Modélisation de La Pollution Atmosphérique ENPC

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  • Modlisation de la pollution atmosphrique.

    Cours de l'Ecole Nationale des Ponts et Chausses.

    Bruno Sportisse

    1

    1

    Centre d'Enseignement et de Recherche en Environnement Atmosphrique, Laboratoire Commun

    EDF R&D-ENPC. E-mail: [email protected]

  • Table des matires

    1 Pollution(s) atmosphrique(s) : lments de classications. Quelques ordres

    de grandeur bons connatre 11

    1 Composition chimique de l'atmosphre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

    1.1 Espces traces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

    1.2 Phases de la matire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

    1.3 Les principales espces considres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

    1.4 Espces primaires, espces secondaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    2 Structure verticale de l'atmosphre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    2.1 Couches de l'atmosphre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    2.2 Pression atmosphrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

    2.3 Distribution verticale de l'ozone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

    3 Quelques chelles de temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

    3.1 Temps de transport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

    3.2 Temps de rsidence d'une espce chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    2 Quelques lments sur la Couche Limite Atmosphrique 21

    1 Notion d'chelles en mtorologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

    2 Couche Limite Atmosphrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

    2.1 Gneralits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

    2.2 Classication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

    3 Stratication thermique et stabilit de la CLA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

    3.1 Quelques notions bien utiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

    3.2 Stabilit atmosphrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

    3.3 Evolution typique de la stabilit au cours d'une journe . . . . . . . . . . 31

    4 Description de la turbulence dans la CLA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

    4.1 Turbulence dans la CLA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

    4.2 Quelques rappels (rapides) sur la modlisation de la turbulence . . . . . . 33

    4.3 Energie cintique turbulente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

    5 Quelques lments de dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

    5.1 Rappel sur les quations de la dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

    5.2 Ecoulement dans la CLA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

    3 Chimie atmosphrique 47

    1 Quelques caractristiques de la chimie atmosphrique . . . . . . . . . . . . . . . . 48

    1.1 Rappels de cintique chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

    1.2 Ractions photochimiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

    1.3 L'atmosphre, milieu oxydant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

    1.4 Temps de vie d'une espce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

    1.5 Domaines de validit des modles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

    3

  • 2 Chimie stratosphrique de l'ozone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

    2.1 Destruction et production naturelle d'ozone stratosphrique . . . . . . . . 59

    2.2 Destruction d'ozone catalyse par les composs broms et chlors . . . . . 61

    2.3 Trou d'ozone polaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

    3 Chimie troposphrique de l'ozone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

    3.1 Cycle de Chapman et quilibre naturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

    3.2 Chanes d'oxydation des COV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

    3.3 Rgimes chimiques : high NOx/low NOx . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

  • Introduction

    Le rchauement de la plante est une consquence trs prvisible des atteintes portes la

    couche d'ozone, suscites par une industrialisation croissante.

    (un journal de la presse rgionale, aot 2003)

    Eet de serre, trou d'ozone et qualit de l'air

    Une certaine confusion existe parfois avec l'utilisation du terme gnrique de pollution

    atmosphrique. Celui-ci peut recouvrir des phnomnes bien distincts :

    l'eet de serre additionnel provoqu par les gaz eet de serre (comme le dioxyde de

    carbone) et ses consquences ventuelles sur le changement climatique ;

    la destruction de l'ozone stratosphrique (notamment aux ples) par des composs comme

    les CFCs (Chloro-uoro-carbones) ;

    la qualit de l'air avec les problmatiques de pollution photochimique (ozone et oxydes

    d'azote), de pluies acides (lies au soufre et aux arosols sulfats), plus gnralement de

    pollution transfrontire multi-polluants ;

    les impacts de rejets accidentels (chimiques ou nuclaires) dans l'atmosphre ;

    etc.

    La nature des espces chimiques concernes et les chelles spatiales et temporelles de l'impact

    d'mission dans l'atmosphre permettent de classier ces thmes, qui ont en commun leur lien

    avec la composition chimique de l'atmosphre et la dispersion atmosphrique.

    Le rapide historique d'une comprhension de plus en plus ne

    La mention de la pollution atmosphrique (mme si elle n'apparat pas sous cette dnomi-

    nation bien entendu) est relativement ancienne (tableau 1).

    Ds l'Antiquit, des auteurs, comme Lao Tseu, s'inquite des impacts de l'activit humaine

    sur l'environnement (notamment l'air). Un magistrat romain rglemente les missions lies un

    abattoir et une brasserie York ds le IVme sicle.

    La littrature historique fait habituellement dbuter aux crits du physicien et mdecin Moses

    Maimonides (vers 1200) une description documente de la qualit de l'air : the air becomes stag-

    nant, turbid, thick, misty and foggy (en reprenant les termes des traductions anglo-saxonnes,

    [8]).

    Des rglementations contre l'usage du charbon proximit du palais royal sont dictes par

    Edouard I, sur les plaintes de sa femme (whosoever shall be found guilty of burning coa shall

    suer the loss of his head). A plus grande chelle, Richard II rglemente l'usage du charbon

    Londres ([12]).

    Le premier ouvrage entirement consacr la question est le trat de John Evelyn : "Fumi-

    gium or the Inconvenience of the Air and Smoke of London Dissipated", qui parat en 1648 (alors

    que l'Europe et l'Angleterre ont d'autres sujets de proccupation). C'est bien sr les dbuts de

    5

  • 500 BC Lao Tseu (impact de l'activit humaine sur l'environnement)

    300 rgulation locale York (abattoir et brasserie)

    1200 Moses Maimonides dcrit la pollution

    1272 Edouard I interdit l'usage du charbon proximit du palais royal

    1390 Richard II rgule l'usage du charbon Londres

    1648 "Fumigium or the Inconvenience of the Air and Smoke of London Dissipated

    de John Evelyn

    1692 "A general history of the Air" de Robert Boyle

    1734 tude de l'impact d'une fonderie sur la qualit de l'air locale

    par Linne (Sude)

    1772 trat sur la pluie et la rose (Hales).

    Lien avec l'acidit et les particules soufres.

    1852 distinction de diverses zones de pollution par Robert Angus Smith

    1872 "Air and Acid Rain : the Beginnings of a chemical climatology"

    de R.A.Smith

    1880 mesures de l'ozone en milieu urbain par Christian Schnbein

    30s Sidney Chapman propose un mcanisme pilotant l'ozone stratosphrique

    1951 Arie Haagen-Smith tudie la composition du smog de Los Angeles

    70s mcanismes d'ozone stratosphrique (Crutzen, Rowland, Molina, ...)

    1986 Atmospheric Chemistry and Physics (J.H.Seinfeld, une somme sur le sujet, [9])

    Tab. 1 Une comprhension de plus en plus ne de la pollution atmosphrique

    la Pr-Rvolution industrielle avec une utilisation croissante du charbon comme combustible

    pour l'industrie et le chauage.

    Alors que les mentions taient jusque l uniquement cantonnes au domaine de la description

    et des impacts sanitaires, la rexion sur la composition chimique commence merger avec

    Boyle (1692) dans son General history of the Air, o il voque le "nitros et salinos-sulphurus

    spiritus". Hales (1772) fait le lien avec l'eau atmosphrique ("the air is full of acid and sulphurus

    particles") dans son ouvrage sur la pluie et la rose.

    En 1852, Robert Angus Smith note que la nature de la pollution est dirente selon la

    localisation (et de fait l'loignement aux sources) : ammonium en "open country", sulfates "in

    suburbs", soufre et acide sulfurique "in towns". Le terme de pluie acide apparat avec son ouvrage

    de 1872 (Air and Acid Rain : the Beginnings of a chemical climatology).

    Les choses s'acclrent ensuite avec d'une part la monte en puissance de la physique et de

    la chimie, d'autre part l'accroissement des missions (lies l'industrialisation croissante ou au

    dbut de l'automobile).

    Alors que l'ozone commence tre mesur ds le dernier quart du XIXeme sicle (notamment

    avec Christian Schnbein), des mcanismes chimiques sont proposs tout au long du XXme

    sicle pour expliquer la composition chimique de l'atmosphre. Sidney Chapman propose dans

    les annes 30 un premier mcanisme dcrivant l'ozone stratosphrique. Arie Haagen-Smith dcrit

    la composition probable du smog photochimique de Los Angeles au dbut des annes 50s (un

    mlange d'ozone, d'oxydes d'azote et de composs organiques volatiles).

    La perception de l'atmosphre comme un milieu chimique ractif est dnitivement installe

    par les travaux de Crutzen, Rowland et Molina (parmi d'autres, mais le Prix Nobel rcompensera

    ces trois scientiques en 1985) sur l'ozone stratosphrique dans les annes 70s. L'cart entre les

    mesures et ce qu'impliquait le cycle de Chapman est notamment expliqu par le rle des missions

    de CFCs.

    6

  • Aux thmatiques classiques (smog, smog photochimique, ozone stratosphrique) se sont

    alors grees dans les annes 70 et 80s tout un ensemble de thmatiques (pluies acides, pollution

    particulaire, pollution transfrontire, eet de serre additionnel, plus gnralement composition

    chimique de l'atmosphre) avec une comprhension croissante de la part des communauts scien-

    tiques.

    Accidents, impacts et corpus rglementaire

    En parallle cette comprhension, les manifestations de la pollution ont parfois t extr-

    mement violentes, avec plusieurs accidents trs forte mortalit (voir le tableau 2). Les bilans de

    de certains pisodes de pollution au soufre se chirent ainsi plusieurs centaines, voire plusieurs

    milliers de morts en quelques jours (Londres 1952, 4000 morts en cinq jours), lorsque les condi-

    tions d'missions et de mtorologie sont runies. Le terme de smog (contraction de smoke

    et fog) est ainsi utilis pour la premire fois par le mdecin Harold Antoine des Voeux aprs

    un pisode Glasgow en 1909.

    Mais les impacts de la pollution atmosphrique vont au del des seuls impacts sanitaires.

    Les travaux de Haagen-Smith portent ainsi originellement sur l'impact en terme de baisse de

    rendement agricole du smog photochimique. Les pluies acides, dans les annes 70-80, vont prin-

    cipalement se manifester par les atteintes aux cosystmes (dprissement des forts et eutro-

    phisation).

    1873 Londres, 200-1000 morts.

    1909 Glasgow, 1000 morts. "Smog" (Harold Antoine des Voeux)

    1948 Donora (USA, 26-31 octobre), 20 morts.

    1952 Londres (5-9 dcembre), 4000 morts.

    1966 New-York (24-30 Novembre), 168 morts.

    1984 Bhopal (Inde), 2000 morts.

    1986 Chernobyl.

    Tab. 2 Quelques grands accidents de la pollution atmosphrique.

    Un corpus rglementaire (plus systmatique que les initiatives historiques dj cites) se met

    en place peu peu. Les anglais rglementent les missions lies aux locomotives ds 1848 (Public

    Health Act), et l'industrie du savon en 1863 (Alkaly Act). Les Etats-Unis rglementent les

    missions lies ... l'automobile en 1895, souhaitant rendre illegal the showing of visible vapor

    as exhaust from steam automobiles.

