Monod (Gabriel), Études critiques sur les sources de l’histoire mérovingienne. 1re partie...

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Monod (Gabriel), Études critiques sur les sources de l’histoire mérovingienne. 1re partie :introduction, Grégoire de Tours, Marius d’Avenches, 1872.http://www.archive.org/details/bibliothquedel08ecol

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    http://www.archive.org/details/bibliothquedel08ecol

  • BIBLIOTHQUEDE L'ECOLE

    DES HAUTES TUDESPUBLIEE SOUS LES AUSPICES

    DU MINISTERE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

    SCIENCES PHILOLOGIQUES ET HISTORIQUES

    HUITIME FASCICULETUDES CRITIQUES SUR LES SOURCES DE L'HISTOIRE MROVINGIENNE,

    PAR M. GABRIEL MONOD, DIRECTEUR ADJOINT A L'COLE DES HAUTES TUDESET PAR LES MEMBRES DE LA CONFRENCE D'HISTOIRE.

    PARIS

    LIBRAIRIE A. FRANCKF. YIEYVEG, PROPRITAIRE

    RUE RICHELIEU, G7

    1872

  • TUDES CRITIQUESSUR LES SOURCES

    DE

    L'HISTOIRE MROVINGIENNE

    M. Gabriel MONODDIRECTEUR ADJOINT A l'COLE DES HAUTES ETUDES

    ET PAR LES MEMBRES DE LA CONFRENCE D'HISTOIRE

    PREMIERE PARTIE

    INTRODUCTION GRGOIRE DE TOURSMARIUS D'AVENCHES

    par M. Gabriel MONOD

    PARIS

    LIBRAIRIE A. FRANCKF. VIEWEG, PROPRITAIRE

    RUE RICHELIEU, 67

    1872

  • /$M

  • TABLE DES MATIRES.

    Avant-Propos, P. 1.

    Introduction. Caractre gnral de l'historiographie l'poque mro-vingienne, p. 3-4; Vies de Saints., p. 5; Histoires ecclsiastiques.p. 5-6; Chroniques, p. 7-10; Le chronographe de 354, p. 11-12; Documents juridiques, lettres, posies, p. 13-15; Principes g-nraux et utilit de l'histoire critique des sources, p. 16-20.

    GRGOIRE DE TOURS. Importance de YHistoria Francorum, p. 21-22; Travaux sur Grgoire de Tours, p. 23-24.

    Chapitre I. Vie de Grgoire de Tours. Sources de sa biographie, p. 25; sa famille, p. 26-27; sa naissance, p. 27-28; son ducation,

    p. 28-29; son lvation l'piscopat de Tours, p. 30-31; sonrle sous Chilpric, p. 32-34; son rle sous Ghildebert, p. 34-36; son prtendu voyage Rome, p. 37; sa mort, p. 38.

    Chapitre II. Ecrits de Grgoire de Tours. Manuscrits et ditions del'Histoire des Franks. uvres de Grgoire, p. 39-41 ; compositionde ses uvres hagiographiques, p. 41-44; composition de l'Histoiredes Franks, p. 45-50; manuscrits de l'Histoire des Franks, p. 50-54; ditions de l'Histoire des Franks, p. 55-57.

    Chapitre IH. De l'Authenticit du Texte de l'Histoire des Franks.Opinions des historiens postrieurs sur l'Histoire des Franks, p. 57-58 ; objections de Lecointe contre son authenticit, p. 59 ; rponsesdeRuinart, p. 60; arguments nouveaux contre l'opinion de Lecointe,p. 61-63; rfutation des objections de M. Kries contre l'authenti-cit du 31 e ch. du Livre X, p. 64-72.

  • Chapitre IV. Sources de l'Histoibe des Franks. Sources crites du pre-mier livre, p. 73-78; sources crites des livres suivants, p. 79-89; sources potiques et lgendaires, p. 90-101; renseignementsoraux, p. 101-104; Grgoire tmoin oculaire, p. 104-108.

    Chapitre V. Caractre de Grgoire. But de son Ouvrage. Autoritde son tmoignage. Instruction de Grgoire, p. 109-114; son intel-ligence, p. 114-120; sa foi, p. 121; but de son ouvrai, p. 121-122; son caractre passionn, p. 123; influence de son poquesur son caractre, p. 124-125; partialit il'' ses jugements, p. 126-133; sincrit de ses rcits, p. 134-135; son courage, p. 136; sa bont, p. 137; sa svrit morale, p. 138-141; portraitrsum de Grgoire, p. 142; ses moyens d'information, p. 143: son autorit, conclusion, p. 1 14-1 16.

    MARIUS D AVEXCHES, p. 147-148.Chapitre I. Vie de Marius, p. 149-153.

    Chapitre II. Chronique de Marius. Son contenu, p. 154-156; sessources, p. 1"7-Ki'2: sa chronologie, p. I6-163.

  • ADDITIONS ET RECTIFICATIONS.

    Nous n'avons pas employ pour les noms Franks les formes primitives.Nous l'eussions fait si nous avions crit un livre d'histoire. Dans un livrede critique des sources, nous avons prfr nous en tenir aux formesreues et ne point soulever la question dlicate de la forme vraie desnoms barbares.

    P. 7, 1. 30, au lieu de IIavTaoto).ov; lisez : Ifev-rSioXov.

    P. 7, 1. 32, au lieu de : de sa Chronographia; lisez : dans sa.

    P. 12, n. 2, lisez : p. 157.

    P. 15, 1. 40, au lieu de Zeitschr. fur Gesckischtsic. ; lisez : furGeschichtsic.

    P. 23, 1. 33, au lieu de: Ampre, Hist. de la litt. fr., etc., lisez :Ampre, Hist. littraire de la France avant Charlemagne; 2ed. Paris, 1870. T. H, p. 256-290.

    P. 29, 1. 35, au lieu de V.PP. V. 12; lisez : II, 12.P. 35, 1. 11, 17, 31; p. 37, 1. 7, au lieu de : Reims; lisez Rheims.P. 4?, 1. 3G. On pourrait admettre aussi pour date de la mort de

    Gontran 594 (28 mars). Voy. notre tude sur Marius, p. 151et 153. Le raisonnement de M. Giesebrecht n'en conservepas moins sa valeur. C'est entre le 28 mars 594 et le 17 no-vembre

    ,date de sa mort

    ,

    que Grgoire aurait fait la dernirervision de ses uvres.

    P. 51, 1. 36, au lieu de : Naxrianus ; lisez : Nazarianus.P. 55, 1. 30 etn. 2. L'dition est bien rellement de 1512, comme

    l'ont fait remarquer Struve et M. Bordier. On ne peutadmettre un intervalle de dix ans entre le permis d'imprimerdonn pour trois ans et l'dition. Il y aura eu un X ajoutpar erreur , MDXXII pour MDXII.

    P. 64, 1. 21, au lieu de : 1; lisez : I. 1.

    P. 64, 1. 39, au lieu de : M. Giesebreckt; lisez : M. Giesebrecht.P. 65, 1. 37, au lieu de : II ; lisez : II. 1.P. 65, 1. 25, au lieu de xie s. ; lisez : ixe s.P. 67, 1. 8, au lieu de miracularum ; lisez: miraculorum.P. 71, 1. 3, au lieu de : accorder; lisez: concorder.

  • VI II

    P. 71, I. 39, au lieu de : p. 19; lisez: \>. i9.

    P. 112, 1. 43, au lieu de : jour de Thr; lisez : jour de Tyr ou de Zio.

    P. 113, 1. 11, au lieu de : sa Vie; lisez : ses Miracles.

    P. 117, 1. 13, au lieu de : il parle de Thodoric, roi d'Italie en 822 :lisez : il parle, en 522, de Thodoric, roi d'Italie.

    P. 1 17, 1. 17, au lieu de : Jornands; lisez : Jordanes.

    P. 125, 1. 39, au lieu de : Clotaire; lisez: Clothaire.

    P. 127, 1. 4, au lieu de : Roccolon; lisez : Roccolen.

    P. 134, 1. 6 et 7, effacez : au commencement du sicle suivant ; et aulieu de : mettra; lisez : avait mis. La collection de canonsfaite par Denys le Petit dans la premire moiti du vie -ne devint d'un usa-re gnral en Gaule qu'au commencementdu vu". Cf. p. 9, n. 2.

    P. 148, 1. 8, au lieu de : t. XXII; lisez : t. LXXII. Cette indicationdoit tre range parmi les ditions de Marins, non parmi lesouvrages consulter. Ajoutez aussi l'dit. de Roncalli, II,399-418.

    P. 148, 1. 10, au lieu de Notice sur les plus anciens, etc.; lisez : sur leplus ancien, etc.

    P. 100, 1. 1, au lieu de : Idacius; lisez : Idatius.

  • AVANT-PROPOS.

    Le volume que nous offrons au public contient sous une forme

    abrge les travaux de la confrence d'Histoire du moyen-ge l'cole pratique des Hautes tudes pendant l'anne 1869. Laconfrence avait pour objet l'tude critique des sources de l'His-

    toire de France l'poque mrovingienne. Tous les lves pre-

    naient part ce travail. Chacun se chargeait d'en tudier unpoint spcial, et rendait compte dans nos runions hebdoma-daires du rsultat de ses recherches, qui tait aussitt discut et

    comment par le rptiteur et par les autres membres de la con-frence. Les exercices de ce genre ne font point partie du pro-gramme de l'cole normale ni de celui de l'cole des chartes. Lasection d'Histoire de l'cole pratique peut, en les inaugurant,

    apporter un concours utile nos tudes d'enseignement sup-

    rieur.

    Il a sembl qu'il pourrait tre de quelque utilit de runir ces

    travaux en un court volume. Les tudes critiques sur les sources

    de notre Histoire se trouvent chez nous disperses en tte des

    ditions des divers auteurs ou dans de grands recueils o il n'est

    pas toujours ais de les rechercher : l'Histoire littraire de laFrance, l'Histoire et les Mmoires de l'Acadmie des Inscriptions,

    la Bibliothque de l'cole des chartes. L'ouvrage de M. Watten-HIST. MROVINGIENNE. \

  • bach sur les sources de l'Histoire ] d'Allemagne est le seul qui

    nous offre une tude suivie des sources mrovingiennes et carolin-

    giennes, et pour les temps postrieurs de notre histoire , nous ne

    possdons aucun ouvrage analogue. Nous croyons rendre service

    aux jeunes gens de notre pays qui s'occupent d'histoire en essayantun travail du mme genre pour les temps mrovingiens. Nousn'avons pas la prtention d'apporter des lumires nouvelles sur

    le sujet, et nous n'avons pu en un semestre (janvier-juin), nous

    occuper que des textes les plus importants 2 . Nous laissons de ct

    tous les documents antrieurs l'tablissement des Franks en

    Gaule, la plupart des Vies de Saints, les pomes, les lois, les di-

    plmes, les lettres. Grgoire de Tours, Marius, la chronique

    dite de Frdgaire et ses continuateurs, les Gesta regum Fran-corum, les Gesta Dagoberti rgis, les dbuts des premiresannales et un petit nombre de Vies de Saints, tels ont t les divers

    textes tudis par la confrence. Nous serons satisfaits si nous

    avons pu donner une ide prcise de chaque crit, montrer les

    liens qui unissent entre eux les divers documents, indiquer les

    questions critiques qu'ils font natre, en lucider quelques dtails,

    et faciliter ainsi les recherches de ceux qui s'occupent de notre

    histoire.

    Les lves de l'cole des Hautes Etudes qui ont le plus parti-culirement contribu aux travaux runis dans le prsent volume

    sont MM. Courajod, de Coutouly, Fagniez, Longnon et Roy. Lerptiteur s'est charg de rsumer et de mettre en uvre letravail de la confrence.

    G. Monod.

    1. Deutschlands GeschichisqueUenini Mittelalter bis zur Mitir ilesdreizehntenJakrhimderis, v. W. Wattenbach. t ,c d. 1858. 2* d. augmente 1866.liorlin. in-s.

    2. Kous indiquons aussi exactement que possible les auteurs que nousavons consults, et la provenance des opinions que nous avons adop-tes. Mais voulant faim un livre facile consulter, nous n'avons pasvoulu le surcharger de notes, et nous n'avons pas cit pour chaquepoint les opinions de tous nos devanciers. Nous avertissons une foispour toutes que notre travail est on grande partie un rsum de tra-vaux antrieurs.

  • INTRODUCTION.

