Mort pour la France Joseph Auguste Léon LUCAS Joseph...

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Mort pour la France Joseph Auguste Léon LUCAS figure au nombre des recrues de la classe 15 de la Charente sur le registre n°1 avec le matricule n° 40. Joseph Auguste Léon LUCAS, 20 ans, né le 10 août 1895 à Saint-André-sur-Sèvres (79), fils de Léon Lucas (dit domestique en 1915) et Marie Ménard, célibataire domicilié à Fredière, matricule 9784, soldat au 7e Régiment Mixte Colonial, 7e compagnie, tué à l'ennemi le 11 mai 1915 à Seddul Bahr (Turquie) - transcrit le 24 juillet 1916 à Paizay- Naudouin. Inscrit sur le livre d'or de la commune. Sa fiche matricule est à Angoulême (AD16) Joseph Auguste Léon Lucas a les cheveux châtain clair, les yeux de même, le front moyen, le nez rectiligne, il mesure 1,64 mètre. Il est incorporé au 7e régiment d'infanterie coloniale (7e RIC) le 17 décembre 1914 à Bordeaux. Niveau d'instruction : 3, sait lire, écrire et compter. Le 2 août 1914, lorsque l'ordre de mobilisation fut lancé, le 7e régiment d'infanterie coloniale tient garnison à Bordeaux (caserne Xaintrailles). Il est commandé par le colonel Mazillier dont l'adjoint est le lieutenant-colonel Dudouis. Le 1er bataillon est sous les ordres du commandant Sévignac. Le 2e est commandé par le chef de bataillon Savy, le 3e par le chef de bataillon Bernard. Joseph Auguste Léon Lucas passe au 7e régiment d'infanterie coloniale mixte (7e RMIC) le 16 mars 1915. Le 7e Régiment Mixte d’Infanterie Coloniale (Lieutenant-Colonel Bétrix) est composé, à sa création en mai 1915 des : - 1er bataillon formé par le dépôt du 7e RIC - 2e bataillon formé par le 8e BTS du Maroc - 3e bataillon formé par le 12e BTS du Maroc Ce régiment avec le 8e régiment mixte d'infanterie coloniale formait la 4e brigade mixte d'infanterie coloniale (Général Simonin) elle-même intégrée dans la 2e division d'Infanterie du corps expéditionnaire d'orient (ancienne et future 156e DI). 1

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Mort pour la France

Joseph Auguste Léon LUCAS figure au nombre des recrues de la classe 15 de la Charente sur le registre n°1 avec le matricule n° 40.

Joseph Auguste Léon LUCAS, 20 ans, né le 10 août 1895 à Saint-André-sur-Sèvres (79), fils de Léon Lucas (dit domestique en 1915) et Marie Ménard, célibataire domicilié à Fredière, matricule 9784, soldat au 7e Régiment Mixte Colonial, 7e compagnie, tué à l'ennemi le 11 mai 1915 à Seddul Bahr (Turquie) - transcrit le 24 juillet 1916 à Paizay-Naudouin. Inscrit sur le livre d'or de la commune.

Sa fiche matricule est à Angoulême (AD16)Joseph Auguste Léon Lucas a les cheveux châtain clair, les yeux de même, le front moyen, le nez rectiligne, il mesure 1,64 mètre. Il est incorporé au 7e régiment d'infanterie coloniale (7e RIC) le 17 décembre 1914 à Bordeaux. Niveau d'instruction : 3, sait lire, écrire et compter.

Le 2 août 1914, lorsque l'ordre de mobilisation fut lancé, le 7e régiment d'infanterie coloniale tient garnison à Bordeaux (caserne Xaintrailles). Il est commandé par le colonel Mazillier dont l'adjoint est le lieutenant-colonel Dudouis. Le 1er bataillon est sous les ordres du commandant Sévignac. Le 2e est commandé par le chef de bataillon Savy, le 3e par le chef de bataillon Bernard.

Joseph Auguste Léon Lucas passe au 7e régiment d'infanterie coloniale mixte (7e RMIC) le 16 mars 1915. Le 7e Régiment Mixte d’Infanterie Coloniale (Lieutenant-Colonel Bétrix) est composé, à sa création en mai 1915 des :

- 1er bataillon formé par le dépôt du 7e RIC- 2e bataillon formé par le 8e BTS du Maroc- 3e bataillon formé par le 12e BTS du Maroc

Ce régiment avec le 8e régiment mixte d'infanterie coloniale formait la 4e brigade mixte d'infanterie coloniale (Général Simonin) elle-même intégrée dans la 2e division d'Infanterie du corps expéditionnaire d'orient (ancienne et future 156e DI).

