Moïse et Aaron et Samuel faisaient appel au Sei- gneur, et ...

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1 Samuel est l’enfant du miracle : sa mère (Anne) était stérile et promet à Dieu, s’il lui donne un fils, de le lui consacrer ! (la psychanalyse aurait sans doute son mot à dire sur cette « vocation » et peut-être sur d’autres ?) La présentation de l’enfant par sa mère à Eli [la traduction officielle n’a pas mis de « e » pour le différencier du prophète Elie] au temple de Si- lo, a servi de base à la construction du récit de la présentation de Jésus au Temple, par Luc. Silo est un lieu central qui servait de rassem- blement annuel aux tribus d’Israël autour de la Tente de la Rencontre. Il devint un lieu de culte stable jusqu’à ce que David le déplace dans sa Ville (Jérusalem). Samuel deviendra une des figures marquantes de l’histoire d’Israël à tel point que Jérémie l’a comparé à Moïse (Jr 5,1), comme le psaume 99 : Moïse et Aaron et Samuel faisaient appel au Sei- gneur, et le Seigneur leur répondait. (Ps 99,6). Il sera le dernier des Juges. Le « Me voici » (cf. Homélie d’Une Lanterne n° 102) est répété 4 fois : il exprime une totale disponi- bilité à Dieu. Le piège serait de mettre en parallèle Samuel avec les disciples de l’évangile. Samuel est don- né comme figure du Christ qui répond à l’appel du Père. C’est ce qu’a bien compris l’auteur de la lettre aux Hébreux : En entrant dans le monde, le Christ dit : « … tu m’as façonné un corps, … alors j’ai dit : ME VOICI, … je suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté ». (He 10, 5-9) C’est parce que le livre était trop long qu’il fut copié sur deux rouleaux intitulés « 1° et 2° livres des Règnes ». Ce sont les Rabbins qui plus tard leur ont attribué le titre actuel, car ils donnaient le prophète Samuel comme étant leur auteur. Contrairement aux apparences, ces livres ne sont pas une chronologie des évènements, mais une œuvre littéraire où s’entrecroisent des documents plus ou moins anciens. Ces livres ont une tendance politico- religieuse : ils contiennent un enseignement sur la royauté dont ils ne cachent pas l’institution équi- voque. Dieu est le roi d’Israël, le roi n’est que son re- présentant. La figure de David est alors mise en avant. On comprend alors sa place dans l’attente du Messie, comme successeur de David, le roi idéal ! du 1° livre de Samuel (3, 3b-10.19) En ces jours-là, le jeune Samuel était couché dans le temple du Seigneur à Silo, où se trouvait l’arche de Dieu. Le Seigneur appela Samuel, qui répondit : « Me voici ! » Il courut vers le prêtre Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répon- dit : « Je n’ai pas appelé. Retourne te coucher. » L’en- fant alla se coucher. De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Et Samuel se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répondit : « Je n’ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher. » Sa- muel ne connaissait pas encore le Seigneur, et la pa- role du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée. De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Celui-ci se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Alors Éli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant, et il lui dit : « Va te recoucher, et s’il t’appelle, tu diras : “Parle, Seigneur, ton servi- teur écoute.” » Samuel alla se recoucher à sa place habituelle. Le Seigneur vint, il se tenait là et il appela comme les autres fois : « Samuel ! Samuel ! » Et Sa- muel répondit : « Parle, ton serviteur écoute. » […] Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et il ne laissa aucune de ses paroles sans effet. 1° lecture 14 Janvier 2018 * 2° Dimanche du temps ordinaire * © [email protected]

