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Notes de cours de politique montaire (dernire mise jour : fvrier 2009)

Politiques montairesLes lments qui suivent ne sont que des notes de cours. Les raisonnements ne sont pas toujours compltement dtaills; les graphiques sont partiellement comments. Les commentaires qui viendraient amliorer le contenu de ce document sont les bienvenus. Bibliographie : Mishkin "Monnaie, banques et marchs financiers" chez De Boeck La politique montaire de Christian Bordes mai 2007 collection Repres Problmes conomiques Blogs : http://www.netvibes.com/ecosup Plan du cours : Introduction A. Dfinition de la monnaie B. Le fonctionnement institutionnel de la BCE C. Pourquoi tudier la monnaie et la politique montaire ? 1. Activit bancaire et cration montaire 1.1 La cration montaire 1.2 Le risque bancaire 1.3 Le rle de la banque centrale 2. Une brve histoire de la pense montaire 2.1 La thorie quantitative 2.2 La doctrine des effets rels (real bills doctrine) 2.3 Wicksell et le taux dintrt montaire 2.4 Lapport keynsien 2.5 La vague montariste 2.6 La convergence actuelle 3. Les effets rels de la politique montaire 3.1 Comment dmontrer les effets rels de la politique montaire ? 3.2 Les rigidits nominales 4. Les canaux de transmission de la PM 4.1 Le canal du taux dintrt 4.2 Laction directe sur le crdit (canal du crdit) 4.3 Le canal du taux de change 4.4 Le canal du prix des actifs 5. La mise en oeuvre de la politique montaire 5.1 Les objectifsAlexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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5.2 Le dbat des instruments 5.3 La crdibilit des politiques montaires 5.4 La communication des banques centrales 5.5 La rgle de Taylor 5.6 La trappe liquidit 5.7 Le ciblage de l'inflation (inflation targeting) 5.8 Politique montaire et prix des actifs financiers 6. La politique montaire depuis lt 2007 6.1 Les outils traditionnels de la Fed 6.2 Les nouveaux outils de la Fed depuis l't 2007

IntroductionL'conomie montaire a connu de profonds bouleversements en lespace dun demi sicle. La politique montaire tait auparavant considre comme une question technique, comme fixer le taux bancaire qui vite un excs de crdit et la sortie d'or du pays. Elle n'tait pas discute en termes de stabilisation du produit ou de l'emploi. La situation actuelle se situe loppos. La thorie montaire occupe une place centrale en macroconomie. Les conomistes ont ralis que la monnaie tait intrinsquement relie aux thories des prix et du cycle. On assiste depuis lors un enrichissement mutuel entre les thories et les leons tires de la pratique des politiques montaires. Lexemple emblmatique de cette interdpendance est reprsent par la banque centrale la plus influente au monde, la Rserve fdrale dont le responsable actuel Ben Bernanke est un universitaire reconnu mondialement pour ses publications dans le domaine (on peut galement citer Mishkin qui a eu des responsabilits la Fed). Cette interconnexion se retrouve dans le contenu de ce cours qui traitera la fois de la thorie montaire et de ltat de la pratique en lien avec la thorie. Application particulire la BCE et la Fed. La politique montaire a galement chang en rponse son contexte, avec le dveloppement des marchs financiers, de lintgration et de la mondialisation, et en partie le rsultat des progrs raliss par la recherche conomique. On commence par quelques rappels sur la monnaie.

A. Dfinition de la monnaieLa monnaie est un actif qui est accept comme moyen gnral de paiement. On peut la dfinir par ses fonctions. Tout actif qui remplit les trois fonctions suivantes est considr comme de la monnaie: la fonction de rserve de valeur, la fonction d'unit de compte et la fonction d'intermdiaire des changes.Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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On peut aussi dfinir la monnaie par ses supports. Dans quels types de support sincarne la monnaie ? Il existe plusieurs formes de monnaie qui satisfont les fonctions prcdentes. La quantit totale de monnaie qui circule dans une conomie disposition des mnages, du secteur public et des entreprises constitue la masse montaire. Un bien a son prix exprim dans une unit de compte unique, l'euro, mais il existe plusieurs moyens de l'acqurir qui correspondent diffrentes composantes de la masse montaire. Le premier moyen est d'utiliser des billets ou des pices pour payer. C'est la premire composante de la masse montaire, ce que l'on appelle la monnaie manuelle. Le second moyen est d'utiliser son chquier ou sa carte bleue et de transfrer la monnaie lectroniquement. La monnaie ne transite alors pas de la main la main mais de compte bancaire compte bancaire. La monnaie prend une forme dmatrialise puisqu'elle correspond une criture informatique dans les comptes des banques. On parle alors de monnaie scripturale. La somme des deux fournit la dfinition la plus troite de la masse montaire, ce que la banque centrale nomme l'agrgat M1 : billets et pices + dpts vue. Nous obtenons le schma suivant :La dfinition statistique de la monnaielivrets dpargne

M1 pices et billets dpts vue

SICAV et FCP

Il existe des actifs qui ne sont pas de la monnaie mais sont facilement convertibles en monnaie. C'est pour cette raison que les banques centrales les ajoute la monnaie au sens de M1 dans des agrgats plus larges. Nous obtenons: M2 : M1 + livrets d'pargne (livret A, comptes pargne logement, LDD etc) Les livrets sont transformables en moyens de paiement avec gnralement un dlai d'un jour sans frais bancaire. On peut donc les considrer comme de la quasi-monnaie. M3 : M2 + Sicav et FCP (+ divers) Sicav = socit dinvestissement capital variable FCP = fonds communs de placement

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Les Sicav et les FCP sont appels des OPCVM (organismes de placement collectifs en valeurs mobilires). Ce sont des portefeuilles d'actions, d'obligations et de titres court-terme. Comme les livrets, ils sont facilement et sans dlais convertibles en moyen de paiement. Mais contrairement ces deniers, la conversion implique des cots de transaction et un risque de moins value en raison des fluctuations boursires. D'o leur inclusion dans un agrgat diffrent de M2. La dfinition des agrgats montaires n'est pas exactement la mme d'un pays l'autre mais l'objectif reste le mme : classer les agrgats par degr de liquidit, du plus liquide au moins liquide. Dans chacune des trois zones montaires, les billets et pices de monnaie ne reprsentent qu'une faible part du total: 6,7% de M1 en Grande Bretagne, 15% dans la zone euro et 50% aux EU. Les carts d'un pays l'autre correspondent aux diffrences d'habitude de paiement des consommateurs et au fait que le billet vert est largement utilis en dehors des EU. Toujours en 2003 : M1/M2 : 62% en GB, 50% dans la zone euro et 21% aux EU M1/M3 : 52% en GB, 43% dans la zone euro et 14% aux EU M1/PIB : 54% en GB, 36% dans la zone euro et 12% aux EU

B. Le fonctionnement institutionnel de la BCELa monnaie est gre par les banques centrales, en Europe, la BCE et aux Etats-Unis la Rserve fdrale amricaine. La BCE (Banque centrale europenne) est linstitution charge de mettre en oeuvre la politique montaire europenne. Les aspects essentiels (statuts, objectifs, structure) de son fonctionnement ont t fixs par le Trait de Maastricht. Ils ont t largement influencs par le modle de la Bundesbank, considre alors comme l'une des banques centrales les plus performantes avant le passage leuro. Base Francfort, elle est dirige par le Conseil des gouverneurs qui est le principal organe de dcision de la BCE. Il se compose de six membres du Directoire, et des gouverneurs des banques centrales nationales des seize pays de la zone euro = 22 siges. (Slovaquie 2009, Slovnie 2007, Chypre et Malte 1er janvier 2008, pas la GB ni la Sude ni la Norvge), soit 322 millions dhabitants. Le Conseil des gouverneurs dfinit la politique montaire de la zone euro, c'est--dire principalement les taux directeurs. Il se runit deux fois par mois. Lors de la premire des deux runions mensuelles, le Conseil analyse les volutions conomiques et montaires et prend les dcisions de politique montaire. loccasion de la seconde runion du mois, il examine les questions portant sur les autres missions et responsabilits de la BCE. La BCE ne publie pas les procs-verbaux des runions, mais elle annonce la dcision de politique montaire lors dune confrence de presse organise lissue de la premire runion du mois.1La taille du Conseil des Gouverneurs est excessive. La manire la plus simple de rduire le nombre de membre serait d'instaurer un systme de rotation des reprsentants des BC nationales. Cette solution aurait toutefois Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html1

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Lquivalent du Conseil des gouverneurs de la BCE pour la Rserve fdrale amricaine est le Comit fdral du march montaire: Federal Open Market Comitee (FOMC). Son prsident (chairman) est Ben Bernanke et six autres membres composent le directoire (board of governors), chacun tant nomm pour 14 ans. Cinq prsidents de banques rgionales les joignent pour former le FOMC. Comme pour lEurope, les dcisions sont prises en comit. La loi stipule que chacun des 12 membres a un vote mme si en pratique, le prsident a une autorit prpondrante. Celui-ci n'est jamais du mauvais ct de la dcision (Blinder). Recherche du consensus.

C. Pourquoi tudier la monnaie et la politique montaire ?Dichotomie classique : la sphre montaire n'a pas d'influence sur la sphre relle. Etudier la monnaie devrait tre ennuyeux, mais ... La monnaie dans lconomie reprsente bien plus quun simple vecteur des changes. Son volution est intimement lie des variables macroconomiques cls comme l'inflation, le chmage, les crises ou la croissance. Par consquent, comprendre le lien qui unit la sphre montaire et ces variables conomiques est ncessaires si lon veut comprendre le fonctionnement des conomies modernes. La quantit de monnaie en circulation est ainsi connecte aux fluctuations conomiques. Les conomies de march font lexprience de cycles conomiques rcurrents o des phases dexpansion succdent des phases de rcession. Les spcialistes suggrent que la monnaie joue un rle important dans les fluctuations conomiques. La figure suivante retrace les mouvements du taux de croissance de la quantit de monnaie sur la priode 1950-2002 aux Etats-Unis :

l'inconvnient de mettre sur le mme plan les reprsentants des grands pays et ceux des petits pays. L'organisation actuelle n'chappe pas non plus cette critique. Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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Document 1 Les zones grises reprsentent des rcessions, c'est--dire les priodes de dclin de la production totale. Nous constatons que le taux de croissance de la monnaie a diminu avant chaque rcession. Aux tats-Unis, la grande majorit des rcessions depuis le dbut du XXe sicle ont ainsi t prcdes par un dclin du taux de croissance de la monnaie, ce qui suggre que les variations de la monnaie peuvent aussi avoir un rle important dans les fluctuations conomiques. Cependant, toutes les baisses du taux de croissance de la monnaie ne sont pas suivies d'une rcession. Il existe galement un lien troit entre monnaie et inflation. L'inflation a t trs variable en France depuis un sicle. Le niveau des prix a parfois augment, parfois diminu. Globalement toutefois, la France connat une inflation moyenne positive puisque sur un sicle les prix ont t multiplis par 20.

