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N°28 • Janvier 2014 Le journal de Montfort Communauté LA REVUE CULTURELLE DE LA MAISON DU PATRIMOINE NUMÉRO SPÉCIAL cEntEnAirE DE 14-18 Le Pays de Montfort pendant la guerre 1914-1918 et

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N°28 • Janvier 2014

L e j o u r n a l d e M o n t f o r t C o m m u n a u t é

LA REVUE CULTURELLE DE

LA MAISON DU PATRIMOINE

NUMÉRO SPÉCIAL centenaire de 14-18

Le Pays de Montfort

pendant la guerre

1914-1918

et

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2Agir ensemble • N° 28 • Janvier 2014

Hôtel Montfort Communauté, 4, place du tribunalCS 30150 • 35162 Montfort-sur-Meu CedexTél. : 02 99 09 88 10 • www.cc-montfort.fr

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La Grande Guerre a dévoré 1 315 000 Français. Un quart des18-27 ans. Morts lors de la bataille de Charleroi, dans laboue de la Somme, dans l’enfer de Verdun, dans la cuvettedes Éparges, dans les mines du Vauquois, sous la mitrailledu Chemin des Dames ou sur une crête des Vosges.Le destin des soldats disparus du pays de Montfort, “noschers poilus”, a suivi celui des millions d’autres engloutisdans l’enfer de la guerre la plus meurtrière que le mondeait alors connu. Les survivants sont rentrés, mutilés, brisés,murés dans leur silence. Trop de souffrances. Trop de cama-rades disparus.Cent ans après, que doit-on à tous ces poilus, héros du front,“morts pour la France” ? Nous leur devons un devoir de mé-moire. Pour nous souvenir. Les commémorer pour rendrehommage à leur courage, à leur famille, à leurs descendants.

D ans notre histoire, la guerre de 14-18 occupe uneplace particulière, elle évoque pour certains d’entrenous des souvenirs de jeunesse; des récits de

grands-parents mais elle est aussi l’épreuve la plus dure quenotre Pays ait eue à traverser. D’une ampleur mondiale, elle marque l’entrée dans le XXe siè-cle, la fin d’un monde et le début d’un autre. Comprendre lapremière guerre mondiale c’est comprendre notre histoirecontemporaine.Ainsi si le traité de Versailles porte en lui une partie des ex-plications qui ont conduit à la seconde guerre mondiale, ilporte aussi en lui l’instauration de la Société des Nations enproposant une nouvelle espérance collective, un idéal, prévenirles conflits et les résoudre par la négociation et la discussion. À la lecture du présent magazine vous verrez comment un ter-ritoire comme celui du Pays de Montfort fut profondément tou-ché par ce conflit.

Pour commémorer cet événement, nous avons décidé de réu-nir un certain nombre d’acteurs, associations d’anciens com-battants, artistes, écrivains, amateurs de l’histoire locale,élus… De nos rencontres, de nos échanges, est née une pro-grammation de manifestations. Labélisées par le comité national du centenaire, ces anima-tions, dont vous trouverez l’agenda en pages centrales, inscri-vent le Pays de Montfort dans une démarche nationale. De la photographie au théâtre, du cinéma à la bande dessi-née, d’une exposition à un temps fort de recueillement, d’unetable ronde à des productions écrites par commune, nousavons voulu que chaque citoyen, jeune ou moins jeune, puisses’y intéresser.Nos remerciements vont à tous ceux qui se sont investis, quiont donné du temps pour que soit mis en lumière un pan en-tier de notre histoire locale. Pour ce faire nous avons voulu disposer d’un support écrit,c’est pour cela que les auteurs du magazine “Agir Ensemble”(magazine de Montfort Communauté) et “Glanes” ( magazinede la Maison du Patrimoine en Brocéliande, ex. Écomusée) ontdécidé d’associer leurs compétences pour vous offrir ce numérospécial.Merci à tous, bonne lecture et, avec Clemenceau, souvenons-nous que grâce aux Poilus et par eux “la France retrouvait saplace dans le monde pour poursuivre sa course magnifiquedans l’infini du progrès humain, autrefois soldat de Dieu, au-jourd’hui soldat de l’humanité, toujours soldat de l’idéal”.

• Christophe Martins, vice-président de Montfort Communauté,en charge de la communication,

• Joseph Le Lez, président de Montfort Communauté,• Xavier Mallet, président de la Maison du Patrimoine en Brocéliande.

