MÉLANGES CAROLINGIENS

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.444/ ' MÉLANGES CAROLINGIENS I n VETERES DOMUS On désigne sous ce nom une localité où Charles le Chauve et le roi des Bretons, Érispoli, conclurent un traité d'alliance le 10 février 856. Son emplacement est certainement dans le bassin inférieur de la Seine, mais aucun des érudits qui ont tenté d& l'ident-i6er n'a pleinement réussi. On peut écarter immédiatement Trouville avancé par l'abbé Lebeuf' et Auguste Le Prévost'. Ni le nom ni la situation' .n'auto- risent cette identification de pure fantaisie. M. Lair a proposé ((le Manoir» dans la commune de Pitres (Eure) h . M. Giry, après une conjecture sur laquelle nous allons revenir, a conclu que la localité avait disparu sans laisser de traces comme tant d'autres centres d'habitation de la Normandi&. Dans son précieux atlas 1. Sur la situation de deux anciens palais des rois de France, dans l'Histoire do l'Académie des inscriptions, anc, série, t. XXV. 1759, p. 123-129. 2. Notes pour ser,,ir à l'histoire de là Normandie, dans I'Annuai,'c des cinq départements de l'ancienne No,'m.andic, 1835, p. 24. 3. Voy. les remarques de M. Jules Lair, dans son mémoire sur les ori- gines de l'évêché de Bayeux, dans la Bibliothèque de l'École des citartes, t. XXIII, 1862, p. iO, note 5. 4. Dans son édition de Dudon de Saint-Quentin; p 155, note b. « Ve- te,'ae dom us pourrait être devenu le Manoir et on pourrait l'avoir aban- donné pour le nouveau palais de Pistes, dont les Carlovingiens avaient l'ait leur principale défense sur la Seine, » 5. Sa,' la date do dcxc,,. diplômes de , l'église de Na nies, et du l'alliance de Charles le Chaaoeaoec Érispoc, Rennes, 1898; in-8', p. 13, note (Extrait des Annales çle Breta.gnc, t. XIII, p. 485-508). I Document V II II II II III LVI II D ID 0000005781867

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MÉLANGES CAROLINGIENS

In

VETERES DOMUS

On désigne sous ce nom une localité où Charles le Chauveet le roi des Bretons, Érispoli, conclurent un traité d'alliancele 10 février 856. Son emplacement est certainement dansle bassin inférieur de la Seine, mais aucun des éruditsqui ont tenté d& l'ident-i6er n'a pleinement réussi. On peutécarter immédiatement Trouville avancé par l'abbé Lebeuf'et Auguste Le Prévost'. Ni le nom ni la situation' .n'auto-risent cette identification de pure fantaisie. M. Lair a proposé((le Manoir» dans la commune de Pitres (Eure) h . M. Giry, aprèsune conjecture sur laquelle nous allons revenir, a conclu que lalocalité avait disparu sans laisser de traces comme tant d'autrescentres d'habitation de la Normandi&. Dans son précieux atlas

1. Sur la situation de deux anciens palais des rois de France, dansl'Histoire do l'Académie des inscriptions, anc, série, t. XXV. 1759,p. 123-129.

2. Notes pour ser,,ir à l'histoire de là Normandie, dans I'Annuai,'c descinq départements de l'ancienne No,'m.andic, 1835, p. 24.

3. Voy. les remarques de M. Jules Lair, dans son mémoire sur les ori-gines de l'évêché de Bayeux, dans la Bibliothèque de l'École des citartes,t. XXIII, 1862, p. iO, note 5.

4. Dans son édition de Dudon de Saint-Quentin; p 155, note b. « Ve-te,'ae dom us pourrait être devenu le Manoir et on pourrait l'avoir aban-donné pour le nouveau palais de Pistes, dont les Carlovingiens avaientl'ait leur principale défense sur la Seine, »

5. Sa,' la date do dcxc,,. diplômes de , l'église de Na nies, et du l'alliance deCharles le Chaaoeaoec Érispoc, Rennes, 1898; in-8', p. 13, note (Extraitdes Annales çle Breta.gnc, t. XIII, p. 485-508).

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historique, M. Longnon ne fait point mention de « Veteresdomus », sans doute parce qu'aucune identification ne lui aparu satisfaisante'.

Rappelons brièvement les textes qui mentionnent Veteresdoi'nus:

1° Deux diplômes de Charles le Chauve du 10 février 856,donnés e in Vetere domo' ». Rien n'y détermine la situationde ce lieu.

2° Un passage des Miracles de saint Germain d'Auxerre,composés à la fin du IXe siècle par Heric, va heureusementnous apporter des renseignements plus précis;

e Practerea in pago Rotomagensi regius flscus est quem» incolae, oh palatii antiquitatem, Veterern Domuni nun-n cupant; capeUa, palatio contigus, beati Germani famosan nomine, illustris mente, signorum dote summam sibi facile» venerationem obtinuit;.. Rex Carolus hue fortasse deveneratn cum Henispogio, duce Britonum, placitaturus, acseria quaequen deregni negotiis tractaturus. lime, ut in tanto conventui assolet, immodica turba pauperum'undecumque confluxit;n inter quospuellâ cjuoque muta adfuit, etc. 1-mie miracuton fut e±titcre testes quot ad hujus generalis conventus specta-n culum e cunetis regni partibus occurrere potuerunt'.»

Ainsi Velus domus ou Veteres dornus était en Roumois.C'était un domaine royal avec un vieux palais dont la localitétirait son nom. Près de ce palais était une célèbre chapelledédiée â saint Germain, renseignement dont nous tireronsbientôt parti.

1. On peut négliger l'opinion de M tm ' Philippe-Lemaitre qui, sans aucunargument sérieux à, voit dans Velcros donirts un vaste clos, dits Clos à la reine n, faisant partie de la commune de Voiscrevilte (Eure,arr. Pont-Audemer, canton Bourgtheroulde). Voy. Recueil des tracauxde la Société de l'Eure, t. X, (1839), p. 381-392. Cette reine est sans douteMathilde, fille de Henri P. li n'y a là, du reste, aucun vestige de palaisantique. Voy. Auguste Le Prévost, Mémoires et notes pour servir à l'his-toire dit l&pa;-tenient do l'Eure (Évreux, 1864), t. III, p. 389.

Î. Giry, toc. oit,, P. 15-16,3. Dans Duru, Bibliothèque /tistoriqtic de l'Yonne, t. II, p.,144.

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30 En 868, Joseph, ancien notaire de Pépin 11 d'Aquitaine,passé au service de Charles le: Chauve et devenu précepteuret chancelier de son fils Louis H, mit au net un récit de laTranslation des SS. Ragnobert et Zénon, commencée unevingtaine d'années auparavant'; on y trouve un passage surVeteres dornus

(t Karolus denique rex Franciae, Aquitaniae, Niustriae gb-» riosissihius, dobore dentium tactus, vota ad heatorum corpora» tonfessorum misit, stitim reinedium adeptus est. Gui noN-n lissimâ conjux Herinentrudis, venerahilis regina, oh munifl- --n centiae suae pietatis meritum, petiit praefati magni6cen-» tissimi Karoli regis magniflcentiam ut aliquid proprii» largiri dignaretur sapetis confessQribus. Cujus petitioni,n favente lJeo, annuit aô suac pietatis donum, oh suae vene-n rabilissimae conjugis meritum, eisdem heatis confessorihusn largitus est, atque per alictoritatis suae praéceptum ibidemn res cum omni integritate quas in juris heneflcio hahere 'isusn fuit, perpetue habendum tenndumque confirmavit... Qua-» propter villamquae vocatur Votera (sic) Douais venions, venitn ad eum ibi Brittonum Hilispogius princeps curn fluo praefatin sublirnissimi Karoli regis, Hiudovico nomine, ibide.mque

Hilispogius (sic, pour Karolus), consi]io cum principibus». Francoruin nobi1ibis [habite), Hiudovico filio suo regnumn Niustriaededit, et inhacregni parte oum regnandum consti-.n luit, et in eodern placito, oh maximae suae conjugis nobilis-n •sirnae Hermentrudis devotionisque petitionem, beatis confes-n sciribus, veluti allis plurimis sanctorum. iocis,desuo Jargitusn est ad servorum ])ci ibidem Deo tamulantium stipendia.n Unde, largiente.Deo, curn alus quibuslibet rebus quas ibidemn Deo timentes contuleiunt, ejusdem ecclesiae fratres viveren queant. Maxima autem reginarum Hcrmentrudis non sobuinn regem ad hoc agendum provocavit, sèd etiam pallium adn beatoruin corpora confessorum misit, dicens n ex rebus

L Voy. Levillain, dans k Moyen. Age, 1004, p. 294403. La date estcontestée par L. Duchesne, dans Anal. Bolland., XXIV, 105.

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4 F. LOT [468]

n impetratis rneorùrt peccaminum veniam ad vitam Sernamn adipisci mcmi' et pallio iïiisso pectôris mci infatigabilemn dolorem sentire praesentialiter quaero. n Quod ita Mci ipsiusn comperimus fuisse, qui nec jam in primo gloriosi régis

Hiudovici arme, scilicét filii magni regis Karoli et Hermen-n trudis, nobilissimae conjugis ejus gloriosaeque reginae, pron amore Dei omnipotentis et beatorum Ragnoberti confessonsn atque pontificis sociique sui sancti Zenonis confessons voue-» ratione contulerunt 1 . n -

• Nous savons où étaient les corps des saints personnagesdont Faction bienfaisante coupa la rage de dents du roiChartes. En 846, un pieux seigneur de Lieuvin, Hervé, averti -par une vision, les avait enlevés de la vieille église abandonnéedé Saint-Exupère de Bayeux et les avait transportés sur sondomaine propre en l'église de SaintVictor, aujourd'huiSaint-Victor d'Épines, commune du caiitbn de Brionne (Eure,arr. Bernay). Plus tard une autre église fut bâtie pour rece-voir les précieuses reliques A Sujacum. La dédica'ce en futfaite solennellement par Frecoux, évêque de Lisieux, l3âufrey,évêque de Bayeux, et -Ansejoud, évêque d'Avranches. M. Lait"a identifié Suacunz, selon toute vraisemblance; avec Notre-Dames d'Épines, dâns le même canton de Brionne.

Le récit de Joseph donne tout lieu de croire que Vc1ei'eclomus, n'en était pas frtéloignéet, comme ce palais était enRoumois, il était vraisemblablement dans la partie qui avoi-sine la Seine, de préférence dans la portion située sur la rivegauche. C'est ce qu'a bien vu M. Giry'. Ne pônvant retrouverVeercs dornusil a pensé que cette localité avait pu prendre lenom du saint auquel était dédiée la chapelle palatine, et il a

1. 7'rau.ç(atio SS. J?uqnobarti episcopi l3aioccnsis et Zehonis, dansBollandistes, Acta Sà'ici., mai, t.. III. p. 624; d'Aohery, .Spicileqium,\fl p. 619-020, piéJôi'able à L'éd, in-folio, t. II. p. 127-133; !Iist. de France,t. VII, p. 366-367.

2. Origiws de l'évêché de Bayeux, toc. cit., p. 102, note 2L3. Loc. ci(., p. 13, note j;

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cherché entre la Seine et la Rille un Saint-Germain quirepondit .ux données des textes, mais ajoute-t-i], « j'ai vai-Veillent cherché. s - -

On peut dire que notre cher-maitre a touché dit doigt lasolution de ce petit problème qui n'offre. aucune,Saint-Germain est un, faubourg de Louviers et Velusdomiis ou Veteres domu.s n'est autre que Louviers'.- Un dernier texte, négligé y" M.Giry, va achever ht'. démons-tration. Dudon de Sairit-Quentin nOLIS raconte longuement lafaineilise expédition des Normands contre Paris en 885. Aprèsêtre entrés en Seine et s'être emparé de Rouen (25 juillet),Rollon et ses compagnons remontent le fleuve n ad Ar'chasusque quae As Dans dictur' ». Il s'agit de Pont-de-l'Archeet du hameau appelé aujourd'hui encore « Les Dan'ips u.Rollon ne pouvait Sans doute remonter plus haut, â cause duPont de Pitres, bâti par Charles le Chauve. II s'arréfa et sefortifia. Les Francs résolurentalors d'attaquer les envahisseurs.Une immense armée, se rassembla près de la rivière de l'Eure(super Otliurae jiun-u'zis clecursu?h) sous la conduite deRainaud, duc du Maine. Après une vaine tentative de négocia-tions avec Rollon, les Francs, ayant ouï la messe etcommunié au petit jour en l'église SainVGernai n, ch(,, vau-chèrent â la rencontre des Danois. Ceux-ci avaient tiré leursnavires sur le rivage et 's'étaient retranchés derrière unrempart de terre, en laissant libre une large ouverture Leporte-étendard Roland s'y étant engagé imprudemment futmassacré'. A cette vue, Rainaudet le reste de Variée franque

1, C'est en 1a30 que la Capella s-ancti termani fut, érigée en paroissede la villa. Voy. Le Pmvost, 31d,noires..., t. II, p. 352 et 353»

2. De n,oribus cc actis prisnoiurn. Norinanniac ducun,, &1 . J. Lait,p. 153-154 (Mâ,noi,-cs.de /tt. Société dc.q •Antiquai,es de Norrnandie, série

t. XXIII, 1865).3. Cet épisode n'aurait pas été sans influence sur la for'nntion de la

Chanson dc Roland, Selon Bartnlo Faggion, Le i.n.cu,'sioni de' Noy'rnanniin Francia e la Chanson de Roland, 1902, in-4', bi-. de 12 p. extr. de larevue li Saggialo;'c. Cette thèse, que le ne connais que par le compte tendu

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prirent la fuite. Rollon, vainqueur sans combat, remonta jus-qu'à Meulari où Rainaud tenta de prendre sa revanche. Mais,voyant les siens plier, il s'enfuit t brides abattues et fut tuéPar un péche .ui' 1 .-

lin semblable récit ne laisse point de doute sut' la positionde Saint-Germain et par suite de ' Vete,es Dornus. Cette loca-lité est sur l'Eure ou près de l'Eure et proche de Pont-de-l'Arche. Louviers avec l'église de Saint-Germain à 10 kilo-mètres au sud de Pont-de-l'Arche, convient parfaitement'. LesFrancs, après avoir campe et prié â Veleres dornus; ont marchésur les Danois en suivant une voie antique ¶. Leurs flancsétaient protégés à droite par l'Eure, à gauche par la grandeforêt de Bord.

Comment, une identification aussi aisée a-t-elle pu échapperau savantéditeur de Dudon de Saint-Quentin? Nous croyonsque M.. Lait s'est laissé induire en erreur par' les AnnalesVçdastini, ou plutôt qu'il amal interpr

été un passage obscurde cette chronique. Voici ce qu'elIe.rappoi'te sous l'an 885

o Mense itaque jnlio, viii kid: augusti, Rotornagum civi-n tatem ingressi (Dani) cura omni exercitu Francique ces» risque in dictum locum insecuti sont. Et quia necdurn eorurn» naves advenerant, cum navibus in Sequana repertis fluviurpn transiérunt et sedem firmare non desistunt. Inter haecn otaries qui morabantur Neustria atque Burgundia adunantur,n et collecte exèrcitu adeniunt quasi debellaturi Nortmannos.'n Sed, ut congredi debuerunt, contigit ruere Ragiioldum, du-

de M. Beeler'(dans Littcraturbla 11f. qe;"flan. u. roman. Phiiologie,1908,p. 249), me semble apriori fort peu vraisemblable.

L De moribus et actis prim.orum. Normanniac ducum., éd. J. Lait', p. 154,157. (Mémoires ac la Société des Antiquaires de Normandie, série in-40,t. XX1li,1865).

2. C'est ce qu'a-bien vu M. Favre, Eudes. comte, de Paris et roi deFiance, p. 18, note 5 (Bihtiothéque de l'École des hautes études,fane. 99).

3. Le Prévost, toc. cii., t. II, p. 235, et dans Paul Dibon, Essai lilsioriquesur Loaoiersfflouen, 1836, in_80), p 11. note 1.

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e cern Cinomannicum cum paucis, et bine rediei-e omnes ade loca sua cum magna tristitia ; nil actum utile' o

-Laissons de côté la question secondaire de lieu et de tempen ce qui touche la mort de Raina6d. Le problème porte sut- laphrase « quia necdurn corurri naves ad venerant e. M . Lair'croit qu'elle concerne les Francs « les Normands s'étaient» établis sur la ri'i&'e, pouvant au besoin se transporter sur

- » l'une ou sur l'autre rive. Les Français arrivèrent alors pa-r» la rive gauche de la Seine et s'arrêtèrent tout riaturellemetite au confluent de ce fleuve et de l'Eut-e, super OtIiuraejluminisn decui-sum. C'est là que dur-eut avoir lieu les entretiensdes- -» parlementaires. L'annaliste français complète ici et explique» en môme temps le texte du chroniqueur normand Ragno]d» n'avait pas- de vaisseaux. Il dia pour, passer sur la rivee droite de la Seine se servir de quelques barques t-r'ouiese par hasard. Ensuite -il s'établit un peu en avant de Pistes et;) du Manoir et s'y retrancha. De leur côté, les Normands see fortifièrent, et l'on peut croire; d'après les termes dont se» sert notre auteur, qu'ils avaient tiré leurs barques sur lee rivage, in ripa fiurniais tiaQes Daco.9que in munhiniflee aculsac ter-rae -e;

On voit de suite l'arbitraire de cette- combinaison. Dudonne parle nullement de la traversée de la Seine par les Francs.Il dit formellement que le camp des Normands est aux Darnps,autrement dit Pont-de-l'A'che, donc sur la rive gauche. C'estlà que les Francs, parti's de l'église Saint-Germain, près del'Eure, vont les attaquer, et il est visible que cette localité estproche du camp des barbares etsur la même rive. Si Ton veutà toute force que la phrase « quia necduin . coi-uni naves adve-nerant )) s'applique aux Franci, il faut comprendre par ce motles habitants du pays entre Meuse et Seine, lesquels auraientpassé en barque sur la rive gauche pour rejoindre les Nous-

1. Voyez l'édition de l'abbé Dehaisnes, à lasuite des Ann1ês dc 'Saint-Bcrlin (Société de l'histoire de France), p. 321-322.-

2. Éd. de Dudon, p - 154, note a.f)

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S .-FLOT

triens et les Bourguignons commandés par llainaud,etcclui-ci,h la tête de ces trois erps, mériterait presque le titre de« princeps totins Franiae » que lui attribue Dudon-

Une autre. interprétation, et plus vraisemblable, a étédonnée pdr M. Édouard Favre'. La phrase en question concerneceux des Normands qui venaientpai' terre de Louvain, suivisde près par les Fianci. Cer.u&ci sont les Francs dits de l'Ouest(par opposition aux Lorrains et aux Franconiens) qui, appeléspar l'empereur Charles III, ont participé au blocus de Louvainvers Je mois de juin, et se sont attirés cette raillerie sanglantedes barbares e Pourquoi venez-vous nous trouver? c'est mu-» tile; nous sa'ons qui vous %tes.Vous voulez que nous retour-» nions chez véus, c'est ce que nous ferons' o. Arrivés à Rouen,les,Normands de Louvain eurent une déception : leurs naviresn'étaient pas arrivés. Or, s'ils étaient braves, ils étaient égale-ment prudents; auss i, en atteidanticurscnmpagnons, ilsjugérentbon de mettre le fleuve entre eux , et l'armée franque qui lessuivait de près; 1k réussirent à échapper â leurs ennemis, grâceâ. quelques 'barques dont ils se saisirent, et psèrent la. Seine.Peu après, la grande flotte, venue de tous côtés, d'AngIetei'redes bouchesde I'Escai, t. des bouchesdu Rhin. lit son apparition.La masse des Normands, dont Rollon, quoi qu'en dise Dudon,n'était pas le principal chef, remonta alors le fleuve depuisRouen, mais se vit barrer le chemin parle fameux pnt dit « dePitres o, construit sur !'or'dre de Charles le Chauve, de 862 â873'. Il fallut s'arrêter, tirer les navires sur le rivage et cons-truire des levées en térre, dont les restes étaient encore visiblesplus d'un siècle après, et qui conservèrent le nom des envahis-seurs, As Dans (net Danos), aujourd'hui « Les Damp»..On ne

1. Op. cit.., p. 1718. Voyez aussi Dùrnmler, Gcsc/iiche des Ostfrdnlc-tschen Reicf#s, t. 111 p. 247, note 1.

2. Ahanles Vedasilai, an. 885. p. 221 « Francosque qui venerant ex» reg no Kartôn]anni irrisere Dani.: ut quid ad nos venistis? non fuit ne-,e cesse; nos scimus qui estis; et vultis ut ad vos redeamusquod faeieus.»

