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Résumé L’archéosismicité est un des moyens de confirmer l’existence de séismes ayant entraîné des dommages sur des constructions anciennes. La recherche de séismes antiques à l’aide de l’archéologie doit permettre d’augmenter les informations pour la période antérieure à celle dont les écrits ont pu être conservés et mieux calibrer les spectres de réponse de dimensionnement réglementaires. La démarche mise en œuvre lors de ces études est par nature multidisciplinaire car elle touche l’archéologie, la sismologie, le calcul de structures, etc… Les calculs par éléments finis permettent de confirmer –ou infirmer- certaines hypothèses données par les archéologues. Ainsi, depuis 1995, une succession de travaux a été réalisé en France autour de l’aqueduc romain de Nîmes et du Pont du Gard. Ces études ont pour but d’expliquer les phénomènes naturels, en particulier les séismes, survenus autour du vestige romain. Plus récemment, ce travail a été poursuivi par l’étude de plusieurs églises incluant un édifice roman situé en Cerdagne dans les Pyrénées et ayant pu être touché par le séisme de Catalogne de 1428. Les modes de ruine de ce type d’ouvrages soumis à des séismes ont été analysés en se basant sur les résultats de calculs linéaires élastiques et sur le retour d’expérience de séismes plus récents ayant eu lieu, en particulier, en Italie. La méthode de calcul a été vérifiée par l’étude d’une église endommagée par le séisme du Friuli (Italie, 1976) et la comparaison avec les dommages observés sur le terrain. Cet article vise à présenter la méthodologie et les principaux résultats des calculs effectués sur les églises de Cerdagne et du Friuli. L’apport des outils numériques pour les études d’archéosismicité ainsi que les difficultés rencontrées lors de leur utilisation seront mis en évidence. 1. Introduction Depuis 1995, une succession de travaux a été réalisée en France autour de l’aqueduc romain de Nîmes et du Pont du Gard (Figure 1), (Berthellot, 2000), (Sollogoub et al., 1998). Ces études avaient pour but d’expliquer les phénomènes naturels, en particulier les séismes, survenus autour du vestige romain. Plus récemment, ce travail a été poursuivi par l’étude de plusieurs églises incluant un édifice roman situé en Cerdagne dans les Pyrénées et ayant pu être touché par le séisme de Catalogne de 1428. Les modes de ruine de ce type d’ouvrages soumis à des séismes ont été analysés en se basant sur les résultats de calculs linéaires élastiques et sur le retour d’expérience de séismes plus récents ayant eu lieu, en particulier, en Italie. La méthode de calcul a été vérifiée par l’étude d’une église endommagée par le séisme du Friuli (Italie, 1976) et la comparaison avec les dommages observés sur le terrain. Cet article présente la méthodologie et les principaux résultats des calculs effectués sur les églises de Cerdagne et du Friuli. L’apport des outils numériques pour les études d’archéosismicité ainsi que les difficultés rencontrées lors de leur utilisation y sont mis en évidence (Figure 1). 2. Généralités sur la modélisation en Génie Parasismique La modélisation numérique constitue avec les observations post-sismiques, les essais en laboratoire et les normes de construction l’un des 4 piliers du Génie Parasismique. Modélisation du comportement sismique du bâti ancien Exemples d’application à l’archéosismicité Didier Combescure 1 , Pierre Sollogoub 1 , Michael Reboul 2 , Thomas Gazzola 2 1 Laboratoire EMSI, DEN/DM2S/SEMT, CEA Saclay, F-91191 Gif-Sur-Yvette, France Tel : +33 1 69 08 66 55, Fax : +33 1 69 08 83 31, courriel : didier .combescur [email protected] 2 Etudiants stagiaires Modélisation du comportement sismique du bâti ancien Exemples d’application à l’archéosismicité - Didier Combescure, Pierre Sollogoub, Michael Reboul, Thomas Gazzola Actes des VI e Rencontres - Archéosismicité & Vulnérabilité, Environnement, bâti ancien et société Groupe APS 2002 1 Figure 1 : 1 er mode de vibration du pont du Gard (0.34 Hz).