Ce numéro spécial d’Agir Ensemble et Glanes s’inscrit dans lecadre des commémorations du centenaire de la guerre 1914-1918.

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RemerciementsAux auteurs et contributeurs de la revue Glanes qui ont accepté de publier des extraits de leur texte dans ce numéro :

• Didier Besnard, professeur d’histoire géographie. Auteur de « L’opinion publique et la guerre en 1914 en Ille-et-Vilaine » — 1984• Jacques Lesueur, militaire à la retraite. Auteur de « Passaga, le Général oublié ». A publié « Châteaux et manoirs à Iffendic » en collaboration

avec Philippe Saint-Marc et Jean-Marc Fillon et « Les appelés iffendicois en Algérie, Tunisie et Maroc » en collaboration avec Jean-Claude Legavre• Bertrand Monvoisin, auteur du texte sur Louis Marie Renault. A publié de « Breteil, Son histoire – 2011 » (2 volumes).

Auteur de « Soldats breteillais dans la Grande Guerre 1914-1918 » — À paraître en 2014• Dominique Turgis, auteur de « Bédée pendant la Grande Guerre », d’après le journal (1914 à 1921) de Louis Leroy, Maire de Bédée.

A publié dans Glanes deux textes sur le cyclisme dans le pays de Brocéliande avant 1914 : « Constant Collet de Talensac » et « Tour de France 1910 et 1912 ».• René Jet, auteur de « Iffendic, son histoire. Les gens d’ici » (1999)• Estelle Guilmain, de la Maison du Patrimoine en Brocéliande (anciennement Écomusée du Pays de Brocéliande)

Et également…• Erwan Le Gall, directeur du cabinet ingénierie mémorielle et culturelle En Envor• Yann Baron, attaché de conservation du patrimoine, Mairie de Montfort-sur-Meu• Les familles du pays de Montfort qui ont accepté de confier à la Maison du Patrimoine les objets, photos, cartes postales de l’époque de la guerre 14-18.

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de boisson, hôteliers, tisserands, horlogers,chapeliers… Politiquement, Montfort est ac-quise au Républicanisme avec son maire etconseiller général Émile Beauchef (Républicainde Gauche). Son discours généralement teintéd’anticléricalisme contraste avec le conser-vatisme des campagnes environnantes.

LE MONDE RURAL DOMINE

En 1914, le Pays de Montfort présenteun paysage de bocage, de landesde bruyère et d’ajoncs, bordé dechemins creux. Caractéristique dece type de paysage, l’habitat y estdispersé, les hameaux et les fermessont isolés. Les habitants formentune communauté de vie et de travailrepliée sur ses propres ressources.

UN CALME ESTIVAL…LOIN DES BRUITS DE LA GUERRE

Les témoins s’accordent à recon-naître la tranquillité du début del’été 1914. Après l’agitation politiquedes élections législatives d’avril,Montfort reçoit, en mai 1914, lavisite du président de la République,Raymond Poincaré, en voyage pré-sidentiel en Ille-et-Vilaine.Les premiers « trains de plaisir »proposent une escapade sur la Côted’Émeraude. Les notables locaux se

MONTFORT,SOUS-PRÉFECTURE

En 1914, Montfort est sous-préfecture etchef-lieu d’arrondissement. Avec ses 2 300habitants, Montfort présente les caracté-ristiques d’une petite ville en milieu rural.Son rôle administratif et judiciaire, sonrayonnement scolaire et la présence de lagare favorisent l’épanouissement d’unebourgeoisie locale de magistrats, de notaires,

de médecins et de notables, autour desquelsgravitent un grand nombre de domestiques,de jardiniers et autres concierges.

UN CENTRE COMMERCIAL ET ARTISANAL

Mais Montfort est surtout un centre com-mercial et artisanal. Du quartier de la gare àla Promenade du Tribunal, le cœur de Montfortest une concentration de boulangers, débitants

Le Pays de Montfort pendant la guerre 1914-1918

L’été 1914Extraits de « L’opinion publique et la guerre en 1914 en Ille-et-Vilaine », par Didier Besnard (1984) et de « Bédée pendant laGrande Guerre »

Au début de l’été 1914, à l’aube de la première guerre mondiale, le Pays de Montfort vitdans l’insouciance des conflits qui se trament déjà aux portes de l’Europe.

31 mai 1914, voyage présidentiel : Raymond Poincaré arrive à la préfecture de Rennes.

