Mohamed Bouazizi, bourgeon du Printemps tunisien
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17-Mar-2016Category
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Introduction
L'acte dsespr de Mohamed Bouazizi, le 17 dcembre 2010 Sidi Bouzid, est souvent
considr comme l'picentre du sisme appel Printemps arabes. Cependant, l'odeur de la rvolte
des peuples tait-elle dj perceptible avant l'immolation du jeune marchand ambulant tunisien ?
Plusieurs signes tangibles laissaient entrapercevoir une rvolution venir et ces derniers taient
prsents tous les niveaux de lEtat et dans tous les domaines.
Dans la premire partie de ce travail de fin dtudes, je vais tenter de dresser un portrait
de la Tunisie avant le 17 dcembre 2010. Il sagira de faire un tat des lieux des points de vue
politique, conomique et finalement social. Passer par cet tat des lieux pr-rvolutionnaire de la
Tunisie est ncessaire afin de comprendre pourquoi le peuple tunisien sest soulev contre un Etat
o la lgitimit de celui qui en tait sa tte a t de plus en plus remise en question.
Lun des principaux points pour tenter de rpondre la question prcdemment pose est
situer en janvier 2008 : un mouvement populaire impuls par les chmeurs de la ville de
Redeyef, dans la rgion de Gafsa. Cest dans un contexte hautement inflammable que des
revendications sociales fortes ont clat bien avant dcembre 2010.
Cest travers cette pr-rvolution que je tenterai, tout dabord, de dresser un portrait
de la Tunisie trois ans avant le basculement de son destin.
Dans un second temps, je tenterai de remettre en contexte deux notions qui sont
importantes pour le lecteur. Il sagira de dfinir les notions de rvolution et de printemps .
Lobjet de mon travail tant de me rendre compte si la presse quotidienne franaise avait pu
anticiper la rvolution qui tait en marche, il me semblait donc important dapprocher ces deux
termes. De cette manire, le lecteur pourra en comprendre les enjeux et les rouages.
Ensuite, une fois cette introduction sur ltat des lieux de la Tunisie et la dfinition des
deux notions ncessaires pour la comprhension de mon travail faites, viendra la partie la plus
importante. Pralablement introduite par quelques explications quant la mthodologie que jai
applique, cette prochaine partie sera divise en deux. La premire sera consacre un corpus
darticles parus dans les trois principaux quotidiens franais en version papier savoir Libration,
Le Monde et Le Figaro. Ces derniers couvriront la priode allant du jour de limmolation de
Mohamed Bouazizi, le 17 dcembre 2010, jusquau 27 dcembre 2010, soit une priode de dix
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jours suivant lacte dsespr du jeune habitant de Sidi Bouzid. Cette partie se voudra exhaustive
au sujet de tous les articles ayant trait lactualit tunisienne durant cette priode.
Une fois lanalyse de ce premier corpus acheve figurera un second corpus. Celui-ci, au
contraire du premier, nest volontairement pas exhaustif. Il vise regrouper des articles que jai
pralablement slectionns en me basant principalement sur leur caractre anticipatif. Ces
derniers ont t publis, cette fois-ci, non plus exclusivement dans le journal papier mais sur les
trois sites internet des quotidiens. La priode de parution de ces articles stendra du 28
dcembre 2010 au 12 janvier 2011, soit deux jours avant la fuite du Prsident Ben Ali, synonyme
de chute du rgime.
Ces deux corpus seront accompagns de deux lignes du temps et de deux cartes qui
permettront au lecteur de sy rfrer tout moment. De cette manire, il pourra se rendre compte
des vnements importants qui ont eu lieu au moment de la parution des articles soumis mon
analyse mais galement de la propagation des heurts au travers tout le territoire tunisien.
Aprs ces deux parties danalyse qui savrent tre le cur de mon travail, viendra le
temps des conclusions. Cette partie tentera de rpondre la question principale de mon travail :
les quotidiens franais ont-ils pu prdire la chute du Prsident Zine el-Abidine Ben Ali ?
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1. Le pr-printemps tunisien
1.1. Etat des lieux de la Tunisie avant la rvolution
1.1.1. Etat des lieux politique
Lpoque que nous vivons ne peut plus souffrir, ni
prsidence vie ni succession automatique la tte de
l'tat duquel le peuple se trouve exclu. Notre peuple
est digne d'une vie politique volue et
institutionnalise, fonde rellement sur le
multipartisme et la pluralit des organisations de
masse. 1
Ben Ali pendant tenant un discours.
(Photo : http://www.businessnews.com.tn)
Suite la relecture de ses paroles,
nous pouvons nous demander ce qui est
arriv pour que le prsident et chef
suprme des forces armes voit son
rgime tre renvers par son peuple ?