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RésuméL’archéosismicité est un des moyens de confirmerl’existence de séismes ayant entraîné des dommages surdes constructions anciennes. La recherche de séismesantiques à l’aide de l’archéologie doit permettred’augmenter les informations pour la période antérieureà celle dont les écrits ont pu être conservés et mieuxcalibrer les spectres de réponse de dimensionnementréglementaires. La démarche mise en œuvre lors de cesétudes est par nature multidisciplinaire car elle touchel’archéologie, la sismologie, le calcul de structures, etc…Les calculs par éléments finis permettent de confirmer–ou infirmer- certaines hypothèses données par lesarchéologues. Ainsi, depuis 1995, une succession de travaux a étéréalisé en France autour de l’aqueduc romain de Nîmeset du Pont du Gard. Ces études ont pour but d’expliquerles phénomènes naturels, en particulier les séismes,survenus autour du vestige romain. Plus récemment, cetravail a été poursuivi par l’étude de plusieurs églisesincluant un édifice roman situé en Cerdagne dans lesPyrénées et ayant pu être touché par le séisme deCatalogne de 1428. Les modes de ruine de ce typed’ouvrages soumis à des séismes ont été analysés en sebasant sur les résultats de calculs linéaires élastiques etsur le retour d’expérience de séismes plus récents ayanteu lieu, en particulier, en Italie. La méthode de calcul aété vérifiée par l’étude d’une église endommagée par leséisme du Friuli (Italie, 1976) et la comparaison avec lesdommages observés sur le terrain.Cet article vise à présenter la méthodologie et lesprincipaux résultats des calculs effectués sur les églisesde Cerdagne et du Friuli. L’apport des outils numériquespour les études d’archéosismicité ainsi que les difficultésrencontrées lors de leur utilisation seront mis enévidence.

1. Introduction

Depuis 1995, une succession de travaux a été réalisée enFrance autour de l’aqueduc romain de Nîmes et du Pontdu Gard (Figure 1), (Berthellot, 2000), (Sollogoub et al.,1998). Ces études avaient pour but d’expliquer lesphénomènes naturels, en particulier les séismes,survenus autour du vestige romain. Plus récemment, ce

travail a été poursuivi par l’étude de plusieurs églisesincluant un édifice roman situé en Cerdagne dans lesPyrénées et ayant pu être touché par le séisme deCatalogne de 1428. Les modes de ruine de ce typed’ouvrages soumis à des séismes ont été analysés en sebasant sur les résultats de calculs linéaires élastiques etsur le retour d’expérience de séismes plus récents ayanteu lieu, en particulier, en Italie. La méthode de calcul aété vérifiée par l’étude d’une église endommagée par leséisme du Friuli (Italie, 1976) et la comparaison avec lesdommages observés sur le terrain.Cet article présente la méthodologie et les principauxrésultats des calculs effectués sur les églises de Cerdagneet du Friuli. L’apport des outils numériques pour lesétudes d’archéosismicité ainsi que les difficultésrencontrées lors de leur utilisation y sont mis en évidence(Figure 1).

2. Généralités sur la modélisation en GénieParasismique

La modélisation numérique constitue avec lesobservations post-sismiques, les essais en laboratoire etles normes de construction l’un des 4 piliers du GénieParasismique.

Modélisation du comportement sismique du bâti ancien Exemples d’application à l’archéosismicité

Didier Combescure1, Pierre Sollogoub1, Michael Reboul2, Thomas Gazzola2

1 Laboratoire EMSI, DEN/DM2S/SEMT, CEA Saclay, F-91191 Gif-Sur-Yvette, France Tel : +33 1 69 08 66 55, Fax : +33 1 69 08 83 31, courriel : [email protected] Etudiants stagiaires

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Figure 1 : 1er mode de vibration du pont du Gard (0.34 Hz).