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retrouvent sur la Promenade du Tribunalou à l’hippodrome de Bromedou qui pro-pose, en ce dimanche 28 juin, une série desteeple-chases. Pour les plus sportifs, l’ac-tualité bat son plein avec les premièrescourses automobiles, les premiers meetingsaériens et le départ du 12e Tour de France.Son passage au Nord de l’Ille-et-Vilaine estparticulièrement remarqué puisque la moitiédes coureurs se trompe de chemin et qu’unnouveau départ doit être donné à Pontor-son !

SARAJEVO, LE DÉTONATEUR

Le 28 juin 1914, l’archiduc héritier de l’empired’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand,est assassiné à Sarajevo. L’attentat de Sarajevo ne fut que l’étincelle.Les ingrédients pour un embrasement gé-néralisé étaient réunis depuis plusieurs an-nées. Le crime relancera le problème trèsépineux des nationalités en Europe centraleet entraînera, par le jeu des alliances, ledébut de la première guerre mondiale.

L’opinion publique apprend la nouvelle del’attentat de Sarajevo par la presse. Ouest Éclairet Le Nouvelliste de Bretagne, les deux principauxquotidiens d’Ille-et-Vilaine, accordent leurune à l’événement pendant toute la premièresemaine de juillet. Même constat pour l’heb-domadaire du Courrier Breton de l’arrondissement

de Montfort du dimanche 5 juillet. En revanche,les deux autres hebdomadaires du Pays deMontfort – Le Journal de Montfort et Les Nouvellesde Montfort – font silence sur cette actualité in-ternationale.Tous les articles se montrent prudents surles conséquences de cet incident. Ils secontentent généralement de relater les cir-constances du complot, les funérailles del’archiduc et l’agitation serbe en EuropeCentrale. Rarement la presse locale n’a émisl’hypothèse d’une dégradation du confliten une guerre européenne généralisée,adoptant le plus souvent un style interrogatifsur l’issue du conflit austro-serbe.

LES CAMPAGNES SEPRÉPARENT À LA MOISSON

À partir du 8 juillet, l’actualité confirme cetteinsouciance. Elle se caractérise par l’ambianceestivale, le vote par l’Assemblée Nationale,le 12 juillet, de l’impôt sur le revenu, le voyagedu Président Raymond Poincaré en Russieet le célèbre procès de Mme Caillaux, coupabledu meurtre de Gaston Calmette, patron duFigaro. Le reste de l’actualité est marqué parla fête du 14 juillet, le sport, la situation agri-cole et les nombreux faits divers et fêtes lo-cales.

1908L’Autriche Hongrie annexe de la Bosnie-Herzégovinequ’elle administrait depuis 1878, provoquant unegrave crise diplomatique avec la Russie.

17 janvier 1913Raymond Poincaré est élu Président de la République française

1912-1913Guerres balkaniques. Les hostilités éclatent entre l’Empireottoman et une coalition d’États (Bulgarie, Grèce, Monténégro etSerbie). La Serbie sortira renforcée des conflits. L’Empire ottomanperd ses derniers territoires à l’exception de la Région d’Istanbul.

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Un dimanche à la mer sur la côte d’émeraude. Au début du siècle, les trains d’excursion, dits « trains deplaisir », sont mis en service l’été à destination de Saint-Malo.

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La une de L’Ouest Éclair du 30 juin 1914. À remarquer : l’orthographe Sérajevo qui est courante à l’époque.

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LE TOCSIN DE LA MOBILISATION

« 1er août 1914 à 5 heures et demie du soir. Eury, lebrigadier de la gendarmerie de Romillé s’élance à vélo,accompagné de 3 gendarmes, pour avertir les Mairesdes communes de son ressort. Ils sont porteurs d’ordressecrets et d’affiches de la mobilisation générale et destableaux de réquisition ».

EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

Le samedi 1er août 1914, la moisson est loin d’êtreterminée. Pendant ce temps, dans les villes, latension s’accroît : la veille, à Paris, Jaurès est as-sassiné. À Rennes, les centres de presse et lesbanques sont pris d’assaut. Sur la côte, les touristespartent précipitamment. Dans le Pays de Montfort,si la crainte grandit avec l’incertitude, on neconnaît rien de comparable avec les scènes depanique et d’agitation des grandes villes.À seize heures, la mobilisation des armées deterre et de mer est ordonnée par décret du Présidentde la République. Grâce aux progrès du téléphoneet de la TSF (télégraphie sans fil), l’ordre de mo-bilisation générale se répand rapidement sur toutle territoire.Dans l’après-midi, nos « bataillons de moisson-neurs » accélèrent la cadence, lorsque, vers 17heures, de tous les clochers dominant la campagne

O utre les permissionnaires invités à regagner leur caserne, les autorités locales se trouvent mobiliséesavant l’heure et doivent souvent faire appel à l’aide et à la compétence d’un secrétaire de mairie oud’un instituteur pour faire face aux conditions d’exception mises en place par les autorités.