3. VOy. le Mékihgc suivant.

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sait ce que devinrent les Franci, s'ils rest.èrént 'ur hi rivedroite ou s'ils passèrent sur la rive gauche '(en amont de Pont-de-l'Arche). Le plus probable est qu'ils se dispersèrent etqu'une partie d'entré eux, sous les ordres du comte Aleran,alla fortifier Pontoise et y tenir garnison'. Mais, si la rivedroite du fleuve fut abandonnée, il n'en fut pas de même de larive gauche. Déjà sous Charles le Chauve sa défense étaitconfiée aux Neustriens, tandis que celle de l'autre rive incom-bait aux Franci 2 . Aux Neustriens se joignirdnt les Bourgui-gnons et les deux corps, réunis sur l'Eure sous la conduite duduc du Maine, allèrent livrer aux Normands du Pont-de-L'Ai'che l'engagement malheureux dont il a été question plushaut.. On peut supposer que le camp normand était en avant dehi tète du pont de ht rive gauche, pour empêcher les Neustriensde' ravitailler les défenseurs de cette lignefortiflée'.

De toutes manières, on le voit, l'interprétation de M. Lair,qui place sur la rive clt'oitelc camp des Danois et met celui desFiançais au Manoir, près d6 Pitres, est inadmissihlq. L'infati-gable érudit normand se trouve ainsi puni peur n'avoir pointaccordé autant' d'attention qu'il en méritait en la circonstance'ati chroniqueur dont il a entrepris, cependant, l'apologie!

Louviers étant résidence royale appartenait au tise. On s'ex-plique donc que cette localité et le pays environnant aientfait partie du domaine des dues de Normandie, du xe sièbleà 1197': Après le traité de .Saint-Clair-sur-Epte, te chef des

1. Nous Consacrons une étude spéciale à eeperson nage dans la J?ûnmenw,t. XXXIII, 1904,p. 145-159.

2. Ainsi en 865.' Mais, tandis que les Neustriens, gardes de la rivegauc]ie, réussissaient k mettre en fuite les Normands qui voulaient sediriger sur Chartres, les Francs, chargés de surveiller la 'rive droite, sousla conduite des comtes Maté, Utton et Bérenger, manquèrent à leurdevoir. Voy. Annales Bem'tiniani, éd. Waitz, p. '79 et 80.

3. II parait probable que les défenseurs du pont fortifié ont résisté assezlon gtemps. , pu isque les Normands on(, mis quatre mois pour remonter deRouen à Paris, où ils arrivèrent seulement le 24 novembre,

4. Plusieurs donations des ducs Richard J!T(943_996) et Richard 11(1026)ne laissent point de doute à ce sujet. Le 16 octobre 1197, Richard Coeur-

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s--

101 F. LOT -[ 474]:

Normands mit la main surtoUs les- biens du fisc clans lacon-trée qui lui fut cédée.

Un derniermot. Nous venons de montrer que Velus domus- ou VeteFes dornus n'était autre que Louviers. Comment s'ex-pliquer le changement de nom de cette localité' ? - -

- Nous croyons qu'en réalité elle n'a pas changé de nom, ou -- fort peu .Louoie;'s correspond â Locos vetei'es.

•Les graphies Loyers, Loviers qu'offrent différents textes• du x°, xI e , xIÏ C siècle', les.Loo/ers ou Louoie,;s' du x iii o siècle,

ne laissent pas tout d'abord que de faire obstacle la dispari-tion du c semble douteuse. Mais la forme Loloers (pourLocuers) d'une charte du duc Richard, en 1027', le Locoies duCartulaire du chapitre de Rouen, â la fin du XII' siècle', et

de-Lion céda Lo,iviers, etc.,à l'archevêque de Rouenen échange des Andelys.- Voy. Le Prévost, op.. ciL,t. Il, p. 335, 344. Les textes sont cités dansTh. flonnin, Cartulaire de Loutiers (Évreux, 1870-78, 4 vol. in-4'), t. I,p. 1-115.

1. 3e ne cite que pour mémoire les étymologies celtiques de fartaisiedonnées par'GuiI]aume Petit, Histoire rio touriers (Louviers, 1877,p. 47 sq., et Caresrne et Charpillon, Dictionnaire historique, g&og,.aup/i.ique et statistique du d'Jpa,'tenent de l'Eure (Les Andelys, 1879, 2 vol.

t. Il. p. 458. -- Quant k l'origine e saxonne o dont parle Le Prévost(op. oit., t. II. P. 335),j'ignore sur quoi elle se fonde. L'étymologie lupariace tanières k loup n, proposée par Dudon (op cil., p ' 2 'et, 3). est - -aujourd'hui abandonnée.-

2. L'acte le plus ancien, celui de Richard I, présente Loriet's (Donnin,p. 2), mais il n'est connu que par des transcriptions des xcii' et xiv siècles

- qui ont pu modifier la graphie de l'original. Des témoignages de 1080- 1164, 1183, 1194, 1195, etc., offrent Loriers, Locerits, Loce,'s. Voy. !3los'

seville, Dictionnaire topographique de l'Eure, p. 128; Le Prévost, op. oit.t. 11, p' 347; Bonnin, Cartulaire de Louviers, n" j , ii, iii, iv, vus.XLVIII, P. 1-57, etc.

•3.- Les témoignages en sont si nombreux, qu'il est impossible et inutile-. -de les énwuérer: il suffit de renvoyer aux ouvrages cités k la note précé-

dente. - - -4. Honni n, 0/,. cd., n' il, P. 5. d 'aprS le Cartulaire de Juin iûges aux -- -

Archives de la Seine-Inférieure à Rouen, lequel date du xiii' siècle. -5. Cité par Ulosseville, op. cii.

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même l'aimable fantaisie Locus yens' laissent, â. dtransparaître l'étyrnoogie'.

Louviers, qui apparaît sous lerègne de Richard . 1er (9439Si6), n'est autre que le vieux domaiie royal carolingien)Veteres domits, bâti lui-même probablement sur l'emplacementd'une villa romaine ou mérovingienne?,

**

Le présent mémoire était rédigé depuis près d'un an quand•mon ami M. Leviliain voulut bien (par une lettre dû 2juin 1904)attirer mon attention sur des identifications de Veteres doinusqui m'avaient échappé. Ni Vieux-Manoir, vers Saint-Ser-main-des-Essourds (Seine-Inférieure, arr. Rouen, cânt. Buchy),auquel songea un instant l'abbé .Cochet', ni Vieux-Maisons,hameau près de Saint-Germain-sur-Saulne (Seine-Inférieure,arr. et catit. .Neufchâtel), avancé par un anonyme dans la

1. On la trouve pour la première fois dans une charte de Saint-Taurind'Évreux datant de 1212. Voy. Le Prévost, op. oit., t.JI, p. 348.— On trouveLococeris gravée sur une croix de pierre érigée k Rouen pour perpétuérle souvenir de la négociation de 1197, fort avantageuse k l'archevêque.Voy. Bonuin, op, cil., II' LXXVII, P. 115.

2. Cette étymologie trouverait sa confirmàtioii dans la forme Locoerque présentent les p l us anciens actes de l'abbaye de Conches (fondée en1033) au dire d'Aug. Le Prévost (op. cil., Il, 334) et de Guillaume Petit (o».cil., p. 49). Mais, d'une lettre de M. Georges Besnier, archiviste de l'Eure(en date du 25 juillet 1903), qu'a bien voulu me communiquer M. Pou-pardin, il résulte que Le Prévost a fait erreur. .11 n'existe plus k Évreuxd'autres titres de l'abbaye de Conches que des copies du xv.ir siêcleet uncartulaire perdu d'humidité et illisible. Le nom de Louviers n'y figurepas.

3. Puisque, au témoignage diléric voy. plus haut p. 2 [466], la capellabeau Germani, était contiguë au palais, il ne sciait peut être pas difficilede retrouver les fondations do cet édifice, en opérant des fouilles prés del'église actuelle de Saint-Germain. - Un érudit local, M. Renault, adéjà soupçonné, mais pour des raisons archéologiques seulement, que « lafondation.., de l'église primitive de Saint-Germain, pourrait bien remonterk une époque voisine des temps mérovingiens n (Voy. le Bulletin rnonu-montai, t. XXVIII, 1862, p. 223).

4. La Seine-Inférieure archéologique, 1 éd., p. 418-419.

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F.. LOT [476]

cotte de la -Normandie' ne méritent mémé la discussion. Ilen va autrement d'une troisième. En 1870, M. Jude Gossclindécouvrit dans 1k forêt de. Bord, sous les buttes dites VieillesMaisons, à quelques centaines de mètres duyillage de laVllée,à mi-chemin environ entre Caudebec-lès-Elbeuf et Louviers,.des restes de constructions romaines. L'abbé Cochet, directeurdes fouilles, songea aussitôt aux Veleres dom us de la Trans-lation des 55. Zenon et. Râgbobért'. -Ces fouilles ont été,depuis lors, poursuiv ies par MM. de Vesly et Quesné, quiont rencontré en cet endroit une longue suite cle.substructions,si bien que, récemment, M. .Pelay' rappelant la conjecture del'abbé Cochet,déclare qu' « elle est devenue quasi certitude L

Mais il ajoute à l'appui' que l'église de Saint-Germain-de '-Pasquier fortifie cette conjecture. Ce rapprochement, â mon

sens, rendrait l'identification ruineuse. Saint-Germain-de-Pasquier,. petit village du canton d'Amfreville-la-Campagne(Eure), est à S kil, environ à l'Ouest des e Vieilles-Maisons »du village de la Vafléè. Cela ne s'accorde guère avec letexte de Dudon, montrant lesFranes venant ouïr la messeau petit jour « ad ecclesiam S. Germani », puis chevauchantaussitôt contre l'ennemi. En effet, l'armée qui va attaquer lesDanois retranchés h Pontdel!Arche est commandée par, leduc de Maine, Rainaud, et composée dé Neustriens et deBourguignons (Annales Vedastini, Dudon), comme toutes lesarmées franques du IX' siècle, elle suit les, voies romaines. Sonlieu de rassemblement avait certainement été Chartres. De làpar Dreux, .Évreux et Uggale (Cauaebec-iès-Elbeuf) la routeantique menait en face de Rouen sur la rive gauche, au faubourgactuel de Saint-Sever. Mais les Barbares rie sont plus à Rouen,ils ont remonté jusqu'à Pont-de-l'Arche. Donc, arrivée it

1. 1870, P. 483. .,2. Voy.BuUelLn de la Cornrnissiûn des antiquités de la Seine-Injériùur'e,

t. 11(1878), p. 53,57 eti2.-3. Ibidem., t. X1,.(1900-1902), p. 422.4, Cf. I'anonyme.de la Revue de la Noi',nandie,. 1870,. p..489.

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F4I .MLANGES CAROLINGIENS 13

Évreux, l'armée franque n obliqué au Nord-Est et n marchédans la directionde Louviers et non point vers Uggate et Saint1

Germain-de-Pasquier.Mais écartons Saint-Germain-de-Pasquier, et adoptons

Saint-Germain (faubourg de Louviers) l'identification des« Vieilles Maisons » du village de . la Vallée aux Veteresclornus ne serait-elle pas assurée, quoique par une autre voie? -Assurément, le rapprochement vaudrait mieux. Toutefois ilse heurte à une objection capitale. Au témoignage d'un contem-porain, Hèric, l'église Saint-Germain était contiguê au palaisdit Veteres dornus paiatio contigua). Or, les « Vieilles

• Maisons)) du fina,eYde la Vallée sont à 8 kilomètres environdu faubourg de Louviers, renfermant la seule église deSaint-Germain qui puisse convenir.. La conclusion, c'est queVeteres domus demeure bien toujours pour,, nous Louvirs.Et c'est une simple rencontre, qui n'a : d'ailleurs rien de sur-prenant, i â deux lieues delà, des ruines. antiques. aumilievde)a foret de Bord ont été appelées par les paysans les VieillesMaisons-».--. --.--•••-

t

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I

[I

II

LE PONT DE PITRES

• L'invasion des Normands Sidroc et Weland, qui désola lavallée dola . Seine depuis l'été de 856 jusqu'au printemps de 862,

- engagea Charles. le Chauve a prendre des ffiesuressérieusespopf prévenir le retour de ces incursions désastreuses. IIsemble qu'un succès remporté par le roi au mois de janvier862, alors qu'il avait réussi à arréter une bande de pirates encoupant la Marne par j un pont fortifié la hâte', ait produit'une vive impression sur son esprit'. Il se résolut à adopter ce

- système du pont fortifié pour défendre le cours de la Seine'.

• 1. A ha/es .&rilniani, éd. Waitz, p. 51.2. Ceci n'est pas une hypot.hse en l'air. Le 25 juin 864 Charles dans -

l'Admn,Uato chaleureuse adressée aux grands réunis crapud Pistas «1 s'ex-prime en ces termes « et quia bousin voluntatem vestram in istis et ins alu s videmus et exjerti su rus, fiducialius vos ebiumoneni u s ut et des ipsa paGe observanda et de istis operibus quai contra Dei et sanctic ejuss ecclesiai et jiostros communes ijiimicos Nortmannos incepimus, sines defectu et lassai-jonc viriliter lahoretis, scientcs qualiter nobis placuissets si istas [irmitatcs hic fadas habuisseinus quando in tali angustia., sicutn experti estis, adMeldis contra ces communiter •lahoravimus, tinde nos» Deus, sicut suc inisericoi-dize placuit. e manifeste suai cicmenthe iudicio)) adjuvavit. s (CapUulw'ia, éd. Krause, Il, 31-1.)

3. 11 fit de méme pour la Loire 1 au dire de 1Jd'istoria sancti JilorcntijSaisi urcnsis s et qua.mvis illustrissimus icx Kaiolus ois (Danis) mu!-

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[2] MÉLANGES CAROLINGIENS 15

Le lieu choisi est une localité dite Pistis, ou Pisus où les:pirates avaient hiverné'. Jusque là en effet l'action de la maréese fait sentir'.

Cette idée avait tellement séduit Charles qu'il résolut de la:mettre à exécution au moment même où les envahisseurs coin':mencèrent à quitter la Seine. Il convoqua le grand plaid annuelà PistLs, pour les kalendes de juin (16 niai -l" juin 862); avecordre aux grands devenir avec une multitude d'ouvriers et dechars, et il,comnença à, construire sur la Semé les têtes de

ii totiens restiterit stra.gesque de ois non miniums dederit, et quendanin pontein pro ipsis aroendis super Ligerim construxerit, eos tamen prol'sus.n e terra delere nullatenusvaluit. » (Chroniques des dç1tises d'Anjou, pu-bliées par Mardheay et Mabille, p. 219). 11 s'agit évidemment des Ponts-de-Cé, qui existaient dès l'époque romaine, et que Charles se borna vrai-semblablement h faire réparer à une date impossible à déterminer. Peut-êtreCharles prit-il cette disposition en même temps que pour Pistis, car apréeavoir commencé celui-ci, on le voit se diriger sur la Loire (cf. p. 3, néte2); ou bien en fut en 860, quand il donna l'ordre de tortiller le Mans etTours et les cités d'outre-Seine contre les envahisseurs (Annales Bc,'finiani,p. iOEfl. Le fait lui-même parait certain. L'Histoire de Vabbàye de Saint-Florent. sous la forme où elle notas est parvenue, n'est qu'une compilationde'la fin du xii' siècté, mais nous savons qu'elle reproduit presque litté-ralement une'rédaction antérieure, exécutée sous l'abbatiat de Sigon (1054-1070), et celle-ci utilisait des documents anciens. Voy. l'Introduction. deMabille, ibid., p. xxv-xxix. Le capitulaire de Quierzy de juin 877 traitaitau cap. xxvii ii de castellis super Sequanam et super Liqùri,n ». Lesdispositions concernant la construction ou réparation des ponts anté-rieurement à 862 (ainsi les art. iv et y du Capitulaire d'Attigny de854) ontun but purement commercial et n'intéressent pas la défense dû royaume.

1. Incipit du synode de 802 u In nomine sancte et .individuie Trini-o tatis. Karolus gratia Dei rex et.episcopi, abbates quoque et comnites ano ceteri in Christo renati fideles qui ex diversis provinciis super fluviijin

Sequanam in locu,n qui Pistis dicilu,', ahi, exigentibus peccatis nostris,o aliquandiuscdes fuit Nortrnnnftorum, convertirons. » Mansi. Concilia.(t. XV, p. 631. et Capit., éd. Krause, Il, 303. - Sur le séjour des Nor-mands à Pisiis (lés 856,. voy un passage de la Chronique de Saint-Wan-drille, citée plus loin, p. 24, note 3. Des fibules scandinaves ont étédécouvertes en, cette localité par l'abbé Cochet en 1865; on en trouve lareproduction dans le Bulletin de la Commission des anttrju.d.6s dc la Seine-Ïnfi;'iew'e, 1870. 11, p. 29 et 42-43, et dans le Magasin pittoresque. 1870•loo. .

2. Cf. plus bas, p. 17, note 5 et p. 22, note S

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16 F. LOI' [3]

pont (inun't'tiones) '. Depuis, presque chaque année, le roi con-vôque en ce lieu pendant l'été, des assemblées et des synodesimportants qui constituent le placitum generale etihettent dé' poursuivre les, travaux, grâce aux - fournitures ennature et aux dons annuels que lui apportent ses sûjets.

En cette même année 862, le roi, après une courte absence,revint'à Pistis' y tenu' un concile' et y promulguer des capiLt-ulaites- 'OÙ ne sait si le roi go rendit PisUs l'année suivante'. Mais

1: Annales Bertiiiiani.- an. 862 « Karolus... ormes primores regili Sili

s ad loccun qui Pistis dieïtùr. ubi 'ex una parte -Andella et ex altera-s Audura Sequanain influant, ciron Jummii Icaleimdas cura multis oper'ariiss et caI'ris comlvenil'e f.citet [in] Scquaua munitiones construeus, ascen -» dendi vel desccnddndi navihus propter Nortihannos aditum intem'cludit »( p ' 58).------ -

2. Ibid. e Ipso cum uore super Ligerim in loco qui Maidunus (Meung)• dicitur, datis per sucs saorarnientis, coin Kai'olo fille ioquittir et su quasi• subito, sed voce submissa et anime conturnaci erecto, in Aquitaniani• remeante, ipse ad Pistis, quo placitum simulet synodum ante condixerat,• redit et inter operandum de sanctLe ecclesiœ ac regni negotiis eum Me-• libus suis tractat I) (p. 58-59).

