Mémoire de la Dordogne...Jalons chronologiques. 19.08.1944 : libération de Périgueux. 21.08.1944:...

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EDITORIAL

Dr Jean-Mane Thiébaud

~ A LA UNE

G~ ~-

~~'~! Le Journal des Francs-Tireurs et Partisans français_ Jacqueline Faure

iii BIOGRAPHIE

Histoire d'un bagnard: Anthelme Collet. Pierre Pommarède

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-DERNIÈRES ENTRÉES

Dons et acquisitions récentes. Jacqueline Faure p. 41

FORUM

et courrier des lecteurs. p. 42

SONOTHÈQUE Création d'une partithèque_ Entretien réalisé avec Laurent Delbecq. Sylvain Roux p. 43

DOSSIER GENEALOG.IE

GÉNÉALOGIE, DÉMOGRAPHIE LA PROFESSION HISTORIQUE ET GÉNÉTIQUE DE GÉNÉALOGISTE DE POPULA TION Martine Duhamel p. 45 Jean-Noël Biraben p. 13

GÉNÉALOGIE ET GÉNÉTIQUE MÉDICALE Stéphane Richard p. 16

• le 24 octobre 1792

.. --~J INÉDIT ? InstitutiO. n .. d u. Cale. ndrier Républicain

_______ Martine Duhamel p. 19

NOBLESSE ET GÉNÉA.L.OGIE EN PÉRIGORD . Joëlle Chevé

LOI du

1" jui11ct

1901

p.20

ASSOCIATION

L'A.R.A.H., histoire et archéologie dans un canton du Bergeracois. Philippe Jayle p. 10

EXPOSITIONS ANIMATIONS

A voir. p.12

GÉNÉALOGIE ET FAIENCIERS DE BERGERAC AU XVIIIe S/ECLE Claude Lacombe p. 26

GÉNÉALOGISTES PÉRIGOURDINS Patrick Esclafor de .la Rode p. 30

BIBLIOTHÊQUE

Bibliographie généalogique. . François Bordes p. 39

LE DISCOURS DE LA MÉTHODE

Cartographie de la Dordogne. François Bordes p. 45

PALÉOGRAPHIE

Un texte ancien et sa transcription. Raymonde Sarlat p. 48

1 <Ç~I ~~~~~EUR "---- Interview de Mona Siegel. p. 50

fournet.m
Légende
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IEDAtTElJR.,~N.·.êHEF Bernafd···REVIR1ÊGO

COMITÉ.DELE~TURÊ FtançoisBORDES, Joëlle. CHEVÉ, Michel COMBET, Patrick ESCLAFER de la RODE,jacqùelineFAURE, Bernard FOURNIOUX, Dominîque GRAND­COIN, Claude LACOMBE, Bernard REVIRIEGO.

REDACTION Jean-Noël BIRABEN, François BORDES, Joëlle CHEVÉ, Martine DUHAMEL, Patrick ESCLAFER de .la RODE, Jacqueline FAURE, Philippe JAYLE, Claude LACOMBE, Pierre POMMA­RÈDE, Stéphane RICHARD, Sylvain ROUX, Raymonde SARLAT.

TRAVAUX PHOTOGRAPHIQUES Renée HASSE et Denis BORDAS (atelier photographique des Archives départe­mentales)

MAQUETTE, MISE EN PAGE Thierry BOISVERT etrImprimerieFANLAC

PHOTOGRAVURE Image,Sarlat

IMPRESSION Imprimerie Fanlac ZAC Pareau Avenue Winston-Churchill .24660 Coulounieix-Chamiers

ABONNEMENtS Deux numéros par.an: 70 F

(à partir du N° 5) Prix .à . l'unité : 35 F Bulletin d'abonnement à l'intérieur de la revue. Diffusé par D.C.P~. 9013

ISSN 1241-2228 DépÔt légal à parution

Le contenu pes articles n'engage que la responsabilité cie leurs auteurs.

édit - é:11 c> .r- 1

Véritable phénomène de société, la généalogie s'est, au fil des années, hissée au rang de science historique à part entière. Débordant des recherches d'intér&t purement personnel et familial, les quel­que 70 000 généalogistes amateurs qui fréquentent assidûment les dépôts d'archives se sont lancés dans le dépouillement systématique des registres paroissiaux et d'état civil, des minutes notariées, etc., pour offrir à leurs con­temporains et aux générations suivantes des banques de données qui servi­ront de base aux chercheurs, aux démographes, aux sociologues, aux méde­cins et à tous les passionnés d'histoire disposant désormais d'un maillage micro­événementielle plus serré possible, en contact direct avec la vie quotidienne des Français des siècles passés.

Ayant acquis de solides notions de paléographie, d'onomastique, de sigillographie, d'héraldique et d'histoire loco-régionale grâce à l'action permanente de formation menée par les associations qui les regrou­pent, les généalogistes sont devenus des lecteurs estimés des archivistes, avec lesquels ils collaborent à la sauvegarde de documents constituant notre patri­moine. ils contribuent aussi à des publications, comme en témoigne le numéro spécial de « Mémoire de la Dordogne" consacré à la généalogie abordée sous les angles les plus divers afin d'ouvrir des champs d'investigations toujours plus vastes, permettant d'appréhender la richesse des archives et, à travers celles­ci, de l'homme et de son milieu, montrant ainsi que généalogie et histoire sont des sciences humanistes intrinsèquement liées.

Dr Jean-Marie THIEBA UD Président de la Fédération

Française de Généalogie

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Jalons chronologiques. 19.08.1944 : libération de Périgueux. 21.08.1944: libération de Bergerac. 25.08.1944: libération du département.

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A LA UNE

Ce journal des Francs-Tireurs et Partisans français puis des Forces fran­çaises de l'Intérieur a commencé à paraÎtre en juillet 1944. Hebdomadaire imprimé à Bordeaux, c'est le premier journal de la presse cc libre " dans une période encore suspecte.

ÉDITION SPÉCIALE

Organe des Francs-Tireurs et Partisans Fronçais

_ ÉDiTION DE LA DORDOGNE _

Le Hum .... /

lib~:! C~;~àlele d:r:~~ref ~aY:e ef!! ~~i~:I;t .. : ~~r~;~rred:t g~:uf;!~iS~~: la ~J~lI~~i~:\(~U n~lt~~~~'I'a~~I;'I~~[ l,l' !~Ub~~~ j~urnée d'hier. Il gens de to~t~s aspirations politi~ hitlél'ienne rl(,s ~'ou:ps qui chaque

Paris a ete libéré par les Forces 1 ques ou rellgl,euses. . jour,l'acculent il la défaitt>. Françaises de l'Intérieur. Le Peu- I~ France d Abord )) - ce titre La libéraùon de dizatlle et de di-pie Parisien a libéré sa vÎlle de qUI. est tout. un pro~ram:·ne .au~ zalllll ùe département~ français par l'oppression allemande. Après qua. i torlse "?tre JO(J~~al a ad.le~ser a!a 1er; propres F.F.I., la libération de tre jours de combat, les Boches ont; population parisienne ~I eprou\'ee llotr(' (~apitale PAlUS p~l" Je peuplr dû quitter la grande ville au rayon. i ~n salut fraternel tres chaleu· ~~:,/~'~I:.:~::, l~~~~~re (~uPl~~;d:U~~ti~~ nement univeresl. La France re~: 1 eux. trouve son cœur. La ville d'où sontt Nos vaillal1ts Francs-Tireurs Par~ la pin ('t' (le notr(' payti par la par­partis· tant d'idêes gênereuses et d.e i t!Sa!1:; Fran~4:.isJ qui} üans notre 1 ic-ipa1 ion dfec:tuét> il lu. gtlûrl'e. mouvements de libtrté n'est plUS! )!~i:',ionJ r,;ù~·!JelÎt (le !1omt;reux Pa~ La Fl·ance se libèrf'. Aux glo­souillée par :a canaille nazie. Lai r:sie~15 Llï:l~V, .. ,:(; :f!l!!' ville par la rÎensf'!; .actions de., F.T.P.F. et rle

su~.prément cu n' 5

• •

La 24 AOût 1944

allx formations {'ombatla:ntes, 100 pèl'{'S de familJc's lIombreusefi. doi­,'pnL s'enrôlet' dl' suite dans ,les Mi_ l tees Patl'iotiqucs. Les Femmes de FI'll11Ce y ont, leur place. Elles ont, :lU ('ours de C(1«; dUH'S dernières aD.­Ilée6 de 1 ufte montré qu'eHee étaient rIes cOlllbatl alltf's. { 'omme letlJ'fi !'OœU1"6 d'Espagne, de l'U.R: :-\.K dl' L'.\ )lgJr.tCl"re elJes v(~nlent ilt'livl'lllt;mt p.artÎ('ipé au ('ombat.

La victoire est ('11 mal'che ! Aeti_ \'olls-lit. .-

L<-t 1!'rallt:'e pl'bentl"!lu c0mbat" s~ra pl'ésente à }.a victoire. :rO~~C:I::~!~~e d~al~:u~~en~~~e! ~~; 1 ~:~~~~:;Cl~:L ~i!~~~~~l~~a~~e~~s I~:;~ ;l~~S all~~~((~~r ~.'i~~l~;I~~td~en~~I~f;'

à l'origine de la ~Iorieu!le Révolu-I camarades de combat pour leur ma- noLl'e gl'and .:\IARSEILLE. Hiel· la 1::============ tion Française. Le Paris des sans- I gnifique exploit. Les gars de chez radio nous ;ll~nonçait la libél'ation 1· oulottes, le Pari~ de la prise de la 1 Fi:enault, de chez Citroën, tous les de Grenoble, capitale Ju Dauphiné, Bastille, celui du Champ de Mars, 1 ouvriers, les employés, les fonc- bul'ceau de la. Révolution Français~ celui de 1848, celui de la Grande tionnaires, les commerçants, tous Chaque jour le boche est chassé de Commune de 1871, celui de 1934 et les patriotes qui, à Paris. ont pris notre territoire, chaque jour le ter­de 1936 Se retrtluve, fidèle à son II les armes sont les frères de ceux 1 ritoire lib?rf. (10 notre patI'ie

Liberté. tent daJ1s notre département j nos! ,\ ux 1 pl Plll Js:-aLlll" dt'fil;j t'~; "Il-

traditionnel passé de lutte pOur la 1 qui, depuis si longtemps, combat-I ti'agrnntlt!,

La ville a' eté prise par 50.000 citadins et nos pavsal1~ du Péri-I hieR pal' 1~'6 bo('ht ... l'II li'al"Tlce, homme::> des F.F.I., soutenus par gord. Gavroche est le frare de Jac- s\'ljouh'llt jonl' ~ar j.our, lH'llr~ ~ar l'ensemble de la po;miation. A pa-I quou le Croquant. hf>lll'C', cl'lil'''' qlll lm o!'ulll IIlfhgef~s ris comme dans l'ensemble du pays, 1 Paris n'est pas ::.eulement aux 1 SUl' ton~ le:.. rl'(lJlt~ (le :!llI'I't·e. chacun a fait son devoir et l'unionl Parisiens, il est à la France el1-' L'offl'11""'l' d(~c!l'l1,dlt~t' à l'Est est à ,~ base Ju. ::uccès. Le Peuplel tière. Il est à tous ceux ,!ui, dans par l'Al'1uél.l Hougc t:olltinue ho pro­de ,.pa~ls. a toujours s~ f!1!mtrer le ~onde, cherche~t la Llb~r~é! la grr's);û\'. Déj!:i Grollatz,' Yassi sont qu Il etait capable de s unir Im·s- Justice, le Progres, la Civilisa- libért'eR, d'autrC's ville .. sont encer-que la lib~rté ét~it :tI.enapée. Déjà, tion. clée~. En Italie les troupes anglo-en 1934, Il avait fait echec aux amp.l'i'('aine!l conti'nuent leur avan-proje~s des hitlérien~ français, et ,ie VIVE PARIS! cC'. Let> pays vassaux se désagrègent 1936 a 1939, ton umon dans la lut~ VIVE LA FRANCE! ùu bloc hitlérien. Aujourd.hui c'est

la Roumanie qui demande l'Armis­tice. La force du peupJ.e soviétique

24 AOUT 1944 et de 'Sa gloriE'usc Armée Rouge, soutient des peuples .opprimés de tous- ·les pays d'Europe, amène [es peuples de ces pays àcxiger deleul'S

et PERIGUEUX

BERGERAC libres 1 â~uv~~~~~:, i: o~'~~~Ses~e fe~:i~ • d'autres peuples 6e joindront à la

Périgueux et Bergerac sont li .. bres! Les derniers cambate de la Dordogne furent meurtriers. :Bèau_ coup des nôtres ont trouvé la. mort dans le combat. La liste de 'l10fi

martyrs s'est allongée de nouveaux noms.

Dans nos villes et nos vina.ges on s'.p.a.bitue à la -liberté depujs ]ong~ temPe perdue et tÜ chèrement re­"""'luise. Partout :0 dxa.pe.an <tr:i­-colore flotte aux fenê~res, sur lefi. éctifÎCI'IJ l'ublk •• iller en a pav~ iipOlltauémeut .à l'annonce de la ;i>ri&e de Pari.. Les P~rigourdJn.

ne !'ont pa!'. égoistC'ti, kl. joie de leur pl"o]?re libération ne les rend pas indlÎfp.renl.,; il ('1' qui ~t' pa,se6 ail­lClll".

I)n !-(·nt l,al'lOul 1(' d?:,ir de pa,rti. ~'!J'el" ph16 activement il. la victoire rapide et définitive SUl" le boche criminel. On sent ]a volOOlté d& ne pas laissir bl'iser l'union, gage de victoire aussi bien que de recons­truction rapidp. ùe notre pays.

(Voir ta suite en 3- page)

Roumanie, Nous devousle' dire, c'est l'exem­

ple de la ·France qui s'e,st Jevée d'un 6.eul bloc pour se libérer, qui retentit dans Ill' monde.

T,a France -qui, jamais, n'a, .cessé­Je combat, cOllt,Înu à être, h~ fla.m­beau de la Libert~ et est iL l'av~nt garde de tous les peuples ôpprimés.

En ·avamt patriotes França.is~ en avant Périgourdins! La lutte doit se poursuivre j~u'au bout et sana f~~lees'e. Toue 'nous de~ons y par· tlclper. Les hommes vafiidea an .'enrolant dan& les F.T.P,F., h.Juo les F.F.I .. ceux trop âgée ou moa­pable. phy.aquement de !lO j!J!i"dxe

mu, à NONTRON Dans t'Ju1es les \'il!,,~, ùanf' tous

IC5 villages de noll'l' J )/~partement, les périgourdin-s {HU )Ilanifesté leur joie a J'annonce de la libération du notre capitale, de notre PARIS, par les F.F.I. ,

Partout dans les vi!l1ages" ù, l'an_ nonce de cette gra.nde nouvelle, lee drapeaux français et alliés ont :é~ al'borés.

A ~ontron, cetts libération a. é-~ accueillie par une grands Manifes­t.ation Patriotique. Malgré l'or3ge et la pluie battante, la population entièœ, répOilldant il. l'appel lanœ. pal' le Comité loca.l do Libération, s'était II.1assée à 4 heures sur J.81 place de la l\i.airie. Précédée par 181 Garde Nationale, le cortège se rend au :\iollument aux Morts.

Des repré'sentants du Comité L0.­cal de Libération, des C.F.L. et dee F.T.P.F., prononcèrent ensuite.dee allocutions rendant hommage a.UI peuple parisien et exaltèrent J.a. vo­lonté . de lutte d. tout le peupl~ françflls.

Aprf.~ une 'f'ibrimte Marseill.J.aü;.e; p.ntonnée pal' lI's enfallts des écolOil et repl'i~e en chœur par to'lltl !Lii population NO'lltra.Illlais6 la l'4Jqli ... f~tation se poursuivit jusqUt'aJl SoIr.

Nontron, !pOUr un j01ll', • .v~'b i1'6'" trou~é sa. physionnomie de. 14 juillet d'autrœ-ol.&. Mais a'U.&fli, eUe a montré'par SI3 :5pon~~, fWt yo.. \onté d. oontiJD.n,e. la &u1>ta lia", l'uni.n Ve1'6 la. victoire.

Jacqueline Faure

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1 - S.douillet-Perrin (Alberte). Notaire, maire et forçat. Le Bugue, éd. 01 Contou, 1981.

f-------- BIOGRAPHIE

Mareuil avait déjà son forçat, Mary Cliquet qui fut maire, notaire et bagnard dont Alberte Sadouillet-Perrin a conté l'aventure 1. L'histoire du Nontronnais cc s'enrichit» d'un deuxième bagnard: Anthelme Collet.

Un hôte pieux, riche et généreux

Jeanne Reclus, veuve Martin, tenait auberge à La Rochebeaucourt, non loin de la collégiale Saint-Théodore. Un petit bourg de trois cent quinze habitants frileusement replié pour échapper aux brouillards de la Nizonne. Une étape quasi obligatoire pour les voyageurs et les marchands en route vers Angoulême.

Le 15 mai 1819, très exactement - elle avait la cinquantaine, mais gardait bonne mémoire -, l'aubergiste vit arriver un « indi­vidu d'apparence riche» qui prit pension au prix de six francs par jour. Cet « individu» au front large et au cou épais, était un beau parleur. Il exhiba un passeport au nom d'Anthelme Gal­lot, originaire de la commune de Luthézieux, dans l'Ain, et affirma qu'il venait de prendre les eaux à Dax. Il se disait riche et propriétaire de grands biens. Il s'intéressait aussi au sort de la veuve: elle ne tiendrait plus auberge et il paierait les études de son fils. Jeanne Martin fut éblouie, fit partager son admiration par son gendre Pierre Lassort, et continua à porter la nourriture à ce nommé Gallot qui venait de s'installer chez une autre veuve, Mme Lasfond Janet, une hôtesse qui ne tarda pas, à son tour, d'être séduite par la faconde du nouvel arri­vant, lequel désirait pour rétablir sa santé (il était somnambule) demeurer dans ce site « con­venant à son état de valétudinaire ». Sans méfiance, au reçu d'un billet d'une valeur de six mille francs, elle lui vendit une partie de ses terres et de ses vignes et lui assura la jouis­sance d'une de ses maisons.

A la fin du mois de juillet, arriva égale­ment à l'auberge de la veuve Martin un chef de bataillon à la retraite, Jean-Marie Fournier, la quarantaine, portant beau, décoré de la Légion d'Honneur, aimant raconter ses cam­pagnes. « Bien que son physique ne l'eut point prévenu en sa faveur », il se lia d'amitié avec Gallot dont il admirait la générosité « et la sol­licitude envers les pauvres ». Un Gallot qui lui

proposait d'être régisseur des biens considéra­bles qu'il possédait du côté de Lyon, l'engageait au salaire annuel de mille francs, l'incitait à entreprendre le commerce de ses vins et à fon­der une famille. Le militaire'ne cacha pas son enthousiasme. Gallot et lui partiront le vingt octobre.

Enthousiaste aussi, le secrétaire de mai­rie qui exerçait les fonctions d'instituteur, Marc Bérion, sensible « à la vie exemplaire» d'Anthelme Gallot, lequel avait conduit à son école le fils de la veuve Martin et celui d'un métayer du comte de Béarn, en payant le pre­mier mois de scolarité.

Le curé fut, au début, plus réticent. Pierre-Alcide Fournol venait d'être nommé desservant. Mais comment ne pas admirer « la grande piété» de son nouveau paroissien, être sensible à l'étalage de ses richesses (mille cinq

• Portrait de Collet, par Garnier, publié dans l'ou­vrage de Ginisty. (Références en fin d'article). Photo AD. 24.

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cents francs de rente), remercier pour les habits d'enfants de chœur qu'offrait Anthelme, et sur­tout accueillir les confidences de ce généreux donateur qui avait envie d'être prêtre?

Ainsi se déroulaient les jours aux bords de la Nizonne, jusqu'à l"automne, plus préci­sément le 17 septembre 1819. Gallot avait annoncé son départ pour Périgueux où il devait toucher une grosse somme - 30 000 F - chez le trésorier payeur général de la Dordogne. li ne reviendra au pays que quatre mois après, quatre longs mois durant lesquels le comman­dant, l'aubergiste, le curé, l'hôtesse, l'institu­teur et bien d'autres firent leurs comptes. L'escroc devait 6 000 F à Mme Lasfond, 700 F à la veuve Martin, 385 F à son gendre, 700 F au commandant Fournier (toutes ses écono­mies), les frais de scolarité à l'instituteur, dix bouteilles de vin de Bordeaux au marchand Pierre Hérier, secrétaire de mairie à Mareuil. Quant au curé Fournol il avait bien réellement prêté douze louis d'or (240 F) à Gallot « pour ses frais de voyage et d'habillement ». Près de neuf mille francs, au total, qui étaient partis sur la route de Périgueux avec la jument (impayée) du régisseur du comte!

Un retour très attendu

Près de quatre mois s'étaient écoulés lorsqu'une nouvelle incroyable se répandit dans les ruelles de La Rochebeaucourt: Gal­lot était revenu en Périgord. Le lendemain de l'Epiphanie (7 janvier 1820), le marchand Hérier l'avait reconnu et interpellé à Château­l'Evêque. Gallot avait affirmé, tout tranquil­lement, qu'il venait de son pays, qu'il avait vendu pour le prix de 190 000 francs sa pro­priété de Passin, près de Luthézieux, qu'il était en route vers La Rochebeaucourt suivi d'une dizaine de voitures transportant « ses meubles et ses objets précieux» et surtout qu'il dédom-

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magerait tous ses creanCIers. Il arriva à La Rochebeaucourt, le 10 jan­

vier 1820, accompagné d'un enfant qu'il pré­tendait être son neveu. Tous l'attendaient de pied ferme. Fournier « lui parla en militaire et lui asséna des vérités assez dures ». Le curé sou­pirait. Le maire exigea de viser son passeport. Gallot assura l'avoir perdu et rassura la veuve Martin: elle sera remboursée dès l'arrivée de ses équipages. Soupçonneux et prudent, le maire ordonna de le garder à vue à l'auberge -le temps d'avertir le maire et le juge de Paix de Mareuil.

Le brigadier Bouiz, de la gendarmerie royale de Mareuil arrive, à cheval, le lende-

main, pour se saisir le suspect et l'amener à la mairie de Mareuil. Le premier magistrat, Alexandre Dereix, l'interroge longuement. Avec aisance, Gallot raconte que n'ayant pas trouvé à Périgueux la somme promise, il était parti vers son pays, avait vendu ses titres pour la somme de 290 000 francs, que dix voitures garnies de mobilier allaient arriver à La Roche­beaucourt, accompagnées de son beau-frère, le père de l'enfant qui lui servait de domestique. Anthelme ajouta que son passeport avait été volé, avec des habits, dans la diligence, entre Brioude et Clermont. Perplexe, le maire le con­signe « provisoirement» à domicile et sous la garde de Jean Durand-Faureilleres, greffier de la Justice de Paix de Mareuil et écrit au maire de Luthézieux. Gallot exprima alors, par crainte d'être' emprisonné, son désir de trou­ver une personne qui voulut bien « répondre de lui» et offrit aux greffiers, aux notables, des bijoux qu'il prétendait « de grands prix»: taba­tière en vermeil et pierres précieuses de cou­leur jaune, serties dans des bagues d'or. Une transaction qui était bien tentante: plus tard, on retrouvera ces bijoux - au demeurant faux - dans le coffret de l'épouse du greffier.

Une enquête bien difficile

A maire perplexe, juge de paix rusé! Léonard Rastouil, la cinquantaine bien sonnée, était, par devoir, à l'affût des rumeurs du can­ton. Il connaissait les dettes de Gallot. Il avait lu, dans «L'Indépendant» du 21 décembre 1819, les escroqueries commises au Mans par un certain Gallat. De Gallat, à Gallot, la simi­litude était curieuse. De plus, un certain Ray­mond Giboin, dit Lafleur, ancien concierge de la prison d'Angoulême, affirmait avoir incar­céré un sieur Collet dont le signalement res­semblait étrangement à celui de Gallot. Lequel Collet en avait profité pour l'escroquer en lui remettant une bague ornée d'une pierre jaune. Rastouil décida de l'interroger.

Les cinq longues pages de l'interrogatoire du 19 janvier 1820, apportaient des révélations nouvelles: Anthelme Gallot avoua que, dans son pays, on l'appelait Collet, qu'il était un ancien sous-inspecteur aux Revues, en station à Vannes, ancien capitaine au 47e d'Infanterie, qu'il possédait des biens (domaines et maisons de maître à Passin) vendus récemment pour la somme de 290 000 francs. li précisa qu'il était revenu de l'Ain par la voiture appelée « Célé· rilaire », qu'il coucha à Château-l'Evêque, puis à l'auberge de La Forge du Plessac. Il revenait

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• Jugement de la Cour d'Assise du Mans, accompa­gné d'un portrait. Coll. P. Pommarède. Photo A.D. 24.