    Avant d'aborder l'tude des sources de l'histoire mrovin-gienne, il importe de nous rendre compte d'une manire gnralede la nature des documents fournis l'historien par les premierstemps du moyen-ge ; il importe de savoir o les crivains decette poque puisaient leurs inspirations, o ils choisissaient leursmodles, quel but ils se proposaient. Grce aux souvenirs tou-jours vivants de l'unit romaine, grce l'unit nouvelle et plusvaste que le christianisme avait fait triompher, grce la languelatine seule employe dans les Ecoles et dans l'Eglise, la littra-ture du moyen-ge forme dans son ensemble un tout parfaitementorganique, et la littrature de chaque pays n'est qu'un rameaudu tronc commun. Prise isolment, chacune de ces littraturesserait difficile comprendre et expliquer ; il faut tudier depuisl'origine leur formation successive et leurs rapports rciproques.Cela est particulirement vrai pour la littrature historique

    ;

    l'uniformit d'ducation et d'ides, la raret des livres, le manquede loisirs, la barbarie croissante de la langue obligent ceux quiont encore le courage d'crire travailler peu prs sur le mmeplan, prendre deux ou trois modles qu'ils se contentent decopier, d'imiter et de continuer. Aussi peut-on marquer commeune filiation entre les diverses uvres et retrouver souvent tousles documents o les auteurs ont puis. C'est par la maniredont ils ont us de ces documents, dont ils ont contribu pourainsi dire au travail commun, que nous pouvons le mieux jugerde la porte de leur esprit et de la valeur de leur tmoignage.

  • La dcadence de la puissance romaine, l'tablissement duchristianisme, l'introduction progressive des barbares dans l'em-pire amenrent au ve sicle la chute des grandes coles laquesqui avaient fait la gloire de la Gaule, celles de Bordeaux, deVienne, d'Arles, de Lyon, d'Autun, de Trves l . Elles cdent laplace des coles moins brillantes diriges par les vques oupar les abbs des nouveaux monastres ; telles les coles de Poi-tiers, de Clermont, d'Arles, de Vienne, de Lrins. Dans ces tempsmalheureux et troubls, c'est dans l'glise que se rfugie ce quireste encore de got pour l'tude et pour les travaux de l'esprit.La littrature devient tout entire non-seulement chrtienne, maisecclsiastique. Les membres du clerg seuls ont l'instruction, letemps, l'argent ncessaire pour consigner par crit leurs pen-ses sur le parchemin, devenu rare; seuls ils peuvent trouverdans le sein de leurs glises et de leurs monastres, des audi-teurs et des lecteurs. Aussi tandis que les homlies, les instruc-tions pastorales, les commentaires sur les livres saints rempla-cent les exercices de rhtorique et de grammaire des colesprofanes, tandis que la posie aprs avoir conserv jusqu'Ausone 2 (309. f vers 394) un parfum d'antiquit et de paga-nisme chante avec Prudence 3 (-- v. 410) et Sedulius 4 (ve s.)les mystres del foi et les vertus des Saints, l'histoire subitune transformation analogue. Bien qu'on lise encore dans lescoles ecclsiastiques quelques-uns des historiens antiques, bienqu'on y commente parfois le code Thodosien, le monde et l'his-toire sont envisags sous un aspect tout nouveau. Au lieu des int-rts politiques et profanes dont se nourrissait l'esprit des histo-riens paens jusqu' Eutrope 5 (2 moiti du iv s.), les intrts dela religion et de l'Eglise paraissent seuls dignes d'occuper l'medes chrtiens. Ce n'est plus la vie des grands personnages poli-tiques qu'on prend tche de raconter et de clbrer, c'est lavie et la mort des Saints. Les passions des martyrs, voil lesbatailles et les triomphes o se plaisent les historiens nouveaux.Le premier monument de ce genre que nous possdions pour la

    1. V. Rprnharriy. Qrwndriss der roemischen LUteratur. I Abth. Braun-BChweig. 1855, p. 325-326. Monnard, de Gollorum oratorio inijcnio, rheto-riims ci rhetoricae, Romanonm tempore, scholis. Bonn, isis. Ampre, Wst.UU.de la France. Paris, 183'.). T. 1, II.

    2 Ed. princops. Venise ! 172, in-f*.3. Ed. Th. Obbarius. Tubingen, 1845.i. Ed. Arevalo. Rome, 1794, in-4.5. .idropc. VA. 1!. Dietsch. Leipsig. Teubnor, 1868, n-12.

  • Gaule est la lettre crite par les Eglises de Vienne et de Lyonaux Eglises d'Asie sur le martyre de saint Pothin et de ses47 compagnons l (177 ap. J.-C). La plus ancienne vie de saintGallo-Romain qui nous ait t conserve est celle de saintMartin de Tours par son disciple et ami Sulpice Svre 2 (findu iv s.). Au v et au vie s. ces vies de Saints deviennent nom-breuses et nous y trouvons d'abondants renseignements histori-ques pour une poque o l'Eglise, seule puissance reste deboutparmi les ruines du monde romain, se trouve mle tous lesvnements politiques. C'est ainsi par exemple que la vie de SaintSvetin, l'aptre du Haut-Danube (f 482), par l'abb Engip-pius, son lve, qui vivait la fin du ve et au commencementdu vie s. est un des documents les plus curieux pour l'histoiredu sud de la Germanie l'poque de l'invasion des barbares 3 .Quand plus tard les vques ou les moines deviendront auprsdes chefs mrovingiens des conseillers, des ministres, ou lorsque,opposant puissance puissance, ils entreront en lutte avec eux,lorsque la force militaire des Franks sera mise au service de lapropagande chrtienne, les vies de Saints deviendront une dessources les plus importantes de notre histoire 4 .

    Mais le plus souvent les vnements historiques n'avaientqu'une valeur bien secondaire aux yeux des auteurs des vies deSaints. Leur but unique tait l'dification des fidles et la glori-

    1. Eusbe, Hisi. Eccl. V, 1-3. Ed. Heinicben. Leipsig, 1868. V. dansIiuinart. Acta Martyrum sincera, tous les documents de ce genre. 1C89,in- 4".

    2. Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum : Sulpicii Severi opra exrec. C. Halmii. Vindob. 1866. Acta SS. Bolland. 2 juin. I. p. 162-168.

    3. Ed. Ant. Kerschbaumer. Schaffouse, 1862, in-16- et A. SS. B. 6 janv.I. p. 484-497.

    4. Les ditions de Vies de Saints dans Mabillon, Acta Sanctorum OrdinisS. Benedicti collcgit D. Luc d'Achery, ediderunt J. Mabillon et D. Ruinart,Saeculum. I-VI. Lut. Paris., 1668-1701, 9 v. in-fol., valent gnralementmieux pour le texte que celles des Bollandistes, Acta SS. quotquot lotoorbe coluntur collegit... Job. Bollandus, op. et sivd. coniulervnt God. Hen-scben et Dan. Papebrocb. Antverp. BruxellisetTongerloe, 1613-1791; Bru-xellis, 1845-1861. 57 v. in-fu ; mais celles-ci ont l'avantage d'tre accom-pagnes de dissertations critiques instructives bien que d'une valeuringale. Le recueil des Bollandistes comprend d'ailleurs toutes les viesde Saints; Mabillon ne reproduit que celles des Saints qui, de prs oude loin, se rattacbent l'ordre de saint Benot- Le recueil des Bollan-distes s'arrte la fin d'octobre. Pour les mois de novembre et dcem-bre nous avons Surius (f 1578, Cologne), De Probads SS. Historiis. Colon.Agripp. 1570-1575, 6 v. in-f; 5e d. Col. 1618. 12 v. in-f.

  • G

    fication des miracles pieux. Aussi les faits trangers la viereligieuse sont-ils souvent entirement passs sous silence ou

    rapports avec la plus grande inexactitude. Si quelques crivainsecclsiastiques s'lvent a un point de vue plus gnral et cher-

    chent emhrasser une priode tendue de l'histoire, ou mmel'histoire universelle dans son ensemble, ils sont toujours gui-ds nanmoins par des proccupations religieuses. C'est moinsl'histoire des peuples que l'on crit que l'histoire de la Religion.

    Quelle que pt tre l'troitesse et la fausset de ce point de vue,

    surtout tel que le conurent les premiers historiens chrtiens, il

    n'en avait pas moins sa grandeur; il avait mme une vritablevaleur philosophique. Au lieu de compilations sans ordre commecelle de Diodore de Sicile o tous les peuples sont passs en revuesans qu'aucun lien rel les rattache les uns aux autres, nous

    trouvons ici la premire conception, encore mal dfinie, il estvrai, d'une histoire universelle et d'une philosophie de l'histoire.

    Toute l'humanit est considre dans son ensemble ; son dveloppe-ment a une raison d'tre, un centre, une explication: la Rdemp-tion. Avant J. C. tous les vnements tendent ce but suprme;aprs lui tous en dcoulent avec cette logique entremle decoups de surprise qui est le caractre propre de l'action divine.Un fil conducteur permettait dsormais de se retrouver dansle ddale de l'histoire. Cette thorie n'expliquait qu'une bienpetite partie des faits, mais elle suffisait clairer l'horizon bornque pouvaient embrasser les hommes du moyen-ge.

    Cette conception religieuse inspire mme les crivains quis'intressent encore aux vnements profanes, les auteursd'annales et de chroniques, mme ceux qui ne racontent quel'histoire d'un seul peuple ou d'une seule poque. Appartenanttous au clerg, ils donnent tous une importance exception-nelle aux vnements ecclsiastiques. L'Eglise d'ailleurs dominetoute la socit de cette poque par sa forte organisation,comme par son ascendant moral. Aussi Bde le vnrable intitule-til son histoire des Anglo-Saxons: Histoire ecclsiastique;Grgoire de Tours, et plus tard Frdgaire, Rginon, Adon deVienne, et une foule d'autres chroniqueurs commencent le rcitdes vnements de leur temps par un rsum de l'histoire dumonde depuis sa cration, ou du moins depuis la venue du( '.lirist. Eusbe et Paul Orose furentles matres et les guides danscette nouvelle manire de comprendre et d'crire l'histoire. C'estdans le bizarre ouvrage de Paul Orose

    (-J-v. 420) que les hommes

    du moyen-ge puisrent presque toutes leurs connaissances

  • 7

    sur l'histoire de l'antiquit. Ses Historiarum libri Vlladversuspaganos 1 ont pour but de prouver que le monde a toujours taccabl des plus grandes calamits, et que l'on ne peut par cons-quent rendre le christianisme responsable des maux qui ont

    accompagn son triomphe. C'est dans l'intrt de cette trangeapologie qu'il passe en revue tous les vnements de l'histoire aumilieu desquels la Foi chrtienne et l'Eglise apparaissent commel'unique espoir de salut et de repos. Eusbe, vque de Csare(f 340), bien suprieur Paul Orose par l'tendue et la portede son esprit, exera une influence plus grande encore. Il fut levrai crateur de YHistoire ecclsiastique 2 . L'ouvrage qu'il nousa laiss sous ce titre prend le Christ pour point de dpart, mais ilrsume rapidement les vnements qui avaient prpar sa venue,et montre ainsi l'unit des desseins de Dieu manifeste dans l'his-toire. Le livre d'Eusbe fut l'autorit universellement accepteaumoyen-ge pour l'histoire des origines du christianisme, Tan-dis qu'en Orient les historiens de l'Histoire Tripartite se font sescontinuateurs, en Gaule Sulpice Svre l'imite dans sa Chro-nica sacra (ab 0. C. -400), mais en donnant un dveloppementcomplet de la prparation comme des consquences de la venuedu Christ. C'est dans ces auteurs qu'il faut chercher les. rensei-gnements les plus authentiques sur l'tablissement du christia-nisme en Occident.Eusbe exera une influence plus considrable encore sur les com-

    positions historiques du moyen-ge par sa chronique dite IlavTsox^r,laxopia ou Xpcvix

  • 8

    L'ouvrage d'Eusbe eut une plus heureuse fortune 1 . Sa chro-nique, crite l'imitation de Jules Africain, est divise en deuxlivres. Dans le premier : XpovoYpa^Ca, par la comparaison desdiverses opinions des historiens anciens, il cherche tablir la

    chronologie exacte de chaque peuple pris sparment ; dans lesecond : Xpovw y.zvwv, il prsente en tableaux synoptiques laconcordance des diverses chronologies (chronologie biblique,annes gyptiennes et assyriennes, olympiades, ans de Rome),et les listes des rois des divers pays. Les vnements les plusimportants sont brivement indiqus en marge. C'est dans cestableaux chronologiques contenant une sche numration denoms propres et quelques faits parcimonieusement choisis quel'histoire nous apparat pour la premire fois considre dansson ensemble et groupe autour d'un centre unique. Car l'idereligieuse apparat vivante sous cette froide chronologie. LaBible devient la rgle normale pour la supputation des annes.Les annes coules depuis Abraham, telles qu'on peut les cal-culer d'aprs l'Ancien Testament, tiennent le premier rang dans'la liste ; l'histoire juive est le point de dpart de l'histoire de tous lespeuples, et les ans de Rome, les annes des empereurs , l'remme de Dioclctien, sont subordonns la chronologie biblique 2 .Les vnements ecclsiastiques, la mort des martyrs ou la numi-

    de Chronographe de 354 et l'identifie avec le Liber generotionum de Fr-dgaire (v. plus Join, p. 12, n. 1).