2. Cf. page 2, note 1.- -- -4.Capitnlni'ia, bd: Krause, t. 11, p. 302, n°272.--'-5. L'étude de l'itinéraire montre que la' chose n'est pas impossible.

Charles qui, en janvier; se tint kVeretSenlis (diplômes pour Saint-Quentin.Saint-Denis, Saint-Germai n-d'Auxerre), fit dans l'Ouest un voyage jusqu'hEntrarnnS (Mayenne), où il eut une entrevue -avec le due des Bretons.Salomon (Annales Be,'liniani, p. 61). Le li avril il était encore au Mails,où il célébra la féte de Pùques. C'est seulement alors qu'il revintsur la rivedroite de la Seine (ibid., p. 62). A la lin de niai ou,au commencement dejuin, époque ii, laquelle il reçut lesenvoyés du -pape Nicolas I" (F arisot,Roqawné de Lor,'ai,tc, p. 228), il se tenait k Soissons (Ana. Dci i.,: p..62)-On le revoit ensuite le 15 juillet ii Compiégne (diplôme pour l'abbaye deMontiéramey), et le-19-juillet â Paris (diplôme pour l'abbaye de Vabres).

A la fin d'octobre, il btait en Champgne, à Pontion (diplôme pôfli' laTrinité de Châlons). Le 25 et le 29 nous le voyons â Verberie, où se tintun concile imporlant (Anti. Bci't., -p. 66, et diplôme pour Saint-Calais):Il reçut ensuite k Senlis les ambassadeurs du khalife de Crdoue, et la finde l'année est occupée une expédition contre son fils (Charles d'Aqui-taine) qui l'amène jusqu'à Nevers. Le roi ne regagne Compiègne et leNord qu'en janvier 864 (Ain. Dcii.., p. 66-67), On le voit, un séjour kPi-rlispeut en 863 trouves place soit au début dè mai; soit en août-septembre.

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[4] MÉLANGES CAROLINGIENS 17

n 864; le 25 juin, il y tint une assemblée 'importante. II yreçut les dons annuels et [e tribut du duc des Bretons. Pepind'Aquitaine, fait prisonniér, y fut, condamné â mort, puis en-voyé en captivité à Seùlis. Bernard le Veau se cacha dans laforêt, dans le but, dit-on, d'assa2siner le roi. Mais son complotfut découvert; il prit la fuite et ses e honneurs n furent donnéâ son ennemi, Robert le Fort. Un édit en 37 articles sortit desdélibérations du roi avec les grands. Nous savons, enfli,, queles fortifications de la Seine furent poussées.'Charles quittaPistis pour Compiègne vers le ler juillet, après un Séjourd'environ un mois'.

1. Annales ljcrUniani, an. 864': e Karolus, 'kalendas •junii, iii loco quin Pistis dibitur, generale plrieitom habet. In quo annua dona sed et eensum,» de Erittânnia a, Salomone. J3rittannorum duce, sibidireetum more prre-n deeessorum suorum, quinquaginta seilicet libras a±genti. ]'eeipit, 'et fir-o niitates in Sequana, ne Noi'tinanni per idem flu-viurn possi'nt .aseendere,n' ibidem fleri jubet. Capitula etiain ad triginta et septem, eonsilio fldelium

suorum more predeeessorn In ae progenitoruni suornin regain, eonstituitn et ut legatia per omnem, regnum satura obseivari prtccepit. Pippinus

apostata a Nortmannorum eoliegio ah Aquitanis ingenïo capitur et in» codera placito pimseutatur. et primum a regni primorihus ut patrli etn christianitatis preditor et demum .generaliter ai) omnibus ad mortemn dijuieatnr et in Silvaneétis artissima custodia religatur. Bernardus.n l3ernardi quondam tyranni calte et morihus Mirs, lieentia regis accepta,o de eodem plaeito quasi ad 'honores suos perreeturus, super -noetemo armata manu i'egredttur et in silva se occutens, ut quidam dicebant,n regem qui patron) 81111m Ft'ancorum judicio occidi jusserat et. ut 'quidamn d.ieebant, Roctbertum et Ilamnulfum, regis tideles, malitiis oeeidere» locuni et horani expectat Quod regi innotuit, et mittens qui cuin cape-» rent et ad prresentiam illius addueerent, fuga sibi eonsuluit. Unde, judicion suorum fldeliumn, honores quos ci dederat-rex recepit et Rotberto, fideli» suo, donavit. Egfridus, qui ti'ansaetis teniporibus cum Stephano fihiunin et zequiv000m regis ab obedientia paterna subtra.xerat, a llodberto eapitur.n et regi in eodem plaeito proesentatur. Cui ccx, pei'depreeationem ipsiusn Rodberti.ceterorumque suorum fidelium, quod in suai commiserat per-» donavit et, sacrainento firmatum an sua gratia muneratun], inlesum -n .abire permisit.' ICarolus a loeo qui Pistis dicitur revertens, intrat Com-n pendiuni eil'ca Icalendas julii, etc. »-(p. 72-73). - Hincmar, à cetteoccasion, écrivit it l'archevêque de Rouen, Guenelon, et au toi deux lettresdont Flodoard nous .a conservé' le .sommaire :,« \Veniloni Rotémagensi den operariis et opera 'quam faeiébat apud Pistas in Sequana » r- et'" Karolo

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18 F. LOT 151

•Les travaux étaient malheureusement fort peu avancés, carl'année suivante, au mois d'août, 50 barques normandes

• remontaient la Seine et venaient s'échouer à Pistts même.•

Charles, très occupé par les affaires de Gothié et , d'Aqui-taine,.aini que-par les négociations avec son frère et son neveu

• Lothaire au sujet de la répudiation - de la reine Thiberge,n'avait pas quitté les vallées de l'Aisne et l'Oise'. A la nouvellede l'invasion des pirates, il emmena l'ost' et'se dirigea préci-

» de opera pontis quem rex coin ipso no &eteris nonnullis fidelibus suis» faciebat ad Pista.» in Sequana n (Historia ecclesia Remen.sis, 1. III,

• e. 18 et 21, éd. Lejeune, t. 11, p. 181 et 220; éd. Waitz, dans Mon. Ce,'»?..Scripi., XIII, 510' 517). - Ces deux lettres se placent vraisemblablementen 864. Voy. Selirors, Hin/,-,nar Erbt»ckof von Rei,ns, p. 530 et 572-573.

• Hincmar a certainement participé aux travaux de l'année 864. Sa sou-scription figure avec celle d'autres évêques dans un diplôme synodal en

• faveur de l'abbaye de Saint-Germain-d'A'uxerre et qui débute ainsi«-Anno ab incarnatione Domini DCCCLXIV, indictione XII, anno veroo regni gloriosi régis Karoli XXIV, positis nobis diversarum provinéinrum» etui'bium Gallioe prsulibus in bec qui Pistas vocatur, quo nos generlis

• » necessitas traxerat instituendi inunitiones contra Nordmannos, quo» etiain pro .regni statu confirmando régla nos pruceeptio evoeavft, etc. o

• Voy. Max. Quantin, Car(,nlaô'e général de L'Yonne, t. 1,'i). 87-90,n' XLV, avec nu fac-similé de l'original.

1. En combinant le récit des Annales Berin.iani avec les dates de cieuxdiplômes, on peut tracer l'itinéraire suivant de Quierzy, le roi se rendità Ver, où on le trouve le 14 janvier 865 (diplôme pour l'abbaye de Soli-gnac). Au milieu de février, il est â Tusey (Meuse), où il se rencontre avecLouis le Gei-manique, - et rédige le 19 février un , capitulaire (I3oretius-Krauso, II, 164, n°244). De là, par Attigny, il se rend à• Servais (Aisué),où il célèbre la Pâques (22 avril) et réorganise la Gothie. Il retourne à Ver,

- ôit il reçoit les grands et les évêques d'Aquitaine. Il y est encore le 21 juin(diplôme pour l'abbaye de Cornieiy). A la mi-juillet, il revient à Attigny,A il reçoit Amène, légat du pape Nicolas C'est encore à Attigny qu'ilreçoit ensuite son neyeu Lothaire Il, qui venait se réconcilier avec lui, etaussi le légat pour la deuxième fois. Le 15 août, Lothaire quittait son oncle.et était de retoûr dans son royaume, k Condreville (prés Tout). Vu la dis-tance qui sépare cette localité d'Attigny (environ 180 kilomètres), Lothairet dû quitter Chartes vers le 10 cule 11 août. On le voit,. le roi de France

•na pu en 865 trouver le temps de s'occuper des Normands avant la mi-août.

2. L'armée devait être déjà réunie à Attigny. Autrement le roi n'a(iraitPm eu le temps d'avoir des troupes lbrëtes à marcher.

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[6) MÉLANGES CAROLINGIENS 19

tainrnent d'Attigny sur PSis, inais trop lard'. Il dttt impos-ible de songer h continuer le travaux en présence de l'en-

nemi et les Francs, d'autre part, n'osaient forcer les Norhrnndsdans leurs retranchements. Sur le conseil de ses fidèles,Charles se décida â reporter provisoirement son système dedéfense en amont et â barrer l'Oise à Anvers', la Seine et iâMarne à Charenton'. De toute ancienneté des ponts existaienten ces deux localités, mais ils étaient en ruines M. les habi1.tants, par crainte dés pirates, n'osaient les relever. Charlesrésolut d'utiliser dans ce but les ouvriers et les matériauxqu'on lui avait envoyés de fort loin pour les travaux de Pistis,

q i donna ordre, en outre, que les deux rives de la Seinefussent gardées par des troupes; puis, croyant apparemmentque les Normands fle qui ttcraientpas leurs quartiers de l'hiver,il se dirigea sur Orville' son terrain de chasse favori, vers lemilieu de septembre poury passer l'automne dans cet exercice'.En octobre, après avoir envoyé Louis le Bègue sur la Loire

1. Annales Bertiujani u Karolus abAttiniaco contra Nortrnannos quin èum navibus quinqunginta in Sequanam venerant, hostiliter pergit. Inn quo itinere, custodum neglegentia, tics coronas optiinas et armillas nobi-n, lissiiflas et quieque alia pretiosa perdens et post non panons dieu otniiïao reinvenit, exceptis paUcis gemmis, quai tumultuaria direptione amissai» fuerunt n (p 18-79).

2. Auvers-sur-Oise, Oise. arr. et canton de Pontoise.3. Chareu toi] -le-Pont, Seine. .4. Orville (Ai(Irieea cilla ou Odriaca cilla), Pas-de-Calais, arr. Arras,

cant. Pas.5. Annales Berlinictni u Karolus autem perveniens usque ad boum qui

n dicitur Pistis, uN immorabaittur Nortrnanni, fidelium suorum èonsilio.» pontes super Isarani et Matronain in lods quac dicuntur Alvernis etj) Carentom, quoniam ab incolis, qui ex antiquo ipso pontes fecerant,n propter infestationcm Nortmannorum refici non vaiebant, ah ois ergon qui ex longiuquioribus partibus ad operandum deputati erant ut perbi-» cet-eut firinitates. in Sequana, ca eonditione rebiei jubet propter immi-u nentem neceisitatem ipsos pontes, ne unquam per ventura tempora mdcu qui aune eosdem pontes refecerint in opeando ad liod opus dispendinm

patiantui';et, deputatis eustodibus qui utrasque ripas cd ditt àdn Odriacam villam niedio niensc »eptetnbtid venandi geâtiâ pemgit .»(p- 1g).

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F: LOT I'C7]

-et rappelé Robèrt en Bourgogne, il se rendita- Côlogne pourréconcilier son frère Louis le Germanique avec son 131s homo-iiyme': Charles se dirigea ensuite sur Quierzy et apprit enroute de tristes nouvelles.

Des deuc «eschières'» chargées de défendre la Seine,celle dela rive gauche, avait fait son devoir. Elle avait rejeté cinq centspirates qui avaient projeté de marcher sur Chartres, évidem--mènt, S suivant la voie romaine dé cette ville à Rouen'.

Sur la rive droite, malheureusement le comte Alard et sesparents (cousins?), Huto et Bérenger' n'avaient rien fait S de

- bon. En septembre ils avaient négligé de rejoindre leurposte, si bien que deux cents Normands, détachés du grosde la troupe, s'étaient rendus (par terre, évidemment) jusqu'auxenvirons de Paris' dans l'espoird'y trouver du vin. lis revin-

1. Ana. Bert., p. 79-80. et Parlant, Le royaume de Lorraine, p. 282.2. Telle est la forme qu'a donnée scara envieux fruçais. Voy. A. Tho-

mas, Noaceaux essais de Philolo gie française ( 1905), p. 1'31.3. Cf. Le Moyen Aga 1904 1 p. 476.4. Alard était oncle de la reine Ermentrude, femmede Charles le Chauve

(Annales Berlin iani, p. 56). Expulsé par Lothaire II en 861, h la prièrede Louis le Germanique, Alard était rentré en France oecidentalb avecses parents (nepotes) Huto et BérSger, fils de Gebhard, comte de Lahngau,disgrftciés par lb, roi Louis (Dammler, Gesc/ticlrte des Ostfràn.hisc/icnReic/rs, IL 21-22; R. Parisot, Le royaume de Lorraine, p. 187-188). Charlesl'avait comblé de bénéfices. (Poupardin, Le royaume de Provence, p. 389;Calmette, La Diplomatie carolingienne, p- 76-77). En 865, Louis dé Saxes'était épris d'une fille d'Alard, à la grande indignation du Germanique.

- C'est pour détourner son neveu de cette idée et le récdneilier avec son pèreque Charles fit en octobre le voyage de Cologne. ii réussit dans sa mission,niais ou peut admettre qù'Alard, averti dés intentions du roi de Fiance,négligea sciemment de garder la rive droite de la Seine pour témoignerson mécontentement. Charles, de son eotd, revenait de Cologne, peu satis-fait de l'intrigue de l'oncle de sa femme et ayant peut-être lié partie avecson cousin, Hugues l'Abbé (voy. le Moyen Age, 1902, p. 435, note 3). Larupture Lut immédiate. On ne sait trop ce que devint Alard. ]3étenger etHuto retournèrent aussitôt en Germanie, où ils soulevèrent de nouveauLouis de Saxecontre son père (Annales Fuldenses, an. 866. éd.Kurze,p. 64-65). Dflmmler (op. cil., II, 135, note 4) a montré que le nom dudernier écrit ïïugo par Hineniar (voy. p. 8 note 3). devait être corrigé en

•Héto. Plus loin cependant (P' 144) Dûmmter oublie sa démonstration.h. .Parisius s'entend parfois de la région parisienne et non de la, vilte

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MÉLÀN 'GEÏ CAROLINGIENS 21

rent déçus, mais sans avoir été inquiétés. Laflotte se décida alorsà remonter la Seine. Le 20 octobre, les pirates entraieïit dansl'abbaye de Saint-Denis, y demeuraient environ trois semainespillant tout aux environs et entassant le butin dans Pile Saint-Dènis où Us établirent leur camp. Alard et ses compagnonsne leur opposèrent aucune résistance 1 .Le roi, alors à Rouv, lesdépouilla de leurs ((honneurs » et envoya d'aubes troupes pourgarder le fleuve. Lui-même s'avança jusqu'à Senlis où ilcélébra la Noël'.

seule. Ainsi dans les Annales de Prudence, sous l'an 857,.Parisins c'estSaint-G crin ain,desPrés et Saint-Denis (éd. Waitz, p. 48). On verra plusbas k la note 3 l'effet produit par les vins de la région parisienne, plusredoutables aux envahisseurs que l'épée de Robert le Fort.

1. Annales Bertiniani : u Ipsi autem Nortmanni, quooia.m adhuc eitra» Sequanam custodes- non venerant, ex se circiter ducentos Parisyusu n]ttunt; ubi quod qumsierant-, vinum, non invenientes, ad sites qui cos» uiiserant sine indempnitate sui reveniunt. ludeque amplius quant quin-» genti ultra Sequanam usqne ad Carnotum praedatum ire .disponentes, au eustodibus ripae ipsius fluminis iinpetuntur et, quibusdani suorum» amissis, quibusdam etiam vuineratis. ail naves regrédiuntur (p. 79)» . . .Karolus ad Carisiacus revertitur. Cul nunciatm' in -via quia Nort-u manni tértia deeinia kalend. novembris monasterium sancti Dyonisin intraverunt; ubi viginti eireiter diébus immorantes et cotidie praedamu exinde ad suas naves dueentes, post mulcaiu depraedationeni sine contra-» dietione cujusquam ad castra sua non longe ah eodem rnonasterio sont» reversi n ( p. 80). - CL Annales so,nclt Ge,'rnani minores: « 865. Nor-u manni coenobium' sancti Dyouisii priinitus xx diebus a XII kal. ne-» vembris usque in V idus novembris obsederunt» (Mon. Gcrm., Script-.,IV, 3)..

2; Rofiae,,un est Rouy, dépendance d'Amigny-Rouy, département del'Aisne, arrondissement de Laon, canton Chauny.Voy. l'édition des Annalesde Saint-Berlin, par l'abbé Uehaisnes, p. 152, note b.

3. An-actes Bcrtinia.ni: « Karolus misses suos... in Cornpendio recipit.u Inde, cd Roflacum villam veniens, Adalardo oui custodiam contra Nort-.u mannos cominiserat sed et suis propinquis ]Jugeai et Berengario, 4iiia» nihil utilitatis contra Nortinannos egerant, eonlatos honores tollit etn per diverses eosdem honores disponit. Nortmanni -qui prefatum me-n nasteriuni depraedati sunt vario modo infirmantur, et quidam in ra-bieniu verni, quidam autem scabie correpti, quidam intestina eum aquaticulo»-per anima emittentes, moriuutur. Karolus, dimissis custodibus contra-» eosdem Nortmannos, Silvanectis revertitur, nativitatis doininieae -sol-u leinnia celebraturus u (p. 80).

Page 22: MÉLANGES CAROLINGIENS

22 F.LOI' [9]

Les travaux ordonnés â Charenton ne furent pas exécutés,car dans le courant de janvier, la flotte des Normands remontajusqu'à Melun'. On araconté ailleurs' .comment Robert.le Fortet le corite Eudes qui commandaient une des « esôhières n bor-dant le fleuve, se laissèrent honteusement mettre en déroute.Le roi demeuré sans armée, dut acheter la paix aux piratesmoyennant 4.000 livies d'argent.-

Ce fut seulement en juin 866, que ceux-ci abandonnèrent FileSaint-Denis et redescendirent le fleuve jusqu'à un lieu en avalde Pistis' pour réparer leurs vaisseaux, en construire de flou-veaux et attendre le paiement du tribut qui leur était dû.Charles les suivit de près et, avant même que les pirates eussentlevé l'ancre (ils ne partirent qu'en juillet), l'est fut convoqué âPistis avec les ouvriers et les matériaux nécessaires pour ache-ver les travaux commencés. On peut croire que si le roi s'étaitvite résigné â acheter la retraite des Normands c'est que,dans son idée, le pont fortifié suffirait à l'avenir â prévenir leurretour. Dès la fin de juillet, Charles, rassuré par le départ dela flotte normande, avait quitté Pistis'.

1. Annales 13e,-tinir.uni, an. 866 « Nortmanni per alveum .Sequanw» ascendentes osque ad castrum Milidununi, et SC3rte K.nroli ex utraqun parte ipsius fiununis pergunt et, egressis cisèlera Nortruannis a navi busn super sear-an1 qua-e major et fortior videbatur, cujus praefecti (ant» Roftertus et Odo, sine eonfliebu nain in fugain mittunt et. onustis» praeda navibus,- ad «uns redeunt » (p. 80-81).