    La croissance du smog de Los Angels conduit la cration du premier rseau de surveillance

    en 1947 (Los Angeles Air Pollution Control District). Suite l'pisode de Londres (1952), le

    British Clean Air Act (CAA) est dict en 1956 (en 1963 aux Etats-Unis, avec un volet spcial

    pour les automobiles en 1965).

    En Europe, les problmatiques de pollution transfrontire commencent tre abordes de

    manire trs visible par le Forum Pollution Transfrontire de Genve en 1979. Le sujet sera

    gnrateur de nombreuses directives dans les annes suivantes (directive SO2 en 1980, directive

    Poussires, directive ozone en 1992), avec les transcriptions en droit national appropries (la

    LAURE, Loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l'Energie, transcription franaise de la

    directive ozone en 1996). Dpassant une approche un peu segmente de ces thmatiques, le

    protocole de Goeteborg propose d'adopter une approche multi-polluants et multi-milieux (eau-

    air-sol) en 1999.

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  • Paralllement, les thmatiques globales sont prises en charge par des cycles de confrences

    internationales qui aboutissent au Protocole de Montral en 1987 et de Kyoto en 1997, res-

    pectivement pour l'ozone stratosphrique et l'eet de serre. Il est noter que seulement une

    douzaine d'annes spare la comprhension du rle jou par les missions de CFCs sur la des-

    truction de l'ozone stratosphrique et une traduction rglementaire (l'interdiction progressive

    des CFCs).

    1848 Public Health Act (UK)

    1863 Alkaly Act (UK)

    1895 rglementation US sur les fumes d'automobiles

    1947 Los Angeles Air Pollution Control District

    1956 British Clean Air Act

    1963 US Clean Air Act

    1965 Title II US CAA (Motor Vehicle Air Pollution Control Act)

    1979 Forum Pollution Transfrontire (Genve)

    1980 Directive SO2 (UE)

    1987 Protocole de Montral (ozone stratosphrique)

    1992 Directive Ozone (UE)

    1996 LAURE (Loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l'Energie)

    1997 Protocole de Kyoto

    1999 Protocole de Goeteborg (multi-polluants, multi-milieux)

    Tab. 3 Historique du cadre rglementaire

    Rle de l'expertise et de la modlisation numrique

    L'expertise technique et scientique a jou (et continue jouer) un rle crucial dans le

    domaine de la pollution atmosphrique. Ceci comprend historiquement la fois :

    la comprhension des phnomnes en jeu (comment expliquer les processus menant un

    impact -sanitaire, environnemental- observ ? comment isoler la contribution de l'activit

    humaine de phnomnes naturels ? etc) ;

    la dnition de moyens de mesures appropris que ce soit pour aider l'application de

    mesures rglementaires (les rseaux de surveillance de la qualit de l'air par exemple) ou

    pour aner la connaissance scientique (l'observation de la Terre et de la composition

    chimique par les satellites).

    Aux cts de ces composantes classiques de l'expertise, la modlisation numrique est deve-

    nue un outil central pour l'valuation de la pollution atmosphrique. L'utilisation des modles

    recoupe en ralit de nombreux aspects :

    la comprhension des processus (on est ici au niveau du travail scientique).

    la prvision environnementale, l'instar de la mtorologie : comment prvoir un pisode

    de pollution photochimique ? comment estimer la dispersion d'un rejet accidentel ? etc

    les tudes d'impact : comment estimer l'impact de scenarii de rduction d'mission sur la

    qualit de l'air, que ce soit au niveau europen par exemple (plafonnement d'mission par

    pays et par secteur conomique) ou bien au niveau local (impact d'un Plan de Dplacement

    Urbain) ?

    les tudes climatique sur le devenir de la composition chimique de l'atmosphre et les

    couplages avec l'eet de serre additionnel et le changement climatique.

    8

  • la modlisation inverse des ux d'mission (comment estimer partir de mesures de

    concentrations dans l'air des missions mal connues, ventuellement rglementes ?).

    etc.

    Objectifs du cours

    Ce cours a pour objectif de donner les principaux lments de comprhension des pollutions

    atmosphriques et de prsenter quelques aspects de la modlisation.

    Il est bien entendu hors de question de prsenter ici un panorama complet de questions n-

    cessitant la connaissance de nombreuses disciplines scientiques (mcanique des uides, chimie

    atmosphrique, transfert radiatif, physique des arosols et des nuages, etc). Des ouvrages scienti-

    ques de rfrence et relativement accessibles existent par ailleurs (par exemple l'incontournable

    [10] mais aussi [1, 4, 5]).

    Le but de cette prsentation est bien plus de donner quelques rgles du jeu et de prsenter

    des thmatiques scientiques un public matrisant les sciences de l'ingnieur, pour aller au

    del d'une connaissance grand public.

    Organisation du cours

    Le cours est organis de la manire suivante.

    Les principaux lments de comprhension sont donns dans le premier chapitre, en essayant

    notamment de classier les dirents types de pollution atmosphrique en fonction des chelles

    d'impact. La composition chimique de l'atmosphre est prcise et on rappelle brivement les

    grands cycles biogochimique. Quelques ordres de grandeurs sont donns an de xer les ides.

    Le second chapitre dresse le contexte atmosphrique en terme de bilans d'nergie et d'inter-

    action matire-rayonnement. Ceci permet notamment d'aborder rapidement la problmatique

    de l'eet de serre. La matire scientique essentielle de ce chapitre est issue de la thorie du

    transfert radiatif.

    Le troisime chapitre rsume brivement la description des coulements atmosphriques,

    notamment dans la couche limite atmosphrique (les premiers kilomtres). On utilise ici essen-

    tiellement la mcanique des uides (et sa dclinaison atmosphrique, la mtorologie). L'accent

    est notamment port sur la stabilit verticale et le rle jou par les conditions mtorologiques

    dans le dveloppement d'un pisode de pollution photochimique.

    Le quatrime chapitre prsente une (petit) synthse de ce qu'il est utile de comprendre de la

    chimie atmosphrique. Les applications la chimie de l'ozone stratosphrique et la pollution

    photochimique (pics d'ozone) sont donnes.

    Le cinquime chapitre trate des phnomnes multiphasiques avec la description des arosols

    (les particules), des processus pilotant leur volution et de leurs interactions avec la phase gazeuse

    et les nuages.

    Le dernier chapitre prsente brivement les outils modernes de modlisation numrique (ce

    que l'on appelle usuellement les Modles de Chimie-Transport), qui reprennent les processus

    dcrits auparavant. Des applications et des thmatiques actuelles de modlisation sont galement

    donnes.

    9

  • 10

  • Chapitre 1

    Pollution(s) atmosphrique(s) :

    lments de classications. Quelques

    ordres de grandeur bons connatre

    L'objectif de ce chapitre est de donner quelques lments de comprhension globale en rponse

    aux questions naturelles suivantes :

    quelle est la composition chimique de l'air ?

    quelles sont les espces concernes ?

    quelles sont les chelles de temps caractristiques du transport dans l'atmosphre ?

    quels sont les temps de rsidence atmosphrique dans l'atmosphre ?

    quelles sont les chelles d'impact des divers polluants ?

    Ceci permet notamment de donner une classication des pollutions atmosphriques, de prciser

    quelques ordres de grandeur et de xer la terminologie que l'on employera par la suite.

    1 Composition chimique de l'atmosphre

    1.1 Espces traces

    L'air est principalement compos d'azote molculaire (N2) et d'oxygne molculaire (O2).On peut se rfrer au tableau 1 pour la composition chimique de l'air sec.

    Espce Symbole Fraction molaire

    Azote N2 780 000 ppmvOxygne O2 210 000 ppmvArgon Ar 9300 ppmvDioxyde de Carbone CO2 365 ppmvOzone O3 1 ppb-10 ppmvMthane CH4 1.8 ppmvProtoxyde d'azote N2O 310 ppbv

    Tab. 1 Composition chimique de l'air sec

    Si CX dsigne la fraction molaire du compos X, dnie comme le ratio du nombre de molesde X sur le nombre de moles d'air, rappelons que l'on a typiquement CN2 = 0.78 mol/molet CO2 = 0.21 mol/mol. L'Argon est le troisime compos par importance avec CAr = 0.0093mol/mol.

    11

  • Si l'on excepte l'eau (H2O), dont les fractions molaires sont trs variables (de 106 102

    selon les conditions), l'ensemble des autres espces peuvent tre considres comme des espces

    traces, selon la terminologie consacre.

    Leur fraction molaire est ainsi de l'ordre du ppmv (106 mol/mol, parts per million volume)voire du ppbv (109 mol/mol, parts per billion volume). Par exemple, pour le dioxyde de carboneCCO2 ' 365 ppmv, actuellement, pour l'ozone CO3 ' 5 ppmv et pour le mthane CCH4 ' 1.7ppmv.

    En supposant que l'air est un gaz parfait, il est ais de se ramener en concentration massique

    (masse de l'espce par volume d'air), note X pour l'espce X :

    X = CXMX P

    RT(1)

    avec MX la masse molaire de l'espce, P la pression et T la temprature, R = 8.314 USI(constante des gaz parfaits). Dans cette expression, la concentration massique est en g/m3 etla fraction molaire en ppb pour ne pas avoir de facteur de conversion.

    Pour l'ozone (MO3 = 48 g/m3), on trouve ainsi dans des conditions thermodynamiques

    standart, O3(en g/m3)/CO3(en ppb) ' 2. Pour des valeurs de 50 ppb d'ozone, on a donc pourmmoire des concentrations massiques de l'ordre de 100 g/m3.Pour des espces commes le mercure ou les mtaux lourds, les concentrations massiques

    typiques sont de l'ordre du nanogramme et du picogramme par mtre cube d'air.

    1.2 Phases de la matire

    On rappelle pour mmoire que la matire atmosphrique est compose de gaz et de matire

    condense : eau liquide ou eau solide (glace, neige) et arosols (liquides ou solides).

    Pour mmoire, une goutte de pluie a un diamtre de l'ordre de 0.1 mm, une goutte de nuage

    un diamtre de 10 100 micromtres.

    Un arosol peut tre, en premire approximation, considr comme une sphre. Les diamtres

    vont de quelques nanomtres plusieurs dizaines de micromtres (pour les arosols forms par-

    tir de grains de sable). Les diamtres typiques de l'arosol urbain sont de l'ordre du micromtre.

    1.3 Les principales espces considres

    Les pollutions atmosphriques vont se distinguer selon les espces considres. On peut citer

    notamment :

    le soufre SO2, sous forme gazeuse, li par exemple la combustion du charbon ; les espces lies la photochimie : ozone O3 et oxydes d'azote NO et NO2, compossorganiques volatiles (COV), sous forme gazeuse ;

    mtaux lourds (plomb, cadmium, zinc) lis des process industriels, sous forme particu-

    laire ;

    mercure sous forme gazeuse ou dissoute ;

    arosols (particules) composs (gure 1) d'un mlange de sulfate (SO4 particulaire), denitrate (NH4 particulaire), d'ammonium (NO3 particulaire), de composs organiques se-condaires, de sable, de sels de mer, ...

    radio-lments, d'origine natuelle (comme le Radon Ra), li des essais nuclaires (radio-lments militaires comme le Strontium,

    90Sr), des accidents sur les centrales nuclaires(iode I et csium Cs) ou aux process dans les centrales (krypton, Kr) ; gaz eet de serre comme les oxydes de carbone CO et CO2, le mthane CH4, le protoxyded'azote N2O, etc ;

    12

  • Polluants Organiques Persistants (POPs), chanes organiques complexes avec de grands

    temps de vie (pesticides, dioxine) ;

    etc.

