant la dprciation unilatrale des obligations grecques de la BCE, elle naurait pas

    eu plus deffet quune gratignure dans le bilan de la banque centrale qui slve plus de

    2 500 milliards deuros. Un plan sur la comte donc, dont les consquences auraient t

    irrparables la fois pour ltat, les banques locales et la population.

    Le vritable plan B, celui de la restauration de la souverainet montaire , a t

    conu par une poigne dconomistes de la Plateforme de gauche, la minorit trotsko-maoste

    de la Syriza qui reprsente entre 35 et 40 % des membres actifs du parti. Un objectif

    stratgique, celui de la souverainet montaire, qui est partag aussi par les Grecs

    indpendants, le parti stalinien (KKE) et les nazis de lAube dore. Lun des figures de pointe

    du think tank de la drachme au sein de la Syriza (aujourdhui au sein de lUnit populaire)

    est le professeur Costas Lapavitsas. Dans son intervention du 17 juillet 2015 au colloque

    Democracy Rising qui sest tenu Athnes, le Professeur dtaille le fameux plan B rejet

    par Alexis Tsipras et son gouvernement. Ce plan est un concentr des traditionnelles recettes

    trotsko-staliniennes : nationalisation des banques (mais sans contrle ouvrier , juste le

    changement de statut et des dirigeants) ; contrle permanent des capitaux et adquat, pas ce

    contrle lamentable que nous avons vu ces deux dernires semaines , prcise-t-il et cours

    forcs de la nouvelle devise10

    ; rationnement du ptrole, des produits pharmaceutiques et de la

    nourriture joliment qualifi d organisation de lapprovisionnement des marchs protgs .

    Faut-il rappeler que la Grce importe plus de 50 % des denres alimentaires et 85 % des

    produits nergtiques, sans compter les prs de 100 % des biens dquipement, des moyens de

    transport, des matriels et des services de haute technologie, et sans compter que ces

    importations sont payes en dollars et en euros ? La seule question que lminent Professeur

    Costas Lapavitsas se pose est comment allgera-t-on la pression sur le taux de change ?

    Mais, comme tout bon savant, il a la rponse prompte : a ne va pas tre grave car le taux de

    change va probablement plonger puis remonter. Cest gnralement ce qui se passe. Merci

    Monsieur de La Palice ! Toute la question pour les proltaires est de savoir combien de pouvoir

    dachat ils perdront avec lintroduction force dune devise dont personne ne veut et pendant

    combien de temps. Or, une fois encore, ce sommet de la pense conomique apporte la solution

    de lnigme : Il (le taux de change de la drachme NdlR) se stabilisera un niveau dvalu.

    Jenvisage une dvaluation de 15 20 % au final. Ses compres conomistes dans leur

    grande majorit tablent sur une dprciation durable de 30 50 %.

    Mais mme si Costas Lapavitsas avait raison, il faudrait tabler sur une coupe du

    cinquime des salaires, pensions et autres indemnits de chmage. Pas mal pour un gauchiste !

    9 Le DTS est un actif de rserve international, cr en 1969, par le FMI pour complter les rserves de change

    officielles de ses pays membres. Sa valeur est base sur un panier de quatre grandes devises. Les DTS peuvent

    tre changs contre des devises librement utilisables (source : FMI ;

    https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/sdrf.htm) 10 Les dposants perdront une part de leur pouvoir dachat, mais pas sur la valeur nominale de leurs dpts.

    Mais ils y gagneront car le pouvoir dachat de leur dette diminuera galement. Donc la majorit en sortira

    probablement gagnante , dixit. Mais, au fait, les seuls gagner quelque chose sont ceux qui on prte de

    largent, donc pas les sans-rserves.

  • Mouvement Communiste/Kolektivn proti Kapitlu Lettre numro quarante-deux

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    Un sacrifice ncessaire pour restaurer lautorit de ltat et revenir la croissance du

    capital grec. Je suppose que lon reviendra des taux de croissance positifs au bout de 12

    18 mois. Une fois le pays sorti de cette priode dajustement, je pense que lconomie

    reviendra des taux de croissance rapides et soutenus. . Une croissance robuste quil

    anticipe porte par la reconqute du march intrieur par le secteur productif grec et par la

    sempiternelle rdition des trotsko-staliniens dun programme soutenu dinvestissement

    public qui favorisera aussi linvestissement priv et produira de la croissance pendant

    plusieurs annes. Sauver les entreprises grecques non comptitives et restaurer les

    prrogatives dun ltat en banqueroute, voil les deux priorits avoues du Professeur

    gauchiste.