Les « trains de plaisir » pour la côte sont supprimés.Le jeudi 30 juillet, la gare de Montfort-sur-Meu passe sous surveillance militaire. Le vendredi 31, l’ensemble dela ligne Paris-Brest est surveillé par les premiers GVC (les Gardes des voies de Communication), désignés parles communes concernées comme Montfort-sur-Meu, Breteil, Montauban, etc.

2 juillet 1914Création de l’impôt sur le revenu en France.

1914 : L’Europe s’enflamme

28 juin 1914L’Archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche, est assassiné à Sarajevo par des nationalistes serbes.

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deMain, La guerreLe lundi 27 juillet 1914, le ministre de la Défense prescrit le retour des unités en déplacement et des permissionnaires. Les congés des moissons sont aussitôt suspen-dus. Les 28 et 29, les gendarmes et gardes champêtres sillonnent la campagne à larecherche des permissionnaires qui n’ont pas encore regagné leur caserne.

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17 juillet 1914L’Affaire Caillaux passionne les Français.

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gallaise, sonne le tocsin de la mobilisation.Plus qu’un coup de foudre, c’est une chapede plomb qui s’abat sur les populations,suffoquées par l’angoisse et la stupéfaction.La guerre, la défaite de 1870, la perspectived’une séparation déchirante, sont autantd’images qui traversent les esprits et fontcraindre le pire.

Avant 6 heures du soir sonnait le tocsin de lamobilisation générale, dernière étape avant laguerre. À 10 heures du soir, les cyclistes désignésquelques mois à l’avance, munis de pots decolle avaient placé les affiches de la mobilisationet des ordres de réquisition. La mairie restaouverte toute la nuit. Le 2 août, à 9 heures dumatin, les chevaux et juments requis furent misen route pour Montfort siège de la commission.Soirée du 2 août au bourg : Grande animation.À l’anxiété succéda un moment de joie, chantspatriotiques, quelques cris de « Revanche ! ».Les femmes étaient beaucoup plus tristes et in-quiètes que les hommes.

EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

PROPAGANDEANTIGERMANIQUE

Tout le monde espère une guerre courte.Cette perspective facilite le départ des mo-bilisés qui répondent, résignés, à l’ordrede mobilisation.Pour tous, l’Allemagne est responsable dela guerre et doit payer. « L’Allemagne a voulu laguerre, que le sang versé retombe sur elle ! » titre LeNouvelliste du 5 août 1914. Dans chaque bour-gade rurale, le climat est très propice à toutepropagande antigermanique. À Coëtquidan,ce sont les militaires qui portent l’empereurGuillaume II à l’agonie en le personnifiant

par un cochon pour le ridiculiser ; aprèsl’avoir fait défiler dans tout le camp, im-mobilisé sur une civière, ils l’enterrent sousdes acclamations chauvines et revanchardes.Le conditionnement psychologique, la cen-sure et les premières victoires françaisespermettront un temps d’alimenter cetteconfiance. Mais l’âpreté des combats (27 000morts français rien que le 22 août 1914), lerecul des armées françaises, l’arrivée despremiers réfugiés et les premières lettresdu front allaient ouv rir la perspective d’uneguerre longue et meurtrière dans les premiersjours tristes et mornes de l’automne 1914.

29 juillet 1914La Russie alliée des Serbes déclare lamobilisation partielle contre l’Autriche puisl’Allemagne.

31 juillet 1914Jean Jaurès, dirigeant socialiste favorable à la paix, est assassinéà Paris par Raoul Villain, nationaliste d’extrême droite.

1er août 1914L’Allemagne déclare la guerre à la Russie.

2 août 1914À 16h, la France lance la mobilisation générale.

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Au camp de Coëtquidan (Bretagne), détachement français partant au front.