    Chaque type de pollution considre va donc se caractriser par une classe d'espces parti-

    culires et des proprits spciques : sources d'mission, mcanismes physico-chimiques, temps

    caractristiques.

    1.4 Espces primaires, espces secondaires

    On distingue habituellement les espces primaires (celles qui sont mises) des espces secon-

    daires (celles qui sont formes dans l'atmosphre suite des processus physico-chimiques).

    Par exemple, pour le cas de la photochimie, les oxydes d'azote sont mis (espces primaires)

    contrairement l'ozone (qui n'est qu'une espce secondaire).

    Parmi les missions, on distingue :

    les missions biogniques, lies l'activit naturelle : par exemple missions lies aux

    ruptions volcaniques, l'rosion du sable sous l'action du vent, aux sels de mer, l'activit

    photosynthtique, etc.

    les missions anthropiques, lies l'activit humaine (transport, production d'nergie, pro-

    cess industriels, etc).

    2 Structure verticale de l'atmosphre

    Avant de prciser les principales chelles de temps associes aux phnomnes de transport

    (horizontal et vertical), on rappelle brivement la structure verticale de l'atmosphre.

    2.1 Couches de l'atmosphre

    L'atmosphre peut tre schmatiquement dcoupe en quatre zones selon l'altitude :

    la troposphre pour les altitudes infrieures 8 kilomtres au dessus des ples, 18 kilomtres

    au dessus de l'Equateur.

    La temprature y est essentiellement dcroissante jusqu' 220 K au dessus des ples (190

    K au dessus de l'Equateur). Le gradient ngatif de temprature est donc de l'ordre de -6.5

    K km

    1.

    la stratosphre jusqu' 50 kilomtres.

    La temprature est d'abord constante puis crot du fait de l'absorption par l'ozone O3 etpar l'oxygne molculaire O2 des UV solaires (jusqu' 270 K environ).L'existence de cette couche d'inversion directement au dessus de la troposphre est une

    caractristique essentielle de la Terre.

    la msosphre jusqu' 85 kilomtres.

    La temprature y est dcroissante jusqu' 170 K (le point le plus froid de l'atmosphre),

    du fait de la dcroissance des prols verticaux d'ozone et d'oxygne.

    enn la thermosphre puis l'ionosphre (jusqu' environ 150 kilomtres).

    La temprature augmente, les rayonnements UV dissocient N2 et O2 et ionisent les mol-cules ; il n'y a plus d'quilibre thermodynamique et on ne peut plus dnir une temprature

    unique. Au del, la force d'attraction de la Terre est ngligeable. Les gaz deviennent rars

    et les densits sont de l'ordre de 1013 mol cm3 (contre 1019 au niveau de la mer).

    13

  • "! #$

    %

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    ' $

    ()

    *$

    +

    ,-/.1032 .45.10 65768459 -8:3-/7,-/;=

  • 100.0 200.0 300.0 400.0 500.0T(K)

    0.0

    50.0

    100.0

    150.0

    z(km)

    tropopause

    stratopause

    mesopause

    TROPOSPHERE

    STRATOSPHERE

    MESOSPHERE

    THERMOSPHERE

    Fig. 2 Prol vertical de temprature

    L'atmosphre prsente donc deux zones d'inversion de temprature qui correspondent des

    gradients positifs de temprature : la stratosphre et l'ionosphre. Des phnomnes d'absorp-

    tion du rayonnement solaire se produisent dans ces couches (qui jouent le rle de ltre), ce qui

    explique l'augmentation de temprature constate. On peut donc lire sur le prol vertical de

    temprature la distribution des molcules absorbantes.

    Paralllement cette description selon le prol de temprature, d'autres caractristiques

    permettent de direncier les diverses couches de l'atmosphre.

    La dynamique de l'atmosphre est ainsi galement dirente selon les zones considres : dans

    les zones gradient positif de temprature, l'atmosphre est stable (voir le chapitre consacr

    la Couche Limite Atmosphrique)

    1

    et la turbulence atmosphrique joue un rle ngligeable en

    premire approximation.

    De mme, au dessus de la msosphre, les eets de gravit l'emportent sur les eets dyna-

    miques, et la distribution de particules est fonction de la masse des particules (les particules

    les plus lgres sont aux altitudes suprieures) : on parle alors d'htrosphre ( opposer

    l'homosphre, aux altitudes infrieures).

    2.2 Pression atmosphrique

    La pression (P ) est dnie comme le poids par unit de surface exerce par l'atmosphre audessus d'une surface.

    Si l'on considre une volume de hauteur dz, de surface horizontale S, l'altitude z, un bilan

    1

    ...ce que l'on peut apprhender en pensant au principe de la montgolre : l'air chaud est ascendant.

    15

  • des forces exerces donne :

    (P (z + dz) P (z))S + aS dz g = 0 (2)avec g la constante de gravit et a la densit de l'air. Finalement :

    dP

    dz= a g (3)On suppose que l'air est un gaz parfait :

    P = aR

    MaT (4)

    avec R la constante des gaz parfaits, Ma la masse molaire de l'air et T la temprature.En premire approximation, la temprature peut tre considre comme constante, ce qui

    donne aisment aprs intgration :

    P (z) = P (0) exp( zH) , H =

    RT

    Ma g(5)

    Pour g ' 10, Ma ' 28.103, R ' 8.314 et une temprature de l'atmosphre de l'ordre de 250K, on trouve H ' 7.4 kilomtres.Pour une pression au sol de l'ordre de 1000 hPa, on trouve donc pour indication P(2 km)' 760hPa, P(14 km)' 150 hPa et P(50 km)' 1 hPa.

    2.2.1 Exercice

    Quelle est la masse de l'atmosphre ? En prenant pour altitude moyenne de la troposphre 14 kilo-

    mtres, calculez la proportion que reprsentent respectivement la troposphre et la stratosphre.

    2.3 Distribution verticale de l'ozone

    Une distribution verticale typique de l'ozone est donne dans la gure 3 pour la latitude 30

    o

    Nord et le mois de Mars. La majeure partie de l'ozone est donc contenue dans la stratosphre.

    3 Quelques chelles de temps

    Pour dterminer l'impact d'une espce chimique mise ou forme dans l'atmosphre, un point

    cl est de comparer les temps de transport atmosphrique et le temps de rsidence atmosphrique

    de l'espce.

    Si le temps de rsidence est de l'ordre du temps de transport caractristique de l'chelle

    continentale (Europe par exemple), alors l'impact de l'espce sera a minima continental. Si le

    temps de rsidence est comparable au temps de transfert de la troposphre la stratosphre,

    alors la pollution touchera aussi la stratosphre, etc.

    3.1 Temps de transport

    3.1.1 Transport horizontal

    Le moteur du transport horizontal est le vent. Une vitesse caractristique du vent longitudinal

    (Ouest/Est) est de l'ordre de Ulon ' 10 m/s. Pour le vent mridional (Sud/Nord), la vitesse estplus faible de l'ordre de Umerid ' 1 2 m/s.Sur cette base, il est ais de calculer des temps de transport caractristique pour une espce

    mise moyenne latitude (typiquement Europe ou Amrique du Nord). En fonction de l'chelle

    spatiale considre (L), avec = L/U , on obtient :

    16

  • 8 7 6 5log10 (ozone mixing ratio)

    0

    20

    40

    60

    Hei

    ght (k

    m)

    Fig. 3 Distribution verticale typique de log10CO3 , 30oNord, Mars.

    transport continental : quelques jours ;

    transport intercontinental (transatlantique, transpacique) : une deux semaines ;

    mlange hmisphrique : de 1 2 mois ;

    transport au Ple ou l'Equateur : de 1 2 mois.

    Un point cl est le fonctionnement trs disjoint des deux hmisphres (Sud et Nord), le

    passage d'un hmisphre l'autre tant rendu dicile par la zone de convergence tropicale

    (ICTZ : Intertropical Convergence Zone) : zone de convergence avec ascendance de masses

    d'air chaud humide. En pratique, le temps de transfert interhmisphrique est de l'ordre de 1 an

    (le transfert entre hmisphres s'eectuant via des ouragans, via les dplacements saisonniers de

    l'ICTZ ou via des ruptures locales de l'ICTZ -mousson par exemple-).

    3.1.2 Transport Vertical

    Les vents verticaux sont beaucoup plus faibles que les vents horizontaux (de 3 4 ordres de

    grandeur).

    De plus, la diusion molculaire dans l'air est trop faible pour jouer un rle (de l'ordre de

    105 m2/s).Un mcanisme beaucoup plus ecace est li aux eets de ottabilit : l'air chaud est plus

    lger et les gradients de temprature induisent des mouvements turbulents ascendants. Ceci

    peut tre reprsent par des mcanismes de diusion turbulente. Une valeur moyenne typique

    de coecient de diusion turbulente est de l'ordre de Kz ' 10 20 m2/s.Les temps de transport associs l'chelle spatiale L sont donns par = L2/Kz et onobtient alors comme ordres de grandeur :

    transport dans la couche limite atmosphrique : de quelques heures un jour ;

    transport troposphrique (jusqu' la tropopause) : de l'ordre du mois.

    On a vu que le prol de temprature prsentait une inversion au niveau de la tropopause. Ceci

    rend plus dicile le passage de la troposphre vers la stratosphre (temps caractristique de

    l'ordre de 5 10 ans) ; le temps de passage de la stratosphre vers la troposphre est de l'ordre

    17

  • de 2 3 ans.

    L'ensemble des temps de transport atmosphrique est synthtis dans le tableau 2.

    Transport Temps caractristique

    Continental 1 semaine

    Intercontinental 2 semaines

    Hmisphrique 1 mois

    Inter-hmisphrique 1 anne

    Couche limite atmosphrique 1 heure-1 journe

    Troposphre libre (' 5000 m) 1 semaineTroposphre 1 mois

    Echange troposphre vers stratosphre 5 10 ans

    Echange stratosphre vers troposphre 1 2 ans

    Tab. 2 Temps caractristiques du transport atmosphrique

    3.1.3 Exercices

    1. Montrez que le ratio des temps de passages entre troposphre et stratosphre est donn par le ratio

    des masses des deux couches.

    2. Le coecient de diusion molculaire crot avec l'altitude, inversement la pression. Avec une

    diusion au sol de l'ordre de 2.105 m2/s, quelle altitude, ce mcanisme devient suprieur ladiusion turbulente (suppose constante 10 m2/s) ?