    1. 11 eut pourtant subir bien des vicissitudes. Le texte grec se per-dit d'assez bonne beure, et nous n'en connaissons que les fragmentsdonns par Georges Le Syncelle. L'Occident ne connut que le secondlivre traduit et continu par saint Jrme. Mais en Orient la chroniquecomplte, qui jouissait d'une grande autorit, fut traduite en armnien.Cette traduction, longtemps inconnue, fut apporte en 1787 de Jrusalem Constantinople et fut publie en 1818 Venise, par I. B. Aucber,moine mchithariste, et Milan la mme anne par Zohrab et Mai. Voy.la rdition dans Mai', Scriptorvm veterum nova colleciio. T. VIII. Rome,1833.

    2. Opportunum duxi, immo perutile ac necessarium, breviter haecomnia disponere; praetereaque sanctis Hebraeorum litteris contentasbebracas antiquitates atque chronologiam sermoni meo adjungere : sci-licet ut possimus apprime intelligere, quanto tempore ante salutarcmDei manifestationem Moses exstiterit, nec non qui post eum Hebraeo-rum prophetae divino Bpiritu al'flati vatieinati sunt; atque ut facile cognos-camus, Graecorum vel barborum insignes bomines, quo tempore OCCur-rerint celebribus illis veteribus apud Jlobraoos. prophetis videlicet,iisque singulis qui eidem genti cum imperio profuerunt. Eusbe :Ckronographia: Prface.

  • nation des vques sont nots avec autant de soin que l'avne-ment ou la mort des empereurs. Au vnf s. on fera un pas deplus ; l'humanit rgnre comptera les annes partir de l'In-carnation du Christ, et la chronologie moderne sera fonde.L'intrt que trouvaient les chrtiens marquer le rapport et

    la subordination de l'histoire profane l'histoire sacre, lancessit de dterminer exactement l'anne de la naissance etcelle de la passion du Girist, enfin le dsir de calculer l'poquede l'accomplissement des prophties et de la venue du rgne deDieu, donnaient une grande importance ces travaux de chro-nologie. Aussi pouvons-nous dire sans exagration que si nousdevons au christianisme la premire conception philosophiquede l'histoire, nous lui devons aussi le dveloppement de lascience chronologique *. Il remplace les chronologies particu-

    lires des divers peuples par une chronologie vraiment catholiquefaite pour l'humanit entire, et il s'efforce de ramener toutesles autres supputations une rgle universelle et unique 2 .

    Le Xpovut y,avwv ne conduisait que jusqu'en 329. SaintJrme en fit une traduction latine et la continua jusqu'en 378.Cette traduction, universellement rpandue en Occident, y devintavec Orose la base des connaissances et des travaux historiques.Partout on la copie, et aux Ve et vie s., ceux qui veulent conser-

    1. Sans doute les historiens anciens s'taient aussi proccups de chro-nologie, et Eusbe nous cite tous ceux qu'il a consults sur ce sujet:Brose, Alexandre Polyhistor,Abydenus,Manthon, Diodore, Castor, Gpha-lion, Josphe, Porphyre, Cassius Longinus, Phlgon, Thallus; mais cesauteurs n'avaient donn que des indications sur la chronologie spare dechaque peuple, tandis qu'Eusbe le premier tablit la concordance detoutes les chronologies, en les rapportant celle que nous donne laBible des annes coules depuis la Cration et depuis l'entre d'Abra-ham en Canaan. Sans doute Eusbe suppute encore d'aprs les annesdes empereurs et d'aprs les consuls; ses continuateurs indiqueront lesannes d'aprs la mthode romaine. Mais la grande unit romaine tou-jours vivante est nanmoins ramene une unit plus vaste, celle dumonde, et les continuateurs d'Eusbe auront toujours soin de s'arrterde temps autre dans leurs chroniques pour tablir le rapport chrono-logique des vnements profanes avec les grands faits de l'histoire reli-gieuse, surtout avec l'incarnation et la passion du Christ.

    2. La ncessit d'avoir dans tous les monastres et dans toutes lesglises l'indication des ftes mobiles pour chaque anne et de suivre cet gard une rgle unique, surtout pour la grande fte de Pques,donnait un puissant intrt aux recherches de ce genre. Ce fut Diony-sius Exiguus (f v. 556) qui le premier compta les annes partir de l'In-carnation. Ce systme ne devint d'un usage gnral qu'au vni" s.

  • iO

    ver par crit la mmoire des vnements importants dont ils ontt les tmoins se font les continuateurs de saint Jrme. Touteune famille de chroniques sort ainsi du modle donn parEusbe. A saint Jrme se rattachent la chronique du ComteMarcellin, chancelier de Justinien (f 534), qui s'tend de 379 534, celle d'Iclatius, vque espagnol (de Lemica? Lemicen-sis), qui va de 379 468, et qui s'occupe surtout des Wisigothset du midi de la Gaule, enfin la chronique de Prosper, dontnous possdons des versions diverses, mais dont le fonds est lemme. On en distingue ordinairement deux principales : l'uneest connue sous le nom de Chronicon consulare, parce qu'elledsigne les annes par les noms de consuls; on l'attribue unProsper Aquitanicus (saint Prosper, vque de Riez?), ellereproduit saint Jrme jusqu'en 379 et continue jusqu'en 455 ;l'autre est dite Chronicon impriale, parce qu'elle indique aussiles annes du rgne des empereurs, ou Pithoeanum, du nom dupremier diteur ; elle aurait pour auteur un Prosper Tiro ' ;elle s'tend de 379 455. Ces chroniques sont prcieuses pourles vnements qui se passent dans la Gaule mridionale pendantla premire moiti du ve s. A la chronique de Prosper se ratta-chent la chronique de Marins, vque d'Avenche 2

    ,qui com-

    prend la priode de 445 581, et celle de Victor, vque deTunis, qui s'tend de 444 566. Jean, abb de Biclar, au pieddes Pyrnes, continue Victor de 566 590, et Cassiodore,Isidore de Sville et Bde'6

    ,reprennent cette srie de chroni-

    1. Cette distinction de noms semble arbitraire, car certains manus-crits attribuent les deux chroniques Tiro Prosper Aquitanicus. Jusqu'icile meilleur recueil de toutes ces chroniques est celui de Roncalli: Yetus-tiora latinorum scriptorum chronica. 2 parties. Padoue, 1787. Voyezsur ce sujet : Wattenbach, op. cit. p. 40-46. Baehr, Gesch. dor ramis-chen Litteralur. Suppl. Band, p. 98-102. Waitz, Xachrichten der Gtt.Gesellscha/1 der Wissenschaften. 1863, p. 61-114. Bist. lilt. de la France,p. Il, 325 sq., 389 sq. Les ditions de la chronique impriale ont tfaites sur des manuscrits qui ne contenaient pas la transcription de lachronique de saint Jrme et ne donnaient pas les noms des consuls.(V. Roncalli, II.). Mais le manuscrit du Bristish Musum (n 16971) con-tient la chronique de Prosper Tiro avec les fastes consulaires et lesannes de rgne des empereurs. C'est cette dernire chronique qu'estjointe celle de Marius qui dsigne les annes par les noms des consuls.(Je dois cette indication l'obligeance de M. Arndt. N. du R.) L'ditionde Prosper que promettent les Momunenta Germaniae claireira suisdoute les obscures questions que soulve cette double chronique.

    2. Nous lui consacrons une tude spciale.3. La Chronique de Bde, De scx mundi aetatibus ab. 0. C. 726, ne

  • H ques depuis la cration, et poursuivent leur uvre, le premierjusqu'en 519, le second jusqu'en 627, et le dernier jusqu'en 726.D'autres se feront leur tour les continuateurs de Bde ou d'Isidore.

    Le trait caractristique de ces divers crits, c'est la persistancedu souvenir et de l'influence de l'empire romain ct de l'in-fluence nouvelle du christianisme. L'Eglise devenue triom-phante par Rome regardait ses destines comme troitementunies celles de l'Empire. Mme en dehors de l'Italie, etlorsque la puissance impriale est dchue, les clercs continuentde croire la perptuit de l'Empire. Ils sont presque toussortis en effet des races depuis longtemps unies au monderomain, et que les barbares viennent de conqurir. Jusqu'auvine s. ils conservent comme un honneur le nom de Romains l .Aussi les chroniqueurs ecclsiastiques jusqu' Marius (fin duvie s.), comptent-ils les annes d'aprs la dure du rgne desempereurs ou d'aprs les noms des consuls, et prtent-ils plusd'attention ce qui se passe Rome ou mme en Orient, qu'auxaffaires du pays o ils vivent. Ce mlange de la traditionromaine avec les nouveaux intrts religieux se retrouvera danspresque tous les crits du moyen-ge. Nous en avons un exempleancien et des plus curieux dans un recueil qui eut une influenceconsidrable et dont une copie se trouve la Bibliothque deVienne 2 . On le nomme le Chronographe de 354. C'est uncalendrier officiel de Rome pour l'anne 354. Il contient :

    1. Un calendrier purement civil et romain, avec l'indicationdes jeux publics, des jours du snat, etc.

    2. Des annales depuis Csar jusqu' 539. (V. Roncalli, IX.)3. Les fastes consulaires jusqu' 354 ; dits Anonynius Nori-

    sianus. (V. Eckhard p. 25-38.) 3

    4. Des tables de Pques calcules depuis 312 pour cent ans.(V. Eckhard p. 38-40.)

    5. La liste des prfets de la ville de 258-354. (Y. Eckhardcol. 17-22.)

    se trouve pas dans Roncalli. V. Joli. Smith, Bcdae opra histonca collecta.Cambridge, 1722, in-fol. p. 1-34. Le sixime ge a t rdit dans lesMonumenta historica Britannica, 1848. I, p. 83-102.

    1. V. Frdgaire, passim. Il distingue les Burgundiones, Franci, Romani.2. N 3416. Cod. cart. Les n us 1, 9 et 10 sont publis dans le remarquable

    ouvrage de M. Mommsen, Ueberden Chronogroph des Jahres 3.3i. Leipsig,1850. Pallmann, Gesch. der Voelkerwandenmg, 11, 196-201 et 224-248."Wattenbach, p. 43.

    3. Eccard, Corpus Historicorum mcdii aevi. Leipsig, 1723.

  • 4 2

    6. L'indication de la mort des vques romains et des mar-tyrs. (V. Eckhard col. 23-24.)

    7. Le catalogue des papes jusqu' Liberius, 352-369. (V.Eckhard col. 25-28.)

    8. Des annales depuis Csar jusqu' 403 et de 455 496.(V. Roncalli Vn.)

    9. Une chronique universelle l (dite Chronicon Horosii.)10. Une chronique de la ville de R.ome jusqu'en 334. (V. Ron-

    calli XI.)11. La description des rgions de Rome. (Ed. Preller. Ina

    1846.)Des copies compltes ou partielles de ce calendrier se retrou-

    vent dans divers endroits o elles servaient inscrire les vne-ments importants. On y faisait des additions successives, et nousvoyons des crits d'une certaine valeur historique sortir de cerecueil primitif. Le manuscrit de Vienne contient des indicationsannalistiques (n 8) crites Ravenne et connues sous le nomd'Anonyme de Cuspinien (p. 496). Elles ont servi de source Cassiodore, au Chroniqueur Anonyme dit de Valois, l'vo-que Maximien 2 . Les listes d'vques de Rome ont t le premiernoyau des biographies pontificales dites'Anastase le Biblioth-caire. Les mentions de morts d'vques et de martyrs ont tdveloppes et ont form les martyrologes si communs au moyen-ge (Martyr. Hieronymi, Gellonense } Bedae , Usuardi

    ,

    Notkeri 3 ). Enfin c'est sur les tables de Pques dposes dansles monastres que furent crites plus tard les premiresannales.La chronique de saint Jrme et ces courtes indications de

    calendrier, voil le point de dpart de presque tous les critshistoriques du moyen-ge. Mme les auteurs de vritables his-toires, comme Grgoire de Tours ou Frdgaire, s'y rattachentet s'en font les copistes ou les continuateurs. Lorsque la pre-mire renaissance des lettres latines au vin et au ix s. ranimeral'tude des historiens anciens, on recopiera encore et on con-tinuera les ouvrages de saint Jrme, d'Isidore, de Grgoire.L'esprit timide et routinier des clercs restera attach cette tra-dition la fois historique et ecclsiastique. Malheureusement

    1. C'est cotto chronique que M. Mommsrn regarde comme l'ouvragede chronologie do saint Hippolyte, dit de l'orto-Ilomano; et qu'il identifieau i.ii'ir Generationrm de Frdgaire. (l'el>. de Chr. p. 585-598 I

    2. V. pins loin, p.3. YVattenbach, p. 45-48.

  • \s

    nous ne possdons pas tous les anneaux de la chane. Il y a despriodes pour lesquelles nous ne possdons que des fragmentsdissmins, de sches indications ; d'autres o les sources con-temporaines manquent mme absolument ; l'cho seul des vne-ments nous parvient travers des lgendes et des traditionsorales. C'est l surtout qu'il importe d'appliquer une critiquesvre aux tmoignages qui nous sont parvenus, de les classer,et de bien dterminer leur degr d'authenticit et d'autorit.