    ANNEXES

    Plan Varoufakis

    Je ne croyais pas que nous devrions aller directement une nouvelle monnaie. Mon

    point de vue tait - et je mets cela au compte du gouvernement - que sils ont os fermer nos

    banques - initiative que je considrais comme dcision dune agressivit incroyable -, nous

    devrions ragir de faon agressive mais sans franchir le point de non-retour. Nous devrions

    mettre nos propres titres de reconnaissance de dette (IOU pour I owe you, je te dois en

    franais), ou mme au minimum annoncer que nous allons mettre notre propre liquidit

    libelle en euros ; nous devrions dprcier les obligations grecques 2012 que la BCE dtenait

    ou annoncer que nous allions le faire ; et nous devrions prendre le contrle de la Banque de

    Grce. Ce fut le triptyque, les trois choses, que je pensais que nous devrions faire en riposte si

    la BCE fermait nos banques11

    .

    Plan Drachme

    Premirement, dfaut sur la dette nationale. Le dfaut est larme des pauvres. La

    Grce doit faire dfaut. Il ny a aucune autre porte de sortie. Le pays est cras par sa dette.

    Un dfaut serait donc un premier pas vers un profond effacement de la dette. Deuximement, nationalisation des banques. Nationalisation efficace des banques. Je

    veux dire par l que lon nommera un commissaire public et un groupe de fonctionnaires et de

    technocrates qui savent comment sy prendre. On leur demandera de diriger les banques et de

    renvoyer chez eux les membres des quipes dirigeantes actuelles. Voil ce quil faut faire. Sans

    avoir la moindre hsitation. Et nous changerons en consquence la structure juridique de ces

    tablissements. La chose est trs facile faire. Les banques continueront fonctionner sous un

    rgime de contrle des capitaux. On aura alors fait la moiti du chemin pour sortir de cette

    catastrophique union montaire. Mais il faudra mettre en place un contrle adquat des

    banques et des capitaux, pas ce contrle lamentable que nous avons vu ces deux dernires

    semaines. Il faudra que cela permette aux travailleurs et aux entreprises de retrouver une

    activit normale. Cest tout fait possible. On la vu plusieurs reprises. Troisimement, conversion de tous les prix, de toutes les obligations, de lensemble de

    la masse montaire dans la nouvelle devise. On peut convertir tout ce qui relve du droit grec.

    Les dposants perdront une part de leur pouvoir dachat, mais pas sur la valeur nominale de

    11

    Source : New Statesman, 13 juillet 2015, interview de Yanis Varoufakis.

  • Mouvement Communiste/Kolektivn proti Kapitlu Lettre numro quarante-deux

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    leurs dpts. Mais ils y gagneront car le pouvoir dachat de leur dette diminuera galement.

    Donc la majorit en sortira probablement gagnante. Quatrimement, organisation de lapprovisionnement des marchs protgs : ptrole,

    produits pharmaceutiques, nourriture. Cest tout fait possible en dfinissant un ordre de

    priorits, donc il faut sy prendre un peu lavance, pas la dernire minute. Il est vident

    que si vous pensez mettre tout cela en place le lundi matin et que vous commencez y rflchir

    le dimanche, laffaire sera difficile. Jen conviens.Enfin, dterminer comment on allgera la pression sur le taux de change. Le taux de change va probablement plonger puis remonter.

    Cest gnralement ce qui se passe. Il se stabilisera un niveau dvalu. Jenvisage une

    dvaluation de 15 20 % au final. Il faut donc savoir comment on matrisera cette

    situation.La contraction (aprs la sortie de leuro NdlR) durera donc plusieurs mois, puis lconomie redmarrera.

    En revanche, il est probable quil faille attendre plus longtemps pour renouer avec des

    taux de croissance positifs, car la consommation, la confiance, et les petites et moyennes

    entreprises subiront sans doute un choc important. Je suppose que lon reviendra des taux de

    croissance positifs au bout de 12 18 mois. Une fois le pays sorti de cette priode

    dajustement, je pense que lconomie reviendra des taux de croissance rapides et soutenus.

    Pour deux raisons. Dabord, la reconqute du march intrieur. Le changement de devise

    permettra au secteur productif de reconqurir le march intrieur, de recrer des opportunits

    et des activits, toutes choses que lon a vu chaque fois que se sont produits des vnements

    montaires de cette ampleur. Et un gouvernement de gauche favorisera la reprise, pour quelle

    soit plus rapide et plus solide. En partie parce que les exportations vont trs probablement

    repartir ; en partie parce que lon mettra en place un programme soutenu dinvestissement

    public qui favorisera aussi linvestissement priv et produira de la croissance pendant

    plusieurs annes. Voil mes prvisions, je nai pas le temps de les dvelopper ici12.

    MC/KPK, le 19 septembre 2015

    Pour toute correspondance crire, sans autre mention, : BP 380, Centre Monnaie 1000, Bruxelles 1, Belgique.

    Consulter les sites Internet de Mouvement Communiste : www.mouvement-communiste.com et de Kolektivn proti kapitlu :

    http://protikapitalu.org/

    12 Source : transcription traduite de lintervention de Costas Lapavitsas au colloque Democracy Rising , tenu

    Athnes le 17 juillet 2015. Costas Lapavitsas est dput lu au Parlement grec, membre de la Plateforme de

    gauche de Syriza, et professeur dconomie SOAS (School of Oriental and African Studies, Londres).