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Avant de décrire la démarche adoptée pour les étudesprésentées dans cet article, rappelons les 2 typesd’application de la modélisation en Génie Parasismique:- d’une part, les modèles de calcul sont utilisés dans lesbureaux d’études pour dimensionner les structures. Cesmodèles requièrent la connaissance de la géométrie de lastructure et permettent de déterminer les sections et lesferraillages compatibles avec les différents cas de charge(poids propre, séisme…). Les modèles sontgénéralement linéaires élastiques et souvent formésd’éléments de poutre. Les calculs sismiques sonteffectués à l’aide des techniques de recompositionmodale et tiennent compte de la ductilité des structurespar un coefficient de réduction des efforts élastiquesappelé coefficient de comportement.- d’autre part, les modèles utilisés en laboratoire serventà préparer, dimensionner et interpréter les essais destructures sur table vibrante ou mur de réaction. Lescalculs sont alors non linéaires et reproduisent lecomportement des structures en béton armé jusqu’à deforts niveaux de dommages (fissuration, plastificationdes aciers, éclatement du béton en compression…).

Ces 2 catégories de modèles sont aussi utilisées pour lediagnostic du bâti existant mais, contrairement audimensionnement, cet usage n’est pas encore normalisémême pour les structures en béton armé.Les modèles linéaires élastiques sont surtout utilisés pourdes ouvrages complets comme le Pont du Gard (Croci,1998). Les modèles non linéaires sont souventconsidérés comme des outils de recherche et serventsurtout à affiner la compréhension des phénomènes. Lesprincipaux modèles non linéaires sont les modèleséléments finis ayant des lois de comportement nonlinéaires et les modèles par éléments distincts où la nonlinéarité est concentrée principalement aux interfacesentre éléments de blocs. Un exemple de résultats decalculs effectués à l’aide d’éléments distincts sur uneéglise de Tarquinia (Italie) est donné sur la Figure 2. Lechargement sismique a été simplifié en un chargementhorizontal proportionnel à la masse et appliqué

statiquement avec une amplitude croissante (calcul «push-over »). Comme le montre la figure, les élémentsdistincts présentent l’avantage de pouvoir simuler lecomportement de la structure jusqu’à la ruine et la chutedes blocs.

3. Démarche adoptée

Les études présentées dans cet article sont basées surl’hypothèse d’un comportement linéaire élastique desmatériaux. Bien que donnant une image simplifiée ducomportement, les calculs élastiques permettent de sefaire une idée assez précise du comportement sismiquedes ouvrages étudiés. De plus, les principales difficultésde la modélisation du bâti ancien apparaissent déjà pource niveau de modélisation.

3.1. Etat des lieux de l’ouvrageL’étude d’un ouvrage ou d’un bâtiment débute par sonétat des lieux. Bien qu’évidente, cette étape estfondamentale et présente de nombreuses difficultés à nepas sous estimer. Le relevé des plans de l’ouvrage en estla première phase. Parallèlement, les matériauxconstituant la structure ainsi que les différentes phases deconstruction doivent être caractérisés. Cette étape qui estbeaucoup moins naturelle pour les ingénieurs que pourles architectes et les archéologues est d’autant plusimportante que le bâti ancien est généralement le résultatde plusieurs phases de construction et d’aménagement.Ce travail permet de déterminer le plus convenablementpossible l’état et les caractéristiques mécaniques del’ouvrage et en particulier l’état de contraintes initial dela structure soumise à son poids propre.

3.2. Construction du modèle de calculLe modèle de calcul (maillage et propriétés mécaniquesdes matériaux) doit être bâti en accord avec les donnéesdisponibles mais il ne faut pas oublier que le modèle decalcul quelque soit sa complexité sera toujours unevision simplifiée de la réalité.Les maillages utilisés dans les exemples suivants sont

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Figure 2 : Mécanisme de ruine de l’Eglise de Santa Maria Maggiore à Tuscania (Italie) [Nistico et al., 1995].

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des maillages volumiques ou surfaciques pour leséléments finis de coque (Figure 3). Les matériaux sontconsidérés comme homogènes et isotropes. Cettehypothèse est relativement correcte pour l’échelleétudiée ainsi que pour la maçonnerie de ces ouvrages detype maçonnerie a sacco qui a des propriétés mécaniquespeu orthotropes. La qualité de la maçonnerie du bâtiancien peut être très variable. Les valeurs du moduled’élasticité et des résistances en traction ou aucisaillement présentent souvent des incertitudes mêmepour les modèles de calcul linéaires et d’autant plus pourdes modélisations non-linéaires plus fines. Réduire lesmarges d’erreur sur ce point nécessite le recours à desmesures in situ et à des essais de caractérisation.Un point critique dans la construction du modèle est lacaractérisation des liaisons entre éléments. Par exemple,dans un bâtiment, les liaisons entre une façade et lesmurs de refend ou entre des murs porteurs et un plancheront une influence directe sur les résultats des études ainsique sur le comportement sismique de la structure.Plusieurs hypothèses sont alors souvent employées pourdéterminer celle(s) ayant le plus d’importance et donc àcaractériser le plus finement possible.