    Mais l'tude des sources de notre histoire ne comprend passeulement les crits contenant des rcits d'vnements, Vies deSaints, Chroniques et Histoires. Ce n'est l qu'une partie desmatriaux offerts aux recherches du critique et de l'historien.Nous possdons heureusement d'autres documents qui com-pltent les textes spcialement historiques et jettent souvent unevive lumire sur des poques qui sans eux demeureraient obs-cures. Au premier rang se placent les pices officielles, lois,formules, canons des conciles, diplmes ou inscriptions. C'estdans les lois et les formules juridiques des premiers temps dumoyen-ge que nous apprenons le mieux connatre l'esprit etles murs des barbares ; les formules de Marculf l , la loi sali-que 2

    ,la loi ripuaire 3 , les lois wisigothiques 4 , la loi des Bur-

    gundes 3, et les lois romaines conserves ct des lois bar-

    bares, le Brevarium Alarici 6 et le Paplani responsum,prsentent comme un rsum sous forme prcise et juridique del'histoire des divers peuples qui se partagrent la Gaule. Nousdevons toujours les avoir sous les yeux en lisant les historiens etnous en servir comme d'un commentaire et d'un contrle perp-tuels. Les canons des conciles n'ont pas une moindre importance,car la socit religieuse qu'ils nous font connatre exerce une

    puissante influence sur la socit politique 7 . Les conciles d'Agde

    1. E. de Rozire. Recueil gnral des formules usites dans l'empire des

    Francs du Ve au Xe s. Paris, 1859.2. Lex Salica, d. Merkel. Berlin, 1850, in-8; et Pardessus, Commen-

    taires sur la Loi Salique. Paris, 1843. In-4.

    3. V. dans Walther, Deutsche liechtsquellen. I, 4. 238.4. Die Westgothische antiqua. Ed. F. Blume, 1847. Haenel , Lex Romana

    Wisigothorum. Leipsig, 1869. In-fol.5. Lex Burgundionum. Ed. Bluhme. Mon. Germ. Leges III, avec le

    Papiani responsum.6. V. Walther.7. Mansi. Sacrorum conciliorum nova et amplissima colleclio. Florence et

    Venise, 1737. 31 vol. in-fol. et Sirmond, Concilia antiquae Galliae. Paris,1629. In-fol.

  • \h

    (506), d'Orlans (511), et d'Yenne (Epane 517), ont une vri-table porte politique, et le dernier, en particulier, nous montre

    avec une vigueur remarquable le caractre essentiellementcatholique du rgne de Sigismond. Le deuxime concile de Tours(566), le quatrime de Valence (584), le deuxime de Mcon(585), ne sont pas moins instructifs, tant sur l'organisation int-rieure de l'Eglise que sur ses rapports avec l'Etat. Les dipl-

    mes sont rares l'poque mrovingienne 1 . Nous pouvons 'pour-tant y trouver des enseignements ou des confirmations utiles ;nous y voyons les prescriptions lgales passes en pratique, nous

    y trouvons d'une manire particulire et frappante les actes etpour ainsi dire la main mme des rois mrovingiens ou des per-sonnages les plus importants de cette poque. Enfin une der-nire source d'informations officielles qu'il ne faut pas ngliger,

    ce sont les inscriptions. La Gaule chrtienne nous en fournit ungrand nombre qui peuvent souvent nous servir utilement contrler les historiens 2 .

    Nous ne devons pas nous contenter d'clairer les textes histo-riques par les documents officiels; nous devons y joindre la con-naissance prcise de tous les documents littraires, ouvragesreligieux, lettres ou posies. C'est ainsi que nous vivons avec leshommes d'un autre ge, et que nous arrivons les connatre et les comprendre. Dans ces crits d'ailleurs, ce sont des vne-ments prcis qui sont l'occasion de prdications, de lettres ou devers, et l'on y trouve glaner un grand nombre de renseigne-ments exacts et prcieux. Les homlies et les lettres de saint Avil,le grand vque de Vienne (f v. 525), l'ami de Gondebaud, lematre de Sigismond, sont le plus utile commentaire de l'his-toire de ces deux rois 3 . Les lettres de C. S. Sidoine Apolli-naire (f v. 488 ou 89), gendre de l'empereur Avitus et vque deClermont, nous offrent un tableau anim du centre de la Gauleau moment o la puissance romaine y expire entre les Wisigothset les Burgundes 4 . Enfin les lettres de Cassiodore (f ap. 563),

    1. Brquigny et La Porte du Theil, Diplomala, chorlae. epistolae. leyes.Parisiis, 1791. Nouv. dit., par J. M. Pardessus. Paris, 1843-1863. 7 v. in-fol.

    2. V. Le Blant, inscriptions chrtiennes de la Gaule. 3 vol. in-fol. Paris, 1856-1865. De Boissieu, Inscriptions de Lyon. Lyon, 1846-1854. ln-'i*.

    3. Avili opra. Ed. J. Sirmond. Paris, 1643. V. sur Avitus : Binding,Das burgundisch-romanische Koenigreich, pars I. Passim. Leipsig, 1868;

    i. Lettres de Sidoine Apollinaire avec trad. franaise, par Grgoire etCollombet. Lyon, 1836. In-8, 3 v. V. sur Sidoine, Ilist. lit), del France.T. II, p. ')U sq., et G. Kaufmanu , Die Werke des ('. Sollius Apollinaris

  • 45

    l'ami, le ministre de Thodoric, sont un vritable recueil histo-rique contenant des lettres royales, des diplmes, des picesofficielles de tout genre, d'un prix inestimable pour l'histoire duVIe s. en Italie et dans le sud de la Gaule l . Les lettres authenti-ques qui nous ont t conserves des papes, des rois ou des vo-ques, doivent tre mises au premier rang parmi les documentshistoriques, puisqu'elles ont l'avantage d'tre un tmoignage la fois direct et absolument contemporain.

    Moins importantes que les lettres, les posies nous apportentsouvent un cho des vnements et nous pouvons presque tou-jours y recueillir des traits prcieux sur les murs ou sur l'es-prit du temps o elles ont t crites. C'est ainsi que Fortu-nat (f v. 600), cet Italien devenu le favori de Sigebert, puisl'ami de sainte Radegonde, nomm par son influence vque dePoitiers, nous a laiss dans ses vers une vive image de la vie duvie sicle, et a mme chant des vnements politiques impor-tants, tels que la chute du royaume de Thuringe et les noces deChilpric avec Galeswinthe 2 .

    Malheureusement la socit barbare des temps mrovingiensne nous est connue que par les crits des chrtiens gallo-romains. Ils ne nous ont presque rien conserv des lgendes, desrcits, des chants rpandus parmi les Franks. Ils ne nous disentpresque rien de leur religion 3 ; quant leurs chants, c'est grand peine qu'on en peut retrouver quelques traces dans lesrcits de Grgoire de Tours (II. 40-42), dans le prologue de laloi salique qui parat reproduire un chant en l'honneur desFranks 4

    ,et dans quelques vers sur la victoire de Clothaire II sur

    les Saxons en 622 conservs par la Vie de saint Fare, vquede Meaux 5 .

    Aprs avoir consult tous les documents qui se rattachentdirectement la Gaule mrovingienne, l'historien devra encorerechercher chez les crivains des autres peuples ce qui peut serapporter aux Franks et leur histoire. Procope, Agathias,

    Sidonius. Goettingen, Dissert, 1864.1. Cassiodori opra. Studio F. Garetii. Venise, 1729. In-fol.2. Fortunati opra. Ed. Luchi. Rome, 1786. In-4. V. Aug. Thierry,

    Rcits mrovingiens, passim.3. Grgoire de Tours parle des Franks comme s'ils avaient cru aux

    fables paennes (II. 29).4. V. Bpthmann-Hollweg dans Schmidt, Zeiischrift fur Geschischlsiv.lX, 49.

    Wattenbach, Deut. Geschichlsquellen, p. 67.5. Mabillon, Acta SS. 0. S. B. II. 617.

  • u>

    Menander Protector, Thophylacte Simocatta, Jordanes,Cassiodore, Isidore de Sville, plus tard Paul Diacre, nelui seront pas inutiles. Les crivains trangers, en effet, non-

    seulement jugent un peuple un autre point de vue que les his-toriens nationaux, mais souvent rectifient des faits que ceux-ci

    par ngligence ou par partialit ont dfigurs ou omis.

    Pour crire une histoire complte des sources mrovingiennes,il faudrait tenir compte de tous ces lments divers, les examinerchacun en dtail et assigner chacun la place et l'autorit quilui appartiennent. Nous ne pouvons prtendre excuter un tra-vail aussi considrahle. Nous tudierons seulement les plus impor-

    tantes parmi les sources spcialement historiques de l'poquemrovingienne, histoires, chroniques, annales ou Vies de Saints.Aprs avoir lucid et class les documents les plus importantset montr les liens qui les unissent, il sera plus ais de grouperautour d'eux les sources secondaires, et d'envisager dans leur

    ensemble tous les renseignements que nous possdons sur cettepriode difficile de notre histoire ' .

    C'est donc un essai d'histoire critique des sources que nousentreprenons, prparation indispensable la critique mme desfaits, sans laquelle il n'est pas possible d'crire l'histoire.

    _

    En efet, quand nous entreprenons l'tude d'une priode histo-rique, nous nous trouvons en prsence d'un certain nombre dedocuments crits diverses poques, dans des endroits diffrents,par des auteurs dont les caractres, les positions, les ides taient

    dissemblables. Trop souvent, l'historien superficiel, se fiant leur antiquit relative, accepte d'emble tout ce qu'ils nous rap-portent et y puise au hasard, se contentant de son bon senspour repousser les invraisemblances trop videntes ou pourrsoudre les contradictions trop choquantes. Mais l'historien s-rieux a aujourd'hui d'autres devoirs remplir, il doit soumettreles textes mmes un travail minutieux de critique avant d'en-treprendre le rcit des vnements. Son premier soin sera declasser ses documents, de dterminer avec autant de prcisionque possible h quel auteur ils sont dus, quelle poque ils ontt crits, quel est leur degr exact d'authenticit et d'autorit.Ce premier travail une fois accompli, il devra soumettre de nou-

    1. Pour suppler autant que possible l'insuffisance de notre travailet tracer au moins le cadre d'une histoire complte des sounL'poque mrovingienne, nous donnerons en appendice une liste rai-Bonne des documents historiques qui se rapportent a cette priode.

  • M veau chaque fait une critique du mme genre, comparant lestmoignages entre eux, tenant plus de compte de leur valeur quede leur nombre, se rappelant surtout qu'au moyen-ge les crivainsse copient les uns les autres et que trs-souvent la mention d'unmme fait dans deux auteurs n'ajoute rien son autorit. Ce secondtravail sera comme la contre-partie et la vrification du premier.En effet, aprs avoir tudi le contenu des ouvrages pour lesclasser et en fixer la valeur, l'historien l'tudiera de nouveauavec plus de dtail encore, guid par les conclusions de son pre-mier travail. Alors seulement, ayant examin l'autorit de chaquetexte et la vrit de chaque fait, il pourra coordonner dans unrcit suivi les rsultats de ses recherches, et mme suppler auxlacunes des documents par des hypothses appuyes sur des faitscertains.