Doc 2

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Les priodes de forte inflation sont les priodes de guerre et d'aprs-guerre, les annes 20 et les annes 70. Comme pour le PIB, linflation est moins volatile depuis laprs-guerre, galement un signe des progrs raliss dans la conduite de la politique montaire. Si nous nous intressons l'histoire rcente, nous constatons l'alternance d'une inflation forte dans les annes 70 suivie d'une dsinflation dans les annes 80 puis d'une inflation maintenue un faible niveau depuis:

Doc 3 Ce mouvement dsinflationniste a touch l'ensemble des pays dvelopps, dont les EU et la France. Comprendre les mcanismes de l'inflation ncessite d'analyser le rle de la monnaie dans les conomies modernes. Selon la thorie montariste, l'augmentation de la masse montaire est lorigine de l'inflation. Cette ide n'est pas sans fondement comme nous le voyons pour les pays de l'OCDE entre 1979 et 1998 (moyennes annuelles):

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Le diagramme de dispersion reprsente chaque pays par un point. L'axe horizontal prsente le taux de croissance de l'offre de monnaie au sens de M1. L'axe vertical prsente le taux d'inflation. On constate qu'il existe une relation entre l'inflation et le taux croissance de la quantit de monnaie : les pays ayant les plus forts taux d'inflation sont aussi ceux qui ont les taux de croissance de la quantit de monnaie les plus levs. Voir galement le document 11. En plus d'autres facteurs, la monnaie joue un rle important dans les fluctuations du taux d'intrt. La BC agit plusieurs titre sur les taux dintrt : directement par le contrle des taux courts. Et indirectement par linflation (la croissance montaire est galement responsable de lcart entre le taux dintrt nominal et le taux dintrt rel). Taux rel = taux nominal - inflation Lien entre le taux dintrt nominal et le taux dinflation aux Etats-Unis :

Document 5 Lien entre le taux dintrt nominal et le taux dinflation pour un ensemble de pays :

Document 6Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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Les variations parfois heurtes de linflation conduisent des distorsions importantes des taux rels :

Document 7 Conclusion : la monnaie est lie de nombreux enjeux et dimensions de lconomie : les cycles et les rcessions, linflation et les taux dintrt, Ces interdpendances entre les variables nominales et relles viennent en contradiction avec la dichotomie classique (au moins courtmoyen-terme).

1 Activit bancaire et cration montaire1.1 La cration montaireLes banques ont la charge de grer les dpts vue. C'est galement elles qui crent la monnaie scripturale. Comment ? En faisant leur mtier traditionnel de crdit leur clientle. A chaque fois quune banque ouvre un crdit un mnage ou une entreprise, elle cre de la monnaie pour le mme montant. Bilan bancaire : Actifs Rserves Crdits 200 800 Fonds propres Dpts Passifs 100 900

Masse montaire = dpts = 900. Prt supplmentaire de 10 :

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Actifs Rserves Crdits 200 810 Fonds propres Dpts

Passifs 100 910

Masse montaire = dpts = 910 => cration montaire de 10 ! Ensuite, le mnage utilise cette somme. Trois cas sont possibles: 1) virement une personne dans le mme rseau bancaire Bilan inchang ! L'opration est neutre pour la banque. La cration montaire n'entrane pas de besoin de refinancement. 2) virement une personne dont le compte est tenu par une autre banque Actifs Rserves Crdits 190 810 Fonds propres Dpts Passifs 100 900

=> la monnaie sort du circuit montaire gr par la banque, ce qui cre un besoin de refinancement. 3) sortie sous forme de billets (ce qui moins frquent, la masse montaire tant compose en Europe 85% des dpts vue): Actifs Rserves Crdits 190 810 Fonds propres Dpts Passifs 100 900

=> sortie du circuit bancaire avec les mmes consquences que 2) Conclusion : si en moyenne, le client a 50% de chances de transfrer la somme dans un compte tenu dans le mme rseau bancaire, il ya seulement 50% de fuite. La loi des grands nombres s'applique: chaque fois que la banque prte 10, elle se voit rclamer 5. Dans le mme temps, les autres banques prtent galement et subissent des sorties de leur circuit montaire. Prenons deux banques de mme taille. La banque A prte 10 un particulier X qui transfre la somme sur un compte tenu par la banque B. Mais prte galement 10 un particulier Z qui transfre la somme sur un compte tenu par la banque A. Les deux flux se compensent. Concusion : en labsence de sortie sous formes de pices et billets, les crances entre les banques se compensent en moyenne et moyen-terme si les banques font varier leur activit de crdit approximativement dans les mmes proportions. En rsum, lactivit de crdit cre donc pour les banques un besoin de refinancement partiel. Les ressources financires dont elles ont besoin sappellent la liquidit bancaire ou la base montaire,Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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compose des pices et billets + des rserves bancaires. Elles les trouvent sur un segment du march financier appel le march montaire o interviennent les autres banques ainsi que la banque centrale. Sur ce march, les banques qui ont des excdents de rserves prtent celles qui ont des besoins de refinancement. Ce sont des prts trs court-terme par exemple 24 ou 48h, car la position nette de chaque banque change tous les jours au grs des entres et des sorties de leur circuit montaire.

1.2 Le risque bancaireIl est double. Premirement, puisque les dpts ne ncessitent que peu de rserves de prcaution en raison de mcanismes de compensation interbancaire, les rserves ne reprsentent en pratique quune faible proportion des dpts. Prenons un exemple numrique: Actifs Rserves Crdits 200 810 Fonds propres Dpts Passifs 100 910

Une banque ne peut pas exclure des sorties importantes, c'est--dire des conversions de dpts sous dautres formes montaires. Si les dpts se rduisent de plus de 200, la banque puise ses rserves. Ce sont des risques dilliquidit (les crdits long-terme ne peuvent tre mobiliss pour payer les dpts court-terme) qui proviennent de la transformation dchance opre par les banques. A cela sajoutent des problmes de panique bancaire et des risques de contagion. Il existe galement des problmes dala moral en cas dassurance collective des dpts (pourquoi la banque se soucierait-elle de la scurit des dpts si une agence publique s'en charge sa place en cas d'illiquidit ?). La transformation d'chance rpond une demande sociale forte : les mnages et les entreprises veulent des actifs liquides (mobilisables immdiatement et sans cots) pour raliser leurs transactions. Pour cela ils sont prs renoncer un intrt. De l'autre ct du bilan des banques, les entreprises veulent pouvoir financer des projets d'investissement longs avec de la dette longterme. C'est pour elle le meilleur moyen de ne pas se retrouver court de trsorerie avant l'aboutissement complet des projets. Financer des projets longs avec de la dette court-terme revient faire de la transformation d'chance avec les risques de liquidit que cela comporte. Elles prfrent laisser les banques grer ce risque et sont prtes payer un intrt un peu plus lev. La meilleure protection contre le risque d'illiquidit est fournit par les rserves bancaires qui sont des actifs montaires trs court-terme permettant de faire face au retraits anormalement levs. Les banques sont donc contraintes de constituer des rserves en proportion de leurs dpts = 2% dans la zone euro et 3% aux EU. Pas de telle contrainte en GB ou au Canada, les gouvernements misent sur la responsabilisation des banques. Mais en aucun cas les rserves ne doivent tre gales 100% des dpts, sinon pas de transformation dchance et pas dutilit sociale des banques. Le risque de solvabilit

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Deuximement, les banque peuvent tre tentes de prendre des risques excessifs, de faire faillite et ventuellement d'entraner les autres banques dans leur chute (risque systmique), voire toute l'conomie (risque macroconomique). En cas de prts hasardeux, les pertes rduisent le capital. Un risque de solvabilit apparat. Do les accords de Ble et les ratios de solvabilit. Ces deux risques peuvent tre vits en sparant compltement les deux compartiments du bilan des banques : Actifs Rserves Crdits 900 100 Fonds propres Dpts Passifs 100 900

Ce bilan est trs solide contre le risque financier mais trs coteux. Les dpts pourraient facilement financer des crdits sans fragiliser la banque et lui permettre de toucher un diffrentiel d'intrt. Do lautorisation donne aux banques de ne pas mettre en rserve 100% des dpts. Autre possibilit : l'adoption du Glass-Steagall Act en 1933 aux EU. Conclusion : le secteur bancaire est un secteur particulier de lconomie : finance lconomie avec les crdits et gre la monnaie = deux fonctions fondamentales dans toute conomie. Cest galement un secteur plac sous haute surveillance par les autorits de rgulation et les banques centrales. Cest sans aucun doute le secteur conomique le plus rglement dans lconomie. Cela ne lempche pas de continuer rgulirement prendre des risques excessifs ce qui aboutit des crises bancaires et des rcessions.

