Mourret. Histoire générale de l'Église. 1921. Volume 4.

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    V:^^-^-'roque-ment entreprise par saint Grgoire VIT, et glorieusement couiX)unepar Innocent III, une uvre immense de rforme et de libration.Les crivains les plus dsintresss des croyances dogmatiques se sontaccords pour le reconnatre. La priode d'apoge du Moyen Age fut,suivant Auguste Comte, l'poque o le monde a t le mieuxorganis ^, et, suivant Uhlhorn, un temps qui ne peut tre com-par aucun autre au point de vue de l'organisation et de la ferveurde la charit chrtienne, tant publique que prive * .

    . Jean DE Salisburt, Epist. cxciii, P. L., t. GXCIX, col. 207.a. Pierre DE Blois, Epist. x, P. L., t. GGVII, col. 37.3. Auguste Comte, cit par E. Fa.guet, Politiques et moralistes da XIX& sicle^an vol. in-i2, Paris, 1898, p. 338.4. Uhlhorn, cit par Marx, Kirchengeschichte, p. IV, 5, S qB.

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    IXTRODUCTI05Un catholique ne peut qu'tre fier de constater la concidence de

    ce triomphe moral avec l'action la plus profonde que le pouvoirpontifical ait jamais exerc sur la socit.Un savant historien, se plaant ce point de vue, a cru pouvoirmontrer, dans l'histoire de l'Eglise au Moyen Age, la plus vivante

    des apologies du catholicisme. L'Eglise catholique, dit LonGautier, n'a pu faire triompher ses ides qu'au temps de sa domina-lion. Or, quel a t ce temps de la domination de l'Eglise ? De l'aveude tous, c'est le Moyen Age. C'est donc au Moyen Age que l'Eglisea fait triompher ses ides. Or, de deux choses l'une : ou vous teschrtien, ou vous ne l'tes pas. Si vous tes chrtien, le Moyen Agesera pour vous l'poque qui a tabli sur la terre le rgne du Vrai etdu Bien. Si vous n'tes pas chrtien, vous devez har cette poque,parce que les ides de l'Eglise, qui triomphrent alors, sont pour vousantinaturelles et fausses. La question du Moyen Age n'est donc entrenous que la question de la vrit du christianisme *. ))

    L'histoire de la chrtient du Moyen Age peut se diviser en troisgrandes phases.Profondment trouble, au centre mme de son uvre, par lesfactions italiennes, la papaut cherche d'abord un appui dans laprotection impriale. Otton, roi de Germanie, appel par Jean XII,qui ressuscite en sa faveur l'empire d'Occident, pose les bases d'ucaentente, qui donne l'Eglise, de l'anne 962 l'anne 1049, un sicloenviron de scurit relative. L'apoge de cette priode est marqu parle glorieux pontificat de Sylvestre II.

    Mais les ingrences abusives des empereurs dans le gouvernementecclsiastique suscitent la querelle du Sacerdoce et de l'Empire.De 10/19 ^ ii24, une srie de pontifes, parmi lesquels brille la

    grande figure de saint Grgoire VII, lutte avec vigueur pour Vaffran-chissement de l'Eglise. C'est la seconde priode.

    Pendant une troisime priode, qui va de l'an 1124 l'an 1294,l'organisation de la chrtient, enfin affranchie du joug imprial, estla principale proccupation des papes. Le plus illustre de ces papesest Innocent III.

    1. Lon Gautier, professeur t'Ecole des Chartes, Etudes et tableaux historiquet,un vol. in 8^, Lille, s. d., p. io3.

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUEsua LES PRINCIPAUX DOCUMENTS ET OUVRAGES COiNSULTEa.

    DOCUMENTS.

    Les sources gnrales de l'histoire des xi*, xn* et xiii* sicles setrouvent dans les recueils suivants : Patrologie latine et grecque, deMiGNE ; Monumenla Germanise hislorica, de Pertz ; Scriptores rerumitalicarum, de Muratori ; Recueil des historiens des Gaules et de laFrance, entrepris par Dom Bouquet et continu par l'Acadmie desInscriptions et Belles-Lettres ; Corpus scriptorum hisiori byzantin,commenc sous la direction de Niebuhr ; Oriens chrisiianus, de LeQuiEN ; Bihliotheca orientalis, d'AsEMANi ; Recueil des historiens descroisades, publi par l'Acadmie des Inscriptions ; Histoire littrairede la France^ commence par Dom Rivet ; Acta sanctorum, publispar les Bollandistes ; collections des actes des conciles, par Mansi,Labbe, Hardouin, SiRM0?n ; Regesta pontificum romanorum, de Jaffet Potthast ; Liber ponti/icalis, dit par Mgr Duchesne ; Vitsepontificum romanoruni, de Watterigh ; Regesta imperii, de Boehmer ;Gallia christiana ; Monumenta Gregoriana, de Jaff ; Archives del'Orient latin, de Riant ; Traits de paix concernant les chrtiens etles Arabes, de Mas-Latrie ; Historia diplomatica Frederici secundi,d'HuiLLARD-BRHOLLES.

    L'Ecole franaise de Rome a mis la porte des historiens dessources prcieuses en publiant les registres d'un grand nombre depapes. Signalons, pour la priode qui nous occupe : le Registre deGrgoire IX, par L. Auvrat ; le Registre d'Innocent IV, par E. Bergbr ;le Registre d'Alexandre IV, par de La Rongire, de Loyb et Gouloh ;

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUEle Registre d'Urbain IV, par J. Guiraud ; le Registre de Clment IV^par E. Jordan ; les Registres de Grgoire X et Jean XXI, publisen un volume, avec quelques lettres d'Innocent V et d'Adrien V, parL. Cadier et J. Guiraud ; le Registre de Nicolas III, par Jules Gay ;le Registre de Martin IV, par R. Poupardin ; le Registre d'Honorius IV,par M. Prou ; le Registre de Nicolas IV, par E. Langlois.Dans cette publication, les documents qui ont une vraie valeur

    historique sont seuls reproduits intgralement ; les lettres sans intrtgnral ne sont reprsentes que par une indication sommaire deleur contenu. M. Lopold Delisle a publi des Lettres inditesd'Innocent III. (Ribl. de l'Ecole des chartes, 1878, p. 897et s. Cf. Ibid., i885, p. 84 et s. ; 1886, p. 80 et s. ; 1896,p. 5x7 et s.)On trouvera les listes mthodique et alphabtique de toutes lescollections o figurent les chroniques du Moyen A^e dans la Biblio-iheca hisiorica medii vi, de Potthast (2 vol. in-8*, Berlin, 1895-1896). Un travail analogue a t fait pour la littrature thologiquedans le tome IV du Nomenclator litterarius, du P. Hurter (Theologiacatholica tempore medii vi) ; pour la littrature hagiographique, dansla Bibliotheca hagiographica, des BoHandistes (Bruxelles, 1888-1900) ;pour les chansons de geste, dans la Bibliographie des chansons de gestede Lon Gautier. Le Rpertoire des sources historiques du MoyenAge, du chanoine Ulysse Chevalier, embrasse toute la littraturemdivale.

    Pour l'explication des termes obscurs qu'on rencontrera dans lesdocuments, on consultera le Glossarium ad scriptores medi etinjim latinitatis, de Du Gange (dition Favre, Paris, 1883-1887,10 vol. in-4^). Pour l'identification des noms de lieux, on aurarecours la Topo-bibliographie , de Chevalier (tome II de son Rper-toire); au Dictionnaire latin franais de noms propres de lieux ayantune certaine notorit au point de vue ecclsiastique et monastique,par l'abb Chevin, un vol., Paris, 1897; YIndex de conciliis, qui setrouve au tome II des Indices, de Migne, col. io65-iio6 ; l'Indexmonasteriorum ; l'Index diceseon et l'Index urbium episcopaliumdu tome ni des mmes //ic//ce5, col. 1009-1250. Baillet a publi,en 1708, sous le voile de l'anonymat, Paris, chez Roulland, un vo-lume in-8'', intitul Topographie des saints, ou l'on rapporte les lieuxdevenus clbres par la naissance, la demeure, la mort, la spultureet le culte des morts. Cette uvre a t refaite et complte dans la

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 7Table topographique donne par Mgr Paul GuRiNau tome XVII desPetits Bollandistes.

    La Bibliolheca latina mdias et iiifimx lalinilatis, de Fabrigius(Padoue, 1764, 6 vol. m-4'', dition Ma-nsi), est un rpertoire alpha-btique de toute la littrature latine au Moyen Age ; la littraturehistorique y est comprise. Les Tables chronologiques des diplmes^chartes, etc., imprims, concernant l'histoire de France, deBaQuiGNT,coniinues par l'Acadmie des Inscriptions, ont, au contraire,comme leur titre l'indique, une porte assez restreinte, puisqu'ellesne concernent qu'une seule nation ; nanmoins beaucoup des picesmentionnes ont un grand intrt pour l'histoire gnrale de TEglise.On doit faire la mme remarque au sujet de la Biblioteca bio-bibliograjica dlia Terra santa et dell Oriente francescano, parG. GoLUBOviGH, 0. F. M., 2 vol. in-S", Quaracchi, igo-igiS.Quand une source s'est rencontre dans plusieurs des recueils

    mentionns ci-dessus, nous avons cit de prfrence la Patrologie deMigne, comme l'ouvrage le plus porte du commun des lecteurs.On sait, d'ailleurs, que cette Patrologie, malgr son titre, n'est pasun simple recueil des uvres des Pres : elle comprend toute lalittrature chrtienne, historique, thologique, potique, liturgique,asctique, oratoire, pistolaire, jusqu'au xiii* sicle.

    II

    OUVRAGES.

    1. On trouvera des vues synthtiques sur le Moyen Age dansles ouvrages suivants : Godefroid Kurth, Qu est-ce que le MoyenAge?, une brochure in-12, Paris, 7" dition, 1909 ; Legoy de laMarche, Le commencement et la fin du Moyen Age, dans la Guerreaux erreurs historiques, un \o\. in-12, Paris, 1891, p. i46-i56;E. Layisse, Vue gnrale de l'histoire politique de l'Europe, un vol.in-12, Paris, 1890, p. 41-107; Frdric Sghlegel, Philosophiede l'histoire, trad. Leghat, 2 vol. in-8, Paris, i836, t. II, p. i3o-220 ; G. GoYAu, Vue gnrale de l'histoire de la papaut, dans leVatican, la papaut et la civilisation, de Gotau, Prat et Fabre,

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    8 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUEun vol. m-i2, Paris, p. 5o-ii3 ; Montalembert, prface deVHistoire de sainte Elisabeth de Hongrie.

    II. L'histoire de la papaut du x* au xiii sicle a donn lieu d'importants travaux. L'ouvrage de Mgr Duchesne, les PremiersTemps de l'Etat pontifical (un vol. in-12, 2* dition, Paris, igo/i), apour objet d'expliquer comment s'est form l'Etat pontifical etcomment les conditions dans lesquelles il a fonctionn pendant lestrois premiers sicles de son existence se rattachent aux grandsconflits religieux du temps de Grgoire VII .(Prface, p. vi-vii.)L'auteur a compos son livre en s'appuyant uniquement sur lesdocuments originaux. Il est sobre de rfrences, et se rapporte auxexplications donnes dans ses notes du Liber pontijcalis . L'tudetrs consciencieuse de M. Gosselin, Poauo/r du pape au Moyen Ageou recherches historiques sur l'origine de la souverainet temporelle duSaint-Sige et sur le droit public du moyen ge relativement ladposition des souverains (nouvelle dition, considrablementaugmente, un vol. in-S*", Paris, i845), est un travail qui, malgr sonanciennet, conserve sa valeur, et doit tre consult par quiconquedsire tudier l'importante question du pouvoir temporel des papesau Moyen Age. Nous dirons de mme du livre de M. Henri del'Ep?(Ois, le Gouvernement des papes et les rvolutions dans les Etatsde CEglise (un vol. in-12, 2 dition, Paris, 1867). Ces deux der-niers ouvrages sont riches de rfrences aux documents originaux etaux ouvrages parus sur la matire.