    3.2 Temps de rsidence d'une espce chimique

    Les temps de rsidence dans l'atmosphre s'expliquent par les processus de perte qui aectent

    les espces chimiques :

    destruction chimique (ou photochimique) ;

    liation radioactive (pour les radiolments) ;

    dpts secs la surface ;

    lessivages humides pour les espces solubles (par les prcipitations/pluies ou l'intrieur

    des nuages) ;

    sdimentation gravitationnelle pour les arosols assez lourds.

    Il est noter que les pertes hors de l'atmosphre (vers l'espace) sont faibles et concernent

    essentiellement l'hydrogne H2.Par exemple (on reviendra sur ce point dans le chapitre consacr la chimie atmosphrique),

    un point cl pour dterminer les temps de rsidence de la plupart des espces chimiques est la

    capacit oxydante de l'atmosphre, essentiellement dtermine par le radical hydroxyl OH.L'ensemble de ces processus peut tre reprsent (de manire exacte ou en premire approxi-

    mation) par des cintiques du premier ordre, caractrises par des volutions de la concentration

    c en fonction du temps t selon :dc

    dt= k c (6)avec k une constante cintique. Ceci dnit bien entendu le temps caractristique = 1/k.Pour l'ensemble des processus caractriss par des constantes ki (et de manire associe destemps caractristiques i), on peut donc dnit un temps global selon :

    1=i

    1i(7)

    18

  • Espce temps de vie

    CFC 12 (CF2Cl2) 102 ansCFC 11 (CF3Cl) 50 ansCFC 113 85 ans

    CFC 114 300 ans

    CFC 13 640 ans

    Tab. 3 Temps de vie de quelques CFC (d'aprs [1]).

    Les temps de rsidence typiques des principales espces atmosphriques peuvent tre trouvs

    dans la gure 4.

    Sur cette base, il est prsent ais de classier les impacts des divers types d'espces mises :

    les CFCs sont extrmement stables et ont un temps de vie de plusieurs dizaines d'annes

    dans l'atmosphre (tableau 3) : l'impact sera donc global et stratosphrique ;

    le mercure (cela dpend en ralit de ses formes chimiques) a un temps de vie de l'ordre

    de 1 2 ans : l'impact sera donc global et troposphrique ;

    l'ozone troposphrique a un temps de vie de quelques jours : l'chelle pertinente de la

    pollution photochimique est donc a minima continentale ;

    le temps de vie chimique de SO2 est de l'ordre de 2 jours (il est oxyd en H2SO4) :l'impact direct de l'mission est donc relativement local. Par contre, le temps de vie de

    H2SO4 (pilot par le lessivage) est de l'ordre de 5 jours : l'chelle typique d'une pluie acideest donc continentale.

    19

  • OH

    NO3HO2

    CH3O2

    C5H8C3H6

    DMSNOx

    SO2O3 troposphrique

    Arosols

    CO

    CH3BrCH3CCl3

    CH4N2O

    CFC

    1 s

    1h

    1 an

    1 jour

    10 ans

    H2O2

    Fig. 4 Temps de rsidence des principales espces atmosphriques.

    20

  • Chapitre 2

    Quelques lments sur la Couche

    Limite Atmosphrique

    Les conditions mtorologiques conditionnent pour une large part le niveau de pollution dans

    les basses couches de la troposphre. Les polluants mis sont en eet plus ou moins rapidement

    disperss selon deux phnomnes :

    le transport horizontal par le champ de vent, qui explique le dplacement des polluants les

    plus stables sur de longues distances ;

    le brassage vertical par la turbulence atmosphrique lie aux eets de couche limite.

    Les eets de couche limite ont une double origine : dynamique avec le cisaillement vertical de

    vent induit par la condition d'adhrence au sol (vent nul), et thermique avec le gradient vertical

    de temprature (le sol est chau en cours de journe puis se refroidit pendant la nuit).

    La Couche Limite Atmosphrique (CLA - PBL pour Planetary Boundary Layer en anglais),

    est dnie comme la partie de la troposphre directement soumise l'inuence de la surface

    terrestre. Son tude est donc essentielle pour la comprhension des pisodes de pollution.

    Un des paramtres dterminants est la hauteur du volume dans lequel le brassage vertical a

    habituellement lieu (la hauteur de mlange) car ceci xe un volume de dilution pour la masse

    de polluants mis. On distingue ainsi habituellement trois tats de la CLA :

    la CLA neutre ;

    la CLA instable, pour laquelle les polluants sont fortement brasss par la turbulence ;

    la CLA stable (souvent nocturne) o les polluants restent accumuls au niveau du sol.

    Cette classication, de manire classique pour des coulements prsentant une stratication ther-

    mique (un gradient de temprature dans un champ de gravit), est troitement lie aux eets

    de ottabilit (la conjonction de la force de gravit et de la pousse d'Archimde) et au gradient

    vertical de temprature.

    L'objectif de ce chapitre est de donner les principaux lments de description des phnomnes

    pilotant la CLA. Ce chapitre est ainsi organis de la manire suivante.

    On prcise rapidement dans un premier temps la notion d'chelle en mtorologie (section

    1), puis la description phnomnologique des principaux phnomnes survenant dans la CLA

    (section 2). Des critres de stabilit de l'atmosphre sont donns dans la section 3 en considrant

    les eets de ottabilit. Ceci est repris avec la description de la turbulence dans la section 4. Les

    principales bases de la dynamique de la CLA, fondes sur l'approximation de Boussinesq, sont

    prcises dans la section 5.

    Le lecteur dsireux d'aller plus loin peut consulter les ouvrages [11, 3, 2].

    21

  • 1 Notion d'chelles en mtorologie

    La circulation atmosphrique comprend un grand nombre d'chelles (en temps et en espace),

    et, selon le problme trat, les processus qui dominent dirent et des modlisations appropries

    doivent tre utilises.

    La dimension horizontale (L, en kilomtres) est primordiale pour classier les chelles spa-

    tiales, et on distingue usuellement :

    les coulements l'chelle synoptique ou plantaire (L > 1000) ; les coulements l'chelle rgionale ou mso (20 < L < 1000) ; les coulements l'chelle urbaine (L < 20).Chaque chelle peut tre, selon les auteurs, subdivise en plusieurs sous-chelles, direncies

    selon les phnomnes physiques prpondrants.

    Il est possible d'avoir une bonne apprciation de ces chelles en considrant les frquences

    fondamentales des coulements atmosphriques, essentiellement :

    la frquence de Brunt-Vaisala (N) qui est associe aux oscillations verticales dans uneatmosphre stratie ;

    la frquence inertielle (f) associe au mouvement de rotation de la Terre et la force deCoriolis ;

    la frquence plantaire (P ) associe l'eet (variation de la force de Coriolis selon lalatitude).

    On reviendra par la suite sur les deux premires frquences.

    Ces trois frquences sont respectivement associes des priodes essentiellement de l'ordre

    de la minute, de l'heure et de la journe :

    N =

    g

    z 102s1 , f = 2 sin 104s1 , P =

    U 106s1 (1)

    o z dsigne la coordonne verticale, g la constante de gravit, la temprature potentielle(dnie un peu plus loin), le module du vecteur de rotation de la Terre sur elle-mme, lalatitude, U un module de vent moyen et le taux de variation de la force de Coriolis avec lalatitude.

    On peut alors dnir les chelles mtorologiques selon la frquence F , qui correspond l'inverse d'un temps de rponse de l'coulement un forage :

    petite chelle : F > N mso : f < F < N synoptique : P < F < f plantaire : F < P

    En ralit les chelles se superposent et l'interaction entre chelles globales et locales conduit

    aux phnomnes ondulatoires observs dans l'atmosphre.

    L'accent de ce chapitre est sur la petite chelle et l'chelle mso.

    2 Couche Limite Atmosphrique

    2.1 Gneralits

    La CLA est la partie de l'atmosphre qui est directement soumise aux eets de surface. Le

    temps de rponse un forage (transfert de chaleur, vaporation, eet de friction) y est de l'ordre

    de l'heure ([11]). Il est beaucoup plus lev au dessus de la CLA, dans l'Atmosphre Libre (AL).

    Un bon exemple est fourni par le cycle diurne de la temprature dans la CLA. Alors que la

    temprature est quasiment constante dans l'AL, elle est soumise la succession du jour et de la

    22

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    Fig. 1 Evolution typique du prol de temprature au cours d'une journe.

    nuit dans la CLA. Cette variation n'est pas de au cycle du rayonnement solaire absorb dans

    la CLA (puisque la quasi-totalit de ce rayonnement est transmise au sol), mais la variation

    du ux turbulent de chaleur gnr au niveau du sol :

    le jour, le sol est chau et par transport turbulent de chaleur rchaue la CLA ;

    la nuit, le sol se refroidit et ce transport de chaleur n'existe plus.

    Sur la gure 1, on peut constater que la temprature reste peu prs constante au cours

    de la journe au del de 1500 mtres d'altitude, ce qui fournit une estimation d'une hauteur

    typique de la CLA.

    La CLA est un milieu particulirement complexe en raison des eets de surface : eet de

    relief, proprits radiatives du sol, rotation terrestre, forte turbulence, ...

    La turbulence joue un rle essentiel dans les changes verticaux... voire vital puisqu'elle

    permet les changes de chaleur (ce qui refroidit le sol) et le mlange des polluants. Cette inuence

    permanente de la turbulence constitue une spcicit de la CLA, l'AL n'tant turbulente que de

    manire intermittente.

    2.2 Classication

    La CLA prsente systmatiquement au niveau du sol une sous-couche laminaire, d'une pais-

    seur de l'ordre du centimtre, o la viscosit molculaire est importante et la turbulence peut

    tre nglige.

    23

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    3546879 :;67=%?:>;@=A B

    C>D9 :=687E%?F

  • Couche dentrainement

    Couche de surface

    Couche mlange

    Atmosphre libre

    Module du vent

    Tempraturepotentielle

    Fig. 3 CLA instable.

    Au voisinage du sol, la temprature potentielle est dcroissante et il y a production ther-

    mique de turbulence (change turbulent de chaleur du sol vers l'air).

    Au dessus, dans la couche de mlange (ou convective), une trs forte turbulence rgne et

    contribue homogniser les grandeurs (prols verticaux de temprature potentielle et de

    vent quasiment constants).

    Enn, en limite suprieure, une couche d'entranement (ou d'inversion) stabilise la CLA,

    en prsentant une inversion de temprature.

    Cet tat se rencontre frquemment en journe, du fait de l'chauement du sol par absorp-

    tion du rayonnement solaire.

    3. Etat stable (gure 4)

    La temprature du sol est infrieure la temprature de l'air au dessus : le ux de chaleur

    sensible est alors dirig vers le sol et il y a destruction de la turbulence dynamique.

    25

  • Couche de surface

    Couche dinversion

    Couche non turbulente

    Temprature potentielle

    Module du vent

    Jet de basse couche

    Fig. 4 CLA stable.

    Le mlange est peu turbulent et il y a une accumulation des polluants dans les basses

    couches de l'atmosphre.