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Samuel est l’enfant du miracle : sa mère (Anne) était stérile et promet à Dieu, s’il lui donne un fils, de le lui consacrer ! (la psychanalyse aurait sans doute son mot à dire sur cette « vocation » et peut-être sur d’autres ?) La présentation de l’enfant par sa mère à Eli [la traduction officielle n’a pas mis de « e » pour le différencier du prophète Elie] au temple de Si-lo, a servi de base à la construction du récit de la présentation de Jésus au Temple, par Luc. Silo est un lieu central qui servait de rassem-blement annuel aux tribus d’Israël autour de la Tente de la Rencontre. Il devint un lieu de culte stable jusqu’à ce que David le déplace dans sa Ville (Jérusalem). Samuel deviendra une des figures marquantes de l’histoire d’Israël à tel point que Jérémie l’a comparé à Moïse (Jr 5,1), comme le psaume 99 : Moïse et Aaron et Samuel faisaient appel au Sei-gneur, et le Seigneur leur répondait. (Ps 99,6). Il sera le dernier des Juges. Le « Me voici » (cf. Homélie d’Une Lanterne n° 102) est répété 4 fois : il exprime une totale disponi-bilité à Dieu. Le piège serait de mettre en parallèle Samuel avec les disciples de l’évangile. Samuel est don-né comme figure du Christ qui répond à l’appel du Père. C’est ce qu’a bien compris l’auteur de la lettre aux Hébreux : En entrant dans le monde, le Christ dit : « … tu m’as façonné un corps, … alors j’ai dit : ME VOICI, … je suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté ». (He 10, 5-9)

C’est parce que le livre était trop long qu’il fut copié sur deux rouleaux intitulés « 1° et 2° livres des Règnes ». Ce sont les Rabbins qui plus tard leur ont attribué le titre actuel, car ils donnaient le prophète Samuel comme étant leur auteur. Contrairement aux apparences, ces livres ne sont pas une chronologie des évènements, mais une œuvre littéraire où s’entrecroisent des documents plus ou moins anciens. Ces livres ont une tendance politico-religieuse : ils contiennent un enseignement sur la royauté dont ils ne cachent pas l’institution équi-voque. Dieu est le roi d’Israël, le roi n’est que son re-présentant. La figure de David est alors mise en avant. On comprend alors sa place dans l’attente du Messie, comme successeur de David, le roi idéal !

du 1° livre de Samuel (3, 3b-10.19) En ces jours-là, le jeune Samuel était

couché dans le temple du Seigneur à Silo, où se trouvait l’arche de Dieu. Le Seigneur appela Samuel, qui répondit : « Me voici ! » Il courut vers le prêtre Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répon-dit : « Je n’ai pas appelé. Retourne te coucher. » L’en-fant alla se coucher. De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Et Samuel se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répondit : « Je n’ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher. » Sa-muel ne connaissait pas encore le Seigneur, et la pa-role du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée. De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Celui-ci se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Alors Éli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant, et il lui dit : « Va te recoucher, et s’il t’appelle, tu diras : “Parle, Seigneur, ton servi-teur écoute.” » Samuel alla se recoucher à sa place habituelle. Le Seigneur vint, il se tenait là et il appela comme les autres fois : « Samuel ! Samuel ! » Et Sa-muel répondit : « Parle, ton serviteur écoute. » […] Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et il ne laissa aucune de ses paroles sans effet.

1° lecture

14 Janvier 2018 * 2° Dimanche du temps ordinaire * © [email protected]

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selon saint Jean (Jn 1, 35-42) En ce temps-là, Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. Posant son

regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples en-tendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus. Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où de-meures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi). André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu la parole de Jean et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord Simon, son propre frère, et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » – ce qui veut dire : Christ. André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » – ce qui veut dire : Pierre.

Le début de l’Evangile de Jn nous donne une succession de quatre jours. Le pre-mier jour, c’est le témoignage du Baptiste (1,19-28) ; le lendemain (1,29), le même désigne Jésus comme l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde et atteste qu’il est le Fils de Dieu ; le lendemain (1,35), il désigne Jésus à deux de ses dis-ciples, dont André qui mènera ensuite son frère Simon-Pierre à Jésus (1,35,42) [notre texte] ; enfin, le lendemain (1,43), Jésus trouve Philippe et lui dit « suis-moi ! », ce dernier va chercher Nathanaël et l’amène à Jésus. …/...

…/… Qui était le disciple qui était avec André ? Jn ne le dit pas ! [Jn est le symbole du nom anonyme de

l’évangéliste]. D’après certains exégètes, dont le P.

R. Brown, il s’agit du Disciple bien-aimé, qui ne dit jamais son nom, mais qui est le fondateur de ce que l’on appelle l’Ecole johannique ou la Tradition jo-hannique. Je rappelle que l’auteur principal du IV° évangile n’est pas l’apôtre Jean, martyrisé proba-blement avec son frère Jacques d’après Mc 10,39. C’est la Grande Eglise qui a donné son nom à ce livre, pour asseoir l’autorité de cet ouvrage, issu d’une communauté indépendante (l’Ecole johan-nique) qui l’avait rejointe vers la fin du 1° siècle !