    Les papes des xi", xii* et xni* sicles ont donn lieu de nom-breux travaux, parmi lesquels il faut mentionner : la Vie de Gerbert,premier pape franais sous le nom de Silveslre H, par A. Ollris,un vol. in-12, Clermont-Ferrand, 1867 (Cette biographie, due ausavant diteur des uvres de Gerbert (Clermont-Ferrand, 1867),tmoigne d'une tude attentive des documents ; mais elle doit trecomplte par les articles parus en 1869 dans les Etudes sous lasignature du P. Colombier et par la discussion qui s'en est suivie,dans la mme revue, entre le P. Colombier et M. Ollris) ; SaintLon IX, par Eugne Martin, un vol. in-ia, 2 dit., Paris, 1900 ;Un pape alsacien, saint Lon IX et son temps, par 0. Delarc, unvol. in-S'', Paris 1876 ; l'Alsace et l'Eglise au temps du papeLon IX, par le P. Brucker, 2 vol. in-S", Paris, 1889 ; le PapeEtienne IX^ par 'Ulysse Robert, un vol. in-8, Bruxelles, 1892;

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 9Sainl Grgoire VII el la rforme de l'Eglise aaXl"^ sicle, parO. Delarc,3 vol. iQ-8, Paris, 1889-1890 (Celte uvre, crite d'aprs lessources, que l'auteur cite toujours de premire main, mais un peualourdie par la traduction intgrale de longs documents, ne com-prend pas seulement l'histoire du pontificat de saint Grgoire Yll, etne se borne mme pas recueillir dans les pontificats antrieurs cequi se rapporte Hildebrand ; elle donne l'histoire complte deClment II, Damase II, Lon IX, Victor l, Etienne IX, Nicolas 11et Alexandre II ; le tome II est consacr presque tout entier cedernier pontifical) ; Un pape franais ^ Urbain II, par L. Paulot, unvol. in-8% Paris, 1908; Histoire du pape Calixte IL par U Robert,un vol. in-S", Paris, 1891 ; Vila del Bealo Eagenio 111, par Sainati,Monza, 1874. Un religieux cistercien, Jean Delannes, a publi auXVIII* sicle une Histoire da pontificat d'Eugne III, un vol in-8*,Nancy, 1737; cette histoire sera utilement complte et rectifie parla Vie de sainl Bernard de Vacandard ; le mme P. Dela?

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    10 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUEcialion. Les corrections loyalement apportes par M. Luchaire dansun appendice de son dernier volume ne suffisent pas rtablir com-pltement les droits de la vrit. On doit faire remarquer aussi quel'auteur, voulant faire une uvre de vulgarisation, a, de parti pris,nglig de donner les rfrences sur lesquelles il appuie ses juge-ments, et qu'on ne trouve, dans ses six volumes, aucune note biblio-graphique qui puisse guider le lecteur dsireux d'approfondir par sespropres recherches l'histoire du grand pape. L'opuscule de PaulDeslandres sur Innocent IV et la chute des Hohenstaafen, in-12 de64 p-, Paris, 1907 ; V Histoire du pape Urbain IV et de son temps,par E. Georges, Paris, 1866 ; la W/a di san Pietro del Morrone,Celeslino papa V, Sulmona, 1896, et VHistoire de Boniface VIII etde son temps, par Dom Tosti, trad. Marie Duclos, 2 vol. in-8,Paris, i85/i, renseigneront sur les derniers papes du xiii* sicle.On trouve des vues d'ensemble sur l'histoire des papes du moyenge dans les deux ouvrages de Flix Rocquain, la Papaut au moyenge, un vol. in-8, Paris, 188 1, et la Cour de Rome et l'esprit derforme avant Luther, 3 vol. in-8, Paris, 1898- 1897. M. FlixRocquain excelle runir, dans ses ouvrages, l'intrt du rcit et larichesse de l'rudition ; mais pourquoi faut-il qu'il rserve toutes sessvrits pour les papes, toutes ses sympathies pour les prcurseursdu protestantisme et de la Rvolution ? Le savant historien dpensebeaucoup de talent noircir les premiers et blanchir les seconds, etil croit tre arriv cette conclusion qu' a proportion que lapapaut grandit, elle s'loigne du rle auquel elle avait d sa puissance ;... qu'aprs avoir t un principe d'ordre et d'unit, elledevient un principe de trouble et de dsorganisation . (Prface de laPapaut au Moyen Age, p. x.) La lecture de l'uvre de M. Rocquainne peut tre utile qu' celui qui saura se mettre en garde contre lestendances de l'auteur. Il ne faudrait pas d'ailleurs s'attendre trouverdans la Papaut au Moyen Age une histoire complte des papes decette poque. Le volume qui porte ce titre ne comprend qu'une sriede quatre tudes sur Nicolas P', Grgoire VII, Innocent III elBoniface YIII ; et l'auteur s'y montre beaucoup moins proccupde raconter les principaux vnements que d'aborder des questionspeu connues, telles que celles qui se rattachent, par exemple, l'or-ganisation et au personnel de la chancellerie pontificale, l'authenti-cit des Dictatus papx de Grgoire VII, la classification deslettres d'Innocent III, etc. Plus rcemment, M. Louis Halphen a

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE IIpubli une tude trs documente sur VAdministration de Rome auMoyen Age^ un yoI. in-8*', Paris, 1907.

    III. M. James Brtge a donn, sous le titre de The Iloly RomanEmpire^ une histoire gnrale du Saint Empire romain germanique,traduite en franais par E. Domergue, ur vol. in-S", Paris, 1890.Nous avons mis profit plusieurs vues intressantes de ce savantouvrage; mais M.Ernest Lavisse, dans la prface qu'il a mise en ttede la traduction franaise, reconnat sans ambages que l'auteur ylaisse voir une prdilection pour l'hrsie et pour le germanisme w(p. xl). Ce dfaut ne se rencontre pas dans le volume plus modestede M. Jean Birot, le Saint Empire, un vol. in-18, Paris, iqoS.S'inspirant de l'uvre de James Bryce, l'auteur montre mieux quel'historien anglais comment les pontifes romains, dans leur luttecontre l'empire germanique, sauvrent la fois la libert de l'Egliseet l'indpendance de l'Italie. La question de la lutte du sacerdoce etde l'empire au moyen ge a t plus spcialement traite dans lesquatre volumes in-8 publis partir de i84i, par Charles deGherrier, Histoire de la lutte des papes et des empereurs de la maisonde Soiiabe... jusqu' ta mort de Conradin. L'auteur, qui avaitdpouill un grand nombre d'archives et de bibliothques de France,d'Allemagne et d'Italie, expose bien les faits, et se plat en donnerdes apprciations philosophiques parfois profondes ; mais on doit luireprocher une tendance trop marque pour la cause des empereurs.Plus rcemment, des historiens ont considr deux aspects nouveauxde la grande lutte. Paul Fabre, dans sa remarquable Etude sur le Libercensuum de l'Eglise romaine, Paris, 1892, et, sa suite, plusieursautres historiens de France et d'Allemagne, ont tudi le ct cono-mique de la question. D'autres ont port leur attention sur lesthories politiques formules au cours des conflits entre l'Eglise etl'Etat. On doit signaler en ce sens deux ouvrages italiens : Sgaduto,Stato e Chiesa negli scrltti politici dalla fine dalla lotta per le inves-titure a Lodovico il Bavaro (i 122-1347) (Firenze, 1882), et surtoutA. SoLMi, Stato e Chiesa secondo gli scritti politici da Carlomagnofino al concordato di H^orms (800-1 122), in-8**, Modena, 1901. Cesdeux tudes sont compltes par celle de Mgr Baudrillart, Des idesqu'on se faisait au XIV^ sicle sur le droit d' intervention du Saint-Pre en matire politique. [Revue (Thist. et de litt. rel.y t. III, 1898,p. 193-228, 809 337.)

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    12 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUEL histoire de la querelle entre le Sacerdoce et l'Empire est traite

    avec toute son ampleur dans VHistoire des conciles de Mgr Hefele.tomes V et YI. Le nouveau traducteur a pris soin de relever les pas-sages o l'auteur parat trop influenc par ses ides germaniques. Ila enrichi le texte d'une abondante bibliographie et de nombreusesnotes, d'une allure parfois trs hardie.

    IV. Aprs la question de la lutte contre l'Empire, il n'est pas

    de question qui ait plus proccup les papes du Moyen Age quecelle des croisades. On trouvera un expos succinct et complet del'tat actuel des sciences historiques sur ce sujet dans le volumede M. Louis Brhier, fEglise et l'Orient au Moyen Age, in-i2,2* dition, Paris, 1907. \JHistoire des croisades, de Michaud, dt.de 1824-1829, 7 vol. in-8**, n'a plus qu'une faible valeur scienti-fique. Sur chacune des croisades, sur l'histoire des Etats latinsd'Orient et sur les diverses institutions dont les croisades ont tl'ocdsion, de nombreuses monographies ont t publies, dont onaura la nomenclature complte dans l'ouvrage de M. Brhier. Desrevues spciales, telles que la Revue de r Orient chrtien, la Revuede [Orient latin, les Echos d'Orient, le Journal asiatique et VOriensChristianus (de Leipzig), publient priodiquement des documentset des tudes relatifs aux peuples orientaux. Le livre de M. Bousquet,r Unit de l'Eglise et le schisme grec, un vol. in-12, Paris, 1918, serattache intimement, par plusieurs de ses chapitres, aux questionsorientales traites dans le prsent volume ; il est l'uvre d'un his-torien particulirement inform et consciencieux.

    V. Les questions concernant plus spcialement la France trouve-ront leur dveloppement dans l'Histoire de [Eglise catholique enFrance, par l'abb Jager, 16 vol. in-S**, Paris, 1862-1868, ouvragetrs sr au point de vue de l'orthodoxie, mais qui aurait besoind'tre rajeuni sur plus d'une question au point de vue de la sciencehistorique. Les tomes II et III de l'Histoire de France, de Laviss,uvres de MM. Luchaire et Langlois, ont le mrite d'une infor-mation plus rcente ; mais nous devons renouveler ici les observa-tions faites plus haut propos de l'Innocent HI, de M. Luchaire. Lefonds chrtien de l'me de saint Bernard, de saint Thomas Becket etde saint Louis n'y est pas plus atteint que le fonds chrtien de l'medu grand pape. On attribue, la plupart du temps, de mesquines

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE l3considrations humaines ce qui a son origine dans les plus puresintentions surnaturelles. Cette mconnaissance de la saintet, expli-cable chez des historiens incroyants, fausse leur psychologie et lesconduit mme parfois mal interprter, sans qu'ils s'en doutent,les sources originales elles-mmes. On rencontrera des vues plusjustes sur l'histoire de l'Eglise en France au Moyen Age dans desbiographies crites par des savants chrtiens, par exemple dans laVie de saint Bernard, par Vacandard, 2 vol. in-12, Paris, 1 890, ouSaint Louis et son temps, par Wallon, 2 vol. in-8% Paris, 1875. Cedernier ouvrage dpend beaucoup de la Vie de saint Louis par LeNain de Tillemont, ce a chef-d'uvre de l'rudition franaise ,dont J. de Gaulle a donn une dition en 6 vol. in-S**, Paris, 1847-i85i.

    VI. L'histoire de l'Egliseen Angleterre pendant le Moyen Age estassez largement traite dans l'Histoire d'Angleterre de Lingard, tra*duite en franais, en i4 vol. in-8, Paris, i825-i 83 1. L'ouvrage deLingard fait autorit mme auprs des protestants. Le livre d'AlbertDU Bos, l'Eglise et CElat en Angleterre depuis la conqute desNormands, un vol. in-12, Paris, 1887, ne dveloppe pas moinsl'histoire religieuse en Grande-Bretagne, et s'appuie sur une docu-mentation plus rcente. L'lude de M"^ Else Gutsghow, Inno-cenz III und England, un vol. in-S", Munich, igoS, claire un despisodes les plus importants de celte histoire.