3.3. Les calculs par recomposition modaleSi on suppose le comportement de la structure linéaireélastique, les calculs sismiques peuvent être effectués àl’aide des techniques de recomposition modale parcumul quadratique. Les fréquences et les modes propressont tout d’abord calculés et comparés au contenufréquentiel du spectre d’oscillateur utilisé. Ce spectre,qui suffit à caractériser le séisme de calcul, peut êtrecalculé directement à partir d’un signal sismique réel ouest donné par les normes. Il peut aussi être déterminé àpartir de lois d’atténuation et de la sismicité de la régionoù se trouve le bâtiment. Les spectres d’oscillateurpermettent de calculer le déplacement extrême del’oscillateur à un degré de liberté ayant la mêmefréquence que la structure étudiée. La pseudo-accélération ou accélération spectrale est alors déduite

directement de ce déplacement. Les forces statiqueséquivalentes représentatives du séisme sont obtenues parmultiplication de la masse modale effective et del’accélération spectrale. Le modèle de calcul permetalors de calculer les contraintes et les déformationslocales extrêmes pour chaque mode. Le cumul des effetsdes différents modes et du poids propre peut s’avérerdifficile lorsque des maillages complexes sont utilisés etque plusieurs modes ont une influence non négligeablesur le comportement sismique de l’ouvrage.Heureusement, dans de nombreux cas, on peutconsidérer un seul mode propre par direction de séismeet le combiner uniquement au poids propre.

3.4. Les critères de ruineLes calculs fournissent les grandeurs globales tel que lesdéplacements horizontaux, les efforts et momentsfléchissants ainsi que les contraintes locales que lastructure va subir au cours du chargement sismique. Ladétermination de l’état de dommage de la structure àpartir des valeurs extrêmes des grandeurs données par lecalcul nécessite la définition d’un critère de ruine localcaractérisé par une fonction seuil f.Si les matériaux sont supposés linéaires élastiques, lecritère est fonction du tenseur des contraintes. Descritères de type Mohr-Coulomb ou contraintesprincipales en traction sont bien adaptés aux matériauxfragiles tel que la maçonnerie.Critère sur les contraintes principales :f(σ1,σ2)=Maxσ1, σ2) - ftCritère de Mohr Coulomb : f(σ1,σ2)=(σ2-σ1) +(σ1 +σ2).sin(ϕ) - 2C.cos(ϕ) σ1 et σ2 sont les contraintes principales maximales etminimales, ft la résistance en traction, C la cohésion et ϕl’angle de frottement.Si la valeur de la fonction seuil f est négative sur toute lastructure, le matériau reste dans le domaine linéaire etaucune fissure se forme. Dans le cas contraire, lesmatériaux situés dans les zones où la fonction seuil f estpositive ne sont plus dans le domaine élastique et ont

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Figure 3 : Exemples de maillages tridimensionnels massifs et coques : (a) : Eglise de Sant Marti ; (b) : Bâtiment en maçonnerie

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atteint la ruine dans le cas des matériaux fragiles (commela maçonnerie). Il faut noter que les résultats du calcul nesont alors plus valables et qu’en théorie, des calculsplastiques devraient être effectués pour bien appréhenderles redistribution de contraintes entre éléments.Dans le cas des calculs non linéaires, les critères de ruinesont plutôt fonction des déformations locales comme lesouvertures de fissure. Pour des structures courantes telque les bâtiments, des critères de ruine globaux(déplacement maximum, contrainte moyenne) peuventaussi être utilisés.