1.3 Le rle de la banque centraleLe bilan de la banque centrale Les banques ont donc besoin de monnaie pour rgler leurs transactions financires entre elles. Elles schangent de la monnaie scripturale de la mme manire que les particuliers rglent leurs dettes par des transferts de compte compte. Pour comprendre la relation qu'entretient une banque centrale avec les banques commerciales, imaginons un instant une banque en monopole et pas de pices et billets : Bilan dune banque commerciale : Actifs Passifs Rserves 900 Fonds propres Crdits 100 Dpts Mr X1 10 Dpts Mr X2 20 Dpts Mr X3 5 Dpts Mr X4 30

100

Les dpts sont non rmunrs. La monnaie scripturale = somme des dpts = M1. Une telle banque peut crer de la monnaie volont et rpondre toutes les demandes de crdit desAlexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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particuliers sans sortie de son circuit montaire du fait de son monopole de cration montaire. Les transactions entre les particuliers changent l'identit des dposants dans son bilan mais ne changent pas les soldes. Cet exemple est fictif mais permet de comprendre le rle d'une banque centrale : une banque centrale est vis--vis des banques de second rang dans la mme situation que la banque en monopole prcdente : elle peut crer de la monnaie volont sans craindre les sorties de son circuit montaire. La monnaie que la banque centrale cre en prtant aux banques commerciales s'appelle la base montaire ou la liquidit bancaire. Comme la banque centrale contrle galement la cration des billets, ces derniers entrent galement dans la base montaire. Actifs Actifs Prts au secteur banc. Passifs Fonds propres Rserves Banque Y1 Rserves Banque Y2 Rserves Banque Y3 Rserves Banque Y4 100 10 20 5 30

Les dpts non rmunrs2, ou monnaie scripturale entrant dans la base montaire sont des rserves pour les banques commerciales. En rsum, la banque centrale offre de la monnaie auprs des banques comme une banque offre de la monnaie auprs des banques de second rang ceci prs que la BC est en monopole et que les sorties du circuit sont nulles. Elle peut donc crer de la monnaie sans craindre les sorties de son circuit montaire. Elle peut par consquent crer des rserves volont en accordant des prts aux banques (comme une banque cre de la monnaie en faisant crdit, except que cette dernire fait face des fuites hors de son circuit). Extrait du bilan de la BC: Actifs Actifs Prt additionel la banque Y Passifs Fonds propres Nouvelles rserves passes au crdit de la banque Y 10

10

La banque centrale gre donc la base montaire : rserves + pices et billets en circulation. Cest celle-ci qui influence le comportement de cration montaire des banques de second rang. De ce fait elle contrle indirectement la cration de monnaie au sens de M1 puisque les banques ont besoin de rserves pour faire face aux retraits de monnaie hors de leur circuit chaque fois quelles prtent. Une autre manire dagir sur la base montaire et donc sur le crdit dans lconomie est de refinancer des titres publics. Prenons un bilan bancaire :2

Certaines BC comme la BCE rmunrent les rserves mais un taux faible. Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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Actifs Rserves Crdits Titres publics 200 750 50 Fonds propres Dpts

Passifs 100 900

Le titre public nest pas une rserve. Il ne peut gager les dpts. Si la banque centrale accepte de refinancer la banque en achetant (ou prenant comme garantie) le titre public (par exemple sur le march montaire), on obtient : Actifs Rserves Crdits Titres publics Passifs 250 750 0 Fonds propres Dpts 100 900

La banque peut ensuite accrotre ses dpts en prtant plus, do de la cration montaire qui bnficie aux particuliers. L'opration a les mmes effets qu'un prt. C'est la version lectronique de la planche billet. Bilan de la BCE en mai 2008 (extraits) en millions deuros: Actifs Or 210 Prts au secteur banc. 465 Titres de dette publique 38 Le contrle de la cration montaire Les deux outils : les rserves obligatoires qui rendent plus coteux les oprations de crdit, et le cot du refinancement. Le taux dintrt qui quilibre chaque jour le march montaire sappelle le taux directeur. Pour la BCE, le taux de rfrence est le taux de refinancement ("refi"). Les deux autres taux directeurs sont le taux de rmunration des dpts (TRD) et le taux du prt marginal (TPM). En fvrier 2009, le refi tait 2%, le TRD 1% et le TPM 3%. Il est directement contrl par la banque centrale dans la mesure o elle peut fournir volont des rserves aux banques dont le niveau est compatible avec le taux dintrt cible. Passifs Billets en circulation 672 Rserves 210 Capital 71

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Lquilibre sur le march montaireTaux dintrt

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offre

demande base montaire

La demande de liquidit est celle des banques commerciales. L'offre de liquidit est contrle par la banque centrale. La courbe d'offre est horizontale car les Banques centrales modernes fixent le taux directeur pour des dures longues, en gnral plusieurs mois. Supposons que la demande de liquidits des banques augmente:Un accroissement de la demande de liquiditsTaux dintrt

i

offre

demande base montaire

Ce cas se produit quand l'activit de prt des banques augmente gnrant un besoin de refinancement croissant. La BC refinance intgralement les besoins des banques sans augmenter ses taux. Cet exemple illustre le fait que dans un schma de refinancement avec offre horizontale, les banques sont libres d'emprunter toutes les liquidits dont elles ont besoin au taux d'intrt dcid par la banque centrale. La base montaire varie au jour le jour sous l'effet des fluctuations de la demande alors que le taux d'intrt qui la rmunre reste fixe.

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Combien de temps le taux directeur de la Banque centrale reste fixe ? Cela varie, comme le montre la chronique des mouvements rcents du taux directeur de la BCE (taux de refinancement):taux dure date de changement directeur variation (mois) 15 janvier 2009 2 0,5 10 dcembre 2008 2,5 0,25 12 novembre 2008 3,25 0,25 15 octobre 2008 3,5 0,75 9 juillet 2008 4,25 0,25 13 juin 2007 4 0,25 14 mars 2007 3,75 0,25 13 dcembre 2006 0,25 3,5 11 octobre 2006 3,25 0,25 9 aot 2006 3 0,25 15 juin 2006 2,75 0,25 8 mars 2006 2,5 0,25 6 dcembre 2005 2,25 0,25 6 juin 2003 2 -0,5

1 1 1 3 13 3 3 2 2 2 3 3 30 3

Document 0b (volution du taux de la Fed et de la zone euro entre 1999 et fin 2007) La politique montaire peut rester inchange pendant de longs mois comme entre juin 2003 et dcembre 2005 (29 mois). On peut assister galement une politique de petits pas rpte comme entre septembre 2001 (une semaine aprs les attentats terroristes aux EU) et dcembre 2002. Au moment o la banque centrale dcide de changer le taux directeur, elle affecte la demande de rserves des banques et influence par l mme leur politique de crdit et doffre de monnaie.

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Un desserrement montaireTaux dintrt

i i

offre

demande base montaire

Le graphique montre les effets d'un assouplissement de la politique montaire sur la liquidit bancaire. Le cot de refinancement des banques baissant, les banques peuvent leur tour prter plus, ce qui accrot la masse montaire. Pourquoi la BC stabilise-t-elle le taux d'intrt plutt que la base montaire : cf. le modle de Poole infra.

2. Une brve histoire de la pense montairePrsentation slective qui met laccent sur les tapes essentielles

2.1 La thorie quantitative de la monnaieLa thorie quantitative de la monnaie est trs ancienne. Selon Jean Bodin (16e sicle), il y a une corrlation entre l'afflux de mtaux prcieux (Nouveau Monde) et la hausse des prix. Elle a ensuite t dvelopp notamment par Hume et Turgot au 18me sicle. Elle postule que la quantit de monnaie qui circule dans l'conomie dtermine le niveau gnral des prix sans affecter le volume des richesses produites. Une augmentation de la quantit de monnaie ne fait que diminuer sa valeur. Les auteurs qui ont progressivement formul les dtails de la thorie quantitative sont nombreux. Leur apport concerne les liens entre monnaie et inflation mais aussi entre monnaie et taux dintrt ou la monnaie et sa vitesse de circulation. Intrt et monnaie Montesquieu observait que l'afflux de mtaux prcieux qui suivit la dcouverte des Indes, avait non seulement augment le prix des marchandises mais diminu aussi le taux d'intrt.

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Cantillon est le premier noter un effet liquidit dans le cas de lafflux dor en Espagne. L'intrt baisse car l'or passe d'abord entre les mains des entrepreneurs, qui disposant d'assez de fonds pour leurs affaires, deviennent prteurs en d'une partie des sommes gagnes. Locke soutient que l'intrt est lev quand la monnaie est rare (anctre de l'effet liquidit, taux montaire de Wicksell). Turgot souligne que prix et intrt peuvent aller en sens oppos si les personnes dpenses plus en dspargnant. Cette thorie montaire du taux dintrt nest pas partag par tous les conomistes. Adam Smith a une vision relle du taux d'intrt comme issu de l'galit entre l'offre et la demande de capital, le taux d'intrt est dtermin par le taux de profit. Ce point de vue nest pas partag par dautres penseurs qui rflchissent une dtermination montaire du taux dintrt. Cantillon approfondit la notion de vitesse de circulation de la monnaie (que l'on trouve dj chez Petty et Locke). Il souligne que la cration montaire peut ralentir la vitesse de circulation et freiner l'impact sur les prix. Faire un lien avec Mv = PT. Il montre galement que les effets d'un accroissement montaire dpendent de la faon de l'introduire. L'effet rel sera diffrent selon que l'accroissement montaire provient de l'extraction de mtaux ou d'une balance excdentaire. Cantillon soutient que la dcouverte de mtaux prcieux a appauvri l'Espagne en raison d'une moindre comptitivit engendre par la hausse des prix. Effet Cantillon : Presque toutes les variations de la masse montaire, qu'elles aient ou non une influence sur le niveau gnral des prix, ont toujours ncessairement une influence sur les prix relatifs. Et comme ce sont les prix relatifs qui dterminent le volume et la structure de la production, presque toutes les variations de la masse montaire doivent aussi influer la production. Une avance majeure sur les effets dun accroissement montaire dans lconomie est ralise par David Hume, (repris abondamment par Robert Lucas dans sa confrence de rception du Prix Nobel dconomie). A lpoque, le systme dtalon or interdisait aux autorits de procder des augmentations montaires puisque la valeur de la monnaie tait rive sur lor. Mais la masse montaire fluctuait long-terme au rythme des dcouvertes de nouvelles mines dor. Pour Hume (1752) la monnaie est un voile: la notation en chiffres arabes ou romains ne fait pas de diffrences. Mais cest un voile seulement long-terme. Description des effets de l'importation d'or dans un pays: l'effet n'est pas dispers dans un grand nombre de mains mais se concentre dans quelques coffres, l'emploi augmente sans modification de salaire (les ouvriers trop contents de leur sort n'imaginent pas demander des salaires trop levs) au moment de la diffusion => importance du premier tour et de la rigidit des salaires. La monnaie a des effets graduels sur les prix. Dans la priode d'ajustement la monnaie stimule l'activit. Hume milite pour un accroissement constant de la quantit de monnaie de faon stimuler l'industrie (montarisme). Le mcanisme stabilisateur de rpartition des espces (price specie flow): David Hume a galement dcrit les effets dune expansion montaire dans une conomie ouverte. Supposons, crit Hume, que les quatre cinquimes de la monnaie qui circule en GrandeBretagne soient anantis en une nuit. Cette brusque rduction induit une baisse graduelle des salaires et des prix. Les marchandises anglaises sont si bon march quelles trouvent facilement Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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se vendre ltranger. La balance des changes devient excdentaire et un flux despces entre en Grande-Bretagne. La quantit de monnaie retrouve son niveau initial ; les salaires et les prix augmentent jusqu ce que la Grande- Bretagne perde son avantage comptitif. Soppose aux mercantilistes : il est vain de vouloir accrotre le stock dor en cherchant rendre excdentaire le solde des changes internationaux. Notons toutefois que cet ajustement nest pas instantan, il demande, au contraire, du temps : durant cet intervalle, la comptitivit des produits domestiques est affecte. court terme, la variation de la quantit de monnaie affecte les variables relles. Le mcanisme de rpartition des encaisses ne joue que dans le long terme3. En rsum, les quantitativistes dveloppent une rflexion sur la monnaie qui va bien au-del de la vision simpliste dune monnaie neutre dans les changes. Ils abordent les effets court-terme dune expansion montaire et insistent dj sur le rle des rigidits de prix et de salaires pour expliquer ses effets rels une poque o la science conomique et encore moins la macroconomie nexiste pas encore. Le schma danalyse principal peut se rsumer: Monnaie => produit => prix => BC.