    VIL L'Histoire universelle de Csar Caniu (trad. franaise en19 vol., Paris, i843-i862) et son Histoire des Italiens font unegrande part l'histoire religieuse de l'Italie au Moyen Age. Desmonographies plus rcentes ont renouvel sur certains points cettehistoire. Notons l'Histoire de la domination normande en Italie, parF. Chalandon, in-8, Paris, 1907 ; l'Italie mridionale et l'Empirebyzantin, par Jules Gay, in-8^ Paris, 1904 ; les Origines de ladomination angevine en //a//e, parE. Jordan, in-8, Paris, 1909; lesdiverses biographies de saint Franois d'Assise.

    VIII. C'est dans VHistoire gnrale d'Espagne, du P. Juan Ma-riana, publie d'abord en latin en 1595-1609, puis en castillan, ettraduite ensuite en franais, qu'on peut lire l'tude d'ensemble laplus complte de l'histoire religieuse de l'Espagne au Moven A^-e.

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    l/| . NOTICE BIBLIOGRAPHIQUELa vie de Saint Ferdinand III, par Joseph LAURE:^riE, un vol. in- 12,Paris, 1910, donne une bibliographie d'ouvrages complmentaires.

    IX. On consultera, avant tout, sur les ordres religieux : Hltot,Histoire des ordres monastiques, religieux et militaires, 8 vol. in-4,Paris, 1714-1721, et UrsmerBERLiRE, lOrdre monastique, des ori-gines au XW sicle, un vol. in-12, Maredsous, 191 2 ; sur les cri-vains ecclsiastiques : Dom Geiller, Histoire gnrale des auteurssacrs ecclsiastiques, 26 vol. in-4, Paris, 1729-1763 ;surla philo-sophie : Maurice de Wulf, Histoire de la philosophie mdivale, unvol. in-8, Paris et Louvain, 1900 ; sur la prdication: Lecoy de laMarche, la Chaire franaise au Moyen Age, un vol. in-8, 2 di-tion; Paris, 1886 ; sur l'Inquisition : Vagandard, !Inquisition,tude historique sur le pouvoir coercitif de IEglise, un vol. in-12,Paris, 1907 ; sur les universits : du Boult, Historia UniversitatisParisiensis, 6 vol. in-f, Paris, 1 665-1 678, et Denifle etGhatelao,Chartularium Universitatis Parisiensis, 4 ^ol. in-f, 1889-1907 ; surla posie au Moyen Age : Lon Gautier, les Epopes franaises,2^ dition, Paris, 1880 ; sur l'art : E. Mle, lArt religieux duXIIP sicle en Fraince, un vol. in-4, Paris, 1910 (ouvrage capital,qui a renouvel l'histoire de l'art relrgieux au Moyen Age) ; sur lescorporations : Martin- Saint-Lon, //w^o/re des corporations, ditionrevue, un vol. in-8 Paris, 19 10 (c'est la meilleure histoire descorporations que nous possdions ; l'rudition est sre, et les con-clusions sont judicieuses) ; sur le mouvement industriel et commer-cial au Moyen Age : G. Fagniez, Documents relatifs l'histoire deIindustrie et du commerce en France depuis le /*'" sicle jusqu' lafin du XIIP sicle, un \o\, in-8, Paris, 1898, et Levassbur, Histoiredes classes ouvrires, 2^ diiion y Paris, 1900- 1 901 ; sur les uvresde charit : Lon Lallemand, Histoire de la charit, tome III ; l'ou-vrage, ts consciencieux et anim d'un excellent esprit, comprend5 vol. in-8, Paris, 1 902-1 91 3.

    La collection les Saints, de la librairie Lecoffre-Gabalda, adonn les biographies de plusieurs saints des xi, xii* et xiii* sicles.

    La Revue des questions historiques, la Revue historique, la revuele Moyen Age, la Bibliothque de VEcole des Chartes, la Revued'histoire ecclsiastique, de Louvain, la Revue bndictine etles Etudes tiennent au courant des dcouvertes historiques mesurequ'elles se produisent, et ne laissent paratre aucun ouvrage

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE l5important sur l'histoire de l'Eglise au Moyea Age sans en rendrecompte.

    Nous croyons opportun de signaler en lerminanl, comme ins-truments utiles de recherches, deux volumes rcemment parus. Lpremier est la Hierarchia catholica medii vi de Conrad Elbel, unvol. in- 4, Munster. 19 13, qui marque un progrs sur la Sries pis-coporuni de Gams. Le second est l'ouvrage de Marc Vatasso, InitiaPairun aUorumque scriptorum ecclesiasticorum laiinorum, 2 vol.in-S**, Rome. 1906 et s. Cette publication contient le relev alpha-btique des premiers mots de tous les ouvrages, traits, prfaces,lettres, pices de vers, etc., en latin ou en langues modernes, ant-riejrs au xvi sicle, contenus dans les deux Patrologies, latine etgiecque, de l abb Migne et de quelques autres recueils modernes detextes d'auteurs du Moyen Age publis dans les collections des car-dinaux Mai, Pitra, etc.

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    HISTOIRE GNRALE DE L'GLISE

    PREMIERE PARTIELe protectorat iraprial.

    La priode qui fait l'objet de cette premire partie est, par cer-tains cts, une des plus humiliantes de l'histoire de l'Eglise. Elles'ouvre par le pontificat d'un pape port au pouvoir par Tambitionde sa famille ; et elle se clt par le rgne de deux pontifes imposspar la volont d'un empereur. D'une manire presque constante,l'ingrence abusive des pouvoirs civils entrave la libert de l'Eglise.La simonie et le dsordre des murs sont les fruits de ce rgime.La maison de Thophylacte et de Marozie tente d'exploiter le Saint-Sige comme un fief de famille, et elle lui donne les deux papesdont la conduite prive a t la honte de la chrtient : Jean XII etBenot IX.

    Mais Dieu n'abandonne pas son Eglise. Sous l'influence d'ungrand moine, saint Odilon, l'ordre de Gluny rpand l'dificationdans les nombreux monastres qui se rattachent lui. Saint Ro-muald fonde l'ordre austre des Camaldules. De 999 ioo3, ungrand pape, Sylvestre II, pose les bases des plus grandes institu-tions du Moyen Age. De 1002 io45, un saint, Henri II, tient lesceptre de l'Empire ; et, l'avnement du dernier pape de cettepriode, en io45, on voit entrer en scne, ct du plus ardent desaptres de la rforme, saint Pierre Damien, celui que Dieu prdes-tine la raliser sur le sige de saint Pierre, le moine llildebrand.

    Hist. gn. de l'Eglise. IV

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    CHAPITRE PREMIERDE L*AVNrME11T DE L*EMPEREUR OTTON 1*^ A L*AVNEMENT DU PAPE

    SYLVESTRE 11. LES PREMIERS TEMPS DU SAINT-EMPIRE ROMAINGERMANIQUE.

    (9^2-999)

    I

    Pour qui et mis toute sa confiance dans les combinaisons d'uneorganisation politique, la suprmatie de la papaut tait assure au

    Situation milieu du x* sicle. Jean XII n'tait pas seulement pape ; il tait,de la papaut comme hritier d'Albric, le chef de la famille la plus en vue deau milieu i, . . . i , .du x sicle. 1 aristocratie romaine ; plus encore, une sorte de prince temporel

    dans la Ville ternelle. Son pre avait jou Rome, avec l'assenti-ment tacite de la population, un rle de potentat. On l'avait vu sedonner les titres de Princeps et de Senaior omnium Romanorum.Son nom avait figur sur les monnaies conjointement avec celui dusouverain pontife, remplaant celui de l'empereur byzantin *.Jean XII, par cela seul qu'il obtenait le pouvoir ecclsiastique su-prme au moment o il devenait le chef de la plus puissante desfamilles de Rome, semblait teindre cet antagonisme de la noblesseet du clerg qui avait t la cause de tant de troubles. Le nouveaupape, d'ailleurs, ne manquait ni d'intelligence ni de sens politique,et paraissait dcid ne cder personne le rang qui venait de luichoir.

    Ce furent prcisment ces qualits d'intelligence et de sens poli-tique qui montrrent Jean XII le pril ^de la situation. Elle taitlamentable. Jamais peut-tre on ne fut mieux mme de constaterl'influence prpondrante de la morale sur l'ordre politique et social.Tandis que la papaut, dconsidre par les vices du pontife rgnantet de son entourage, perdait chaque jour de son prestige, le peuple,

    I. DvcHESvn, les Premiers Temps de l'Etat pontifical, a^ dition, Paris, 1904,p. 33 1.

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    LE PROTECTORAT IMPERIAL 19de plus en plus domin par des proccupations d'intrts matrielset de plaisirs profanes, prenait un got croissant aux coteries et auxl'actions, inquitait le pouvoir parla menace perptuelle d'une rvolteou d'un complot

    Jean XII comprit qu'il ne pouvait par lui-mme remdier unpareil danger. La papaut avait besoin d'un protecteur puissantcomme au temps de Ppin et de Charlemagne. O trouver ce pro-tecteur ? Dans une situation un peu diffrente, mais non moins pril-leuse, Jean XI l'avait cherch en Orient. L'Empire byzantin taitalors gouvern de fait par Romain Lcapne. Le 2 fvrier gSS,quatre lgats pontificaux, dont deux vques, avaient sollicit l'al-liance du parvenu imprial de Gonstantinople, en lui proposant desrelations matrimoniales avec la famille de Marozie. Mais l'affaireavait chou *. Du reste, l'empereur de Gonstantinople tait bienloin, pour tre un protecteur efficace ; la sparation religieuse del'Orient d'avec l'Occident s'accentuait de plus en plus ; la papautne pouvait gure esprer trouver de ce ct l'appui moral dont elleavait besoin. C'est plutt vers la restauration de l'Empire de Char-lemagne que l'opinion se portai*^. Au milieu des guerres civiles et desinvasions, les regards se tcurnaient d'instinct vers le souvenir dugrand empereur. De magnifiques lgendes s'taient formes autourde son nom, et ravivaient sa mmoire 2. Que n'tait-il l, pourdfendre, avec sa grande pe, la cause de l'Eglise et du droit ?

    Prcisment, cette heure mme, le roi Otton de Germanie n'as-pirait rien de moins qu' reprendre le rle de Charlemagne. 11tait alors dans la force de l'ge ^, Ses brillantes qualits d'esprit etde corps, l'tendue de ses connaissances, son intrpide courage, lamajest mme de son port, semblaient justifier une pareille ambi-tion.

    Il avait dj donn la royaut saxonne un clat inc'omparable. Ilavait rprim les rvoltes des seigneurs allemands; il avait lutt avecun gal succs contre les Danois, les Hongrois, les Slaves du Nord etles troupes lombardes de Brenger. Aprs la dfaite de ce dernier, il

    Jean XIIcherchun protecteur.

    Insuffisancede l'emper-ar

    bjrzantia.

    Le souvenirde

    Charlemaga.Otton, M

    de Germaace.

    1 Sur cette affaire, nous sommes renseigns par un document dcouvert par lecardinal Pitra et publi dans ses Analecta novissima^ t. I, p. 469,

    2. Sur ces lgendes, voir Gaston Paris, Hist. potique de Charlemagne^ Paris.i865 ; Lon Gautibh, les Epopes franaises, t. III, 2^ dition, Paris, 1880. Vers968, le moine du Mont-Soracte fait le rcit d'un voyage de Cbarletnagne en Pales-tine (3/onumen/a Gernianiae, Scriptores, t. III, p. 708).

    3. Otton tait n le 22 novembre 91a.

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    20 HISTOIRE GENERALB DE l EGLISE

    Jean XIIlui propose

    le titred'empereur.

    Oltonl'accepte.

    * Il y voitun moyen demieuxdominer la fo-dalit

    allemande.

    s'tait couronD roi d'Jtalie K Par sa mre saiole Malliilde par safemme, sainte Adlade, et par son frre saint Brunon. la saintetfaisait comme une aurole sa grandeurOn raconte que, sur le champ de bataille deMersebcurg, o Ottonbrisa la puissance des Hongrois, l'arme teutonique s'tait tournetout coup vers son roi victorieux en s'criant tout d'une voix :Imperator Aiigustas, Pater patri ^. Le pape Jean Xll lui proposade ratifier, par son autorit religieuse suprme, cette acclamationpopulaire, s'il consentait mettre son pe au service de l'Eglise deDieu. Sans hsiter, Otton accepta l'offre du pontife. Au dsir sincrede servir l'Eglise s'ajoutaient, chez lui, des motifs d'intrt poli-tique.