3.5. Validation des modèles et de la démarcheLa validation de la démarche de modélisation est uneétape essentielle assurant la prédictivité des études et lafiabilité des résultats. Cette validation nécessite laconfrontation avec des résultats expérimentaux sur des

structures de référence testées en laboratoire (Figure 4)ou ayant fait l’objet de mesures in situ. En raison de ladifficulté de construire en laboratoire des structuresreprésentatives du bâti ancien et du coût associé, le retourd’expérience post-sismique a une importance particulièrepour le bâti ancien. Il permet d’appréhender trèscorrectement leur comportement à la ruine surtoutqualitativement.

4. Application à l’archéosismicité

La méthodologie précédente a été appliquée à l’étuded’une église située dans les Pyrénées dans le but demieux appréhender les dommages que peut causer unséisme sur ce type d’ouvrage et ainsi mieux déterminerl’intensité du séisme de Catalogne de 1428 qui a touchéecette région (Figure 5). L’intensité épicentrale du séisme

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Figure 4 : Structure testée à l’aide de la méthode pseudodynamique au laboratoire ELSA du CCR Ispra (Italie)

Figure 5 : Sismicité historique dans les Pyrénées

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principal a été estimée à IX et des églises ontcertainement été endommagées par ce séisme.Plusieurs églises de la région comme Llo ou Hixprésentent plusieurs phases de construction. Unedes explications peut être la reconstructiond’une partie de ces ouvrages après unévénement sismique majeur. Les résultats decette étude numérique permettront donc auxarchéologues une meilleure recherche des tracesde dommages d’origine sismique.

5. Etude de l’église de Sant Marti d’Envalls

L’église romane de Sant Marti d’Envalls située enCerdagne française a été consacrée en 1164.Contrairement aux autres églises de Cerdagne (Llo,Hix…), elle a été très peu modifiée depuis saconstruction et est donc certainement représentative deséglises romanes situées dans cette région lorsque leséisme de Catalogne eut lieu en 1428.Ses dimensions sont relativement modestes : Longueur=14.40mLargeur=7.70mHauteur de la voûte=4.90mHauteur du mur-clocher=8.50mElle est formée d’une nef voûtée, d’un chœur semi-circulaire et d’un mur clocher plat (Figure 6). Comme laplupart des églises romanes, son entrée est située sur lecoté de la nef et non pas dans la façade. La voûte de lanef est de forme ogivale, la clé de voûte ayant unehauteur de l’ordre de 50 cm à comparer à l’épaisseur desmurs valant 1.00m. La maçonnerie des murs est forméede deux parements remplis avec du tout-venant. Unmodule d’élasticité E a été choisi égal à 2000 MPa pourles calculs sismiques.Le spectre d’oscillateur utilisé pour les calculscorrespond à un séisme de magnitude 6.5 à 20 kmconforme aux estimations faites par les sismologues pourle séisme de 1428 (Figure 7). L’étude sous chargementsismique a été réalisée dans la direction transverse(perpendiculaire à l’axe Est-Ouest de l’église) et dans ladirection longitudinale (axe de l’église). Tous les calculs

ont été réalisés en considérant un seul mode ainsi que lepoids propre.Les différentes parties de la structure (mur-clocher, nefvoûté (Figure 8), arc triomphal et chœur) ont toutd’abord été analysés séparément. Ceci correspond à unehypothèse de joints très faibles entre les éléments de lastructure. L’église complète a ensuite été étudiée (Figure9). La comparaison des fréquences des éléments séparéset de l’église complète permet déjà de comprendre lemode de fonctionnement mécanique de l’église. On peutainsi déterminer les éléments les plus rigides qui ont lesfréquences propres les plus élevées ainsi que les liaisons

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Figure 6 : Vues de l’église de Sant Marti d’Envalls

Figure 7 : Spectres utilisés pour les calculs (M=6. à 20 km)

Figure 8 : Déformée du premier mode de la nef voûté (10.7 Hz)

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0,00

0,05

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0 5 10 15 20 25

Fréquence (Hz)

PSA (g)