2.2 La doctrine des effets rels (real bills doctrine)A la fin du 18e sicle en GB, la masse montaire nest plus compose uniquement de pices. Des billets de banques commencent faire leur apparition. Ce ne sont pas des billets tels que nous les connaissons aujourdhui. Mme sils sont convertibles en espces, ils nont pas cours lgal (universellement accept), ni cours forc (obligatoirement accept). Commence alors se poser une question centrale en thorie montaire, celui du statut de la monnaie scripturale. Le problme vient du fait que la quantit de billets en circulation est bien moins contrainte que la quantit despces rive sur le stock dor. Comment viter un excs de cration de crdit qui conduit des fluctuations excessives de l'offre de monnaie et du niveau des prix ? Mcanisme : les ngociants escomptent des lettres de change auprs des banques en change de billets. Supposons quun client promette de payer son fournisseur dans 3 mois une certaine somme. Cette promesse est matrialise par une lettre de change. Mais le fournisseur peut avoir besoin de largent immdiatement. Mais en transformant une lettre de change en billets, une banque introduit un moyen de paiement supplmentaire dans l'conomie.

Schma la suite dune rduction montaire: baisse des salaires et des prix => exportations => afflux d'or => inflation des prix et des salaires. La quantit de monnaie revient son prcdent niveau ! Raisonnement inverse si la quantit de monnaie est quintuple en une nuit. Dans Mundell-Fleming avec mobilit parfaite des capitaux: LM bouge (M augmente) et revient sa position initiale. Ici M/p baisse car M baisse => M augmente ensuite et P baisse simultanment. Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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lettre de change (effet) client fournisseur

lettre de change (effet) banque billet (cration montaire)

rembourse 3 mois aprs (destruction montaire)

A lpoque, la cration montaire est justifie si elle est lorigine dchanges supplmentaires permanents. En loccurrence, elle correspond une richesse relle supplmentaire si la lettre de change a pour contrepartie une vente de marchandises pays chance = effet rel. La cration montaire est juge inflationniste si elle est assise sur des effets fictifs ou de complaisance, par exemple si l'metteur de la lettre de change est insolvable. Dans ce cas, le fournisseur ne peut pas rembourser la banque mais a dj utilis le billet qui continue de circuler dans lconomie. A cette poque, la question est de savoir si les autorits doivent laisser se dvelopper librement l'mission de billets de banques convertibles en espces. Premire panique bancaire : le dbarquement de quelques soldats franais sur la cte britannique en 1797. La doctrine des effets rels soutient que la cration de monnaie papier nest pas une source dinflation tant que la monnaie qui ait cr lest en change de scurits suffisantes. Par exemple si un client demande un prt dune valeur de 200 sterling, alors ce prt ne causera pas dinflation si la banque reoit en change de ce prt un collatral dont la valeur est gale aux 200 sterling. Dans quelle mesure faut-il rglementer lactivit de crdit ? Hume, Turgot et Cantillon penchaient pour la prudence: risque d'instabilit et inflationniste suprieur l'avantage tir de la monnaie papier sur les espces. Hume utilise le mcanisme de rpartition des espces : si les banques mettent des billets convertibles en mtaux prcieux => M augmente => inflation retour du niveau d'encaisses relles son niveau prcdent => sortie d'or => la mauvaise monnaie chasse la bonne (mercantilisme). Selon les opposants la thorie des effets rels, l'intermdiation libre devrait tre favorise. Son principal reprsentant est Adam Smith qui insiste sur l'aspect pratique de la monnaie papier par rapport aux pices mme si la monnaie papier est moins sre. Elle est moins coteuse produire et les ngociants n'ont plus besoin de garder des espces en caisse et peuvent les dpenser. Adam Smith mise sur la prudence des banquiers. Il ne fait toutefois pas entirement confiance dans leur zle limiter la cration montaire. Notamment les banques ne doivent pas prter long terme avec des crances court-terme (=> limiter lactivit de transformation dchance, cf. Friedman 48). De plus, le prt bancaire doit tre garanti par un collatral, un effet rel. Il faut donc que lesAlexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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banques ne prtent qu' des agents solvables. Pour Smith, la banque peut vrifier la solvabilit facilement en demandant des remboursements frquents + interdiction d'mission de billets de faibles montant pour qu'ils ne s'changent qu'entre ngociants. La question des contraintes imposer la cration de monnaie scripturale traverse les poques. La thorie quantitative de la monnaie dfendra une restriction de la cration montaire partir des oprations de crdit. Par exemple, Friedman (1948) soutient la proposition de rserves obligatoires gales au stock de dpts (sparation des bilans par maturit).

2.3 Wicksell et le taux dintrt montaireWicksell a crit dans de nombreux domaines comme les liens entre croissance et ingalit, la thorie marginaliste le systme fiscal optimal et les biens publics. Sa thorie la plus clbre est celle contenue dans son ouvrage "Intrt et Prix" paru en 1898. Il est le premier vritablement rflchir aux consquences sur linflation dun rgime montaire dans lequel la monnaie se dmatrialise progressivement. Ce qui lamne dfinir deux rgimes montaires qui sont deux cas polaires. Le premier est le rgime de ltalon or (monnaie marchandise), le second le rgime de crdit pur. Le rgime de ltalon or de lpoque permettait dobtenir une inflation stable. Mais quen est-il dans un rgime de crdit pur ? Les variations de prix ne sont pas principalement attribuables aux variations de l'offre d'or, mais sont dues la capacit de cration montaire des banques. Wicksell propose la thorie des deux taux dintrt (taux montaire ou taux bancaire, taux naturel qui dpend des facteurs rels) qui jette les fondations dune intgration du march financier et du march des biens. Il existe deux taux dintrt selon Wicksell. Le taux dintrt montaire est le taux dintrt observ sur le march financier. Le taux dintrt naturel est le taux dintrt qui est neutre vis vis du taux dinflation ou encore le taux qui rend gaux loffre et la demande sur le march des biens. Quand le taux montaire passe en dessous du taux naturel (par exemple en cas dinflchissement de la politique de la BC), la demande demprunt des entrepreneurs excde la quantit dpargne dans lconomie. Les banques recourent alors au crdit pour financer les besoins dinvestissement sans ncessairement disposer de lpargne correspondante. L'investissement cre dans ce cas sa propre pargne en transfrant des ressources vers le secteur des biens de capitaux. Une expansion conomique apparat qui conduit linflation. Ensuite tout dpend du systme montaire en place. Dans le cas dun rgime dtalon or, les dpenses nouvelles entranent un dsquilibre de la balance commerciale et une sortie dor impliquant un dgonflement de la masse montaire et une stabilisation du niveau des prix (mcanisme dcrit par Hume). Le rgime dtalon or inclut par consquent une force de rappel qui limite la cration de crdit via l'ajustement de la balance commerciale. Il nexiste pas de tel mcanisme stabilisateur avec un rgime de crdit pur dans lequel la masse montaire est compose entirement de monnaie scripturale. Lexpansion conduit galement un dficit de la balance des paiements mais la masse montaire ne baisse pas pour autant car la

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cration montaire est sans limite contrairement au stock dor. Production et inflation augmentent sans frein : processus cumulatif. Quel bilan aujourdhui ? Une partie importante de lanalyse de Wicksell est correct. Les BC agissent sur lactivit et les prix en faisant varier le taux montaire. Selon Wicksell, la BC a une grande responsabilit et peut attnuer les cycles cumulatifs du crdit en adoptant un taux de refinancement adquat. Mais certains aspects de sa thorie pchent parfois. Par exemple Wicksell ne fait pas de distinction entre le taux nominal et taux rel. La distinction entre les deux taux est introduite par Fisher en 1896 mais Wicksell nen na pas connaissance. Par ailleurs sa conclusion quen systme de crdit pur, lexpansion suit un processus cumulatif nest pas compltement aboutie. La croissance relle de la production devrait tre borne par la dcroissance du rendement du capital = r, mais Wicksell ne fait pas cette hypothse. Irving Fisher compltera l'analyse quelques annes plus tard en montrant comment le processus peut se poursuivre: l'inflation rduit le taux d'intrt rel, ce qui relance encore le crdit jusqu atteindre la saturation des capacits de production.