    Une couche d'inversion prsente au dessus une forte augmentation du module de vent

    horizontal. Ce module peut mme dpasser en limite suprieure la valeur gostrophique

    (on parle alors de jet de basses couches).

    Cet tat se rencontre souvent la nuit.

    3 Stratication thermique et stabilit de la CLA

    L'objectif de cette section est de retrouver par une approche simple la classication de l'tat

    de la CLA. L'approche utilise est d'tudier la stabilit de la CLA : quel est le devenir d'un petit

    mouvement vertical sous l'eet de la ottabilit (la conjonction de la gravit et de la pousse

    d'Archimde) ?

    Pour simplier, on va ngliger l'inuence des nuages et faire systmatiquement une hypothse

    d'air sec (pas d'humidit dans l'air). Les mouvements convectifs sont donc uniquement lis ici

    la stratication thermique (aucun eet de l'humidit).

    26

  • 3.1 Quelques notions bien utiles

    3.1.1 Temprature potentielle

    Pour une transformation innitsimale, la premire loi de la thermodynamique exprime la

    variation d'nergie interne U selon :

    dU = PdV + Q (3)avec P la pression, V le volume et Q les changes de chaleur. En dnissant l'enthalpie H =U + PV , une expression quivalente est :

    dH = VdP + Q (4)

    Si cp est la chaleur spcique pression constante du gaz considr, on a par ailleurs :

    dH = mcp dT (5)

    avec m la masse du gaz et T la temprature.Pour un gaz idal subissant une transformation adiabatique (dans laquelle aucun change de

    chaleur ne se produit avec son environnement), la premire loi de la thermodynamique s'crit

    donc sous la forme :

    cp dT dP

    = 0 (6)

    o = m/V est la masse volumique. En utilisant la loi des gaz parfaits :

    P = rT (7)

    avec r = R/Mair (R = 8.314 constante des gaz parfaits et Mair = 28g/mol la masse molaire del'air sec), on obtient aisment :

    d

    ln(T P rcp ) = 0 (8)La temprature potentielle, note , est alors dnie comme la temprature qu'aurait au sol ungaz ramen de manire adiabatique au sol partir d'un tat (T,P). En notant Ps la pression ausol (de l'ordre de 1000 hPa), on a alors :

    (P, T ) = T(PsP

    ) rcp(9)

    Dans le cas de l'air sec, avec cp = 1005J.kg1.K1, r/cp ' 0.286.

    3.1.2 Gradient adiabatique de temprature

    Notons que la temprature potentielle est une quantit conserve au cours d'un processus

    adiabatique. Dans une atmosphre suppose tre adiabatique, la temprature potentielle est

    donc constante. En drivant de manire logarithmique par rapport l'altitude z, on a :

    1

    z=

    1T

    T

    z rcp

    1P

    P

    z(10)

    Le gradient adiabatique de temprature est alors donn avec

    z= 0 par :

    (T

    z)ad = T

    r

    cp

    1P

    P

    z(11)

    27

  • et on a nalement (pour toute distribution verticale) :

    z=

    T(T

    z (T

    z)ad) (12)

    Le gradient de temprature potentielle mesure donc un cart une situation adiabatique, ce qui

    va justier son emploi systmatique dans la suite.

    3.1.3 Cas hydrostatique

    Considrons maintenant l'quation hydrostatique qui relie en premire approximation la pres-

    sion avec le poids de la colonne d'air au dessus, selon :

    P

    z= g (13)

    Si on suppose maintenant que l'atmosphre est adiabatique (aucun change de chaleur ne se

    produisant), on obtient partir de (11) :

    T

    z= rT

    P

    g

    cp= g

    cp(14)

    en utilisant l'hypothse de gaz parfait. Ceci dnit le gradient adiabatique de temprature pour

    l'air sec, not habituellement , de l'ordre de 9.8 K.km1.C'est l'cart ce gradient adiabatique idalis qui va dterminer la stabilit atmosphrique.

    Remarque 3.1 (Air humide)

    Comme la chaleur spcique pression constante est plus forte dans le cas humide, on a ais-

    ment :

    hum < sec (15)

    L'cart est videmment fonction du degr d'humidit. Par exemple, au niveau des zones tropi-

    cales, on a

    hum sec3 (16)tandis qu'on a une quasi-galit aux ples.

    3.2 Stabilit atmosphrique

    3.2.1 Notion de parcelle d'air

    On utilise couramment en mtorologie de la CLA la notion (idalise) de parcelle d'air,

    dnie comme un ensemble homogne de particules d'air vriant les proprits suivantes :

    la parcelle se dplace de manire adiabatique, les changes de chaleur n'ayant pas le temps

    d'avoir lieu ;

    la parcelle d'air a une une temprature propre, dirente de celle de son environnement ;

    les pressions s'quilibrent l'interface.

    3.2.2 Eets de ottabilit

    Considrons prsent le dplacement adiabatique vertical d'une parcelle d'air de volume

    unit. Soit (TP , P ) et (T, ) l'tat thermodynamique de la parcelle et de l'air, respectivement.La parcelle subit une force de ottabilit, rsultante de son poids et de la pousse d'Archimde

    ~F = ( P )~g (17)

    28

  • o ~g est dirige vers le haut.

    Son acclration vrie P~a = ~F et est donc donne par :

    ~a = (

    P 1)~g = (TP

    T 1)~g (18)

    en utilisant l'galit des pressions l'interface T = PTP .C'est le principe de la montgolre : l'air chaud, plus lger, a tendance monter.

    Considrons prsent un dplacement innitsimal z partir d'une position d'quilibre l'altitude z0. On suppose qu' l'altitude initiale la parcelle est bien mlange et que satemprature est celle de l'air (TP (z0) = T (z0)) et on va tudier si la force de ottabilit amplieou attnue le dplacement.

    La masse d'air subit un dplacement adiabatique, donn par un gradient de temprature

    (T/z)ad tandis que l'atmosphre est dnie par son gradient (T/z). En linarisant :

    TP ' T (z0) + (Tz

    )ad z , T ' T (z0) + Tz

    z (19)

    On obtient alors aisment :

    ~a = T

    z (T

    z)ad

    Tz~g =

    z

    z

    ~g (20)

    en utilisant l'expression du gradient de temprature potentielle (12).

    L'tude de stabilit revient tudier le signe de la force de ottabilit pour des dplacements

    donns : on a stabilit si la composante verticale de ~a est de signe oppos z. La classicationest donc fonction du signe du gradient de temprature potentielle (gure g :classif-CLA) :

    1. si

    z> 0, l'atmosphre est stable.

    On parle aussi de prol sous-adiabatique (

    T

    z> (

    T

    z)ad).

    2. si

    z< 0, l'atmosphre est instable.

    On parle aussi de prol sur-adiabatique (

    T

    z< (

    T

    z)ad).

    3. si

    z= 0, l'atmosphre est neutre.

    On parle videmment aussi de prol adiabatique (

    T

    z= (

    T

    z)ad).

    Remarque 3.2 (Inversion de temprature)

    Lorsque le gradient de temprature prsente une inversion (

    T

    z> 0), la situation est donc

    particulirement stable (on rappelle que le gradient adiabatique hydrostatique est ngatif).

    On distingue essentiellement deux types d'inversion de temprature :

    l'inversion de surface qui correspond un refroidissement du sol (par exemple la nuit),

    ou le rchauement des couches suprieures (par passage en altitude de masses chaudes :

    vent du Sud...).

    Un prol isotherme (

    T

    z= 0) correspond galement une situation stable.

    29

  • atmosphre libre

    inversion(stable)

    stable isotherme

    nuit

    z

    aprs-midimatin

    adiabatique

    instable

    T

    Fig. 5 Stabilit de la CLA. Tous les prols gauche (resp. droite) du prol adiabatique

    sont stables (resp. instables).

    30

  • Couche de surface

    Troposphre libre

    Couche rsiduelle

    Couche convective

    Couche stable

    Couche convective

    TempsLever du soleilCoucher du soleil12h

    Fig. 6 Evolution typique de la stabilit de la CLA au cours de la journe (d'aprs [11]).

    Remarque 3.3 (Frquence de Brunt-Vaisala)

    Remarquons que l'on a obtenu :

    d2z

    dz2= N2z (21)

    o N est la frquence de Brunt-Vaisala dj dnie (N2 est une notation et peut tre ngatif).La solution est bien entendu une exponentielle relle ou imaginaire selon le signe de N2.

    Ceci constitue un bon exemple des calculs de stabilit ondulatoire men en mtorologie (ici :

    ondes de gravit associes une stratication thermique).

    Remarque 3.4 (Inuence de l'humidit)

    Dans le cas d'un champ hydrostatique, on a vu que le gradient de temprature adiabatique tait

    plus ngatif dans le cas sec. Une atmosphre sche est donc plus stable puisque des gradients de

    temprature sont plus facilement sous-adiabatique (voir la pente du prol adiabatique humide

    dans la gure 5).

    3.3 Evolution typique de la stabilit au cours d'une journe

    Ces lments permettent de comprendre l'volution typique de la stabilit au cours d'une

    journe (gure 6).

    Prcisons deux proprits essentielles avant de la commenter :

    le rayonnement solaire est essentiellement absorb par le sol et non par les basses couches

    de l'atmosphre ;

    le sol a une meilleure conductivit thermique que les basses couches de l'atmosphre.

    Pendant la nuit, une inversion de surface se dveloppe, du fait du refroidissement du sol

    (qui perd de l'nergie par rayonnement thermique). La CLA est trs stable (ce qui favorise la

    concentration de polluants au niveau du sol).

    A partir du lever du soleil, le sol est chau par rayonnement solaire et on se rapproche

    d'une situation adiabatique. En cours de journe, le prol devient sur-adiabatique (instable) et le

    brassage turbulent des polluants est favoris. En n d'aprs-midi, le prol redevient adiabatique

    puis sous-adiabatique (stable) au dbut de la nuit.

    31

  • 4 Description de la turbulence dans la CLA

    La description de la turbulence dans la CLA permet de retrouver les critres de stabilit. On

    rappelle d'abord brivement quelques proprits d'un coulement turbulent avant de dtailler la

    turbulence dynamique et thermique de la CLA.

    4.1 Turbulence dans la CLA

    Une caractrisation de la turbulence pour un coulement est l'existence de mouvements

    (visualiss par des tourbillons) balayant un large spectre d'chelles spatiales et temporelles.

    Ceci conduit augmenter les proprits de brassage de l'coulement en transfrant de l'nergie

    cintique des grandes chelles vers les petites chelles, o cette nergie est dissipe en chaleur

    (via la diusion molculaire).

    Les eets de couche limite induisent la forte turbulence de la CLA. On distingue en ralit

    deux eets distincts :

    la couche limite dynamique lie aux eets de frottement sur le sol induite par la condition

    d'adhrence pour le vent (V = Vsol au sol) ; la couche limite thermique lie aux cycles de temprature du sol.

    4.1.1 Couche Limite dynamique

    Ce phnomne est associ un eet de ralentissement du champ horizontal de vitesse au

    voisinage du sol (du fait de la propagation de la condition d'adhrence V = 0, ou V = Vmer audessus de la mer) : il est donc essentiellement li la stratication verticale du champ de vitesse

    horizontal.