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Maggi, bouiLLond’esPions

Dès le déclenchement des hostilités, on accuse Maggi et Kub d’utiliserleurs affiches et plaques émaillées publicitaires pour baliser leparcours des troupes allemandes, ou pour indiquer des objectifsimportants comme des ponts. Le gouvernement ordonne leurdestruction par télégramme. « Le 4 août, le Préfet d’Ille-et-Vilaine,Lucien Saint, fait parvenir au sous-préfet de Montfort un télégrammeles priant de faire détruire complètement et d’extrême urgence toute affiche du Bouillon Kub placéele long des voies ferrées, ponts, bifurcations ». Cette mesure intrigue l’opinion. Les panneauxpublicitaires de Bouillon Kub contiennent-ils des codes secrets de repérages pour un débarquementdes troupes allemandes sur les côtes bretonnes ? Une supposition qui laisse fleurir l’imagination : lestouristes allemands des derniers étés n’étaient-ils pas en réalité des officiers chargés de préparer cedébarquement ? Partout les panneaux des Bouillon Kub sont recouverts ou arrachés. Les mêmesscènes se produiront autour des plaques « Maggi » ou des publicités « Byrrh ».

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Caricature antigermanique.

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LES CHEVAUXRÉQUISITIONNÉS

À Bédée, dès les premiers joursd’août 1914, la commune eut àloger de nombreux chevaux etjuments venant des Côtes duNord (aujourd’hui les Côtes-d’Armor), conduits par des cul-tivateurs de Broons, du cantonde Moncontour, de Lamballe etdes communes avoisinantes.Le maire précise que de nom-breuses personnes « mettent à ladisposition de la municipalité leursécuries, hangars, préaux et abris couvertspour loger très convenablement toutesces belles bêtes de réquisition qui, ellesaussi, allaient contribuer à la défensede la Patrie en guerre… Les hommesqui les accompagnaient trouvèrent àBédée bonne table, bon gîte et un ex-cellent accueil. »

LES PRIVATIONS « On s’interdit de faire la fête pendant que les maris ou les frèrescombattent au front. L’éclairage a été supprimé dans le bourg pendant toute la guerre,dans un souci d’économie. D’ailleurs le 14 juin 1916, on adoptel’heure nouvelle : à 11 heures du soir, les horloges ont été mises àminuit. Les aides sociales ont toujours été versées : vieillards nécessiteux,familles nombreuses et retraites. Certains ont placé leur argentdans les “Bons de défense nationale” et les “emprunts de laVictoire”. En 1915, le commerce des chiffons, peaux et os est peuintense. Le verre est très cher ainsi que les habits. À la fin de la guerre, leseffets d’habillement (vêtement, chaussures, coiffure) seronttoujours aussi chers mais de qualité médiocre. Le sucre est rationné.Chaque habitant a droit à 750 g de sucre par mois, à conditionqu’il prenne ses repas chez lui. En mai 1917, les lundis et mardis de chaque semaine, tout lemonde doit faire maigre. Vu l’état du bétail, cela n’est sans doutepas une contrainte. »

EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

6-9 septembre 1914Bataille de la Marne

Octobre 1914“Course à la mer” (il s’agit de tenter de prendre à revers l’aile de l’armée adversesituée le plus au nord, pour réaliser unemanœuvre d’encerclement).

3 août 1914Les Allemands attaquent la frontière française etdéclarent la guerre à la France et à la Belgique.

22 août 1914La bataille de Charleroi fait 27 000 victimesparmi les soldats français.

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« PoiLu »Le surnom de “poilu” désigne les soldats françaisdès le début de la guerre de 1914-1918. Le termedésigne un soldat endurant etcourageux, dans l’argotmilitaire […]. L’usage massifdu terme en 1914-1918 tient àplusieurs éléments : ladifficulté, dès l’hiver 1914, dese raser, et le caractèrerudimentaire de la toilette aufront ; l’obligation pour toutmilitaire jusqu’en 1917 deporter la moustache ; lasimplicité de la désignation quipermet aux journaux et àl’arrière de mettre en scène lafamiliarité et la proximité avecles combattants. […]

« bourrage de crânes »Désignation irrévérencieuse du discours dominantpatriotique. L’expression, apparue dans la languefrançaise à la fin du XIXe siècle, prend un sensnouveau au cours de la Première Guerremondiale. Elle est dès lors employée par lescombattants qui acceptent mal le décalage entre« bourrage de crânes » et réalités de la guerredes tranchées. Se diffusant peu à peu à la sphèrecivile, le terme apparaît progressivement dansune fraction de la presse s’élevant contre lesarticles outranciers des journaux au zèlepatriotique le plus affirmé (le Canard enchaîné,fondé en 1915, procède à l’élection du « Grandchef de la tribu des bourreurs de crâne » par lebiais d’un vote proposé à ses lecteurs le29novembre1916). C’est avant tout la presse quiest accusée de diffuser le « bourrage de crânes »,mais d’autres vecteurs d’information sontégalement critiqués de la sorte par les soldats.