    S'il fallait que chaque historien reft pour lui-mme tout cetravail de critique, il en rsulterait une perte considrable detemps et d'efforts ; mais la premire partie minemment positiveet toute scientifique de ce travail peut tre faite d'avance pard'autres ; on peut prparer les matriaux que l'historien mettraen uvre ; on peut sinon les classer dfinitivement, du moinsfaire un classement partiel et provisoire qui rendra ensuite lesrecherches plus faciles. C'est l'uvre de ceux qui s'occupent del'histoire critique des documents. C'est ce que nous entrepre-nons aujourd'hui pour les sources de l'poque mrovingienne.La mthode que nous suivons est indique par la nature mme

    de notre tude. Il suffira d'en marquer brivement les traitsgnraux.Nous nous efforons d'abord de dterminer par la comparaison

    des ditions et des manuscrits l quel est le meilleur texte dudocument que nous avons tudier. Nous runissons ensuitetout ce qu'il est possible de savoir sur l'auteur auquel il estattribu, sur l'poque o il l'a crit, sur l'ducation qu'il a reue,sur les situations diverses o il a pu se trouver, et d'o doiventdpendre en partie la vrit de ses informations ainsi que l'ind-pendance de ses jugements. Nous consultons enfin les tmoi-gnages contemporains qui peuvent nous clairer soit sur l'auteursoit sur son uvre.

    1. Cette recherche ne peut pas toujours tre faite, mme Paris, depremire main. Heureusement d'excellents travaux allemands, ceux sur-tout de YArchiv der Gesellschaft fur altre deutsche Geschichts hiuide, 11 v.in-12, et les prfaces des grands recueils historiques nous fournissent cet gard des renseignements prcieux.

    H1ST. MROVINGIENNE. 2

  • *8

    Ces questions prliminaires, et pour ainsi dire extrieures,

    une fois rsolues, nous abordons le document lui-mme. Notrepremier soin est d'en analyser le contenu, d'examiner si le textene renferme pas des contradictions, des difficults qui soulve-raient des doutes sur son authenticit ou du moins sur sa puret.Si le texte rsiste cet examen, si son authenticit est prouve,nous recherchons les sources auxquelles l'auteur a puis. Quelssont les vnements qu'il a connus par des sources crites?Quelles taient ces sources? De quelle manire les a-t-il em-ployes? L'a-t-il fait avec jugement, avec intelligence? Quelrle au contraire jouent dans son ouvrage la tradition orale, lesrcits populaires ou mme les lgendes potiques? Se montre-t-il leur gard dfiant ou crdule? Enfin quel moment de sonrcit devient-il tmoin contemporain? De quels faits est-il tmoinoculaire? Quels moyens d'information a-t-il possds pour con-natre ceux qu'il n'a pas vus?

    Cette analyse des sources d'un document est la partie la plusimportante du travail de la critique. Il ne reste plus, pour ainsidire, qu' tirer les conclusions gnrales qui en dcoulent, et dfinir le caractre de l'uvre. Nos recherches sur la vie del'auteur ont d nous apprendre s'il tait plac de faon trebien inform ; nous pouvons dire maintenant par la comparaisonde sa vie et de son uvre s'il a t un tmoin intelligent et untmoin sincre, quel a t son but en crivant et en gnral quelest son caractre, quelles sont ses qualits et ses dfauts, en un

    mot quel est pour l'histoire la valeur de son tmoignage, l'ten-due de ses informations.Le travail de la critique purement historique s'arrte l.

    Toutefois il est ncessaire pour avoir une ide complte des docu-ments qu'on tudie, d'en apprcier le style et la valeur littraire.

    La critique historique doit appeler ici son aide la critique phi-lologique. Le style nous rvle le degr d'instruction ou mmed'intelligence de l'crivain ; il peut nous apprendre quels auteursil a imits et connus. Les diffrences de style peuvent faire recon-

    natre la main de deux auteurs diffrents dans un mme ouvrage,comme les analogies de style peuvent faire attribuer au mmeauteur deux ouvrages diffrents. Le style est donc un des lmentsles plus importants pour la critique des documents historiques.Nous avons sans doute trac au critique un cadre bien vaste,

    et il est rare qu'il soit possible de donner une rponse toutesles questions que nous avons poses. Souvent on ignore quel es1

    l'auteur d'une uvre, h quelle poque elle fut crite, quelle est

  • 49

    l'origine des renseignements qu'elle renferme. Il faut souventtirer de l'uvre elle-mme tout ce que nous pouvons savoir surelle, et il est parfois impossible en pratique de suivre exacte-ment la marche logique que nous venons d'indiquer. Mais iln'en est pas moins vrai qu'en prsence d'un document histori-que quelconque le critique doit poser successivement les ques-tions suivantes : Quel en est l'auteur? A quelle date se rap-porte-t-il? Offre-t-il toutes les garanties de l'authenticit? Aquelle source ont t puiss les faits qu'il mentionne? Quelleest l'autorit de son tmoignage?

    Si ces questions pouvaient toujours tre srement rsolues, l'his-torien pourrait apprcier sans peine le degr de certitude de n'im-porte quel vnement. Il saurait d'avance quelle est l'authenticit,l'autorit gnrale de l'crit o il le trouve rapport, si l'auteurl'a vu ou connu de source certaine, si cet auteur tait contempo-rain, et s'il habitait le pays o le fait s'est pass. Malheureuse-ment la critique reste muette sur bien des points, il faut souventse contenter de vraisemblance dfaut de certitude et d'hypo-thses au lieu de faits. Mais le critique aura dj rendu ungrand service l'historien en prparant et en dblayant le ter-rain, en classant provisoirement les matriaux, en fixant unefois pour toutes les points acquis la science.

    Ces travaux d'rudition et de critique rebutent quelquefoispar une apparence de scheresse et de monotonie ceux qui ne lesont point encore abords. Aucune tude pourtant ne fait pn-trer plus profondment dans la connaissance des temps passs.Le critique est oblig de vivre avec les historiens dont il analyseles ouvrages ; il cherche surprendre leur vie de tous les instants,leur manire de travailler, les mobiles cachs de leurs ides et deleurs paroles. Il assiste la composition de leurs crits, il voit lesmanuscrits dposs sur leur table et les sources qu'ils consultent,il va parfois jusqu' dcouvrir quels passages ils ont mal lus,quels autres ils ont mal compris. Et lorsque le critique tendcette tude toute une poque, lorsqu'il marque les liens quiunissent entre elles les diverses sources historiques, lorsqu'ildcouvre comment elles se copient ou s'imitent les unes lesautres, comment les mmes ides, les mmes sentiments se rp-tent ou se transforment d'ge en ge, n'est-ce pas l'histoiremme de l'esprit humain qu'il travaille? Ne pntre-il pas dans1 ame humaine bien plus profondment que s'il se contentait deraconter les vnements de l'histoire politique ou militaire? C'estle rcit des vnements au contraire qui est sec et froid si l'on

  • 20

    ignore de quelles ides et de quels sentiments ils sont la cons-quence et l'expression.

    Aussi un vritable historien sera-t-il toujours en mme tempsun critique. Il se servira sans doute des rsultats obtenus par la

    critique avant lui, mais il reprendra en sous-uvre les mmesrecherches. Il y a mille dtails o le critique est guid par sonintelligence seule, par son tact, par sa pntration psycholo-gique. Les documents les plus connus rvlent souvent deschoses toutes nouvelles l'crivain dou du sens historique. Cen'est qu'en se soumettant ce travail minutieux, lent et parfoisaride en apparence, qu'il arrivera comprendre le sens vrita-ble des textes, s'en servir comme s'ils taient clairs par lalumire de la ralit et de la vie.Nous serons heureux si l'essai bien imparfait que nous publions

    peut faciliter aux travailleurs jeunes et zls l'tude des docu-ments de notre histoire, et surtout les exciter entreprendre ces

    travaux d'rudition et de critique qui pourront seuls leur donnerune vue claire et une intelligence complte du pass.

  • GREGOIRE DE TOURS.

    Pour toute la priode qui s'teud entre la premire apparitiondes Franks au centre de la Gaule parmi les allis d'Atius contreAttila et l'tablissement dfinitif de leur puissance sous les fils deClovis, nous ne possdons presque aucune source historique con-temporaine. L'Histoire de Renatus Frigeridus, cite par Grgoirede Tours (II, 8) ne nous est point parvenue, et d'ailleurs elle nedevait gure s'tendre au del de la mort d'Atius, puisque c'estdu XIIe livre qu'est tir le portrait du gnral romain transcritpar Grgoire. Les lettres d'Avitus et de Sidoine Apolinaire, trs-importantes pour l'histoire de la Burgundie et de l'Arvernie, nenous apprennent presque rien sur les Franks. Elles peuventd'ailleurs servir de commentaire l'histoire, plutt qu'elles nepeuvent y suppler. Les chroniques d'Idatius (j. en 468), et deCassiodore x (j. en 519), importantes pour l'Espagne et l'Italie,pour les Wisigoths et les Ostrogoths, ne touchent qu'en passantaux affaires du nord de la Gaule. En dehors des actes des con-ciles, qui nous permettent de suivre les progrs et la vie del'Eglise, nous ne possdons cette poque en Gaule, en fait demonuments historiques, que quelquesYies de Saints, par ex. cellesde saint Romain 2 (f v. 460), de saint Lupicin 3 (f v. 480), desaint Sverin d'Agaune 4 (y 506), de saint Maixent 5 (f 515), de

    1. Die Chronik des Cassiodorus senator. Hersggb.v. Th. Mommsen. Leipsig,1861, in-8.

    2. AA. SS. Boll. 28 fv. III, p. 740-746.3. AA. SS. Boll. 21 mars, III, p. 263-264.4. AA. SS. Boll. Il fv. II, p. 547-551, avec interpolation du ix* s. Mab.

    A. 0. S. B. Saec. I. App. p. 568-570.5. AA. SS. Boll. 26 juin, V, p. 169-175. crite au temps de Childebert.

  • 22

    saint Eptadius 1 (i vies.), de saint Jean de Rora 2 (f v. 545),

    et les Vies de Saints crites par Grgoire de Tours et par For-tunat ; mais ces crits, prcieux pour l'histoire des murs, nenous fournissent que bien peu d'indications pour l'histoire poli-tique. Ils sont mme si indiffrents sur ce sujet qu'on ne peutgure se fier leur exactitude. Les premiers documents histori-ques importants que nous possdions pour l'histoire des Frankssont l'Histoire de Grgoire de Tours et la Chronique de Mariusd'Avenches. Le premier est mort en 594, le second en 593, c'estd'aprs leur seul tmoignage que nous pouvons connatre toutela priode de l'histoire de la Gaule, qui s'tend de la mort d'A-tius et de Yalentinien en 455 la fin du vf s.

    Grgoire de Tours est la seule source abondante que nouspossdions pour le Ve et le vf s. de notre histoire. Tout ce quenous savons sur l'origine de la puissance des Franks, sur leurtablissement en Gaule, sur leurs conqutes au vie s., c'est par luique nous l'apprenons. La triple mention de Faramond, Clodionet Mrove dans la chronique de Prosper Tiro a toutes les appa-rences de l'interpolation, car elle ne se trouve pas dans le plusancien et le meilleur manuscrit et n'a d'ailleurs aucun lien avecle reste du texte. Grgoire de Tours nous parle (II, 8, 9) de deuxhistoriens qui ont racont avant lui les vnements dont la Gaulea t le thtre , Sulpicius Alexander et Renatus Profu-turus Frigeridus. Mais nous ne les connaissons que par lui.D'ailleurs, d'aprs les citations qu'il nous a conserves, il ne paraitpas que le rcit de Sulpice Alexandre s'tendt jusqu' l'arrivedes Franks en Gaule, et tout porte croire que l'histoire de Fri-geridus 3 ne dpassait pas le milieu du Ve s. Les dix livres de Gr-

    1. AA. SS. Boll. 24 aot, IV, p. 728-781.2. AA. SS. Boll. 28 janv. II, p. 856-862. Mab. A. S. 0. S. B. Saoc. 1. App.

    p. 633-638. Ecrite primitivement par un contemporain, mais refondueau vn e s. par Jonas, le biographe de Colomban. La seule vie de Saintcontemporaine qui soit vraiment importante pour l'histoire est celled'Epiphane, vque de Pavie (t 496) par son disciple Ennodius. Elle esttrs-instructive pour le rgne de Gundobad. V. Binding, op. cit.