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La campagne des DardanellesDès le mois de novembre 1914, des hommes politiques alliés ont l'idée d'une opération périphérique contre les Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie, empire ottoman). Parmi eux Lloy George, chancelier de l'Échiquier, Churchill, Premier Lord de l'Amirauté, Kitchener, ministre britannique de la Guerre et Poincaré, président de la République française.Churchill, en particulier, défend l'idée d'un débarquement dans le détroit des Dardanelles, en vue de prendre à revers l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie, de s'emparer d'Istamboul, d'éliminer la Turquie, maillon faible de l'alliance ennemie, et de rouvrir les liaisons maritimes avec les ports russes de la mer Noire.

L'orthographe est variable : Sedd-ul-Bahr, Seddul-Barh, Sebdul-Bahr, etc.L'idée est pertinente mais elle est freinée par les chefs militaires, en particulier le maréchal britannique French et le général Joffre, qui ont la charge du front occidental et refusent qu'on leur retire des troupes. Le vieil amiral Fischer, adjoint de Churchill, refuse également qu'on enlève des navires à la flotte de la mer du Nord.D'hésitation en report, on tergiverse jusqu'en février 1915. À ce moment-là, les Turcs ont déjà commencé de fortifier leurs côtes avec l'appui efficace de conseillers allemands.Le 19 février 1915 enfin, la flotte alliée bombarde les batteries ottomanes à l'entrée des Dardanelles, goulet de 60 kilomètres de long et 1 à 4 kilomètres de large. Ce premier bombardement révèle les difficultés de l'opération.Le 18 mars 1915, les Alliés lancent une opération plus consistante. Les cuirassés de l'amiral français Émile Guépratte et du vice-amiral britannique de Robek attaquent avec fougue les défenses turques.Deux cuirassés britanniques et un français sont coulés, quatre autres navires mis hors de combat. Qu'à cela ne tienne ! Les amiraux sont prêts à reprendre l'offensive dès le lendemain mais ils en sont empêchés par leurs états-majors. Au vu des piètres résultats de l'attaque navale, ceux-ci considèrent que seul un débarquement massif peut emporter la décision. Sa préparation laisse aux Turcs et à leurs alliés allemands le temps de renforcer leurs défenses.

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La bataille de Sedd-ul-Bahr se déroule du 25 avril 1915 au 4 mai 1915 pendant l'expédition des Dardanelles et au cours de laquelle les forces franco-britanniques débarquent dans la péninsule de Gallipoli.

Après l'échec de l'attaque navale contre les forts de l'entrée des Dardanelles, le gouvernement anglais décide, pour marcher sur Constantinople, d'attaquer et de conquérir la péninsule de Gallipoli. Concentrée à Alexandrie, l'armée franco-anglaise commence ses débarquements le 25 avril, à Gaba-Tépé pour les Anzacs, à Sedd-ul-Bahr pour les Anglais.Le Corps Expéditionnaire d'Orient, français, est placé sous le commandement du général Ian Hamilton. La division du général Albert d'Amade devra créer une diversion en débarquant sur la côte d'Asie et ensuite renforcer l'aile droite des anglais à Sedd-ul-Bahr.

Le débarquement a enfin lieu le 25 avril 1915, sur la presqu'île de Gallipoli, à l'extrémité nord-ouest des Dardanelles. Le corps expéditionnaire est bloqué sur la plage par les Turcs massés en nombre sur les hauteurs. Ces troupes sont commandées par le général allemand Liman von Sanders, sous les ordres duquel se distingue le colonel puis général Mustapha KEMAL. Celui-ci arrête une deuxième tentative de débarquement en août.Cette opération inutile aura coûté la vie à 180.000 soldats alliés dont 30.000 français, ainsi qu'à 66.000 Turcs. C'est un revers sérieux pour les Alliés en guerre contre les puissances centrales et leur alliée ottomane. Résignés, les Alliés évacuent leur corps expéditionnaire et le transfèrent à partir d'octobre à Salonique, en Grèce. Les derniers soldats quittent les Dardanelles dans la nuit du 8 au 9 janvier 1916.La Bulgarie étant entrée le 14 octobre en guerre contre la Serbie, aux côtés des Puissances centrales, les troupes des Dardanelles, ramenées à Salonique, vont combattre cette nouvelle ennemie après avoir été amalgamées aux débris de l'armée serbe.Sous la dénomination d'armée d'Orient, ces troupes cosmopolites vont faire du sur-place jusqu'en 1918, dans les pires conditions d'hygiène. Ce n'est que le 15 septembre 1918 qu'elles vont enfin prendre l'offensive sous le commandement du général Franchet d'Esperey. Elles forceront la Bulgarie à l'armistice dès le 29 septembre 1918.Sur le flanc de la presqu'île de Gallipoli, de vastes cimetières militaires, témoignent des souffrances endurées par ces corps expéditionnaires oubliés des Dardanelles et de Salonique.