Source : « Lexique des termes employés en 1914-1918 » par le CRID 14-18,http://www.crid1418.org

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LES FRANÇAISES À L’ARRIÈRE DU FRONT

Les femmes n’iront pas directement, mais laguerre, elles la feront à leur façon. En l’absencedes hommes mobilisés dans la force de l’âge,ce sont elles qui assureront les travaux deschamps, elles aussi qui remplaceront leshommes dans les usines d’armement, ellesqui guideront les trains ou se transformeronten maîtresses d’école, en facteurs des postes.Aux côtés des infirmières de la Croix-Rouge,beaucoup de bonnes volontés ont offertleurs services. Les femmes des milieux bour-geois s’engagent dans le bénévolat : ellesassistent les blessés dans les hôpitaux, aidentà l’envoi de colis, deviennent marraines deguerre.

L’ÉCOLE CONTINUE MALGRÉ L’ABSENTÉISME

L’entraide traditionnelle au moment de lamoisson et du battage est encore plus fortependant la durée du conflit. En raison dumanque de main-d’œuvre, l’absentéismeà l’école se répand. Les enfants restent aiderleur mère. Dès 11 ans, les enfants sont sol-licités pour toutes les tâches : la garde dubétail, la conduite des chevaux, le battage,l’arrachage et la rentrée des pommes deterre et même la garde des enfants en basâge.Comme les autres hommes, les instituteurssont touchés par la mobilisation. Beaucoupde maîtres manquent mais le système édu-catif continue avec ses examens et ses dis-tributions de prix. Ici encore, les femmesprennent le relais. Aux leçons normaless’ajoutent des cours de géographie sur lesrégions du front, des exposés patriotiques,des sujets de rédaction inspirés par la guerre.Les élèves sont sollicités pour participer auxquêtes et aux innombrables « journées » :du drapeau belge, des orphelins, des éprou-vés de guerre, des poilus…

1915 : l’année des “grignotages”

18 juillet 1915Les premières permissions de 6 jourssont accordées aux soldats français,

Mai 1915Le 10e Corps d’armée de Rennes attaque dans le secteur d’Arras.

25 septembre 1915Grande offensive en Champagne

En 1915, Joffre déclare « grignoter » les positions allemandes par une série d’attaques localisées.

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LE GÉNÉRAL JOFFRE (DR).

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L’école de Saint-Gonlay.

Illustration du “Petit Journal” du 26 novembre 1916.

« Les cultivateurs qui menaient ces chevauxétaient logés chez les habitants du bourg. MMPierre Vilboux de Besnard et Lepetit du ClosGuen prêtèrent leurs abreuvoirs. M. BougeaultConstant, maréchal-ferrant au bourg, prêta“gratuitement et de très bonne grâce” leschaînes d’attaches en fer et les installa lui-même, avec son personnel aux préaux des écolespubliques et privées. En juillet 1918, de nouveaudes chevaux vont passer par Bédée. Ils viennenttoujours des Côtes du Nord mais ils sont menéspar des Américains. Ils passent tous les deuxjours en direction, ou en revenant, de Châ-teaubourg. Quelques-uns commencent à ap-prendre le français. Ils logent chez l’habitant.« Ils sont grands, alertes et jeunes ».

EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

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officiels alimentent cette trêve politiquequi permet d’unir toutes les forces contrel’ennemi commun : l’Allemagne. Il s’agit de diffuser l’idéal républicain maisaussi la nécessité de le défendre lorsqu’ilest attaqué par des « Barbares ». Les popu-lations sont loin d’être enthousiastes maisl’idée de défendre la patrie est plus forte :tous les peuples se sentent agressés. Onveut défendre l’indépendance et l’intégritéde la Nation. La propagande prépare les es-prits à la guerre.

LES PRISONNIERS DE GUERRE, DES RECRUES BON MARCHÉ

À partir d’octobre 1914 et jusqu’en 1920,l’abbaye Saint-Jacques de Montfort devientun camp de prisonniers de guerre. Jusqu’à2 000 prisonniers Allemands et Autrichienssont détenus sous la surveillance de soldatsterritoriaux. En raison de la pénurie demain-d’œuvre, les prisonniers de guerreont été demandés dans tout le départementd’Ille-et-Vilaine, au-delà de l’arrondissementde Montfort.