Non pas par des forces extrieures au
pays mais par le peuple vivant sur ses
terres.
Le peuple tunisien rclame sa libert dans les rues.
(Photo : http://www.tunisienumerique.com)
1 Discours du 7 novembre 1987 prononc la radio nationale par Ben Ali lors de sa prise de pouvoir.
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1.1.1.1. Accession au pouvoir
Le 7 novembre 1987, Ben Ali accde aux plus hautes fonctions de lEtat tunisien en tant
lu prsident. Juste avant cette passation de pouvoir, Bourguiba2 tait prsident de la Tunisie et
secrtaire gnral du PSD3. Il avait nomm, en juin 1986, Ben Ali en tant que secrtaire gnral
adjoint du parti. Ce statut a permis Ben Ali, alors premier ministre et dauphin de Bourguiba au
sein du parti, de lui succder. En effet, Bourguiba tait alors trs malade et larticle 57 de la
constitution tunisienne prvoit quen cas de problme de sant et dune incapacit exercer la
fonction de prsident de lEtat, on puisse lui succder. Lheure tait donc arrive de cder les cls
du palais prsidentiel Ben Ali.
Sur cette photo de 1987, Ben Ali - alors
secrtaire gnral adjoint du PSD - prend
officiellement la succession de lancien
prsident Habib Bourguiba au pouvoir depuis
1957.
(Photo : AFP)
2 Militant au parti nationaliste Destour, il le quitte en 1934 pour fonder le No-Destour, au sein duquel il
prne une version laque et dmocratique du nationalisme.
En 1955-1956, aprs avoir triomph des oppositions au sein de son parti, il arrache la France lautonomie,
puis lindpendance de la Tunisie et obtient en 1957 la destitution du bey pour proclamer la rpublique, dont
il prend la prsidence.
Bourguiba impose la Tunisie une lacisation autoritaire et une tatisation de lconomie. Mais ses rformes
dinspiration socialiste (planification, coopratives agricoles, extension du secteur public, dveloppement des
industries lgres) chouent en grande partie du fait de la trop forte concurrence trangre et dune
mauvaise organisation interne. Sa diplomatie se dmarque de celle des autres pays arabes par son ouverture
lOccident et son refus de lintransigeance face Isral.
Rlu deux reprises la tte de ltat, Bourguiba modifie la Constitution pour se faire reconnatre Prsident
vie en 1974 alors que sa sant dcline.
Dans les annes 1980, le pays senfonce dans la crise et, malgr un retour au pluralisme politique, Bourguiba
devient de plus en plus impopulaire et doit faire face la monte de lislamisme et de nouvelles meutes
partir de 1984. Sa destitution en 1987 par le gnral Ben Ali est accueillie avec soulagement. Il reste en
rsidence surveille jusqu sa mort en 2000.
Source : Bourguiba Habib . In : Encyclopdie Larousse en ligne
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Bourguiba/109843
(consult le 26/01/2013).
3 Parti socialiste destourien qui a t rebaptis RCD (Rassemblement Constitutionnel Dmocratique).
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Lors de son discours tenu au moment de sa prise de pouvoir, Ben Ali promet le
multipartisme ainsi quune libert des organisations de masse. Il supprimera galement la
prsidence vie et limitera le nombre maximum de mandats prsidentiels pouvoir briguer
trois. Ces annonces arrivent dans un contexte o le pays est sous tension suite la monte de
lintgrisme. Cette manuvre vise apaiser cesdites tensions.
1.1.1.2. Premire lection de Ben Ali en 1989
Aprs avoir succd Bourguiba en 1987 suite son incapacit mdicale, lheure de la
premire lection prsidentielle arrive le 2 avril en 1989. Le mme jour ont lieu les lections
lgislatives. Fort dune candidature unique la prsidentielle, Ben Ali sera lu 99,27% des voix.
Cependant, le score aux lgislatives prouve quil existe une vraie opposition politique au sein des
tendances islamistes. Dans certains quartiers de Tunis, les scores rcolts par des personnalits
politiques islamistes atteignent 30% face des candidats du parti prsidentiel (RCD).
Ben Ali est conscient de cette alternative politique quincarne le parti islamiste. Le 7
novembre 1988, il avait pralablement interdit au parti islamiste de pouvoir tenir un rle dans
lopposition. Il avait donc anticip cet engouement et, par cette manuvre, il avait empch une
candidature aux prsidentielles qui ont suivi en 1989. Il en fera de mme avec le parti
communiste dextrme gauche (PCO). Une srieuse organisation politique au sein dun parti peut
mettre mal la gouvernance de Ben Ali. Sa stratgie sera dasscher, daffaiblir les partis
politiques capables de runir des voix et de sorganiser en vrai parti dopposition. Cette incapacit
du parti politique islamiste