    Au dessus de cette couche limite dynamique, le champ horizontal de vent est peu prs

    constant et dtermin par les gradients horizontaux de pression (vent gostrophique).

    Le bon indicateur de turbulence est alors le nombre de Reynolds qui apparat comme le

    rapport des forces d'inertie (convection et pression), dstabilisatrices, sur les forces d'origine

    visqueuse (diusion), stabilisatrices, dans l'quation d'volution u/t+ u u = u+ . . . (uvitesse du vent, viscosit cinmatique) :

    Re =(u.)u4u

    U L

    (22)

    Avec les ordres de grandeur dans la CLA, U '10 m.s1, L '1000 m et '105 m2.s1, onobtient une valeur de Reynolds Re 109, qui indique un milieu fortement turbulent.

    4.1.2 Couche Limite thermique

    L'exprience classique illustrant ce phnomne est celle de Bnard, consistant chauer pro-

    gressivement deux plaques horizontales spares d'une longueur L aux tempratures T (plaqueinfrieure) et T +4T (plaque suprieure).Si 4T > 0, le prol de densit de l'air entre les deux plaques est stable (l'air chaud, pluslger, est au dessus). Ce prol est instable dans le cas contraire et on a gnration demouvements

    convectifs du haut vers le bas.

    Un bon indicateur de turbulence est alors le nombre de Rayleigh :

    Ra =g

    T

    L3

    4T(23)

    o est la diusion thermique. L'coulement est turbulent pour des valeurs de Ra fortementngatives (par exemple infrieures 50000).

    32

  • turbulence dynamique turbulence thermique

    Atmosphre Libre occasionnelle occasionnelle

    CLA toujours dpend du gradient de temprature

    Tab. 1 Turbulence dans l'atmosphre.

    Une simple application numrique la CLA avec T = 300K et = 2.105m2.s1 conduitalors une valeur critique de direntiel de temprature de l'ordre de 1012K qui est videm-ment amplement dpass en ralit : ds que le gradient vertical de temprature est ngatif (on

    a vu en ralit que la bonne notion est plutt celle de temprature potentielle), la turbulence (le

    brassage convectif) se dveloppe trs facilement.

    Dans le cas instable, les deux eets gnrent de la turbulence (tableau 1). Dans le cas stable,

    seuls les eets dynamiques gnrent de la turbulence, qui peut mme tre dtruite par les eets

    de ottabilit, comme on va le voir prsent.

    4.2 Quelques rappels (rapides) sur la modlisation de la turbulence

    Dans un coulement turbulent dynamiquement, l'analyse de Kolmogorov donne une estima-

    tion du ratio des chelles selon :

    L

    l Re3/4 (24)

    o Re est le nombre de Reynolds dont on rappelle la dnition dans la sous-section suivante.

    Dans la CLA, les grandes chelles (de longueur caractristique L) sont limites par lahauteur de la CLA (de l'ordre de 1000 mtres), tandis que les petites chelles (de longueur

    caractristique l) peuvent descendre quelques millimtres.

    En terme de modlisation, il devient donc impossible pour des valeurs leves de Re dereprsenter l'ensemble des chelles et des approches de moyennisation sont donc ncessaires. Si est un champ (temprature, vitesse, etc), on le reprsente alors gnralement en le dcomposant

    en sa moyenne (dont la dnition reste prciser) et une uctuation :

    = + (25)

    Les quations d'volution de sont alors rcrites avec cette dcomposition puis moyennes (enutilisant des proprits comme la commutation avec les drives,

    = 0, etc). On parle sou-vent de modle RANS (Reynolds Averaged Navier Stokes) qui donnent l'volution des grandeurs

    moyennes .Le point cl est la notion de fermeture des modles turbulents. En eet, les termes non-

    linaires du modle initial, par exemple 12 font apparatre des corrlations entre uctuationsselon :

    12 = 1 2+1

    2

    (26)

    et le terme

    1

    2

    doit tre exprim en fonction des grandeurs moyennes pour fermer le

    systme. Des exemples de fermeture pour l'expression des ux turbulents verticaux sont donns

    par la suite.

    33

  • 4.3 Energie cintique turbulente

    4.3.1 Comptition entre les eets dynamique et thermique

    La turbulence augmente les capacits de mlange du systme. Son intensit est classiquement

    mesure par l'nergie cintique turbulente (Turbulent Kinetic Energy) :

    TKE =12

    (u2+v2+w2)(27)

    o u, v

    , et w

    dsignent les uctuations des composantes du vecteur vitesse.

    On distingue classiquement les sources et les puits de turbulence en considrant l'quation

    d'volution de TKE :

    d(TKE)dt

    + div (V TKE) = Pd + Pt + Tr (28)

    o Pd et Pt dsignent respectivement les termes de production dynamique et thermique (sanssigne a priori malgr la terminologie employe), Tr la redistribution par les phnomnes detransport et la dissipation de l'nergie aux petites chelles par diusion molculaire ( > 0).L'expression des termes de productions dynamique et thermique peut se driver partir des

    quations d'volution du systme.

    Pour la production thermique, on a :

    Pt =w g

    (29)

    Le signe de Pt est donc celui dew, qui s'interpte comme un ux turbulent vertical de

    temprature potentielle.

    Ce signe est troitement associ la stabilit thermique. Si on considre par exemple un

    coulement de gradient vertical de temprature potentielle positif (cas stable), un raisonnement

    phnomnologique (gure 7) conduit aisment

    w< 0.Une uctuation de vitesse verticale est en eet corrle ngativement avec une uctuation

    de temprature potentielle : l'air ascendant (w> 0) a tendance diminuer la temprature deson environnement aprs mlange (

    < 0). A l'inverse, une uctuation de vitesse verticalengative est associe une uctuation de temprature positive : l'air descendant a tendance

    rchauer son environnement.

    On retrouve donc les critres de stabilit dj proposs en fonction du gradient de tempra-

    ture potentielle. La notion essentielle est bien celle d'eet de ottabilit :

    si la force de ottabilit amplie les mouvements verticaux, la turbulence est amplie et

    on a instabilit : Pt > 0. si la force de ottabilit attnue ces dplacements, la turbulence dynamique peut mme

    tre inhibe : il y a stabilit et Pt < 0. si elle a des eets nuls, on est dans un cas neutre pour lequel la turbulence a une seule

    origine dynamique (Pt = 0).Pour la production dynamique, on obtient de mme :

    Pd = uw u

    zvw v

    z(30)

    34

  • zz

    < 0

    > 0

    w> 0

    w< 0

    Fig. 7 Signe du ux turbulent de en fonction de la stabilit (ici un gradient positif de (z)).

    35

  • 0.0 10.0 20.0 30.0t (heures)

    0.0

    500.0

    1000.0

    1500.0

    2000.0

    H

    Fig. 8 Evolution de la hauteur de mlange au cours de la journe.

    En reprenant le mme raisonnement que prcdemment pour les corrlations, on vrie que le

    signe du ux vertical turbulent d'une quantit transporte est oppos celui du gradient moyen

    de cette quantit (ici u et v).

    La production dynamique est donc toujours positive. Le cisaillement vertical du vent gnre

    donc bien toujours de la turbulence.

    4.3.2 Hauteur de mlange

    On dnit habituellement la hauteur de mlange comme l'altitude laquelle TKE devientngligeable. Cette altitude dnit de fait le volume dans lequel les polluants mis au sol sont

    brasss. Elle varie au cours de la journe de manire cohrente avec ce qui a dj t vu (gure

    8).

    36

  • 4.3.3 Indicateurs de la turbulence

    Une mesure de degr de turbulence (de brassage des polluants) est alors donne dans le cas

    stable (destruction de turbulence par les eets convectifs) par le nombre de Richardson de ux :

    Rf = PtPd(31)

    Rf mesure le degr de destruction de la turbulence par eet thermique. Dans le cas stable,Rf 0 et on admet gnralement que ds que Rf 0.25, l'coulement devient eectivementassez turbulent.

    De tels indicateurs, coupls avec la mesure de l'intensit de la turbulence (fournie par TKE)permettent alors d'estimer la hauteur de la couche de mlange (et donc du degr de brassage

    des polluants).

    5 Quelques lments de dynamique

    L'objectif de cette section caractre plus technique est de donner les principaux lments

    de calcul de l'coulement (notamment pour prciser les champs de vent) dans la couche limite

    atmosphrique et dans l'atmosphre libre.

    Les mcanismes prpondrants sont dirents selon l'altitude :

    dans l'atmosphre libre, les gradients de pression et la force de Coriolis s'quilibrent et

    dnissent le vent gostrophique ;

    dans la CLA, les eets de surface deviennent prpondrants et on utilise une simplication

    des quations de la dynamique des uides, l'approximation de Boussinesq.

    5.1 Rappel sur les quations de la dynamique

    5.1.1 Equation de la dynamique

    Si on se place dans un repre li la Terre, les forces auxquelles l'air est soumis sont la force

    de Coriolis, note pour le moment Fc, la force lie au gradient de pression et la gravit.

    L'quation de la dynamique s'crit alors :

    D~V

    Dt= t~V + ~V ~V = P

    + ~Fc ~g + ~V (32)

    avec

    ~V la vitesse du vent et la constante de diusion cinmatique. ~g est compt positivementpour les altitudes croissantes.

    La force de Coriolis, induite par la rotation de la Terre sur elle-mme, s'crit

    ~Fc = 2~ ~Vo

    ~ est le vecteur de rotation angulaire de la Terre (align sur l'axe de rotation).A cette quation se rajoute l'quation de continuit :

    t+ div(~V ) = 0 (33)

    avec la densit de l'air.

    On suppose ici que la pression (ou de manire quivalente la temprature) est donne par

    ailleurs.

    37

  • YX

    Z

    Equateur

    Latitude

    Fig. 9 Repre latitude-longitude-altitude.

    5.1.2 Projection dans un systme latitude-longitude-altitude

    On considre un repre terrestre (gure 9) avec l'axe des x dirig vers l'Ouest (longitude),l'axe des y vers le Nord (latitude), et l'axe des z selon la verticale ascendante (altitude). Notonsque ce repre n'est pas cartsien et qu'il faut calculer un terme de courbure associ la rotation

    du repre sur la Terre. Ces termes sont ngligs dans cette prsentation.

    On obtient alors aisment comme systme d'volution dans ce repre, avec

    ~V = (u, v, w) :

    38

  • t+ xu+ yv + zw = 0

    tu+ uxu+ vyu+ wzu = 1xP + (Fc)x + u

    tv + uxv + vyv + wzv = 1yP + (Fc)y + v

    tw + uxw + vyw + wzw = 1zP + (Fc)z + w g

    (34)

    Avec

    ~ = (0,cos,sin) ( dsigne la latitude du point considr, angle entre le plan del'Equateur et la verticale), la force de Coriolis est donne par :

    (Fc)x = 2(w cos v sin)(Fc)y = 2u sin(Fc)z = 2u cos

    (35)

    A haute altitude, la composante verticale w peut tre nglige par rapport aux composanteshorizontales et on trouve :

    (Fc)x ' fv , (Fc)y = fu , (Fc)z = 2u cos (36)

    o l'on a not f = 2 sin le paramtre de Coriolis (homogne une frquence). A nos latitudes( 45o degrs), f est de l'ordre de 104s1.