Evangile

L’origine de la Tradition « johannique » vient du fait que ce « Disciple » inconnu, s’est réfugié en

Samarie avec quelques autres (parmi lesquels Philippe dont les Actes 8,5 précisent qu’il évangélisa

cette région). Là, un premier document fut écrit pour la nouvelle communauté à laquelle certains

samaritains firent un bon accueil au point de rejoindre sa foi ! Cela explique beaucoup de choses,

dont la place des Samaritains dans le IV° évangile et leur influence sur la christologie (définition

du Christ : Jésus y est souvent nommé Le Prophète, l’équivalent samaritain du Messie juif).

Or, précisent les P. Benoît et Boismard, ce premier document qui a servi de base au IV° évangile

ne comportait que la vocation de Philippe et de Nathanaël. C’est le deuxième rédacteur de Jn qui

l’a dédoublée de façon à mettre en premier celle d’André et de Pierre. L’analyse stylistique de notre

texte confirme deux niveaux de rédaction ! [La même chose s’est faite au niveau de Mc, écrivent

ces exégètes. La première mouture de ce livre ne comportait qu’une vocation de Jacques et de Jean

(Mc 1,19-20) qui a été ensuite dédoublée de façon à la faire précéder d’un récit de vocation de

Pierre et d’André (Mc 1,16-18)].

Il était normal que le document primitif de Jn raconte la vocation de Philippe qui a marqué l’évan-

gélisation de la Samarie. Mais il était inconcevable aussi, qu’un livre destiné à un auditoire plus

vaste que les samaritains convertis passât sous silence la vocation de Pierre, investi de la respon-

sabilité de l’Eglise primitive. C’est pour cela que le 2° rédacteur de Jn ajouta la vocation d’André et

de Simon et la plaça devant l’autre. Il y adjoint le changement de nom de Simon qui devient Pierre

(Céphas) dès la première rencontre, alors que les autres évangiles le situent bien plus tard !

La mention de la « dixième heure » n’a rien d’historique, elle est symbolique comme « c’était environ la sixième heure » de Jn 4,6 et 19,14. « Dix » exprime la perfection (les dix doigts = tout !); la dixième heure symbolise l’heure parfaite qui est celle de la rencontre avec le Christ : a partir de cette heure-la , nous de-meurons en lui et lui en nous. « Demeurer » est le verbe par excellence qui traduit la relation intime entre le Christ et tout disciple : Demeurez en moi comme je demeure en vous (Jn 15,4); demeurez dans mon amour (15, 9) ; voir aussi la 1° lettre de Jn et l’Apocalypse (du me me auteur) : Mes petits enfants demeurez en lui (1 Jn 2,,28); qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu (1 Jn 4,16); Il demeurera avec eux ! (Ap 21,3)

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La comparaison avec les synoptiques (Mc 1,16-20 ; Mt 4,18-22 et Lc 5,1-11) met en

exergue l’originalité de la tradition johannique, écrit Jean Zumstein. a) Le rassemble-ment des premiers disciples y survient avant l’arrestation du Baptiste ; b) Alors que

Mc donne deux paires de frères (Simon & André et Jean & Jacques), le IV° évangile évoque la paire André et Simon-Pierre mais y adjoint Philippe et Nathanaël ; c) Chez Mc, Simon et André sont originaires de Capharnaüm, chez Jn leur origine est Beth-

saïda (1,44) ; d) Contrairement aux synoptiques, André est appelé en premier, - sans doute une petite ‘pique’ face à la Grande Eglise -, et c’est lui qui amène son frère à Jésus (nos frères Orthodoxes insistent sur ce détail) ; e) Dans cet évangile, l’appel

des premiers disciples n’aboutit pas à l’abandon de leur vie familiale et profession-nelle ; Enfin, f) chez Jn, une partie des disciples provient des cercles baptistes.

Mais plus significatif, (à l’exception de Philippe), ici, ce n’est pas Jésus qui appelle directement et souverainement des hommes à le suivre, c’est par le biais d’un tiers que les futurs disciples sont amenés à le rencontrer. Ce type d’appel indirect évoque

la situation d’après Pâques, où c’est par la médiation du témoignage missionnaire que les êtres humains peuvent rencontrer Jésus.