    3. D'aprs J. Grimm, Ueber Jornandes, p. 17, ce nom est gothique.Schirren, De ratione, quae inter Jordanem et Cassiodorum intercdt com-7nentafio. Dorpat, 1858. p. 7, identifie l'historien avec le Profuturus. v.de Braga, qui est adresse une lettre du pape Vigile de 538. V. dansAmmien Marcellin, XXXI, 7. Vv'attenbacli, op. cit. p. 71, n. 1. Le ms.de Cambrai donne la forme J-rigiretus. C'est sans doute la bonne leon,et non la forme Frigeridus, gnralement adopte, bien qu'elle ne soitfournie que par le ms. de Corbie, dont la valeur est mdiocre.

  • 23

    goire de Tours sont donc notre source presque unique ; seuls dumoins ils offrent un rcit suivi et dvelopp des vnements. Unepoque, un auteur, un livre aussi important, mritent une tudeattentive et dtaille. Adrien de Valois regardait juste titrecette uvre comme le fonds mme de notre histoire l .De nombreux travaux sur Grgoire de Tours ont paru tant en

    Allemagne qu'en France, et ne laissent gure de dcouvertes faire la critique. Venant les derniers, nous esprons tre pluscomplets que nos prdcesseurs, et offrir du moins un rsumlucide des questions critiques que soulve le texte de l'Histoiredes Franks. D'ailleurs, aussi longtemps que n'aura point parul'dition de Grgoire promise, il y a plus de trente ans, parles Monumenta Germaniae, dition entreprise d'abord parM. Bethmann, reprise aujourd'hui par M. Arndt, la critique nepourra pas prononcer un jugement dfinitif. L'tude des manus-crits peut amener des rsultats inattendus.

    Voici quels sont les principaux crits consulter sur Grgoirede Tours :

    Travaux franais.

    Hadr. Valesius, Rerum Franciarum lbri 8; Paris, 1646-1658. 3 v. in-P . T. II. Prface.

    Ant. Dadin. de Alteserra (de Hautserre), Notae et observa-tiones in historiam Francorum Gregorii Turonensis etsupplementum Fredegarii; Tolosae, 1679. In-4. (Commen-taire suivi du texte de Grgoire.)

    Histoire et Mmoires de VAcadmie des Inscriptions,Mmoires de Foncemagne. T. VIII, p. 278; Bonamy, T. XXI,p. 96-100; Lvesque, T. XXI, p. 598-637 {Vie de Grgoirede Tours); Lebeuf, T. XXVII, p. 176-179.

    Lecointe, Annales ecclesiastici, T. I, ad ann. 417, 544,545, 555; II, ad ann. 567-585; IV, ad ann. 681.

    Histoire littraire de la France, T. III, p. 372.Ampre, Histoire de la littrature franaise au moyen-

    ge, T. II, p. 275-311.Guizot, Histoire de la civilisation en France, T. II, p. 52.A. Jacobs, Gographie de Grgoire de Tours et de Fr-

    dgare, en Appendice la trad. de Grgoire de Tours de lacollection Guizot, et sparment; Paris, 1858. In-8.

    1. Fundus historiae nostrae. Hadr. Valesii Rerum Francicarum libriocto. T. II, praef., p. 4.

  • 24

    Lecoy de la Marche, De l'autorit de Grgoire de Tours ;Paris, 1861.

    H. Bordier, De l'autorit de Grgoire de Tours, enrponse M. L. de la Marche; en appendice la trad. deGrgoire de Tours, par M. Bordier; Paris, 1861.

    Lecoy de la Marche, Rponse M. Bordier; Paris, 1862.Des Francs, Etudes sur Grgoire de Tours; Chambry,

    1861.In-8.Ponton d'Amcourt, Essai sur la numismatique mrovin-

    gienne compare la gographie de Grgoire de Tours ;Paris, 1864.

    Travaux allemands.

    Fabricius, Bibliothecamediae et infimae latinitatis , T. VII,p. 292-308.

    Schz, Commentarius criticus de scriptis et scriptoribushistoricis; Ulm, 1763, p. 219-222.

    Struve, Bibliotheca historica. Ed. Meusel, 1782, t. VII, p.266-271.

    L. Haeusser, TJeber die teutschen Geschichtschreiber, p. 8.Baehr, Die Christlichen Dichter u. Geschichtschreiber

    ,

    Carlsrhue, 1836, p. 138-165.Kries, De Gregorii Turonensis episcopi vita et scripttis

    ;

    Breslau, 1859. In-8.Loebell, Gregor v. Tours und seine Zeit; Leipsig, 1839.

    Nouv. d. 1868. In-8. (Ces deux ouvrages sont les meilleursguides pour l'tude de l'Histoire des Franks.)

    Waitz, dans les Gttingische gelehrte Anzeigen, 1839, p.781-793, et dans Schmidt's Zeitschrift fir Gcschiclite. II, 44.

    Archiv fur ltere deutsche Geschichtskunde, hersggbnv. Pertz, V, 50; VII, 246.

    Koepke, Gregor von Tours in: Kieler allgemeine Monats-c/rrift, 1852, p. 775-800.

    Junghans, Die Gesch. Childerichs u. Chlodovcchs kri-tisch untersucht; Gttingen, 1857. In-8.Voyez encore les prfaces et les notes des ditions de Gr-

    goire, par Ruinart; Paris, 1699. In-f ; par dom Bouquet, dansle Recueil des Hist. de France ; T. II : par Guadet et Taranne;Paris, 1836-37; avec trad. 1836-38. Voyez aussi 1rs traduc-tions de l'Histoire des Franks, par M. W. Giesebrecht; Berlin.1851 (aUemande); et par M. H. Bordier; Paris, 1855-61 (fran-aise).

  • CHAPITRE I.

    VIE DE GREGOIRE DE TOURS.

    Ce sont presque exclusivement les uvres mmes de Grgoirede Tours qui nous font connatre sa vie. Les nombreuses picesde vers que le pote Fortunat, son ami, lui a adresses, ne ren-

    ferment que bien peu de traits ajouter ce que nous savonspar Grgoire lui-mme (Fort. Carm. I. epistola praefixa; V, 3-

    5, 9-20; VIII, 15-23, 25, 26; IX, 6, 7; X, 5, 6, 11-13, 18,

    19; prologue de la vie en vers de saint Martin). La Vie de Gr-goire, compose Tours dans la premire moiti du x

    Ps. et

    attribue Odon de Cluny x , est tire des uvres de notre Evque,sauf pour les trois derniers chapitres. Elle passe d'ailleurs enti-

    rement sous silence ce qui touche aux vnements politiques.Elle a un but purement religieux ; elle veut prouver que Grgoiremrite d'tre considr comme un Saint, bien qu'il ait fait peu

    de miracles (Prf. c. 26) 2 . Mais il en a fait pourtant (c. 16), etd'ailleurs il a sauv des mes, plus prcieuses que des corps(c. 13); le pape saint Grgoire l'avait en grande vnration(c. 24); le peuple de Tours doit, sous peine d'ingratitude, l'hono-

    rer ct de saint Martin, sans pourtant le faire son gal (c. 26). Quem videlicet nos vel apud Deum, tel apud beatumMartinum advocatum quemdam atque sequestrem habereconfidamus.

    Georgius Florentius (nomm Gregorius en l'honneur desaint Grgoire de Langres), tait issu d'une famille snatoriale

    1. V. Ruinart, Gregorii opra, la suite de la prface. Aucun des mss.de cette vie ne porte a notre connaissance le nom d'Odon (Paris, Bibl.imp. 5308; Montpellier, Universit, n. 1. Vitae SS. vol. IV, f. 93. Dijon,Univ. n. 383, AA. SS. vol. V. 2, saec. XIII. - Bruxelles, 5397-5407). Dans

    ce dernier ms. la vie de Grgoire fait suite celle d'Odon. Ruinart avaittrouv dans un ms. de Saint-Serge d'Angers la mention Prologus domniOdonis abbatis. Odon, n dans le Maine vers 879, fut chanoine de Saint-Martin de Tours en 899, et devint en 927 abb de Cluny; il mourut en942. Il cite plusieurs fois Grgoire dans ses crits. L'dition de Surius,AA. SS. 17 nov. VI, p. 419, attribue simplement la Vita Gregorii aux de-rkis Turoiiensibus aucloribus ce qui est plus sage.

    2. La vie ne le nomme encore que Beatus, tandis que le pape Grgoireest dit Sanctus.

  • 26

    de la cit des Arvernes (auj. Clermont-Ferrand) . Son pre,Florentins , tait fils du snateur Georgius (Vitae PatrumXIV, 3) 1 . Georgius avait un autre fils Gallus (Vit. PP. VI. 1) quifut vque des Arvernes (532-554. HistoriaFrancorumlV, 5etV.PP. VI. 3). La femme de Georgius tait Leocadia, issue d'unefamille snatoriale de Bourges. Leocadius, un de ses anctres,fut le premier disciple de saint Ursin, et sa maison fut la pre-mire glise de la cit (H. F. I. 29). Le fils de Leocadius, Lusor(saint Ludre), enterr Dols, fut vnr comme un saint (Glo-ria Confessorum, 92). Leocadius descendait de Vettius Epaga-thus, un des quarante-huit chrtiens qui, avec saint Pothin,

    lurent en Gaule les premiers martyrs del foi ( Lyon, vers 177.H. F. I, 27). Ce n'est donc pas sans raison que Grgoire dit desa famille paternelle : In Galliis nihil invenitur esse gene-rosius ac nobilius. (V. PP. VI. 1.)

    Sa famille maternelle n'tait pas moins illustre. Florentinsen effet avait pous Armentaria, qui tait comme lui de famillesnatoriale, et dont l'aeul maternel tait le snateur Florentius(de Genve?), mari Artemia (V. PP. VIII. 1). Les frres desa mre taient, l'un saint Nicetius (Nizier), vque de Lyon,dont Grgoire a racont avec enthousiasme la vie et les miracles(V. PP. VIII), et l'autre le duc Gundulf, qui reconquit Mar-seille pour Childebert en 581. (H. F. VI. 11) Sacerdos le pr-dcesseur de saint Nicetius sur le sige piscopal de Lyon, tait

    de la mme famille (V. PP. VIII, 3). L'aeul paternel d'Armenta-ria tait saint Grgoire de Langres , issu d'une des plus grandesfamilles snatoriales , d'abord comte d'Autun , puis vque deLangres (486-536), aprs la mort de sa femme Armentaria (V.PP. VIL 1; H. F. V. 5). Un des fils de saint Grgoire, Tetri-cus, lui succda comme vque de Langres (539-572. H. F. V.5). Un de ses petits-fils, Euphronius, fut le prdcesseur deGrgoire de Tours sur le sige piscopal de cette ville (H. F. IV. 15;X. 31). De tous les vques de Tours, il n'y en avait eu quecinq qui n'eussent pas t unis la famille Grgoire par desliens de parent (H. F. V. 50).

    Ainsi dans toutes les parties de la Gaule, Lyon, Genve, Clermont, Bourges, Tours, Langres, Dijon, Grgoire

    1. Levesque de La Ravalire fait de Georgius un fils de Grgoire deLangres, hypothse qu'aucun texte ne justifie. Georgius aurait poussa cousine germaine, ce qui est contraire aux canons. MM. Guadet etTarannc ont copi La Ravalire.

  • 27

    tait alli ce qu'il y avait de plus illustre par la naissance

    comme par la pit.

    Son pre avait eu deux autres enfants, Pierre, l'an de ses

    fils (Miracula S. Juliani. 24), diacre Langres, qui mourut assas-

    sin (H. F. V. 5), et une fille qui pousa un certain Justimis,de Besanon (Miracula S. Martini II. 2; Gloria Martyrum, 71).Celle-ci eut deux filles : Heustenia, marie Nicetius (le ducd'Arvernie? H. F. A'. 14; VIII, 18), et Justifia, lve de sainte

    Radegonde (Fortunati Carm. lib. Vlil, 17, 18; IX. 7).Voici le tableau gnalogique de toute la famille de Grgoire :

    _. . , r . /. ,-, . VetliusEpagatkus

    Grgoire de Langres, elorentius, snateur fa Genve?). martvr Lyon 177

    mari Armentaria. mari Anmia. * ;j

    Leocadius,snat, de Bourges.

    Tetricus, N. fils. N. fils pouse N. fille. Nicetius, Gundulf, Georgius,v. de Langres. v. de Lyon. duc. snat, arverne, mari Locadie.

    Euphronius, jv. de Tours.