2.4 Lapport keynsienLa reprsentation keynsienne simplifie de la politique montaire se trouve dans le clbre modle IS-LM. Laction de la BC passe par la demande de monnaie. M augmente : le taux dintrt compatible avec la demande de monnaie baisse. Introduire et expliquer la fonction de demande de monnaie : M s = M d = L1 ( r ) + L2 (Y ) Mcanisme : loffre augmente, la demande suit, le taux baisse, cela relance linvestissement, la demande agrge etc Keynes fait de la politique montaire le complment de la politique budgtaire. Dans cette approche de court terme, les deux instruments dterminent conjointement le taux d'intrt et le niveau d'activit. Mais Keynes attribue un rle plus important au budget qu la monnaie. Il thorise ainsi la notion de trappe liquidit pour indiquer que la politique montaire peut tre frappe dincapacit (M augmente mais le taux ne baisse pas). Il pense dautre part que linvestissement est peu sensible au taux dintrt. La politique budgtaire devient toutefois la pice centrale des politiques de stabilisation daprs-guerre jusque dans les annes 70. La politique montaire agit en complment en fournissant un environnement accommodant grce au maintien de taux bas. Pour beaucoup de keynsiens (dont Keynes lui-mme), la PM nest donc pas un outil suffisant permettant de garantir le plein-emploi. Ce scepticisme prend ses origines dans la Crise des annes 30. Pendant cette priode, les taux dintrt ont baiss considrablement, sans pour autant relancer les dpenses comme linvestissement. Avec dj des capacits inutilises, il tait difficile de convaincre les entreprises dinvestir en capacits nouvelles. De fait, la plupart des keynsiens, dont Hansen, recommandaient lusage de la politique budgtaire pour sortir de la dpression.

2.5 La vague montaristeLa thorie keynsienne sintresse au cycle conomique et dlaisse les considrations de longterme. Dans les annes soixante Friedman rintroduit le long terme dans lanalyse conomique. IlAlexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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le fait notamment pour la monnaie et sefforce de dmontrer qu cet horizon, la politique montaire n'a aucun effet rel, ni sur l'activit (croissance et emploi) ni sur les prix relatifs (dont le taux de change rel) et dtermine entirement l'inflation. En raffirmant la dichotomie classique LT, linflation devient un phnomne purement montaire. Cette explication de linflation diffre de celles qui attribuent un rle important aux dterminants rels, comme les revendications salariales, les chocs ptroliers, le changement dans les termes de l'change, dans la fiscalit, les dpenses publiques. Ces facteurs non montaires auront des effets long-terme sur la structure des dpenses, pas sur le niveau des prix. Renouveau de la thorie quantitative. Une des raisons pour lesquelles la thorie quantitative avait perdu son influence est la dpression des annes 30. En effet, les premires thories expliquant la grande dpression ntait pas fonde sur la monnaie (la thorie de Keynes, mais aussi celle de Fisher de la dette-dflation). Dans les annes 60, Friedman montre clairement que la Rserve Fdrale avait involontairement fait chuter la masse montaire d'un tiers entre 1929 et 1933, ce dont la plupart des observateurs de l'poque n'avaient pas conscience. La baisse des prix et des quantits est donc parfaitement cohrente avec la thorie quantitative. La principale oeuvre qui rhabilitent le rle de la monnaie dans lanalyse conomique est louvrage cocrit avec Anna Schwartz en1963 ("A Monetary History of the United States, 18671960").4 Les auteurs mettent l'accent sur ses effets rels de la monnaie, effets qui taient occults depuis la rvolution keynsienne. Ils montrent qu'une contraction montaire a prcd les rcessions qui se sont produites sur cette priode (graphique document 3). Bibliographie : Friedman Schwartz Rev of Economics and Stat. 1963 "Money and business cycles" bonne introduction au retour du montarisme dans les annes 60. Montre la chute de M1 dans les annes 30. Chute de 35% de M. Repre un vnement montaire majeur avant chaque dpression. Leur but est de montrer que si la politique montaire avait t conduite par des rgles plutt que mene de manire discrtionnaire, elle aurait t l'abri d'une multitude d'accidents qui ont inflchi son cours plusieurs reprises et ont finalement rendu le taux de croissance du produit plus volatile. Les deux auteurs relvent une multitude d'erreurs de la Fed. Lhistoire qui a conduit la dpression mondiale des annes 30 est instructive de leur dmarche. Friedman et Schwartz interprtent les actions de la Rserve fdrale entre 1928 et 1933 en terme de lutte interne pour le pouvoir partir des mmoires personnels de deux des protagonistes Hamlin et Harrison. (on retrouve galement cette histoire dans un article de Bernanke de 1995 JMCB). Lhistoire commence avec Benjamin Strong gouverneur de la banque de rserve fdrale de New York depuis sa cration en 1914 et personnalit dominante au sein du Systme fdral de rserve dans les annes 20. A la fin des annes 20, la Bourse amricaine atteint des niveauxLe livre est divis en neuf priodes qui correspondent chacune une priode de lhistoire amricaine. Approche narrative des cycles. Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html4

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spectaculaires. La Banque centrale ne s'intressait pas l'poque aux agrgats montaires. A la place, elle concentrait son attention sur le stock d'or et sur les supposs dmons de la spculation boursire. Quand les prix boursiers s'acclrrent en 1927, la plupart des conomistes de l'poque pressrent la BC de ragir. Benjamin Strong tait contre cette position. Le hasard voulut quil dcde en octobre 1928, un moment critique. Son dcs renverse lquilibre du pouvoir au sein du Comit et conduit la Fed certaines erreurs aux consquences conomiques dramatiques. Certains soutiennent que les politiques expansionnistes quil a adoptes au milieu des annes 1920 ont encourag la spculation excessive ayant men au krach boursier. Dautres croient que, si Strong avait vcu, il serait intervenu rapidement afin dattnuer les effets de la Grande Dpression (Roberts, 2000). Pour Friedman et Schwartz, une erreur dramatique de la Fed la fin des annes 20 a t de donner un poids trop important la bourse, alors que l'conomie ne donnait pas de signes forts d'inflation. Puis de ne percevoir que tardivement la gravit de la situation.5 Message central : la monnaie a des effets rels court-terme significatifs. Le montarisme a des implications pour la politique montaire. Une socit peut atteindre une inflation basse par une croissance faible de la masse montaire. En thorie, la BC peut influencer le cycle conomique mais Friedman dfend une rgle de neutralit. Cette dfense des rgles est pose ds 1948 : Friedman AER 1948 "A monetary and fiscal framework for economic stability". La ncessit des rgles a pour origine lexistence de dlais qui retardent les effets de la politique montire sur le cycle conomique. Les dlais daction de la politique montaire sont de trois ordres : 1. entre la ncessit d'agir et la reconnaissance de cette ncessit, 2. entre la reconnaissance et l'action, 3. entre l'action et ses effets conomiques. Une solution est de permettre une faible inflation tendancielle. Les dlais de rponse "longs et variables" de la politique montaire et budgtaire sont une entrave la stabilit, mme dans le cas de rgles, a fortiori en cas de politique discrtionnaire. Friedman avance un argument dincertitude pour justifier les rgles (ou argument d'ignorance) Ces positions sont raffirm en 1958 dans son tmoignage au congrs: proposition d'une rgle montaire simple de croissance constante de la masse montaire. Mise en garde contre les dangers d'utiliser de faon discrtionnaire la politique montaire. Une politique conjoncturelle active conduit une source d'incertitude supplmentaire pour les agents: les politiques de demande peuvent tre directement l'origine des cycles conomiques (vue partage avec les nouveaux classiques). Mais larticle le plus connu de Friedman est celui publi en 1968 dans lAER. "The Role of Monetary Policy" (voir galement Phelps Economica 1967 et JPE 1968). Insiste sur le rle des

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Alors que des dcisions de restriction de la convertibilit sont prises rapidement lors des paniques bancaires de 1873, 1893 et 1907 (peu de banques firent faillite ces poques), la Rserve fdrale fut incapable de prendre de telles mesures avant 1933. Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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anticipations dinflation. Sape les fondements de la courbe de Phillips et introduit la notion de taux de chmage naturel. Rappels sur la courbe de Phillips (verticale LT, fournit une interprtation de la synthse noclassique. Friedman : le gvt ne devrait pas utiliser la PM) etc. En conclusion, les montaristes critiquent la ngligence des facteurs montaires et la foi exagre des keynsiens dans l'utilit de la politique budgtaire (attention excessive sur le CT). Les keynsiens se fondaient sur l'tude des premiers travaux empiriques qui montraient une faible sensibilit des dpenses au taux d'intrt. Les montaristes offrent leurs propres preuves statistiques des effets de la monnaie.6

2.6 La convergence actuelleLors de la confrence prsidentielle de l'American Economic Association de 1976, Modigliani ne conoit pas de dsaccord analytique srieux entre les montaristes et les keynsiens. En ralit, les annes 70 sont tmoins dune opposition grandissante mais transitoire. Apparition dun nouveau courant conomique, lcole des nouveaux classiques. Pour Lucas, les fluctuations montaires sont causes par des erreurs de prvisions. Dj prsent chez Friedman mais cette cole va plus loin dans ses conclusions. De telles erreurs ne peuvent tre systmatiques et sont, de toute faon, de dure trop limite pour que l'effet conomique soit quantitativement significatif. Dans cette optique, la politique montaire ne peut carter l'activit de son niveau potentiel, mme court terme. En outre, l'inflation, parce qu'elle distord l'allocation des ressources, a des effets dfavorables sur le potentiel de croissance de l'conomie. Par consquent, les banques centrales ne devraient pas avoir d'objectif autre que d'assurer la stabilit des prix. L'apport principal a t de mettre en avant le rle des anticipations (Lucas, 1972 et Sargent et Wallace, 1975). Les premires thories des noclassiques ont donn limpression dun durcissement des positions entre les tenants de linterventionnisme et ceux de la neutralit montaire. Cette cole a largement chou dans sa tentative d'expliquer les fluctuations de l'activit en partant de l'hypothse de flexibilit des prix, mais a profondment affect l'analyse macroconomique qui a suivi. Elle s'est dsormais oriente vers une vision plus keynsienne qui prend en compte la rigidit des prix.6