    Les plus grandes difficults dont le roi de Germanie avait eu souffrir jusque-l dans le gouvernement de son royaume lui taientvenues de la rsistance des seigneurs fodaux. L'tablissement dela hirarchie fodale en Allemagne au x* sicle avait t un progrs surl'anarchie ; mais elle avait cr au fonctionnement rgulier du pou-voir monarchique des obstacles presque insurmontables. La hautearistocratie, qui comprenait les ducs, ainsi que les trois archevquesrhnans, dniait au roi le pouvoir de s'immiscer dans sa juridic-tion, de l'empcher de faire la guerre ou de former des ligues. Elleavait convoit souvent la couronne et rsist parfois ouvertement celui qui la portait. Quand Olton entreprit en Italie la campagnequi devait aboutir la dfaite de Brenger, les hauts feudataires, noncontents de refuser de marcher sa suite, avaient tent de s'opposer son expdition ; et des sanctions terribles avaient seules eu raisonde leur mauvais vouloir. La noblesse de second ordre, comprenantles comtes, les margraves ou marquis, et les landgraves, relevait desducs pour ses terres, et soutenait contre eux les mmes luttes queceux-ci soutenaient contre la couronne ^. Au-dessous d'eux, les ba-rons et les simples chevaliers, astreints servir leurs suzerains dansdes circonstances donnes, discutaient aussi leur concours quandaucun intrt matriel ne les excitait. En devenant empereur, Ottonexercerait un ascendant plus grand sur cette fodalit redoutable. Le

    I. Nous possdons des mdailles de cette poque, o Otton prend le litre de roid'Italie.

    a. WiTiiiND, Annales^ dans Perlz.3. James Brtce, le Saint-Empire romain germanique, un vol. in-S", Paris, 1890,

    p, i58-i6o.

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    LE PROTECTORAT IMPERIAL 21

    Sacred'Otton 1er

    (2 fvrier 962).

    sacre reu du Pontife romain lui donnerait le pouvoir de parler etde commander au nom d'une autorit plus haute que celle qui luivenait de sa qualit de suzerain de terres fodales. Il parlerait enfincomme protecteur de la foi, comme charg par l'Eglise d'une mis-sion temporelle. Une consquence invitable de ce nouveau rgimeserait sans doute de donner au clerg, dans l'administration pu-blique et la cour, une plus grande importance qu'il n'en avait eujusque-l ; mais dans ce rsultat mme l'habile politique voyait l'a-vantage de contrebalancer l'influence de la noblesse militaire parcelle de la noblesse ecclsiastique.

    Le sacre d'Otton I**" par le pape Jean XII eut lieu le 2 fvrier 962,fte de la Purification. La reine Adlade fut couronne en mmetemps que son poux. On aimerait connatre les dtails de la cr-monie qui fit le premier empereur d'Allemagne. Les annalistes dutemps, dans leurs rcits trs succincts, mentionnent l'initiative dupape et l'acclamation du peuple*. Il semble que celle-ci ait t re-garde comme essentielle pour l'lection, et celle-l comme inh-rente la crmonie du sacre ^.Nous sommes mieux renseigns sur les engagements rciproques Le Privilegiurr

    que prirent cette occasion le pape et l'empereur. Ils ont t con-signs dans un document clbre, le Privilegium Ottonis, dat dui3 fvrier 962, et dont l'authenticit ne souffre aucune contestation 3.L'empereur promettait de procurer l'exaltation du pape et del'Eglise romaine, de ne jamais porter atteinte au corps et la dignitdu pape, de ne jamais tenir Rome de placitum sans le conseil dupape, de ne jamais s'immiscer dans les affaires du pape et des Ro-mains, de rendre au pape tout ce qu'il dtenait du patrimoine desaint Pierre, enfin d'exiger du gouverneur qui il avait confi le

    Ottonis(i3 fvrier962).

    1 . Acclanmtione totius romani popuU, dit le Continuateur de Rginon, imperatorvocatur et ordinatur (P. L., t. GXXXII. col. 187. Benedictionem a domno apostolicoJoa/me, dit Thitmar, cujus rogalione hue venit, cam sua conjuge promeruit impe-rialem (P. L., t. GXXXX, col. 1207. A papa imperator ordinatur, dit HermannusCoNTRAGTUs, non solam romano sed et pne totius Europse populo acclamante (P. L.,t. GXLIII, col. 219).

    2. Les crmonies du sacre imprial ne furent nettement fixes qu'au xne sicle.3. M. DB SiCKEL [Das privilegium Ollos I fur die rmische Kirche) a tabli que nouspossdons de ce document une copie contemporaine, actuellement conserve auxArchives du Vatican. Le Privilegium Ottonis se trouve reproduit dans les MonumentaGermanise, LL. 2, 29, 169-166 ; sect. IV, i, 20 et s. ; DD. Reg et imp. i, 824. Ila t insr dans le Corpus juris canonici, dist. LXIlI.c. xxxiii. Jaff l'a donn dansses Mnnumenta gregoriana, Berlin, i865, p. i3, en le faisant suivre de trois formulefalsifies. Cf. Hkfele-Leclercq, t. IV, p. 792-797.

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    2a HISTOIRE GENERALE DE L EGISE

    Importancede cet

    vnement.

    L politiqiud'Otton.

    royaume d'Italie le serment de protger le pape et les biens de saintPierre. En rponse ce serment, le pape et les Romains jurrent,sur le corps de saint Pierre, qu'ils n'appuieraient jamais les ennemisdel'empereur, et il fut tabli qu' l'avenir le pape lu cauonique-ment ne pourrait tre sacr qu'aprs avoir fait en prsence de 1 em -pereur ou de ses missi, des promesses prouvant ses bonnes inten-tions ^.Quand ces promesses solennelles eurent t changes et que le

    procs-verbal qui les relatait, crit en lettres d'or sur parcheminpourpre et muni d'un sceau d'or, eut t dpos aux archives pon-tificales, le peuple put croire qu une re dfinitive s'ouvrait pour l'E-glise. Quoiqu il ignort 1 histoire de ce grand nom d'empereur, etqu'il ft incapable de comprendre quelle autorit il reprsentait, ilsemble avoir senti, par une sorte d'instinct, que le but mystrieuxet irrsistible de la mission de l'empereur tait le triomphe de /afraternit et de l'galit chrtiennes, le rgne de la paix et de la jus-tice, la rpression des puissants et la dfense des faibles ^. Tellee^\ l'impression qui se dgage des' rcits des annalistes contemporains.Cent soixante ans plus tt, dans le triclinium du palais de Latran,le pape Lon ll avait fait construire une mosaque o l'on voyait leChrist, ayant sa droite le pape Sylvestre et sa gauche l'empereurConstantin, remettre l'un les clefs du ciel et l'autre une banniresurmonte d'une croix. Autour du tableau se lisait la lgende : Gloriain excelsis Deo, et in terra pax hominibus bon volantatis. N'tait-cepas le cri qui devait dsormais soi tir de toutes les poitrines ?

    Autour de Jean XI, on parat avoir partag ces brillantes prvi-sions. Otton, peut-tre parce qu il tait moins loyal de son ct, futnioins confiant. On raconte qu'au momeul d'tre couronn, il dit

    I. Si l'on tudie attentivement celte formule dans son contexte, et si on lacompare avec les actes antrieurs rglant les rapports de la papaut avec l'autoritimpriale, on est amen conclure, avec Mgr Ducuesne [les Premiers temps de CElatponUfical, p. 344-3/5), qu' en ce qui regarde l'lection du pape, il semble qu'onremette en vigueur, purement et simplement, le droit du ii sicle, et que,par consquent, dans sa teneur gnrale le privilge d'Otton n'indique aucun pro-grs dans l'autorit impriale Rome, soit pour les lections, soit pour autrechose . Dire, avec M. Ch. Bayet {Hist. gn. de Lavissb et Rambaud, t. I, p. 54o),que par le privilge d'Otton, la papaut devenait vassale de l'empire , est doncune exagration manifeste. En ralit, l'lection des papes chappait, en principe, l'influence des factions italiennes. C'tait le but immdiat qu'on voulait atteindre.Ce but fut-il vraiment atteint, et le remde apport n'eut-il pas ses dangers ? Cesont des questions dilTrentes, auxquelles les vnements oslrieurs devaientrpondre.

    a. J. Batce, le Saint Empire romain germanique, p. 169.

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    LE PROTECTOHAT IMPERIAL 23l'un de ses fidles, Ansfried, de Louvain : Aujourd'hui, quand jem'agenouillerai devant la tombe de saint Pierre, veille tenir tonpe leve au-dessus de ma tte, car je sais bien tout ce que mesprdcesseurs ont eu souffrir des Romains. Le sage vite le malpar la prvoyance. Pour toi, tu auras le temps de prier tant quetu voudras quand nous serons Monte-Mario au milieu de nosarmes, d

    Quanta Jean XII, on ne sait au juste quelles furent ses impres- La politiquesions personnelles. Pur politique, il crut peut-tre remdier suffisam- j^^^ ^^i,ment des troubles politiques par la combinaison diplomatique quiavait eu son dnouement sur le tombeau des saints Aptres. Le filsd'Albric tait sans doute incapable de comprendre l'tendue et laprofondeur des plaies morales dont souffrait l'Eglise. Par bonheur,la Providence tenait en rserve, pour les gurir, d'autres remdesque cette restauration solennelle de l'Empire.

    Il

    Le malheureux pontife que les intrigues d'une famille ambitieuse Les vrais mauxavaient lev au fate des honneurs ecclsiastiques, et qui y avait ap- \emder*port, avec le scandale des plus misrables trafics, celui d'une in-conduite notoire, ne faisait que rsumer en sa personne les troisflaux dont souffrait alors presque partout l'Egiise de Dieu : l'in-vestiture laque, la simonie et l'incontinence.

    Dans la langue du Moyen Age, on donna le nom d'investiture Premier flaul'acte juridique par lequel le matre d'une glise la confiait, titre r^nvesliliTrde bnfice, l'ecclsiastique qui devrait la desservir. L'volution laque,historique par laquelle des seigneurs et princes laques en vinrent disposer de ce droit, remonte l'poque carolingienne. Rappe-lons-nous que, ds cette poque, la plupart des glises ruralestaient soumises la proprit prive. Sur un grand domaine,s'levait une glise, qui en tait l'accessoire, tout comme le Originesmoulin, le four ou la brasserie. On trouva naturel, dans ces cir- k"!!!!'*^^^constances, que e propritaire, constructeur et bienfaiteur de cetteglise de campagne, intervnt dans la dsignation du prtre desser-vant qui devait vivre sur sa terre*. Souvent cette intervention fut

    laque.

    I. Sur ces origines, voir P. Fournibr, Yves de Chartres et le droit canonique

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    24 HISTOIRE GNRALE DE L*GLISE

    Rite del'investiture

    latjue.

    Deuximeflau

    e Tglise :la simouie.

    Troisimeflau :rincontinence

    des clercs.

    souveraine et dcisive. Peu peu, elle s tendit aux glises cath-drales elles-mmes, les seigneurs et les rois affectant de se consid-rer comme les propritaires des vchs. Suivant les habitudes dudroit germanique, celte investiture se ft par le moyen d'un symbole.Le symbole en usage, quand il s'agit d'vchs, fut naturellement lacrosse et l'anneau. En fait, le plus souvent, lorsqu'un vch taitvacant, voici comment les choses se passaient. Directement ou indi-rectement, le roi ou le seigneur choisissait le nouvel vque, par-fois en s'inspirant de considrations fort trangres celles du plusgrand bien de l'Eglise et des mes ; puis il lui accordait l'investi-ture en lui remettant la crosse et l'anneau. Dsormais, au point devue temporel, l'lu tait matre de son vch ; il ne lui manquaitplus que la conscration, qui lui permettrait d'accomplir les fonc-tions spirituelles de l'ordre piscopal. Pour l'obtenir, il s'adressaitau mtropolitain et aux vques de la province. Ceux-ci, en gnral,ne pouvaient ou ne voulaient courir les risques d'un grave conflit enrefusant leur concours. Ainsi la conscration intervenait en dernierlieu comme une crmonie accessoire. En ralit, un tel rgimetait organis pour rpandre partout l'impression que le prince fait l'vque et lui communique ses pouvoirs spirituels et tem-porels ^

    La simonie tait la consquence invitable de ce rgime. Ce droitde proprit que s'taient arrog les princes et les seigneurs sur lesparoisses rurales, puis sur les plus illustres vchs, les portait ex-ploiter.leur prtendu domaine, soit en vendant leur choix, soit en serservant une partie des bnfices que l'Eglise procurait.