à La Rochebeaucourt pour rembourser ses det­tes et y attendait un convoi de dix voitures de mobilier.

Léonard Rastouille questionna ensuite sur un emprisonnement éventuel à Angoulême et un probable séjour au Mans. Angoulême? Gallot y avait séjourné en 1813, pour déficit dans sa comptabilité de sous-inspecteur; il n'avait pas remboursé le concierge de l'argent qu'il lui avait prêté. Le Mans? Il Y séjourna voici deux ans, pour gérer une propriété de la valeur de 25 000 francs et se lia d'amitié avec des personnes de la société (Madame de Saint­Victor, les demoiselles de Saleix, Monsieur d'Hauteville) et des ecclésiastiques de la ville : le chanoine Pasquier et le curé de Saint-Julien.

Enfin, Gallot ajouta que son frère Etienne avait été sous-préfet de Belley, et que l'enfant qui l'accompagnait était le fils de sa sœur Claudine, mariée avec René Audinot.

Restait à interroger le jeune Audinot, ce gamin de 15 ans que l'on était allé chercher à La Rochebeaucourt. Nicolas Vallade, greffier et adjoint au maire de Mareuil, nota que c'est « avec ingénuité et versant des larmes» qu'Audi­not donna une version bien différente: il était né au Mans d'une famille pauvre et besogneuse. Un certain M. Gallot - par l'entremise de la tenancière du café « du Grand Salon» et d'un

prêtre, l'abbé Lacroix - lui proposa, le 10 décembre dernier, de l'embaucher comme domestique. Ils partirent ensemble pour Péri­gueux. Jamais son maître ne fut volé.

La confrontation fut décisive. Anthelme Gallot avoua, en pleurant, que l'enfant avait dit vrai, mais que l'article de « L'Indépendant »

avait quelque peu exagéré la vérité. Le greffier posa sa plume, Rastouil se frotta les mains: c'était une bonne prise qu'il fallait incessam­ment conduire à Nontron, devant le procureur du roi. Quant au petit Audinot, « attendus les égards dus à son âge, à sa position, à la sincérité de sa déclaration », il demeurerait à Mareuil jusqu'à la décision du tribunal. Il ne restait plus qu'à établir le signalement de Collet: « Agé, selon lui, de 35 ans, mesurant 1,66 m, cheveux et sourcils châtain brun, front couvert, yeux bruns, nez gros et épaté, lèvres épaisses, visage plein, teint coloré, barbe châtain foncé. Individu d'une forte complexion ». Les registres de police de la sous-préfecture de Nontron indiquent que « Anthelme Gallot, dit Gallet» fut incarcéré à la prison de Nontron, le 23 janvier 1820, pour vagabondage.

Un danton périgourdin

Le procureur du roi du tribunal de Nontron était Charles Fouillère : ce fut son substitut, François-Marie Mazer·at, qui fut chargé de l'affaire Gallot -Collet. Extrait des pri­sons de la sous-préfecture, le prévenu subit de nouveaux interrogatoires durant trois semai­nes. Le temps pour Mazerat de consulter les « feuilles ministérielles» et spécialement la 7 6e

feuille où le signalement de Gallot-Collet figu­rait sous les numéros 17 et 27 : c'était bien le même personnage. La fiche prétendait qu'il « ressemblait à Danton ». Jusqu'au jour où, « avec la plus sublime vénération» le Danton périgourdin se décida à écrire au procureur le récit de sa vie. Trois longues pages d'affirma­tions surprenantes. Selon cette confession, le prisonnier aurait vécu deux ans (1801-1803) chez le curé de St-Vincent, à Châlon-sur-Saône, et aurait été élève à l'école militaire de Fontai­nebleau d'où il sortit avec le na 600 - pour rejoindre à Brescia le 101 e de Ligne. Blessé, recueilli à l'Hôpital de Faugnia, il est recueilli par un curé chez qui il séjourne deux ans. Entré chez les missionnaires de Saint-Pierre à Cardi­nal, il reçoit les ordres mineurs et le sous­diaconat des mains de Mgr Dérosa, évêque de Voliera. Un ministre du roi Joseph Bonaparte le fait réintégrer dans l'armée comme lieute­nant au 6e de Ligne. De Gaëte, il se rend à

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Rome, rencontre l'abbé Faut (ou Foë), secré­taire du Cardinal Fesch, s'introduit chez lui et lui dérobe des modèles de lettres de prêtrise et de bulles pontificales. Parti vers Turin, Gallot­Collet aurait alors acheté deux voitures, endossé une soutane, joué le rôle de prêtre et d'évêque. Par la suite, il sera, suivant ses dires, officier de santé, général-inspecteur, commis­saire de guerre, supérieur des Frères des Eco­les Chrétiennes, et, en prime, chevalier de Saint-Louis, de la Légion d'Honneur et du Lys. Par la suite, il habita La Rochebeaucourt et « malheureusement» Le Mans.

Il n'en fallait pas plus pour que Mazerat maintint l'incarcération de Gallot, multipliât ses messages en direction de l'Ain et de la Sar­the et poursuivît ses enquêtes à La Rochebeau­court et à Mareuil.

Faux évêque et pseudo-général

Du Mans, le procureur du roi récla­mait l'inculpé. Le 8 février, Charles Fouillère décida le départ vers la Sarthe « du nommé Gallot-Gallas, dont le véritable nom paraissait être Collet, forçat arrêté pour escroquerie ». Il signalait au lieutenant de gendarmerie de Non tron, le chevalier Le Carlier de Veslud, que l'inculpé était «fripon, très rusé et très adroit» et que les gendarmes devaient, de brigade en brigade, avertir leurs collègues. Message reçu. Le Maréchal des Logis Petit fut chargé de cette mission. Veslud lui écrivit, le 9 février, que « cet individu très rusé, essaierait, par tous les moyens physiques ou moraux de s'échapper ». Opinion partagée par le sous-préfet de Nontron qui, le la février, écrivait au préfet de la Dordogne « qu'il était bien à craindre que Gal/ot ne soit assez rusé pour s'échapper en route ». Ce qui faillit arriver à Tours où Gallot avait pris le nom d, d' ",. H un autre etenu et prepare son evaslOn. eu-reusement, le concierge de la prison empêcha sa fuite imminente.

Collet-Gallot partit donc de Nontron le la février 1820. Une semaine après, arriva sur le bureau du procureur du roi un rapport cir­constancié de Faussey, son collègue au tribu­nal de Trévoux. Faussey signalait que l'homme était un fameux escroc, qui s'appelait en réa­lité Anthelme Collet. Après avoir vécu deux ans chez des Chartreux, il se fit passer pour évêque, officia et procéda à une ordination. Tantôt chirurgien-major, tantôt général­inspecteur, il a puisé dans toutes les caisses ... Arrêté chez le préfet de Montpellier, il a été condamné à cinq ans de galères par la cour de

Grenoble en 1813. Sa peine purgée, il s'est éta­bli à Passin, dans l'Ain, où il a escroqué 600 louis, dont la moitié à un riche propriétaire nommé Charpentier. Il a disparu en mai 1819 et on le retrouve à Toulouse, chez les Ignoran­tins, auxquels il soutire la somme de 6 000 F.

Le rapport arriva sur le bureau des juges d'instruction du Mans, presqu'en même temps qu'Anthelme Gallet, et rejoignit un épais dossier - près de trois cents documents soi­gneusement classés et conservés dans les Archi­ves de la Sarthe - où se côtoient les actes offi­ciels et les allégations les plus surprenantes d'Anthelme.

Il était établi que Collet était né à Belley le la avril 1785. Engagé au 101 e d'Infanterie, il fut blessé au siège de Gaëte, en juillet 1805, et profita de son hospitalisation pour déserter. A partir de ce moment-là, les registres militai­res perdent sa trace. S'est-il, comme il l'affirme, réfugié dans un couvent en Calabre, a-t-il reçu les ordres mineurs et le sous-diaconat, a-t-il dila­pidé les quêtes du monastère et escroqué pour une forte somme - 20 000 francs - un crédule banquier napolitain?

Sa prudence l'amène à Rome, sous le nom de Comte de Tholozan. Il se lie avec le secrétaire du cardinal Fesch, dérobe des lettres de prêtrise et de nominations épiscopales, réap­paraît en soutane violette, sous l'identité de Dominique Pasqualini, évêque de Monfredo­nia et arrive à Nice. Ecoutons son récit:

« Je fus reçu avec toutes sortes d'égards, me présentant à l'évêché comme parent de Napoléon. Je fus au séminaire où j'haranguais les trente trois séminaristes qui allaient être ordonnés prêtres. L'Evêque de Nice, Monseigneur Colonna, me demanda de les ordonner. Je refusai par scrupule, il insista beaucoup et je me tranquilisai en réflé-

• Collet, en allumeur de réverbères, au bagne de Roche­fort, dessiné par le forçat Clamens. Bibliothèque munici­pale de Rochefort. Photo Je Laurent.

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chissant que la fraude serait tôt ou tard décou­verte et qu'on ordonnerait de nouveau les prê­tres ... Puis, ayant appris par cœur un sermon de Bourdaloue, je prêchai dans le diocèse et je parus

A '1 extremement e oquent ... ».

A ce récit, l'inculpé en ajouta bientôt un autre. Il se fabrique une commission de général­inspecteur, quitte sa soutane pour un uniforme chamarré et s'appelle désormais le Comte de Borronio. A Valence, le faux général désigne ' vingt-deux officiers pour constituer son escorter,se fait remettre 20 000 francs pour les fonds secrets d'une pseudo «armée de Catalo­gne », et, de la même manière, puisse dans les caisses publiques, 30 000 francs à Nimes, 200 000 francs à Marseille.

Voici, toujours suivant ses dires, Collet à Montpellier, présidant une prise d'armes, reçu avec honneur par le Préfet Nogaret auquel il a promis le Grand Cordon de la Légion d'Honneur. C'est entre la poire et le fromage qu'à la stupeur du Préfet et de ses hôtes, le chef d'escadron de gendarmerie Glane entre dans la salle à manger, interpelle le faux général et lui met la main, si j'ose dire, au collet. Toute la ville jase et s' esclaffe, Nogaret veut prendre sa revanche, organise un autre cliner où, au des­sert, il montrera l'escroc menottes aux poignets.

Seulement, voilà. Il y a des besoins pres­sants et des gendarmes compréhensifs. Et des toilettes lointaines près des vestiaires où sont accrochés les habits des extra de la préfecture. Collet, en habit de serveur, présente les nou­gats et les petits fours, trouve une porte ouverte, s'enfuit dans les ruelles. Réfugié dans une maison proche, il nargue, de sa fenêtre, le préfet faisant ses ablutions matinales.

La confession de l'escroc se termine. Devenu médecin aide-major à Saumur, - il confiera qu'il n'était pas prodigue en médica­ments dont il ignorait la valeur thérapeu­tique - il réapparait à Toulouse comme sous­supérieur des Frères de la Doctrine Chrétienne. Le temps d'escroquer au frère Siré une somme importante avant de partir vers la Dordogne et la Sarthe.

Voilà ce qu'il déclarera aux trois juges d'instruction du Mans, dès le 23 avril, et qu'il affirmera lors de son procès aux Assises. Le procureur du Roi, Girard, en ses conclusions du 11 juillet, rappela la réalité des escroqueries, les cinq condamnations, le bagne, y ajouta la condamnation de Collet - au tribunal de T ou­louse (16.7.1819) - à dix ans d'emprisonne­ment pour avoir escroqué les religieux de T ou-

louse et les nouvelles escroqueries au Mans commises auprès d'un orfèvre, d'un boulanger et d'un notable pour 200 000 francs. Il énuméra aussi les méfaits dont Collet s'était vantés au cours de l'instruction: «Il prit tous les masques, joua tous les rôles, changea de nom, porta plu­sieurs décorations, se revêtit de toutes les digni­tés civiles, militaires et religieuses ».

Pourtant, M. Ginisty, en 1925, a sillonné la France, fouillé les archives, interrogé la presse et les érudits locaux et n'a trouvé trace ni du faux évêque ni du pseudo inspecteur général. « C'était un mythomane », conclut-il. D'ailleurs Collet n'avait-il pas affirmé, durant l'instruction« qu'il n'avait dit, quotidiennement qu'une vérité, lorsqu'il célébrait la Messe et réci­tait le Domine non sum dignus » ?

Jugement et condamnation

Anthelme Collet comparut, le 11 sep­tembre 1820, devant la cour d'Assises du Mans. L'affaire avait attiré une affluence extraordi­naire. L'avocat général, Gratien-Valère Girard, se lança dans une série d'invectives, il traita Collet de « caméléon », «reptile », « Tartuffe ».

Dans une conclusion ampoulée, il s'écria: « Il est temps qu'il entre dans le séjour du crime ... La postérité gravera les noms et, les crimes d'Anthelme Collet en caractères ineffaçables d'âge en âge ... Collet, ouvre ton cœur aux remords, appelle à ton secours la Religion, cette dernière consolatrice du malheur et du crime ... ». Girard réclama vingt ans de travaux forcés, l'imposi­tion du carcan et la marque de l'infâmie.

Collet, d'une voix forte et sonore, « pro­pre à la déclamation, aux inflexions agréables comme celle d'un prédicateur », reconnaitra tous les faits qui lui étaient reprochés. Il se déclara coupable « d'un tissu de bassesses et de forfaits» « avant que le fer brûlant du carnifex ne le mar­quât de l'empreinte des criminels ».

Le 12 septembre 1820, il est condamné ,. d f' f' , , 1 a vmgt ans e travaux rorces et trans ere a a prison de la Visitation du Mans. Le 9 novem­bre suivant, la cour de cassation rejette son pourvoi. Le 24 novembre, le condamné fut conduit au Mans, place de la Halle, et attaché au carcan durant une heure; le bourreau lui applique ensuite un fer brûlant portant les let­tres T.F. (Travaux forcés).

Une vie de bagnard

Anthelme Collet fut d'abord transféré au bagne de Brest, le la juillet 1821. C'était

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l'époque des mISSIOns religieuses et Paul Ginisty a retrouvé les cantiques pieux chantés par ses compagnons de boulet:

« Bénissons à jamais Le Seigneur dans ses bienfaits ... Il a brisé ma chaîne Comme un puissant vainqueur Il me comble à toute heure ... »

li est vraisemblable qu'il a songé, dès son arrivée au bagne, à briser une autre chaîne et repartir vers de nouveaux méfaits. Surnommé « l'Evêque », il continuait à escroquer ses cama­rades d'infortune: on l'envoya au bagne de Rochefort. li y arriva précédé d'une singulière auréole. Ses récits avaient transpiré, des jour­nalistes et des éditeurs s'arrachaient ses confi­dences. Le fondateur du « Figaro », Althoy, en 1827, le journaliste Appert en 1835, vinrent le visiter. On connait au moins treize ouvrages inspirés par lui. Le ton est donné par Raissac « chef d'instruction» à Marennes qui préface ses « Mémoires d'un condamné» (1836). « Quand on s'est élevé du rang le plus obscur au point de jouer alternativement les rôles distingués d'évêque et de généra~ on a acquis nécessairement la célébrité. Ce n'est pas une affaire que d'ordonner des prê­tres et de nommer des officiers, de donner des bénédictions à pleines mains et de distribuer à profusion des décorations et des épaulettes. Tel est cependant le personnage qui va conter sa vie au public ... ».

On comprend que la notoriété de Col­let attira les autres bagnards et les artistes de Rochefort pour lesquels il posa avec assurance. L'administration le nomme, au bagne, allu­meur de réverbères, ce qui était une position enviable. Le temps passait. La libération appro­chait. Collet devenait de plus en plus fébrile. Le 5 novembre 1840, il prend « un coup de sang» et est transféré à l'hôpital du bagne. Un hôpital rudimentaire où il contracte une pleu­résie. Le 24 novembre 1840, Anthelme réclame un prêtre et meurt. Il avait cinquante-cinq ans.

Le crâne nO 19

C'était l'époque du docteur Gall et du professeur Lombroso. La direction du bagne décida d'effectuer le moulage de son visage et de conserver son crâne. Je les ai retrouvés, sur une étagère, au Musée de la Médecine de Rochefort, portant le nO 19.

Son dossier, le dessin du forçat Clamens le représentant en allumeur de réverbères, son portrait par Garnier, ce moulage et le crâne, restent-ils les « souvenirs ineffaçables» dont par-

lait le procureur Girard? Est-ce tout? Non. Aux Archives nationales, demeure un dossier, le nO 1425 de la série F 7 - 9349. Un dossier sur lequel se trouve cette mention « Anthelme Collet, dangereux escroc ». Mais ce dernier - communiqué à un certain M. Lecomte - est vide. Comme dans un roman de Maurice Leblanc. li y avait de l'Arsène Lupin, du Vau­trin, du Vidocq et du Scapin sous le front proé­minent de ce rusé et ce fripon.

Le Mélo s'empara très vite des aventu­res du forçat. Dans les marchés, les foires, comme au coin des ruelles, au Mans comme en Périgord, on chantonna, sur l'air d' « Il pleut bergère », une complainte que je viens de retrouver:

« J'avais dans mon jeune âge Le vice dans mon cœur Et mon libertinage Causa tout mon malheur! Enhardi par le crime ... »

Pierre POMMAREDE

Sources

- Archives départementales de la Dordogne: 2 Z 3 et 2 Z 119.

- Archives départementales de la Sarthe: 1 U 816 et 1 U 773.

• Moulage du crâne de Collet. Bibliothèque de l'école de médecine du Musée de la marine de Rochefort. Photo Je Laurent.

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- GINISTY (Paul). Vie, Aventures et incarna­tions d'Anthelme Collet. Paris, Perrin, 1925.

-Jugement rendu par la Cour d'Assise du Mans condamnant Anthelme Collet. Imprimé, s;l;ni d; enrichi d'un portrait et d'une complainte (archives particulières).

- Bibliothèque municipale de Rochefort, manuscrit Clamens.

- Musée de la marine. Bibliothèque de l'école de médecine. Rochefort.

Diverses biographies

- La vie de Collet. Mayenne, Leroux, 1820. - La vie de Collet. Toulouse, 1826. - Mémoires d'un condamné (autobiographie). Paris, Bourdin, 1837. - Vie de Collet. Niort, Robin, 1837.

PRODUCTION

Musée du vin et de la batellerie Ville de Bergerac

Sonothèque des Archives

Départementales de la Dordogne

• Batellerie: le Musée de la batellerie de Bergerac et la Sonothèque des Archives départementales ont copro­duit un diaporama sur vidéo-cassette évoquant l'histoire de la batellerie sur la rivière Dordogne. Cette vidéo est empruntable sur demande.

-Mémoires d'un condamné. Marennes, Raissac, 1829. -Mémoires de Collet. Bourg, Boltrier, 1839. - Mémoires d'un condamné. Nelle, Moreau, 1840. - Vie de Collet. Rochefort, 1840. -Anthelme Collet, mort au bagne de Rochefort. Avignon, Auffray, 1840. - Vie du célèbre Collet. Paris, Lebailly, 1842. -Vie et aventures d'Anthelme Collet. Paris, Des-bleds, 1842. - Vie de Collet, Saintes. Pathonet, 1857. -Mémoires d'un condamné. Paris, Legrand et Bergounoux, 1826. - LEDRU (Chanoine A.) - Différents articles dans la «Province du Maine» (1821 - avril 1822). « Echo de la Sarthe» : 2 juillet 1821.

Anciens Musiciens de la Dordogne

1925 - 1955

ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE LA DORDOGNE

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• Parfums de bal: photographies et histoire des musiciens de bal des années 1925 à 1955. En vente sur place (90 F).

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ASSOCIATION _____ --t. l"juillet t--. --

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LZI 1

1901

L'A.R.A.H., histoire et archéologie dans un canton du Bergeracois.

En mars 1990, une dizaine de person­nes se sont réunies à La Force, avec le désir de ne plus laisser se dégrader davantage les vesti­ges du château des ducs, appartenant à la famille de Caumont, et dont la décrépitude s'aggravait chaque jour un peu plus. Il fallait agir vite ... Ainsi prit naissance l'A.R.A.H., « Association de Recherches Archéologiques et Historiques du Pays de La Force ».

Dans ses statuts, l'association fixa ses limites territoriales à celle du canton de La Force, tout en diversifiant ses actions pour la

« recherche, l'inventaire, l'étude et la sauvegarde de son patrimoine archéologique et historique ».

Par la suite, son terrain d'investigation s'étendit aux communes de Gardonne et de Lamonzie St-Martin, de l'actuel canton de Sigoulès, qu'un découpage administratif anté­rieur à la Révolution française avait rattaché à la juridiction de La Force.

La première entreprise fut une recher­che en archives afin d'y reconstituer progres-

sivement l'histoire du canton et, depuis, régu­lièrement, certaines personnes de l'association fréquentent les archives départementales. Long mais passionnant travail, parfois rendu diffi­cile par la dispersion, hors de ce même dépar­tement, de nombreux documents concernant cette histoire.

La nécessité de publier les résultats de ces recherches conduit, dès 1991, à la création d'un bulletin semestriel d'une trentaine de pages. Organe de liaison et d'information pour l'ensemble des membres (le nO 7 est prévu au

mois de juin de cette année), il est ouvert à des articles de fond concernant l'histoire et l'archéologie, à des récits événementiels ou à la quête d'une mémoire collective et populaire qu'il est essentiel de recueillir et de transmet­tre avant qu'elle ne se perde.

Pour la première fois cette année, l'A.R.A.H. se propose d'éditer un petit fasci­cule regroupant une sélection de plus de 70 car­tes postales anciennes et rarissimes sur le bourg

• Le château de La Force (façade nord), avant sa démoli­tion en novembre 1793. Coll. S.H.A.P. Photo P. 8elaud.

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• Fragment de statue trouvé au Touron en 1932. Photo Ph. Jayle.

de La Force à l'aube du XXe siècle. D'autres tentatives SUIvront ...

De nombreux autres projets ont été définis. Le plus ambitieux est le programme de restauration des vestiges du château de La Force dont le pavillon central, dit des« Recet­tes », inscrit aux Monuments historiques depuis 1932, en reste l'unique témoin et symbole.

L'association, conjointement avec la municipalité, a multiplié les rencontres et les contacts, tant avec la famille de Caumont, qu'avec les Bâtiments de France, la Direction Régionale des Affaires Culturelles et l'archi­tecte en chef des Monuments historiques. Ces

nombreuses démarches ont été concrétisées, en 1993, par la pose d'une grille et d'un portail de fer forgé afin d'interdire l'accès de ce pavil­lon et de le protéger des diverses dégradations dont il était devenu l'objet.

L'A.R.A.H. souhaiterait faire de cet endroit, une fois restauré, un lieu de mémoire sur l'histoire de ce château et des Caumont, et y accueillir des expositions, des conféren­ces ... en faire un lieu de culture et d'échanges.

Un second projet d'envergure concerne le « Touron », proche du bourg de La Force, et répertorié sur le plan d'occupation des sols comme un lieu gallo-romain. Nous souhaite­rions y entreprendre des fouilles. Les démar­ches sont en cours.

A Saint-Pierre-d'Eyraud, il existe une

fontaine, dite « de Belzunce », du nom de l'évê­que de Marseille, né à La Force dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Elle est en fort mau­vais état et mériterait d'être restaurée. Aussi, en accord avec ses propriétaires, l'association envisage d'organiser, au printemps prochain, une journée de dégagement et de nettoyage ... en attendant sa réhabilitation totale.

D eux fois par an, au printemps et en automne, une journée promenade est organi­sée et propose à nos membres de partir à la découverte de la richesse patrimoniale de la Dordogne ou des départements limitrophes. Ce sont là des moments de rencontre empreints de convivialité et de bonne humeur, ambiance que l'on retrouve par ailleurs lors de nos assemblées, de nos conférences et des diver-

, . , d" ses reumons programmees en cours annee. Depuis de nombreux mois, l'A.R.A.H.

entretient des liens privilégiés avec deux autres associations aux buts équivalents avec qui elle partage ses passions du patrimoine et de l'his­toire. TI s'agit de 1'« Association Historique de Ribagnac », créée pour la sauvegarde du châ­teau de Bridoire et de 1'« Association de la Renaissance du Vieux Bruzac », pour la réha­bilitation et l'animation culturelle de ses deux châteaux.

Pour toute information complémen­taire ou pour adhérer à l'A.R.A.H. (cotisation simple: 80 F - cotisation couple: 120 F), adressez votre corres­pondance à: - M. Philippe JAYLE, promenade des Pradasques, 24130 La Force. - Mme Françoise NICAUDIE, 45 ave­nue du commandant Pinson, 24130 La Force.

Philippe JA YLE Président de l'A.R.A.H

• Sceau de cire rouge aux armes des Caumont La Force. 1730. Coll. part.

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• Vue sur l'exposition des éditions Fanlac. Décembre 93 Janvier 94. Photo A.D. 24.