Les avances sont essentiellement empiriques, peu thoriques. Les montaristes refusent gnralement la modlisation et reprennent des concepts datant de lre prkeynsienne. La distinction entre taux nominal et taux rel est introduite par Fisher en 1896. Lquation quantitative Mv = PT est dcouverte par Newcomb en 1885 et popularis par Fisher en 1911. Cette quation symbolise la thorie quantitative de la monnaie et offre un cadre comptable (surtout en diffrence) la dichotomie classique. Bilan selon Woodford : impact le plus fort: les anticipations dans la courbe de Phillips (la stagnation des annes 70 lui donne raison + fait le pont avec le LT), mais ont perdu la bataille mthodologique (les nouveaux keynsiens ont digr les ides montaristes dans le cadre d'une mthodologie unifie) Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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Dans cette optique, on assiste une rmergence de la vision ancienne selon laquelle la politique montaire peut affecter l'conomie relle dans le court terme, sans que soit remis en cause le postulat de neutralit long terme (Blinder, 1998). La synthse noclassique. La dichotomie classique est aujourd'hui accepte par la plupart des conomistes pour le long-terme sur la base dlments empiriques : Diagramme de dispersion pour 110 pays entre 1960 et 1990:

Document 8

Document 9

En effet, pourquoi la croissance des richesses long-terme dpendrait-elle du stock de papier monnaie mis dans une conomie ?

3. Les effets rels de la politique montaireLa position largement partage parmi les banquiers centraux et les conomistes est qu'une expansion montaire diminue temporairement le chmage et conduit une hausse retarde et graduelle de l'inflation. Leffet est symtrique en cas de baisse. Une contraction montaire augmente le chmage au moins temporairement et conduit une baisse progressive et retarde de linflation. Il existe une longue tradition d'une telle position. Dans son essai sur la monnaie publi en 1752, David Hume crit: In my opinion, it is only in the interval or intermediate situation, between the acquisition of money and the rise in prices, that the increasing quantity of gold or silver is favourable to industry Tout est dj l, y compris la diffrence de dlais entre les quantits et les prix. Cette thorie des effets de la monnaie sur la production et les prix est ensuite incarne par la courbe de Phillips dcroissante court-terme et verticale long-terme.

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3.1 Comment prouver les effets rels de la politique montaire ?En thorie simple : regarder les inflexions de la PM puis les effets qui en dcoulent sur la production, lemploi et les prix (document 1). En pratique, trs compliqu et a donn lieu des dbats sans fin, connus comme le problme didentification. 2.1.1 Le problme de lidentification Les premiers travaux pensaient avoir rsolu le problme de lidentification en montrant que la masse montaire et le crdit voluaient de concert avec une lgre avance de phase pour la monnaie.

Doc 10 Le document 1 supra montre le lien empirique entre la monnaie et l'activit. La croissance montaire s'inflchit avant le dbut des rcessions. Peut-on pour autant parler de causalit ?

Doc 12 Le document 12 est relier l'quation quantitative Mv = PT. Son interprtation est laisse au lecteur.Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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Certains conomistes en on conclu que la politique montaire tait un facteur important du cycle conomique. Cette affirmation pose toutefois plusieurs problmes. Premirement, la masse montaire est un mauvais indicateur de la politique montaire. La monnaie est un agrgat naturellement procyclique (mcanisme du cycle : investissement -> crdit -> monnaie). Si linvestissement augmente la fois la production et la monnaie alors on observe un lien entre monnaie et production mais pas un lien causal. Les deux variables ont une cause commune : l'investissement. Image de Friedman : la production dpingles nourrice augmente en expansion sans que lune cause lautre. De plus, la monnaie chappe au contrle de la BC au moins court-terme en raison des fluctuations de l'offre et de la demande de monnaie. Loffre : les banques prtent plus en priode dexpansion et peuvent couper le crdit en rcession. Le ratio crdits/base montaire n'est pas fixe mais varie avec le cycle. Il chute en priode de credit crunch (resserrement du crdit). La demande : les entreprises et les mnages demandent plus de monnaie en priode haute dactivit mais encore une fois la relation dpend peu du taux d'intrt. La relation LM qui relie la demande de monnaie au taux d'intrt est instable court-terme. Le document 12 l'illustre avec les fluctuations de la vitesse de circulation de la monnaie. Il existe donc une double perturbation ct offre et ct demande qui empche la BC de fixer la masse montaire. La politique montaire ne peut donc tre juge sur la base des fluctuations de la masse montaire. Une masse montaire qui s'acclre (ralentit) ne signifie pas ncessairement que la politique montaire est expansionniste (restrictive). Le problme de fond est que la monnaie est en partie endogne : l'activit conomique influence les fluctuations de la monnaie. On ne peut donc valuer l'impact de la politique montaire sur les fluctuations conomiques en observant les volutions de la monnaie. Le problme d'identification est un problme dendognit. Le taux d'intrt semble un meilleur indicateur mais n'est pas non plus exempt d'endognit. En thorie une baisse des taux d'intrt fait ragir positivement la production et baisser le chmage. Il y'a donc bien un lien qui va du taux d'intrt vers l'activit. Mais on sait galement que la BC a tendance baisser ses taux quand le chmage augmente, do lambigut sur le sens de causalit. Pour conclure dfinitivement sur les effets rels de la politique montaire, cette dernire devrait ressembler une exprience naturelle, c'est dire ne devrait pas ragir de faon systmatique l'tat de l'conomie. Ce qui n'est videmment pas possible : les BC veulent baisser les taux ds qu'une rcession s'annonce. 2.1.2 La stratgie didentification des deux Romer Une stratgie didentification est propose par Romer et Romer (1990) "New evidence on the monetary transmission mechanism".

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Dfinition des pisodes de contraction montaire: pisodes pendant lesquels la Rserve Fdrale amricaine a tent de freiner l'activit conomique afin de rduire une inflation juge excessive. Ide : la baisse de la monnaie (si elle a lieu) n'est pas induite par une baisse endogne de la demande de crdit et de biens des mnages et des entreprises. La dcision de la Fed est ici quasi-exogne, puisqu'elle n'est pas fonde sur l'activit mais sur une inflation excessive. Cela ne corrige pas 100% le problme de l'endognit car l'inflation tend apparatre en fin de cycle, mais reprsente quand mme un progrs vers la voie de l'identification. Les sources utilises: les comptes-rendus des runions des gouverneurs (Record of Policy Actions of the Board of Governors). Deux exemples: 1.la contraction montaire de 1947. "The important thing at the moment was to stop abnormal pressures on the inflationary side" ; rsum de la position de l'conomiste prsent dans le board: "He thought that there would and should be a mild recession." 2.Mars 1956: "The Comittee should combat an inflationary cost-price spiral despite the risk of incurring temporary unemployment."

Document 13

Document 14

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Les effets rels sont impressionants la fois sur la production et sur le taux de chmage. Ce dernier met du temps ragir. Cela a t particulirement vrai lors du dernier pisode rpertori. Paul Volker dbuta sa politique dsinflationniste en octobre 79. L'impact sur le taux de chmage fut maximal en 82-83. Les effets dsinflationnistes commencrent cette poque. Bernanke et Gertler (1995) "Inside The Black Box : The Credit Channel of Monetary Policy Transmission" trouvent que la politique montaire n'a pas d'effet sur l'inflation durant la premire anne. Reprsentation des effets d'une baisse permanente d'un point de taux directeur dans un modle VAR:

Document 17 En accord avec la courbe de Phillips augmente des anticipations. Modles de la BCE:

Document 18Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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Importance des dlais : politique dsinflationniste octobre 1979 pour une rcession en 1981 et 1982. Une fois dmontrs les effets rels de la PM CT, il reste comprendre pourquoi la monnaie nest pas neutre.

3.2 Les rigidits nominalesLes montaristes ont par la suite rvalu le rle de la monnaie dans le cycle conomique, ce qui paradoxalement revivifi le programme de recherche keynsien. En effet, pour que la politique montaire affecte l'conomie relle, il faut qu'elle agisse sur les prix relatifs et pas seulement sur le niveau gnral des prix. La question est de savoir comment un instrument qui n'a pas d'effet rel long terme peut en avoir un court terme. La rponse keynsienne est que les prix sont rigides en raison de contrats, de relations commerciales ou de cots d'ajustement. Il est intressant de comparer avec ce qui se passe LT. La monnaie est neutre LT car la croissance montaire entrane une variation correspondante des prix. Une inflation croissante augmente uniformment les prix sans modifier les prix relatifs, augmente le salaire nominal sans affecter le salaire rel, lve le taux dintrt nominal sans changer le taux dintrt rel et dvalue la monnaie par rapporte aux autres devises sans affecter la comptitivit des entreprises. Quelles sont les raisons de la non neutralit de la monnaie CT ? Deux pistes : rigidit des prix et des salaires. Pourquoi les prix sont fixes pendant de longues priodes : les contrats chelonns. Pb de la persistance pour la rigidit des prix. Si les prix sont rigides pendant une priode, les effets de la PM durent une priode, d'o le problme de la persistance. Solution : le manque de synchronisation des prix allonge la dure des effets (le multiplicateur de contrats de Taylor 1980). Linflation est une hausse du niveau moyen des prix. Cette dfinition simple masque en ralit un phnomne complexe o des centaines de milliers de prix dcids par autant dagents se modifient. Or les dcisions de prix ne sont pas prises continment au cours du temps et il y'a peu de chance que les changements individuels de prix soient parfaitement synchroniss. Intuition du mcanisme : soit deux entreprises qui augmentent tour de rle leur prix en prsence dinflation. Dlais d'ajustement sinon pertes de march car l'entreprise concurrente n'a pas encore baiss son prix. La fixation non synchrone des prix complique l'ajustement des salaires aux chocs nominaux. L'effet de la politique montaire s'tend alors au-del de lintervalle de temps pendant lequel les prix restent fixes. Les entreprises ne peuvent fixer des prix trop diffrents les unes des autres. Toutes sont donc contraintes des faibles variations qui retardent lajustement nominal. La rigidit des prix s'accompagne-t-elle galement d'une rigidit des salaires ? C'est en effet un lment cl de la Thorie Gnrale de Keynes parue en 1936, notamment parce que Keynes suppose que les salaris sont victime de l'illusion montaire en s'attachant au salaire nominalAlexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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plutt que rel. L'ide que les salaires sont rigides n'est pas propre Keynes mais remonte au moins Hume. Lhypothse de rigidit des salaires est difficilement sparable de celle danticipations inertes ou adaptatives. Scnario par lequel la rigidit des salaires peut jouer sur le cycle conomique : expansion => inflation => baisse du salaire rel => hausse de lemploi et de la production. Scnario retenu par Keynes. Keynes fait sienne la thse classique qui veut que: (...) tout volume de l'emploi correspond une certaine productivit marginale du travail (...) et c'est le volume de l'emploi qui dtermine le niveau des salaires rels (Keynes, 1936). Prenons une fonction de production rendements dcroissants: Q = F(L). Lemploi est fix par galit de la productivit marginale avec le salaire rel : F ' ( L) = w p