    Enfin ce que pouvait tre la vertu du titulaire d'une glise, qui avaitachet son bnfice prix d'argent et qui tait devenu l'homme liged'un patron laque, on le conoit sans peine. Du droit d'investitureet de la simonie, l'incontinence tait la suite fatale.De solides habitudes chrtiennes, une foi fortement trempe,

    taient, chez beaucoup, un prservatif efficace ; mais le triple

    dans la itev. des quest. hist., 1898, II srie, t. XIX, pp. 61-98, 384-4o5. Cf.Nouv. Rev. Hist. du droit franais et tranger, 1897, t. XXI, p. ^86-5o6 ; DomLeglercq, au mot Chapelle^ dans le Dict. d^archol. chrt. et de liturgie ; Paul Tho-mas, le Droit de proprit des laques sur les glises et le patronage laque au moyen ge,un vol. in-8'*, Paris, 1906.

    I. P. FouRNiER, op. cit. Remarquons que la crosse, bton du pasteur, etTanneau,marque de la fidlit due l'Eglise, apparaissaient comme les symboles du pouvoiruirituel de l'vque.

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    LE PROTECTORAT IMPRIAL 25flau faisait, dans la chrtieDl tout entire, de lamentables ravages.

    Par certain ct, le rtablissement de l'Empire aggrava le mal. Undes bons rsultats du pacte de 962 fut de soustraire l'lection ponti-ficale aux interventions des seigneurs italiens et tous les abus quis'ensuivaient. Mais, d'autre part, Otton, en dotant les vques de sonEmpire et en les faisant entrer dans la hirarchie fodale, les renditplus dpendants de son autorit. Dsormais l'union, en un mmepersonnage, des deux qualits de seigneur temporel et de pasteurdes mes, rendait la situation plus inextricable.

    La solution ne pouvait tre obtenue que par l'intervention d'unegrande force morale. Cette force morale se rencontra dans la viemonastique, et en particulier dans le monastre deCluny.Quand, au mois de septembre de Fan 909, le vieux duc Guil-laume d'Aquitaine rsolut de fonder, sur ses terres du Maonnais,en sa villa seigneuriale de Cluny, le monastre qui devait rendre cenom si fameux dans l'histoire, il stipula u que les moines y au-raient la facult et la libert d'y lire un abbc, suivant le bonplaisir de Dieu et la rgle de saint Benot, sans qu'aucun pouvoirpt contredire ou empcher cette lection religieuse . Ds cejour,dclare-t-il, les moines runis Cluny ne seront soumis ni auxfaisceaux de la grandeur royale ni au joug d'aucune puissanceterrestre. Par Dieu, en Dieu et tous ses saints, et sous la menace dudernier jugement, je prie, je supplie que ni prince sculier, ni comte,nivque... ne se permette d'tablir sur eux un chef contre leurvolont ^ I Depuis lors la transmission et la collation des dignitsdans l'ordre de Cluny n'avaient jamais donn lieu un trafic quel-conque. La simonie ne s'y tait introduite sous aucune forme ; lapuret des murs s'y tait maintenue sans tache -, et le dvouementa la papaut s'y tait manifest d'une manire constante. A deuxreprises, sous les pontificats des papes Lon Vil et Etienne VllI, lesaint abb Odon de Cluny, mand Rome pour y servir d'arbitre

    Parcertain ct.

    la restaurationde l'Empireaggrave

    le mai.

    Le remde :les vertus

    monastiques.

    Ces vertusmonastiquessont admira-blementpratiques Glunj.

    Dvouementdes moinesde Cluny auSaint-Sige.

    1. La charte de fondation de Cluny a t publie dans bien des collections,notamment dans la Bibliolheca Cluniacensis, et dans le Recueil des Chartes de l'abbayede Cluny, publi par A. Bruel, Paris, 1876, t. 1, p. 124 et s. L'abb 0. Delargen a donn une traduction franaise dans son Histoire de saint Grgoire VU, t. I,pp. xiv-xix. Cf. H. PiGNOT, Hist. de l'ordre de Cluny, 3 vol. in-S, Autun et Paris,1868, t. 1, p. 20 ; P. LoRMN, Essai historique sur l'abbaye de Cluny, un vol in-8.Dijon, 1889, p. 28 ; F. Chaumo:

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    26 HISTOIRE GENERALE DE L EGLISEentre les factions rivales, y avait fait prvaloir un esprit de conci-liation et de paix ; par plusieurs bulles, les deux pontifes avaientexprim leur reconnaissance la jeune congrgation et sonabb *

    Le pape Jean XII et l'empereur Otton ne mconnurent pas lestrsors de saintet et de fcond apostolat que tenait en rserve l'insti-tution monastique. Mais Jean XII parat s'tre content, dans lesmoments o la grce le sollicitait se convertir, de se recommanderhumblement aux prires des monastres ^, et Otton croyait avoirtout fait pour eux en les comblant de bienfaits et d'honneurs tem-porels. Ni l'empereur ni le pontife ne semblent avoir compris quela vraie rforme de l'Eglise viendrait de ces asiles bnis de Dieu ola vie chrtienne se conservait dans sa puret primitive.

    III

    Le doubleobjectifdu nouvel

    empereur :dirigerla politiquedu inonde

    entier,et exercerun droit desuzerainet

    sur leSaint-Sige.

    Il rve d'unedominationuniverselle

    ayantpour centrele royaumede Germanie

    Tout entier ses projets ambitieux, Otton rvait de reprendreet d'amplifier l'uvre de Gharlemagne. Jean XII, en plaant sur latte du roi de Germanie la couronne impriale, ne s'tait pas pro-pos autre chose que d'carter du Saint-Sige les factions italiennes.Il n'avait vu dans le titre d'empereur qu'un honneur suprme,pareil ceux dont s'taient pars les derniers Carolingiens et lesducs de Spolte. Mais Otton entendit, ds le dbut, exercer toutesles prrogatives de sa nouvelle dignit, et il comprit cette dignitcomme un titre la domination du monde et la suzerainet sur leSaint-Sige. La poursuite de ces deux objectifs devait remplir toutson rgne.Empereur d'Allemagne et roi de Germanie, sa nouvelle dignitne se substituait pas l'ancienne ; et, comme on l'a dit fort juste-ment, cette union en une seule personne de deux caractres, unionpersoimelle d'abord, officielle ensuite, est la cl de toute l'histoirede l'Allemagne et de TEmpire ^.

    I. Jaff, Regesta, |t. I, n. SgS-Soo, 36o3, 36o5 ; P. L., t. GXXXII, col.1068. 1069, 1074, 1082 (ce dernier texte doit tre corrig suivant les indicationsde J.vFFB, n. 36oo) ; t. GX.XXIII, col. 64, 98.

    2 Le 10 mai 968, Jean XII demande aux moines de Subiaco d'offrir des messespour le salut de son me et de rciter chaque jour, la mme intention, cent foisles invocations : Kyrie eleison, Christe eleison. (Ja.pfb, t. I, p. 3684.)

    3. J. Bryce, op. cit., p. i55.

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    LE PROTECTORAT IMPRIAL 7"]Sans doute, ds le lendemaio de soq couronnement, les titres

    qu'il s'arrogea semblaient indiquer son dsir de faire disparatre leroi derrire l'empereur. Au lieu des formules, employes par luijusqu'alors, e Rex Francoruni, de Rex Francorum orienlatium, ouencore de Rex tout court il ne se donne plus que le nom dJmpe-raior Auguslus ; mais qu'on tudie de prs sa politique ; on yverra que, pour lui, l'Empire n'est considr que comme l extensiondel Germanie. Nul plus que le premier empereur n'a travaill faire l'unit du royaume de Germanie. Ce fut Otton qui fit desGermains, rests jusque-l ltat de tribus confdres, un seulpeuple, qui leur donna la solidit d'un vritable corps politique,qui leur apprit enfin s lever la conscience d'une vie natio-nale ^

    Mais dans la pense d'Otton, la nation des Germains ou des Francs orientaux ^ , ne devait tre que le centre d'un cercle plusvaste qui constituerait le domaine de l'Empire. Son ambition s'ten-dait plus particulirement sur l'Italie, la Hongrie, les Etats Scandi-naves, la France, et mme sur l'Orient. Son plan devait chouer par- Ecbec partieltiellement. Nous avons vu qu'il avait obtenu en Italie, en Hongrie . ^ (TOiionet dans les Etats du Nord des succs importants. Il devait chouer en Occidenten France. Tout au plus parvint-il occuper la Lotharingie ou ^ " "^'^^ 'Lorraine, sans pouvoir aucunement se l'assimiler 3. Les Francsoccidentaux d allaient bientt inaugurer, avec Hugues Gapet, laFrance moderne, o les prtentions du Saint-Empire ne seraientplus admises dsormais.

    Toujours pour continuer Charlemagne, Otton P' voulut nouerdes relations avec 1 Orient. En 96S, il chargea Luitprand. vque de

    I. J, Brtcb, op. cit., p. 1O8. Les historiens, lorsqu'ils parlent en gnral duMo^renA ge, confondent babitiiellenient les deux notions de royaut germanique et d'ennpire.L'absorption du second titre dans le preiouiier ou du premier dans le second a lou-jours t dans la tendance des souverains allemands Mais cette tendance a toujoursrencontr des opposants. Voir, sur celte question, Mario Krammer, De Reichsqe-iank des staujschen Kuiserhaitse, in-8 , Breslau, 1908, et A.. Lkroux, dans laBibl. de l'Ec. des Charles^ t. LXX (1909-, pp. 870-374.

    a. Luitprand appelle les Francs orientaux Franci Teutonici, pour les distinguerdos Francs romaniss de la Gaule, Franc occidentaux, Francigenae, ou F'anci Inlini

    3. M. Parisot, le plus rcent et le plus savant historien de la Lorraine, a mis au-dessus de toute contestation que la Lorraine est reste, par sa civilisation plusavance, par ses moeurs et ses aspirations, par son esprit particulariste, parla languei-ranaise qu'elle parlait, par ses sentiments traditionnels enfin, un pays prolond-aent distinct de la Germanie. Voir sur celte queslion J Flagh, La premire f^^union VAUemagne de la Lorraine et de l'Alsace lail-elle fonde en droit public ? dans laReoue des Deux Mondes da i*"" octobre 1914, pp. 281-294.

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    28 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISECrmone, d'aller demander l'empereur Nicphore Phocas la mainde Thophano, fdle de Romain II, pour son fils Otton II. Luitpranda racont les pittoresques dconvenues de son ambassade : l'accueilhautain de Nicphore Phocas, ses railleries sur la gloutonnerie ger-manique, puis sa rponse ddaigneuse : Si ton matre veut obtenirla grande faveur que tu demandes, qu'il commence par nous donnerce qui nous convient : Rome, Ravenne ettout ce qui en dpend ^. Cependant, trois ans plus tard, Nicphore Phocas ayant t assassin,son meurtrier, Jean Zimiscs, devenu empereur, ne ft pas de diffi-cults pour remettre une nouvelle ambassade d'Otton la jeune etsavante Thophano, qui fut couronne par le pape le g avril972-.