    Dans l'hmisphre Nord, > 0, et le phnomne de dviation vers l'Est est justi par(Fc)x > 0. La situation est inverse dans l'hmisphre Sud.

    5.1.3 Analyse d'ordre de grandeur

    Une rapide analyse d'ordre de grandeur est mene classiquement sur la base des vitesses

    caractristiques suivantes : U ' 10m.s1 (composante horizontale de vitesse) et W ' 1cm.s1(composante verticale de vitesse).

    On va distinguer les composantes horizontales avec comme chelle spatiale L ' 1000kmet la composante verticale (hors de la couche limite) avec comme chelle spatiale H ' 10km.L'chelle de temps associe est T = L/U = 105s. Le terme de pression est dni partirde P/L ' 103m2s2 (ce qui correspond 1 hPa pour 10 kilomtres) pour la composantehorizontale. Le terme vertical est adimensionn avec une pression sol de l'ordre de P0 ' 1000hPa.

    L'ordre de gradeur des dirents termes de l'quation d'volution est donn dans les tableaux

    2 et 3, respectivement pour les composantes horizontales et verticales.

    Terme Ordre de grandeur Estimation (m.s

    2)

    Drive en temps Du/Dt U2/L 104

    Force de Coriolis fU 103

    Pression P/(L) 103

    Diusion U/L2 1012

    Tab. 2 Analyse d'ordre de grandeur : composantes horizontales

    Cette analyse d'ordre de grandeur permet de justier, pour les composantes horizontales,

    l'approximation du vent gostrophique, valable grande chelle et au dessus de la couche limite

    39

  • Terme Ordre de grandeur Estimation (m.s2)Drive en temps Dw/Dt UW/L 107

    Force de Coriolis fU 103

    Pression P0/(H) 10Gravit g 10Diusion W/H2 1015

    Tab. 3 Analyse d'ordre de grandeur : composante verticale

    atmosphrique :

    u ' uG = 1f

    yP , v ' vG = 1f

    xP (37)

    Le vent gostrophique (horizontal) est donc tangent aux isobares (les surfaces de pression

    constante).

    Sur la verticale, l'approximation hydrostatique est galement vrie avec zP ' g.

    5.2 Ecoulement dans la CLA

    On dcrit prsent l'coulement dans la CLA, qui est donn par une simplication, l'approximation

    de Boussinesq. On trate ensuite trois applications en dcrivant la spirale d'Ekman, le jet de basse

    couche d'origine inertiel ou thermique, et enn la Couche Limite de Surface.

    5.2.1 Approximation de Boussinesq

    Au niveau de la CLA, la densit reste relativement proche de la densit donne par l'ap-

    proximation hydrostatique. De plus cette densit reste elle-mne quasiment constante.

    On pourrait alors tre tent de trater la densit comme une densit uniforme. Ceci n'est ce-

    pendant pas possible, essentiellement du fait de l'importance des variations verticales de densit

    pour les eets de ottabilit, comme on l'a vu prcdemment dans l'tude de la stabilit statique.

    L'approximation de Boussinesq revient en fait trater la densit comme constante partout sauf

    dans le terme de gravit.

    Il est courant en mtorologie de mener des calculs de perturbation, foncirement lis une

    hirarchie de modles (et d'chelles). On suppose alors que l'tat du systme est proche d'untat de rfrence r, la uctuation 1 = r tant suppos petite. Le systme obtenu par ladcomposition de toute grandeur selon = r +1 est alors linaris en ngligeant tous lestermes quadratiques de la forme 11 et en ne conservant que les termes linaires de la forme1r.Notons que la situation est compltement inverse dans le cas de la drivation de modles

    turbulents : on nglige les termes linaires (qui disparaissent aprs moyennisation) et on conserve

    les termes quadratiques (pour lesquels va se poser le problme de fermeture).

    L'tat de rfrence pour l'air est dni de la manire suivante :

    au repos :

    ~Vr = 0, hydrostatique : zPr = rg, adiabatique : zTr = g

    cp,

    loi des gaz parfaits : Pr = rrTr.Les variables thermodynamiques (r, Tr, Pr) sont alors parfaitement dnies pour toute alti-tude z. Comme annonc initialement, on constate de plus exprimentalement que l'cart relatif

    40

  • une valeur moyenne sur la CLA (de hauteur H) :

    0 =1H

    H0

    r(z)dz (38)

    est trs faible :

    r = 0 +r ,r0

    1 (39)On a donc nalement :

    = r +1 = 0 +r +1 (40)

    et on fait les hypothses que les carts relatifs de la solution de rfrence la solution uniforme,

    et de la solution la solution de rfrence sont faibles :

    r0

    1 , 10

    1 (41)

    Un dveloppement relativement direct

    1

    conduit alors au systme suivant :

    xu+ yv + zw = 0

    tu+ uxu+ vyu+ wzu =

    04u 1

    xP1 + (Fc)x

    tv + uxv + vyv + wzv =

    04v 1

    yP1 + (Fc)y

    tw + uxw + vyw + wzw =

    04w 1

    zP1 +

    T1T0g + (Fc)z

    0cp(tT1 + uxT1 + vyT1 + wzT1) = Q+ k4T1

    (42)

    o Q dsigne les sources ventuelles de chaleur, k est la conductivit thermique et est laviscosit dynamique.

    Ceci constitue un systme de cinq quations pour les cinq inconnues (u, v, w, P1, T1), quia la proprit d'tre linaire en les variables thermodynamiques (ce qui tait une proprit

    recherche).

    Remarque 5.1 (Temprature potentielle)

    Une quation identique celle de la temprature T1 peut tre obtenue pour la tempraturepotentielle 1 = r :

    0cp(t1 + ux1 + vy1 + wz1) = Q+ k41 (43)la remarque essentielle tant que la temprature potentielle mesure un cart un tat adiabatique

    (conformment ce qui a dj t vu) : 1 T T0.De mme, en premire approximation, le terme

    T1T0g qui apparat dans l'quation d'volution

    de la composante verticale de vitesse w peut tre remplac par10g.

    5.2.2 Moyenne de Reynolds pour la CLA turbulente

    L'coulement dans la CLA est en ralit fortement turbulent, comme on a dj pu le vrier en

    calculant les nombres de Reynolds et de Rayleigh. A moins de vouloir calculer toutes les chelles

    de l'coulement, on est donc oblig d'adopter une approche par moyennisation en dcomposant

    toute grandeur physique en une partie moyenne et une partie uctuante : = + .1

    ... mais que l'on omettra au grand soulagement du lecteur... et du rdacteur !

    41

  • On moyenne alors les quations obtenues prcdemment en utilisant les proprits de l'op-

    rateur de moyenne :

    xu+ yv+ zw = 0D uDt

    =

    04u 1

    xP1+ (Fc)x div(

    u ~V )

    D vDt

    =

    04v 1

    yP1+ (Fc)y div(

    v ~V )

    D wDt

    =

    04w 1

    zP1+ (Fc)w+ 1

    0g + (Fc)z div(

    w ~V )

    0cpD 1Dt

    = Q+ k41 div(1 ~V )

    (44)

    o l'on a dni la drive totale d'une grandeur moyenne selon :

    D Dt

    = t+ u x+ v y+ w z (45)

    et la divergence des corrlations avec le vecteur

    ~V de uctuation de la vitesse :

    div( ~V ) = x

    u+ y

    v+ z

    w(46)

    Les ux turbulents

    ~V

    doivent tre modliss : c'est le problme de la fermeture des

    modles turbulents (ici : 9 corrlations inconnues).

    Une approche classique est par exemple fournie par la thorie K. Les ux turbulents de la

    grandeur sont alors proportionnels (par analogie avec la diusion molculaire) aux gradientsde la valeur moyenne dans la direction considre. Par exemple, pour les ux verticaux :

    w ' K,zz (47)o le coecient de proportionnalit, K,z (un coecient de diusion turbulente), reste mod-liser... Pour un coecient positif, notons que ceci est cohrent avec le raisonnement phnom-

    nologique men la section prcdente.

    En ralit, en dehors des rgions prsentant des inhomognits horizontales, on ne considre

    souvent que les ux verticaux (ce qui rduit 4 le nombre de corrlations), et on dnit alors :~Vw= Kmz

    ~V

    1w= Khz1(48)

    o Km est la viscosit dynamique turbulente (prise gale pour les trois directions) et Kh laviscosit turbulente de chaleur (qui sont essentiellement des coecients positifs, sauf dans les

    modles spciques dits contre-gradient). Ces coecients sont modliss comme fonction de

    l'altitude et du temps, an de dcrire l'volution de la turbulence et de la couche de mlange

    en cours de journe selon K = K(z, t) (les paramtrisations utilises dpassent le cadre de cecours).

    Ce modle est local, d'autre modlisations plus sophistiques (non locales) pouvant tre

    utilises.

    42

  • 5.2.3 Exemples d'application

    5.2.3.1 La spirale d'Ekman On considre un champ de vent horizontal (w = 0), homo-gne horizontalement (u (z) et v (z)). On suppose la CLA adiabatique (1 = 0) : c'est doncle cas de neutralit statique.

    Les quations deviennent alors en utilisant la thorie K pour fermer le modle et en ngligeant

    la diusion molculaire par rapport la diusion turbulente :tu = 1

    xP1+ f v+Km2zzu

    tv = 1yP1 f u+Km2zzv(49)

    Au sommet de la CLA, les variations diurnes sont faibles (t 0), et les eets de surfacesont ngligeables (la turbulence est faible : Km 0). Ceci dnit les composantes du ventgostrophique selon :

    uG = 1f

    yP1 , vG =1f

    xP1 (50)

    En supposant que les gradients horizontaux de pression sont constants, on obtient alors :{tu = f (vG v) +Km2zzutv = f (uG u) +Km2zzv(51)

    Pour simplier, on considre que l'axe des x est align sur le vent gostrophique, ce qui revient

    prendre vG = 0. Les solutions stationnaires de ce systme (t = 0), avec comme conditionsaux limites au sol la condition d'adhrence (u (0) = v (0) = 0) sont alors aisment calculesen passant en variables complexes u+ i v :{

    u (z) = uG (1 cos(az)eaz)v (z) = uG sin(az)eaz(52)

    o l'on a dni a =

    f

    2Km.

    On dnit alors la hauteur H de la CLA comme la premire altitude laquelle le champde vitesse s'aligne sur le champ gostrophique (l'axe des x). Elle est videmment donne par

    aH = , soit :

    H = pi

    2Kmf(53)

    On retrouve le rsultat physique dj prsent : plus l'eet de surface est fort (Km lev), plus lahauteur de la couche de mlange augmente. Une application numrique avec les valeurs typiques

    de f 104s1 et Km 10m2s1 conduit une valeur crdible de H 1500m.A cette altitude, la composante horizontale est peu prs gale celle du vent gostrophique,

    puisque u (H) = uG (1 + e) uG.L'volution de l'angle du vent avec la direction du vent gostrophique est l'angle avec l'axe

    des x, (z), qui vrie :

    tan(z) =vu (54)

    ce qui permet de tracer l'hodographe d'Ekman qui reprsente l'volution avec l'altitude de cet

    angle (gure 10).