2. Voy. le Moyen Age, 1002, p. 397-401. On peut supposer peut-être queRobert, rappelé contre son gré de la Transséquanie à la fin de 865, fitcomme Alatd, et à dessein, preuve de mauvaise volonté. Mais comme leroi avais besoin de ses «ci-vices, il n'osa le disgrâeier et le renvoya dansl'Ouest.

3. La chose est forcée, puisque le roi poursuit les travaux à Pistis avantle départdesenvabisseurs. Il est probable que ceux-ci se tinrent à.Tumigesconinié en 802 (Voy. Annales Êeriiniuni, p. 57).

4- Annales ljcriiniani (p. 81-82) u Nortinandi mense junio ab insulas secus nionasterium sancti Dyonisii movent et deseendentes per Sequa-s nom usque ad loeum sibi aptum ad reticiendas suas et novas faciendasI) naves perveniunt, ibique quod eis persolvendum oral exspeetant- Karoluss bostiliter ad loeum qui dicitur Pistis cum cperariis et carvis ad perli-s cienda opera ne iterum Nortmanni sursum asecuderevaleant pergit.

Page 23: MÉLANGES CAROLINGIENS

[10]- MÉLANGES cAROLINGIRrq 5 23

• Les préparatifs d'une guerre contre les BretÔn, empê-chèrent le -roi d'y revenir l'été sui vaut :l'ostfut convoquée pourle 25 août, à Chartres et flou à Pjss.

Mais en 868 un plaid important s'y tint de nouveau aumois d'août. Charles acheva d'y régler les affaires d'Aquitaine

'et reçut l'ambassade de Salomon de Bretagne. Les travaux àexécuter pour l'ouvrage fortifié furent,soumis à une estima-tion et chacun des grands dut y contribuer pour sa part'.

Nôuvelte assemblée en 869. Dès janvier', en fixant la datedi piacitum, Charles avait envoyé dans tout lé royaume, auxévêques, abbés et abbes ses des lettres leur enjoigint de dresserl'inventaire de leurs honores et d'avoir soin de le lui trans-mettre pour les 'ka]endes de mai (16 avril-1'r mai) ; de leur

•côté, les vassaux royaux devaient pour le même terme u cm-• briever » les bénéfices des comtes, et les comtes ceux des

vassaux royaux.Des cc esteaudeaux' », à raison d'un pour cent manses et

n I Iudo\vieus Germania& rex etc. Nortinanni mense julio mare intrant etn pars qunedam ex ipsis aliquandiu•in pago Italiac (sic) redit et lihitibusn suis, excepta publica 1-Ilothàrii eonjunctione, per.Fiuitur. Karolus né» villam abbatiae saneti Quintini quac Ortivilleas dicitur cuin uxorep obviam 1-Ilotharic pergit, etc. n. Cf. Io, Moyen Age, 1902, p. 403.

1. Ana. Bert,, p. 87; et lettre d'Hincniar dans Migne, t. 126, col. 77.'2. Ibid., p. 96-: u Sicquc idéal rex ad Pistas medio mense aligusto

n veniens. anima dons sua ibidem accepit et, 'casteHum mensiirans, pedi-n turas singulis ex suo regno dedit. Jiinemarus autem. Rem'oi-un] ai'clii-n episcopus, Jlincm marum episcopum Lai4unensem seen ducens, apudn Pistas cum alus piscopis scriptis et verbis regen adiit •. . . Sed et inn eoclem placito rex mariciones, Beruarduin seilicet Tolosae et iterumn Bernardum «othiae itemue Bernardum alium, suscepit. Missuin etiamn Salomonis, Brittonum duels, ibi obvium habuit, etc. n

3. La convocation est un peu antérieure à l'arrivée du roi sur la Loire(voy. p. 11, noie 2). Or, un diplôme pour Saint-Mai tin-de-Tours nousmontre Charles en cette localité le30janvier (Historiens deFrance, VIII,613, n' ccxiii; Mabille, Pancarte noire (lc Saint-Martin de Tours,p. 90, Il' XLIX). .

4. Le /,aistaldus, en vieux français u esteaudeau n, était •un jeune serfou unjeune vassal non marié. Voy. Guilhiermoz, Origine de la noblesse,p. 110 et 115. Le mot est sans doutepris ici dans la preiniére acception.

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24 G. tor [11]

derchais avec deux boeufs, chacun â raison d'un pour mille• manses, devaient être rendus l'assemblée, sans compter les

autres fournitures 1 . Les (i esteaudauk n devaient tenir garnisondans les «châteaux n de pierre et de bois, dont le roi ordonnait

•la construction'.-L'assemblée se tint un peu Plus tard, en juillet'. On y

promulgua de nouveaux capitulaires'. C'est â Senlis, auretour -de Pitres, que Charles apprit la mort du roi Lothairelisurvenue â Plaisance, le 8 août'. Les débats avec Louis leGermanique au sujet de la succession de leur neveu, empê-chèrent Char-les de revenir à Pistis les trois années suivantes.

1.-Excnia s'entend sans doute des dons annuels en nature et en argent.2. Annales Bertiniani, . 98: « Et antecjuam ad Conada.m pergeret, per

» omne regnum simm litteras misit ut episcopi, abbates et ahhatissaen breves de honoribus suis, quanta niatisa quisque liaberet, futuras kaTn lendas niai deferre curarent, vassalli autem dominici comitum benefician et conlites vassalloruin beneficia inbreviarent, et praedicto placiton aedium breves inde deferrent, et de centime - mansis uniim haistaldum, etn de mille mansis unum carrant coin duobus bobus, praedicto p]acito eum» allis exeniis quae regnuin juins admodum gravant, ad Pistas niittin praeeepit quatenus ipsi haist.aldi castellum; quod ibidem ex ligno et!n lapide fièri praecepit;, excolerent et custodiienl; e.

3. Le 28 juin le roi est à Baizieux (Somme, arr. Aniiens, catit. Corbie).goy. un diplôme pour Saint-Lucien de . Beauvais dans Hist. de Fr.,VIII, p. 618, n' ccxl±. Il était en marche sur Pislis, où un diplômepour Saint-13énignc de Dijon nous le montre te 21 juillet (ibid., VIII, 619,n' cdxx). Ce dernier acte, tel qu'il se présente dans l'imprimé; contientune interpolation qui ne figure pas dans l'original aux archivés de laCôte-d'Or (H 1 Il, n' 3).:!

A . Capilulcu-in, éd. Kra-use, II, 333, n' 275.5. Annales Bertiniani,, p. 101 « Quod Karolus apnd Silvanectis civi-

n tatem degelis, obi tant ipse qmun et uxor sua thesauros qubs in quibuso cumque rebus habuerant, per loea sancta in surm elemosinam dispen-o sautes, a Pistis reversi, Domiho, de cujus manu illos acceperant, reddi-o derunt - non incerto eomperiens nuncio, ab ipsa civitate mo yens, Atti-n niacun] venit. n - Sur la mort de Lothaire II, voy. R. Parisot. Leroyaume de, Lorraine j p. 321. -

6. Le milieu de 870 fut pris par le partage de la Lorraine. En 871, le roitint en août un synode important à Douty, et se dirigea sur l'Italie sur- lefaux bruit de la mort de l'empereur- Louis -II. En 872, expédition en Bour-gogne-en août-et plaid k Gondreville-(ptès Toul), le itT septembre.

t--

I

Page 25: MÉLANGES CAROLINGIENS

['12] MÉLANGES CAROLINGIENS 25,

En 873, le roi. employa l'été et une. partie, de l'automne à.bloquer dans Angers les Normands de la Loire?. Il ne perdaitpoint de vue, néanmoins, ses prôjets sur le pont de la Seine.A son retour, en octobre, pour -regagner Orville, son terrainde chasse favori, il prit par le Mans et Évreux, ce qui luipeimit de visiter en passant, dans les derniers jours du -mois,le « château neuf de Pistas »'.

'Les deux années suivantes, le plaid 'général se tint da usl'Est, à Douz y ', en juin . 874 et août 875 1 . Charles était tout àses projets sur la succession imminente de l'empereur Louis 1F.En 876, à son retour d'Italie, il avait à se faire. accepter soncouronnement comme empereur par les grands et les évêquesde Gaule, et' tint en conséquence le plaid général à Pontion,en juin-juillet6.

Il n'aiparaiÙ pas - cependan it que le pont fortifié fat terminé,ou 'bien il ne trouva pas de défenseurs. En 'effet,' le 16 sep-tembre de cette même année, 'une flotte de cent voiles entraen Seine. L'érnpereur était â Colo gne et marchait contre sonneveu Louis de Saxe. 'Il ielusa de rebrousser chemin. Il essuya

1. Annales Bertiniani, p. 123:124; - et le récit Qualiter Norm.anni'cioitatem And.cgavcnseni cepetunt et, cd' ca per Carolui'n Calvwn regelaerpalsifuarunt, dans MarchegayetMabille, Chroniques des églises d'An-jou, P. 132. - Cf;Demmler, Gesdlicbl.e des Ostfi'itn/çischen Rejoues, 11,361-362.

2. Annales Beiliniani. p. 125 u Sicue ejectis ah Andegavis civhate» Nortrnanuis acceptisque obsidibus, Karolus mense bctobrio per Ciao-e. .mannis civitatein' et Ebrocense oppidum se castelluin nouaie. apud Pistas Ambianis ]calendis novembris pervenit. e.

3. Ardennes. 'arr. Mézières, canton Mouzon.4. lbid.,p.125et.'126.5. Ibid., p. 126-127.6. Ibid., p. 128-130; '-- Capitalaria, éd. I(ruse, 11. 347, n' 279.7. Ibid.,p. 132: e Sed repente, mutato consilio, perrexit (Karolus) Aquis

e. indeque Co1onia.rn'enit et dpostoliei legati cum e'o, praedantihus anteme.' omnibus sine nue divine respecta qui cil,» illo ibant. Nortmanni ounie. C cireiter navibui magnis, quas no'strates bargas vocant, XVI kalendas'e octobris Sequanain introierunt; quod eum apud Céloniam imperatoi-ie. nunciatum fuisset, nit propter hoc a negotio 4uod coepei'at inmutavit n.

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26 F. LOT : [ 3]

un désastre complet SOUS Andernach le S octobre. Après ladéroute, il se réfugia à Ahtheny' le 10 octobre. Là, il ont

• une entrevue avec le comte Conrad et quelques autres grandsqu'il dépêcha aux Normands de la Seine, avec ordre de•con-clure la paix à tout prix et de rapporter leur réponse pour un

•plaid d'automne qu'il :Fixa à Samoussy' pour le 25 novernhre.On ignore oui en étaient les négociations quand le plaid eut

lieu. Une grave maladie, qui mit l'empereur àla mort, les pro-longea certainement. Par précaution, Charles disposa le longde la Seine des « eschières n (scarœ) sur le pied de guerre'.

Le 30 novembre, les moines de l'abbaye de Saint-Deniss'ôtaient enfuis, avec le corps de leurs saints patrons, dans unde leurs domaines éloignés, à Concevreux, sur l'Aisne'. Lespirates g'avancèrent jusqu'au monastère et l'occupèrent, puisils se retirèrent sans l'avoir brûlé et sans avoir exigé de rançon,ce qui, fut tenu pour miracle'. Leur occupation fut de courte

1. Annales Bertiniani, p. 133. Cf. les autres textes rapportés parDûmmier, op. cil. III. 34-38. et Parisot:op. cil-, p.414-4l6.

2. An.tcnnacunt est Antheny (Ardennes, arr. Rocroy, canton Rumigny)et non Authenay (Marne, ai-r. Reims, canton Châtillon), comme l'ont crul'abbé Leheuf, dom Bouquet et Waitz.

3. Annales J3crtùriani, p. .133 « mdc Duciacuni adit, unde ad Anten-o nacuin redut et plaeituiii suum in Salménciaco XV die post nhissamn sancti Martini condicit ». - Sa monssy oit dans .Aisne, arr. Laon,canton Sissonne.

4. Ibid.., p. 134 « Karolus iinperator Chuonraduin et a.lios priinores adn Nor-tmannos qui in Sequatiain venerant misit ut, quoeumque modoIl pussent, loedus cum ois paciâcerentur et ad condictum placitum ciIl renuntiarent. n- --

5, Annacs Beptiniani, i 134 o Domnus iunperator Karolus ad pla-citum suani in Saimojitiaco. sicut condixerat, venit... SeMas quoque

o quac eonb'à Nortrnannos secus Sequanam in prociiictu essent dis-Il

Ipe autem ad Viuzinniacuin villain venions, graviter passione-. o pleurisis est indrinatus adeo ut vivere desperaret, ibiqiic Natalem

o Doi ni ni ecichravi t. n - Vi,-ianiaca,,i, n'es 1; ni \erxenay (Maine,arr. ilci rus, canton \Ttyy) Ili Versigo (Oise arr. Sen lis, canton Nan-teuil-le-Haudouin), ruais Versieny (Aisne,- arr. Laon, canton La Fére).

6. Cru lent superiorcnr est Concevrcux, près Chaudardcs (Aisne, arr. Laon,canton Neufch&tel-sur-Aisne). .

7. Miracrcta •scrncti Diow1sii, 1. LII. cap. I et 2 (Mabillon i Acta Sandt;

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[141 MLANGES CAROLINGIENS 7.

durée, car au commencement de l'année 877; l'empereur ayantperdu te fils qui lui était né de Richilde au mois d'octobre pré--cédent, envoya le corps de l'enfant en ce monastère pour yêtre enseveli', preuve qu'il était évacué et qu'on était tombé

• d'accord avec les envahisseurs. II est probable que ceux-ci,comme en 862 et 866, avaient redescendu le cours de la Seineet se tenaient â Pistis ou â Jumièges, attendant la remise dutribut de 5.000 livres d'argent qui leur était promis. La-répar-tition de cet impôt eut lieu le 7 mai, a- Compiègne, dans uneréunion solennelle ôÙ l'on consacra l'église nouvel le de Nôtre-Darne. Chaque manse, quel que fût son possesseur, laïque ouecclesiastique, fut taxé â 12 deniers; le manse libre (tenu parun colon), dut acquitter deniers, dont 4 payés par lé seigneur,4 par le tenancier; le manse servile 4 deniers, 2 payés parle maître, 2 par le serf. Les églises paroissiales, que leurpatron fût .l 'évêque, un abbé, un comte, un

vassal royal oum ême l'empereur et l'impératrice, furent taxées, selon leursressources, de 4 deniers â 5 sous (60 deniers). Marchands am-bulants et citadins' durent payer selon leur fortune'.

Les 5.000 livres qu'on voulait obtenir ainsi n'étaient levéesque sur la Franci&, entre la Meuse et la Seine, et sur laord. Sancft Bcncd.; sae, lit, part. 11, P. 360.Ce livre III est un -ré:pertoire tenu presque jour par jour.• 1. Annales Berlinianj, année 877, p. 134: « Convalescens autem $r

n Carisiacum ad Compendium ve,Ht. Ubi dum moraretur filins ejus, quii) antequam Riehildis ad Antennacum veuiret in via uiatus fuerat; ilifit'-» natur et s. Bosone, avuneulo suo, de foute 5tlseeptu, ICarolus lioniinatus,n nioritur et ad monascriurn Sancti JJyonisii sepelieidus defertur.Les moines de Saint-Denis n'en dbmeuiére,,t pas moins avec les corpssaints â Coneevrcux au témoignage des Miracula Ranch Didnysii.

2. « De nego.tiatorjbus autem vel qui in civitatihus eown]anent ,juxtas possibilitatem, secunduni quod .liabuerint de facul tatibus.eonjeetus cxi-J) gatur.» (Kranse, II, 354).— IF nie semble résulter de cette phrase que lesnegohialores sont envisagés sous deux aspects, ceux qui parcourent le pays«t ceux qui sont à demeure..

& li'zacfio Nortmau,r is const tInta -dais CapiluIa,-t,, éd. Krause, lI, 353,n' 280; Annales Jici-hin.iani p. 135.4. C'est éviden, ment par suite d'un lapsus que Dammies (01). cil, lIIi42), écrit « Neustrien n au lieu de « Francien n.

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• 28 F. LOT - . [15}

• Bourgogne. Le pays entre la Seine et la Loire, la Neustrie,dut ptyer aux Normands de la Loire une imposition dont laquotité est inconnue'-Par politique, la Partie de la Franciacjuiavait appartenu à Lothaire II, et que Charles avait acquise en869, fut exemptée d'impôt.

La perception du tribut fut longue ou bien elle rencontrades difficultés, car six semaines plus tard, h l'assemblée deQùierzy, le 14 juin, une des questions que l'empereur soumit -aux grands portait sur la manidre- dont on pourrait achever lalevée de la some qui devaiétre remise aux Normands' Onfixa aussi la quote-part des marchands restée indéte rminée à

• Compiègne on taxa au dixième (de leur capitat?)-ceux des

cappi' et autres négociants qui . étaientjuifs, ait seu-

lement ceux qui étaient chrétiens,.•Cependant Charles le Chauve ne perdait pas sa confiance• dans le système du pont fortifié. Un article du -même capitu-

• laire montre qu'on devait s'occuper de la réfection dec cM-teaux o sur chaque rive de la Seine et de la Loire. Autour del'abbaye de Notre-Dame, récemment fondée â Compiègne,l'emperéur avait commencé une enceinte, fortifiée dont il de-mandait instamment Fachèvpment; l'abbaye de Saint-Denisdevait être, elle aussi, entourée de inuraÏlles. Enfin l'on sait

1. A,na.les Bei-iinia.fli, p. 135 « liii vero, tain episcopi quam et I lii quin trans Sequanam sont de Neustria, tributuni illis Nôrtinannis qui -iii» Ligeri eraut secunduiu quoi) sibi ah ois fuit irnposituin, undecunque

vaincront, reddere procuraverunt.2. Cet article (n' xxx) est au nombre de ceux dont il ne nous est pal'-

venu malheureusement que le titre qualiter hoe perficiatur et adeff ectuai perveniat quod Notrnannis (laii (lehet de coujeoto. n - C'estsans doute parce pie la répartition du tribut ne fut définitivementachevée qu'à Quierzy, que llincw;u' n'en parle dans les Annales Bort-i-

,tan.i (p. 135) qu'aprbs le récit do cette assemblée, bien que la perception,

en eût été réglée six semaines auparavant.3. Le sens de mot est inconnu. On ne le retrouve pas ailleurs.

4. Capitulaire de Quic-»rj, cap. xxxi e et de cappis et alus negotia-n toribus, videlicet ut Judaei dent decirnain et negotiatores christikmi» undecirnam, n (Krause, 11, 361).-

5. Un casteihim Saint-Denis ou â Compiègne West pas un eliateaai. Il

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[161 - MÉLANGES .CAROLINGIENS 29

que ChaHS se péoccupa de la « cité de Paris n. Sans douteordonna-t-il ta réparation de l'enceinte romaine et la réfectiondu double pont qui devait jouer un si grand rôle huit ans plustard, et dont il n'existe aucune mention jusque-là.

A la fin de juin, l'empereur, ayant mis ordre (il le croyait,du moins), aux affaires di royaume, par l'acte qu 3 on- est convenud'appeler le capitulaire de Quierzy et qpi, en réalité, est unesorte de testament, prit lentement le chemin de l'Italie', où ildevait trouver la mort (le 6 octobre).

Les instructions de Charles le Chauve furent-elles exécutées?11 est certain qu'à Compiègne pas plus qu'à Saint-Denis lestravaux ne furent poussés. Sans doute à Paris les ponts furentréparés. En fut-il de même à Pistis? Ce pont qui avait coûtébeaucoup d'efforts et de travaux, et qui constitue véritablementune des pensées du règne', fut-il jamais achevé? Un faible

s'entend de l'ensemble des bâtiments d'un monastère, entouré d'une mu-raille capable de résister à l'assaut.