    Otton voulut aussi entrer en rapports avec les Arabes, et subit, cette occasion, de gSS 966, de la part du calife de Cordoue,Abd-er-Rahman II, des humiliations tout aussi dsagrables quecelles qu'il avait eu supporter de l'empereur d'Orient ^.Au fond, chez les Arabes comme chez les Byzantins et chez lesFrancs occidentaux, la dignit impriale confre Otton avaitveill plus de rivalit que de dfrence. Il n'en tait pas de mmedans les Etats de l'Eglise, o l'on avait acclam le nouvel empereurcomme un protecteur providentiel au milieu de l'anarchie qui dsolaitle domaine de saint Pierre.

    Otton et le Malheureusement le premier fauteur de ces dsordres tait Jean XIISainl-Siee. , . ^lui-meme.Politique Nous avons cu dj l'occasion de constater * comment, par une

    de^JeanXl/ protection manifeste de la Providence, la doctrine n'eut jamais souffrir des carts de ce malheureux pontife. En plus d'une occasionmme, comme dans la protection qu'il accorda aux monastres les

    1. P. L., t. GXXXVl, col. 910-938.2. ScHLUMBERGER, l'Epopc byzantine la fin du X* sicle, un vol. in-8*, Paris,

    1900. 11 ne faut pas confondre cette impratrice Thophano avec une autre Tho-phano, galement impratrice, la femme de Lon le Sage, dont il est question dansles Figures byzantines, de Gh. Diehl, in-12, Paris, 1906, p. 217-243, et dans lesRegards historiques et littraires, de M. de Vogu, in-S**, Paris, 1892, p. 189.

    3. Les incidents de cette ngociation sont raconts dans la vie du moine Jeande Gorz, qui fut ambassadeur du pape dans cette affaire. Voir P. L., t. GXXXVII,col. 239 et s. ; Monum. Germ., SS., t. iV, p. 335 et s. La biographie du Bienheu-reux Jean de Vendire, abb de Gorze, est un des crits les plus remarquables duX* sicle pour le talent qu'il rvle et pour les renseignements prcieux qu'ilfournit l'histoire. Voir sur cet ouvrage l'Histoire littraire de la France, t. VI,pp. 428-429.

    4. Hist. gn. de l'Eglise, t. III, p. 40i,

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    LE PBOTECTOHA.T IMPERIAL ^9plus rguliers il fui I instrument d'une renaissance religieuse Maisson altitude politique fut toujours, comme sa vie prive, d uneinconsistance dplorable. Otton avait peine regagn la Haute Italieaprs son sacre, que Jean XI, au mpris de ses engagements lesplus formels, se mettait en relations avec les ennemis les plusacharns de l'empereur, en particulier avec Adelbert, fils de Bren-ger II *. L'empereur assigeait Brenger dans le chteau de Monte-feltre, prs de Bimini, quand il apprit cette nouvelle. Sa colre futextrme. Le pape lui envoya des ambassadeurs, parmi lesquels se trou-vait le protoscriniaire Lon, le futur antipape Lon VIIl. Us dcla-rrent l'empereur : i" que Jean XII. entran par sa jeunesse, avaitagi la lgre et qu'on ne reverrait rien de pareil l'avenir; 2*" que,du reste, l'empereur, ayant se reprocher des mfaits quivalents,tels que celui d'avoir trait comme ses biens propres les biens del'Eglise romaine et d'avoir accueilli auprs de sa personne d'infi-dles serviteurs du pape, ne pouvait lgitimement faire un grief aupontife d'une attitude que celui-ci tait prt dsavouer. Mais Ottondiscuta ces arguments. Les pourparlers s'aigrirent Bref, le 2 no-vembre 963, l'empereur se trouva devant Borne la tte d'une ar-me. Une partie de la ville se dclara pour lui, l'autre pour le pape.Jean XII revtit le casque et la cuirasse, ct d Adelbert ^ ; maisles troupes pontificales furent vaincues, et les Bomains durent pro-mettre par serment de ne jamais lire et consacrer aucun papeen dehors du consentement et du choix de l'empereur et de son filsle roi Otton ^ . .

    La premire consquence de cette capitulation des Bomains fut larunion et la prsidence par l'empereur Otton d'un prtendu con-cile qui s'ouvrit, le 6 novembre 968, sans l'assentiment du pape,dans la basilique de Saint-Pierre de Bome. L vque de Crmone,Luitprand, qui y joua un rle important, nous a laiss la relationdes faits qui s'y accomplirent. On y comptait quarante vques, desclercs de toute dignit, des employs d'glise, des laques de toutecondition, la milice, et un soi-disant dput du peuple . Lercit pittoresque et vivant de J'vque de Crmone donne une ide

    Sige et prisede Romepar Otton I"(novembre

    963).

    Lepseudo-conciledu6 novembre

    963.

    I. Baronius, Annales, ad ann. 968, n f\.3. Jaff, n. 3696.3. Baronil's, Annales, ad ann. 968, n. 1 1 ; Watterich, Ponlificum romanorum

    vitae, 1861, t. I, p 5a cl s. Sur l'insertion qui fut faite de cette formule dans letexte du Privilegium OUonis et sur les problmes critiques quejcelte insertion sou-lve, voir DucHESNE, les Premiers Temps e CKtat pontifical^ a* dition, pp. 344-348.

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    3o HISTOIRE GENERALE DE L EGLISE

    Dpositionde Jean XII

    parl'assemble.

    L'antipapeLon VIII.

    du tumulte d'uDe pareille assemble ^ L empereur demanda qu'onspcifit les accusations portes contre Jean XII. Aussitt des cla-meurs s'levrent de toutes parts. L'un s'cria que le pape avait or-donn des prtres prix d'argent ; l'autre, qu'il allait publiquement la chasse. Celui-ci affirma qu'il vivait dans la dbauche ; celui-lqu'il avait bu la sant du diable en jouant aux ds. L'empereurles fit adjurer, par l'vque Luitprand, de n'apporter que des accu-sations reposant sur des tmoignages srs. Le peuple et le clergprsent crirent alors comme un seul homme : Si le pape Jean n'apas commis tous les crimes noncs, s'il n'en a pas commis beau-coup d'autres plus honteux et plus excrables, que Pierre, le princedes aptres, nous ferme les portes du ciel ! Jean XII tait ab-sent de Rome. On le somma de comparatre devant le pseudo-con-cile pour s'y dfendre. Il se contenta de rpondre : a Nous apprenonsque vous voulez lire un autre pape. Si vous le faites, nous vousexcommunions au nom du Tout-Puissant, en sorte que nul d'entrevous ne puisse dsormais faire une ordination ou clbrer la messe. ^ Cette rponse irrita l'assemble, qui, le 4 dcembre gS, avec le con-sentement de l'empereur, pronona la dposition de Jean XI, et lutpour pape le protoscriniaire Lon, simple laque 3, qui, deux joursaprs, reut les saints ordfes et prit le nom de Lon VIII. Toutporte croire, dit le savant historien Hefele, qu'Otlon^vait prparcette lection *. Par cet acte illgal, suggr une assemble irr-gulire, Otton inaugurait les pires agissements de l'Empire. Certes,une lourde responsabilit retombe sur l'indigne pontife, dont la vieavait rendu possibles les terribles accusations dont il fut l'objet; maissi coupable qu'il pt tre, Jean XII tait le pape lgitime. En le d-posant et en lui donnant un successeur de sa propre initiative, Ottoncrait un prcdent qui devait devenir, pour ses successeurs, une tra-dition. Ceux-ci chercheront dsormais traiter le Saint-Sige commeun simple vch de Germanie. Le Saint-Empire, dans sa grandeconception chrtienne si justement admire, ne date donc point de

    I. Nol Alexadnre {Hst. eccls., in-f^., Venetiis. sect. X, dise. XVI, t. VI, p. ^Z^et s.) et Floss (Die Papswahl unter den Oltonen, p. 7-9) n'ont pas eu de peine prouver que cette assemble ne fut pas un concile et ne put avoir aucune autoritcanonique.

    a. Jaff, n. 3697.3. Peut-tre tait il tonsur, comme le conjecture Mgr Duchesne. A coup sr,

    il n'tait pas dans les ordres4. Hbfble-Leclercq, t. IV, p. 8io,

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    LE PROTECTORAT IMPERIAL 3il'empereur OUon. 11 datera du liiomplie de la papaut sur le vieilesprit impnal. II sera l'uvre des papes, et non des empereurs^ger-maniques.

    IVSi abaisss que fussent les esprits cette poque, deux mois

    s'taient peine couls depuis la dposition de Jean XII, quele clerg et le peuple romains s'taient ressaisis. Au concile dedcembre 968, Otton avait bless la fois le sentiment national et lesentiment catholique. Il tait venu, lui, tranger, entour de troupesarmes, dposer le chef des Etats de saint Pierre ; et il avait voulufaire juger celui qui, si indigne soit-il, juge tout et ne peut trejug par personne ^ . Le 3 janvier 96^, les Romains, profitant dudpart de l'empereur et de l'absence d'une grande partie de sestroupes, firent une meute, dressrent des barricades sur le pontSaint-Ange. Un prompt retour des troupes impriales suffit rpri-mer la rbellion. Les barricades furent enleves, et les insurgsfurent massacrs en grand nombre. Mais la raction prit bienttune autre forme. Le 26 fvrier 964, une assemble d'vques, decardinaux et d'ecclsiastiques de diffrents ordres, dont la majoritavait fait partie de l'assemble de 968, se runit Saint-Pierre sousla prsidence de Jean XII, et, considrant que le pape Lon avaitt lu en violation des lois de l'Eglise, dclara son lection nulleet de nulle valeur 2. L'empereur, inform de l'vnement, se pr-parait marcher de nouveau sur Rome, quand il apprit la mort deJean, frapp mystrieusement dans son lit, d'aucuns dirent parlediable 3, d'autres par un personnage qu'il aurait indignementoutrag *.

    Aussitt aprs la mort de Jean XII, les Romains, sans informerl'empereur, sans se proccuper de la convention de 962, procdrent l'lection d'un nouveau pape. Leur choix se porta sur le diacre

    Ractionde la

    populationromainecontre

    ies ingrencede rempereur.

    L'meutedu ChteauSanl-Ange(3 janvier

    964).

    Concileromaindu26 fvrier 964.

    Dpositionde l'antipape.

    Mortde Jean XII(mai 964).

    Electionde Benot V.

    I. Voir Hist. gin. de l'Eglise, t. III, p. 3a3.a. Les actes de ce concile nous ont t conservs. Voir Mahsi, t. XVllI, col. 471.3. C est la version de Luitprand^ reproduite par Baronius : Qnadam nocte, extraRoniam, dum se cujusdam viri uxore obleciaret, in temporibus a diabolo est percussus(Baro?(iu8, Annales, ad ann.964,n. 17).4 BowER. Gesch. der Papste, t. VI, p. 3o7 ; DucuEsns, les Premiers Temps deVEtat pontifical, p. 35 1.

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    32 HISTOIRE GENERALE DE L EGLISE

    Mortde l'antipapeLon VIII(mars gS).

    Lafausse bulle

    de Lon VIIsur rlectiondes papes.

    Benot. Le moine du Mont Soracte vante sa science. Ses connais-sances en grammaire lui avaient valu le surnom de. Benot le Gram-mairien. C'tait, au surplus, un ecclsiastique de bon renom. Lesfluctuations que certains historiens ont releves dans sa conduite,pour lui en faire un reproche, sont susceptibles d'explication. Onl'avait vu, dans l'assemble de 962, se faire le porte-parole desaccusateurs de Jean XII ; puis, dans le concile de 968, dfendre avecnergie l'autorit de ce mme pontife. C'est qu'il pensait sans douteque les crimes d'un pape n'autorisent pas un empereur le dposerpour y substituer une de ses cratures. Le nouvel lu fut sacr le22 mai sous le nom de Benoit V. L'empereur mcontent mit lesige devant Rome, qui, rduite par la famine et par la peste,livra Benot aux vainqueurs. Il fut dpos, priv de l'exercice deses fonctions sacerdotales, et envoy en Germanie, sous la garde del'vque de Hambourg, qui le traita avec toutes sortes d'gards. Ily mourut peu de temps aprs, dans les sentiments d'une grandej)it. Benot V n'a point de numro d'ordre dans la liste commu-nment reue des souverains pontifes ; mais beaucoup d'historiensle regardent comme un pape lgitime *, et on ne voit pas la raisonde lui refuser ce titre.