    I II

    Armentaria pouse Florentins. Gallus,v. d'Arvernie.

    Petrus, Georgius Florenlius, N. fille,diacre Langres. v. de Tours sons le marie Justinus.

    nom de Gregorius.

    I I.

    Justina, Heustenia,lve de Ste Radegonde. marie Nicetius.

    Georgius Florentius naquit le 30 novembre, jour de saintAndr (Miracula Sancti Andreae, ch. 38). La date de sa nais-sance n'est pas absolument certaine. La vie de Grgoire dit qu'ilfut consacr ferme tricennalis , et comme il devint vqueen 573, il serait donc n en 542 l . Mais le biographe qui nesemble pas avoir connu sur ce point de date prcise, peut bienavoir cd au dsir de le faire arriver l'piscopat avant l'gecanonique de trente ans. Grgoire nous dit (Mir. S. Mark III. 10)que sa mre vint le voir Tours post ordinationem meam ,et fut gurie d'une maladie qui durait depuis trente-quatre anset datait de la naissance de son fils. Si ces mots post ordinatio-

    1. M. Bordier, tracl. fr. de l'flist. des Franks, p. xxxvn, n. 2, soutientl'opinion du biographe, et dit que Grgoire naquit en 543; mais Grgoireest lu vque au milieu de 573, ferme tricennalis, et aurait eu trente ans le30 nov. 573. Il serait donc n dans cette hypothse le 30 nov. 542 et non543.

  • 28

    nem meam signifient : aussitt aprs mon ordination, la datede la naissance doit tre reporte 538 ou 539. Cela est plusnaturel. Grgoire place une visite qu'il fit saint Nizier l'gede huit ans, entre l'ordination de son oncle comme prtre en 543,et son lection l'vch de Lyon (V. PP. VIII. 2) en 551. Lesdates s'accordent ici parfaitement et donnent 546-547 ; tandisque d'aprs le biographe il n'aurait eu huit ans qu'en 552.Grgoire parle encore d'une maladie qu'il eut du vivant de Gallus in adolescentia ce qui suppose au moins une dizaine d'annes.Mais d'aprs le biographe, Grgoire aurait peine atteint dixans la mort de Gallus arrive en 554. Enfin Grgoire nous dit(M. S. M. I. 32) qu'il tait diacre la seconde anne du roiSigebert (563). Or on ne devenait diacre qu' 25 ans. Nousdevons donc accepter pour la naissance de notre auteur la datedu 30 novembre 538.Nous ne savons presque rien du pre de Grgoire. Il semble

    avoir eu une assez mauvaise sant, dont son fils parait avoirhrit (Gl. Conf. 40; V. PP. XIV. 3; Vit. Grg. 2, 4). Il mou-rut sans doute de bonne heure, car nous ne voyons auprs deGrgoire que sa mre et son oncle Gallus, vque des Arvernes(V. PP. IL 2), au moment o une forte maladie dont il futguri par l'intercession de saint Illidius (saint Allyre), dterminasa vocation ecclsiastique. Au eh. 84 du De gloria Mcartyrwm,Grgoire nous dit que son pre s'tait mari l'poque o Tho-debert emmena des otages d'Arvernie ( la mort de Thierry sansdoute, 534). Puis il parle de reliques que sa mre conserva aprsla mort de son pre. Longtemps aprs , ces reliques le sau-vrent une poque o la juvenilis fervor agissait encoreen lui. Nous voyons donc que son pre tait mort depuis long-temps lorsque Grgoire tait encore un jeune homme.

    D'aprs le biographe (ch. 1), ce fut Gallus qui s'occupale premier de son ducation. A la mort de Gallus (554),Avitus son successeur se chargea de l'instruction de Grgoire,qui tmoignait d'ailleurs peu de got pour les tudes profanes et

    se livrait avec ardeur la lecture des livres religieux (V. PP. VI.Prf.). On a remarqu que les hommes minents ont souvent reufortement l'empreinte de l'influence maternelle ; Grgoire fut dece nombre. Il nous a conserv le souvenir de la tendresse et de lapit de sa mre (Gloria Martyrum51; Gl. C. 3, 85) 1 . Son auto-

    1. Voyez ce que Grgoire nous dit du voyape qu'entreprit sa mrepour venir Tours : Yel ad occursum andstilis sancii, vel causa dcsiderii

  • 29

    rite et son influence sur son fils demeurrent trs-grandes,puisque dans le songe qui le dcida entreprendre le rcit desmiracles de saint Martin, c'est sa mre qui le blme de sonsilence, et par de fermes et intelligentes paroles rpond tousses scrupules 1 .

    C'est sa mre, qui tait ne en Burgundie et y possdait desterres, prs de Cavaillon, que Grgoire dut de connatre aussibien cette partie del Gaule. Tout enfant, en 546, il alla Lyonvoir son grand oncle saint Nizier (V. PP. VIII. 2). Il y retournaplusieurs fois dans la suite, tant pour voir son grand oncle quepour visiter sa mre, qui parat avoir sjourn en Burgundieaprs la mort de son mari (Gl. C. 62; M. S. M. I, 36; III, 60;M. S. J. 2; Gl. M. 84).

    Vers la fin de 563, quand il eut atteint l'ge de 25 ans, il duttre ordonn diacre 2

    , car c'est en cette qualit qu'il fit peu aprsle voyage de Tours. Atteint subitement d'une maladie terrible,il alla chercher la gurison au tombeau de saint Martin (M. S.M. I. 32). Il y vcut auprs de l'vque Euphronius, cousin desa mre, et l'glise de Tours, qui devait bientt le choisir pourchef, put apprendre le connatre et admirer sa pit.

    Quelque temps aprs il alla en Burgundie (M. S. M. I. 36), etnous le retrouvons Lyon remplissant les fonctions de diacreauprs de saint Nizier (V. PP. VIII. 3).

    Ses voyages, les miraculeuses gurisons dont il avait t plu-sieurs fois favoris, son amour exclusif des choses religieuses,son austrit, et aussi l'illustration de sa famille, avaient fait debonne heure connatre Grgoire et le destinaient une positionminente dans l'glise de Gaule. Le roi d'Austrasie, Sigebert,sous la domination duquel se trouvaient l'Arvernie et la Touraine,avait pour lui la mme vnration affectueuse que Thierryavait tmoigne son oncle saint Gall. Aussi est-ce auprs du roid'Austrasie, Rheims, que se trouvait Grgoire lorsque le clerg

    mei (M. S. M. III, 10) , et les tendres paroles d'Armentaria son enfantmalade : Moestum hodie, dulcis iiate, sum habitura diem, cum tetalisattinetfebris. (V. PP. V. 12.)

    1. Mir. S. M. I., Prologus : Quare segnis es ad haec scribenda quaetprospicis?

    .. Nescis quia nobiscum proptcr inielligentiam populorum si quis loquitur, sicut tu loqui potens es, eo habetur magis prxclarum ? Itaque ne dubites, et haec agere non dsistas : quia crimen tibi erit si ca tacueris.

    2. Le biographe nous dit qu'il fut diacre tempore praestituto , ce quiest en contradiction formelle avec l'hypothse de 542 pour la date de lanaissance.

  • 30

    et le peuple de Tours, la mort de l'vque Euphronius, le choisi-

    rent l'unanimit pour son successeur 1 . Malgr les scrupules quemit en avant la modestie du jeune prtre, le roi confirma l'lec-tion et le contraignit accepter l'honneur qui lui tait fait. Il lefit consacrer Rheims mme par l'vque Egidius, et non Tours,comme l'aurait voulu la rgle canonique ~. Grgoire tait alorsdans sa trente-cinquime anne, car il fut lu, d'aprs son propretmoignage, la douzime anne du rgne de Sigebert, c.--d. en573 3 . Fortunat, alors chapelain du couvent de Sainte-Croix,fond Poitiers par sainte Radegonde, clbra en termes pom-peux l'arrive Tours du nouvel vque (Carm. V. 3).

    Plaudite. felices populi, nova vota tenentes,Praesulis adventu;,reddite vota Deo.

    Quem patris AEgidii Domino manus aima sacravit

    1. Le passage du biographe est intressant en ce qu'il nous reprsentefidlement ce qu'tait une lection d'vque au vie s. :

  • 31

    Ut populum recreet, quem Radegundes amet;Huic Sigebertus ovans favet et Brunechildis honori,

    Judicio rgis, nobile culmen adest.

    C'tait sans doute dans un prcdent voyage Tours que Gr-goire avait pass par Poitiers, et s'tait concili l'affection de laveuve de Clothaire et de son ami, le pote Trvisan. Cette affec-tion dura autant que leur vie. Fortunat ne perdit pas une occasiond'envoyer l'vque de Tours des pices de vers ou des lettrescrites dans les termes les plus flatteurs, et o se trouvent plu-sieurs fois des salutations amicales envoyes par Radegonde etpar sa fille Agns (Carm. V. 12; VIII. 17; IX, 7). Grgoire luienvoyait des fruits (V. 16); des peaux blanches pour se faire dessouliers (VIII. 28); il lui donna un champ (VIII. 25); il luicommuniquait mme, semble-t-il, des vers de sa composition(V. 11); il flattait son amour-propre de pote en le priant decomposer son intention des strophes saphiques (IX. 6, 7).Tous deux d'ailleurs jouissaient de l'amiti de Sigebert

    ; peut-tre s'taient-ils trouvs ensemble auprs de lui 1 . Tours et Poi-tiers, de mme que l'Arvernie, faisaient partie des possessions duroi d'Austrasie 2

    ,dont Grgoire fut toujours un sujet fidle et

    mme, semble-t-il, un partisan passionn.Il tait important pour Sigebert d'avoir Tours un serviteur

    aussi dvou et aussi minent. Tours tait cette poque le cen-tre religieux de la Gaule. C'est dans la basilique de saint Martinque Clovis avait revtu les insignes honorifiques envoys parl'empereur Anastase (H. F. II. 38); c'est saint Martin quela reine Clothilde avait demand un asile pour sa vieillesse(IV. I) 3 . Clothaire, par vnration pour saint Martin, avaitexempt la ville de tout impt, et avait enrichi la basilique deses dons (IV. 20; X. 31). De tous les sanctuaires de la Gaule,celui de saint Martin tait le plus clbre, le plus frquent. Troislivres ne suffisent pas Grgoire pour raconter tous les miraclesqui s'y sont passs sous ses yeux ; ils nous montre des plerinset des malades y accourant de toutes parts, du Vermandois (M.S. M. II, 9), de Vienne (id. II. 18), de Lisieux (id. II. 54), de Sens(id. II. 55), d'Avranches (id. III, 19), d'Albi (id. III. 30), de

    1. Ce fut vers 567 que Fortunat quitta Sigebert pour venir Poitiers.2. Tours et Poitiers faisaient partie du lot de Gharibert (f 570). Aprs

    sa mort ces deux villes avec leur territoire passrent Sigebert.3. Les chiffres sans autre indication marquent toujours une citation

    de VHistoria Francorum.

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    Cblons (id. III, 38), de Biscaye (id. IV. 40). Au point de vuepolitique la situation de Tours tait aussi importante qu'au pointde vue religieux. Situe au milieu d'un pays riche et fertile, laville appartenait encore l'Aquitaine, tout entire peuple deGallo-Romains (Romani), et touchait cependant au pajs d'au-del la Loire, o dominait la barbarie franke. Elle tait situesur le passage des ambassades qu'changeaient les rois desFranks avec ceux des Wisigotbs (V. 44; VI. 18; M. S. M.III. 8). Elle tait un vritable centre dont chacun des chefsfranks enviait la possession.

    Aussi son importance mme tait-elle une source de contiuuelsdangers. Isole l'extrmit occidentale des possessions du roid'Austrasie, elle tait la premire envahie et ravage par sesfrres ; elle tait sans cesse prise et reprise (IV. 46, 48) . Aumoment o Grgoire y arriva, Clovis, fils de Chilpric, et Mum-molus, chef des troupes de Sigebert, se la disputaient. Le nouvelvque montra au milieu de toutes ces luttes une fermet in-branlable; il sut prserver de toute atteinte les droits de songlise et commander le respect mme ses ennemis.