1. Capitulaire de Qii.ici''y, cap. xxvi : « ut eastelluin de Compendio a» nobis coeptum pro nostro ancre et vestro honore perficiatur in testi-n inonjuin dilectionis vetrae erga nostram henignitatem. n - Cap.xxvu:q De civitate Parisius et de castellis super Sequanam et super Ligerini exn utraque parte; qualiter et a quibus instaurentur, specialiter etiam de cas-» tello saneti Dionysii. n (Krause, 11, 300-361).

2. Le livre III des Miracles de ,sainl Denis (e. 9et10), tris précieux pourfixer l'itinéraire, mentie que, â Coneevreux, (cf. p.13 note 6) on attendait

Pierre, un des Soldats de l'armée de l'empereur, se rendant k Rome, nommé« Gozsoldus n, se détacha du gros de la troupe, passa l'Aisne h Chaudardes,et alla faire ses dévotions devant les châsses oh étaient tes corps saints deDenis, Rustique et Eleuthère (Mabillon, Acta sance.,saec iII part. 11, p. 303).

3. Ce travail frappa les contemporains. Adon, 'archevêque de Vienne,en parle cii ces ternie dans sa Chronique: « rex- Carolus aliquot annos» adversus Danos atque Nortbmaunos varus eventibus dimica us, -pontem» mirae flrmitatis adversum impetum eorum super fluviuin'Sequanam,n fleri constituit, positis in utrisque capitibus castellis artifleiosissime)) fundatis, in quibus ad eustodiam regni -praesidia disposuit. ii (Mon.Gcrrn., Script., 11, 323). Ce passage n été copié et le pont attribué d'unefaçon absurde à Charles le Simple par Hugues de Fleury dans ses Mode,'-forum i'cgum Fra.ncoràm actas et les compilations apparentées (dansHist. de Fi'., VIII. 318 et 302-303). '-

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30 F. LOT [17]

indice permet peut être de répondre par l'affirmative. Huitannées après l'assemblée de Quierzy, la plus terrible des inva-sions qui l'eût encore frappée, s'abattait sur la France. Laflotte de Siegfried et de Rollon, entrée en Seine.Ie 25 juillet',remontait ce fleuve, mais n'arrivait sous Paris que le 24 no-vembre, mettant quatre mois pour accomplir le trajet deRouen.à Paris. Nous savons qu'en août un combat s'ngagearien loin de Pistis, et qu'il fut désastreux pour les Francs'.Les envahisseurs auraient dû, semble-t-il, arriver. û Paris dèseptcmbre. Ne peut-on supposer que ce fut le pont fortifié quitrréta -leur maiéhé, au mollis pendant quelques semaines, per-mettant ainsi aux Parisiens .dc. faire leurs préparatifs dedéfense? Ce serait l'unique et hypothétique service rendu par.cet bulag d'art, objet pendant tant d'années de la sollicituded'O Charles le Chauve..-

Qu'estee que Pistis, Pistas, Pistus?- Sns nous attarderû discuter des identifications fantaisistes',

il n'est pas douteux qu'il s'agisse de Pitres, sur IdSeine', auconfluent de l'Andelle avec ce fleuve, à l'endroit même oùFaction de la marée montante cesse de se faire sentir'. C'était

1. Édouard Favre, Eudes, comte de Pares et i-ci de France, P. .35.2. Voy. plus haut le Mélan9c I.3. Ainsi celle de dom Toiissaints-])uplessis qui, dans sa Description de

la Haute-Normandie ( t. 1, 1740, p. 121-122), déclare que Pistis est diffê-sent de Pitres et doit être reconnu dans Longueville-laGiffard!

4. Département de l'Eure, arr. de Louviers, canton de Pont-de-l'Arche. .-......-.

5. i'ita sa.nctt Condcrii,nonac/ri Fontancliensi.', cap 6, «[banc insutamBcicinnacamj undam inaiha .tcmpore malinae ac lidonis ter per revohi-

» tionem diei ac n pctis undiqiic ambiendo inviserenon negligit; quae tanto.i) sui vigorem impetuagitatur ut ultra hancinsulam ad or.ientalem plagams scxagintaznillibus et amplius .per lympham Sequanae retrorsum in-» cedens, us-que ad locum qui dieitnr Pistas accedat, eutu a mari risque ads banc insulam lymphaticurn lier 30 fore mil libiis nesti metur; sicque» hoc rheu nia q uod de ujubi I ico si ve eh ar bde maris egreditut- bis in dien •fluctus absorbet et sur-suis evomit n (Mabillon, Acta sanct ord. saircttBcncd:, «ace. Il, p 862); Sur la force de la marde montante, cf. plus loin,p 22, note 5 . - -

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[18] MgLANGES CAROLINGIENS 31

une ancienne villa mérovingienne ou gallo-romaine 1 , dontPepin le, restitua, par diplôme délivré vers 750, une partieau moins à l'abbaye de Saint-Denis', acte confirmé parCharlemagne en 775'. L'abbaye de Saint-Benoit-sur-Loireavait des prékntions sur l'église dédiée â Notre-Darne, biendu fisc qu'elle aurait obtenu de Charles le Chauve en 860.Mais ]e diplôme qui- renferme cette- assertion est un faux'.Cette -villa continua à appartenir au domaine royal. Ce n'estpas sans surprise qu'on voit Charles le Simple, te 17 décembre

- - - 905, faire don au notaire royal Erûustus de serfs « dépendant

- du fisc de Pislis. sur la rivière de Seine, dans le pagus deRouen'» . Cette région était, en effet, depuis plusieurs années,au pouvoir de Rollon et des Normands de la Seine. II paraitrésulter do cet- acte que le roi et son entourage conservaient

- I'epoirde recouvrerlacontrée. Mais, par la cession du Roumois,dé l'Evrecin, du Mérezais, etc, â Rouan, - moins de six ansaprès', leducet marquis des Normands devint 'maître des villasroyales situées dans eS pages. Pitres passa évidemment dansle domaine ducal. On voit Richard. II (996-1026) donner à

1. Auguste Le Prévost. Mémoires su; le d-èpam'temnent de l'Eure, éd. 0e-lisle et Passy, II, 537; - Renault, Excursion archéologique dans lesarrondissements do Loncio,'s et d-c g Andelys dans le Bulletin muofliuncatal, -t. XXVIII, 1862, p. 237.-- -

2. o In pago Tel lao loeaeognoiuinantes Pietus» (sic avec l's sigmatiqiie).Voy. Tardif, Carton des rois, n' 54, p. 45; - Mûhlbacher, Roqesi., 2' éd.n' 60. Sur l'extension du Talon (pa1;as Tel-taus) jusqu'à la Seine, voy. LePrâvost, o». cit., III, 491, 497, et Longnori,.Atlas, p. 98.

3. Muhlbaeher; Reg., n' 190. -4. Voy. Recueil des chastes de l'abbaye de Saint-Bemsoilsu,'-Loire,

pubi. par M. Prou et Al. Vidier, I, n' xxiii, p. 54.5. u Annuimus et illi ex flseo Pistis super Iluvium Sequanani in pago

Itotomagensi haee mancipia. o Tardif o». cit., u' 22-3. p. 141. - L'acten'est pas en faveur de l'église de Laon, comme le dit par erreur Eekel(Chastes le Simple, p. 42-, note 0), mais en faveii r du chancelier Er-nustis dont- l'abbaye de Saint-Denis hérita, car c'est dans le fond decc monastère que se trouve l'original encore existant. \toy Mabillon, Dore diploina-tica, P. 558. -- -

G. Aug. Eckel, Chenus in Simple 1 p. 76, -

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32 F. LOT [19]

Saint-Ouen de Rouen e tin pré dans la valide de Pistes' n.L'abbaye de Lire' possédait la dîme dans toute la vallée dePitres (in on inc valle Pistris), mais par don de Guillaume, filsde son fondateur (vers 1050), Guillaume Auber (Osbern), etcelui-ci était parent du duc de Normandie, k la fois du côtépaternel et du côté maternel s . On peut donc croire que lapossession de cette dîme provenait d'héritage.

Les débris des constructions carolingiennes et du palais deCharles le Chauve restèrent debout encore pendant plusieurs,siècles. Dans la seconde moitié du .XLI' siècle, Marie de Francemet ii Pi Lies la scène de son lai des Deux Amants, qui décritla triste fin de l'amant qui abuse de ses forces et expire envou!ant porter sa maîtresse au sommet d'une montagne.

Veritez est qu'en Neustrie-. -Que nus apelum Normendie

A un hait mont merveilles grant10 La sus gisent Ji dui enfant.

,Pres de ccl ment à une part,Par grant conseil et par esguart,Une cité fist faire uns reisQui esteit sires des Pistreis.

15 Des Pistreis si la flst nurnerE Pistre la Gst apeler;Tuz jurs a puis duré li nuns.Uncor i il e maisuns.Nus savuni bien de la cuntréeQue li vals de Pistre est noniée'.

Quant k la fertilité du val de Pitres, elle s'explique par le« heivre n magique dont le damoiseau a refusé de se servir, etque la e mesehine » verse à terre. Le pays en fute amendés».

1. ((Et prato 'in ville Pistes o, Aug. Le Prévost, op, cil., lI, 539.-.2. Eure, arr. Évreux, catit. RugIes.3. Le Prévoet, op:eii., IL 5.9 et III, 360.4. Voy. l'édition des Luis de Marie de France, par K. Warneke, p. 113

122 (Bibiiot/teca iVor,n((nhz,:ca, t. III. Halle, 1885,

M

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• ...•

o

[20} MÉLANGES CAROLINGIENS 33

La localisation â Pitres de cette légende, qui se retrouve unpeu partout', s'explique peut-être et par la fertilité do lavallée, et par la situation de la falaise abrupte qui dominePitres, et enfin pai la vue des ruines du palais de Charles leChauve, qui ont donné à penser que le pays avait eu un roi, leu roi des Pistrois ». Par la combinaison de ces données, lalégende s'est fixée en cet endroit' et est demeurée vivantejusqu'à nos jours'.

Des fouilles exécutées au cours du xix° siècle' achèvent de

• 1. Ainsi en Espagne, en Calabre, en Perse. Voy. l'introduction •deReinhold Kéh]er & l'édition Warncke, p. Lxxxv-Lxxxvni et l'article deM. de fliosseville, cité plut bas, note 3.

2. L'établissement religieux quise fonda sur le flanc de la colline auxn'siècle, prit le nom de prieuré des e Deux Amants o, et la falaise porteencore ce nom ainsi qu'une lie de la Seine(eLMarie de France qui fait com-mencer l'épreuve o devers Seigne en la praerie s, y . 180). je me demandesi le e Val PiLant o que porte aujourd'hui la partie de la falaise quiregarde la Seine, n& sciait pas une déformation de « Val Piteux u. - Selonle M" de Blosseville (loc. ciL, p. 521-522), le plus ancien texte qui fassemention du prieuré des u Deux Amants)) est un acte de Louis le Gros.M. Georges l3esnier, archiviste de l'Eure, veut, bien nie faire, savoir quel'acte est en réalité de Louis VII et de l'année 1175; niais qu'il existe auxarchives de l'Eure (11. 846, copie notariée du xvii' siècle) un témoignageantérieur, une charte de lingues. archevûque de flouen, dont la date seplace entre 1146 et 1150. En voici,lc début,: « Hugo Dei gratia Rothoma-geonisi arehiepiscopus. Charissiniis filiis Ittichardo priori cacterisque fra-

• tribus in loto qui Duorwa ctn,ant,uia dieitu'eommorantibus,.. o3. Les vicissitudes de cette légende ont été étudiées pal' le marquis de

Blosseville, dans un article intitulé: L'origine du prieuré des Deux-Amants cri Noi'oiandic, fabliau dit XIII' siècle par un tr'ouod,'c duXVIII' siècle (sic). paru dans le Précis des travaux de l'Académie deRouen, année 1867-68, P 506-53

4. Voy. abbé Cochet, Note sur les restes d'un palais de Charles leChauve (861-869), retrouvés à Pitres. . . en 1854, 1855,-1856, dans lesMémoires de la Société des antiquaires de Norn'andie, XXIV, 1858-69,P. 156-165; - Une nouvelle visite à Pitres (ibid., p- 398-402); - L. Coutil,Les fouilles de Pitres dans le Recueil des travaux de la Société libred'agriculture, sciences, arts cl belles-lettres de l'Eure, 5' série, t. VII,1899, p. 60-66. La Notice sur Pitres de A. Vaurabourg (Paris, 1876, in-16)n'est qu'une brochure d'édification. - Les ruines (murs, bains, aqueducs)S'étendent le long du chemin du village au Manoir, au lieu dit La Salle etsur le terrain Leber. - A dire vrai, -lesbâtimeuts élevés par Charles le

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34 F. LOT [21].

nous montrer que Pitres fut un instant une résidence assezconsidérable..

Est-ce à dire que ce soit. à Pitres mérne que Charles leChauve ait construit son pont fortifié? .-

Rien de moins admissible. S'il eût procédé de la sorte, il eûtbien couvert la vallée de l'Andelle, mais non celle de l'Eurebeaucoup plus importante. La seule inspection de la tartei 'ndique que le pont fortifié devait être en aval du confluentde cette rivière avec la Seine. Or, h cet emplacement, a existédepuis le. Mo y en Aue un pont remplissant ces conditions, c'estle Pont de l'Arche'. Il n'est pas douteux qu'il doive son ori-gine Ù l'ouvrage bâti par Charles le Chauve. C'est â Archas,autrement dit les Dans (ad Danos), à l'endroit où le flot marin

Chauve ne constituaient pas un palais k proprement parler, mais tino hébergement » pour user de l'expression même du roi. Au § 37 et dernierdu grand édit de Pitres du 25 juin 864 il nous apprend qu'au cours del'année les gens qui pdssaient dune rive k l'autre de la Seine s'étaientpermis d'y séjourner et d'y commettre des dégâts. Le roi y place des gardesett déclare qu'il entend assimiler cet /ienbc'rçJun?. au o palais »; ce qui expo-sera les indiscrets à des peines sévères: o et quoniam Moles nbstri in istiss quœ in Sequa.na flunt et in allis operibus laborant et heribergum iiostrumn quod praeterito anno hic fier'i jussimus, honines de illa parte Sequante

in ist.as partes venientes et de istis partibus in illas partes euntes des-ri truxerunt per oeeasionem, quia in illo contra debitam reverentiam ma-n nere eoeperunt, et nunc istud herihergum non sine labore et dispendio

Fidelium nostrcrnm fieri . fecimus, volumus et expresse mandamus ut,n aient nec in nostro palatio, ita nec in isto heribergic aliquis alius sines nostra jussiolie manere prkesumat nec illud aliquis destruat. Quod si» aliquis pnesumpsert et o. eustoclibus quos ad hou deputatatos habemus» nobis notuni factum fuerit non sine debita vi ridicta praesurn ptor» evadet...» (éd. Krause, 11, 327-328). Je ne sais si letexteque l'on vient de.reproduire permet d'affirmer que l'on allait déjà (l'une rive h l'autre aumoyen du pont. On pouvait eneorefranchir la rivière en barque ets'abriterindiscrètement dans l'habitation du roi, et même dans les têts dupont, car il semble bien qu'ici hcrihcj'giuni s'entendè de l'ensemble desconstructions entreprises entre les confluents de l'Eure et de l'Andelle.

1. Cette théorie n'est point nouvelle. Elle a été émise plus d'une fois,Voy. entre autres Le Prévost, op. oit., II, 53'l et 573.

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[22]• MLANGES CAROLINGIENS 35

cessait, et où venaient débarquer les pirates', que fut construitela tète de pont de la rive gauche, couvrant le confluent de l'Eureet de la Seine. Celle de la rive droite abouti .ssaità l'endroit appelé

encore aujourd'hui Le Fort. Elle portait autrefois le nom dechâteau de Limale'. Le finage de Pitres arrive jusque-là. Le

lieu dit L Manoir en est à inoins de kilomètres. On com-prend que Charles le Chauve résidant habituellement entreSeine et Meuse, ait préféré se tenir sur la rive droite, d'ailleursd'une défense plus facile que la rive gauche. De ce côté-ciexistait un antique palais, mais le nom qu'il, portait Vete,'esdornus (aujourd'hui Louviers)', indique son état de délabre-nient. Il était d'ailleurs trop éloigné du champ des travaux, à12 kilomètres du confluent de l'Eure. Pour ces raisons, le roidut s'installer à Pitres, et c'est ce qui explique que les contem-porains désignent sous ce nom le pont construit en réalité unpeu plus bas'.

Est-ce à dire qué le vieux pont de pieFte qui, â travers leMoyen Age et les temps modernes, prolongea son existencejusqu'au 14 juillet 18561 , soitle pont méme construit par

1. Voy. plus haut, P . 2, note 1 et plus bas p. 24 note 3. Le bras de laSeine qui stend en aval de Pont-de-l'Arche, entre la terre et l'ue Launi,s'appelait au XII'siéCle Maresdans(Lc Prévost, II, 589-590), où il n'est pasdifficile de reconnaitre mare a-< Dans. Jtant le point extréme de la maréemontante, Pont-de-l'Archfut aussi pour les droits à percevoir une lignede démarcation. La s'arrêtaient les pouvoirs de la « vicomt'é de l'eau de]toùen o. Voy. Le Prévost; op. cil., 11, 585 et Ch. de ]3eau repaire', De lavicomté de l'eau de Rouen. Evreux. 185G, in-8 1, P. 132, 139, etc.

2. Voy. la lettre de l3onnin au Courrier du l'Eure, citée plus loin« des deux châtcaux-f6rt, le premier forme encore (sic) l'enceinte de la» ville de Pont. dei'Arehe l'autre, connu sous le nom de château de Lymaieo a été détruit lors de la construction de l'écluse (1812). o

3. Yov. le Mélange précédent dans le Moyen Age, 1904, P.4. Il n'est donc pas exact de dire que Pistis ou Pistirs est la ville

même de Pont . de1'Arcbe, comme l'ont cru, entre autre, André Duchesne,le P. Flardouin, Thomas Corneille (Dictionnaire qcog;'aphtqae ( 1708), uncorrespondant anonyme du Mercure de Fronce de mai 1126 (p. 881-889),Aubin-Louis \lillin, Antiquités nationales (Paris, 1 q92, in-4', t. IV,n' XLIII), ]3onnin, Lettre (voy. page 'suiv. note 1).

5. Voy, la lettre de Tb. Bonnin cité tiote suivante. Il attribue à l'action

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F.. LOT [23]

C harlès le Chauve? Des érudits l'ont affirmé et, sous l'empired'ùn zèle pieux, l'ont; représenté comme le plus ancien de cetype existant en Frahce. Mais I'oi ne saurait partager cesillusions. Lés vues de ce pont qui nous ont été conservéesattestent une oeuvre du xiu° au xIve siècle' Il est d'ailleursinvraisemblable qu'il, l'époque carolingienne on ait été kmôme de construire un pont de pierre. Des travaux de cetteimportance n'ont été possibles qu'avec la renaissance de l'archi-tecture civile qui marque les XII' et xur sicles'. Le pont deCharles le Chauve fut certainement du pont de bois. Hinèmarrapporte que le castellum, c'est-â--dire l'ensemble de l'ouvragefortifié, était ex ligno et lapide' ». On doit entendre par làque les têtes du pont étaient des tours de pierre, mais que lepont lui-môme était en bois'.