De plus Keynes suppose que la productivit marginale est dcroissante avec lemploi. Si le salaire nominal est rigide, le salaire rel va varier avec l'inflation. En concurrence parfaite, le salaire rel s'tablit la productivit marginale: FL(K,L) = W/P Quand les prix augmentent, le salaire rel baisse et la production est encourage.Productivit marginale du travail

Contra-cyclicit du salaire rel

w p

rcession expansion

emploi

En prsence de chocs de demande, le salaire rel doit donc tre contra-cyclique. Toute mesure propre augmenter l'emploi amne invitablement une baisse parallle de la production marginale et partant du salaire rel. (Keynes, 1936).Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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La double hypothse chocs de demande et efficacit marginale dcroissante du travail conduit prdire la contra-cyclicit du salaire rel. Il faut que le salaire rel baisse pour stimuler l'emploi et la production. Mcanisme : PM expansionniste : hausse des prix, baisse des salaires rels car (1) salaire nominaux rigides ou (2) erreurs danticipation, relance de lemploi. Nombreux problmes avec cette histoire Nous savons que les prix sont rigides. Il faut que les salaires le soient encore plus. Ce mcanisme ncessite beaucoup dhypothses : les volutions de prix et du salaire rel sont mieux perues par les entreprises que par les salaris (sinon les entreprises n'auraient pas de raisons d'embaucher plus au moment de la ngociation du contrat) l'emploi varie plus frquemment que les salaires Problme de chronologie : les prix ragissent tardivement la suite dune politique montaire expansive (pas avant un an) et de toute faon la production ragit avant. Lemploi augmente avant que la hausse des prix ne vienne baisser les salaires rels. La plupart des tudes trouvent un salaire rel faiblement procyclique (Dunlop, 1938 ou Solon, Barsky et Parker QJE 1994). La baisse conjoncturelle du salaire rel n'est donc pas un lment de l'expansion. ICI Une autre implication de lhypothse de salaires rigides est que les salaires sont plus rigides la baisse qu la hausse (Keynes). Cette interprtation intuitive n'est donc que peu soutenue par les faits sur donnes macro. Toutefois, c'est une bonne explication du chmage de la premire moiti des annes 80. Blanchard, 2005: Quand les prix baissent, le salaire rel augmente, la production est dcourage et le chmage augmente". La hausse conjoncturelle du salaire rel est ici un lment cl de la rcession. Ce qui compte ici ce n'est pas tant des salaires rigides que des anticipations errones sur l'inflation future. Pb de crdibilit de la PM galement.

4. Les canaux de transmission de la PMPas unanimit parmi les conomistes sur la liste exacte des canaux et leurs importances respectives.

4.1 Le canal du taux dintrtMcanisme : baisse du cot de refinancement des banques => baisse du cot du crdit => hausse des dpenses.

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Mcanisme LM : M s = M d = L1 (Y ) + L2 (i ) . La BC matrise M s . Si M s augmente, la demande de monnaie doit augmenter => le taux dintrt baisse ce qui relance les dpenses. En ralit, la BC matrise mal la masse montaire et contrle parfaitement le taux dintrt court-terme. La squence prcdente peut donc tre simplifie ! Il reste toutefois un problme potentiel dans la transmission. La politique montaire contrle le taux de court-terme nominal. Or l'investissement dpend du taux dintrt rel de long-terme. Comment se passe la propagation, dune part entre le taux nominal et le taux rel, et dautre part entre le taux court et le taux long ? Passage du taux nominal au taux rel: r = i a. Si i augmente, r augmente anticipation dinflation donne. De plus, la hausse de i prsage une baisse de linflation, ce qui amplifie leffet sur le taux rel. Le passage du taux de CT au taux de LT : la courbe des taux d'intrt. La squence des taux rangs par maturit constitue la courbe des taux. Courbe des taux sur titres dEtat franais en fvrier 2005 (courbe haute) et en fvrier 2006 (courbe basse) :

Document 19 Elle est croissante en fonction de lhorizon (pour rmunrer limmobilisation plus longue des capitaux) et concave (car cette prime augmente de moins en moins avec la dure dimmobilisation). Les taux longs sont des taux de march et refltent les anticipations de taux courts futurs. Exemple : passage du taux court (1 mois) au taux long (3 mois). Sans incertitude sur les taux futurs, condition de non arbitrage :3 1 3 1 + R0 = (1 + R0 )(1 + R12 )(1 + R2 )

Approximation :

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Notes de cours de politique montaire (dernire mise jour : fvrier 2009)3 1 3 log(1 + R0 ) = log(1 + R0 ) + log(1 + R12 ) + log(1 + R2 ) 3 1 3 R0 R0 + R12 + R2

Avec incertitude sur les taux futurs :3 1 3 R0 R0 + E ( R12 ) + E ( R2 )

Les taux longs sont donc gaux en moyenne la somme des taux courts. La propagation aux taux courts est bonne. Les taux trois mois pousent fidlement les taux directeurs :

Document 20 Le contrle des taux plus longue chance devient moins fiable au fur et mesure que lchance augmente et que les anticipations de taux futurs prennent une place croissante dans la formule.Que se passe-t-il sur la courbe des taux quand une rcession approche ?

Document 28 (la courbe des taux 4 dates)

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Analyse de lvolution de la courbe des taux : analyse des niveaux et analyse de la pente. Analyse des niveaux. Changement de politique montaire pour les Etats-Unis : octobre 1979. Rcession : juillet 1981-novembre 1982. On voit la courbe des taux se dplacer vers le haut entre aot 1978 (trait en pointill fin) et octobre 1980 (sommet) puis mai 1981. Remarquons que les taux courts dplacent lensemble de la courbe des taux dans le graphique.Analyse de la pente. Inversion de la courbe en 80 et 81. Pourquoi ? Car la hausse des taux pour lutter contre linflation est considre comme transitoire par les investisseurs. Quand la rcession arrive, les taux courts baissent en effet.3 1 3 R0 R0 + E ( R12 ) + E ( R2 )

Cest ce qui sest pass la plupart du temps :

Document 29 La hausse avant la rcession combat linflation au prix dune rcession. La baisse rapide qui suit tente de stabiliser le PIB. Tant que la courbe des taux est croissante, les banques peuvent emprunter CT et prter LT. Le renversement de la courbe entrane une marge ngative pour les banques et freine considrablement le crdit. Cela traduit une baisse future anticipe des taux courts. C'est ce qui se passe quand le march anticipe une rcession: l'effet balancier du taux montaire explique l'inversion. La hausse des taux en fin d'expansion est transitoire. On a parl de lcart entre le taux nominal et le taux rel, ainsi que celui entre le taux CT et celui LT. Il reste une troisime distinction importante, celle entre les taux fixes et les taux variables. Elle doit tre relie aux spcificits du march du crdit et la structure du bilan des agents en terme de niveau d'endettement.

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Contrairement aux salaires qui sont rviss en moyenne annuellement, les contrats de crdit peuvent durer plusieurs annes (jusqu' 20 ans pour les crdits l'habitat). La prdominance des contrats longs taux fixes explique en partie les dlais de rponse dans la transmission des taux courts vers les taux longs: le changement de taux sapplique seulement aux nouveaux contrats (mais le pass nest pas pertinent pour lemprunt de la priode ). Si les contrats sont taux variables, les emprunteurs existants sont impacts par les mouvements de taux, ce qui amplifie les effets de la politique montaire en raison d'effets de richesse. Les pays de la zone euro diffrent cet gard. Dans certains pays, les crdits se font essentiellement taux variables (Espagne, Irlande, Portugal, Finlande, Italie). Dans dautres taux fixes (Allemagne, Pays-Bas, Autriche) ou essentiellement taux fixe comme la France. La baisse des taux dintrt a provoqu un boom immobilier au milieu des annes 2000 en Irlande et en Espagne, pays o les mnages sont relativement endetts et o les crdits hypothcaires sont lis au taux dintrt CT. Au sein de la zone euro, la France se situe plutt parmi les conomies o la politique montaire a limpact le plus faible. Cette particularit peut s'expliquer. Les mnages et les entreprises franaises sont plutt moins endetts que leurs homologues de la zone euro, et lorsqu'ils sont endetts, ils le sont souvent taux fixes. De plus, une partie importante de l'pargne des mnages et des ressources des banques est compose de produits rglements (livrets A, CODEVI (livret de dveloppement durable)) dont la rmunration ne suit pas systmatiquement les variations de taux directeurs. En outre, les tudes conomtriques laissent penser que les banques franaises ne rpercutent que partiellement les variations des taux directeurs dans la fixation des taux des crdits. De mme, il apparat que l'conomie de la zone euro est moins sensible aux variations des taux directeurs que celle des Etats-Unis (DP septembre 2004).