Rocher

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ayant un rôle majeur sur le comportement sismique del’église.Dans le cas de l’église de Sant Marti d’Envalls, lastructure est très rigide (fréquence supérieure à 10 Hz).Le comportement dans le sens transverse et le senslongitudinal est dominé par celui de la nef voûtée. Dansle sens longitudinal, la jonction entre le mur-clocher et lanef modifie radicalement le comportement du mur-clocher et il faut s’attendre, en cas de séisme, à uneséparation du mur clocher de la nef de l’église.Les résultats des calculs sismiques ont été analysés àl’aide d’un critère de Mohr-Coulomb avec une cohésionde 46 kPa et un angle de frottement de 40 degrés.L’analyse des isovaleurs du critère de Mohr-Coulomb(Figure 10) montre que les zones critiques de la structuresont :la clé de voûte de la nef qui risque de s’effondrer pour leniveau de séisme étudié,la partie haute des murs extérieurs de la nef dont leparement peut être expulsé vers l’extérieur,

les zones situées autour des ouvertures du mur-clocherd’où des fissures peuvent se développer.De plus, le chœur est relativement peu sollicité par leséisme, ce qui est en accord avec le fait que les églises deCerdagne aient pratiquement toujours leur chœur romand’origine.Ces résultats ne sont pas incompatibles avec le fait quel’église de Sant Marti n’ait aucune trace de dommaged’origine sismique. En effet, cette église est située auNord de la Cerdagne et est donc plus éloignée d’unequinzaine de kilomètres du foyer du séisme de 1428 queles églises de Hix et Llo.

6. Validation de la démarche : étude d’une église duFriuli

La démarche de calcul précédente qui est relativementsimplifiée a été appliquée à l’analyse d’une églisetouchée par le séisme du Friuli en 1976. Un document duCNR italien recense les caractéristiques et les dommagesobservés après le séisme de 1976 sur une vingtained’églises du Friuli (Doglioni, etal., 1994). Ce travail a étépoursuivi pour le séisme d’Ombrie de 1997 àl’Université de Gênes (Lagomarsino, 1998). L’ensemblede ces relevés constitue une base de donnéesremarquable et un retour d’expérience post-sismiqueunique pour ce type d’ouvrage.L’église de Santa Maria del Fossale de Gemona (Figure11) a des dimensions relativement modestes par rapportaux autres églises de la région et plusieurs modes derupture intéressants y ont été observés. Elle a donc été

Figure 9 : Déformée du premier mode de l’église complète

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Direction transversale (14.0 Hz)

Direction longitudinale (22.3 Hz)

Tableau 1 : Valeurs des fréquences propres de l’église de SanMarti d’Envalls (E-2000MPa)

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Direction Choeur

48.1Hz 10.7Hz 12.2Hz 21Hz 14Hz

11Hz 22Hz 22.3Hz

Mur clocher

Nef voûté

Arc triomphal

Eglise complète

Sens transverse

Sens longitudinal

Figure 10 : Déformé du premier mode de l’église complète

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Figure 11 : Vue de l’église de Santa Maria del Fossale(Doglioni, 1994)

Tableau 2 : Valeurs ( en Hz) des fréquences propres de l’églisede Santa Maria del Fossale (E-2000MPa)

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Figure 13 : 1er mode propre de la nef (1.21 Hz) et de l’arctriomphal (5.70 Hz)

choisie pour « valider » l’approche de calcul. Toutefoisla structure des églises du Friuli est assez différente decelle de Sant Marti d’Envalls : la nef est généralementformée de deux murs latéraux supportant une charpenteen bois. De plus, l’église de Santa Maria del Fossale ades dimensions plus importantes que Sant Martid’Envalls:Longueur=15.40mLargeur=9.60mHauteur de la nef=9.60mHauteur de la façade=11.90mEpaisseur des murs = 50 à 60 cmLargeur des murs latéraux de l’arc triomphal=environ2.00mUn modèle de calcul tridimensionnel massif a étéconstruit en adoptant les caractéristiques de lamaçonnerie de l’église de Sant Marti d’Envalls (Figure12). La toiture a été représentée à l’aide d’éléments finisde poutre et de plaque et d’un matériau isotrope ayant lespropriétés du bois. Les liaisons entre la charpente et lesmurs sont implicitement parfaites et la toiture peut doncjouer un rôle de diaphragme en transférant les effortssismiques vers les éléments de structure les plus rigides.Cette hypothèse est certainement un peu optimiste.