Cette comparaison montre que l’école johannique disposait de traditions propres.

L’Agneau de Dieu (qui enlève le péché du monde).

Pour certains exégètes, le Précurseur aurait dit :

« Voici le Pur (hagnòs) de Dieu qui ôte le péché du

peuple. » Dans la 1° de Jn 3,3, on trouve ainsi « Le

Christ est pur (hagnòs) et rend pur qui espère en lui

… et il a paru pour ôter les péchés, car il n’y a pas

de péché en lui (3,5). Il y aurait eu une retouche

due au rapprochement phonétique entre

« pur » (hagnòs) et le mot « agneau » (amnòs).

Selon nous, écrit le P. X. L-Dufour, Jésus est

l’agneau de Dieu, pas au sens qu’on lui a donné

d’après une identification avec le Serviteur d’Isaïe

dont les souffrances servent au rachat des fautes,

pas au sens des agneaux des sacrifices juifs : Jésus

est l’Agneau de Dieu en ce sens que, à elle seule

(souligne X. L-D.) sa venue supprime, de la part de

Dieu, la nécessité de rites qui servent à renouer le

lien avec Dieu. Sa présence, ôte le péché, elle ap-

porte le pardon. Pour Jn, Jésus n’est pas une vic-

time cultuelle, il apporte la réconciliation parfaite

de l’être humain avec Dieu.

Les deux premiers disciples vont à Jésus,

parce qu’ils ont entendu J-Baptiste leur

désigner celui-ci comme étant l’Agneau

de Dieu, écrit le P. Xavier Léon-Dufour.

Contrairement aux trois autres évan-

giles, ils ne nous sont pas présentés

comme des hommes affairés à leur acti-

vité professionnelle, mais comme des

hommes en recherche, en quête du Dieu

Sauveur, qu’ils ont voulu attendre auprès

du Baptiste.

Or, puisque ce dernier a été envoyé par

Dieu (Jn 1,6), puisqu’il est la voix qui ac-

tualise la parole des prophètes (Jn 1,23),

pour Jn, c’est en réalité Dieu qui donne à

Jésus ses disciples. (> Ceux que tu m’as donnés - Jn 17,6). Le IV° évangile a donc

approfondi la vision sur « la vocation »

que donnent les synoptiques : chez lui,

celle-ci s’origine en Dieu.

Dans le IV° évangile, le Baptiste n’appelle pas, à la manière des synoptiques, à la confession per-

sonnelle des péchés. Il parle d’emblée de l’état de rupture où l’humanité se trouve face à Dieu. Ce

texte est donc situé au niveau d’un désordre qui affecte la société humaine. « Le monde est cas-

sé », disait Gabriel Marcel. On peut reconnaître ces cassures à travers les guerres, les situations

économiques et sociales intolérables, le mal sous toutes ses formes. S’agit-il là de « péché ?

s’interroge le P. Léon-Dufour. Car les sciences humaines nous ont appris a tenir compte des déter-

minismes inconscients, des carences éducatives, des pressions sociales, des fanatismes qui aveu-

glent, etc.

Le « péché », pour Jn, n’est pas attribué à une faute originelle [c’est St Augustin qui fera entrer

l’idée dans la pensée chrétienne], il est référé à une puissance anonyme qui est à l’œuvre et qui

résulte de la prolifération et de l’interaction d’innombrables refus, conscients ou pas, opposés à la

vie que Dieu propose. Pour le IV° évangile, le péché fondamental est le refus de la lumière divine.

Or, dit le Baptiste, Dieu vient, par celui qui est le signe vivant de son pardon, enlever le péché du

monde. L’œuvre réalisée en elle-même, achevée, ne l’est pas dans l’espace et le temps ; la lutte

contre le lumière divine est toujours au présent, mais cette lumière traverse notre monde blessé !