    43

  • !"# $ %& ')(*,+-%.

    Fig. 10 Hodographe des composantes du vent (spirale d'Ekman) pour vG = 0.

    44

  • On trouve aisment comme angle au sol (0) = 45 degrs. En ralit, cette angle varie de 25 30 degrs, comme on a pu le constater dans la gure 2. On reviendra sur les limitations de ce

    modle en dnissant la Couche Limite de Surface dans un des exemples suivants.

    5.2.3.2 Les jets de basse couche On va essayer de retrouver le phnomne de jet de basse

    couche nocturne, qui a dj t prsent. Ce phnomne est li aux oscillations inertielles de

    frquence f .

    On reprend le modle prcdent avec le vent gostrophique align sur l'axe des x (vG = 0) :{tu = f v+Km2zzutv = f(uG u) +Km2zzv(55)

    On va prsent tudier une volution en temps (et non plus selon la verticale). On suppose

    qu'un tat stationnaire uJ (z), vJ (z) est ralis la journe :{f vJ +Km2zzuJ = 0f(uG uJ) +Km2zzvJ = 0(56)

    Cet tat est donc donn par la solution calcule prcdemment pour la spirale d'Ekman.

    La nuit, la turbulence est ngligeable, et on a :

    tuN = f vN , tvN = f(uG uN ) (57)

    avec pour condition initiale ( t = 0) : uN (0) = uJ et vN (0) = vJ .On trouve aisment les solutions de nuit :{

    uN (t) = uJ cos(ft) + vJ sin(ft) + uG (1 cos(ft))vN (t) = vJ cos(ft) + (uG uJ) sin(ft)(58)

    On a alors une priode d'oscillations, lie au paramtre de Coriolis f (f 104s1), de l'ordrede 2/f ' 17 heures, qui peut conduire de nuit un vent surgostrophique.

    5.2.3.3 Couche Limite de Surface (CLS) Le modle d'Ekman ne correspond pas la ra-

    lit oberve et n'est qu'une approximation. Une des limitations concerne notamment la Couche

    Limite de Surface, dnie comme une couche ux nul proximit du sol (quelques dizaines

    de mtres). Les prols des principaux champs peuvent tre calculs dans la CLS.

    On dnit la vitesse de friction, note u?, partir du ux turbulent de surface (supposconstant dans la CLS) :

    (u?)2 = |uw |s (59)La terminologie est logique : plus le sol est rugueux, plus une force de friction gnre de la

    turbulence. La valeur de u? est typiquement de quelques dizaines de centimtres par seconde.

    Une premire approche pour calculer le gradient de vent dans la CLS neutre est d'adopter une

    analyse dimensionnelle. Au sein de la CLS, les deux variables physiques sont u? et z (l'altitude,c'est dire l'loignement la paroi). Le gradient est donc de la forme :

    d udz

    =u?

    z(60)

    45

  • avec une constante sans dimension (que l'on place au dnominateur pour respecter les conven-tions classiques : la constante est la constante de Von Karman, de l'ordre de 0.35 0.4).Par intgration, on obtient donc un prol logarithmique :

    u (z) = u?

    ln(z

    z0

    )(61)

    avec z0 la hauteur de rugosit dnie par u(z0) = 0. Typiquement z0 est de l'ordre de quelquesmtres (un dizime environ des obstacles).

    Une seconde approche, pour le cas neutre, est fonde sur la thorie de la longueur de mlange

    (Prandtl). Si on note la longueur sur laquelle une parcelle ne se mlange pas avec son environ-

    nement lors d'un dplacement vertical (a un signe en fonction du sens de son dplacement),

    ce dplacement cre par exemple une uctuation de composante de vitesse horizontale :

    u ' d u

    dz(62)

    avec au voisinage du sol

    d udz

    > 0.Pour la uctuation de vitesse verticale, on a par contre :

    w=

    du

    dz(63)

    car un dplacement vers le haut (> 0) est associ une uctuation de vitesse verticale positive(w

    > 0). On a alors :

    uw

    = ()2(d udz

    )2 (64)

    Avec (59), on obtient :

    u? =()2d u

    dz(65)

    Un choix logique pour la longueur de mlange

    ()2 est z (la taille des tourbillons estdonne par l'loignement au sol) et on conclut.

    L'approche dimensionnelle se gnralise au cas gnral (stable ou instable). D'autres variales

    physiques interviennent (notamment pour les eets de ottabilit) et on a :

    u (z) = u?

    ln(

    (z

    LMO

    ))(66)

    avec une fonction et LMO la longueur de Monin-Obukhov qui se calcule partir des grandeursphysiques.

    46

  • Chapitre 3

    Chimie atmosphrique

    La composition chimique de l'atmosphre dtermine pour une large part son comportement

    radiatif :

    l'ozone stratosphrique ltre, par ses proprits d'absorption, le rayonnement solaire ultra-

    violet ;

    les gaz eet de serre (CO

    2

    , mthane, ozone, ...) absorbent le rayonnement infra-rouge de

    la Terre et de ce fait contribuent une augmentation de temprature.

    Autant cette interaction entre rayonnement et composition chimique est connue depuis le milieu

    du 19 ime sicle

    1

    , autant la prise de conscience que l'atmosphre est un milieu chimiquement

    ractif est plus rcente (fondamentalement depuis les annes 70 avec les travaux sur les cycles

    de destruction de l'ozone stratosphrique).

    Un point cl est le pouvoir oxydant de l'atmosphre, des composs minoritaires (des espces

    traces) y jouant un rle essentiel en catalysant des chanes de raction. L'oxydation des com-

    poss mis par l'activit humaine (au premier rang desquels les hydrocarbures imbrls) est

    un processus positif puisqu'il permet de nettoyer l'atmosphre en transformant des espces

    toxiques en des espces non toxiques ou lessivables (par le dpt ou la pluie) ou sous des formes

    temps de rsidence plus court (arosols).

    L'objectif de ce chapitre est de donner les lments de comprhension des grands cycles de

    la chimie atmosphrique.

    La premire section prcise, au del de quelques rappels lmentaires de cintique chimique,

    les caractristiques essentielles de la chimie atmosphrique :

    l'importance des chanes d'oxydation, catalyses par des radicaux (comme les composs

    hydrogns, OH et HO

    2

    , et les oxydes d'azote, NO et NO

    2

    ).

    le rle des ractions photolytiques, qui induisent la dpendance de constantes cintiques

    l'activit solaire. Ceci permet notamment d'clairer les relations entre chimie et rayon-

    nement solaire, et par voie de consquence la distinction entre chimie diurne et chimie

    nocturne d'une part, et chimie troposphrique et chimie stratosphrique d'autre part.

    les notions cls de temps de vie d'une espce et d'espce rservoir.

    La deuxime section donne des lments sur les mcanismes qui pilotent l'volution de l'ozone

    stratosphrique (notamment ses catalyses de destruction) ainsi que sur les processus physico-

    chimiques conduisant au fameux trou d'ozone antarctique. Cette partie est une bonne illustra-

    tion des tapes successives de la comprhension des cycles chimiques.

    Une troisime section prcise la chimie de l'ozone troposphrique et les interactions avec les

    Composs Organiques Volatiles (COV) dans la troposphre pollue. Ceci procure un exemple

    1

    John Tyndall mesure l'absorption par les gaz eet de serre (vapeur d'eau, CO

    2

    , CH

    4

    ) du rayonnement

    terrestre ds 1859 et Svante Arrhnius estime, en 1896, qu'un doublement de la concentration de CO

    2

    induirait

    une augmentation de la temprature moyenne de la Terre de 5-6 degrs.

    47

  • de la complexit de la chimie atmosphrique (eets de non-linarits) et de la notion de rgimes

    chimiques (le comportement, notamment en terme de sensibilit aux missions, pouvant tre

    radicalement modi selon les niveaux de concentrations).

    Pour conclure cette introduction, le lecteur intress pourra trouver tous les complments

    qu'il dsire dans les deux rapports de l'Acadmie des Sciences sur l'ozone ([7, 6]) et dans l'in-

    contournable [10].

    1 Quelques caractristiques de la chimie atmosphrique

    1.1 Rappels de cintique chimique

    On se place pour simplier dans le cas d'une cintique entre espces en phase gazeuse. Un

    mcanisme chimique dcrit un ensemble de ractions entre les espces chimiques considres.

    Soit ne le nombre d'espces (d'indice i associ au symbole chimique Xi

    ) et nr le nombre deractions (d'indice r).

    Les ractions envisager de distinguent selon le nombre de ractants (les espces qui r-

    agissent entre elles) et sont, en gnral :

    monomolculaires

    Elles impliquent alors une seule molcule et sont lies une dissociation photolytique (voir

    plus loin) :

    X+ h X (R 1)avec h le rayonnement absorb dans une certaine gamme de longueurs d'onde et X

    l'tat excit qui en rsulte.

    bimolculaires

    Elles impliquent alors deux molcules, par exemple :

    X1 +X2 X3 (R 2)

    trimolculaires

    Elles impliquent deux molcules et un lment abondant, le tiers corps, de notation M

    (l'air, c'est dire en pratique N

    2

    ou O

    2

    ) :

    X1 +X2 +M X3 +M (R 3)

    L'volution des ractants et des produits est alors dtermine partir de la stoechiomtrie des

    ractions. L'volution d'un compos lie la cintique d'une raction r crite sous la formegnrale

    nei=1

    sirXi nei=1

    s+irXi (R 4)

    est alors : (d[Xi]dt

    )r

    = (s+ir sir)r (1)

    avec r le taux de raction chimique de la raction r.[Xi] dsigne une concentration molaire oumolculaire.

    r est donn par la loi d'Action de Masse en fonction des concentrations des ractants :

    pour le cas monomolculaire :

    r = Jr [X] (2)

    avec Jr la constante photolytique.

    48

  • pour les cas bimolculaire et trimolculaire :

    r = kr [X1] [X2] , r = kr [X1] [X2] [M] (3)

    avec kr la constante cintique de la raction.

    Pour une raction thermique (les cas bimolculaires et trimolculaires), la constante cintique

    est gnralement paramtrise en fonction de la temprature T via une loi dte d'Arrhnius :

    kr(T ) = Ar TBr exp(EarRT

    ) (4)

    avec R la constante des gaz parfaits, Ar la constante prexponentielle, Br le facteur exponentielet Ear l'nergie d'activation.

    Dans le cas d'une raction lmentaire, c'est dire qui a lieu eectivement (et qui n'est pas

    une concatnation de ractions, on parle alors de raction globale), des arguments thermodyna-

    miques justient que la raction est rversible :

    nei=1

    sirXi nei=1

    s+irXi (R 5)

    Avec des notations videntes, la loi de Van't Ho donne partir de l'quilibre thermodynamique

    le rapport des c