Les fréquences et modes propres de chaque partie del’église ont tout d’abord été calculés (Tableau 2). Il fautnoter les faibles valeurs de fréquence et donc la grandesouplesse du mode transverse de la nef (Figure 13) et dumode hors-plan de la façade.

Dans le sens transverse, l’arc triomphal et la façaderigidifient notablement l’église: la fréquence propre del’église complète (Figure 14) vaut 5.21 Hz soit environ 4fois la valeur de la fréquence de la nef isolée. Les forcessismiques sont donc reprises principalement par lafaçade et l’arc triomphal. De plus, l’analyse des résultatsdu calcul sismique a mis en évidence une violation ducritère de Mohr Coulomb autour de l’ouverture de lafaçade ainsi que dans la partie supérieure de l’arctriomphal. Pour ces 2 éléments, les modes de ruineattendus sont donnés sur les Figures 15 et 16. Lesobservations post-sismiques confirment ces prédictions(Figure 17 à Figure 21).

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Figure 12 : Maillage de l’église de Santa Maria del Fossale

Direction Mur clocher

Nef voûtée

Arc triomphal

Chœur Eglise complète

Sens transverse Sens longitudinal

48.1 Hz 11.0 Hz

10.7 Hz 12.2 Hz 21.0 Hz 22.0 Hz

14.0 Hz 22.3 Hz

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Figure 18 : Dommage de l’arc triomphal de l’église de SantaMaria de Fossale (Doglioni, 1994)

Figure 19 : Dommage du choeur de l’église de Santa Maria delFossale (Doglioni, 1994)

Figure 15 : Dommage estimé d’après les calculs élastiquespour la façade

Figure 16 : Dommage estimé d’après les calculs élastiquespour l’arc triomphal

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Figure 17 : Dommages de la façade de l’église de Santa Maria de Fossale (Doglioni, 1994)

Figure 14 : 1er mode propre transverse de l’église complète (5.21 Hz)

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Dans le sens longitudinal, les murs de la nef gouvernentle comportement de l’église. Les différences defréquences de la façade et de l’église complète laissentsupposer que, sous chargement sismique, la façade atendance à se détacher des murs de la nef. Ceci estconfirmé par l’analyse des isovaleurs du critère de Mohr-Coulomb ainsi que par les observations post-sismiques.

7. Conclusions

Cet article a présenté les résultats de deux études menées,dans un premier temps, sur une église située dans lesPyrénées représentative des églises romanes qui ont ététouchées par le séisme de Catalogne de 1428 et, dans unsecond temps, sur une église endommagée par le séismedu Friuli (Italie) en 1976. L’étude de cette seconde églisea permis de retrouver par le calcul les modes de ruptureobservés après le séisme de 1976. Ces études numériquesainsi que les observations post-sismiques ont mis en

évidence les parties vulnérables de ces églises qui sont lafaçade et la partie supérieure de la voûte de la nef et del’arc triomphal, le chœur étant la partie la plus rigide etla plus résistante.Une meilleure appréciation des niveaux de séismeentraînant la ruine de ces éléments de structure nécessitedes études plus précises utilisant des lois decomportement non linéaires reproduisant pluscorrectement la fissuration ainsi que des essais sismiquesvalidant ces outils de calcul. De plus, une meilleurecaractérisation de ce type de construction est nécessairepour affiner notre connaissance du comportementsismique de ces ouvrages qui est jusqu’à présent trèslimitée en France. Ceci nécessite de nombreusescollaborations entre archéologues, architectes desmonuments historiques et ingénieurs.Enfin, l’approche décrite ici peut être utilisée pourdéterminer la vulnérabilité sismique du bâti ancien ruralet urbain.

Figure 20 : Dommages du choeur et des murs latéraux del’église de Santa Maria del Fossale (Doglioni, 1994)

Figure 21 : Dommages observés sur l’église de Santa Mariadel Fossale (Doglioni, 1994)

Actes des VIe Rencontres - Archéosismicité & Vulnérabilité, Environnement, bâti ancien et société ∗ Groupe APS ∗ 2002

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Modélisation du comportement sismique du bâti ancien Exemples d’application à l’archéosismicité - Didier Combescure, Pierre Sollogoub,Michael Reboul, Thomas Gazzola

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