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EXPOSITIONS / ANIMA TIONS_~

AVOIR

J:)u· ·183rClût .• lJiU .. 16·. septembre

Ffi~t6iresd~~~ebPi~seri~: . «.Thè$~synth~~~thèse» ••

. Sylvif!\Veber~ artiste pemtrecarton~ nier lis~iet~présente unuyptiquecgmposé de trois tapisseries de basse-lice. D'une lon­gueurtotale de 6,44 mètres sur 4,16 mètres de hauf,sa réalisation a demandé trois ans de travail. Tous les éléments de travail cons­titutifs de l' œuvre seront exposés: dessins

l ,,'" •

preparatOires, cartons, peIntures, maquettes de·$ylvie Weber et· Philippe .I>em~llier) rutlsi que des photos de Bernard Dupuy.

Une convention passée èIltrel'artiste . et les Archives départementales aboutira au

dépôt auxArcruves.des.cartons de tapisse­rie,·véritable mémoire et archives du proces­

.. sus de création.

" P réhistolivres " Face à l'accroissement de la demande de

livres sur la préhistoire, la Bibliothèque dépar­tementale de prêt de la Dordogne et le Ser­vice archéologique du département ont conçu une exposition itinérante. Celle-ci met à la disposition du visiteur des livres, des pan­neaux chronologiques, des moulages de fossi­les, des éléments mobiles dont l'inter-activité permet au visiteur d'apprendre, sous une forme ludiql;le, à mieux situer sa lecture dans l'espace

. .

...• >Du7au30j~in •.... '~J)esciné~as"·~\L~ ... ~rô~iyes

acc~eille~i, .~ll:.av~t1'rewi~re.~n 49wtame, Iesœuytes .dl1.photogtapheJéar1~Itti~oplJe Garci<\.Sousleti~re(~:oescinémas », l'artis~e propose un « inventairesllbjeqtif » dessaUes de cinéma, encore en acti~ité ou non,. COns· truites avant la fin des années cinquante dans les petites villes des départements de la Dor~ dogne,Gironde et Lot·et~Garonne.Sansten~ tation passéiste ni idéalisation d'une époque révolue, . une série de diptyques présente,. sui. vant des critères de sélection rigoureux, une partie de ce patrimoine architectural sin~ .. lier. Réalisé à la demande de. l' A.R.P.A. (Association et Recherches Photographiques en Aquitaine), ce.·travrul a été soutenu par le Conseil Régional.d'Aquitaine et le Con­seil Général des départements. concernés .

et le temps. Les Archives départementales ont accueilli la présentation de ce module d'expo­sition et de lecture durant le mois de mai.

L'exposition retraçant les cinquante ans d'histoire des Editions Fanlac a connu un grand succès: 900 visiteurs sont ainsi venus découvrir ou retrouver un homme et une œuvre.

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• Carte de répartition et de fréquence de la mutation delta F 508 induisant la mucoviscidose.

, , GENEALOGIE

Généalogie, démographie historique et génétique de population.

Jusque vers 1960, la généalogie, la démo­graphIe historique et la génétique de popula­tion étaient trois disciplines ayant en commun d'étudier le passé des hommes, certes, mais sous des aspects si différents qu'il semblait peu vrai­semblable de les faire collaborer.

A l'origine, la généalogie était le lien , A 1 entre personnes appartenant a un meme c an

et se réclamant d'un ancêtre commun. Plus

tard, au Moyen âge et jusqu'à la Révolution, elle a constitué une preuve justificative: pour les nobles, de la légitimité de leurs titres, de leurs droits et de leurs privilèges; pour quel­ques roturiers, de leurs droits éventuels à héri­tage ou à succéder dans certaines charges ou emplois. Après la Révolution, la noblesse, même sans privilèges, a continué pour le titre, le blason et aussi l'histoire familiale à pratiquer la généalogie. Mais cette généalogie se discré­dite et trouvait toujours des ancêtres glorieux

à ceux qui les demandaient. C'est une période faible pour la généalogie nobiliaire française qui , . ,. ne commence a retrouver un certam seneux qu'au tournant du XXe siècle. Quant aux autres citoyens, ils ne conservent guère que la généalogie successorale, toujours stricte, mais très . limitée.

Paradoxalement, c'est dans les années 1960, au moment où la contestation du

mariage, pilier de la constitution des familles, se fait de plus en plus virulente, que naît un grand mouvement de généalogie populaire et que la recherche très sérieuse, cette fois, des racines ancestrales se répand largement dans toutes les couches de la société.

C' , 1 AIl est aUSSI a a meme epoque que es scientifiques, qui, jusque-là, regardaient la généalogie comme un amusement frivole, com­mencent à la considérer comme la source pos-

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1 - Double hélice: structure de la molé­cule d'A.D.N.

2 - H.L.A. (Human Leucocyte Antigen): antigène poné par les globules blancs et autres cellules qui per­met de caractériser des groupes d'individus.

3 - Test de typage de H.L.A. : test qui per­met de reconnaître différents gènes (allè­les) qui codent pour le système H.L.A.

4 - Lire, dans le même dossier, l'article de M. Stéphane Richard sur la maladie de Von Hippel-Lindau.

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sible d'une documentation extrêmement inté­ressante pour deux nouvelles disciplines: la démographie historique et la génétique de population.

Déjà, peu après la publication, en 1889, par Francis Galton de« Natural inheritance »

dans lequel il tente de traiter par la statistique l'héritage génétique, quelques auteurs germa­niques comme Lorenz ou le baron von Dun­gern attirent l'attention sur les relations étroi­tes entre génétique et généalogie.

Vers 1950, une nouvelle branche de la génétique, la génétique de population, qui étu­die le stock génique des populations et son évo­lution, prend un essor considérable. Cette science, d'abord purement spéculative comme jadis l'astronomie, voit grandir ses possibilités d'application au fil des découvertes. Dès 1953, c'est la double hélice 1 ; en 1954, le H.L.A. 2

et, en 1964, le test de typage 3 du gène H.L.A., grand porteur de l'hérédité de beau­coup de prédispositions morbides; en 1974, les rétrovirus dont certains pourront, en 1989, ser­vir de clefs pour introduire des gènes dans le génome; en 1986, les premiers essais officiels de thérapie génique chez les animaux ; en 1990, les premiers essais chez l'homme de transferts de gènes et, en 1992, enfin, les premières ten­tatives de thérapie génique chez l'homme.

Dès la fin des années 1960, des généti-• , '" 1 • Clens commencent a s mteresser aux registres

paroissiaux pour remonter les généalogies des porteurs de certains gènes le plus loin possi­ble. Ils s'aperçoivent alors que des personnes très éloignées, et qui s'ignorent totalement, souffrent d'une maladie héréditaire identique parce qu'ils descendent d'un ancêtre commun qui vivait au XVIIe, voire au XVIe siècle ou même encore plus anciennement 4.

Ainsi, en 1989, des généticiens identi­fient quatre mutations produisant une protéine défectueuse facteur d'une maladie héréditaire appelée mucoviscidose, puis calculent la fré­quence des porteurs de cette maladie par région et se demandent pourquoi ils sont plus nom­breux en Bretagne. Un généticien de popula­tion, André Chaventré, dresse alors l'arbre généalogique des familles comptant au moins un patient, et s'aperçoit que plus de quarante d'entre eux descendent d'un même couple qui vivait à Cléder, petite paroisse du Nord­Finistère au XVe siècle. L'effet fondateur de ce couple, allié à un consanguinité élevée dans la région jusqu'au XIXe siècle, permet, avec la présence de deux autres couples fondateurs moins importants à Plogastel-Saint-Germain et

à Bannalec, au sud de la Bretagne, d'expliquer la fréquence de ce gène mutant dans la popu­lation rurale bretonne 5.

Si la mucoviscidose reste une maladie grave, que la médecine sait soulager sans pou­voir la guérir, bien qu'on envisage son traite­ment par thérapie génique d'ici dix ou quinze ans, d'autres maladies, comme le glaucome héréditaire, relativement fréquent dans la région Nord, qui se déclare vers l'âge de 9 ans, et rend les enfants pratiquement aveugles, peut être l'objet d'un traitement préventif. Le tra­vail consiste alors à dresser la généalogie de patients venus consulter, à trouver de quel ancêtre ils tiennent cette affection, puis à rechercher tous les cousins collatéraux de cette branche et à informer les familles ayant de jeu­nes enfants des risques encourus et de l'exis­tence de traitements préventifs.

D'ailleurs, tout à fait indépendamment de ces applications médicales, l'hérédité, on le sait depuis toujours, se retrouve dans la ressem­blance des corps, des traits du visage, même ceux du caractère, et jusque dans les attitudes: la façon de croiser les mains, avec le pouce gau­che sur ou sous le droit, ou de croiser les bras, etc.

En fait, ce grand développement généa­logique de la génétique de population est une conséquence du succès de la démographie his­torique. En 1954, un généalogiste qui avait dressé la généalogie de la bourgeoisie genevoise du XVIe au XXe siècles a demandé à un démo­graphe, Louis Henry, si une analyse démogra­phique de cette population était possible 6.

Après avoir soumis ces généalogies à des tests statistiques qui lui permettent de s'assurer de leur complétude et de leur cohérence, Louis Henry élabore une nouvelle méthodologie qui permet, en l'absence des statistiques habituel­les de l'état civil et des recensements, d'obte­nir des données quantitatives et numériques sur la nuptialité, la fécondité, la mortalité et autres caractéristiques démographiques de cette popu­lation ancienne. Cette méthode est fondée essentiellement sur la reconstitution des famil­les et procède par analyse longitudinale de générations ou de promotions de mariage, etc., c'est -à-dire sur des généalogies.

Séduit par ce matériel généalogique, Louis Henry a voulu savoir si les registres paroissiaux étaient aussi bien tenus en France qu'à Genève. Avec l'aide d'un historien, Etienne Gautier, qui. effectue sur fiches le dépouillement du registre paroissial, il étudie alors, avec les mêmes méthodes et en les déve-

5 - C. Feree, H. Guil­lermit, A. Chaventre : Les mutations du gène de la mucoviscidose dans la population Bre· tonne. Revue Patholo­gie Biologie, juin 1991, p. 577-580.

6 - Louis Henry: Anciennes familles genevoises, étude démo· graphique XVI'·XX' siècles. INED, éd. Cahier de travaux et documents, nO 26 Paris, 1956, 234 p.

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• Exemple de fiche de dépouille­ment et d'exploita­tion des données démographiques.

7 - Etienne Gautier et Louis Henry: La population de Crulai, paroisse normande: étude historique. INED, éd. Cahier de travaux et documents, nO 33, Paris, 1958.

8 . Michel Fleury et Louis Henry: Des registres paroissiaux à l'histoire de la popula· tion. Manuel de dépouillement et d'exploitation de l'état· civil ancien. INED, éd. Paris, 1956.

Michel Fleury et Louis Henry: Nou· veau manuel de dépouillement et l'exploitation de l'état· civil ancien. INED, Paris, 1965.

loppant, la population d'un village du Perche, Crulai, de 1604 à 1800 7• Il met au point une fiche de reconstitution de famille facilitant les calculs démographiques et édite, avec Michel Fleury, un manuel de dépouillement des regis­tres paroissiaux 8.

Convaincu que les registres paroissiaux sont « une richesse en friche », et rompu aux méthodes probabilistes de la statistique, il passe sans attendre à la dimension nationale. Dès 1958, il lance une enquête par sondage au hasard, avec un tirage au 1Il00e des commu­nes, tirage stratifié en villages, petites villes, moyennes villes et grandes villes, qui doit don­ner le mouvement de la population en France depuis 1670 par dépouillement anonyme. Il joint à cette enquête un second sondage, au 1Il000e celui-là, de 39 villages dépouillés en nominatif, avec reconstitution des familles, qui permettra d'obtenir des caractéristiques démo­graphiques dont la variance est faible et l'évo­lution lente parce que moins sensible à la con­joncture comme l'âge au mariage, la fécondité par âge ou par durée de mariage, etc.

Cette entreprise gigantesque a été en général sur le moment assez mal reçue des his­toriens, alors très ignorants de la valeur des tira­ges aléatoires. Ce n'est que peu à peu, devant les résultats probants, que les critiques et les réticences tombent, les adhésions se manifes­tent et que les mémoires de thèse ou autres, consacrés à des monographies de villages ou de villes se multiplient.

Il faut 17 ans à Henry et son équipe pour • arriver au bout des relevés anonymes des regis­tres des 387 villages et des 36 villes de l'échan­tillon. La publication de la première partie 1740-1829 est faite dans un numéro spécial de la revue Population, en 1975. Puis, les 39 villa­ges dépouillés en nominatif, avec reconstitu­tion des familles, font l'objet d'une publication

préliminaire dans quatre articles, malheureu­sement séparés dans des revues différentes. En 1980, un récapitulatif bibliographique montre que plus de 500 mémoires de démographie his­torique utilisant la méthode du manuel de Louis Henry ont été présentés par des étu­diants en histoire dans les diverses facultés de France. Le succès est considérable jusque chez les généticiens.

Ill' est aussi auprès des généalogistes, pro­fessionnels ou amateurs, pour qui le manuel de dépouillement est non seulement un guide précieux mais aussi une initiation à la démo­graphie historique. Celle-ci leur permet de comparer le comportement de leurs ancêtres aux normes réelles du milieu dans lequel ils vivaient; elle permet de mieux les suivre, mieux les comprendre.

L'enquête dirigée par Louis Henry est en voie d'achèvement. Elle est accompagnée, depuis 1980, d'une seconde enquête qui étudie, avec plus de difficultés, les registres des XVIe et XVIIe siècles pour remonter encore plus haut dans le passé. Plusieurs généalogistes y ont apporté leur contribution; certains y partici­pent encore, tant la généalogie est utile à ce domaine également.

Parti de la généalogie, la démographie historique lui reste attachée et la génétique de population les suit, toutes les' trois sont à la recherche du « Saint-Graal» informatique commun: un logiciel effectuant automatique­ment une reconstitution fiable des familles.

Bibliographie

Jean-Noël BlRABEN Institut National

d'Etudes Démographiques

- Joseph VAL YNSEELE (sous la direction de) : La généalogie, histoire et pratique. Larousse éd., Collection Références - Histoire, Paris­Canada, 1991, 326 p.

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GÉNÉALOGIE

Généalogie et génétique médicale: l'exemple de la maladie de von Hippel-Lindau.

Au cours de la dernière décennie, la génétique a connu un essor prodigieux grâce à la véritable révolution technologique appor­tée par les outils de la biologie moléculaire. L'identification progressive des gènes impli­qués dans les quelques 3 000 maladies généti­ques connues ouvre, en effet, de larges pers­pectives dans la compréhension, le diagnostic et la prise en charge des sujets atteints. Ces avancées capitales suscitent beaucoup d'espoirs mais aussi quelques inquiétudes dont les médias se font régulièrement l'écho. Ainsi, l'appari­tion prochaine d'une médecine prédictive (dia­gnostic présymptomatique, diagnostic préna­tal) et les possibilités de thérapie génique déjà envisagées, posent-elles des questions majeures, notamment éthiques, qui dépassent de très loin le cadre restreint de ce court article.

Ancêtres commUnS

pour étudier et comprendre le mode de trans­mission d'une affection héréditaire (liée au sexe ou autosomique, dominante ou récessive) ;

- pour préciser la variation de l'expression clinique d'un sujet à l'autre (<< hétérogénéité phénotypique ») et incriminer ou exclure l'existence de facteurs supplémentaires généti­ques ou non, par exemple liés à l'environ­nement;

- pour localiser le gène d'une maladie, par l'étude de l'association entre des « mârqueurs »

chromosomiques et la transmission d'un trait pathologique.

Les enquêtes génétiques soigneuses per­mettent enfin, en pratique quotidienne, de dépister et de traiter des sujets asymptomati­ques avant qu'ils ne révèlent l'affection drama­tiquement, et de rattacher souvent des mala­des apparemment isolés (cas « sporadiques ») à des familles déjà connues.

Sur la cc piste» de la maladie de von Hippel-Lindau

• Figure 1. Principe des études de généalogie ascendante.

La maladie de von Hippel-Lindau est caractérisée par le développement de tumeurs variées affectant le système nerveux central (cervelet, moëlle épinière), les yeux (rétine), les reins, les glandes surrénales et le pancréas. L'affection touche les deux sexes et chaque enfant atteint a un risque de 50 % d'hériter du gène pathologique (<< transmission autosomi­que dominante »). L'affection touche environ une personne sur 40 000, ce qui laisse suppo­ser l'existence de près de 1 500 malades en France, bien que seuls 400 malades et 85 famil­les aient pour l'instant été recensés. La diver­sité des organes atteints et la grande variabi­lité du mode de révélation expliquent que l'affection soit très déroutante et encore sou­vent méconnue. Le début de la maladie se situe entre 15 et 30 ans et la plupart des lésions sont

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Intérêt médical des études de généalogie

Les techniques extrêmement sophisti­quées et coûteuses de la génétique moléculaire ne peuvent s'avérer profitables qu'en complé­ment des travaux de génétique formelle. Etape irremplaçable du travail du généticien, celle-ci repose sur des études généalogiques rigoureu­ses qui permettent de résoudre de manière élé­gante bien des problèmes fondamentaux. L'analyse de grandes familles, et donc la recons­titution de larges généalogies, est en effet capi­tale à plus d'un titre :

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• Familles • Cas "sporadiques"

Vailly sur Sauldre

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Périgueux .0 •

• o. Bergerac

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• • • , •

, Figure 2. Origine des malades atteints par la maladie de von Hippel-Lindau

• Figure 2. Origine des malades atteints par la maladie de von Hippel-Lindau.

accessibles à un traitement curatif si celui-ci est appliqué précocement.

Depuis 1990, un groupe national pluri­disciplinaire s'efforce, avec le soutien de l'Asso­ciation Française contre les myopathies (<< Télé­thon »), de faire mieux connaître cette affec­tion rare, de recenser les familles de malades et de dépister les porteurs du gène déficient (situé sur le chromosome 3), avant l'apparition de lésions irréversibles. Pour chaque patient, la première étape des enquêtes généalogiques consiste en une étude ascendante, à la recher­che d'un ancêtre commun à d'autres familles (figure 1). Au-delà du secret médical qui demeure absolu, il est évidemment interdit de communiquer les coordonnées d'état civil de personnes apparentées en dehors des ascen­dants directs, sauf si les deux parties en expri­ment le souhait et leur accord par écrit.

Une première «cartographie» de la maladie a pu être réalisée, qui révèle l'existence de quelques foyers importants de la maladie (figure 2). Le principal « berceau» de l'affec­tion en France a ainsi été localisé dans la région de Sancerre (Cher) d'où est originaire la famille « 8 », reconstituée à partir de 5 « pedigrees» distincts (26 malades connus) (figure 3). Les étu­des en cours tendent à accroître la taille de cette famille déjà exceptionnelle: premiers sujets nés avant 1700, 220 personnes directement ratta­chées, 9 générations, 380 autres individus vrai-

semblablement apparentés. Plusieurs malades asymptomatiques ont ainsi pu être dépistés et traités avec succès au cours des deux dernières années, en particulier dans les branches « C » et «J ».

En Dordogne, nous avons, plus récem­ment, localisé l'origine de deux autres famil-

!Couple fondateur!

• Atteint

/ Décédé

l' Proposant

• Figure 3. Reconstitution de la famille "8", originaire du Sancerrois (26 malades connus) (seules les 7 dernières générations sont représentées: les conjoints ne sont pas indiqués à partir de la génération III)

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les de malades (figure 2). La plus importante (famille « 1 ») (11 malades connus) est origi­naire des environs de Périgueux; la seconde provient de la région de Bergerac. La famille « 1 » illustre de manière exemplaire les problè­mes médicaux que l'on peut rencontrer: en rai­son d'un éclatement familial, les sujets nO 427 et nO 295, frère et sœur tous deux malades, ignorent en effet leur existence réciproque et

, '1 'd' , ont ete ongtemps conSl eres comme « spora-diques », alors que leur mère, ainsi qu'une tante et une cousine (nO 403 et nO 406), étaient déjà décédées de la maladie (figure 4). Des études de généalogie sur le terrain sont maintenant requises pour agrandir la taille de ces deux familles périgourdines, trouver un éventuel ancêtre commun et peut-être y rattacher les 2 cas « sporadiques» également originaires de la , . reglOn.

Perspectives

Les études de génétique formelle, dont quelques exemples viennent d'être présentés,

9l" ... , ' JI 427

ont déjà permis de réaliser des progrès subs­tantiels dans la connaissance et la prise en charge de la maladie de von Hippel-Lindau. Le grand nombre de malades recensés, la recons­titution systématique des familles et la locali­sation des principaux « berceaux» permettent d'affiner progressivement les données épidé­miologiques et les caractéristiques cliniques de cette affection rare. Grâce à la coopération très étroite avec les familles de malades, un diagnos­tic présymptomatique sera très prochainement disponible, permettant, à l'intérieur d'une famille donnée, de dépister précocement les sujets porteurs du gène, de les surveiller médi­calement et de traiter efficacement les différen­tes lésions dès leur apparition.

Stéphane RICHARD Laboratoire de Neurohistologie EPHE

Hôpital de la Salpêtrière - Paris

Etude j généalogique

1 Couple fondateur 1

, v.

• Figure 4. Début de reconstitution de la famille "1", originaire de la Dordogne. (Le couple fondateur est né au milieu du XIX- siècle. Pour des raisons de confidentialité, les dates exactes ne sont pas indiquées).

Pour en savoir plus

- S. RICHARD, S. OLSCHW ANG, D. CHAUVEAU, F. RES CHE, Là maladie de von Hippel­Lindau, Médecine-Sciences, 1994, à paraître.

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• Registre d'état civil de Ter-rasson. 17 brumaire an 3. AD. 24, 5 E 541/10. Photo A.D. 24.

, INEDIT __

La Révolution Française voulut rompre avec les anciennes traditions et c'est ainsi que le Calendrier Républicain fut institué le 24 octobre 1792.

Fabre d'Eglantine donna aux douze mois des noms poétiques et évocateurs, tels que Vendémiaire, mois des vendanges, Frimaire,

mois des frimas ou Fructidor, mois des fruits, etc.

Légumes

Parallèlement, les législateurs révolution­naires introduisirent une grande liberté dans le choix des prénoms donnés aux enfants. Ainsi, les actes de naissance des communes de Terrasson et de Périgueux de l'an 2 et de l'an 3 (1793 à 95) révèlent des prénoms si insolites et inimaginables que je ne résiste pas au plaisir de vous les livrer.

Huit catégories de prénoms peuvent être discernées dont il est très utile de souligner le sexe, par la lettre M pour masculin et F pour féminin, car rien ne peut laisser supposer qu'un bébé prénommé « dindon» soit une une fille, ou qu'un autre prénommé « brebis» soit un garçon!

pois (M) - haricot (F) - melon - fenouil (F) - piment (M) - radis (F) - asperge (F) -choufleur (M) - patate ou pomme de terre (F) Fruits prune (F) - marron (M) - coing (M) Outils ou divers rate au (M) - faux (M) - chariot (F) - faucille (F) - moulin (M) - pioche (M) - pelle (M) -sarcloir (M) - fléau (M)

Animaux , coq (M) - carpe (F) - pigeon (F) - brebis (M) -loutre (M) - truite (F) - dindon (F) - grillon (M) - lapin (F) - veau (M) Plantes/Fleurs mandragore (F) - bouton d'or (F) - fromental (M) - valériance (F) - seigle (F) - avoine (F) -véronique (F) - romarin (F) - girofle (M) - menthe (F) - armoise (F) - millet (F) -églantine (F) - réglisse (F) - safran (M) - jonquille (F) - primevère (F) - rose (F) - romarin (F) - pivoine (M) - sauge (F) - mélisse (M) - blé (M) - ajonc (M) - chicorée (M)

Arbres hêtre (M) - peuplier (M) - aulne (F) - charme (F) - platane (M) - sapin (M) Noms de mois prairial (M) - quatorze-juillet (M) Métaux/Minéraux/Productions fer (F) - fumier (M) - salpêtre (F) - argile (F) - grès (M) - cuivre (F) - soufre (M) -houille (F)

. Martine DUHAMEL Généalogiste

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• Arbre généalogique des Foucauld de Lardi­malie, très ancienne famille. s.d. A.O. 24, 2 E 1822/2-1. Photo AD. 24.

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GÉNÉALOGIE

Noblesse et généalogie en Périgord.

Le Périgord, terre de noblesse

Le Périgord peut apparaître comme un terrain d'observation privilégié de l'évolution de la généalogie, depuis les débuts de l'âge moderne (XVIe siècle) jusqu'à nos jours, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, si l'équation généalogie = noblesse est générale en France, elle l'est plus encore dans une province dont la noblesse se voit pléthorique, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les calculs démographiques que nous avons pu faire corrigent cette illusion, mais ne lui enlè­vent pas sa !orce de représentation pour les contemporams.