Le premier pont de pierre est dû â Richard Coeur. de Lion,que l'on voit faire exécuter des travaux en 1195'. Pont de

de ta marée la ruine finale des arches dont la sécurité était depuis longtemps fort compromise. -

1. Voy. particulièrement cieux lettres deTh - Bonnin. adressées au Courrierde l'Eure, des 17 juillet et 4 novembre 1856. Elles sont reproduites par-tiellement pai' Aug. Le Prévost, op. cit., 11, 573-574, - La première portecomme épigraphe: u Il était trop vieux' o pas si vieux.

2 Voy. Batissièr et Sainte-Marie Mévil, L'Eure historique et inonu-mentale (1849], albuffi; - Léon de Durnns'ille, Essai historique et archéo-logique sur la cille dePont-de-lAr'c/ie(1856), renferme une planche repré-sentant le pont avant sa destruction. - Une coupe du pont est jointeâ Far-ticle de R. Bordeaux, Conservation du cloître de la cathédrale d'Écrouset démolition du célébre pont de..Pont-dc,i'A,-cbe dans le Bulletinrnon.r.unenlal, t. XXI, 1855, p, 148-155. Ce dernier mémoire, plus sensé,résume les opinions antérieures et repousse les théories de Bounin, Ga-tbled, Duranville, qui faisaient remonter cet ouvrage nu ix' siècle.

3. \Toy - C. Entait, Ma-nuel d'archéologie française, t. Il, p- 264-272.4. Voy, plus haut, p. 11, note 2. î'h; Bonnin, dans les deux lettres

citées plus haut, attribue la construction du pont de Charles le Chauve,tantôt à Hincmar, tantôt à des o architectes byzantins o, sans aucunepreuve à l'appui.

5. C'est ce que confirme le pansage d'Aden cité-plus haut, p. iS, note 3.6. Les rôles de l'Échiquier de Normandie attestent que le roi fit faire

des travaux k cette date. Voy. Mént. de kt Soc. des antiquaires de No,--zuandie, t.-XV col. 28-29.

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[241 MIiLANGES CAROL(NGIENS !

l'Arche était, en effet, comme Pitres, passé au x° siècle dansle domaine ducal 4 .- Pas plus que Charles le Chauve, Richardn'eut l'intention de faire de Pont-de-l'Arche une voie commer-ciale. La réfection du pont constitue avec la construction duChâteau-Gaillard', UI) système parfaitement bien combiné pourdéfendre la Normandie contre Les attaques de Philippe-Au-guste. Par la vallée de lAndelle, le pont permettait de rat-trape r â Radepont, à 16 kilomètres de là, la vieille routeromaine de Rouen à Paris, par Petro,nantal& et Pontoise.Pont-de-l'Arche redevînt dès lors un point stratégique re-marquable. Son rôle (ut d'autant plus important qu'aucunchemin direct ne relia au Moyen Age, la tête de pont de la rivedroite à la capitale du duché, à Rouen.

Ce n'est qu'à une époque relativement récente, que l'on asongé â tracer cette communication directe. Mais la RouieNationale est obligée d'escalader la montée d'Igoville et le che-min de fer de passer en tunnel. Au Moyen . Age, on n'eût pusonger en construisant une route nouvelle qu'à utiliser l'étroitespace de terre entre la montagne et le fleuve, car un cheminainsitracé exige peu de frais. Mais la Seine qui, à Pitres, arrivedroit du Sud au Nord, se trouve rejetée par la falaise à 20 kilo-mètres à l'Ouest, à Elbeuf. Or, prés de là, à Caudebec-lès-Elbeuf,- passait la voie romaine, allant de Rouen, oiiplus exac-

1. Richard 11(996-1026) donne à l'abbaye de Jumièges l'église et le ton-lieu de Pont-de-l'Arche avec trois moulins, et les pêcheries installées entre -les piles du pont. Cf. d'autres actes de Guillaume le Conquérant, Henri II,ltichird, Jean, dans Le Prévost, op. cil., 11, 574. -

2. Le Château-Gaillard, construit en 1196, au-dessus des Andelys estcomme la tête de pont avancée de Pont-de-lArche, sur la rive droite dufleuve. -

3. « Dans la commune do, Saint-Gervais, entre Saint-Gervais et la Cha-pelle-en-Vexin, à 1.600 mètres de l'un et de l'autre de ces villages n.(Longnou, Allas, P. 30). Il est singulier que l'auteur de-là, Chronique lcSaint- l'Vandrillc, écrivant en 872 ou peu après, ait connu ce nom antiqueet lait faussement identifié avec Pitres n Anno 855 (sic) maxima classisn Danorum fluvium Sequanae oeeupat. duce item Sydroc, et osque Pistiscaztrum,quod ohm Peti'emamulum (sic), vocabatur venire contendunt n(l-1151. de Fr., VII, 43). -

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38 F. LOT [25]

tement de Saint-Sever sur la rive gaudhe, à Chartres, enprenant par Uggate (Caudebec)', Évreux et Preux. Le plussimple était donc de rejoindre cette ligne h Caudehec, soit enlongeant la Seine, soit, en partant de Louviers, à travers laforêt de Bord. Nous constatons, en effet, au xii 0 et xiii' siècle,par tes itinéraires de Henri 11, de Jean sans Terre, de l'ar-chevêque Eudes Rigand, que pour aller de Rouen â Pont-de-l'Arche, on ne suit jamais la rive droite de la Seine, maisquon la traverse pour prendre à Saint-Sever la voie romaine,dont il i'ient d'être question'.

Pont-de--l'Arche constituait donc en . amont de Rouen un lieu -unique ) par lequel la portion du duché de Normandie situéeà droite de la Seine se liait avec la partie, beaucoup plusconsidérable, située à gauche du fleuve. Pour tout dire, ce futpendant plusieurs siècles la clé de la province'.

Un dernier mot sur les formes et lesens de Pont-de-l'Arche.Depuis que nous possédons des textes en langue vulgaire, ontrouve Pont-de-l'Arche et même, mais plus récemment, Pontdes arches'. Cesformes, non moins que la forme latine Pons ar-chae qu'offrent différents actes du xIi0 siècle', prouveraientque

1. Le Prévost (op. ait., II, 573), après d'autres, a voulu placer t]gqate àPont-de-l'Arche, ou plutôt k Igoville sur la rive droite, mais. l'abbéCochet n mis hors (le doute l'identification de ce point avec Caudebec-lès-Elbeuf. Voy.Sépuit)u-es gauloises, romaines, franques et normandes(Paris, 1856. in-8'), p. 95-110 et Normandie souterraine. 2' éd.. p. 155;enfin G. Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. IV, p. 61.

2. Cette remarque n déjà été faite par l'abbé Cochet dans lei ouvragescités à la note précédente. ..

3. 11 suffit pour s'en convaincre de lire la notice historique que LePrévost n consacrée à cette localité, op. ait., 11, 574-584.

4. Voy. Le Prévost, op. cit., 11, 574 et le marquis . de i3losseville, Dic-tionnaire topographique de l'Eure, P. 172.

.5. Ibid., Je ne tiens aucun compte de l'explication de Le Prévoit (op.ait., JI, 512-577): « Le véritable nom est dans un diplôme d'Henri Il:

pons amis meice o, pont de ma citadelle, disait-il dans un acte, en- faveurde l'abbaye de Jumiéges (vers 1160). L' o Arche guéroise o [dans un histo-rien anglais, cité par Adrien de Valois), en est presque la, traduction. eCette étymologie est phonétiquement insoutenable

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MÉLANGES CAROLINGIENS 39

archd est un terme désignant le pont. Mais ce serait unetautologie. Des textes, latins plus anciens offrent la formeArccts. Ainsi Dudon qui écrivait, â la fin du x° siècle, nousmontre Rollon remontant la Seine de Rouen â Arches:o Rollé igitur super responsis suorum laesus, u Rotorno, di-0 vulsis. navihus, subvenitur ad Archas usque qune As DaÀsn dicitur 1 . » li semblerait mémo résûlter de ce passage que lepremier de ces noms tendait â ètre remplacé par le second,II n'en fut rien en réalité. Guillaume de 'Jumièges, continua-teur de Dudon, dit au contraire « statio navium a.pudJiâsclans quae Aichas dicitur' n Cette graphie 'lichas se trouveaccolée au mot ports pour la première fois dans deux chartesdu duc Richard II, pour l'abbaye de Jumiè ges: « ipso 10ccIl concedo... portera Archas et ecclesiam et theolonéum cura -n molendinis tribus, etc'. n Il est remarquable que l'on trouveici Archas et non Archae. Cela tendrait â prouver qu'aux x° etxr siècles, on disait Pont-d'Arches et non Pont-de-l'Arche'.C'est qu'en effet la localité, appelée surtout As Dans àl'époquede Dudon, tirait son nom d'un mot latin archas, auquel ungrand nombre de localités de France, dites Arches ou Arques,doivent leur origine'. C'est un terme emprunté h la langue

des àgriinenso,c5 1 , et il désigne une borne, une limite.

1. De mo,'tbus et actis piiiioi'uih No,,nan,riac ducu,h, éd. J. Lair,p. 153-154.

2. Historia Nort/iniannorum, 1:11, e. lødans Migne, l'afro!. lal., t. 149.col. 796. - 'Wace dit au contraire o flou volt veeir EEasdans Ici opeArches s'apele. o (Roman de Rou, éd. H. Andresen vers 460, t. 1. p. 54).

3. Le Prévost, op. «il., II. 573.4 Disons k ce propos qu'à la fin du xviii' siècle, on appelait la localité

tantôt n Pont de l'Arche n, tantôt o Le Pont de l'Arche o. Voy. Millin,A ntiquifs nationales, t. IV, ii'. xLffl.

5. On (louve des Arches eh des Aigries aux quatre coins de la France,dans le l'as-de-Calais, la Seine-Inférieure, les Vosges, le Cantal, l'Aveyron,le Lot, le Gard. l'Aude.

6. G,'omaf ici coteras (Die Schrif!en der rôuzi.çclrcn Feidmesser), cd.J3lume, Lachrnaiiii fludorf, Berlin, 1852, 2 vol. in-8', passùn; - Thesau-rus lingriae latinac editas ccuctoritalc o! eonsiiio Acadcmiaruni qu.i.n que

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40 F. LOT [27]

11 était, néanmoins, presque impossible qu'un pont considé-rable ayant été construit en cet endroit, le nom de la localité nesubit pas l'influence du mot arche dérivant du bas-latinarca(pour areus). Pons Archas,pont d'Archès, devait, pour ainsidire fatalement, devenir pont de l'Arche, pont des Arches.Et-l'on a dit que ce phénomène de déformation populaire seproduisit dès le xii0 siècle.

ç/ermaniearw?t (Lips,19O1, in-4'), vol. 11, fase. 2, col. 433, n' vi; - DuCange, Giossarium. ;ncdiae et infirnac latinUatis, S. V.

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Ili

LE NOM ANCIEN DE LÀ sERESLE»

Il est singulier que nous n'ayons aucune mention anciennedu nom de la rivière, qui pendânt neuf siècles a séparé la Nor-mari die de la Picardie, (ou plutôt duViineu), et qui aujourd'huiencore délimite ]es départements de la Seine-Inférieure et dela Somme. Les formes Briseila ou Brisela citées par Adrien deValois' ne sont attestées qu'à une époque relativement récente.Elles paraissent inconnues au Moyen Age'. Au XIIe siècle,

.No(itia Gal.iia,um (Paris, 1675, in-fol., p. 117, 2' col. Valois tire cerenseignement de la tabula fIn;» tanin Galliac de Samson et de la carte deNormandie de Vasseur. - L. Coulon (Les Rciéres de France. Paris,1644), donne 13,'es(e (p. 47). Quant k l'origine du mot, Adrien deValois projose l'explication suivante o origo noininis incognita nisi» quod nostri rumpere arque dividere dieunt, vulgo brisare, briser;n Aucum autem ilurnen Nonnannos a Picardis, Caletos ab Ambianis,n Celticam n. Belgica dividit arque dirimit I» Il oublie que ce nom serencontre ailleurs. Voy. i5lus bas, p. 33.

2. Nous n'avons malheureusement pas de dictionnaire topographiquepour la Seine-Inférieure. Dom Toussaints du Plesis se borne en ce quitouche notre sujet t reproduire Valois . dans sa Description de lu 11a,,t.c-Norrnandie (1740), t. 1, p. 44. L'ouvrage des abbés Bunel et TougardGéographie de la Seine-I itfârienre (flouen,1825. 5 vol. in-8') ne nous estd'aucun secours. Mais J. Garnier dans son Dictionnaire topographique dela So;,,n;c. a cité quelques textes anciens. Voy. dans les Mémoires de laSociété des antiquaires de Picardie. t. XXI, 1867, p. 167.

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42 F. LOT [28]

Orderic Vital,, énumérant 'les rivières du pays de Caux, l'ap-pelle la rivière d'Eu, du nom du château bâti près de sonembouchure: Aucurnjlurnen quod vulgo dicitur Ou'. Ailleurs,il rapporte qu'Étienne d'Aurnale fortifia, un château sur larivière d'Eu Stephanus de Albeinarla casteilum .suum superAuciumfiurnen oehernenter ,nunitnt'. On sait q 'u'Aumale estsur la Bresle. La 'Vie de saint Valery, écrite non au viii' siècle,mais vers 1060, offre de même Auva'. Aucun témoignageplus ancien n'est, que je sache, cité nulle part'. Je crois assurécependant qu'à en existe trois ou quatre' de l'époque carolin-'gieinc et mêre mérovingienne.

On conserve aux Archives nationales un diplôme originalde Charles le Chauve, 'donné 'à Quierzy le 30 août 843, parlequel le 'roi accorde en pleine propriété au comte Hardouin undomaine royal hoc est in pogo Caicis. super ,tluvium Vin-glena, villani quce voéatur Bosleni pàns, quaé habet quadra-ginta nansos 1 .-

'On chercherait vafnerneut dans le pagus de Caux, propre-nient dit, une localité dite J9oslenipons sur une rivière Vin-glena.

1. Voy. l'édition Le. Prévost, t. IV, P. 396.2. Ibid., t. III, p.'319.3. 'Semé-Inférieure, arr. Neuchâtel, chef-lieu de canton.4. 'Cap. 3. « Austa juxta Auvac fluvium s (Bollandistes, Acta Sanc-

torum, avril', t. I, p. 21). Sur la date, Aug. Molinier, Les sources del'histoire de Franco, n° 511. Austa est évidemment Aouste- A l'embou-chure de la Brade, cii face d'Eu et sur la rive droite.

5. Selon Gainier (toc, cil.), un diplmé 4e 921 contenu dans la collectionde Picardie, recueilli par dom Gienier, don:rieraitHrrrfiùmcn. Je n'ai puvérifier si cette assertion était exacte. Ne serait-ce pas Ilanfiumen? Ceserait alois le plus ancien témoignage di} nom d'if n (Ou dans OrdericVital). Selon le 'même, la Vie de saint Loup « ix' siècle s offrirait A ncia.Je n'ai pas retrouvé cette forme dans la vie (les nombreux saints de cenom.

6. Jules Tardif, Monuments historiques. Cuitons des "ois, n' 142, p. 95Î. Selon Longnon (Allas /,t(o,'iquo de ta Franco, p . 98) ce pa.g us

correspond ii lardhidiaconé' du Grand et du Petit Caux, c'est-k-du-e qu'al'Est il n'atteint pas. tout à fait la \Tareime,

1

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[29] MLANOES CAROLINGIENS 43

Le comte Hardouin mourut après 853' et un peu avant 859.En cette dernière année, en effet; le 13 janvier, sa veuve,

•Warimburgis, l'un de ses fils, Hardouin, et plusieurs parents,• Abbon, le comte Rarnpon, Hugues, Roger et un graiidnornbre

de vassaux royaux se trouvaient réunis àabbaye de Maroeuil,en Artois', en présence du comte du palais, Foulques. Cespersonnages faisaient évidemment partie ù l'armée de Charlesle Chauve, lequel, quatre jours auparavant, avait subitementquitté Auxerre pour se mettre à la poursuite de son frère,Louis le Germanique. On était à la veille d'une bataille'. Encette circonstance grave, les parents d'Hardouin décidèrent defaire une donation à l'abbaye de Saint-Maur-des-Fossés pont'le repos de l'âme du défunt èt, d'ailleurs, conformément à sesvoeux donamus villam nostram cujus vocabuluin est Boslen-villa, que est sita in pagos Tellau et Virnnau, super jhhiurnVinlena, sicut eam cegia 'benignitas adque potes[tas] nobislargiri per preeeptwn di jnatct est. P,'aedictàin villam ha bel ibi

• rnansurn indominicato cran capellas chias, que sunt constructasin onore sancta Maria et sancti Martini... excepto ilo benefitioque vocatur Curtcellas, quein Àgilbe»tus per benejitium [Jar-cluino com iii anfea tenutt'.

Le doute n'est pas possible Boslenviila en Talon on Vimeuc'est l'ancien domaine royal Bosleni poils. L'acte de 859précise sa situation de telle manière que l'identification estassurée il s'agit de BOuILLANCOURT-SÉRY, en Vimeu, mais

- 1. Il ne semble pas douteux, en effet, qu'il soit identique au misuS dece nom chargé avec Herlouiu, l'évêque Jirard; l'abbé Thierry, d'inspecterl'Avranchin, le Cotentin, le Bessin, le Contigus. l'Oiliw1a Saxonia clHw'duini l'Hiéniois et leLieuvin.Voy. Capitu(a;'ia,éd.Kra.use.t. 1I,p.275,

2. Pas-de-Calais, an'. et cant, Anas. -3. Deux jours aprés, le 15 janvier. les deux armées se ,encont raient à

Jony (Aisne, arr. Soissons cent. Vailly). Lduis le Germanique, inférieuren nombre, prenait le parti de se retire,' sans oppose" (le résistance, Voy, Cal-niette La ïtiplornatic cai-oli/?.gicfl.n.c, P. 58-59 (Bibliothèque de l'Ecolc desri autos-Études, fase. 135)

4. L Tardif, O; oit., il' 1%, P. 107408.5. Somme, air, Abbeville, eant. Gamaches. Le centre du village est A

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44 F. LOT {3O]

à la limite de Talou. Le bénéfice de Caricellas est soit e Cour-tieux n, soit « Courcelles n; â 7 et 8 kilomètres au nord del'église de Bouillancourt.,

L'incertitude sur la limite du Talon et du Vimeu est!, d'ail-leurs, fréquente aux Vine et Ixa siècles. On en trouvera desexemples probants dans un mémoire d'Auguste Le Prévost'.Quant au pagus Calcis de l'acte de 843, c'est une erreur, ouplutôt le pays de Caux est pris dans toute son extension de laSeine à la Bresle'. La conséquence curieuse etimprévuc de cetteidentification, c'est que le /tuviunt Vinylena ou Vinlenan'est autre que la Bresle, rivière qui passe, en effet, près deBouillancourfr

Un troisième exemple achèvera dé mettre ce fait hors dedoute: la Vie anonyme de saint'Wandrifle de la fin du viio.siède,rapporte • au chapitre. 21, entre autres donations, celle de\Varatton Denique ex largitione W ustris Wctrattonis, superamnem Vintiana in honw'e principis apostotûrum oratoriuinconstruxit cui, diininitivo vocabulo, Monast erioli eideni no,nenrndidit, ubi et monacliorum Dei ,nilitantturn cohortem adu-nacit'. Il ne paraît pas douteux qu'il s'agisse du hameau de

2 kilomètres 1/2 de la rivière, mais la forme Bosleni pons » indique quele finage atteignait le cours d'eau et même le dépassait sur la rive gauche.Cette forme n'a pi s persisté comme à Senarpout (So;nnaidi poux) enamont. D'autres domaines, sur la Bresle, étaient kchek'aI sur lesdeux rives.Ainsi un grand domaine, Nesles, fut morcelé en plusieurs parties Nesles-l'Hôpital et Neslettes sont sur la rive droite une autre portion, Nesle, estsur la rive gauche et, doit à cette situation le qualificatif de Nornwndcuse.