    L'assemble d'vques runis vers la fin de juin 964 par l'empe-reur, pour dposer Benot V, rintgra dans ses fonctions l'anti-pape Lon VIII, qui survcut peu de temps sa restauration. Ilmourut Rome en mars 966 ^. On ne cite, du pseudo-pontificat deLon VIII, qu'un acte important : une bulle insre par Gratiendans le Corpus juris canonici ^, et accordant l'empereur d'Alle-magne, non seulement le droit de se choisir un successeur au titrede roi d'Italie, mais encore le droit de donner l'investiture au papeet aux vques. On a longtemps discut sur l'authenticit de cellebulle. Les tudes de Floss et de Bernheim ont dmontr le caractreapocryphe du document. La base de cet crit serait une bulleauthentique de Lon YIII, excluant le peuple romain de l'lectiond'un pape, d'un roi ou d'un patrice. Un faussaire du xi^ sicle,partisan de l'antipape Guibert, aurait transform le document en

    1. RoHRBACHER, Hst. ujx'w, de VEgl. caih.^ 1. LXI, dit. Guillaume, Paris, i885,t. V, p. /i86 ; H. Hemmer, au mol Benot V, dans le Die/, de ihol. de Vacant, t. II,col. 649.

    a. Baronius, Annales, ad ann. 964, n. 16 et s. ; Mansi, t. XVIII, col. 4773. Corpui juris canonici, dist. LXIII, c. 28 ; Jaff, n. 37o4-37o5 ; Lib. pontij,^

    t. I, p. 260, note I ; Hefelb-Leclerq, t. IV, pp. 820-824.

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    LE PROTECTORAT IMPERIAL 33y ajoutant les privilges exorbilants altiibus l'empereur. Leschroniqueurs du temps n'incriminent point la conduite prive del'antipape Lon Vlll ; mais il fut jusqu' sa mort l'homme liged'Ollon, et il expira sans avoir reni l'acte sacrilge qui avait faitde lui un rvolt ; il mrite la maldiction qui s'attache ceux quiont souill la dignit de leur sacerdoce dans l'ambition ou lalchet.

    Le peuple et le clerg de Rome n*osrent plus, cette fois, procder l'lection d'un nouveau pape, sans avoir, conformment l'actede 962, prvenu l'empereur. Celui-ci dsigna leur choix unparent de Jean Xll, Jean, vque de Narni, fils de Thodora laJeune, neveu par consquent de la clbre Marozie. On revenait,avec l'agrment de l'empereur, la maison de Thophylacte ^.Olton, qui voyait le sentiment national des Romains se rvolter deplus en plus contre ses ingrences, espra sans doute, par cettecombinaison politique, satisfaire le plus puissant des partis d'oppo-sition. 11 tait trop tard. Jean de Narni fut lu sans difficults etinstall le 1^^ octobre 965 sous le nom de Jean XTIL Mais troismois ne s'taient pas couls depuis son installation qu'unervolte, cause, dit-on, par la svrit du nouveau pape l'gard dela noblesse romaine, mais dirige en ralit contre le pouvoirimprial, clata. Elle avait sa tte le comte Rodfred, le prfet de laville, Pierre, et un employ de la maison du pape, nomm Etienne.C'tait comme la coalition de tous les partis, mis en mouvement la fois. Jean XIII, rendu solidaire de la politique d'Olton, futarrt, enferm au chteau Saint-Ange, puis exil ; mais bientt lanouvelle que l'arme impriale marchait, pour la quatrime fois,sur Rome rpandit la terreur dans la cit. Jean XIll lui-mme, la tte de troupes importantes, se prsenta le i4 novembre 966devant la ville, qui le reut sans protester. Le moine du Mont-Soracte, qui avait vu passer la terrible arme, termina mlancoli-quement sur ce fait sa chronique, comme s'il y voyait la fin derindpendance de l'Eglise et de sa nation 2.

    Celte pouvante tait justifie. Les reprsailles de l'empereur furentcruelles. Le prfet de la ville, Pierre, fut suspendu par les cheveux

    Electionde Jean Xfll(1" octobre

    965).

    Un mouve-mentpopulaireamne l'exildu pape.

    Cruellesreprsailles

    de l'empereur.

    I. Voir la gnalogie del maison de Thophylacte dans Duchesne, Lib. pontif.,t. I, p. a53.

    a. P L., t. GXXXII, col. 178. Cf. Duchesne les Premiers Temps de l'Elat ponti-Jical. p 384-385.

    tlibt. ga. de l'Eglise. IV

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    34 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISE la fameuse statue questre de Marc-Aurle, puis promen par laville sur un ne, rebours, la queue de l'animal entre les mains,et coiff d'une outre en guise de diadme. Il fut enfin exil. Lecomte Rodfred avait t assassin, et le clerc Etienne avait pri onne sait comment. Otton ft dterrer leurs cadavres, qu'on jeta lavoirie

    Le meurtrier du comte Rodfred tait un certain Jean Crescentius,fils de la fameuse Thodora la Jeune. C'est par ce meurti*e que lafamille, des Crescentius, qui devait jouer dans la suite un si tristerle dans les lections des papes, fit son entre sur la scne dumonde*.

    Jean XIII gouverna l'Eglise pendant prs de sept ans. La paixne fut plus gravement trouble pendant son pontificat. Ce fut unpape intgre, pieux, actif. Dans un concile tenu aprs les ftes dePques de l'anne 967, l'empereur le remit en possession de la villeet du territoire de Ravenne, qui avaient t soustraits depuislongtemps l'autorit du Saint-Sige ; et le jour de Nol de lamme anne, le fils de l'empereur Otton P*", g de treize ans, reut

    Sacre du jeune de Jean XIII la couronne impriale et fut associ au trne paternel ^.associ ' Cette nouvelle fut transmise aux ducs et prfets de la Saxe en ces

    l'Empire termes : (( Notre fils a t lev par le seigneur apostolique la^35 ucembre967). dignit impriale ^ . C'tait reconnatre le droit du pape pour lechoix et le couronnement des empereurs.uvre Les plus redoutables comptiteurs d'Otton, Brenger II et son

    de Jean XIII. filsAdelbert, tant morts l'anne prcdente, une paix relative rgnaitdans l'Empire comme dans l'Eglise. L'empereur et le pape en profi-trent pour rformer, d'un commun accord, un certain nombred'abus. Le registre de Jean XIII, compos de trente-trois picesintgralement conserves, nous prsente un intressant tableau deces rformes. On voit le pontife ordonner, sous peine d'anatbme, tous les ducs, marquis, comtes et juges du territoire de Bologne,de cesser leurs injustes vexations contre les clercs * ; expdier enGermanie une sentence d'excommunication contre l'archevqueIlrold de Salzbourg, qui s'tait alli aux Magyars pour piller

    1. Sur la gnalogie des Crescentii, voir Hefele-Leclerq, t. IV, p. 826-827, etLib. pontif., t. I, p. 253.

    2. Mansi, t. XVIII, p. 529 et s. ; Jaffi, n. 8713.3. WiDUKiND, Resgeslse Saxonise, 1. III, c. 70 ; P. L., t. GXXXVII, col 207 ;M, G., SS., III, 465.4. P. L., t. CXXXV,col. 931.

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    LE PROTECTORAT IMPERIAL 35avec eux les cits, les monastres, les glises et les campagnes deson propre pays *. D'une manire gnrale, il soutient une luUeincessante contre les entreprises des laques sur les glises ou lesmonastres, et contre l'esprit d'indiscipline qui se manifeste parmile clerg et dans les couvents eux-mmes comme au milieu dupeuple. En toutes ces rformes, il dclare et il veut que toute lacatholicit sache que le Sige apostolique, si longtemps livr auxfureurs des impies, n'a d, aprs Dieu, sa dlivrance qu'aux magna-nimes efforts de l'empereur Otton ^

    Le pape rendait le mme tmoignage au roi d'Angleterre L*uvreEdgard l". a Nous vous flicitons, lui crivait-il, d'avoir compris gJ fa^i"par^^_que la bienveillante sollicitude dont vous entourez les glises est lirementla meilleure preuve que vous puissiez donner vos sujets de voire ^" gous'les'^'^^'paternelle tendresse leur gard ^. Le roi Edgard avait, en effet, auspices dudans un concile tenu Brandford vers 964, restitu aux vques et '^^ar le^x*!e d*aux monastres tous les biens qui leur avaient t enlevs ; il avait saint Dunstan.abrog les ordonnances hostiles TEglise rendues par son frreEdwin *. En 969, de concert avec son ami Dunstan 5, archevquede Gantorbry, il avait convoqu un concile national trs important,qui avait opr une rforme gnrale dans le clerg anglais, tantrgulier que sculier ^.

    Jean XIll mourut le 6 septembre 972. Il fut, dit l'pitaphe Mortgrave sur sa tombe dans la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, ^! " ^un pasteur vigilant et sage. Il se proccupait de l'heure de sa mort, 972).et, de son vivant, il choisit ce lieu pour spulture... Que les cieuxlui soient ouverts par les mrites du sublime Paul '^.

    Nous ne sommes pas renseigns sur la manire dont se fit l'lectiondu successeur de Jean XIII. Nous savons seulement que l'lu futun cardinal-diacre romain, nomm Benot, et que son ordinationn'eut lieu qu'en janvier 973. Il reut le nom de Benoit VI. Les Electionuns ont conjectur que ce long retard fut d un change de /"^anvfe"*^^' l

    I. P. L., i. GXXXV, col. 954.a. Ibid., col. 981.3. Ibid., col. 985.4. Mansi. t. XVllI, col. 475.5. Saint Dunstan, n en 935, archevque de Gantorbry en gSg, mort le 19mai 988.6. Mansi, t. XIX, col. i5 ; Lingard, Hisl. d'Angleterre, t. I, p. 276 et s. ;Antiqulls de l'Eglise anglo-saxonne, p. 248 et s,7. Voir le texte de l'pitaphe dans Duchesne, Lib pontif., t. I, p. a54. Celte pi-taphe est maintenant dans le muse pigraphique de l'abbaye.

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    36 HISTOIRE GENERALE DE L EGLISE

    Mortd'Otton 1er

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    LE PROTECTORAT I^TERIAL 87et Trence, des pomes et des draines sur les lgendes des saints *.Mais le plus grand titre la reconnaissance du monde savant que sesoit acquis OUon le Grand, c'est d'avoir devin, encourag et pro-tg le jeune moine qui devait tre l'illustre Gerberl. le grand papeSylvestre II.Ce fut aussi un savant que ce frre pun d Otton. Brunon arche-

    vque de Cologne, qui nous a laiss des Vies de saints et un Com-meniaire sur les vangiistes et sur les livres de Mo'ise *. Mais ce futsurtout un saint. En lui, dit son premier biographe, se trouvrentrunies des qualits trop souvent inconciliables : la splendeur durang et des dignits, la plnitude de la science, avec une humilitde cur et une douceur de caractre telles qu'on n'en vit jamais deplus profondes ^. Saint Brunon tait le digne fils de l'admirablereine mre, sainte Mathilde, qui, pendant que l'empereur parcouraiten armes la Hongrie, l'Italie et les pays du Nord, allait de ville enville, de hameau en hameau, apaisant les discordes, rparant lesinjustices et semant les aumnes pleines mains *. Fils d'une sainteet frre d'un saint, Otton avait eu galement le bonheur d'pouserune sainte. L'Allemagne et l'Italie durent l'impratrice Adladede nombreuses fondations, d'innombrables actes de bienfaisance.La plus admirable de ses uvres fut, sans doute, l'acte d'abnga-tion par lequel, lors de la chute de la maison de Brenger, elle prit sa cour les deux filies de son ennemi pour leur servir de mre.

    Si rprhensibles que fussent certains actes politiques d'Otton leGrand, de telles influences, manant de la cour, contribuaient maintenir, dans les consciences chrtiennes, ce sens des vertus van-gliques qui permettrait la rforme de trouver des points d'appuidans les mes, au jour o Dieu la susciterait dans son Eglise.