En second lieu, c'est une noblesse incon­testablement plus ancienne qu'ailleurs, à l'exception peut-être de la Bretagne. Plus de 50 % des membres de la noblesse du Périgord, en 1789, peut fournir des preuves au-delà des

maintenues 1 de 1666-67 et, parmi eux, 25 % remontent au delà de 1453 2• Le chiffre de 80 % d'anoblis récents pour la noblesse du Bor­delais, qualifiée par M. Figeac de « noblesse évanouie » 3 permet de mesurer la vigueur exceptionnelle de vieux lignages chevaleresques comme les d'Abzac, les Vassal, les T alleyrand, etc.

Une noblesse qui, par ailleurs, a été dotée au fil du temps et à travers des schémas litté­raires et politiques qui ont la vie dure (pour ne citer que Molière, Balzac, Rostand, Eugène le Roy ou, plus contemporain, R. Merle) d'une personnalité, d'une identité, proches de la cari­cature, mais cependant révélateurs du malaise de ces nobles gascons. Querelleurs, indépen­dants, ils semblent trouver difficilement leurs marques dans un royaume de France profon­dément engagé dans la construction de l'abso­lutisme royal. Leurs relations avec la monar­chie sont ambiguës, non pas tant avec le prin­cipe monarchique qu'avec la personne même du souverain, relation dont les nostalgies féo­dales et le rêve mythique d'un âge d'or de la noblesse sont des composantes essentielles.

Le terreau périgordin semble donc en tous points favorable au développement d'une généalogie conquérante.

Les preuves du sang

T usqu'à la fin du XVIe siècle, la posses­sion cf"une généalogie bien argumentée et soli­dement établie peut s'avérer utile, mais la pro­duction de titres n'est indispensable que dans le domaine fiscal ou successoral. De plus, dans une province ravagée par la guerre de Cent­Ans et les guerres de religion, les incendies suc­cèdent aux pillages et aux destructions. Bien des familles en mal de preuves ne manquent pas de faire valoir cet argument pour expliquer le chaînon manquant dans leur ascendance.

La référence à urt ancêtre prestigieux confère une illustration éclatante, la qualité des

1 - Lors des grandes recherches d'usurpa­tion de noblesse de 1661 à 1721, les inten­dants rendent des jugements de mainte­nue tenant lieu cl' actes recognitifs de no­blesse.

2 - G. du Mas de Pay­sac, «L'état de la noblesse du Périgord en 1789 », Actes du collo­que Noblesse et Révo­lution, Le Bugue, 01 Contou, 1989.

3 - M_ Figeac, La noblesse bordelaise à la fin de l'Ancien Régime, T.E.R., Université de Bordeaux Ill, 1982.

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alliances favorise l'ascension sociale, mais la réputation et les relations d'homme à homme, avec le souverain ou à l'intérieur d'une clien­tèle, sont les facteurs concrets de la réussite. Si les Caumont-la-Force se targuent de descen­dre d'Hercule ou les Bourdeille d'un paladin de Charlemagne, ce qui apparaît le plus claire­ment dans ces premières généalogies périgor­dines, c'est la volonté de bien marquer, d'une part, la participation aux croisades et, d'autre part, le ralliement précoce au roi de France pendant la guerre de Cent-Ans. Le rôle majeur des nobles féodaux dans la défense de l'Eglise contre les Infidèles et dans la construction du royaume de France fonde ainsi leur légitimité et leur utilité sociale.

Au XVIe siècle, les blessures de guerres sont encore les plus belles preuves de noblesse. Blaise de Montluc ne disait-il pas que le gentil­homme se reconnaît lorsqu'il est nu? Ou encore Brantôme saluant les paysans et artisans engagés dans l'infanterie comme « capitaines et égaux aux gentilhommes ». Alors qu'on peut encore s'anoblir en achetant une terre noble, les parchemins n'ont qu'une valeur relative et la lama, la réputation, confirmée par la preuve testimoniale de quatre gentilshommes, affir­mant avoir toujours connu tel ou tel lignage vivant noblement depuis trois générations au moins, suffit en général pour prouver ses ongmes.

La généalogie apparaît déjà, non pas tant comme un moyen de justification d'une préé­minence sociale - non remise en cause à cette , l ' , , epoque et que e sang genereusement verse sur les champs de bataille démontre chaque jour-, mais comme l'affirmation d'une indéfectible alliance entre le souverain chrétien et sa noblesse, garante et soutien de son trône.

De Capet à Navarre

Cette théorie d'un pacte originel est bien illustrée par le fameux échange d'Hugues Capet et d'Adalbert, Comte de Périgord: « Qui t'a fait comte? », « Qui t'a fait roi? ».

Mais elle prend une résonnance nouvelle avec la conquête du trône de France par Henri de Navarre à la fin du XVIe siècle. Le Périgord est au cœur de l'entreprise, et le prétendant puise largement dans un réseau puissant de fidé­lités et de solidarités dont il représente le som­met. Combien de familles, par la suite, exhi­beront fièrement une lettre d'Henri de Navarre sollicitant personnellement leur sou­tien? Combien de châtelains du Périgord entretiendront pieusement la chambre qu'il

occupa une nuit? C'est à la faveur de ce com­pagnonnage guerrier avec le futur souverain, rappelant les temps légendaires des campagnes carolingiennes, que semblent se nouer des liens privilégiés entre les nobles du Périgord et le futur Henri IV.

Cependant, assuré par son trône, celui­ci renvoie dans leurs provinces ses anciens com­pagnons d'armes, tandis que se mettent en place les rouages d'une monarchie centralisée et que la personne du souverain se fait plus lointaine. Les amis les plus chers restent auprès de lui: Caumont-La-Force ou Biron. Mais la trahison de ce dernier et son exécution, si for­tement ressenties dans toute la province, cris­tallisent les regrets et les frustations d'une gen­tilhommerie qui se sent bien mal payée de ses sacrifices. Et si ces rancœurs latentes, souvent inconscientes, ne se fixent pas sur Henri IV, ses successeurs paieront à sa place le prix de cet amour déçu. Pendant la période pré­révolutionnaire et tout le XIXe siècle, la réfé­rence, le modèle du parfait souverain, c'est tou­jours Henri IV.

Prouver: une affaire d'état

L'on sait que la multiplication des ano­blissements par lettres royales, les achats d'offi­ces anoblissants et les nombreuses usurpations suscitèrent, chez la noblesse ancienne, le souci de préserver ses privilèges mais aussi son iden­tité. Cette dernière se fondait sur le culte de l'honneur, de la bravoure guerrière, de l'idée de race et de la transmission par le sang de la qualité nobiliaire. Ces revendications s'expri-

• Lettre d'Henri IV écrite à Jean du Lau des Ecuyers. 1578. A.D. 24, 2 E 1841/17-4. Photo A.D.24.

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• Preuves de noblesse des de La Filolie déposées à l'Intendance de Limoges, 21 mai 1669. A.D. 24, 2 E 1004/4-10. Photo A.D.24.

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ment avec force aux Etats de 1614, et sont d'autant mieux entendues de la monarchie que celle-ci désire limiter le nombre de privilégiés pour des raisons fiscales évidentes. Elle y voit également la possibilité, par le système des amendes et des jugements de maintenues ou de confirmation, de faire rentrer de l'argent dans les caisses.

Les « Grandes Recherches », ordonnées par Colbert, constituent cependant un choc majeur pour la noblesse, en 1666-67. Une bran­che des Talleyrand fut même sommée de four­nir ses preuves. Le mouvement s'essouffle, au début du XVIIIe siècle, mais moins en Guyenne, où les nobles suscitent toujours la méfiance du pouvoir. En 1758, le duc de Mouchy proteste contre «la folie tourmen­tante de la cour des Aides» dans sa province.

L'embrigadement des nobles à la cour, sous le règne de Louis XIV, aggrave le système des preuves en soumettant la noblesse à des exi­gences administratives de plus en plus rigou­reuses : prouver devient désormais une affaire d'Etat dans tous les sens du terme.

Prouver pour se maintenir était l'enjeu des « Grandes Recherches ». Prouver pour se définir, face à l'envahissement du second ordre par la noblesse de robe et face à la main-mise grandissante du pouvoir royal, c'est tout le sens de la réaction aristocratique formulée par un Périgourdin, Fénelon, précepteur du duc de Bourgogne. Ses idées se concrétisent, au début de la Régence, avec le système de la polysyno-

die 4, illustré par les ducs de Saint-Simon ou de Noailles.

En Périgord, le marquis d'Allemans est l'un des relais majeurs de ce courant politique. Nous en ignorons l'ampleur et le nombre de familles périgourdines qui y ont participé, mais, en revanche, les thèmes en sont bien con­nus. Si le marquis d'Allemans peut se permet­tre d'écrire à d'Hozier: « Je puis bien souffrir qu'on ne parle point de ma maison, elle parle assez haut d'elle-même », il n'en formule pas moins ce qui constitue le corps de la doctrine aristocratique, dite libérale, de ce début du XVIIIe siècle. L'affirmation de l'égalité de la noblesse et d'un simple droit de préséance des ducs et pairs, le rejet de la noblesse de robe, l'exigence de preuves par quartiers sur le modèle allemand, l'affirmation du rôle politi­que de la noblesse, sont les principaux aspects de cette réaction. Plus exclusive encore, la théorie de Boulainvilliers, attribuant la qualité nobiliaire aux seuls descendants des Francs conquérants de la Gaule, sous-tend nombre de généalogies périgordines de cette époque.

Prouver pour obtenir

Au XVIIIe siècle, les attaques des philosophes remettent en cause, non seulement la prééminence sociale de la noblesse au nom de l'égalité naturelle de tous les hommes, mais son utilité même. Mais, pour la majorité des familles nobles, la nécessité de faire ses preu­ves est tout d'abord « alimentaire»: il faut prouver pour obtenir, c'est-à-dire faire la preuve de trois degrés de noblesse pour placer ses enfants pages à la cour, dans les écoles mili­taires, à l'Ordre de Malte ou dans la maison d'éducation de jeunes filles de Saint-Cyr. Autant d'exigences que les familles périgordi­nes peu fortunées, et elles sont nombreuses, mais dotées d'une ancienneté incontestable, peuvent remplir.

Les honneurs de la cour, la conquête des grades supérieurs dans l'ar.mée ou dans le clergé sont autant d'occasions pour les familles anciennes d'occuper le terrain. Plus d'une qua­rantaine de familles périgordines sont présen­tées à la cour (sur environ 900 pour la France), mais les frais que représente cette cérémonie interdisent à certaines d'y figurer, tels les Vas­sal pourtant d'origine chevaleresque. Dans la course aux évêchés, le Périgord est en première ligne. il est vrai que la fortune est ici moins déterminante que dans l'armée, et que la nais­sance joue pleinement son rôle pour ne citer que Christophe de Beaumont, archevêque de

4 - Système de gouver­nement composé de plusieurs conseils qui se substitue au régime des ministres à la mort de Louis XIV en 1715. Le Régent supprime les conseils en 1718.

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5 - Archives privées.

6 - Vte de Vormeuil, Confulences d'un lieu­tenant général à son fils, Paris, 1852.

Cte de Saint­Aulaire, Portraits de famille 1750-1810, Périgueux, 1879.

Cte de Gironde, Souvenirs de famille, Paris, 1894.

7 - Cr. Brelot, La noblesse réinventée: Nobles de Franche· Comté de 1814 à 1870, Paris, Les Belles Let­tres, 1992.

8 - A. Matagrin, La noblesse du Périgord en 1789, Périgueux, Bou­charie, 1857.

Paris, les T alleyrand, archevêque de Reims ou évêque d'Autun, les Jumilhac ou Du Lau, archevêques d'Arles, etc.

Les généalogies du naufrage

La Révolution vient bouleverser ce savant système de castification du second ordre, réduisant à l'inexistence juridique les familles restées en France, jetant les autres sur les routes d'Europe et brûlant dans un immense autodafé les titres fondateurs d'une féodalité honnie. Les réflexes de survie sont de nature diverse. Il y a ce qu'on pourrait appe­ler les « généalogies du naufrage ». L'exemple le plus représentatif est celui du comte Cler­mont de Touchebœuf, qui rédige, en 1794, alors qu'il est émigré en Irlande, un ouvrage de plus de 250 pages, écrit de mémoire et des­tiné à faciliter à ses enfants « le rétablissement de leurs affaires, la recherche des titres pour leurs droits et leur rang» dans des temps futurs qu'il espère favorables au rétablissement de la noblesse 5.

Mais c'est plus tard, dans le calme civi­que revenu, que l'ancienne noblesse, cherchant à comprendre ce qui appara~t à certains comme une punition divine, à d'autres comme une injustice ou comme le début d'une ère nou­velle, tente de reconstituer le miroir brisé de son identité perdue et d'assurer l'avenir en l'ancrant dans le passé retrouvé, reconstitué ou réinventé. Le vicomte de Vormeuil, alias du Lau, les comtes de Saint-Aulaire ou de Gironde sacrifient ainsi à l'autocélébration familiale 6.

Une cc noblesse réinventée» 7

Par ailleurs le rétablissement de la noblesse, en 1808, et les deux monarchies cen­sitaires qui suivent l'Empire, en redonnant ses titres anciens à la noblesse, réactualisent le tra­vail généalogique pur. L'abbé Lespine, érudit infatigable dans la lignée des chanoines de Chancelade, soutient nombre de familles du Périgord dans leur quête du passé et accrédite le sérieux de leurs recherches par sa position de professeur à l'Ecole des Chartes et de Biblio­thécaire du roi. Mais la décadence de la généa­logie française ne cesse de s'aggraver du fait des pratiques vénales de certains généalogistes, tels de Courcelles, Saint-Allais et quelques autres.

Le Second Empire favorise, en Périgord comme ailleurs, la parution d'ouvrages géné­raux dont les préfaces sont riches d'enseigne­ment sur les motivations de leurs auteurs. Cer­tains sont modérés comme, en 1857, l'ouvrage d'A. Matagrin 8 dédié « à la noblesse du Péri-

gord, l'ancienne et la nouvelle qui ont la même origine fondée sur les mêmes nécessités socia­les et politiques ». La volonté de réconciliation sociale est évidente et on la trouve plus encore chez A. de Froidefond de Boulazac, auteur de l'Armorial de la noblesse du Périgord en 1858 : « l'ancienne et la nouvelle noblesse ne font qu'une seule et même famille ayant également droit aux hommages et à la reconnaissance du pays ».

La volonté de définir une noblesse fon­dée sur l'authenticité des titres est affirmée: « Le but principal de l'Armorial n'est pas d'éta­blir les titres mais bien la noblesse ( ... ) à une époque où les usurpations scandaleuses tendent à la destruction de la noblesse» ! En effet, si la noblesse du XIXe siècle a intériorisé un cer­tain nombre de valeurs dites bourgeoises (le tra­vail salarié, l'épargne ou le bonheur familial), elle continue de secréter une culture d'ordre, padaquelle elle se distingue fondamentalement des autres groupes sociaux. C'est là l'une des conclusions majeures de la thèse récente d'I.e. Brelot qui remet en cause la théorie de la fusion des élites élaborée par les historiens des années 60.

On trouve également, en 1858, dans la. Portrait

bibliothèque du marquis de Saint-Astier, des ~:nt~~~~~~siro~~ ouvrages beaucoup plus virulents, tel celui de décapité en 1602.

Barbot de La Trésorière: Les Annales Histori- A.D. 24, 8 Fi, 153 portraits. Photo A.D.

ques des anciennes provinces de l'Aunis, Sain- 24.

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• Approbation, par d'Hozier, des annoiries de Gabriel de Géris, suite à son anoblisse­ment. 1712. A.D. 24, 2 E 816. Photo A.D. 24.

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tonge, Périgord, etc. ou Considérations sur la noblesse et son essence. Le ton est donné. L'auteur appelle à une recomposition générale de l'ordre fondée sur le critère du génie. Le mythe germanique et l'antisémitisme s'affi­chent ici sans équivoque. Si de telles théories peuvent apparaître comme des élucubrations archaïques, il faut toutefois se souvenir du con­texte de l'époque, de la haine diffuse à l'égard du monde de la finance. L'affaire Dreyfus, qua­rante ans plus tard, ou les théories raciales de Gobineau en sont les aboutissements.

De tels excès ont eu, sans doute, peu de crédit en Périgord où la noblesse, en majorité légitimiste, souvent retirée sur ses terres, se livre aux joies de « l'ethnographie du soi» et façonne au gré de sa mémoire un modèle nou­veau fondé sur les qualités morales et religieu­ses de ses membres, sur l'amour de la patrie et la piété finale. C'est ici l'éducation qui s'affirme comme le vecteur essentiel pour la transmission des valeurs.

De la méfiance à la reconnaissance

La fondation de la Société Historique et Archéologique du Périgord (S.H.A.P.), en 1874, unit dans une même passion aristocra­tes, prêtres, professions libérales, fonctionnai­res, etc. A la faveur d'une exigence scientifi­que commune, l'accord aurait pu se faire. Mais la Troisième République naissante n'a pas encore digéré les bouleversements révolution­naires, et la mise en place d'un projet éduca­tif, historique et culturel basé sur les valeurs républicaines interdit tout rapprochement entre l'histoire nationale de Lavisse et la généa­logie trop marquée par son exclusivisme social. En 1874, la noblesse représente 25 % des effec­tifs de la S.H.A.P., mais détient les 5 postes de vice-président. Si la généalogie n'est pas inscrite formellement au nombre de ses travaux, E. Massoubre dans la séance inaugurale

déclare: « Nos explorations en contribuant à l'illustration des familles concourront à l'éclat de la patrie périgourdine ».

Mais, dans un contexte laïc et égalitaire, renforcé par la victoire des républicains, en 1893, qui marque la fin du bonapartisme en Dordogne, toute tentative, même érudite, qui pourrait relancer la polémique sociale est sus­pecte. En 1908, alors que la noblesse représente plus d'un tiers des effectifs de la SHAP, un règlement intérieur est adopté dont l'art. 4 pré­cise qu'« aucune généalogie de famille ne sera admise, ce genre de travail étant d'un intérêt trop restreint ».

Le comte de Saint-Saud, membre de la S.H.A.P. pendant 75 ans et appartenant à cette nouvelle génération de généalogistes qui ont codifié de façon méthodique les traités de généalogie, se plaint amèrement de cette situa­tion. En guide de vengeance posthume, il lègue l'ensemble de ses archives au département de la Gironde.

Notons, en conclusion, que cette géné­ration des Saint-Saud, Paul Huet, de Roton, Dujarric-Descombes, Durieux, de Gérard, etc., n'a pas été remplacée. C'est, semble-t-il, par le vecteur de l'Université, que se referme en Péri­gord le purgatoire de la généalogie. Plusieurs thèses ont déjà vu le jour sur les nobles citoyens de Périgueux 9 ou les notables du XIXe siè­cle 10, qui font appel aux techniques généalo­giques. Mais la recherche en Périgord n'en est qu'à ses prémices. Seuls deux ou trois mémoi­res de maîtrise ont vu le jour sur des familles de l'ancienne noblesse 11, et plus de cinq cents familles . attendent ainsi encore leur hist;rÎûgfaphe !

Joëlle CHEVÉ

9 - G. du Mas de Pay­sac, Les «Nobles­Citoyens» de Péri­gueux au XVIII' siècle: mobilité et aspirations d'une bourgeoisie d'ancien régime, thèse de doctorat, Paris, 1989.

10 - R. Gibson, Les notables et l'Eglise dans le diocèse de Périgueux, 1821-1905, thèse de 3' cycle, Lyon, 1979, 2 vol.

11 - J. Chevé, Une famille noble en Péri­gord à l'époque moderne: les Du Lau, T_E.R., Bordeaux, 1988,2 vol.

J.F. Bussière, Les Chevalier de Cablan, T.E.R., Bordeaux, 1990.

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1 - 74, rue des Saint­Pères. 75007 Paris.

2 - Association d'entraide de la Noblesse Française. 3, rue Richepanse. 75008 Paris.

La profession de généalogiste.

Les généalogistes professionnels se répartissent en deux catégories bien distinctes :

-les successoraux, connus depuis longtemps des archivistes et du grand public, et qui cons­tituent de gros cabinets aux ramifications natio­nales et internationales. Délégués par les notai­res, lors de successions vacantes, ils sont char­gés de retrouver tous les héritiers vivants du défunt jusqu'au 6e degré.

-les (autres) généalogistes, dont certains se qualifient de «familiaux », constituent une nouvelle catégorie professionnelle. C'est exclu­sivement de celle-ci dont nous parlerons ici.

Qui sont-ils?

On recense actuellement une cinquan­taine de généalogistes à travers toute la France qui exercent cette profession libérale au sein de leur cabinet privé.

La plupart d'entre eux sont issus du milieu universitaire (études d'histoire ou de droit). Quelques-uns, passionnés par leurs pro­pres recherches et donc, formés « sur le tas », n'ont pas hésité non plus à s'installer à leur compte, au bout de quelques années de prati­que. Ce métier indépendant créant un isole­ment total, certains généalogistes ont ressenti, voilà déjà plusieurs années, le besoin de se regrouper au sein d'un syndicat professionnel, afin d'obtenir un soutien de collègues confron­tés à des problèmes identiques et d'être mieux connus et reconnus du public.

La « Chambre Syndicale des Généalogis­tes Héraldistes de France» 1, pour ne citer qu'elle, doit ainsi, au travers de son code de déontologie, être garante d'une éthique, d'un sérieux et d'une compétence, et certaines con­ditions sont obligatoires pour y être admis en tant que membre.

Que font-ils?

Ces généalogistes, historiens des famil­les qui les délèguent, mettent tout en œuvre

GÉNÉALOGIE

pour restituer la vie quotidienne des hommes et des femmes des XVIe au XXe siècle. Leur tâche est vaste, mais ils disposent de sources innombrables, richesses de toutes nos archives de France, qu'ils exploitent au mieux. Les divers fonds et séries spécifiques à chacun des dépôts d'archives n'ayant plus de secret pour eux, ils peuvent alors dresser d'une façon rigou­reuse et technique, des généalogies ascendan­tes (agnatiques et collatérales) et descendantes. lis sont habilités à prouver des filiations en vue d'un droit ou d'une inscription à l'A.N.F. 2,

1 ,/ 1· d' / par exemp e, et a rea Iser toutes sortes etu-des ou de publications historiques, documen­taires ou biographiques.

Certains se spécialisent dans la transcrip­tion des textes anciens (paléographie). D'autres proposent des dessins de blasons ou des arbres calligraphiés. D'autres encore peuvent établir l'histoire d'une maison, en recherchant notam­ment ses propriétaires successifs.

Leurs travaux donnent lieu à des compte­rendus détaillés de recherches consignés dans des dossiers remis aux clients avec toutes les preuves et pièces justificatives.

Ces généalogistes sont rémunérés en honoraires. Ils établissent des devis préalables qu'ils soumettent aux clients pour une recher­che longue; ils travaillent à l'heure, pour des recherches ponctuelles.

Martine DUHAMEL Généalogiste, trésorière de la Chambre Syndicale

des Généalogistes Héraldistes de France.

• Un cabinet de généalogiste ... Ex-libris du comte de Saint-Saud. Coll. Patrick Esclafer de la Rode. Photo A.D.24.

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• Signatures de faïenciers d'après les minu­tes notariales. (Cliché AD. 24).

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GÉNÉALOGIE

Généalogie et histoire avec les faIenciers de Bergerac au XVIIIe siècle et leur descendance.

Alors qu'aujourd'hui la recherche généalogique conna~t un réel essor, la consti­tution d'un arbre généalogique n'est pas un aboutissement mais la base de nouvelles recher­ches. C'est dans cet esprit que nous avons com­mencé nos recherches sur les faïenciers de Ber­gerac au XVIIIe siècle.

Les buts d'une recherche

L'étude d'un centre faïencier doit aujourd'hui être multiforme et exploiter tou­tes les pistes afin d'être la plus complète possi­ble. Elle tente de reconstituer le catalogue des pièces produites par chacun des ateliers de ce centre, et de retrouver les hommes à l'origine de cette production. C'est ce que nous avons choisi de faire pour le centre faïencier de Ber­gerac durant la deuxième moitié du XVIIIe siè­cle dans le cadre d'un Diplôme de l'Ecole des Hautes-Etudes en Sciences Sociales 1. Cette étude des faïenceries et des productions de Jean Babut, de Charles Banes-Calley, de Tite Bon­net ou de Jean Perchain réalise, selon Anne­Marie Cocula-Vaillières dans la préface de cet

ouvrage, « l'union harmonieuse entre l'histoire économique et sociale et l'histoire d'un art quo· tidien qui sont la trame de l'existence des Berge­racois du XVIIIe siècle ».