Le 7e RIC mixteAu printemps de 1915, le ministre de la Guerre décide la création d'un certain nombre de régiments mixtes comprenant un bataillon européen, deux bataillons sénégalais.

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Le 7e mixte est formé par les soins du dépôt du 7e colonial qui fournit le personnel officiers et hommes du bataillon blanc (commandant Martin du Theil). Les bataillons indigènes qui complètent le régiment sont : le 8e bataillon sénégalais (commandant d'Adhémar) qui prendra le n° 2 et le 12° bataillon sénégalais (commandant Meray) qui prendra le n° 3.Le 1er bataillon, rassemblé à Saint-Médard près de Bordeaux les 16 et 17 mars, est mis en route le 20 sur Toulon. Les 2e et 3e bataillons, qui avaient passé l'hiver en Provence à parachever leur instruction, sont également concentrés aux abords de Toulon.Le 7e mixte, placé sous le commandement du lieutenant-colonel Betrix, formait avec le 8e mixte une brigade placée sous les ordres, du général Simonin. Le général Bailloud commandait la division (156e). Le mois d'avril, fut employé à des manœuvres et des exercices de perfectionnement.Le 2 mai, le 1er et le 2e bataillons embarquent à Toulon sur le Lutetia qui se met en route pour les Dardanelles le 3 mai à 4 heures. Le 6 mai, au point du jour, il s'arrête devant Sedd-ul-Bar, après une traversée sans incident. Le débarquement, commencé le 6 au soir, se continue le lendemain matin. Les batteries turques de la côte d'Asie essaient de le gêner, mais leur tir est plutôt inefficace. Les opérations de mise à terre sont d'ailleurs très facilitées par un appontement élevé sur l'épave du River-Clyde, jeté à la côte quelques jours auparavant, par les Anglais, pour servir à cet usage.

Les troupes déjà débarquées avaient dégagé le point de débarquement et leurs tranchées de première ligne se trouvaient au delà de la ligne de Morto.Les Français tenaient la droite des lignes et s'appuyaient au détroit.Aussitôt à terre, le 7e mixte, avec ses deux bataillons (le 3e n'avait pas trouvé place sur le Lutetia), constitue la réserve générale. Dans l'après-midi du 7, nos troupes attaquent, le 7e mixte engagé en première ligne. Après l'attaque, il est ramené à sa position de réserve.Le 8 mai, attaque générale franco-anglaise appuyée par les canons de l'escadre. Le bataillon d'Adhémar (indigènes) est en première ligne, le bataillon Larroque (ex-Martin) en deuxième. A

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la nuit, lorsque l'attaque est arrêtée, nous avons progressé de 800 mètres et les deux bataillons sont en ligne, ils s'arrêtent et se maintiennent sur leurs positions de combat. Les soldats européens, en grande majorité de la classe 15, se sont magnifiquement conduits.

Dans la nuit du 9 au 10, une attaque turque essaie de percer la partie du front tenue par les Sénégalais du commandant d'Adhémar ; un engagement furieux s'ensuit. Les unités du bataillon européen, conduites par le lieutenant-colonel Betrix en personne, interviennent heureusement et ramènent le Turc dans ses tranchées de départ. L'état-major du colonel est décimé, le lieutenant-colonel Betrix est blessé, un grand nombre d'officiers et d'hommes sont atteints.Le chef de bataillon Larroque prend le commandement du régiment et passe son bataillon au capitaine Heysch. Le chef de bataillon d'Adhémar passe au 8e mixte dont tous les officiers supérieurs sont tombés. Le 12 mai, le régiment quitte les tranchées pour s'installer dans un repos relatif à 1.500 mètres en arrière, au pied d'un mouvement de terrain planté d'oliviers et dominant la plaine de Morto. Le même jour, le 3e bataillon, amené de Marseille par le Médie et le Bosphore, débarque à Sedd-ul-Bar et rallie le régiment.Pendant la période de repos, une série de modifications sont apportées à la composition des bataillons qui comprennent tous des unités blanches et noires. Une compagnie de mitrailleuses est formée.Le 20 mai, le commandant Larroque est tué. Le lendemain, le commandant Aymes le remplace à la tête du régiment.Le 11 juin, le commandant Heysch prend à son tour le commandement du régiment, devenu encore une fois disponible par la mort du titulaire.Le 19 juin, le lieutenant-colonel Bordeaux prend le commandement du 7e mixte qui comprend à cette date trois bataillons mixtes ayant chacun deux compagnies d'infanterie coloniale et deux de tirailleurs sénégalais. Les troupes sont dans leurs bivouacs de repos, établis dans la plaine de Morto-Bay.Le 21 juin, attaque des positions-turques par un des régiments de la division (le 176e R. I.) ; le 7e