« Les prisonniers venaient de l’Abbaye de Mont-fort-sur-Meu (on en comptait 2 000).“Ils dormaient sur la paille dans le grenier de

Monsieur Jean Lefeuvre à la Prioulais où ilsprenaient tous les matins le petit-déjeuner etle café et se rendaient sous bonne escorte dansles fermes désignées. Ils ne créèrent aucunincident et travaillèrent de façon convenable.Le dimanche était consacré au repos et au net-toyage du cantonnement. Ils mangèrent sousune remise du village de la Prioulais ainsi queles sentinelles. C’étaient des gaillards jeuneset solides. L’un d’eux connaissait très bien lefrançais et servait d’interprète.” Du 2 août au 10 septembre 1915, Bédée aaccueilli des prisonniers de guerre allemands.La journée coûte aux fermiers 1,25 F par sol-dat. »

EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY, Maire de Bédée

L’UNIONSACRÉE

L’Église et l’École, par l’intermédiaire desenfants mais aussi par une action directeauprès des adultes, encadrent totalement

la société. Elles constituent un relais efficacepour l’effort de guerre du pays. Au débutdu conflit, aucun signe de révolte n’a lieuet l’unanimité autour de l’élan national aété reconnue et exaltée sous le termed’« Union Sacrée ». La presse et les discours

1916 : l’année des grandes batailles

1er juillet au18 novembre 1916Bataille de la Somme : 1200000 soldats tués,blessés ou disparus sur le champ de bataille.

Du 21 février au 11 décembre 1916À Verdun, l’armée française remporte une victoire décisivesur l’armée allemande après 300 jours et 300 nuits decombats acharnés. 300000 soldats alliés et allemandsmeurent dans la bataille.

27 avril 1916Un diplôme de « Mort pour la France » estcréé en avril 1916 en témoignage dereconnaissance de la Nation aux famillesdes combattants tués pendant la guerre.

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L’église de La Nouaye.

Prisonniers de guerre allemands à Montfort.

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1917 : Le fléchissementFévrier 1917Début de la révolution russe. Après le retrait destroupes russes, un cessez-le-feu est signé entrela Russie et l’Allemagne le 26 novembre 1917.

2 avril 1917Entrée en guerre des États-Unis aux côtés des Alliés.

16 avril 1917Offensive du Chemin des Dames à Craonne (Aisne). L’offensive se solde par un échec, le 4 mai 1917.200000 poilus y périrent. Les révoltes et les mutineries se multiplient dans le camp français. Lestribunaux militaires prononcent 3427 condamnations dont 554 à mort ; 49 « mutins » seront exécutés.

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LES HABITANTSACCUEILLENTDES RÉFUGIÉS

En octobre 1914, les premiers réfugiésBelges débarquent à Montfort-sur-Meupar trains entiers. 800 Belges, chasséspar l’ennemi des environs de Charleroi,arrivent en gare de Montfort-sur-Meu.Ils sont accueillis dans presque toutesles communes de l’arrondissement.

« Les habitants leur ont apporté spon-tanément des légumes (carottes, choux,oignons et pommes de terre), certainscultivateurs leur ont apporté des fagots,de la literie. Les réfugiés, mineurs ououvriers, vont quitter assez rapidementla région. Ils repartent vers le midi,Paris ou le Centre ». EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY,

Maire de Bédée

LE MONDE RURALS’ENTRAIDE

Dans les campagnes, pendant l’été 1914,les deux préoccupations du momentsont l’évolution du temps et la pers-pective des moissons. Le beau temps

qui dure depuis le 9 ou 10 juillet 1914permet aux blés d’être mûrs et secspour le 20. Dès lors, ici et là, les fauxcoupent les premières gerbes, les javellesse dressent dans les champs et, jusqu’àla mobilisation, on travaillera au maxi-mum des possibilités sans se préoccuperde la crise européenne, qu’on ignored’ailleurs souvent. Le taux de lecturede la presse, seul moyen d’information,est encore très faible dans les campagnes.Si on achète un journal, ce sera un heb-domadaire, le dimanche après la messe.