La généalogie des familles de ces faïen­ciers s'est tout de suite révélée comme l'un des outils indispensables de cette recherche, la richesse de l'information pouvant être des plus variables d'une famille à!' autre. Ainsi, si nous avons reconstitué, à partir des fonds d'archi­ves départementaux, sept générations de la famille Babut et huit de la famille Bonnet, nous avons en revanche peu appris sur les familles Banes-Calley ou Perchain.

Les étapes d'une recherche

Les sources exploitées pour reconsti­tuer la généalogie, mais aussi la vie des famil­les des faïenciers bergeracois et de leur descen­dance, ont été multiples.

On trouve, en tout premier lieu, les registres paroissiaux (pour les familles catholi­ques, les protestants baptisés « sous condition» ou pour les professions de foi lors des abjura­tions), ainsi que les registres protestants. Leur dépouillement aux Archives départementales ou communales permet de reconstituer la trame de ces généalogies.

Pour aborder la vie, le cadre de vie, mais aussi le travail et les conditions de travail des faïenciers bergeracois, les archives notariales, d'une très grande richesse, se sont révélées indispensables. L'analyse des contrats de maria­ges, des achats fonciers ou immobiliers, des par­tages ou des échanges, des contrats de location, des obligations ou des quittances, des contrats d'apprentissage, des donations, des testaments, ainsi que des inventaires après décès permet une étude approfondie de la vie au XVIIIe siè­cle à Bergerac. Mais la masse des documents à consulter est énorme car il n'existe pas tou­jours des répertoires d'actes des études nota­riales. De plus, certaines archives notariales perdues ne peuvent être reconstituées que par les registres de contrôle des actes. La patience et l'opiniâtreté sont à la base de ce type de recherche. Ainsi avons-nous dû consulter près de 25 000 actes provenant d'une douzaine

1 - LACOMBE C, Faïenciers et jàïences de Bergerac au XVIIi' siè­cle, DipléJme de l'E.H.E.5.5., 2 vol. multigraphiés, 1987.

LACOMBE C, Faïences et jàïenciers de Bergerac au XVI.1/' siècle. Périgueux, Vesuna, 1989.

LACOMBE c., Faïences de Bergerac au XVIIi' siècle, l'Estam­pille, nO 222, 1989, p.20-27.

LACOMBE C, Bergerac, des foïenciers oubliés. Le Journal du Périgord, nO 11, 1991, p.2-14.

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2 - LACOMBE C, Du «crime de séduc· tion » ou récit de l'enlè­vement de Jeanne Gon­tier à Marsac en 1780. Les Cahiers du Cercle d'Histoire et de Généalogie du Péri­gord, n02, 1993, p.23-30.

3 - LACOMBE C, L'eau et la forêt: l'acti· vité d'une faïencerie à Bergerac (Périgord). L'eau et la forêt. Actes du colloque du Groupe d'Histoire des Forêts Françaises, Bordeaux, 1989, p.52-62.

LACOMBE C, Le cahier de compte de livraison de bois de Jean Babut, faïencier à Bergerac (1767-1775). Analyse et commen­taires. Documents d'Archéologie et d'Histoire périgourdi­nes, (A.D.R.A.H.P.), tome 7, 1992, p.85-104.

4 - LABADIE E., Notes et documents sur quelques faïenceries du Périgord au XVIII' siè· cle (Bergerac, Thiviers, Le Bugue, Le Fleix). Bull. de la Soc. Hist. et Arch. du Périgord, tome 36, 1909, p. 423-466 et 493-513.

5 - Archives nationa­les. N IV Dordogne 1. Cartes du domaine de Bergerac.

d'études notariales pour retrouver quelques 250 actes concernant directement les faïenciers ber-

. 1 '" geracOls et eur entourage ...... Les archives judiciaires sont très précieu­

ses. On y découvre les procès, les litiges ou les • 1 1 d 1 1 1 h 1 contestatIons evoques evant es senec aussees,

les procès-verbaux, états de lieux ou constats consécutifs à des accidents ou à des catastro­phes naturelles. On peut en extraire des détails permettant de décrire aussi bien les lieux et les gens que les relations qui les unissent ou les déchirent. Ainsi le dépouillement des déposi­tions des témoins interrogés permet de recons­tituer avec une multitude de détails de vérita­bles « tranches de vie» au jour le jour, parfois même d'heure en heure. Il est même possible parfois de restituer les dialogues entre les pro­tagonistes ou les témoins interrogés lors de l'enquête 2. Les documents comptables, en général non conservés par leurs auteurs, mais saisis comme pièce à conviction dans une pro­cédure, dévoilent tout un pan de l'activité com­merciale d'une de ces faïenceries 3.

Le fonds de l'Intendance à Bordeaux recèle, quant à lui, de nombreux dossiers d'enquêtes consécutifs à des plaintes ou des réclamations transmises par les subdélégués 4.

Pour peu que l'activité des familles étu­diées ait des liens ou des incidences avec la vie de la cité, pour mieux comprendre l'impor­tance de cette .activité, ou pour retrouver, par exemple, les nominations de bourgeois, la con­sultation des registres de délibérations de la Jurade de Bergerac est indispensable.

La reconstitution de la carrière militaire de Jean III Bonnet dans les armées de N apo­léon n'a pu se faire que par la consultation de son dossier aux archives du Service historique de l'Armée de terre, à Vincennes.

Pour localiser les faïenceries dans la ville et connaître l'importance des propriétés des faïenciers, la consultation du cadastre de la ville est une nécessité. Par chance, des plans-terriers de la seigneurie de Bergerac ont été dressés entre 1773 et 1783. Des arpentements auxquels ont été annexés des plans figuratifs ont aussi été réalisés dans le cadre de l'échange, entre le Roi et le sieur de La Force, marquis de Cau­mont, du domaine de Bergerac contre 84 arpents -de bois en forêt de Senonches, en 1772 ... Leur consultation ne peut cependant se faire qu'aux Archives nationales 5.

Des résultats imprévisibles

Nous ne reviendrons pas ici sur les résultats prévisibles de telles recherches évo-

quées ci-dessus mais nous retiendrons quelques aboutissements inattendus, parfois curieux, à l'occasion énigmatiques.

Ainsi, une convergence inattendue de recherche généalogique d'un rivage à l'autre de l'Atlantique nous a permis, d'entrer en con­tact avec William Eugène Bonnet, de Media, (Pennsylvannie), vice-président à la retraite de la Sun Oil Co., dixième société pétrolière amé­ricaine: il venait de retrouver, grâce au Cen­tre généalogique mormon de Salt-Lake-City, son ancêtre bergeracois, le faïencier Tite Bon­net, dont l'un des petits-fils, Christophe­Eugène-Napoléon, émigré aux Etats-Unis, était à l'origine de la « branche américaine» 6.

Grâce à nos recherches respectives, Wil­liam E. Bonnet découvrait sa famille française mais aussi tout un ensemble des productions de celle-ci. De notre côté, nous retrouvions du jour au lendemain, cette « branche améri­caine» des Bonnet (n'oubliez-pas, alors, de pro­noncer le « t »). Des visages apparaissaient sous des noms: Anne Bougenel, belle-fille de Tite Bonnet, portraiturée au tout début du XIXe siè­cle; son fils, Christophe-Eugène-Napoléon Bonnet, petit-fils du faïencier, photographié vers 1860. Les informations fournies par Wil­liam E. Bonnet nous firent aussi regarder d'un œil neuf le billet de 10 dollars américain. Il représente en effet le « New D.S. Treasury Building» construit en face de la Maison Blan­che à Washington entre 1847 et 1869 sur des plans de Christophe-Eugène-Napoléon Bonnet...

Les traditions familiales rapportées par les descendants font la part belle aux actions héroïques ou à la grande fortune des ancêtres et rejoignent la légende.

Ainsi l'on disait dans la famille de W.E. Bonnet qu'elle « avait possédé dans le passé une grosse chaîne en or et le sceau du maire de Gênes qui auraient été pris comme trésor de guerre lors des campagnes napoléonniennes. Mais cette chaîne

• Faïencerie Bonnet_ Soupière polychrome à l'œil­let aux pétales arrondis et à la rose avec myoso­tis. Une grenade constitue la prise du couvercle. Faïence de petit feu. Coll. part. (Cliché C. Lacombe).

6 - LACOMBE C, avec la coll. de W.E. Bonnet. 1773-1927. De Bergerac à Philadel­phie ou de la descen­dance de Tite Bonnet, faïencier. Bergerac et le Bergeracois. Actes du congrès de Berge­rac de la Fédération Historique du Sud­Ouest, Bordeaux, La Nef, 1992, p. 487-508.

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• «Etat du mobilier et mar­chandises ( ... ) depandant de la fabrique de fayan­cerie, situé au Petit Port " ... AD. Dordogne 3 E 8093. Notaire Moy· nier à Bergerac. 24 brumaire an 7 (14 nov. 1798). (Cliché A.D 24).

7 . LACOMBE c., Sur une tentative d'ins· tallation d'une poterie de grès à Bergerac au début du XIX' siècle. Bull. de la Soc. Hist. et Arch. du Périgord, tome 110, 1983, p.203·209.

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et ce sceau auraient dû être vendus à la fin du XIXe siècle lors d'une crise financière familiale >1.

Du côté des descendants français de Tite Bonnet, on évoque encore aujourd'hui un neveu du faïencier, Claude Bonnet, qui tenta d'installer une poterie de grès à Bergerac entre 1800 et 1804 7• Mort en fait à Bergerac en 1807, on dit qu'il aurait quitté le Périgord pour aller se fixer à Madagascar où il serait devenu tout simplement roi des Malgaches l!... niais­sait une fortune considérable, cent millions, que ses héritiers n'ont jamais pu recueillir, faute de pièces suffisantes pour établir leurs droits, et pour cause ... L'article suivant, inséré à la demande du préfet dans les journaux de Périgueux, en mars 1834, ne met nullement fin aux espoirs de tous les Bonnet de France et de Navarre: « Depuis une douzaine d'années, un grand nombre de personnes se sont successivement adressées au département des Affaires Etrangères pour obtenir des renseignements sur une succes­sion qui aurait été laissée par le sieur Bonnet, décédé à Madagascar, et dont la valeur avait été, dit-on, déposée soit à la Banque de Londres, soit à celle de la Compagnie des Indes Orientales. Toutes les recherches qui ont été faites, soit en Angleterre soit dans l'Inde, n'ayant pu faire découvrir aucune trace du sieur Bonnet, soit des sommes qui auraient été versées par lui ou pour le compte de ses héritiers, on porte ce résultat à la connaissance de qui de droit, pour répondre aux nombreuses réclamations auxquelles a donné lieu cette succession depuis tant d'années >1 •••

L'inattendu ou l'imprévisible peut sur­venir à l'occasion de recherches aux Archives départementales ou de rencontres avec les des­cendants des faïenciers, marchands experts en faïences ou collectionneurs. Des amitiés se sont

1 d l' l' 1 d l' 1 1 1 nouees, par e a ocean, par e a es genera-tions. Deux de ces moments demeurent inoubliables:

- une longue conversation téléphonique provoquée par Radio France Périgord avec W. E. Bonnet durant laquelle, avec beaucoup d'émotion, nous avons pu nous entretenir.

-la rencontre, au lendemain de la publica­tion de notre ouvrage, avec l'un de ces collec­tionneurs, un Amateur avec un A majuscule, qui collectionnait les faïences de Bergerac depuis une quarantaine d'années et dont les cri­tères d'identification se révélèrent en parfaite concordance avec nos recherches.

Une quête qui se poursuit

La recherche sur les faïences de Bergerac n'est pas terminée pour nous. Le catalogue des productions n'est encore que très partiel. Vous pouvez apporter votre contribution à ce travail. Si vous pensez .posséder des informations ou détenir une nouvelle faïence attribuable à Bergerac permettant de compléter le dit catalogue, contactez-nous: Claude Lacombe, le Bourg, 24590 Archignac.

Claude LACOMBE

• Christophe­Eugène-Napoléon Bonnet, l'archi­tecte de Washing­ton (vers 1860).

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• Fac-simile. Page enluminée extraite d'un épistolier du XIIe siècle. 10 F • Fac-similé. Extrait du livre Mémorial de la ville de Périgueux. Année 1649. 10 F

A8CHIVES DEPARTEMENTALES de la DORDOGNE

Richesses du

Patrimoine

écrit

• Richesses du patrimoine écrit. 26 reproductions de documents • Cartes postales. 2 F chacune. provenant des Archives de la Dordogne. 60 F.

Tous ces documents sont en vente sur place.

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GÉNÉALOGIE

Généalogistes périgourdins.

La généalogie est maintenant très lar­gement pratiquée en Périgord. Mais est-ce la conséquence de cet engouement général, ou la continuation d'une tradition dans une province où l'histoire semble partout présente?

A défaut d'une réponse directe, quelques observations, recueillies au hasard de 35 années de recherches en archives, peuvent ne pas être totalement inintéressantes. Leur caractère frag­mentaire, et donc nécessairement incomplet, doit être souligné: un travail d'ensemble reste à faire, qui corrigerait, peut-être sensiblement, les impressions que laisse une première appro­che; qu'on ne s'étonne pas des imprécisions, voire des inexactitudes qui seront sans doute relevées dans ces simples notes.

Les prémices

Au XVIIe siècle, nous n'avons pas en Périgord de la Thaumassière ou d'Hubert comme en Berry et en Orléanais: donc, pas de recueil, imprimé ou manuscrit, recensant, ou se proposant de recenser, les généalogies des familles marquantes de la province, que ce soit à titre principal ou simplement en annexe d'un travail historique. Quant à nos chroniqueurs - Dupuy, Tarde, Chevalier de Cablanc - ils ne sont que de peu d'utilité en cette matière. Aucune des grandes familles du Périgord n'a fait appel à des spécialistes comme Duchesne, Le Laboureur, Paillot, Justel ou Baluze, pour élever un monument à sa gloire, en relatant ses origines, ses services, ses alliances et ses paren­tés. Et, de son côté, le consulat de Périgueux ne paraît pas avoir fait tenir de livre d'or généa­logique des « nobles citoyens» de la ville.

Au XVIIIe siècle, toujours aucun tra­vail d'ensemble, même superficiel: Périgueux et le Périgord n'ont pas eu un Vigier de La Pile, comme Angoulême et l'Angoumois; constat négatif, d'autant plus surprenant que cette période est marquée par la défense très forte

des privilèges de Périgueux, et qu'une publi­cation exaltant quelque peu les familles qui en bénéficiaient aurait pû donner un autre éclat à ces revendications au juridisme formaliste et théorique. Assez peu nombreuses sont les familles périgourdines qui firent insérer - en payant - leur généalogie dans «l'Armorial Général de la France» de d'Hozier, dont la publication commença en 1738. Celles qui le firent s'en tinrent généralement à des filiations squelettiques ou succintes, établissant surtout leur noblesse; seuls, peut-être, les Chapt de Rastignac y publièrent une véritable étude dont un copieux tirage à part fut établi 1.

« L'Histoire Généalogique de la Maison de Beaumont », de l'abbé Brisard, demande une place à part. Tirés en 1779, sur les presses mêmes du Cabinet du Roi, à 100 exemplaires, véritables monuments de typographie et de gravure, ces deux forts volumes infolio passent pour une des plus belles généalogies éditées. Ce grand travail, réalisé à la demande de Mgr. Christophe de Beaumont, archevêque de Paris,

• Pierre Lespine. AD. 24, 8 Fi. Portraits 85. Photo AD. 24.

1 - Citée dans la Biblio­graphie générale du Périgord., de Roume­joux et Bosredon, t. 2, p. 11 ; citation reprise dans la Bibliographie généalogique (. .. ) de la France, de G. Saffroy, nO 38392, avec des erreurs; en réalité, texte modifié de l'Armorial Général, ce que ni l'un ni l'autre n'ont remar-qué (bibliothèque de l'auteur).

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• Anatole de Roumejoux. A.D. 24, 2 J 1283. Photo AD. 24.

2 - Description précise dans G. SaHroy, op. cit., n035945 (biblio­thèque de l'auteur).

3 - Cf. Saffroy, nO 48801.

4 - Papiers des La Roche-Aymon du Cluzeau (archives de l'auteur).

5 - Nobiliaire du dio· cèse et de la généralité de Limoges, par l'abbé Joseph Nadaud, curé de Teyjat, publié par l'abbé A. Leclerc, Limoges, 1882, 4 vol. précédés d'une co­pieuse bio-bibliographie sur l'abbé Nadaud.

6 - Registres Parois­siaux de Teyjat, aux A.D.24., 5 E 542/3.

traite naturellement largement de la branche périgourdine et des familles alliées, notamment des Beynac; mais cette commande, honnête­ment réalisée, n'illustre pas l'érudition périgourdine 2. Il en est de même pour la « Généalogie historique de la Maison de La Roche-Aymon », parue en 1776, par l'abbé

Destrées 3. Les branches périgourdines, pour­tant alors largement représentées, y sont trai­tées de façon légère et succinte, malgré les démarches de l'auteur auxquelles les intéressés ne répondaient guère 4. Ce qui montre le peu de cas qu'on faisait, dans cette famille et dans notre province, d'une publication pourtant glorifiante.

Prêtre du diocèse de Limoges, l'abbé Joseph Nadaud (1712-1775) exerça longtemps dans la paroisse périgourdine de Teyjat. Aussi, cet infatigable chercheur inclut-il nombre de familles périgourdines dans son « Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges », com­pilation qu'il laissa manuscrite, sans avoir eu même l'intention de l'éditer. Malheureuse­ment, c'est un recueil mutilé, avec de nombreu­ses pages arrachées, que l'abbé Lecler, repre­nant le travail interrompu de l'abbé Roi de Pierrefitte, publia en 1882 S. Les notes, plus que piquantes, dont l'auteur avait émaillé les registres de Teyjat 6 et qui témoignent de son

esprit critique, notamment à l'égard des titu­latures des « nobles citoyens de Périgueux »,

expliquent ces « coupures », en grande partie intentionnelles, mais les font regretter plus encore.

Un autre ecclésiastique, mais du diocèse de Cahors, Guillaume Solacroup de Lavais­sière (1732-1811) avait, quant à lui, prévu de publier un « Nobiliaire de Haute-Guyenne »,

dont le tome 1 devait paraître en 1787, mais

qui ne vit pas le jour. De ce grand travail, pour lequel l' auteur avait parcouru le Quercy et le Périgord, dépouillant, dans notre province notamment, les archives des Lostanges Saint­Alvère, il ne subsiste, à la Bibliothèque municipale de Cahors, que le brouillon du tome II qui contient ainsi beaucoup de notes sur le Périgord 7. Il attend toujours un éditeur!

Ces quelques exemples laissent penser qu'il n'existait en Périgord, au milieu du XVllIe siècle, qu'un intérêt très relatif et purement individuel pour la généalogie: les listes des « maintenus» et des «condamnés », lors de la grande recherche de 1666, circulaient bien sous le manteau, fielleusement annotées de men­tions: de bruit commun est qu'il n'est pas noble» ou « il descend d'un notaire» 8 ; mais ce ne sont là que malicieux libelles.

L'histoire du Périgord, rêvée par Lagrange-Chancel et dont l'idée fut reprise par les chanoines de Chancelade, aurait-elle com­blé cette lacune? Il est difficile de le dire: les documents que les doctes religieux réunissaient contenaient évidemment nombre d'informa­tions généalogiques mais leur mise en œuvre ,. A A 1 f d' n auraIt peut-etre pas revetu a orme un

recueil de ce type. Obligeants envers les repré­sentants des grandes familles, ils leur fournis­saient, certes, de précieuses n.otes sur leurs patronymes, mais cette obligeance n'était-elle pas intéressée, alors qu'il n'existait aucun dépôt public librement accessible et que la consulta­tion des chartriers de la province était à la dis­crétion de leurs détenteurs?

Périgourdin fervent, le ministre Henri Bertin (1719-1792), à qui l'on doit la création du « cabinet des Chartes », s'intéressa très par­ticulièrement à l'histoire de sa province. Il encouragea toutes les recherches en ce sens, soutint fortement - non sans scepticisme -la ville de Périgueux dans ses prétentions nobi­liaires et féodales. Il réunit ainsi une masse de copies de titres, mais, en dehors de sa propre production nobiliaire, qui l'occupa fort, son intérêt personnel ne paraît pas avoir été spéci­fiquement généalogique : les recueils que publia son collaborateur Moreau, pour la ville de Péri­gueux, et dont il avait suivi, page par page, l'éla­boration, en sont dépourvus. Cet homme d'Etat, que l'on connaît au travers de l'étude, savante certes, mais confuse et vieillie, de G. Bussière 9, attend un nouveau biographe: peut-être nous révèlera-t-il en lui un des insti­gateurs directs de la recherche généalogique !

Appartenant à une illustre famille des confins du Périgord et du Limousin, le mar-

7 - Cf. Philippe Dela­derrière: « Le manus­crit Lavaissière à Cahors", in Bulletin Centre Généalogique du Sud-Ouest (C.G.S.O.), nO 26, 1992, p. 11.

8 - Cf. St-Saud: Essais généalogiques périgour­dins, Paris, 1934, p. 361. L'auteur cite trois exemplaires de «listes officieuses» qui circulaient. Ils durent être très nom­breux, car nous en avons recueillis deux autres.

9 - Henri Bertin et sa famille, la production nobiliaire du ministre, ses ancêtres (. .. J ... , par G. Bussière, Péri­gueux, 1906-1908.

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• Jules de Verneilh-

Puyraseau. A.D. 24, 2 J 1283. Photo A.D. 24.

10 - Cf. Généalogie de la Maison de Lamber­tie, par l'abbé A_ Leclerc, Limoges, 1895, pp. 166 à 170.

11 - Trésor généalogi­que de Dom Ville· vieille, Bibliothèque nationale, mss fr 31884-31976, 93 vol. Trésor généalogique de Dom Caffiaux, Bn. mss fr 33049-33088, 40 vol. L'intérêt de ce dernier manuscrit pour nos provinces n'avait pas encore été souligné.

12 - Cf. Jean Mau­bourguet « Une sei­gneurie périgourdine 1789 », in B.S.H.A.P., 1939 et 1940.

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quis Emmanuel François de Lambertie (1729-1814), qui demeurait dans sa terre de Saint-Martin-Lars, en Poitou, se consacra, après une carrière militaire, à réunir les matériaux d'une histoire de sa Maison. Mais, très vite, ses recherches prirent une autre ampleur et c'est une véritable collection généalogique sur le Périgord, le Limousin et l'Angoumois qu'il réunit. Recherchant, ou faisant rechercher, dans tous les châteaux et abbayes de la contrée, les titres d'intérêt filiatif, il en faisait prendre des copies fidèles ou, encore, les achetait quand ils n'intéressaient pas leurs détenteurs. Sa docu­mentation, constamment enrichie, soutenue par une grande érudition personnelle, embras­sait tous les noms de ces provinces. Hélas, ce magnifique Cabinet fut détruit en 1793 lors du pillage du château de St-Martin-Lars 10. Ainsi disparut le fruit de plus de 20 ans de recher­ches opiniâtres. Pour se faire une idée de sa richesse, il faut surtout feuilleter les grands recueils manuscrits de Dom Villevieille et de Dom Caffiaux 11, qui conservent nombre d'extraits en provenant, car M. de Lambertie était généreux du fruit de son labeur.

A ce même type de gentilhomme, généa­logiste et érudit, - ils étaient d'ailleurs en rela­tions suivies, malgré l'écart de génération -, appartenait le comte de Clermont­T ouche bœuf. Jean-Alexandre-Emmanuel­Marie de T ouchebœuf, comte de Clermont (1760-1843), était déjà, lorsqu'il émigra en 1791, admirablement au fait de tout ce qui concer­nait de près ou de loin sa propre famille. Il a rédigé, de son exil irlandais, en 1794, à l'aide de ses seuls souvenirs, un vaste recueil « Mémoire et affaires de famille ... » publié, très partiellement malheureusement, en 1939-1940 12• Il y montre, outre une mémoire impressionnante, une connaissance aiguë de l'ancien Périgord. Sous l'Empire et la Restau-

ration, il meuble sa vie campagnarde, entre ses châteaux de Besse et de Monsec, par des tra­vaux sérieux et solides sur les familles du sud du Périgord. Il avait vu bien des titres perdus pendant la Révolution et en gardait une exacte et précise souvenance. Il permit, aussi, d'en sau­ver certains; surtout, il fournit· bon nombre de généalogies à l'abbé de Lespine qui cite ses travaux avec confiance et considération.