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Homélie pour le 2° dimanche du temps ordinaire. (le 14, 11h à Lézignan)

Nous avons entendu dans la 1° lecture une des plus belles phrases que tout croyant puisse adresser à son Dieu : « Parle, ton serviteur écoute ! » Mais nous devons écarter de suite toute question sur la manière dont Dieu a pu « parler » à ce jeune garçon : Il y va du mystère de la parole de Dieu qui nous atteint chacun selon notre personnalité. Nous de-vons plutôt nous intéresser à l’expérience personnelle de forte intensité qu’a vécu Samuel alors que, enfant, il était au service du temple de Silo, (car il n’y avait pas encore le Temple de Jérusalem). Samuel se trouvait alors tout près de l’Arche qui conservait les symboles de la présence de Dieu. Samuel a expérimenté la proximité de cette présence et s’est en-gagé à son service. Mais nous avons aussi une importante leçon à tirer de ce récit très connu ! On ne commu-nique pas avec Dieu directement, il faut passer par des médiations ! Dieu nous « parle », mais encore faut-il être initié à sa manière de « parler », à sa façon de venir à notre ren-contre ! Samuel a eu besoin d’Eli comme révélateur et médiateur de Dieu, de même que dans l’Evangile, André et l’autre disciple ont eu besoin de Jean-Baptiste, ou comme Simon aura besoin de son frère pour rencontrer le Christ ! Dieu utilise nos relations humaines pour venir à notre rencontre, pour communiquer avec nous et nous « parler ». Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord pour préserver la bonne distance entre lui et l’être humain. Ensuite pour que nous respections son mystère. Enfin pour que nous n’ayons pas l’illusion de croire que nous pourrions le maîtriser ! Mais ceci est aussi vrai entre nous ! Si l’être humain est « corps » dans la Bible, c’est pour communiquer avec les autres. La réalité terrestre du corps est le moyen de parler d’hu-main à humain ! Le corps est notre seul outil de communication : tout passe par le corps ! Quand on veut entrer en relation avec quelqu’un, il faut beaucoup de respect et d’écoute pour laisser l’autre s’exprimer, « se » dire ! N’est-ce pas la question d’André et de l’autre disciple ? Ils veulent « demeurer » avec Jésus. Ils désirent connaître celui que Jean-Baptiste leur a montré ! « Où demeures-tu ? » est une forme respectueuse pour dire : « Qui es-tu ? Ouvre-nous les portes de ton cœur ! » Jésus les invite alors à rester auprès de lui ! Mais il faut du temps pour découvrir ce que l’autre va révéler de lui-même ! Il faut le laisser « parler » et par la médiation du langage symbolique (mots, mais aussi gestes, mimiques, expressions corporelles, conduite, comportements, etc…) écouter ce qu’il dit du corps qu’il est ! Ainsi, un léger pincement des lèvres, un regard pétillant ou obscur, un timbre de voix, un froncement des sourcils, un hochement de tête, un temps de silence, un signe de la main, un changement de posture, le plus petit détail sera lue comme « une parole » ! Voilà le langage qui parle au corps et qui révèle le corps d’autrui, qui dévoile une part de son mystère. Mais une part seulement, tant est infini le mystère de chaque être humain ! Alors, on peut entrevoir le trésor de l’autre, comme les premiers disciples ont entrevu le trésor qu’est Jésus, avec cette part mystérieuse qui fait qu’ils n’ont pu saisir, eux comme nous aujourd’hui, tout ce qu’il est dans sa plénitude ! Mais la rencontre a eu lieu : Les disciples se sont liés à Jésus. Ils découvriront un jour, comme nous, quelle était la véritable demeure de l’homme de Nazareth : ce lieu intime où réside en nous la présence de Dieu ! Cette découverte ne peut que nous transformer car elle éveille en nous une nouveauté radicale et transfigure notre être à l’exemple de Pierre : Il était « Simon », le voici « Céphas » (pierre et roc) : Ce fragile et faible pécheur de Galilée est devenu ainsi « rocher » pour ses frères. Enfin, la Parole de Dieu, aujourd’hui, nous révèle une facette de la mystérieuse rencontre entre Dieu et l’être humain ! Mais elle nous révèle du coup une facette de la mystérieuse rencontre entre nous ! Si je ne cherche pas à capter ou capturer l’autre, celle-ci peut avoir lieu, celle qui libère en chacun le trésor qu’il est, et ouvre la relation à un avenir riche et fé-cond ! Puissions-nous tous avancer dans cette voie, sur ce chemin. Amen !