    Les premires annes de son piscopat furent difficiles et ora-geuses. En 575 il perdit son protecteur Sigebert, et Tours restapendant dix ans sous la domination de Chilpric. Partisan zlde l'Austrasie, Grgoire avait tout redouter du roi de Paris etde sa femme Frdgonde. Il avait heureusement pour le protgersa dignit piscopale et la majest de saint Martin. C'est pourla dfense du sanctuaire qu'il eut d'abord combattre ; malgrles violences du comte Leudaste, nagure tabli Tours parCharibert (IV. 49), et rtabli par Chilpric, il refusa avec uneinvincible fermet de livrer Gontran-Boson et Mrove

    ,

    qui

    avaient cherch dans la basilique de saint Martin un asile contrela colre du roi (V. 14). En mme temps, il dfendait les posses-sions de son diocse contre Flix, vque de Nantes. Il le fitmme avec une nergie qui allait jusqu a la violence (V. 5).

    Il n'apporta pas une fermet ni une passion moins grandesdans sa dfense de Prtextt, vque de Rouen, accus d'avoirmari Mrove et Brunehaut, et d'avoir fait passer de l'argent

    1. Nous n'entrons pas dans le dtail des vnements. Il allongerait inu-tilement ce rcit. Nous ne faisons que noter la part qu'y prit Grgoire,afin de bien marquer les diverses priodes et la chronologie de sa vie.Rappelons seulement que Gontran-Boson tait poursuivi comme meur-trier de Thodebert, fils de Chilpric, et Mrove, autre fils du mmeroi. comme mari de Brunehaut.

  • 33

    aux ennemis de Chilpric. Celui-ci convoqua un concile Paris(577) pour juger l'vque infidle. Grgoire seul eut le cou-rage de le dfendre devant les vques assembls et contre le roilui-mme. Sa partialit en faveur des amis de l'Austrasie l'aveu-glait peut-tre, car il ne put empcher Prtextt d'tre dpos del'piscopat et envoy en exil (Y. 19) l .

    Rentr dans son diocse, il eut encore lutter contre Leudastequi se livrait aux dernires violences , faisait garrotter lesprtres, frapper les soldats coups de bton et piller le peupleconfi sa garde (V. 49). Grgoire russit le faire remplacerpar Eunomius (Y. 48). Mais Leudaste se vengea en le faisantaccuser par le diacre Riculf d'avoir prononc des paroles outra-geantes contre Frdgonde. Un synode fut runi la villa royalede Braine (580) pour juger ce crime de lse-majest, et Grgoirese justifia par un simple serment de l'accusation porte contrelui, le roi ayant dclar qu'il fallait s'en rapporter sa bonnefoi. Leudaste fut oblig de s'enfuir et se rfugia en Berri avec tousses trsors (Y. 50) s . Grgoire sjourna quelque temps auprsde Chilpric qui cherchait lui faire oublier ses clats de bruta-lit en lui prodiguant des tmoignages de vnration et d'amiti.Il aimait passionnment les discussions thologiques, avait mmedes prtentions de novateur en thologie comme en grammaire,et il trouvait en Grgoire un adversaire toujours prt com-battre en faveur de l'orthodoxie (voy. Y. 45; et la curieuse dis-cussion avec Agila, envoy de Lovigilde,Y. 44) 3 . Aprs le concilede Braine, nous retrouvons l'vque de Tours Nogent (aujour-d'hui Saint-Cloud) auprs du roi qui lui prodigue les tmoi-

    1. 11 ne semble pas que Grgoire ait assist au concile de Chalon (579)o furent dposs les vques Salonius et Sagittaire. Mais il s'intressabeaucoup cette affaire, sans doute cause de ses relations avec l'Eglisede Lyon (V. 21, 28). Les actes de ce concile sont perdus.

    . Voyez les dtails dans VHistoria Francorum. .Nous ne faisons quersumer ce qui se rapporte Grgoire mme et mettre en lumire cequi pourra nous servir apprcier son autorit.

    :s. Il est difficile de prciser les dates de ces deux discussions. Ellessont racontes entre le concile de Paris (577) et celui de Braine (fin de580); mais aprs la mort d'Austrechilde (sept. 580. V. Marius. Jnd. XIV).La discussion avec Agila eut probablement lieu en 580 et il la fit suivrede celle avec Chilpric, guid par l'analogie du sujet plus que par l'iden-tit des dates. Celle-ci dut avoir lieu pendant ou aprs le concile deBraine, puisque saint Sauve de Bourges arriva auprs du roi peu dejours aprs (V. 45); et nous savons qu'il tait Braine (V. 51), o il prdit Grgoire que le glaive de Dieu allait frapper la maison de Chilpric.

    H1ST. MEROVINGIENNE. 3

  • M gnages d'affection. Il lui montre ses trsors (VI. 2), lui demandesa bndiction (VI. 5), et peu de temps aprs, sur une lettre deGrgoire, fait grce de la vie deux voleurs (VI. 10). Maisl'vque ne pardonna pas celui qui avait arrach Tours l'Austrasie, frapp ses sujets d'impts oppressifs (V. 29), etaccus de lse-majest Prtextt et Grgoire lui-mme.

    Rentr dans son diocse, il n'y fut pas longtemps en paix. Laguerre reprend en 581 (VI. 12) entre Chilpric et Gontran, etle diocse de Tours est de nouveau ravag en 583 (VI. 31).Grgoire parat avoir t effray par tous ces malheurs. et parles accusations dont il avait failli tre victime, car lorsque Leu-daste vient lui demander l'absolution et la communion, il con-sulte d'abord la vindicative Frdgonde et sur son ordre refuseau comte ce qu'il implore. Leudaste, malgr ses conseils, voulutaller trouver la reine pour la flchir et prit assassin (VI. 32).

    Mais Grgoire devait bientt tre dlivr d'une dominationqu'il regardait comme une odieuse tyrannie. Un meurtrierinconnu mit fin l'anne suivante (584), au rgne de Chilpric(VI. 48), et la basilique de Saint-Martin, qui tant de fois avaitservi de refuge aux ennemis du roi, fut l'asile du chambrierEbrulf , accus par Frdgonde d'tre l'auteur du crime 1

    (VI. 21).La mort du roi ne mit pas fin tous les troubles qui agitaient

    la ville de Tours; la mme anne en effet des querelles defamille suscitrent une guerre civile que Grgoire apaisa enpayant avec les fonds appartenant l'glise le wehrgeld impospar le tribunal (VII. 4G) : mais du moins l'vque eut la satis-faction de voir sa cit revenir sous la domination de l'Austrasie,la seule lgitime ses yeux. A la mort de Chilpric; Gontrans'en tait d'abord empar (VIL 12). mais en 585 il adopta sonneveu Childebert, le fit son hritier, et. lui restitua Tours et

    Poitiers (VII. 33).Grgoire fut rcompens de sa fidlit et consol des preuves

    qu'il avait subies par l'amiti et la confiance que lui tmoign-rent les deux rois d'Austrasie et de Burgondie. Lorsque Gontranvint ;i Orlans pendant l't de 585, Grgoire s'y rendit aussi.Mais ce l'ut le roi qui alla trouver l'vque dans la basilique deSaint-Avit. Il l'accompagna ensuite chez lui pour y communier,puis l'invita un repas o il consentit admettre Bertchramn,vque de Bordeaux, et Palladius, vque de Saintes, compromis

    t. 11 fut tu pourtant par Claudius, missaire de Gontran (VII. 29 ,

  • m

    dans la rvolte de Gondovald. Il alla jusqu' l'aire grce Gara-chaire, comte de Bordeaux, et Bladaste, tous deux complicesde Gondovald, rfugis alors Saint-Martin de Tours (VIII.1-6).Ce fut surtout hildebert qui parat avoir recherch les con-

    seils et les services de Grgoire. Peu de temps aprs l'entrevueavec Gontran, nous voyons l'vque de Tours Coblentz auprsdu roi d'Austrasie, et celui-ci, sur sa demande, s'interpose auprsdu roi de Burgondie en faveur de Thodore, vque de Mar-seille, et ami de Gondovald (VIII. 12) . C'est dans ce mme voyagesans doute que Grgoire alla Reims voir l'vque Egidius etSiggon, ancien rfrendaire de Sigebert (M. S. M. III. 17). Enquittant Coblentz pour revenir Tours, il passa par Ivoy (auj.Carignan, Ardennes, 21 kil. de Sedan) pour voir le mission-naire Wulfilac, qui lui raconta sa vie (VIII. 15).En 588 il retourna auprs de hildebert, qui tait Metz, en

    passant de nouveau par Reims (IX. 13). Le roi d'Austrasie lechoisit pour son envoy auprs de Gontran, et Grgoire se renditen son nom Chalon-sur-Sane pour obtenir la confirmation dutrait conclu l'anne prcdente Andelot (IX. 20). Ce fut sansdoute dans ce mme voyage qu'il alla voir sa mre Cavaillon,comme il nous le raconte au ch. 60 des Miracida S. Martini.

    L'anne suivante (589), hildebert et Brunehaut montrrentleur respect pour Grgoire en accordant sans difficult la citde Tours l'exemption d'impts que rclamait l'vque (IX. .'!

  • 30

    un monastre de filles dans l'atre de la basilique de Saint-Martin, suscitrent l'vque des difficults qui ne se termi-nrent qu'en 590 aprs la mort de l'abbesse (IX. 33; X. 12).Enfin Grgoire s'employa pendant quatre annes apaiser unesdition qui avait clat dans le monastre de femmes de Poi-tiers, et la tte de laquelle se trouvaient Chrodielde, prtenduefille de Charibert, et Basine, fille de Chilpric. Nous savonsqu'il s'tait rendu Poitiers en 587 pour les obsques de sainteRadegonde, il v alla encore en 590 pour le concile qui mit fin tous ces scandales (IX. 39-43: X. 15-17). Nous voyons com-bien son influence tait grande par les vers o Fortunat invoqueson appui (Carm. VIII. 16).

    Tu tamen, aime pater, pietatis amore laboraUt sacer antistes culmina eujus babes,

    Unde repraesentes Martinum in tempore sacrumCursibus atque fide dando salutis opem.

    En mme temps, Grgoire ne ngligeait rien pour la prosp-rit et l'embellissement du diocse qui lui tait confi. C'est parses conseils que la reine Ingoberge, veuve de Charibert. rparales maux que son mari avait causs aux glises (M. S. M. I. 29),en lguant ses biens celles de Tours et du Mans (589. IX. 26).En 590, il fit reconstruire et orner de peintures murales (X. 31),la basilique de Saint-Martin incendie en 558 par Williachaire(IV. 20), et qui d'ailleurs tombait de vtust, comme nous le ditFortunat dans les vers o il clbre l'uvre magnifique de sonami (Carm. X. G) :

    Invida subrueret quam funditus ipsa vetustasUt paries liquidis forte solutus aquis :

    Ouam pastor studuit renovare Gregorius aedemNec cecidisse dolet quae magis aucta favet*.

    Il fit encore agrandir l'oratoire de Saint-Etienne (Gl. M. 34),et construire Artone une glise sous le vocable de Saint-Gabriel (Fortun. Carm. X. 5).

    L'activit de Grgoire tait vraimenl prodigieuse ei Ton esttonn du nombre de voyages qu'il entreprit, malgr les diffi-cults et les prils qu'il tait assur d'y rencontrer. Nous savons

    par ses crits, que, sans parler de l'Anmie et de la Touraine,

    1. V. li 1 remarquable mmoire sur la Restitution de la basilique de Saint-Martin de Tours, par M. .Iules Quicherat, extrait de la Revue archologique.1869.

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    o il avait pass sa vie l , il connaissait pour v avoir sjourn Poi-tiers (Gl. M. 5 ; M. S. M. IV. 30 ; Gl. C. 106) ; Saintes (M. S. M.III. 51 ; id. IV. 31): Blaye et Bordeaux (Gl. C. 46): Riez (Gl.C. 83); Cavaillon (M. S. M. III. 60): Vienne (M. S. J. 2);Lvon (Gl. M. 84; M. S. J. 2; M. S. M. I. 36; Gl. G. 62: V.PP. VIII. 2); Chalon-sur-Sane (Gl. C. 85); Autun (Gl. G.74); Chlons-sur-Marne (Gl. C. 66); Reims (M. S. M. III, 17;id. IV. 21); Soissons (Gl. C. 95); Metz (Hist. F. IX. 13);Coblentz (VIII. 12); Ivoy (VIII. 15); Braine (V. 50) ; Paris(V. 19); Orlans (VIII. 23)-.

    S'il fallait en croire son biographe, il aurait mme t Rome,o le pape saint Grgoire le Grand aurait admir sa pit et sonhumilit (Vit. Greg. 24), et lui aurait fait prsent d'un sige enor pour la basilique de Tours. Mais le biographe ne nous dit pasque ce sige existt encore de son temps, et nous savons qu'il nese trouvait point parmi les reliques dtruite