1. Anciennes dioisions territoriales de la Normandie, à la suite de sesMémoires et notes pour' sertir rtir à l'histoe du. d&pw'tenue'ut de l'Eure,publiés par L. Delisle et L. Passy, t. III (1809), p' 488 et 489.

2. Sur les confusions entre le pays de Caux et le Talon, voy. Le- Prévost, toc. cil., p; 489 et 497. Ces confusions doivent s'expliquer par lefait que les deux paqus étaient sans doute gouvernés par un seul comte(voy. Longnon, Ales, p. 98) qui joignait peut-être anciennement k soucomté le petit irm€us du Virneu, tirant son nom de la Vismne, ruisseauafliucut de la Bresle. C ') n'est sans doute qu'il partir du x' siècle que leVimeua étédéfinitivement rattaché au Pontien, sur la rive droite de laSomme, rattachement évidemment peu rationnel.

3. Mabillon, Acta Sanctorum ordinLs S. i3encdiàli, saec. 11; 543.

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t31J MÉLANGES bAHOLINGIENS 45

«Ivlontbières 1 n, dont l'église est-, en effet, dédiée â saint Pierré'.Monthières est juste sur la Bresle.

Enfin deux chartes; dent les Gesta ahbatu,n Fontwjcllens/u,nnous ont conservé l'arialye, patient de la donation du domaineroy al de Wini1dnà ' l'abbaye -de Saint-Wandril]e. Rainfrai,maire du palais dè Neustrie, I' e usurpateur' », en fit .don â11ildehertus, abbé de ce monastère, le 27 septembre 717 1 Peuaprès, en 717-718, Hugues, archevêque de Rouen,.donda -lémême domaine de eWintiana villa »A\Vaudon, abbé clé Saint-Wandrillc,et ce monastère le conserva en-sapossession pendantquarante-trois ans, soit jusqu'en 762-763'.- -;

Qu'est-ce que WinilanaP on l'ignore. Je suis- porté à ctoirtque ce n'est autre que l3onillancourt-. Wihtlaha S jlutôt én'effet, le norr de la rivière sur laquelle est situé le domaine qu{.lui doit son nom. Pepin, à l'exemple de son père, aura reriè:

Som rue, cern in une de Bou ttcncourl- s ri- G aruaches. -2. On la chercheraitchercher-ait vainement sur la carte- de l'Etat-Major, mais la

carte de Cassiir i marque l'église. ou plutôt le petit prieuré de Saint-Pierre- k un Nord du moulin de Mont-hères.-

3. Jetai-la (du grec 1vtipt71 ç).- .- -4, Qcsta abôa/nm Fonlanelle,,sjwn, e. 13 e Ru je venen-abili patri

» (ilildeben-to) dodU, Ragenfridus intarta ti-scum qui vocatur \Vintlarta.,n aune secundo l-lilperiei regis, qui erat doininieae incarnationis 717, in- -n diçlione 15, sub die quinto kalend. octobrium; feria, tertia flicj n (Mo-nnn,cnta Gciir,aniac. ScrrpY.oi-cs. 11, 28?). Le 27 septembre tombe un -lundi (feria secuncla) et non un mardi (feria tertia).

5 14,. e. 8 o inter reliqua aritenu praedia ah 00 (1-hrgone) contradita.- -o etiani Wi ntlaria,m vil lam langi tus est \V,ndon j abhati ,-iln 110 pli ruen Clotharii regis quenu Carolus, post fugam Hilperici ae Ragcniredi, régent

si-bi statuent,- et -possessa est ah hoc ccenobio osque ad reginienWitlaiei» abbatis per- annos q'iadraginta tics o (Ibid.., 11, 281). C'est et) 717 queGlanes Martel institua un roi fantôme, Clotaire iV (.voy. Levillaïn,Conf-i'ibrdion ù la chroaoio,qie des rois iaérorinyicns dans le- Moyen A11e,19o3:p. 11. note 2). Après la fuite de rtahirroiel. de Chilpénic li (Fin 717 ouPlutôt 718), les Fiscs neustriens avaient été confisqués par Charles MartelCe fut évideinnieht le es de Winilqjra attribué par le'nriaire do palaisdAustrasie it son 'neveu I 'archevèq oc Hugues La donation (le I' 'ï usurpa-teur n liai n froi dutt étre jugée sansvaleur et l'abba y e de. Sai n t-Wandn'i liepour rester en possession de ce ddsnaine eut besoin d'une nouvell& doûationémanée d'un --s Pippinicle n;----- --.-

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46 F. LOT [32]

iv Saint-Wandrille cet ancien . fisc royal pour en gratifierquelque fidèle.

On a vii plus haut que son descendant, Charles le Chauve,s'en démunit définitivement en faveur du comte Bardouin', etque la famille de celui-ci en fit don â Saint-Maun-des-Fossés.Mais,par une dernière précaution, l'abbaye fit souscrire lachartede tradition du vieux domaine royal par le comte du palais,Foulques. Plus heureux que Saint-Wandrille, le monastèrede-Saint-Maur ne parait pas avoir été inquiété dans la jouissancede st proprité, fait d'autant remarquable que deux roiscarolingiens, Louis III et Carloman, descendent de ce comteHrdouin, mort entre 853 et 859. Le fils allié de Charles leChauve, Louis le Bègue, se prit en effet d'affection pour l'undes deùx fils de ce personnage, nommé Eudes et, le 1er mars 862,

il .épousa sa soeur, Ansgarde'. Ait double titre de rois etd'héritiers d'Hardouin, les deux jeûnes princes auraient purevendiquer le domaine.

Enfin, l'oi'atorium dont \Varatton fit donation est fort prèsde Bouillancourt. Ne peut-on en conclure que Monthièresfaisait partie de ce grand fisc, dont le maire du palais avaitla disposition et qu'il en fut lé premier démembrement ?

Revenons h MTindcna ou T/inglena. Quel [apport entre ce mot

et le nom de la Bresle ? On ne le voit pas. La forme . Vinlena,

1. Cela donne à penser que cet Hardouin était comte des pagus de Caux,Tatou et Vimeu (cf. plus haut, p. 30, note 2); Les donations des vilhsroyales à des comtes sont, en effet, généralement un mo yen d'augmenterleur traitement quand les biens du fisc attachés à la fonction constate sontiiisufflsants. Cf. sur les ' es de cornu alu ,Poupardiii, Le Roycrun,c deProvence, p. 373 sq.

2. Annales Ber(io,ani, p. 58 « ....l4ludovicus, Enter ipsins Karolin (minons). evestigio in ipso qoadragesiJoac sa,nctae initio filirnn Ifarduini,n quondatu comitis, sororem sci licet (Mollis sui niulturu complaeiti , sibi» eonjugelfl copulai. En 862. le mercredi des cendres tombe le 4 mars.Or, peut supposer que le mariage eut lieu le dimanche précédent, pr marsLe 31011,de la première femme de Louis il est donné ]Sar divers textes.Vo3'. Dûmmter. Gesc/,icl,lc des Osef,ûiiliscîscn Reiclis, lI. 39, note I

3. Motithiires està moins de 3 kilomitres de l'église de Bouittaneourt.Si cette dernière localité s'étendait jusqu'à ta riviêre et même audeUs,

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[33)-MIh,ANOES CAROLINGiE 47

attestée dès 859', eut abouti à V/nlené ou (t Vilene eu Vilaine,car il est impossible de ne pas rapprocher ce mot des T7/tie?iaet Winulena, qu'ail retrouve par exemple dans l'Ouest': Pourarriver à Bi' este, il faudrait invoquer une phonétique localetellement anormale que je laisse &ï de plus savants le soin de ladébrouiller.

Il n'est pas nécessaire, au surplus, de tenter de dériverBresle de Vinolena. La rivière a pu changer de nom.C'est précisément le- sort de plusieurs cours d'eau de cetterégion. Ainsi la Béthune est tantôt dénommée Dieppa3,tantôt appelée l'elias fluwiu.s»'. Il est certain, d'autre putt,que ce dernier 110m s'est 'entendu aussi de lRptc'. LaVwenne est aussi très souvent appelée I'Ai'qties'. Mieuxvaut donc adopter la seCOlIdO -solution comme plus prudente.D'ar.itant que ce mot de Bresle se rencontre ailleurs, Le ruis-seau qui arrose Corbie porte ce nom - , et il en est de mômede villages situés dans l'Oise', le Pdy-de-Dôme°:. et sans douteailleurs encore.

ainsi qu'il parait extrêmement probable (voy ' p. 29, note 5), Mont-hiére,4était compris Forcément dans les limites de ce grand lise.

Dans la. prononciation il est évident que la consonne précédent tutait tombée. C'est pourquoi quand ils veulent I:., rétablir dans la gr'a.plue.les scribes mettent au petit bonheur un y ou tif) t

2. Ainsi Villena a donné Vilaines (sous Ma.tieorrre) dans la Sarthe, air.La Flèch e, canton M al eorn e. Viii aines-la.-Julr cl (Mayenne, arr. Maven ne,chef-lieu de canton), représente Vin Ucea d'un diplôme de 802. Vo', LéonMaître, Dictionncu.,'ç (oporp'apIr trju.c de la Mayenne (Paris 1878, in-4'),P. 333.

2. Le Prévost, toc, oit., III, 495496.4. Le Prévost, toc, cit., 111, 488.5. A 'cia les Bc,'tirrtarn, p. 55-56. Cf. T. Lair. Les No,'ncanctç riens 111e

d'Osçciic, p. 16 (Extr. des Mém. de ht Soc. hi.s't. (le Ponloise. L. XX).G. Le Prévost, toc. cil., III. 489.7. Cf. l3r'esle, Somme, arr. Corbie.S. )3mesie 3 Oise, arr. Beauvais. ea,nt. Niviliers.9. Bresle, Pu y-de-Dlnne, arr. Thiers, ea.nt. Lezoux, coin. Crevant. -

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Iv

PONS LIADI

Pons Liadi est une localité citée dans les Annales d'J-Iincrnaret que personne jusqu'ici n'a réussi à identifier. L'archevéquè deReims rapporte en 872 que l'impératrice Engelberge; répudiée,à lit des grands, par son mari l'empereur Louis II;envoya en ambassade auprès de Charles le Chauve, I'évèque\\ihod pour se concilier sa faveur. Celui-ci rencontra le roide Fiance occidentale à Pons Liadi u Ipsa autein non obau-

diens i Ilius inandatum, post eum ire maturant et Wibodu:in» episcopum ad Karolum quasi imiditiae gratin inisit, putans» nescire Karolum quae intel' illam et I-Ilodhwicum, i'egeiu» Germanine, pacta fuere. Wihodus autein ad pontent Liadin ad ICaroluin venit, marri itluc pro quibosdam in Burgundian causis componendis perrexcrat'. n

Ces derniers mots montrent que la localité mystérieuse eten Bourgogne et c'est ce que confirme: la suite: « Karolusn autem t Burgundia ad Gundolfi viflam placitum ibi antea» condictum habiturus kalendis septembris rcvertitur'. n li enfaut conclure en: même temps que le séjour de Charles enBourgogne se place vers le milieu ou la nu du mois d'août,

1. Annales Bcrti,uiani, dcl. G. Wattz p. 120,2. Annales Ijerljniaai, p. 121.

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1281 NleLAiNCEs CAOOLINGŒN.S 49

puisqu'il était rendu â Gond revi lie (prés de Toul) an début 'de• septembre. Le mot e kalendes n doit. en effet, s'interpréter ici

d'une façon assez large, car nous avons conservé le texte- duserment prêté au roi par les évêques et les grands â Goadj'e,ville et il et daté du 9 septembre1.

Nous possédons un autre témoignage sur le séjour de Charles• leCliauve en Bourgogne au mois d'août 872, c'est un diplôme

en faveur de l'église de Langi-es Charles, ù la prière del'évêque Isaac, concède la monnaie â l'église cathédrale deSain t-Maminet t Langres et Saint-Étienne â Dijon2. Il luiabandonne la totalité des revenus. des marchés annuels et fich-domadaires de Langi'es et de Dijon tenus sur terre d'église.revenus dont jusqu'alors l'évêché ne louchait que ln moitié.l3nfin, redoutant les abus des faux monna y eurs et des officierscomtaux, le roi enlève au ceinte Je droit de monnaie qu'il

,trausfèreâIèvéque.Cét acte qui est important dan l'histoire du jus ,noncla&

ne donne prise â aucun soupçon. La date seule fait difficulté.L'original ayant disparu, nous ccnnaissons le diplôme par. unecopie du xii 0 siècle contenue dans le Cwtulafre de Saint-Etienne de Dijon'. La date de jour y est ainsi transcrite:

• 1. Mon.. Gei-n ., Cepilularia. éd. Borelius et Nrause, Il, 342.2. Le siège cathédral (le La rlgres transporté & 1) ijon Û la fin du y' siècle,

demeura en cette dernière ville pendant, tout le VI' siècle, pour revenirensuite ii Langres. Vo y . Aug. Longnon , Û(oqreqi/Iie de lu Carie auV1'sLûcle,p. 210. Sairiklltiennede Dijon continua n&Lnmoinsk &reeonsiddrécomme lin des sièges (le lévèché.

3. Ndus reproduisons l'acte en appendice.4. Voy. Anat,ole de ]3artluilemy dans Gariel,!, 39,et E. Petit, Histoire

des ducs de Bourqoqne, V, 340; - Maurice Prou. Ini,-oduetiou au cata- -loque des ,ul.onhia,es caroliiigieir.oes (l-e la )3ib1.iot/Iù(fne nuiion.aie. p. uxin-LXIV. -- Les concessions de Charles le Chauve fri pent confirmées etétendues par ses successeurs. Vo y . notamment un diplôme de Charles leGros donné k Sehlestadt le 15 janvier 887, dans Roserot, Diplômes eut-o-finrf reps des Archives de la Htiulc-Mc,r,ie, P. 25, n• ° 15 (d'après l'original).

5. J. Gainier disait par erren i' en 1841), ce cartulaire k la Bibliothèquede la ville de Dijon, Charles boni'quitjuonees inédites des IX', r cfXI' siècles, dans Mémoires préseniès par dicers suce-uts à i'Avadé,nie

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e50 F. LOT [129J

i Data XII Irai. sepicmbr., tndwtiûnc II, anno XXVIII1,;'eqn.anle Karolo gloi'iosissimo rege. s

La vingt-neuvième année du règne de Charles le Chauve va.du 21 juin 868 au 20 juin 869. L'acte serait donc du 21 août868. Mais cette date est en contradiction avec l'itinéraire quinous montre le roi résidant â 1Pi• res . sur la basse Seine, aumilieu et jusqii'ii la fin d'août 2 . Est-il possible qu'il y ait euerreur d'une unité en plus ou en moins? Non. L'annéeprécédente, 867, est également inadmissible,car le roi avaitconvoque l'os tâChartres pour le 25 août dans ledessein de faireune expédition contre les Bretons". Si l'on se rejette sur 869,les difficultés sont tout aussi grandes ; de retour de Pitres,Charles apprend à.Senlis la mort de son neveu Lothaire Il,survenue it Plaisahce Je 8 août il se diri ge aussitôt sur Atti-gny (Ardennes), puis sur Verdun et se fait couronner roi deLorraine à Metz Je 9 sdptemhre'. Il n'y a donc pas placepour un voyage en Bourgogne ï ht fin 'du mois d'août pendantles an nées 867, 868, 869. Force est donc dadinéttre que, dansla transcription du chiffre des années , du règne, il s'est glisséune erreur dans Je cartulaire, et la corréction qui se présenteà l'esprit c'est qu'un X n été remplacé par undes' Jnsci'pfions, 2' série, I,. Il, p. b. Ce cartutaire et en réalité cilsArchives départementales, sous le n' G 125. Vév. l'in 'en intro -Ùnl,n unedrs Archives d&pw'/ornenlaic's de la CÔlo-d'O,', série G, t. 1 (1903), PLes eopiede G 122. Gl2,G22.9,clatentdes xvii' et xvlH'siée]eset,dôriveni,de G 125. On doit donc les négliger. De 'mémé à, la Bibliothèque natio-naleles copies modernes contenues dans le ms. lat. 17082 (aile. Bouhici',vol. 40), foLS, et la Colkci,'on J3a1ue (copied'André Du Cliesne), vol. 39.fol. 126. dérivent également. de. G 125.

1. Pitres (Eure, arr. Louviers, vaut, Pont-de-l'Arche) est sur la rivedroite de la Seine, au conffuent de l'Andelle. à 3 kilomètres en amont dcPont-de-l'Aide. . .

2. Annales Bei'(iniani., p. 96.3. Ibid.. p. 87- L'expédition n'eut pas lieu, la paix nèz ant été conclue

avec Sale ni on le 1 1 ' août à Com piègne. En quittdernièret celte dernière localité,le roi se dh'igea sur Arias et Orville (Pas-de--Calais), et demeura, dans leNord jusqu'au concile de Ti-oyes, réuni le 25 octobre (ibid.., p. 88).

4. ibM., p, 101 sq.. Une erreur analogue été commise par cc Cartulaire, à propos d'un

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[130] MÉLANGES CAROLINGIENS 51

Une difficulté se présente. L'année 34° (XXXII 1i)du règne deCharles allant du 21 juin 873 au 20 juin 874, notre diplôme,donné le 21 août,appartiendrait h 873. Cela encore est inadmis-sible. En 873 Charles fut occupé dans l'Ouest pendant tout l'été4 assiéger les Normands clans Angers, depuis juin jusqu'àoctobre . Après avoir obtenu la soumission des pirates, firevient dans le Nord-Est en passant au Mans et à Évreux,traverse la Seine près de Pitres (octobre) et arrive â Amiensle 1- novembre'. On le voit, un séjour en Bourgogne est imposcible au mois d'août 873.

Je crois qu'on lève toutes ces difficultés d'une manière Simpleet sûre en reculant notre diplôme d'une année et en luiassignant pour date le 21 août 872. Cela concorde avec ]cgdonnées d'I-Iincmar et en même lemps avec le chiffre de l'in-diction, car il n'estpas difficile de voir que leV.oncial (U) aétélu II: l'année 872 n pour indiction V. 11 en faut conclure que lecartulaire porte par erreur un jambage eu trop: XXXIIII aulieu de XXXIII. Je ne serais même pas , surpris ciao cette fautefût déjà dans l'original. IL a été composé, en effet, par le notaireAudacer, lequel appartenait au second bureau de la chan-

diplônie de Charlemagne qu'il • date de l'an 22 du règne. L'original quiexistait encore, en 1692, portait « anno xxxii s. Vov. !'In.ventai,'e soi,'-nlriùc de.ç Archive de ta Cô/ed.'Or, série G, t. J. p. 80.—Il est très singulierque 11 érard en 1664, Fyot en 1696, André Duchesne enfin, dont les textessont indépendants 1' tin de l'autre, soient d'accord pour avoir o an no XXXIV».