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mixte, réserve de division, n'est pas engagé. Le 28 juin, le régiment monte en ligne; le 30, il est chargé de l'attaque de l'ouvrage turc dit « Quadrilatère des Z1). Après une bonne préparation d'artillerie, le bataillon Poupard attaque à 6 heures, soutenu à sa droite par deux compagnies du bataillon Heysch ; le bataillon Meray est en réserve. Nos troupes progressent rapidement, malgré une énergique résistance de leurs adversaires, et s'avancent jusqu'aux ouvrages turcs T et W. Vers 8 heures, violente contre-attaque ennemie. Nos troupes, débordées, refluent vers leurs positions de départ.

Le reste du bataillon Heysch et deux compagnies du bataillon Meray rétablissent la situation et malgré de nouvelles contre-attaques, nous sommes, le soir, solidement établis dans le « Quadrilatère des Z » qui nous restera désormais. Les pertes sont importantes de part et d'autre, toute action aux Dardanelles étant menée par des effectifs denses sur des espaces resserrés et en terrain absolument découvert.Pendant toute la journée, violent bombardement de nos lignes arrières par les batteries turques de la côte d'Asie.Vers 17 heures, le général Gouraud est grièvement blessé, en se rendant aux ambulances visiter les blessés qui commencent à y arriver.Le régiment reprend ses emplacements de repos le 4 juillet, le service continue ensuite ainsi, la relève ayant lieu tous les huit jours.Les 12 et 13 juillet, reprise de l'offensive par un régiment de la division, le 2e RI. L'attaque ne peut réussir à déboucher, le régiment réserve de la division n'est pas engagé.Le 16 août, le 7e régiment mixte devient le 57e RIC.Sous ce nouveau nom, il continue la même vie alternée de tranchées et de repos. Le service est particulièrement pénible sur un sol où l'on se bat depuis trois mois, et qui est un véritable charnier. L'extrême vigilance de l'ennemi et le rapprochement des lignes entre lesquelles la distance, aux points les plus éloignés, n'atteint pas 100 mètres, sont cause de pertes journalières élevées.Le commandant Poupard est tué derrière un créneau au commencement d'août.

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Fin novembre, le froid fait souffrir les hommes, dénués de vêtements chauds.Dans les premiers jours de décembre, ordre est donné de faire perdre aux régiments leur caractère mixte. Le 57e colonial passe ses Européens au 54e colonial et reçoit de celui-ci ses éléments sénégalais. Formé à trois bataillons noirs, il est enlevé le 12 décembre et dirigé sur Lemnos. Il y est installé au bivouac dans la plaine de Lychna.Les 21 et 22 décembre, embarquement sur des cargos anglais pour une destination inconnue. Le 22 décembre au soir,, arrivée à bord d'un amiral anglais qui trouve que la plupart des cargos désignés sont défectueux.

Le lendemain et le surlendemain, transbordement des troupes, animaux et matériel sur d'autres bateaux.Le 25 décembre, contre-ordre, retour du régiment à Lychna. A ce moment les bataillons sont commandés :

1° par le commandant Heysch ;2° par le commandant Jacobi ;3° par le commandant Chibas-Lassalle.

Vers le 15 janvier, embarquement du régiment pour Mitylène. Il s'installe au bivouac au sud-est de l'île dans les oliviers de Port-Olivieri.Le 15 mars 1916, le colonel Bordeaux, appelé à d'autres fonctions, passe le commandement au commandant, puis lieutenant-colonel Jacobi.Le régiment quitte Mitylène le 28 avril 1916 et débarque le 7 mai à Toulon, d'où il est dirigé sur Fréjus.

Pendant son séjour d'un an aux Dardanelles, le régiment a subi des pertes très lourdes : - Officiers, 27 tués. 26 blessés. disparus.- Sous-officiers, 45 ; 101 ; 34 ;- Caporaux et soldats, 335 ; 1 530 ; 650 ;- Tirailleurs sénégalais, 163 ; 768 ; 410.

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Un soldat se recueille sur la tombe d'un camarade.

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