4.2 Laction directe sur le crdit (canal du crdit)Mcanisme : hausse du cot de refinancement des banques => hausse du rationnement du crdit => baisse des dpenses

Ce canal met en scne les banques. Les banques sont parfois amenes rationner le crdit aux entreprises et aux particuliers (rationnement quantitatif plutt que hausse des taux). Cela se produit parce que les agents nont pas suffisamment de fonds propres ou parce que les banques elles mmes ont fait des pertes dans le pass. Une contraction montaire en augmentant le taux dintrt rduit linvestissement des entreprises. Cest le canal du taux dintrt dj vu (ou canal LM). Mais elle peut galement amener les banques intensifier le rationnement du crdit. + effet indirect de la rcessions sur les fonds propres des agents = acclrateur financier. Le canal du crdit de la politique montaire permet d'expliquer pourquoi: de trs faibles variations des taux d'intrt peuvent conduire de larges mouvements des dpenses: l'investissement mais aussi les variations de stock.Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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le poids des politiques montaires restrictives est principalement support par les entreprises les plus dpendantes du crdit bancaire.

Gertler et Gilchrist (1994) comparent le comportement de stocks des petites et moyennes entreprises et celui des grandes entreprises la suite d'une restriction de la politique montaire et trouvent un effet diffrentiel sensible.

4.3 Le canal du taux de changeMcanisme dconomie ouverte en prsence de mobilit des capitaux et de taux de change flexible (cas de figure du modle Mundell-Flemming). En cas de mobilit des capitaux, les investisseurs arbitrent entre les titres domestiques et trangers. Mcanisme : une hausse du taux d'intrt 1) rend les actifs libells en monnaie nationale plus attractifs. Les rentres de capitaux qui s'ensuivent provoquent une apprciation du taux de change nominal. 2) Avec des prix relativement rigides, il s'ensuit une perte de comptitivit externe, et une dtrioration du compte courant qui affecte d'autant plus le niveau d'activit que l'conomie est ouverte. Ce canal est relativement bien document. Illustration du lien entre taux dintrt et taux de change :

Document 21 La relation empirique entre taux de change et diffrentiel de taux est visible lors de lenvole et de la redescente du dollar dans les annes 80.

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Document 22Taux de change fixes ou taux de change variable ?

Le triangle d'incompatibilit. Un gouvernement doit choisir au plus deux des trois options suivantes (voir galement le modle de Mundell-Fleming): *PM indpendante (contre-exemple le rgime de l'talon or) *mobilit du capital (contre-exemple Bretton Woods) *taux de change fixe (contre-exemple depuis 73) Les BC doivent dcider si elles laissent fluctuer le taux de change ou si elles le fixent sur la valeur dune autre monnaie. Quelle politique aboutit la meilleure politique macro ? Un taux de change fixe implique une perte dautonomie de la politique montaire si la mobilit des capitaux est leve (triangle d'incompatibilit). Les variations du taux dintrt ne servent qu ajuster la valeur externe de la monnaie. Le bnfice est une moindre volatilit du taux de change et par l mme des prix et du PIB. Dans une conomie trs ouverte (gnralement petite) o la part des importations dans le PIB est importante, cette option est prfrable. Les gains et les bnfices sont inverses pour un taux de change variable. La BC prfre utiliser directement la PM pour stabiliser lconomie plutt que le taux de change. Ok si faible ouverture/grand pays. Explique pourquoi des grandes zones montaires comme lEurope ou les Etats-Unis laissent fluctuer leur monnaie. Les travaux qui simulent des conomies trouvent gnralement que la seconde stratgie est prfrable pour stabiliser les prix et le produit. Taylor montre une telle supriorit pour les EtatsUnis, le Japon et lEurope.

4.4 Le canal du prix des actifsMcanisme : baisse du cot de refinancement des banques => hausse du prix des actifs => accroissement des dpenses

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Il existe un mcanisme de transmission montaire qui suit deux tapes. 1re tape. La baisse des taux dintrt en rduisant le cot de lendettement entrane une hausse du prix des actifs financiers et immobiliers. A contrario, une politique montaire restrictive peut dclencher une dynamique baissire. + effets indirects via l'impact de la baisse de la demande sur les profits et les cours boursiers. Exemple : EU 2003-2007, Europe mme priode avec l'Irlande et l'Espagne) 2me tape : l'effet de richesse qui influence la dpense des mnages. Prenons le cas dune PM expansionniste. Une hausse du prix des actions et de limmobilier se rpercutera d'autant plus sur la consommation que: la hausse des prix des actifs est perue comme permanente, la richesse n'est pas trop concentre au sein des mnages (mme si la propension consommer la richesse est gale l'unit long-terme, les mnages riches ont plus tendance taler les effets sur la consommation d'un surcrot de richesse) Il ne faut pas surestimer la porte du canal passant par le march des actions. 80% des mnages les moins riches dtiennent seulement 4% du total des actions => pour la plupart des mnages les effets richesses n'ont que peu d'impact sur leur possibilits de consommation. Moins vrai aux EU o la moiti des mnages dtiennent des actions. Les effets richesse passant par limmobilier sont plus importants. En France, plus de la moiti des mnages sont propritaires de leur appartement. De combien de dollars la consommation augmente quand le patrimoine financier s'accrot de 100 dollars: 4 dollars (Abel et Bernanke, Macroeconomics 4e Ed., 2001) entre 3 et 6 dollars (Gordon, Macroeconomics, 1993) entre 4 et 8 dollars pour un horizon de planification 30 ans (Poterba, 2000) entre 2 et 3 dollars et entre 15 et 20 dollars pour l'immobilier (Benjamin et al., 2004).Application : les effets de la chute immobilire amricaine sur la croissance. La baisse de la valeur du march immobilier est estime 30% (passe et venir). Sur une richesse immobilire initiale de 21 000 mds de dollars, cela signifie une perte de 6300 milliards de dollars pour les propritaires, essentiellement les mnages amricains. Si 100 dollar de richesse en moins diminue la consommation de 10 dollars, cela signifie une baisse de la consommation de 420 Mds de dollars soit environ 2% du PIB amricain si la chute se produit en un an (la consommation = 2/3 du PIB ie de 13200 Mds de $ en 2006), ce qui est largement suffisant pour entraner une rcession (Feldstein). Si la baisse se produit en trois ans, 1% en moins par an. Cet exemple suppose que la perte est supporte entirement par les mnages propritaires. En ralit, les mnages endetts qui ne peuvent plus rembourser sont expropris, les banques font des pertes, lesquelles peuvent tre trs coteuses l'conomie dans son ensemble Conclusion de la section : des canaux de transmission varis de la monnaie vers lactivit. Tous vont dans le mme sens. Une augmentation du taux directeur de la BC dprime lactivit. Schma de la Bank of England :Alexis Direr (courriel : 'nom'@ens.fr) http://elias.ens.fr/~adirer/index.html

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document 23Quels sont les canaux les plus importants ?

Bernanke et Gertler JEP 1995 "Inside The Black Box : The Credit Channel of Monetary Policy Transmission". Zones d'ombre dans les canaux de transmission de la PM. Question : que se passe-t-il aprs une expansion montaire ?fait 1: la demande finale ragit la premire, ensuite la production. L'ajustement se fait par les variations de stocks, fait 2 (mnages puis entreprises ou demande avant production): la partie de la demande qui ragit le plus vite est l'investissement rsidentiel, la consommation (de biens durables et non durables) vient juste aprs, fait 3: l'investissement des entreprises rpond avec retard.

L'histoire est globalement cohrente avec un canal passant par le taux d'intrt, les dpenses durables qui sont financs par l'emprunt ragissent significativement. Mais il existe certaines anomalies : problme de magnitude (les effets taux sont quantitativement faibles), dans la chronologie (le FFR retourne sa tendance en 8 9 mois = effets temporaires, les dpenses ragissent ensuite), dans la composition des dpenses puisque l'impact devrait tre plus fort pour les actifs court-terme. => bien quimportant, le canal du taux dintrt nest certainement pas le seul considrer.

5. La mise en oeuvre de la politique montaireLa PM est guide par des objectifs quil reste dfinir (section 4.1). La BC doit galement choisir les instruments appropris pour les atteindre (section 4.2).

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5.1 Les objectifsPour comprendre le dbat sur les moyens de la politique montaire, il faut remonter aux objectifs. Les deux objectifs les plus frquemment rencontrs sont une inflation faible et la stabilisation du produit. A titre dexemple, le mandat confi la Rserve fdrale requiert d'elle la stabilit des prix et le plein emploi. Celui de la BCE seulement la stabilit des prix. La rgle gnrale est de dfinir comme objectif principal, et souvent unique, le taux d'inflation moyen terme. Parmi les pays dont le taux d'inflation est bas, l'objectif est en moyenne entre 1 et 3%. Par exemple, pour lanne 2004, la cible dinflation du Royaume Uni, de la Sude ou du Canada tait comprise entre 1 et 3%. Lobjectif annonc par la BCE est une inflation infrieure 2%, et est directement inspir de la politique de la Bundesbank dans les annes 90. Cet objectif fait toutefois l'objet de critiques. Ce taux est remarquablement bas dun point de vue historique. En ralit, linflation moyenne de ces dernires annes est lgrement suprieure 2%7.

Document 23b Les difficults rencontres par la BCE maintenir le taux d'inflation dans la marge annonce est susceptible de poser des problmes de crdibilit des objectifs annoncs. En ralit, une inflation 2,5 ou 3% plutt que 2% ne dcrdibilise pas une banque centrale La dfinition de linflation change dun pays lautre galement. La BCE utilise comme rfrence lindice des prix la consommation alors que la Reserve fdrale utilise depuis 2000 linflation sous-jacente (core inflation) qui exclut de lindice des prix lnergie et les biens alimentaires qui sont des biens dont le prix est sujet de fortes variations temporaires. Cet indice

Sur un horizon historique plus long, nous pouvons nous tourner vers lexprience de la Bundesbank dont la BCE prend modle. Ainsi, de 19