Pierre Lespine

Il n'est pas un chercheur périgourdin qui ne connaisse le nom de Pierre Lespine (1757-1831). Pourtant sa biographie reste à l' • 1 • • • '" ecnre, qUI presenteraIt un pUIssant mteret. D'une famille d'ancienne bourgeoisie, il publie, en 1777, la généalogie des siens: travail sérieux et de valeur, première généalogie bourgeoise imprimée en Périgord. Les qualités de conci­sion et de clarté qui distingueront ses travaux s'y remarquent déjà 13. Ordonné prêtre en 1781, il est d'abord vicaire à Montpeyroux puis à Montagnac-la-Crempse; en 1788, il est élu chanoine par le chapitre de Saint-Front: sa réputation d'érudition avait suppléé à sa jeu­nesse et à l'effacement de sa carrière sacerdo­tale. Les archives privées de la province lui sont déjà ouvertes, lorsque le comte d'Hautefort de Vaudre se l'attache dans le but d'un travail sur sa Maison. Il émigre, en 1792, et rejoint son protecteur qu'il accompagne pendant tout son exil de dix ans, non sans accumuler notes et copies, lettres et mémoires, sur son cher Péri­gord. Rentré en 1802, il est, en 1805, appelé à la direction des Archives de la Dordogne; en 1807, il est attaché aux Archives de l'Empire et devient ensuite garde-manuscrit de la Biblio­thèque royale et professeur à l'Ecole des Char­tes. Il put ainsi faire acquérir les manuscrits que l'ancien chanceladais Prunis voulait vendre. Ces derniers formèrent le noyau de ce qui devait devenir, grâce à sa libéralité, notre célè­bre « Collection Périgord» à la Bibliothèque nationale 14. En effet, il légua ses manuscrits, ses notes, sa correspondance; cet ensemble atteint ainsi 183 volumes: les tomes 1 à 22 for­ment le fonds Leydet-Prunis, et les suivants le fonds Lespine. Les généalogies et les matériaux généalogiques, d'une qualité irréprochable, en constituent l'essentiel. Si ce vrai savant n'a rien publié, on sait que les généalogies périgourdi­nes parues dans les recueils de Courcelles, Saint-Allais et Lainé 15 sont de lui: ce sont de vrais monuments d'érudition et d'exactitude, sans emphase ni flatterie.

Pierre Lespine occupe une place à part :

13 - Aux A.D.24., AA 1333. Publiée à nou­veau par Louis Gril­lon, in Bulletin du Cercle d 'Histoire et de Généalogie du Péri­gord, 1993, pp. 34 à 39.

14 - Cf. Inventaire sommaire de la Collec­tion Périgord à la Bibliothèque nationale, par Philippe de Bosre­don; Périgueux, 1890; cf. aussi Lauer. Collections manuscrites sur l'histoire des pro­vinces de France. Inventaire. T. 2 (Périgord-Vexin). Paris, Leroux, 1911. Rappelons que les Archives départemen­tales de la Dordogne possèdent le micro­film complet de cette série.

15 - Histoire Généalo· gique et Héraldique des pairs de France ... par le chev. de Courcelle, Paris 1822-33. A noter que cette série, parti­culièrement précieuse pour le Périgord, est consultable dans les usuels de la Bibliothè­que Municipale de Périgueux. Nobiliaire universel de France... par M. de Saint-Allais, 21 vol., 1814-1843, et 1872-1877. Archives Historiques et Généalogiques de la Noblesse de France par Lainé 1828-1850, 11 vol. Ces recueils sont géné­ralement l'objet de critiques plus ou moins fondées. Mais les généalogies de familles périgourdi­nes, directement tirées des travaux de Les­pine, échappent, elles, à tout reproche.

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16 - A. Dujarric­Descombes: Pierre Lespine 1757·1813, in B.S.H.A.P., 1910.

17 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1880.

excellent généalogiste mais aussi grand histo­rien, il est un homme clé à une époque char­nière. Bourgeois, familier jusqu'à l'intimité de la noblesse, homme d'Ancien régime, en quel­que sorte, il voit s'effacer et disparaître tout ce à quoi il est attaché. Exécuteur testamen­taire, d'une société finissante, de la noblesse périgourdine en particulier, il est aussi un grand commis de l'Etat, assurant véritablement la naissance d'un service public, donnant une éthique à la conservation du patrimoine écrit et en facilitant plus largement l'accès. Ce per­sonnage, exceptionnel jusque dans son efface­ment, mérite de tenter un biographe. li honore, en tout cas, profondément le Périgord que peu ont servi mieux ou autant que lui 16. A sa mort, personne en Périgord ne songea à réu­nir ses généalogies déjà publiées sans nom d'auteur et qui auraient formé un recueil pré­cieux pour les chercheurs; celles restées manus­crites -le plus grand nombre - le sont tou­jours dans les volumes de la Collection Péri­gord; mais beaucoup de papiers précieux, res­tés à Vallereuil chez les siens, ont péri sans qu'on ait agi pour les sauver.

Force est de constater, en effet, que, si les publications archéologiques et historiques se multipliaient dans le département, la place occupée par la généalogie était infime. T aille­fer et Mourcin, pourtant fidèles correspondants de Lespine, ne suivirent pas ses traces. Ni Gourgue, ni Audierne, ni Dessalles ne marquè­rent un intérêt réel pour de telles études. Aussi, au milieu du XIXe siècle, ne trouvons-nous guère, en dehors de travaux de particuliers sur leurs familles, que quelques individualités assez isolées.

Adolphe de Larmandie (1800-1879) était, depuis son plus jeune ~ge, un fervent des choses du passé. Il recueillait et transcrivait fidèlement les documents qu'il rencontrait, annotait les généalogies imprimées, accumulait les détails topographiques et descriptifs. Il publia peu, mais donna à ses correspondants avec une libéralité inépuisable; ainsi copiait­il, et recopiait-il, de volumineux cahiers. A la Bibliothèque de Périgueux et aux Archives municipales de Bergerac, on peut aujourd'hui consulter de ces curieux registres, certains truf­fés de documents originaux, singulier mélange de compilation, d'érudition et de naïveté, rem­plis de redits et de digressions 17.

Alfred de Froidefond de Boulazac (1814-1893) est largement connu gr~ce à son «Armorial de la Noblesse du Périgord », publié en 1858 et réédité en 1891 sous une autre forme bien plus développée. Cependant, il n'a

d l, 1 1 1 1 onne, a proprement par er, aucune genea 0-

gie familiale. Ses goûts le poussaient plus vers l'héraldique pure. Cet homme délicat et effacé craignait surtout de déplaire en n'épousant pas les prétentions des uns et des autres; ses écrits, d'une grande sobriété et d'une minutieuse pré­cision, montrent cependant combien était grande sa science des familles du Périgord 18.

A la marquise de Cumont (1834-1904), née Marie-Thérèse de Damas, les généalogis­tes sont redevables de précieux travaux, dont des « Recherches sur la Noblesse du Périgord» parues en 1890, et une généalogie de la « Mai­son d'Hautefort ». Mais on doit surtout à cette grande dame, dont le comte de Saint-Saud salua la mémoire 19, le sauvetage du magnifique chartrier d'Hautefort, qu'elle transporta dans sa résidence poitevine. Aujourd'hui déposé aux archives d'Angers, il est, une des sources incon­tournables pour l'histoire de la province et des familles, grandes ou modestes qui gravitaient aux alentours de ces seigneurs.

Hélie, marquis de Bourdeille (1823-1896) avait conçu de son côté, et un peu en soli­taire, le projet d'un « Armorial du Périgord» sur lequel il travailla dans les années 1880 ; il adressa ainsi des questionnaires imprimés aux familles concernées 20; mais cette tentative, peu connue, n'aboutit pas, et personne n'eut accès à la documentation, impqrtante dit-on, qui avait été réunie et dont le sort actuel est • 1

Ignore.

Sur l'abbé Théodore Mallet (1809-1877) et ses « généalogies », il faut consulter l'étude de M. Louis Grillon 21. Quel singulier recueil, mélange de souvenirs et de recherches que le

• Louis-Charles Grellet-Balguerie. Coll. Esc/afer de /a Rode. PhotoA.O. 24.

18 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1894.

19 - Nécrologie par Saint-Saud, in B.S.H.A.P., 1903, tirage à part 1904.

20 - Lettre et question­naire imprimé (archi­ves familiales de l'auteur). La nécrolo­gie du marquis de Bourdeille, in B.S.H.A.P. 1896, ne fait aucunement allu­sion à cette entreprise. Farnier la cite, in Autour de l'Abbaye de Ligueux, T. II, p. 271.

21 - «L'abbé Théo­dore Mallet et ses généalogies" par L. Grillon, B.S.H.A.P., 1957. Le manuscrit est conservé aux archives de l'Evêché de Péri­gueux.

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• Le comte de Saint-Saud. Coll. Esc/afer de /a Rode. Photo AD. 24.

22 - Nécrologie par Saint -Saud, in ({ Revue de Saintonge et d' Aunis", 1891.

23 - Aimable commu­nication de M. Gontran du Mas de Paysac.

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travail de ce curé de Mensignac! Trop volu­mineux, peut-être, pour être publié, il le méri­terait pourtant: innombrables, en effet, sont les renseignements qu'on y trouve; et de plus, il est très révélateur de l'esprit d'un « curieux », soucieux de conserver des souvenirs de famille et la mémoire de personnages de la bourgeoi­sie et de la paysannerie.

« J'ai décidé de consacrer la fin de ma vie à tirer de l'oubli mes ascendants ... Inscrire les noms dans un livre vaut mieux même que de les graver sur la pierre ... » écrivait Alfred de Lafaye de Ponteyraud (1829-1891). Si des malheurs et des revers empêchèrent ce gentilhomme dou­bleaud de mener ces projets à leur terme, les notes qu'il a laissées, conservées dans le fonds Saint-Saud, témoignent du sérieux de ses recherches, dans les minutes des notaires et les archives de mairies, et de ses solides connais­sances sur l'histoire des fiefs comme des famil­les nobles et bourgeoises entre Isle et Dronne 22.

Les travaux de Mathieu du Mas de Pay­sac (1821-1885) sont restés, pour l'essentiel, manuscrits; sa « Généalogie de la Maison de Vaucocour» fait presque exception et on regrette qu'un « Recueil de notes généalogiques sur les familles du Périgord» soit encore inédit 23.

Il faut bien parler d'O'Gilvy ! L'auteur du « Nobiliaire de Guienne », paru par fasci­cules à partir de 1856, était bien périgourdin. On _ sait encore très peu sur lui. Né à Beaumont-du-Périgord, dans une famille modeste, il s'appelait Bouyer. Comme bien d'autres à l'époque, il songea à faire de l'argent

en exploitant la manie nobiliaire, mais il s'y prit un peu vivement, à la hussarde. Il n'hési­tait pas à faire chanter ses correspondants, les menaçant de publier ce qu'il croyait avoir trouvé sur leurs origines ou sur des personna­ges peu flatteurs dans leurs parentés 24. De fâcheuses disparitions dans les archives de la Gironde attirèrent un peu trop l'attention sur lui. Il quitta vite la région, commença à publier, à Bruxelles, un « Nobiliaire d'Austrasie », en 1861, et à Londres, en 1864, un « Nobiliaire de Normandie », laissant tous ces ouvrages ina­chevés. On ignore même ce que devint par la suite cet aventurier de la généalogie. Notre « Nobiliaire de Guienne et de Gascogne» fut repris et continué par Jules de Bourousse de Laforre. C'est une œuvre inégale, à consulter avec précaution, simple compilation de travaux manuscrits antérieurs, ou édition de notes envoyées par les intéressés qui en payaient l'insertion. Le Périgord n'y est d'ailleurs que , / /

tres moyennement represente. La tardive fondation de la Société His­

torique et Archéologique du Périgord (S.H.A.P.) en 1874, alors que la plupart des sociétés savantes provinciales ou départemen­tales avaient déjà trente ou quarante ans d'âge, aurait pû marquer un renouveau des études généalogiques. Il n'en fut rien, car elles furent dès l'origine pratiquement proscrites. Pourtant, nombre de ses premiers membres avaient de vastes connaissances en ces domaines, comme Henri Ribault de Laugardière ou Anatole de Roumejoux et Henri de Montégut, ou s'y inté­ressaient, comme Jules de Verneilh-Puyraseau. Ils furent, les uns et les autres, contraints d'adopter des formules narratives, masquant toujours fâcheusement la rigueur qui doit entourer l'énoncé des filiations. Aussi leurs tra­vaux, sérieux et importants, sont-ils quelque­fois difficiles à manier et à vérifier pour le généalogiste.

Louis-Charles Grellet-Balguerie (1821-1896), actif membre correspondant de cette société, est à la fois trop oublié et trop impor­tant pour qu'on ne s'arrête un instant. Borde­lais, il avait de nombreuses amitiés, très éclec­tiques, en Périgord. La découverte de la « Chronique de Guitres », dans le fonds Gaignières de la Bibliothèque nationale, l'amena à se pencher sur les origines des comtes de Périgord, mais ses travaux furent accueillis avec un scepticisme proche du dédain. La société des Archives historiques de la Gironde refusa la publication de cette chro­nique considérée alors comme apocryphe, et la Société Historique et Archéologique du Péri-

24 - Correspondance du « Comte O'Gilvy " avec le marquis de Campagne (archives de l'auteur).

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• Eugène Le Roy dans son cadre de travail. A.D. 24, 8 Fi Portraits - 83. Photo AD. 24.

25 - J. Depoin, Etudes préparatoires à l'His­toire des familles pala­tines deuxième fasci­cule: Aimon, châte­lain de Dordogne. Contribution à l'étude du Roman des Fils Aymon. Texte annoté et commenté de la "Chronique de Gui­tres», Paris, 1921.

26 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1896; E. Féret "Statistique de la Gironde ( ... ), biographie », 1889.

gord ne lui fit pas meilleur accueil. Certes, enthousiaste jusqu'à l'exaltation, brouillon et confus, passant d'un sujet à un autre, il avait un comportement d'un romantisme échevelé. Sympathique et lassant, il faisait sourire, et on ne discernait guère l'érudition profonde, sage, exceptionnelle, derrière l'excentricité du poète! 25 ans après sa mort, et sans connaître vraiment ses travaux, le médiéviste J. Depoin, dans ses «Etudes préparatoires à l'étude des familles palatines », devait justifier pleinement les certitudes de Grellet 25. L'authenticité de la « Chronique de Guitres» n'est plus contestée et les généalogies qu'en tirait Grellet-Balguerie s'en trouvent justifiées, comme les origines de Ribérac, Mussidan, Saint-Astier, éclairées. Mais c'est un grand tort que d'avoir raison trop tôt, et nul ne se souviendrait de lui s'il n'avait, fait unique, modifié la chronologie des rois de France: on lui doit la découverte d'un souve­rain jusqu'alors inconnu: Clovis, fils de Dago­bert II d'Australie, roi de 672 à 678 ! Ce péri­gourdin d'adoption et de prédilection décou­vrit aussi les archives du château de Génis, en voie de perdition, et les fit sauver. Après un séjour de plusieurs années en Angleterre, où il avait accumulé une foule de notes sur des familles périgourdines, il venait de regagner la France lorsqu'il mourut au Havre; on ne sait, hélas, ce que sont devenus ses papiers, sans doute irrémédiablement perdus 26.

Les immenses travaux sigillographiques de Philippe de Bosredon (1827-1906) méritent une mention particulière, tant ils renferment de renseignements généalogiques et héraldi-

• /1.. ,

ques, mIS en œuvre avec une maltnse eprou-

vée : ils n'ont pas vieilli, et on consulte tou­jours avec le même profit ses sigillographies du Périgord, de l'Angoumois, de l'ancienne Auvergne, du Bas-Limousin et de la Haute­Vienne. Conseiller d'Etat, administrateur de grandes compagnies, il sut concilier les obliga­tions de ses hautes fonctions avec celles de la recherche la plus minutieuse 27. li avait trouvé un émule en la personne de Louis Carvès (1856-1889), mort de son ardeur exagérée pour le travail, non sans avoir réuni par des dépouil­lements considérables d'archives privées une grande quantité de matériaux généalogiques sur le Sarladais, en particulier sur la Maison de Beynac 28.

Bien qu'agenaise, la chanoinesse comtesse de Raymond doit être citée ici. Marie de Raymond (1825-1886) a travaillé aussi, en effet, sur le Périgord. On lui doit la mise au jour des «Faits d'armes» de Geoffroi de Vivans et les généalogies de cette famille et de ses alliés. Ses dossiers généalogiques remarqua­bles, sa belle collection de documents, sa très riche bibliothèque sont l'ornement des archi­ves du Lot et Garonne, auxquels elle les a légués. Consulté jadis par le comte de Saint­Saud, qui fut très marqué par ces travaux, le « fonds de Raymond» pourrait l'être encore de nos jours dans bien des recherches sur le sud du Périgord 29. .

Ivan de Valbrune (1837-1914), un temps

archiviste-adjoint de la Dordogne, curieux de tout, s'intéressait aussi fortement aux généalo­gies : ses publications de vulgarisation témoi­gnent de connaissances sérieuses, et ses papiers, légués aux Archives départementales, peuvent

27 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1906.

28 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1881.

29 - Catalogue des tra· vaux personnels, dos· siers généalogiques, autographes, pièces diverses et bibliothèque de Madame la Com­tesse de Raymond, légués en majeure par­tie aux archives dépar­tementales du Lot et Garonne, où ils for­ment le fonds de Ray­mond par G. Tholin, 1889. Ce répertoire détaillé de 2339 arti­cles est précédé d'une biographie par Tami­zey de Larroque.

35

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• Robert de Roton et ses pro­ches. Photogra­phiés en reflet dans un miroir, dont il a lui-même sculpté l'encadre­ment. Coll. Esc/afer de la Rode. PhotoAD. 24.

36

légués aux Archives départementales, peuvent être quelquefois d'un appréciable secours 30.

Le comte de Saint-Saud

Le comte de Saint-Saud (1853-1951), déjà cité, occupe quant à lui une place unique: on ne saurait en quelques lignes résumer une vie aussi longue et aussi bien remplie, ni une œuvre aussi dense. Issu d'une famille d'ancienne noblesse, Aymar d'Arlot de Saint­Saud se destina d'abord à la magistrature. Un poste à Lourdes éveilla en lui une vocation de pyrénéiste. Son mariage avec Marguerite de Rochechouart l'apparenta avec la famille de la

Rochejacquelin, et c'est en préparant une édi­tion critique des mémoires de la célèbre mar­quise qu'une recherche pour identifier un péri­gourdin nommé dans ce livre, l'amena à la généalogie. C'était en 1888, et c'est donc pen­dant 65 ans, car il travailla jusqu'à ses derniers mois, que M. de Saint-Saud chercha sur les familles et l'histoire du Périgord! Sa bibliogra­phie est impressionnante et ses publications tiennent à elles seules tout un rayon de biblio­thèque. Qui n'a consulté ses « Généalogies péri­gourdines »? Ouvrages sérieux, rigoureux, honnêtes s'il en est, quoique demandant encore

des rectifications et des compléments. Mais plus impressionnant que l' œuvre imprimée, si dense qu'elle soit, est le « fonds Saint-Saud» qu'il légua aux archives de la Gironde où il forme, sous 851 cotes, la sous-série 9 j ... Les 132 premiers dossiers conservent ses papiers, travaux, correspondances, classés soit en fichiers soit par cahiers de thème et d'origine; le répertoire publié ne donne qu'une faible idée de la richesse de leur contenu. il faut parcou­rir bien des liasses pour se rendre compte de la densité des informations recueillies: peu de noms ou de lieux du Périgord qui ne s'y trou­vent mentionnés! Ce sont ensuite, entre autres, les 636 titres de sa bibliothèque, riche épave d'un ensemble immense, dont d'autres éléments sont conservés par la S.H.A.P. ou dans les collections privées 31.

Saint-Saud, par son infatigable activité, était devenu en Périgord le chef de file d'une pléiade de généalogistes dont le rôle ne doit pas être oublié.

On peut citer, tout d'abord, venu bien avant lui, son ami le vicomte Gaston de Gérard du Barri (1851-1920). On connait sur­tout l'édition qu'il a donnée des «Chroni­ques» de Tarde, jusqu'alors manuscrites, et qu'il publia en 1887, enrichie de nombreuses notes qui doublent l'intérêt. Ses principaux tra­vaux demeurènt aujourd'hui encore inédits et inaccessibles. Ce sont, notamment: « La réfor­mation de la Noblesse en Périgord, en 1666-1667», donnant la filiation des familles maintenues lors de la grande recherche, « L'ordre de la noblesse du Périgord aux Etats provinciaux de 1789 », des « généalogies péri­gourdines », principalement sarladaises, dont certaines existent en copies dans le fonds Saint­Saud et enfin une infinité de notes et de docu­ments originaux sur le Périgord en général, et Sarlat en particulier. li nous a été donné de •• . 1\,

pOUVOIr entreVOIr ces manuscnts, prets a l'impression: édités, ces volumes seraient pré­cieux à beaucoup de chercheurs et rendraient à leur auteur la place qui lui revient dans les bons historiens du Périgord, dont la confiden­tialité de ses travaux l'a. privé jusqu'ici 32.

Paul Huet (184il924) est de la même trempe. Sa collaboration active aux travaux de Saint-Saud est connue. On lui doit également des monographies familiales d'un réel mérite, mais c'est dans l'étude des familles du Moyen âge qu'il excellait; on ne sait ce que sont deve­nus ses dossiers, et il n'est possible de se faire une idée de l'importance de ses travaux qu'à travers l' œuvre maîtresse de son «élève», le chanoine Geoffroi Tenant de La Tour:

30 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1914; le « fonds de Valbrune »,

composé de 183 liasses est classé aux A.D.2 4 sous la cote 2E 1803.

31 . Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1951, avec bibliographie très partielle. La Bibliogra· phie généalogique de G. Saffroy ne réperto· rie pas, elle non plus, toutes les œuvres de Saint-Saud, en particu­lier en ce qui concerne certains tirages à part. Le «Fonds Saint­Saud» est répertorié dans « Archives Dépar· tementales de la Gironde. Dons et Acquisitions. Réper· toire de la série]. Fonds principaux ». Bor­deaux, 1955.

32 . Nécrologie, in B.S.H.A.P. 1920. Aimable communica­tion de Mlle Isabelle de Gérard du Barri.

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33 - Nécrologie, in B.S.RA.P. 1924. Geoffroi Tenant de La Tour: L 'homme et la terre de Charlema­gne à Saint-Louis; essai sur les origines et les caractères d'une féoda­lité, Desclée 1943 ; sur P. Huet et ses travaux, pp. 25,28, 317.

34 - leurs nécrologies, in B.S.H.A.P. passim.

35 - Aimable commu­nication de M. Gon­tran du Mas de Paysac.

36 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1939.

37 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1896.

38' - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1906.

39 - Cf. Guérin, Des hommes et des activités autour d'un demi-siècle. Bordeaux, B.E.B., 1957, pp. 511-512.

40 - Bio-bibliographie dans son Dictionnaire historique et géographi­que de la Haute· Vienne, Limoges, 1926 (publication posthume).

41 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1915.

« L'homme et la terre de Charlemagne à Saint­Louis », où la formation de la féodalité en Limousin et en Périgord est étudiée de la plus saisissante façon 33.

Il faut citer aussi Albéric Gros de Béler (1843-1906), Fernand de Bellusière (1844-1905), Ludovic de Thomasson de Saint­Pierre (1840-1903), archiviste-adjoint de la Dordogne parmi les collaborateurs les plus zélés d'Aymar de Saint-Saud 34.

S'ils se sont souvent contentés de se livrer à des dépouillements et d'en remettre les fiches à leur ami, leurs compétences et connaissan­ces, fort vastes, ne doivent pas être oubliées. D '" '" e son cote, appartenant a ce meme groupe d'amis, Eymeric du Mas de Paysac (1853-1925) continua dans le sillage de son père des travaux importants, particulièrement sur des familles sarladaises. Ils n'ont pas encore été publiés, mais les manuscrits sont conservés par ses descendants 35.

Xavier de Monteil (1861-1939) consa­crait les loisirs que lui laissait son existence reti­rée de gentilhomme campagnard à dresser les généalogies des familles de sa parenté et de son cher Ribéracois. Ses manuscrits, habilement illustrés de dessins et de photographies, car il excellait dans ces deux arts, auraient été détruits ou dispersés à sa mort, ainsi que ses belles archi­ves. Ses rares publications ne donnent qu'une idée trop restreinte de son savoir 36. Dans son sillage, le commandant Ernest Amadieu (1863-1935) se consacra à la recherche et au sau­vetage des «vieux papiers ». Les archives lui doivent beaucoup, et il était la providence de ses correspondants généalogistes!

Edmond Boisserie de Masmontet (1872-1945?) n'avait pas vingt ans quand il rejoignit Saint-Saud; il était déjà fort au cou­rant de tout ce qui concernait les familles ber­geracoises, et il ne tarda pas à publier, sous le pseudonyme de «Jean de Nastringues ». Il donna aussi des monographies de qualité, mais il se tourna vite vers la vulgarisation. Ses séries de cartes postales illustrées de dessins et de bla­sons sur « Les châteaux de Guienne » ou « Les châteaux de France », avec des textes histori­ques, sont connues des amateurs. Ses dossiers, conservés avec ceux de Saint-Saud, auquel il les avait légués, montrent tout à la fois la curio­sité méthodique de son esprit et la banalité d, 1 d 1 'lL d' . etu es trop genera es. es revers une eX1S-tence, devenue très tôt besogneuse, expliquent sans doute que l'enthousiasme et les capacités du chercheur se soient ainsi dilués.