Comme Pérè,rd et Fyots'aecordent, en outre, pour omettre une phraseentière (iii Lin r1 ,,o,jj.ç. chdoniadrilç), j'ai cru mi instant que leurs textesdérivaient d'un autre cartulaire d1ne ccliii que nous possédons, cartulaireavant conservé la. bonne date. Cette hypothèse n'est pas admissible.Néanmoins il est vraiment étran ge que ces trois travailleurs aient faiti ndépencla.m men t l'un de I 'autre et sans pa raitre s'en douter u ne correctionheureuse. Enfin Bonhier, copiant, lui aussi, le méihe ea,rtulaire Commetune erreur et transcrit « '111110 xxiii' »!

t. A ,wuies Bertinirni. p, 123; A 'moules Vec/as(ini, éd. Dehaisnes, . 293;fragment Qoo.lite,' lVo,',lidnni cicitateni Andegaccnscni. cep ,p unt et ah ceper Caret,, mn Cajou,» rcyc;n expiilsi fu e,',, n t, dans André Du Chesne, 1115f.Franc. Sem'iptoi'es, 11, 400.

.. Annales Boit iniani.. p. 124-125.

Page 52: MÉLANGES CAROLINGIENS

q LOT rtsu

cellcritP. Or cot irte esi le-pieiiuer qttil ait rédigé à noireconnaissance. Le nouveau venu a pu très -bien commettreune erreur dans la computation des.années•du règne..

-Et la date de lieu? -Elle-est écrite « Action Po,ztiiiaco pqlatio regio ». L'identi-

fication ne fait aucun doute Tl s'agit de PONTAILLER, eltef-l.ieude canion.. de l'arrondissement de Dijon dans la Côte-d'Or.C'était un palais important sur les bords de la Saéne, qu'ellefranchissait par un pont qui donna son nom â la localité'. Cepont mettait en communication Langres et -1151e. Par bêle on -gagnait l'Jtalie. Par Langues l'antique voie romaine faisait coin-muniquer Lyon avec la Bel gique et la Germanie (Mâcon,Chalon, Langres, Toul, Metz, Trêves) et c'est cette route '6-cisément que suivit Charles le Chauve, quand il gagna Gon-dreville près de Toul.

Est-il nécessaire d'ajouter maintenant que Pons Lictdi n'estautre que Pontailler? Hincmar; ou plutôt le scribe auquelil dictait vraisemblablement, a fabriqué ce mot de -fantaisiepour rendre la forme vulgairè dont il ignorait l'équivalentlatin. Le fait n'est pas isolé clans les Annales J3ertiniani dontle style obscur et entortillé trahit ['embarras d'un scribe qci .apeine ti mettre en latin correct un texte qu'on lui dicte enlangue romane.

Juillet 1904.

Ferdinand LOT. -

-I. Annak.' Bm-finiaûi, p. jan « pracnnsil, Odacru n secundi sci-i nunotariuni, etc. o -

2.- Sur cette localité, voy. Courtépée. Dcse;-ip/.jon gdcùraic et. pci-tien-/i&e. .. de 13oui-go que, 1,252, et 11, 440.

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132] - MÉLANGES CAItOIJ)CIENS 53

POST—SCRIPTUM

Cet article était rédigé entièrement qèand je reçus deM. Jules Gauthier, archiviste de la Côte-d'Or, que j'avais .priéd'examiner de nouveau le Cartulaire G 125, Une secbndccollation de l'acte avec la remarque suivante sur la date: Il» y avaitXXXJJll. une retouche précédded'uniégergratg a» supprimé le jambage gnle S [du X] et une plume trempée» d'encre noirâtre a ajouté v ». Ma conjecture était donc exacteJe m'étonnais de voir trois textes indépendants (AndréDu Chesne, Péraid, Fvot) se tromper de concert en copiant ladate ou tomber juste en la restituant Le fait n'a plus riende mystérieux. Au xv Jl c siècle le Cartujaire portait encore«anflo XXXIIJJ, regnante «arolo ». De même dans la premièremoitié du xviii 0 siècle, car la faute de la copie •de la Collectiondu Président Bouliier (mort en 1746) . « XXJIII. n s'expliqueljeaudoup mieux silyavait encore « X.XXIIII.» sur leCartulaire.La malencontreuse correction e XXVII il n se place dbncl'époque moderne. L'étude de l'histoire de ht collégiale deSaint-Étienne permettrai peut-ètre d'en préciser la date etle but.

1G .décembre 1904.

F. L.

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54' F. LOT T[133j

APPENDICE

872. - 21 août. PontailIer' - Église de Langres.

Charles le Clinuve, à la prière d'Isaac', éodque de Langres,concède la zrtonn aie à l'église cathédr1.71e 4 de Saint-)Wammet àLangres et Saint-Étienne à ].)ijon: Le roi lui abandonne, enoutre, en totalité les revenus des marchés annuels et hebdo-mnadaires de Langres et de J.)ijon tenus sur le territoire de lacathédrale', revenus dont l'église ne touchait jusqu'alors quela moitié'. Enfui, craignant les abus des faux monnayeurs et

1. La collation de la copie B ef, due à l'obligeance de M. Jules Gan-thier, archiviste de la Côte-cïOr. le suis redevable d'utiles renseignementssur ce cai'tulaire 13 à M. Ourse!, archiviste de la ville de Di jan. Je prieces deux confrères d'agréer il occasion ine rern CI-Pi Ille li ts. - Toutesles copies dérivant de B, {ous ne, sigiitIons comme - variantes quecelles qui établissent d'une manière incontestable leu dépendance vis-à-vis

de ce cartulaire,2. Pontailler-sur-Saôfle, Côte-d'OP. arP. de Dijon, chef-lieu de canton.

3. Isaac, évûque de Langues de 856 (?) au 18 noÙV8i9 ou 880. \ToyGaflis

t. V, col. 5t3-53G,. et surtout Eu. Favre, Endos. ramie dc

Pa,',s ci roide Franco, p 86.4. Voy. plus haut p. 128, note 2.5. Le mot o -potestas 'u a parfois un sens territorial k lépoque franque

(voy. Fustel de Cou longes, L'Allen, p- 120) et c'est ici le cas, semble-t-il.C. L'omission' d'une phrase dans les textes imprimés enipûchait jus-

qu'ici qu on se rendit parfa.itemn eut compte de la valeur de la donationroyale. Elle concèdek l'église cathédrale 1' k Langues la moitié des marchésannaux et hebdonadaires, 2' h Dijon la totalité des marchés hebdoma-daires, -

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[134] MÉLANGES CAROLINGIENS 55

des officiers comtauœ, le roi enlève au comte le droit demonnaie pater le transfl2ret à l'évêque'.

A. Original perdu. - B. Copie du milieu du xn° siècle,Cartulaire de Saint-Étienne de Dijon aux Archives de laCôte-d'Or, G. 125, fol. 3 recto (d'après À). - C. Copied'André Du Chesne, ('oh. Baluze è la Bibliothèque Nationale,vol. 39, fol. 128 recto (C ex chartul . S. Stephani Divion,,part. I, cap. un. n -- D. Copie de 1660 aux Archives de laCôte-d'Or, G. 129, fol. .5 verso (d'après B). - E. Copie duxvir siècle, Ibid., G. 122 (d'après B). - E. Copie duxviri' siècle, lbid.,G. 229. - G. Copie du xvni° siècle, ms;lat. 17082 (ana. 13ouhier, vol 40) â la Bibliothèque Nationale,foi. .3.

a) Pérard, Recueil de plusieurs pièces servant à l'histoirede Bourgogne t (1664), p. 48-49,. sans indication de source(d'après B), â 863 (sic); b) Abbé CI. Fvot, Histoire del'église abbatiale et collégiale de .Saint-Estidn,ie de Dijon(Dijon, 1696, in-fol.). Pr,, p. 31 s ex chart. I S. Stephani,part. I, cap. iv n (d'après B); - & Dom Bouquet, Histo-riens de France, t. VIII, p.. 643, n° cGxLvuI[. (d'après a) â.873;

d) Prou, Introduction au catalogue des monnaies caro-lingiennes, p. LX1I, note 2 (diprès e).

11w. Bréquigny. Table des diplômes, 'i 297 (h 873); -Barthélem y, clans Gariel., Monnaies royales, J, 39 et dansE. Petit, Histoire des ducs de Bourgogne, t. Y, p. 340 (,a

1. Le marché et ,aussi le Wall eu étaient étroitement unis . au. jusinon efiie et t'essortissaient dés prérogatives du comte, administrateur, dupagus. \'oy. Prou, lnt,'od,,c/,:on ou catalogue des htonnoies c(u'oli-'/iei?fleS de la 131ô1i.ot/t&juc 'ta (ion ale, p. LEu . - Ces concessions fitrent,confirmées et étendues par Charles le Gros dans 1111 diplôme donné kSehlestedt le 15 janvier 887. Vov. Mùhilbacher, Dc J?eges(cn des LCd-

den !Ca;'olimje,'n, n' 161)3, et A. Roerot Dipiônics ucro-iin.gien.s des A,'eh ires de la Haaic-Ma.rne, Jh 23, n' 15.

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56 F. LOT [las]

In nomme sancte et individue Tririitatis. Kaio!us gratia Dcirex. Si servorum Dei justis et racionabililus efliagitationibusquas pro ecclesiaruni sihi cornmissarum utililatihus noUsintimaver'int assen.snm prebeinus et cas ad fîectuxn perpetu9stabilitatis perducere satagiinLis, non solùni in hoc regiam exer-cemus eunsuetudinein, sed etiam hoc ipsum ad presentelilvition cum felicitate transigendain et -id fut uram quanitociushealitudinem eapessendtni nobis profuturutn esse non duhi-tarnus. Quapropl et eonper-iat omnium fldçI mm sancte Dei ce-CIesiç nostrorumque, tain presentium quam 8 futurorumsoliertia qualiter carissinius nobis Isaac, Linguonensis ecclesiei'everendus anlistes,. cd nosirain se cofligens nia.jestateni, bu-militer postulavit quat.inus pro nostra pielale eccIesi saneti -Mamn)etis Linguonensis alque ecclesiç sancti Stephani Divio-nensis quihus, Deo ordinante, ipse preerat, monetam quamanteahabere ton consueverant concederemus. Simili modoeliam deprecatus est de mercalis in SLla poteslaic constitutis,in Litiguonis scIicet et in Divione de qui bus ta] is antiqui tusconsuctuclo fuit tri mcd ictus de annalibus et de ehdomadaljhin Linguonis partibus pr( ,dictarum ecclesiarum cederetur etdeebdornadali b in Divione sumna intégritas jamdicte potestatieon.stitueretui-, tale cuetoritatis nostrç pi-eceptum [ad] sepefatasecclesias rebnqudremus, per quod ip.se ejusque sOccessores sinealiqua contradiciione tenere racionabiliter possent. Cujus 1w-dabilibus peticionibus atque arninonicionibus aurem accommo-dantes, hoc subliniita.tisnostre precepluni tien cîque date jussi-mus,perquod ipse venerabiiisantistesejusquesuccessores etprc-fatas inonetas et de mercatis quemadmodum supra habeturinsertum,quieto ordine,etcrna stabilitaie,obtinere imperpetuuniva]erent. Et fle nostra concessio ex jam dictis nionetis a falsismonetariis comitumque ministris aliquo violitric potuisst

co une main du xv 8 siècle aajoutè entre quaa et fn,ti'oru;r, le mott en interligne.— b) cette phrase est omise par suite du u bourdon dans G,

u, b. - e) leu! (r;' dans u. Il y a dans le B avec rejet k la ligne w-oiqri.P&arcl t lu in au lieu de u.! les trois premiers jambages; c reproduisaiiL ci.,a I tu pli 'nè ,uelq ;'i. -

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r136] MgLANOE5 C:AItOtINGIEX$ 57

ingenio, iceirco ion ad jus comituin •sed ad uUlitatem jain pre-dic(arusn ecclesiaruni earumque rectoris provisionein volumuspertinere. Ut antem bec nostre confirmationis geu permissio-nis auctoritas firîna et inconvulsa oinni tenpore .perseveretatqu'e stabiiis. in fLiturum permanent, manu propria subterfirmav j rnus et de ânulo nostro .siilIari jussirnus.

Signum Karolib (monoyr. gloriosissimi regi).Andic,er c notaius ad vicem Gaudcni recognovietsubscr j psi.Data

duod cciiio:kaI.septemJj inclictiorie Il, annoXXVJJjfc,regnante Karolo gloriosissimo i'ege. Acturn Pontiliaco palatioregis. In Dei nomen. Feliciter. Amen.

u) s,,htcr remplacé par des points de stspeiision par u, Le mot est• cependant lisible dans B mais il est maculé; s l'a rétabli pal' conjecture

entie pareil thèses. — h) le monogramme est en -marge dans B. -t) c, Sont corrigé judicieusement en .4uducb,'. - d) b corrige en Guuslem',Cèn Gaurlun qui est la vraie fonne..—e) XXXHIJ D, u. h; XXIIH G.

t

C

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58 F. LOT 1137]

ADDITIONS ET CORRECTIONS

Mélange I (Moyeu Age. 1004, p. 469)

Surie duc ltainaud on trouve quelques lignes dans les Miracles de

saint Marlin de Verlou, composés à la fin du x° siècle par Liétaud deSaint-Mesmin. Le chapitré xviii et dernier débute ainsi «Rainoldusquippe nobilis prosapiae qui oral dux regionis Franciae, dccore suf-fultus civitatis Cenomannicae, infiammatus facie iniquitatis ncfariaebeato Martino voluit rapere quod adquisierat diutino tempore etc. n'Mais rien dans la suite ne justifie le litre de ce chapitre Rainoldus

dan oh incasa monaatcriï pracdia cacdilrtr. L'hagiographe n préféréne rien dire et conclure ainsi «nos itaque quiapauca de hujus sanctidissernimus virtutibus, interim de ceteris sïieamus, nobis sapien- -tioribus relinquentes quae supetsunt ut eadescribantur in postcrioikimnotitiam u (Voy. cd. Br. Kruseh dans ilion. Genn. Script ter me-rocing., III, 575 et 1V, 571). Le nom du due du Maine rappelle, celuid'un duc de Charles le Chauve, comte de Nantais ctd'l-lerbauge, qui suc-comba sous les coups du rebelle .Lambert le 24 mai 843 à Blain (Loire-inférieure). Voy. R. Merle, La Chronique de ATonies, p. 10 et 14.Peut-être y a-t-il un lien de parenté entre ces deux personnages.

11

Mélange II (Mhqea Age, 1905, p. 16)

n Sans doute ordonna-t-il la réparation rie l'enceinte romaine et laréfection du double pont qui devait jouer un si grand rôle huit ansplus tard et dont il n'existe aucune mention jusque là. u-

Cette phrase elliptique et maladroite poutrait-donncr à penser que,à mon sentiment, il n'existait pas de pontà Paris, cequi seraitabsurde.Outre les témoignages rebattus 4e César (De bello gal!., Vii, 58) et

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[138] MILANOES CAROLINGIENS 59

de Julien (cf. C. Jullian, Revue des études anciennes, 1V, 41), on peutciter en faveur de l'existence du pont le récit de Grégoire de Tours(VI, 32) sur la mort de Leudaste et un passage de Fortunat (VitaLeobini) qui rapporte qu'il futincendié. Au huitième siècle Je comte deParisis et l'abbaye de Saint-Denis se disputaient le tonlieu u infraParisius ex navibus et perdis volutaticos ac rotatico» (Voy. un juge-ment du roi de Pepin du 30 octobre 759 dans Tardif, Cartons des rois,n°57 bis. p. 638). En 836 les moines transportant le corps de saintLiboire du Mans en Westphalie sont recueillis par l'évêque de ParisErehanré u sanctum suscepit Liborium ultra pontem et insulam Se-quanarn henorifice ferendo in suam perduxit eeelesiam n (dans Ana-lecta ]3oliandana, t. XXII, 1903, p, 165). Comme les moines pour-suivant leur route se rendent ensuite à Montmartre, il n'est pas douteuxqu'ils aient été reçus par l'évêque à l'entrée du Petit-Pont, comme'l'itinéraire donnait lieu, d'ailleurs, de le croire.

Ce dont il n'existe aucune mention c'est du soi-disant« pont neuf nconstruit par Charles le Chauve sur le territoire de Saint-Germain-l'Auxerrois. Le diplôme en date du 14 juillet 861 (Hisi. de France,VIII, 568; IL de Lasteyrie, Canut. gén. de Paris, I, 62) qui ren-ferme ce renseignement est une pièce forgée par le chapitre de lacathédrale de Paris, au moyen d'un diplôme authentique (perdu àdessein), confirmé par Charles le Simple en 909 (Hist. de En., IX,509; Lasteyrie, 1; 79), diplôme où il n'est question que de l'antiquepont romain.

Relevons enfin une erreu r de Quieheratqui, dans sa Ciitiquedes deuxplus anciennes clientes de l'abbaye le Saint-Germain-den-Prds, écrit(p. 12) o La chronique d'Adon s'exprimant d'une manière plus positivefait honneur à Charles le Chauve de la construction des tours fortifiéesqui défendaient l'abord de la Cité. Seulement Adon a cru que lesdeux Chàtelets défendaient chacune des têtes du Grand-Pont. n Adonn'a rien cru de pareil car son renseignement concerne le pont de Pitreset non celui de Paris; comme nous l'avons vu (II'foyen. Age, 1905,p. 16 , note 3). Cette erreur de Quicherat a passé dans -des travauxsubséquents, ainsi dans l'étude de M. Fernand Bournon, De l'enceintedu faubourg méridional de Paris antérieure & celle de Philippe-Auguste (Bibi. de l'Ecote des Chartes, C. XLV lI, 1886, .: 423). ilimportait donc do la relever.

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60 LOT F139J

•l1i

Mélange Ii (Moyen Age,. 1905, p. 24 note 3)

u. Il est singulier que l'auteur dé la Chronique de Saint- Wand,ille,n écrivant en 872 ou peu après, ait connu ce nom antique. mantaia} et lait faussement identifié avec li nie-parait

évident que l'auteur a consulté l'Iiiodraire d'Antonin où figure cettelocalité sur la voie de Caraeotinum (llarflcnr). àAagustobon,a (Troyes)par Rouen et Paris. L'identification est probab)ementsuggérée par unevague ressemblance entre le nom de Pitres et le commencement dePetromantala. Un autre texte, provenant de la même abbaye deSaint-Wandrille sur la basse Seine, l'Historia tnnentwnis sanettVa1J'anni, écrite peu après 1053, nous parle du poi/as Logiensis.(D'Àehey, Spieileqium, éd. in-4', t. III, p. 256). Ce port n'est autreque Cauclebec et l'auteur, pour te désigner par ce nom archaïque, a dûpuiser au même itinéraire où il figure (Voy. Desjardins et LongnonGéographie de la Gaule romaine, IV, 61). Peut-être est ce là aussiqu'a été pris lénigmatiqueAugastudanasdu CIu'onicon Fontaneliene(année 852), lequel ne peut s'entendre que de Jeuîosse, mais je nepuis parvenir à me rendre compte de la manière dont la méprise a puse produire. Quoi qu'il en soit, il est à croire que l'abbaye de Saint-WTa.ndritle possédait un des nombreux manuscrits de t'Jlinc,ariumAntonini Augusli. L'édition de G. Parthcy et M. Pincler on utiliseune vingtaine niais non la totalité, en sorte que je signale ce petitproblème sans pouvoir le résoudre. Je ne le vois pas cependant dans lecatalogue des manuscrits de .cette abbaye rédigé au viii': siècle(Voy. Oniont dans l'introduction au Catalogue des mar,u.9crrts de laBibliothèque de Roi€en).-.

IV

Mélange II (.Alogen Age, 1905, j). 2(i)

Arches tout court semble bien Pont-de-l'Arche dans, le Romande rEscoufle (éd. Michelant et P. Meyer, y . 2089. p. 243), dû,semble-t-il, à un Normand, écrivant peu avant 1201.

F. L.

cIrALoN-stra-sÀoNIs; IMPDIMI3EIIE FRANÇAISE ET ORIENTALE E. BERTRAND