    Les saints.

    Saint Brunon,archevquede CologQ.

    SainteMathilde.

    SainteAdlade.

    Le fils et successeur d'Otton le Grand, Otton II, dit le Roux, ne j* ^_' L enapereurmanquait pas d'intelligence et de courage. Instruit par des matres Otton II,habiles, il surpassa son pre par sa culture intellectuelle, mais il lui fut *Jq\3!q^3)^

    1. P. L., t. CXXXVIT, col. 939 et s. ; M. G., SS., t. IV, p. 3o3-3o5 ; Mag^tti,Thi'lre de HroswUha, Paris, i8/i5.2. Dom Geillier, Hist. des aul. eccls., t. XIX, p. 621 et s.3. Acla sanctoruin, octobre, t. V, p. 698 et s. ; M. G., SS., t. VI, p. 352-275.L Ibid. au i4 mars; M. G., SS., t. IV, p. aSa-Soa.

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    38 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISB' infrieur par son caractre, qui fut mobile, faible et de peu d'lva-

    \ion. Ag de dix-huit ans seulement au moment o il prit possessiondu trne imprial, les conseils de sa sainte mre Adlade eussent pule prserver de bien des cueils ; mais il avait peine ceint la cou-

    Intrigues ronne que les intrigues de la jeune impratrice Thophano, soutenuetricc P^^ " faction de courtisans, amenrent la disgrce de la reine mre,Thophano. qui dut quitter la cour et se rfugier en Italie. Avec la pieuse veuve

    d'Otton le Grand, le gnie de l'empire sembla disparatre. Ce fut ladcadence manifeste des deux grandes uvres du premier empereurgermanique.

    Lutte contre D'une part, ds le lendemain de la mort d'Otlon P*", toutes lestILeande ambitions, toutes les convoitises, refoules un moment par sa main

    puissante, s'taient donn libre carrire. Tandis qu'Henri de Bavire,s'alliant aux ducs de Bohme et de Pologne, aspirait ruiner, sonprofit, la suprmatie de la Saxe, les descendants des anciens ducs deLorraine relevrent la tte, et les Danois au nord, les Slaves l'est,recommencrent leurs invasions. La premire partie du rgned'Otton II, de 972 980, se passa rprimer ces soulvements.

    D'autres proccupations l'attirrent alors en Italie. L aussi despassions, tenues en bride par la main ferme du premier Otton, mo-mentanment apaises par la sage modration de Jean XIII, s'taientdchanes. Un parti, qui se disait national, parce qu'il combattaitl'influence allemande en Italie, mais qui travaillait en somme pour

    Les cabales satisfaire l'ambition de quelques seigneurs, avait sa tte ce Crescen-Cie&centius ^'"^* ^ Gensius, que nous avons rencontr lors de l'avnement deJean XIII. Gomme en 966, on rsolut, pour abattre l'hgmonie

    impriale en Italie, de s'attaquer celui qu'on regardait comme sacrature, le pape Benot YI. On tenait en rserve, pour le remplacer,un cardinal-diacre, qui s'tait distingu par les mauvais traitementsqu'il avait infligs Benot V, Bonilace Franco. Ce que fut le dramemachin par Crescentius, nous le savons par la notice, d'un laco-

    Mort tragique nisme amer, consacre au pape Benot VI dans le Liber pontijicaiis :(juiile"t'q74). ^^ Benot, n Rome et fils d'Hildebrand, y est-il dit, sigea un an

    et six mois. Il fut arrt par un certain Cencius, fils de Thodora, etenferm dans le chteau Saint-Ange, 011 il fut trangl, l'instigationdu diacre Boni face, qu'on avait dj fait pape, lui vivant *. uvre Le registre de Benot YI nous le montre attentif favoriser la vierformatrice

    Benot VI.I. Lib pontif., t. I, p. 255,

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    4o HISTOIRE GNRALE DE l'GLISEpendant neuf ans. C'tait un homme d'une activit et d'une nergieremarquables. Le premier de ses soins fut de runir Rome unconcile qui frappa d'anathme Boniface Franco *. Dans deux autresconciles, tenus lun Ravenne, vers 974, l'autre Rome, vers 981,Il combat il fit condamner nergiquement la simonie ^. Il avait conscience que

    * '* l tait le mal essentiel de cette triste poque. Par la simonie entraientdans 1 Eglise les pasteurs mercenaires, qui ravageaient le troupeau duChrist, en le divisant par leurs intrigues et en le scandalisant parleur inconduite. Par ailleurs, les scnes tragiques qui avaient ensan-glant le trne pontifical avaient eu leur retentissement dans l'Egliseentire. En Italie, des seigneurs, l'exemple de Crescentios, chas-

    Etat troubl salent les officiers impriaux, se constituaient en Etats indpendantschrtien ^^ 1 exeraient un pouA^oir despotique. En France, les maux rsultant celle poque, de l'infodation seigneuriale des vchs se compliquaient de la crise

    dont souffrait la dynastie rgnante : entre la vieille race carolingienne,dcrpite, incapable de dfendre le pays, et la jeune maison des ducsde France, les meilleurs Franais, les vques eux-mmes se divi-saient. En Angleterre, au milieu des guerres sanglantes qui clatrentpour la succession au trne, aprs la mort du roi Edgard, les clercsdposs pour inconduite ou simonie s'taient rvolts, et, soutenuspar un grand parti politique, avaient dj chass un grand nombrede moines tablis leur place. En Allemagne, les troubles suscitsaprs le dcs d'Oltou le Gra^d n'taient pas apaiss. Les Slaves del'Est et du Nord s'agitaient sourdement. En Orient, l'antipape Boni-face, qui s'y tait rfugi, multipliait ses menes, cherchant exploi-ter contre son rival les vieilles jalousies byzantines. L'Empire etl'Eglise taient la fois menacs.

    Intervention Otton prtendit prendre la dfense de l'un et de l'autre. Sa vied'Otton II ' 1 1 -i 1 j- j' -Il en Italie pnvee le rendait de moins en moins digne d une si liante mission.Les scandales de son iuconduite s'talaient maintenant au grand jour.En 980, il se dirigea vers l'Italie. A Pavie, il rencontra sa pieuse mreAdlade, dont la tristesse toucha son cur, et il se rconcilia avecelle. Quand il parvint Rome, au dbut de 981 , l'apaisement s'y taitfait, grce aux mesures prudentes et fermes qu'y avaitprises Benot VIL

    nom propre d'un nouveau pape. Ni JalT, ni Hefcle, ni Mgr Duchesne, n'admettentl'existence du pape Domnus. Voir Jaff, n. 0778 ; Hefelk-Lbclercq, t. IV, p. 833;Duchesse, Lib. ponlif.^ t. I, a56, note 4-

    1. Maksi, t. XIX, col. 57 ; Jaffb, n. 8778.2. Ibid., col. 59, 71 et s.

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    Lt PROTECTORAT IMPERIAL 4lTa pacification de la Basse Italie lui demanda plus d'efl'orls etobtint moins de succs. Les Grecs et les Sarrasins se coalisrentpour le repousser de l'Italie mridionale, tandis que les Slaves,profilant de son loignement, pillaient Hambourg, ruinaient lesvchs d'Havelberg et de Brandebourg, dtruisaient les fondationsd'Otton le Grand.

    L'intervention de Benot Yll fut plus pacifique et plus fconde. Ranonrr j' . -1 . ' -j rr ^6 nombreuxTandis que quatre conciles romams, tenus sous sa prsidence eiiec- concilestive, de 974 981, rglaient les affaires d'Italie et les affaires gnrales en France,de l'Eglise *, des conciles tenus sous son inspiration, en France, en ^^ ^^Angleterre et en Allemagne, travaillaient rtablir l'ordre et la disci- Allemagne,pline dans ces diffrents pays. En 97/i, il envoya en France un lgatspcial, le diacre Etienne, qui prsida, Reims, un concile impor-tant. On y dposa Thobald, vque d'Amiens, usurpateur du sigepiscopal 2. Les archevques de Beims, par suite de la prrogativedont ils jouissaient de sacrer les rois de France, exeraient sur toutle pays une influence prpondrante. Le sige de Reims tait alorsoccup par un homme d'une valeur minente, Adalbron, que des Adalbron,traditions et des affections de famille liaient la personne d'Otton. Reims(?^88),Adalbron avait salu avec enthousiasme la restauration de l'Empire.Il y avait vu le moyen le plus elficace de dfendre l'Eglise contre leflot temptueux de la fodalit naissante, la papaut contre les agres-sions des princes italiens. Mais l'archevque de Reims tait avant touthomme d'Eglise. Pour lui, l'extirpation des abus, la rforme desinstitutions ecclsiastiques et monastiques, la restauration de lapit, primrent tous les autres soucis. Les 4i lettres que nouspossdons de lui nous rvlent l'tendue et la puret de son zle,ainsi que ses sentiments de profonde obissance au pontife romain ^,Les embellissements dont il orna sa cathdrale et l'clat qu'il sutdonner l'cole de Reims en la plaant sous la direction du savantGerberl, suffiraient illustrer le nom d'Adalbron *. L'Angleterreeut aussi, sur le sige de Cantorbiy, son grand rformateur, saint SainiDunsian,Dunstan. Quatre conciles, tenus Winchester en 976, Kirlington je'cantorbrYvers 977, Calne en 978 et Ambresbury vers 979, cherchrent (923-988).

    I. Hefele-Leclercq, t. IV, p. 834, 835, 836.a. Massi, t. XIX, iSa.3. P. L.. l. CXXXVll, col. 5o3 et s.II. Hist. lUlrmre. l. M, 4^4 ; Dom Gbillier, Hist. des aui. ecclc's. ,cdi[. de 1754,

    p. 675 ; Marius Sepet, Adalbron et VEglise de Reims dans la France chrtienne dansVhistoire, p. 1 19-1 3a.

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    42 HISTOIRE GNRALE DE L GLISEremdier aux maux dont l'Eglise anglaise souffrait *. Au concile deWinchester, comme certains vques parlaient de revenir sur certainessanctions, juges trop svres, une ancienne tradition rapporte quele crucifix suspendu la paroi de la salle des sances aurait dit haute voix : Non Jiet, non fiet; judicaslis hene, maie mutaretis. Cela ne sera pas, cela ne sera pas ; vous avez bien jug, ne changezrien, vous feriez mal. Le concile de Gaine eut une issue tragique.Le plancher de la salle s'tant effondr, tous les membres de l'assem-ble furent plus ou moins grivement blesss, sauf Dunstan, quin*eut aucun mal. Beaucoup y virent la preuve que Dieu tait avec1 archevque, et que la rforme, dont il tait le plus ardent promo-teur, devait tre accepte avec docilit. Benot VII n'eut pas inter-

    Benot Vil venir directement dans la politique des souverains d'Orient. Pourrpondre aux empitements des Grecs dans l'Italie mridionale, il ymaintint fermement l'organisation des provinces latines que Jean XIIIavait tablies Gapoue, Bnvent, Salerne, Naples et Amalf. Onet dit d ailleurs que Dieu se chargeait de faire suivre d'un chtimentprovidentiel chacun des attentats des empereurs orientaux contre lespapes. En 976, le basileus Zimiscs, ddaignant toute aide de l'Occi-dent, rve de refouler, lui seul, l'empire du Groissant jusque dans

    Les ambitions les dserts de l'Arabie, son berceau. Il entre en Syrie, o les Arabes^^onm^ux"^^ ^ ^^^^ tablis et fortifis, s'empare d'Apame, d'Emse et de Baalbek,

    reoit la soumission de l'mir de Damas, descend en Phnicie et laJean Zimiscs conquiert. 11 se dispose emporter d'assaut Jrusalem, fier d'accom-

    193 -97 ) piij. pgj. ses propres forces l'uvre gigantesque pour laquelle Ottonle Grand lui-mme avait demand le concours de l'Occident, quandson premier ministre, Basile, met fin ses victoires et sa vie en

    Basile II mlant du poison son breuvage 2. Sous son successeur Basile II, un(97 -102 j. gouverneur grec, ayant reconquis, dans la basse Italie, sur les Sar-rasins, les vi