Co-auteur, avec son ami Boisserie, et sous la houlette de Saint-Saud, de la « Généa-

logie de Bideran », René de Manthé (1873-1896) fut trop tôt emporté par la mort pour avoir pu donner la mesure de qualités qui s'annonçaient exceptionnelles. Il est dommage qu'il n'ait eu le temps de publier son travail sur la Maison d'Estissac, grand famille péri­gourdine, bien peu connue malgré le rôle de premier plan de la plupart de ses membres 37.

Si Maurice Campagne (1849-1906) était plus agenais que périgourdin, plusieurs travaux d'importance, notamment sur les Madaillan et les Bacalan, le rattachent au groupe des amis de Saint-Saud 38. De même; Pierre Meller (1862-1913), spécialiste des familles du borde­lais, travailla t-il souvent sur le Périgord, très présent dans ses nombreuses publications 39.

En Limousin, le chanoine André Lecler (1834-1920) traita souvent de familles et de per­sonnages périgourdins dans ses innombrables livres 40. Mais, dans cette province, c'est l'extraordinaire Jean-Baptiste Champeval (1847-1915) qu'on ne peut oublier, tant ses tra­vaux débordent sur le Périgord; original dépouilleur d'archives, annotateur impitoya­ble, il a laissé des volumes confus de forme, mais inépuisables de fond: nul ne connaissait mieux que lui la géographie féodale du Quercy, du Périgord et du Limousin, et il n'est guère de patronymes sur lesquels il n'y ait à glaner dans ses recueils 41.

Nouvelles orientations

S'attendrait-on à trouver parmi les généalogistes, même loin de ces cénacles, Eugène Le Roy (1846-1907)? Pourtant, «Le dernier ami des croquants» se livra longtemps à des recherches historiques et généalogiques qui furent même parmi ses premières produc­tions. Ainsi, en 1889., il publie ses « Recherches sur l'origine et la valeur des particules des noms dans l'ancien comté de Montignac en Péri­gord », avec de piquantes observations sur un sujet bien connu. En 1904, c'est «Inventaire sommaire des papiers et généalogie de la famille Bouret, de Gaulejac près Montignac », travail

• L'abbé Eugène Farnier à sa table de travail_ ça". Esc/afer de /a Rode. Photo AD. 24.

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d'une plus grande ampleur et d'une réelle rigueur où il suit une souche paysanne depuis le XVIe siècle; quant à sa « Note sur la famille et la descendance naturelle de François, pre­mier marquis de Hautefort », terminée en 1885, elle ne parut qu'en 1932 : c'est une appro­che nouvelle d'un sujet alors brûlant, la con­dition des bâtards, et Le Roy s'y révèle excellent.

A l'autre extrémité de l'échiquier politi­que, c'est à un « militant» tout aussi engagé, qu'est due une étude monumentale. Sous le titre de « Les Ursulines de Périgueux », Eugène Roux (1845-1925) publia, à partir de 1905, non pas la pieuse chronique d'une communauté religieuse, mais une véritable étude sociologi­que sur tout ce qui l'entourait. Et c'est ainsi que nous avons une série de biographies et de généalogies très fouillées sur les familles de Périgueux ou des alentours. Ce travail essen­tiel, et très peu connu, est enfoui par petits lots de pages, dans les Bulletins de la S.H.A.P., car le tirage à part, doté d'additions et de tables, ne fut que peu diffusé. Rien n'a été édité, jusqu'à ce jour, de plus dense. L'auteur s'y montre un analyste de premier plan, connais­sant d'une façon étonnante tout le Périgueux urbain et suburbain des XVIe et XVIIe. Que n'a-t-il pu donner des tableaux et développer les filiations qu'il cite et reprend de notes en notes. Le polémiste, successivement directeur des divers titres de la presse conservatrice en Dordogne durant 40 ans, savait aussi faire par­tager ses connaissances que chacun admirait.

Saluons Ferdinand Villepelet (1839-1923), incontournable secrétaire général de la S.H.A.P. et archiviste départemental, provi­dence des généalogistes grâce aux « Inventai­res sommaires» qu'il a réalisés et dont une partie a été imprimée, sans oublier Albert Dujarric Descombes (1848-1926) et Joseph Durieux (1873-1950) dont les travaux reflètent une science profonde sur les familles du Péri­gord. Les généalogies familiales que dressèrent ces derniers, pour qui a pu en consulter les manuscrits, sont précises et exactes. De même, le Dr Emile Dusolier (1873-1963), historien du Ribéracois, se livra à de grandes recherches: ses dossiers, conservés aux Archives départe­mentales ou à la Bibliothèque de Ribérac révè­lent l'ampleur de ses travaux. La monographie consacrée à sa famille, d'ancienne bourgeoisie, est un modèle du genre, la forme valant le fond.

Devenu périgourdin par mariage puis par résidence, le comte Robert de Roton (1885-1950), bibliophile, héraldiste et généalo­giste d'audience nationale, ne négligea pas pour

autant sa province d'adoption. Mais sa mort prématurée nous a privés d'un travail d'ensem­ble sur la noblesse périgourdine, dont il réu­nissait les matériaux avec patience: ses fiches et ses notes donnent une idée de sa rigueur 42

Plus « grand public» sont les travaux de l'abbé Eugène Farnier (1872-1949). Son ouvrage intitulé « Autour de l'abbaye de Ligueux» a éveillé sans doute bien des voca­tions de chercheurs. il demeure une excellente introduction à l'histoire locale, en donnant, de façon accessible et simple, des notions justes, même si elles sont quelquefois sommaires, sur les lieux et les familles d'un vaste secteur. Le généalogiste tire aussi profit de ces petits volu­mes sur Bussière-Badil et Piégut-Pluviers, ainsi que de son « Histoire de l'Isle », parue en 1946.

Avec ce prêtre modeste se termine cette évocation bien incomplète de nos anciens généalogistes. Parler des plus contemporains n'entre pas dans ce propos, même si le souve­nir de beaucoup de ceux plus récemment dis­parus demeure cher à l'auteur de ces lignes.

Aussi imparfait que soit ce tour d'hori­zon, il nous aura permis de souligner les deux « temps forts» de la généalogie en Périgord: l'époque de Lespine et celle de Saint-Saud. L'un et l'autre ont exercé en leur temps une sorte de magistère moral que personne ne contestait. Mais pour eux et autour d'eux, la généalogie demeure l'étude des élites.

Retenons seulement que nous sommes très loin de la pratique contemporaine de la généalogie qui connaît un développement considérable.

L "al· 1 A e gene oglste actue se retrouvera sure-ment davantage dans les travaux d'Eugène Le Roy, Eugène Roux et Eugène Farnier, qui sem­blent illustrer l'idée qu'exprimait dès 1777 Dom Caffiaux : « L'ouvrage généalogique le plus intéressant pour la Nation Française, serait sans doute une généalogie complète et universelle de tous les habitants de la France, anciens et moder­nes, d'après les titres et monuments épars dans les différentes provinces. L'exécution d'un projet si vaste n'a rien d'impossible» 43

Patrick ESCLAFER de la RODE Président du Cercle d'Histoire et de Généalogie du Périgord

42 - Nécrologie, in B.S.H.A.P., 1951; fiches et fichiers (col­lection de l'auteur).

43 - Trésor généalogi­que ou extrait des titres anciens qui concernent les maisons et familles connues en 1400 ou auparavant (. .. ). Paris, 1777; discours pré­liminaire.

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1 - La même méthode a été développée par Martine Duhamel dans ses deux articles parus dans Mémoire de la Dordogne nO 2, p. 37-39 et nO 3, p.25-27.

, t----____ BIBLIOTHEQUE --

Débutant ou chercheur confirmé, le généalogiste puisera utilement dans la bibliographie sélective et critique que nous vous proposons aujourd'hui.

Archives départementales de la Seine­Maritime: Voyage au pays des aïeux -Histoire et sources de la généalogie - Catalogue par Myriam Drou­hard, Rouen, A.D. Seine-Maritime, 1992. -189 p. - [A.D. 24, US 74 ].

Ce catalogue d'exposition présente un intérêt beaucoup plus général que son cadre ne pourrait le laisser supposer. Chaque grand thème (généalogie d'hier, généalogie d'aujourd'hui, histoire de la généalogie, sour­ces de la généalogie) fait l'objet de commen­taires et d'explications simples et de qualité, agrémentés de bonnes notes bibliographiques. La dernière partie (p. 143-176), par le biais d'une généalogie fictive, constitue une excel­lente approche méthodologique d'une recher­che généalogique simple 1.

BEAUCARNOT Gean-Louis) : ABC de la généalogie, Alleur, Marabout, 1992. [Coll. Guides Marabout nO 140].

Auteur de nombreux ouvrages sur la généalogie et ses à-côtés, Jean-Louis Beaucar­not nous offre ici un petit guide pratique et économique, permettant au généalogiste ama­teur de se retrouver dans le dédale de recher­ches parfois complexes. Extrêmement pragma­tique, ce livre renferme de précieux conseils et fournit de nombreuses réponses aux multiples problèmes qui ne peuvent manquer de se poser à tout moment d'une enquête familiale.

BERNARD (Gildas) : Les familles protestantes en France. XVIe siècle - 1792. Guide des recherches biographiques et généalogiques, Paris, Archives Nationales, 1987. - 699 p. - [A.D. 24, US 117].

Ce guide complète utilement le manuel général précédent, en particulier pour notre région où l'on connait le rôle et l'histoire de la communauté protestante. Après avoir

analysé, dans une riche introduction, les diffi­cultés des recherches sur les familles réformées, en raison notamment des aléas historiques qu'elles ont subis en trois siècles, Gildas Ber­nard ~nalyse, département par département, l'ensemble des sources conservées soit sur place, soit dans d'autres lieux de recherche. On notera bien sûr avec intérêt le chapitre sur la Dordogne (p. 174-180).

BERNARD (Gildas) : Les familles juives en France -XVIe siècle -1815 - Guide des recherches biographiques et généalo­giques, Paris, Archives Nationales, 1990 - 281 p. [A.D. 24, US 118].

Dernier ouvrage de la trilogie sur l'his­toire des familles de Gildas Bernard, ce guide des sources s'attache d'abord à cerner l'histoire des communautés par grande région d'implan­tation. On peut noter en particulier le chapi­tre sur le Sud-Ouest (p. 38-49), complété d'une abondante bibliographie. L'auteur, comme dans son œuvre précédente, passe ensuite au crible, pour chaque département, l'ensemble des sources répertoriées (très maigre pour la Dordogne, qui ne comptait qu'un juif en 1808 et une famille entre 1840 et 1866 (p. 108-109).

BERNARD (Gildas) : Guide des recherches sur l'histoire des familles, Paris, Archives Nationales, 1981. - 335 p. -[A.D. 24, US 116 ].

Véritable bible du généalogiste, cet ouvrage se doit de figurer dans toutes les bon­nes bibliothèques de chercheurs amateurs ou professionnels. Réalisé par un professionnel des Archives, il constitue l'outil de travail indis­pensable pour tout défrichement dans leur jun­gle. Deux grandes parties divisent cette source : la première étudie en détail tous les types de documents pouvant se révéler utiles à la recher­che (registres paroissiaux, fonds notariaux, enregistrement et hypothèques, recensements,

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etc. ), la seconde traitant des différents lieux où ils sont conservés. Malgré l'absence d'un index qui aurait été d'une utilité certaine, ce guide constitue l'instrument de recherche de référence lorsque l'on passe la porte d'un Cen­tre d'Archives.

DURYE (Pierre) La généalogie, Paris, Presses Universitaires de France, 1961 (1re éd.), 1988 (8e éd.) [ Coll. Que sais· je, nO 917 ].

Objet de nombreuses rééditions et mises à jour, le texte de Pierre Durye reste un des ouvrages généraux incontournables. Fidèle à la devise de la collection qui le publie, il fait le point objectif de ce qu'il faut connaître pour se lancer dans des recherches généalogiques. Dans une approche très classique, il présente l'histoire de cette science, son utilité (et en par­ticulier la diversité des thèmes qu'elle permet d'aborder), les buts et les méthodes de sa pra­tique et enfin les sources qui permettent de la mettre en œuvre.

XIe Congrès de la Fédération française de généalogie, Bordeaux (9 • 12 mai 1991) : Actes et conférences, s.l. n.d. - 204 p. - [A.D. 24, B 984 ].

Parmi les nombreuses communications de ce riche congrès, on peut signaler les con­tributions originales concernant la génétique et la psychologie, qui confèrent une dimension supplémentaire à la généalogie traditionnelle, la table ronde sur les logiciels de généalogie en langue française et enfin les conférences sur le domaine aquitain. Nous nous permettrons d'extraire de ce dernier ensemble de qualité celle de Jean Valette: « Généalogies et biogra­phies des protestants de la vallée de la Dordo­gne aux XVIIe-XVIIIe siècles» (p. 85-89), véri­table guide des sources de l'histoire de cette communauté dans les archives françaises.

FLEURY (M.) et HENRY (1.) : Nouveau manuel de dépouillement et d'exploi­tation de l'état-civil ancien, Paris, Edition de l'Institut National d'Etudes démographiques, 1965. - 182 p. - [A.D. 24, US 51 ].

Ce livre constitue l'un des ouvrages de base pour un dépouillement efficace et systé­matique des registres d'état-civil anciens (paroissiaux) ou modernes. Son but essentiel était d'harmoniser les techniques de traitement des informations qu'on y trouve, en vue de réa­liser des études de démographie historique de qualité, notamment pour la période préstatis­tique. Bien qu'ancien, et n'intégrant donc

pas tous les apports de l'informatique (rapidité, traitement de masse, tris croisés, etc.) ce manuel reste d'une utilité certaine.

GRANDEAU (Yann) : A la recherche de vos ancêtres - Guide du généa­logiste amateur, Paris, Stock, 1974. - 348 p. -[A.D. 24, C 1259].

Guide pratique des recherches généalo­giques, ce manuel peut offrir un bon secours aux débutants, ou aux amateurs confrontés à des problèmes de base lors de leurs enquêtes familiales.

JOUNIAUX (Léo): Généalogie - Pratique - Méthode - Recherche, Paris, Arthaud, 1991. - 416 p. - [A.D. 24, C 1260).

Publiée par l'un des spécialistes de la généalogie, cette œuvre très bien présentée constitue actuellement le meilleur manuel pour qui veut débuter comme pour celui qui veut développer et élargir une recherche familiale. On y trouve aussi bien un chapitre sur des uni­tés de mesure anciennes, qu'un autre sur les calendriers ou sur les cartes et plans. La partie concernant les sources se révèle elle aussi extrê­mement utile et documentée (notamment dans ses références bibliographiques). L'un des inté­rêts supplémentaires, et non des moindres, de cet ouvrage, est de présenter, en annexe, une liste à jour des adresses utiles pour tout cher­cheur, ainsi qu'une originale, et indispensable, table détaillée du cadre de classement des archi­ves. Enfin, ce livre expose avec clarté tous les thèmes de recherche qui permettent aux généa­logies de dépasser la simple (et limitée) histoire personnelle et familiale pour s'attacher à l'his­toire sociale, démographique ou même de la

1 sante.

V ALYNSEELE Ooseph) (sous la direction de) : La généalogie, histoire et pratique, Paris, Larousse, 1991. [Coll. Références Larousse « Histoire» ).

Doté d'une excellente bibliographie et d'utiles tableaux et schémas, ce guide collec­tif, très clair et relativement exhaustif, se pré­sente comme l'un des meilleurs dans sa caté­gorie. Abordant des thèmes traditionnels (méthodes et sources par exemple) comme des problèmes de fond (rapports entre la généalo­gie et la médecine ou la démographie, ou la

1 1 1 . 'l' 1 1)' l' d 'f 1 genea ogle a eco e , c est un Ivre e re erence qui mérite de figurer dans toute bonne biblio­thèque généalogique. .

François BORDES

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, , 1------- DERNIERES ENTREES

Etat d'accroissement des collections des Archives départementales:

1) DONS: - Carnet de nourrice, sevreuse, gardeuse, pro­tection des enfants du premier âge (s.d.) [Don anonyme ]. J 2132. - Bref du pape Pie VI pour une affaire de con­sanguinité entre Nicolas Segonzac et Margue­rite Laurière (1776). [Don de M. Labruhe ]. J 2139. - Prospectus publicitaires (1987) [Don de M. Bitard]. J 2142. - Papiers de familles, Borie, Duclaud-Lalande, Labadie, Larivière de la commune de Châtres (1824-1967). [Don de M. Larivière ]. J 2143/1-4. - Programme du concert de charité donné au théâtre de Ribérac (1909). [Dons des Archi­ves de la Gironde]. J 2144. - Livre de comptes de la ferme-école de Salt­gourde (1848-50). [Don de M. Elias]. J 2148. - Affiche du Ministère de la Guerre pour le recensement des bâts et véhicules (1933). Fi. - Affiches électorales pour les délégués canto­naux (1946). Fi. - Affiche en français et polonais demandant le ralliement des polonais de France à l'Armée française (s.d.). Fi. - 43 plaques photographiques de la Dordogne et de Paris (Guerre de 1914-18). [Don de Mme Labatut ]. Fi. - 3 plans de la salle à manger de l'hôpital de Périgueux (1956). [Don de M. Grillon]. Fi. - 7 cartes postales de la Dordogne et 44 gravu­res militaires (Empire, Seconde République,

Second Empire). [Don de Mme Chevalier]. 2 Fi. -1 photo de classe, école de Châtres (vers 1920). [Don de M. Larivière ]. Fi. - 48 cartes postales de la Dordogne. [ Don des Archives départementales de la Haute­Vienne]. 2 Fi. - 11 cartes postales de Périgueux .et de la guerre de 1914. [Don de M. Reviriego]. Fi. - 182 cartes postales de Périgueux et du Péri­gord. [Don de M. Boisvert ]. 2 Fi.

2) ACHATS: -Actes de baptêmes et mariages protestants du Bergeracois (1665-1765). J 2135. - Lettre des protestants de Ste-Foy, Le Fleix, Montravel au sujet de leurs persécutions (s.d.). - Correspondance entre les pasteurs Alard et Becays de Bergerac et Ste-Foy-la-Grande au sujet d'un colloque (1775-76). J 2137. -Etat des protestants de La Roche-Chalais (an XIII). J 2138. -Fonds du Cheyron du Pavillon. (en cours de classement) 47 J. -Fonds du Château de la Gaubertie. (en cours de classement) 48 J. - Cahiers journaliers de l'instituteur de l'école de garçons de Beauronne (1911-1933). J 2147/1-4. - Cahiers de devoirs de vacances et d'entraÎne­ment à l'écriture (s.d.). J 2152. - Cahiers de comptes d'épiciers, livraisons (1926-1939). J 2151. - Nomination de M. Theulier de Thiviers, pré­sident de l'Assemblée du canton: décret impé­rial sur parchemin (an XIII). J 2153.

• Visite de Félix Faure à Bergerac. 1895. Photo Astrue. Fi.

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- Livres de comptes de clients (commerce de produits pharmaceutiques, vins, sabots ... ), région de Thenon (1878-83). J 2154. -Le livre de la Tribu: cahier contenant les sta­tuts d'une société donnant des enseignements sur la morale et le civisme aux couples et aux enfants (Limeyrat 1907). J 2155. - Inauguration de l'aérodrome de Périgueux­Bassillac, menu, invitations, programme (30 mai 1937). J 2156. - Livre de comptes de maison de M. Beyssière (région du Sarladais) (1875-83). J 2158. - Papiers scolaires: élèves du lycée, de l'école du Centre de Périgueux (1859-1939). J 2160. - Dossier pour la révocation du maire de Clermont-de-Beauregard: M.le Comte du Pavillon, pour refus d'afficher l'arrêt de la Cour de Cassation annulant le jugement de condamnation d'Albert Dreyfus. Nombreuses lettres de soutien au maire. Inventaire des archives de la commune (1899-1925). J 2161. -4 photographies d'Astruc, photographe à Ber­gerac représentant les fêtes données à Berge­rac lors de la visite de Félix Faure (1895). Fi. - Revues d'architecture «Le moniteur des architectes» (1880, 1881, 1886), «Monogra­phies de bâtiments modernes» (1900), «La construction moderne» (1958), «l'Architec­ture française» (1954). Fi. - Extrait du recueil des cartes et plans établi pour la navigation des rivières en Guyenne (1696). Fi.

3) DOCUMENTATION 1 :

- Relevé des mariages de la paroisse de Nadail­lac (1670-1752). [ Don de l'Institut D.O.L.E. ]. Doc. Arch. 12. - Analyse de l'état-civil de Lamonzie-Saint­Martin (1792-1890). [Don de M. Martin]. Doc. Arch. 13. - Acte notarié passé à Condat (XVIe siècle). Doc. Arch. 14. -Rôles des sommes dues à Gaillard Galland sur les ventes des domaines de Périgord et Limou­sin (1603). [Archives des Pyrénées-Atlantiques, B 1921 ]. Doc. Arch. 15. - Manuscrit français de la Bibliothèque natio­nale nO 22422. Doc. Arch. 16. - Généalogie de la famille Charon. [Don de M. de Maillard]. Doc. Arch. 17. - Manuscrits de Jules Ballet: biographie de Edmond Placide du Chassaing de Fontbressin (1818-73). [ Archives de la Guadeloupe, sous­série 2 J 12]. Doc. Arch. 18. - Relevé sommaire des registres paroissiaux d'Annesse: famille Labruhe. Doc. Arch. 19. -Famille d'Hautefort: branche de Marqueys­sac. Dossier de documentation. Doc. Arch. 20. - Détail de l'état-civil protestant de Bergerac (1653-1792). r Don de M. Ménard ]. Doc. Arch. 21. - Inventaire des pièces contenues dans un regis­tre concernant les protestants de Montcaret (1624-1780). [Don de M. Vircoulon]. Doc. Arch. 22.

Jacqueline FAURE

FORUM ______________ ~

Cette rubrique vous concerne. Utilisez la pour exprimer vos idées, réac­tions, suggestions. Outil de communication, elle doit être un intermé­diaire supplémentaire entre les lecteurs et les Archives, un moyen d'échange et de recherche à votre service.

• Je recherche le texte de la légende du dragon de la tour de V ésone.

• Je cherche à en savoir plus sur la fonc­tion de Périgueux sur le chemin de Compos­telle qui part de Tournai en Belgique et tra­verse le département actuel des Landes.

• Je souhaite compléter ma collection iconographique d'asiniens en ce qui concerne la période historique pour les robes rouge, rousse ou rosée du type andalusa-cordoba, métis hémione-anesse ...

Ecrire à Monsieur Jean-Pierre ANNE­RON 19, rue des Belles Filles, 91580 Etrechy.

1 - Série nouvelle constituée par les dons de documents sous forme de photocopies.

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1 - Impressions de qua­drilles. T. BOISVERT et S. ROUX. Archi­ves départementales de la Dordogne. ADAM 24 - 1987.

2 - AD 24, 27 J 1 à 182.

3 - AD 24, 28 J 1 à 147.

4 - AD 24, 29 J 1 à 73.

5 - AD 24, 30 J 1 à 5.

SONOTHÈQUE

En 1986, le premier travail de la Sonothèque, axé sur l'histoire de l'édi­tion musicale en Ribéracois 1, a favorisé la création d'une partithèque qui s'enrichit régulièrement de nouveaux dons.

Paroles et musique

Dans cette région du Périgord, entre 1870 et 1930, cinq maisons d'édition musicale spécialisées dans la musique de bal (quadrille, valse, polka, mazurka, scott.ish ... ) se livraient une concurrence sans merCI.

A cette époque, le Ribéracois faisait par­tie des principaux centres d'édition musicale français puisqu'on dénombrait deux cent vingt six éditeurs à Paris, huit à Marseille, sept à Lyon et six à Nice. Ribérac rivalisait donc avec ces grandes villes et ce, grâce à la réussite com­merciale d'un homme qui avait compris tou­tes les astuces du métier d'éditeur de musique: Elie Dupeyrat.

Musicien de bal à ses débuts, il apprend les premiers rudiments de l'édition musicale vers 1865 avec M. Verde au, installé à Saint­Antoine près de Saint-André-de-Cubzac en Gironde. Il crée sa maison en 1873 et, quelques années plus tard, son commerce rayonne sur la France entière, les colonies et certains pays limitrophes comme la Belgique ou l'Allemagne.

Cette réussite fera des émules sur le plan local et c'est ainsi que plusieurs maisons (dont les Archives départementales détiennent une partie des fonds) verront le jour: Chéry Roy 2, d'abord à Saint-Martin-de-Ribérac puis à Villetoureix (1884), Gabriel et Roger Cle­ment 3, à Ribérac (1895), François Rougier 4, d'abord à Villetoureix (1900), puis à Ribérac (1913) et Léon Dupeyrat 5, fils a~né d'Elie Dupeyrat, à Ribérac (1909).

Elie Dupeyrat servira de modèle à tous ces éditeurs: ils seront tous musiciens de bal, compositeurs, professeurs, imprimeurs, mar­cha~ds et réparateurs d'instruments de mUSIque ...

Cette fabuleuse histoire, qui s'est termi­née dans les années 1930, a laissé des traces dans la mémoire collective et, lors de nos enquêtes,

nous avons enregistré des ouvriers, des com­positeurs, des musiciens, des fils et petits-fils d'éditeurs qui nous ont transmis avec nostal­gie leurs souvenirs de cette saga.

C'est ainsi que nous avons rencontré la famille d'Elie Dupeyrat avec laquelle nous avons conclu le versement du fonds de parti­tions de cet éditeur, ce qui représente 2722 airs à danser 6!

Quelque temps après, deux autres fonds sont venus compléter ces collections; il s'agit de partitions données par les anciennes harmonies de Belvès 7 et de Château-l'Evê­que 8. On y trouve des pas redoublés, des marches, des transcriptions d'ouvertures d'opé­ras ... , tout le répertoire qui fit la gloire des orphéons lors de leurs prestations sur les kios­ques. Deux fonds supplémentaires, provenant des anciennes harmonies de Montignac et de la Sainte-Cécile de Périgueux, restent à classer et à inventorier. Lorsque ce travail sera achevé, nous pensons que la partithèque atteindra les 5 000 pièces. Ces partitions, communicables au

• Elie Dupeyrat en compagnie de sa femme et de ses enfants à Savignac d'Allemans, vers 1900. Coll. Sagot. Photo A.D. 24.

6 - AD 24, 26 J 1 à 1563.

7 - AD 24, 25 J 1 à 127.

8 - AD 24, 35 J 1 à 194.

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public, représentent une partie de notre patri­moine musical et, à ce titre, nous lançons un appel aux sociétés de musique afin qu'elles ver-

sent ce genre de répertoire aux Archives départementales.

Sylvain ROUX

Extrait d'un entretien réalisé avec Laurent Delbecq (compositeur pour la maison d'édition Clément à Ribérac)

le 20 septembre 1988 à Mâcon (Saône-et-Loire)

Sylvain Roux: Vous avez commencé à quel âge à appren­dre la musique? Laurent Delbecq : J'étais obligé, il n 'y avait pas à choi­sir, à quatre, cinq ans, par là ... S.R. : Sous l'impulsion de votre père? L.D. : Ah! Sous la tutelle de mon père!

S.R. : Vous avez commencé par quoi, le solfège, un ins­trument de musique? L.D. : Le so/fege obligatoire, d'ailleurs, c'est la base de tout; sans solfège, on ne peut rien faire. Puis après, mon père m'a acheté une clarinette à treize clés et ce qui m'a amené, je devais avoir sep~ sept ans et demi par là, à jouer à l'église avec l'orgue. S.R. : Vous avez commencé à composer de la musique de bal à quel âge?

L.D. : Oh! C'était vers quinze, seize ans par là ... S.R. : Alors, pourquoi le choix de la musique de bal, vous avez fait des bals à l'époque? L.D. : Pas à l'époque, mais un peu plus tard; j'avais un orchestre à mon nom, mais un orchestre moderne, « jazz ". S.R. : Parce qu'au début, vous avez composéaes scottishs, des mazurkas, des quadrilles? L.D. : C'est ça, c'est ça ...

S.R. : Parce que votre père le faisait certainement, et puis c'était encore la mode ...

L.D. : A cette époque-là, les Editions Clément avaient sur­tout des répertoires qui contenaient environ une vingtaine d'œuvres, je me rappelle d'un, je suis à peu près certain qu'il s'appelait « répertoire nationale ». Il y avait un peu de tout, valses, polkas, mazurkas et quadrilles.

S.R. : Et vous avez été aussi sociétaire de la SA CEM en même temps que votre père et en même temps que Clé­ment père et fils ? L.D. : Mon père était bien avant à la SACEM. S.R. : Quelles étaient vos relations avec Clément, vous avez connu Gabriel... L.D. : Non, je l'ai connu par correspondance mais j'ai sur­tout connu -le fils. S.R. : Le système qui existait entre l'éditeur et le composi­teur, comment ça fonctionnai~ c'est-à-dire vous envoyiez des manuscrits, vous étiez payés ? L.D. : Non, non, nous n'étions pas payés, bien contents de trouver un éditeur qui veuille prendre vos œuvres. S.R. : Votre père a travaillé sans droits d'auteur, il n'avait aucun intérêt, c'est-à-dire il donnait son manuscrit et il avait le bonheur d'être édité, c'est tout?

L.D. : Oui, d'ailleurs, je crois que c'est lui qui est à l'ori­gine de l'entrée à la SACEM de Gabriel Clément parce que mon père étant de la SA CEM, il ne pouvait plus se faire éditer sans droits d'auteur. S.R. : Est-ce que vous connaissiez les autres éditeurs, est­ce que vous aviez entendu parler de Roy, de Dupeyra~ de Rougier? L.D.: Ah! Oui! S.R. : Est-ce que vous avez vu des catalogues d'eux?

L.D. : Non, parce que je pense que ces gens-là savaient que je travaillais pour Clément. S.R.: Vous n'avez pas été sollicité par ces éditeurs?

L.D. : Non, parce que je ne pense pas qu'à cette époque-là, les éditeurs sollicitaien~ c'est plutôt le compositeur qui sol­licitait l'éditeur, ça n'a pas changé!

• Orchestre Laurent Delbecq. Mâcon. Vers 1950. Coll. Delbecq. Photo A.D. 24.

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• Pierre de Belleyme. Extrait de "Iconographie des célébrités du Périgord ", par Reymond. 1863. Coll. Presbytère de Chancelade. Photo A.D.24.

, 1-- LE DISCOURS DE LA METHODE

Cartographie de la Dordogne. (1 ere partie : les cartes anciennes).

Les cartes à grande échelle constituent une des sources privilégiées à la recherche sur l'histoire locale. Elles fournissent en particu­lier de nombreux renseignements sur la toponymie, l'archéologie, l'agriculture et l'industrie, et permettent, par une étude com­parative, de mesurer l'évolution du paysage dans le temps.

Les cartes de Belleyme et de Cassini

La plus ancienne des cartes précises 1

concernant l'ensemble du Périgord est la fameuse Carte de la Généralité de la Guyenne, à laquelle est resté attaché le nom de l'ingénieur géographe qui en assura, à partir de 1766, la vérification et la coordination: Pierre de Belleyme 2.

Levées sur le terrain entre 1761 et 1774 pour la partie périgourdine, vérifiées entre 1773 et 1789, les premières feuilles ne furent défini­tivement gravées qu'à la veille et au tout début de la Révolution; un deuxième lot vit le jour entre 1804 et 1813, et celle de Terrasson entre 1829 et 1834 [ADD, 1 Fi Dordogne 13 ].

L'échelle en fut fixée à 2 lignes pour 100 toises (environ 1/43200), rapport qui confère

à ce document une valeur inestimable: limi­tes administratives, voies de communication (terrestres ou fluviales), types de paysages et de cultures, industries, habitat sont autant de thèmes d'étude qu'il est possible d'aborder avec confiance à partir de cette carte. Et il n'est pas besoin de rappeler la remarquable précision de la toponymie, que seule la grandeur de l'échelle permettait.

C'est à partir des minutes de ces feuilles que fut réalisée la partie aquitaine de la Carte de France que dirigeait Cassini. Mais l'échelle de cette dernière étant réduite de moitié (envi­ron 1/86400), elle n'apporte aucun élément nouveau et se révèle beaucoup moins précise que celle de Belleyme.

Sa seule faiblesse, d' ailleurs reconnue par son auteur, résidait dans sa conception même: description géométrique d'un territoire, elle ne représentait, selon les propres mots de Bel­leyme, qu'« une ébauche de topographie », et il serait imprudent de s'y référer pour y recher­cher une figuration précise du relief ou pour entamer une quelconque étude morphologique du Périgord. Ces insuffisances devinrent rapi­dement criantes, en particulier pour l'armée: la connaissance la plus exacte possible du relief lui était absolument nécessaire, et les feuilles de Belleyme et de Cassini se révélaient, dans ce domaine, totalement inadaptées aux exigen­ces des militaires.

La carte d'état-major

L'idée d'une nouvelle représentation de la France prit donc corps peu à peu, sous l'Empire puis la Restauration, mais ne se réa­lisa de façon systématique, pour la Dordogne, qu'entre 1839 et 1863. Levée à l'échelle de 1/40000, elle fut gravée à celle de 1/80000, avec une détermination précise des courbes de niveau. Dix feuilles la composent pour notre département.

1 - Nous ne prenons ici en compte que les représentations carto­graphiques dont l'échelle varie de 1/25000 à 1180000.

2 - Né le 17 mars 1747 à Beauregard (auj. Beauregard-et-Bassac, canton de Villam­blard), mort le 29 aoilt 1819 à Paris.

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N° Nom de feuille N° Nom de feuille

163 Rochechouart 182 Bergerac 171 Jonzac NE/SE 183 Brive NO/50 172 Périgueux 192 La Réole NE 173 Tulle NO/50 193 Villeréal NO/NE/SE 181 Libourne NE/SE 194 Gourdon NO

Mais la rapidité des progrès dans la créa­tion ou l'aménagement des voies de commu­nication amena les autorités locales, lorsqu'il s'agit d'extraire de cette carte de France une carte du département de la Dordogne, à enga­ger des frais et du personnel pour une mise à

jour des premières gravures. Cela semblait d'autant plus nécessaire que cet exemplaire, réa­lisé par report sur pierre des originaux sur cui­vre, devait servir de fond de carte à la Carte géologique de la Dordogne, à l'étude depuis déjà 30 ans. Ces travaux débouchèrent, en 1866, sur une version définitive de la carte à 1/80000 en 6 feuilles : Département de la Dordogne. Extrait de la carte topographique de la France levée par les officiers d'état-major et gravée au Dépôt géné­ral de la Guerre. Vote du Conseil Général des 24 août 1864 et 23 août 1865, Paris, 1866, Impr. Lemercier et Cie [ADD, 1 Fi Dordogne 25 ].

• La région de Cubjac, d'après la carte de Belleyme.

• La région de Cubjac, d'après la carte d'état-major.

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3 - Une version colo­rée en a été réalisée (couleurs différentes suivant les cantons) [ADD, 1 Fi Dordo­gne 27].

Les cartes thématiques ou spécifiques

Le dernier quart du siècle voit la mul­tiplication de cartes s'appuyant sur cette carte d'état-major, mais qui ne participent souvent plus d'un vaste projet national. Spécifiques à la Dordogne ou traitant d'un thème particu­lier, elles nous fournissent un témoignage inté­ressant sur l'équipement du département à cette époque, tout en permettant une étude de l'évolution toponymique en un siècle.

:~ 1874: Avant·projet d'un réseau de che­mins de fer départementaux: atlas des feuilles de la carte d'état-major au 1/800000, précédées d'une carte du département au 240000, par Far­gaudie [ADD, 1 Fi Dordogne 31].

:~ 1878 : Carte routière et hydrographique en six feuilles dressée par le service vicinal sous la direction de M Surrugue, agent-voyer en chef d'après le type adopté par le Conseil Général en sa séance du 26 août 1876. Publiée par le dépar­tement en 1878 sous l'administration de M Oustry, préfet (échelle: 1/80000); elle fut gra­vée par Erhard, à Paris [ADD, 1 Fi Dordo­gne 22 J.

C l,· 'A d'A l' , ette carte a mteret etre comp etee,

Pour en savoir plus

sur les feuilles même, par de nombreux tableaux statistiques. On trouve également représentée, sur la feuille nO 2, une carte des routes et des chemins de fer de la Dordogne et des départements voisins, à 1/864000, et la feuille nO 5 comprend un plan de Périgueux à 1/10000. Elle est uniquement topographique, se contentant de mentionner la cote au-dessus du niveau de la mer, et indique pour chaque commune le nombre d'habitants qui la constituent 3.

Cette nouvelle version de la carte dépar­tementale à 1/80000 fut réalisée en tenant compte de toutes les modifications intervenues en Dordogne depuis l'édition de 1866.

:~ 1880 : Carte routière et hydrographique du département de la Dordogne. [ 1 Fi Dordo­gne 33 ].

Présentée sous forme d'atlas, cette carte comprend, comme la précédente, un plan de Périgueux à 1/10000, une carte des routes et des chemins de fer de la Dordogne et des dépar­tements voisins à 1/864000, mais également une carte routière et hydrographique du dépar­tement à 1/480000. Le recueil comporte ensuite les feuilles à 1/80000 de chaque can­ton, par ordre alphabétique.

- BERTHAUT (Colonel), La carte de France, 1750-1898, Paris, Service géographique de l'Armée, 1898. - COLOMBE (Pierre), «Les signeaux télégraphiques optiques du Périgord », dans B.S.HA.P., t. 114, 1987, p. 127-129, + annexes:« 1: La carte du Périgord par de Belleyme (1781-1840) », ibid., p.130-134; et « II : La carte dite « carte d'état-major» à 1/80000. Les travaux en Périgord », ibid., p. 135-143. - DAINVILLE (François de, S.J.), La carte de Guyenne par Belleyme, 1761-1840, Bordeaux, Delmas, 1957. - VILLEPELET (Robert), «Le dossier du géographe de Belleyme aux Archives nationales », dans B.S.HA.P., t. 37, 1910, p. 91 [cf. aussi DURIEUX G.), ibid., p.112-113 J.

François BORDES

• Détail du tableau d'assem­blage de la carte de Guyenne dressé au 1/43200 par Bel­leyme. (Extrait de La carte de la Guyenne par Bel­leyme, par Fran­çois de Dainville. Delmas, Bordeaux, 1957). A.D. 24, B 488. Phato A.D. 24.

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, PALEOGRAPHIE _______ _

2tc.-n. (}mk~ j;~ <éffi P' aM voy

• Dénombrement de Losse. Sans date. AD. 24, 2 E 1828/14 - 34.

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Quelques indications pour lire.

- Les majuscules très faciles à lire notamment C (lignes 1, 3, 7, 10), M (lignes 5, 8), J, dépouillé au début de la ligne 2 (Jehan), puis pourvu d'une boucle supplémentaire dans le même nom (lignes 5, 8).

- h à l'intérieur d'un mot plonge au-dessous de la ligne dans Jehan (ligne 2). - p, j, q et y ont une partie descendante appuyée et bouclée qui parfois gêne la ligne sui-

vante: ce sont ces pleins qui caractérisent ce texte.

-l's final est tantôt relevé: Hellies (ligne 8), souvent en deux parties, comme dans: des biens (ligne 1).

- Les abréviations:

- abréviation usuelle du mot presens : pns CVL - les classiques: dudit (lignes 2 et 6). ~

audit (ligne 10). .

(ligne 11)

Le trait plongeant déforme la fin du mot.

- Monsieur, mestre (ligne 5), mestre (ligne 8). La plume est relevée, le mot est fracturé, la finale est en exposant.

La même technique est employée dans commissaire (ligne 7) et sénéchausée (ligne 9).

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Dénombrement de Losse fourni au Roy

1 C'est le dénombrement des biens tenus et posédés par Messire

2 Jehan de Losse seignieur dudit lieu, Thonnac, Peyriniac

3 Banes, Gaubert en Périgord, Calenave, La Barthe en Quercy,

4 et Belpeuch en Languedoc, qu'il ballie et remet par devers

5 vous Monsieur mestre Jehan de Marqueyssac, escuyer, seignieur

6 dudit lieu et de Bruzac, juge maige présidant présidial

7 et lieutenant général en Périgord, commissaire pour le Roy

7bis sur le faict des hornages a luy deubs en ladite seneschausée

8 député, en présance de mestre Hellies de Jehan, procureur

9 du Royen icelle sénéchaucée du Périgord, en suivant la vollonté et

10 commandement du Roy et exploitz balliés audit sieur de Losse

11 le second des pré sens mois et an signé ? sargent

12 royal.

- Les abréviations par contraction finale: le mot se termine par un trait relevé très appuyé: .' dénombrement (ligne 1), commandement (ligne 10).

Dans: lieutenant (ligne 7), la contraction est indiquée par une finale plongeante: lieut If Le mot: procureur (ligne 8) est contracté par un signe abréviatif tracé sans quitter le support.

- L'orthographe:

seignieur pour seigneur (lignes 2 et 5) balliés pour baillés (ligne 11). deubs (ligne 7bis) : vient de debvoir.

RemaiqIJe, - Le nom du sergent royal qui comprend une abréviation est impossible à traduire: e<e? On peut transcrire cha ... , la fin comporte trop de risques d'erreurs.

Raymonde SARLAT

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PAROLE DE LECTEUR ------1

Interview de Mona Siegel.

François Bordes: Mona Siegel, est-ce que vous . , , poumez vous presenter, presenter votre cur-sus universitaire?

Mona Siegel: Je suis en train de faire mes étu­des pour un doctorat d'Histoire. J'ai com­mencé mes études universitaires au Colorado, où j'ai étudié la langue et la littérature fran-

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çalse ; Je croyaIs contmuer, mals ce qUI m mte-ressait, c'était le milieu culturel, pas vraiment la littérature, la grammaire en tant que telles. J'ai donc décidé de continuer mes études, mais en histoire au lieu de la littérature et j'ai laissé de côté l'histoire littéraire, pour l'histoire sociale. J'avais commencé dans le pacifisme en général. Ma maîtrise portait sur la Ligue Inter­nationale des Femmes pour la Paix et aussi sur le mouvement surréaliste et ses idées pacifis­tes, et j'ai trouvé que c'était intéressant. Mais mon problème était que c'étaient des gens un peu à côté de la société; ils avaient des idées très intéressantes, mais ça restait marginal pour l'époque et je voulais un sujet qui me laisse entrer davantage dans la société française. F.B. : Comment en êtes-vous arrivée à vous intéresser à la Dordogne ?

M.S. : Je suis déjà venue en Dordogne en tant que touriste, cela me plaisait beaucoup. Et à la Bibliothèque de Wisconsin, aux Etats-Unis, ils ont les répertoires des archives de la Dor­dogne et je savais déjà qu'il en existait un très bien fait sur l'enseignement ici et c'est donc pour cette raison que je suis venue il y a deux ans. A ce moment-là, je suis venue ici et à Avi­gnon mais il y avait beaucoup plus d'éléments en Dordogne. Je ne pouvais presque rien voir là-bas: c'est pas encore vraiment classé. Je crois que ça reste dans les boîtes, dans les greniers en fait, c'était trop difficile. Tandis qu'ici j'avais trouvé tout ce qu'il me fallait et j'avais décidé d'y retourner. F .B. : Vous étudiez donc le pacifisme à travers une profession qui a été un des vecteurs de ces

idées entre les deux guerres, celle d'instituteur.. Ecole de Saint-Pancrace, 1935. M.S. : Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que

les historiens, les sociologues ont déjà beau­coup écrit sur les instituteurs avant la première guerre mondiale, le rôle des instituteurs sous la Ille République: avec, par exemple, le « Tour de France par deux enfants », on a très bien étudié le rôle des instituteurs à cette époque-là. Entre les deux guerres, on a déjà fait des recherches sur le syndicat national, mais c'était jusque-là, en fait, le côté syndicaliste de la vie des instituteurs et c'est avec ces travaux qu'on a pas mal écrit sur le pacifisme des insti­tuteurs, parce que c'était le syndicat national, à la fin des années 30, qui a fait une démarche pour la paix, au moment de Munich. Sinon, on a les écrits de Pétain en 39-40 disant que c'est la faute des instituteurs si la France a perdu la guerre, et je voulais savoir en fait qu'est-ce qui est arrivé à ce moment-là, entre les deux guerres, ou plutôt qu'est-ce qui se pas­sait à l'école entre les instituteurs et les élèves, loin de Paris, loin du Bureau du Syndicat, pour voir s'il y avait vraiment eu un changement d'idée en France en général.

F .B. : Et vous travaillez uniquement sur la Dordogne ou sur d'autres départements?

M.S. : Je travaille sur la Dordogne et je compte

Coll. Jamain. Photo AD. 24.

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• Mona Siegel et Madame Jamain, institutrice à la retraite. Coll. Jamain. Photo A.D.24.

travailler sur la Somme aussi, parce que je vou­lais choisir un département au sud, bien éloi­gné de Paris, mais aussi prendre un départe­ment frontalier. J'avais essayé dans le départe­ment du Nord, mais là il ne restait pas de docu­ments, et donc j'ai pris la Somme qui était à moitié envahie et qui ne pouvait pas avoir le même rapport avec l'Allemagne, avec les voi­sins, que la Dordogne par exemple. Mais je ne suis pas allée encore dans la Somme.

F.B. : Au niveau méthodologique, vous avez une démarche intéressante, puisque vous tra­vaillez à la fois sur de l'écrit et sur de l'oral. Donc, qu'est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet? Quel est l'apport de l'écrit, qu'est-ce que vous trouvez dans les archives, et d'un

" , d d autre cote, qu est-ce que vous atten ez es entretiens que nous menons avec vous sur le projet des instituteurs entre les deux guerres?

M.S. : Déjà, ce qui est magnifique avec les entretiens oraux, c'est qu'on peut poser les questions. Suivant que je suis aux Archives ou à la Bibliothèque, j'ai les sources devant moi et j'ai des trous partout, des questions que je veux poser, mais le papier ne me répond pas. Par exemple, j'ai eu les manuels scolaires de l'époque que j'ai regardés, les manuels d'his­toire en particulier, mais c'est impossible de savoir comment les instituteurs les ont utili­sés. Est-ce qu'il fallait apprendre par cœur les leçons, ou est-ce l'instituteur qui apprend les leçons et, partant de là, parlait plutôt de l'his­toire locale? Donc là, on essaie de poser les questions: comment avez-vous choisi le manuel, comment l'avez-vous utilisé dans la classe? Donc c'est plutôt le côté un peu humain qu'on trouve avec les entretiens oraux. Par contre, en parlant aux instituteurs eux­mêmes, il y a un problème de décalage entre la mémoire et l'histoire. J'ai déjà rencontré des

gens, je le sais très bien, qui disaient des cho­ses à l'époque dont ils ne se souviennent plus maintenant et c'est un problème en tant qu'historien ...

Sylvain Roux: Ou ils ont changé d'avis ...

M.S. : Oui, La mémoire, ce n'est pas du tout la même chose que l'histoire en fait.

F.B. : Est-ce que l'enquête orale se pratique beaucoup aux Etats-Unis dans le milieu universitaire?

M.S. : Je crois qu'on est beaucoup plus méfiant en France, dans les Universités, vis à vis des sources orales qu'aux Etats-Unis où c'est plus utilisé.

F.B. : Est-ce que vous avez déjà une vue de la mentalité des instituteurs en Dordogne, entre les deux guerres, avec les quelques entretiens que vous avez déjà menés, avec les dossiers que vous avez vus dans nos archives. Est-ce que vous pouvez déjà analyser l'importance du rôle des instituteurs dans la transmission de ces idées pacifistes ?

M.S. : Oui, je commence à voir plus clair. e' est -à-dire que ce qui est très intéressant dans ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, c'est que je crois qu'ils ont tous dit: « Oui, j'étais pacifiste à l'époque ». Ils n'avaient pas de pro­blème, en disant « Moi, en tant qu'individu, j'avais des idées pacifistes. Peut-être que ce n'était pas bien, mais à l'époque, il y avait des raisons ».

Ils ont tous dit aussi que ça n'entrait pas dans la classe, que la politique c'était autre chose que la pédagogie, et je suis en train de me deman­der maintenant si ce n'est pas une question plu­tôt de définition que l'on donne à la politique, surtout chez les femmes avec qui j'ai parlé. Elles ne pouvaient pas voter à l'époque; la politique, c'était le domaine des hommes, et ce qu'elles faisaient en classe, c'était autre chose. Mais, pour moi, dire aux élèves que la Société des Nations était quelque chose de magnifique et qu'il fallait avoir confiance dans la Société, c'était de la pédagogie politique, et donc je crois que c'est un peu pour ça que je ne reçois pas les réponses que j'attends. Mais cela ne veut pas dire que la pédagogie n'avait rien de politique en fait, et quand ils parlent des fêtes du 11 novembre, par exemple, où presque tous ont des souvenirs assez forts d'avoir amené les élèves aux Monuments aux Morts, des fois pour chanter la Marseillaise, d'autres fois pour lire des poèmes pacifistes de Victor Hugo ou d'autres, on voit bien que la mémoire de la première guerre mondiale ren­trait dans l'école.

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