« Grâce aux prisonniers de guerre, maisaussi à des permissionnaires et à l’en-traide des cultivateurs locaux, le battagedes céréales par machines à vapeur oumues par des chevaux s’accomplit assezbien. La récolte de 1915 est assez abon-dante mais inférieure à celle de 1914qui avait été exceptionnelle. En avril1916 : les soldats mobilisés de Bédée,classe 1917, ont eu une permission : 15jours s’ils étaient agriculteurs, sinon 8jours seulement. Ils ont travaillé chezeux mais aussi en entraide. Il a plu à laSaint Médard, le 8 juin 1916 ». EXTRAIT DU JOURNAL DE LOUIS LEROY,

Maire de Bédée

Les moissons à la ferme du château du Pin d’Iffendic.

Famille de réfugiés belges accueillie à à Montfort-sur-Meu.

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La bataille est extrêmement dure et tourneau très net avantage des Allemands, plusnombreux et surtout mieux organisés etsachant mieux utiliser le terrain. Héroïques,les charges à la baïonnette des « pantalonsrouges » n’en sont pas moins complètementinefficaces face aux nids de mitrailleusesallemandes.Pourtant, un soldat breton paraît se distin-guer particulièrement de par sa redoutableefficacité lors de cette bataille. Son nom ?Pierre Lefeuvre. Il porte sur sa capote le corde chasse brodé en or, insigne distinctifdes meilleurs tireurs. Et c’est ainsi qu’il seretrouve à couvrir la retraite française entreTamines et Falisolle, seul, armé de son Lebelet de plusieurs dizaines de cartouches.Comme dans une redite des combats de Ba-zeilles, en 1870, le jeune breton, défendseul, le passage de la Sambre, la rivière quiserpente dans cette région que l’on appellele Borinage. >>

LE RETOUR DES PREMIERSRESCAPÉS DU FRONT

Louis-Marie Renault, de Breteil, a 21 anslorsqu’il incorpore le 124e régiment d’in-fanterie en décembre 1914. Huit mois plustard, Il rejoint le 54e RI en octobre 1915 etparticipe à la bataille de Verdun en juin 1916.Le 21 juin 1916, grièvement blessé à la jambepar un éclat d’obus, il est évacué vers l’hôpitaltemporaire de Vanves. Amputé de la cuissegauche, le jeune soldat est décoré de laCroix de guerre : « Bon soldat qui a toujours servià l’entière satisfaction de ses chefs. Très grièvementblessé, le 21 juin 1916, au cours d’une attaque. Amputéde la cuisse gauche » (ADIV, 1R 2175).Au retour de la guerre, il reprendra l’affairefamiliale (trois générations de boucher àBreteil) avant de la céder à son fils Louis en1949. Ce dernier sera maire de Breteil de1963 à 1983.Nommé au grade de Chevalier de la Légiond’Honneur en 1957, Louis Marie Renault dé-cède le 27 janvier 1966 à Breteil.

LES FAMILLES ENDEUILLÉES

Pierre Lefeuvre, de Bédée, est l’un des premierssoldats du pays de Montfort à périr sur lefront, en août 1914. À Bédée, beaucoup desoldats ne survivront pas à la guerre 1914-1918. Leurs visages, jeunes pour la plupart, fi-gurent sur le panthéon photographique édifiéà leur mémoire dans l’église de Bédée.

PIERRE LEFEUVRE, HÉROS DE TAMINES

Fils d’agriculteurs, Pierre Marie Joseph Le-feuvre a 23 ans lorsqu’il est mobilisé enaoût 1914 au 70e régiment d’infanterie deVitré. C’est avec cette unité qu’il reçoit lebaptême du feu lors de la bataille de Char-leroi. C’est en effet en Belgique que lestroupes de la Ve armée du général Lanrezac,dont dépend le 70e RI, entrent en contactavec l’ennemi.

19 juin 1919Signature du Traité de Versailles.

1918 : Armistice18 juillet 19182e bataille de la Marne. Les Allemands sereplient au Nord de la Marne.

11 novembre 1918L’Armistice est signé entre l’Allemagne et les forces alliés.

1919CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE • CHRONOLOGIE

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Louis-Marie Renault convalescent après sonamputation en 1916.

Pierre Lefeuvre, l’un des premiers soldats dupays de Montfort à périr sur le front.

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La croixde guerre Croix de guerre avec une étoile de bronzeayant appartenu à Joseph Lemou de Saint-Gonlay. (Collection de la famille Lemou).

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Le combat dure plusieurs heures jusqu’à ceque, à cours de munitions, il soit retrouvémortellement blessé par les balles alle-mandes. On relève autour de lui plus de250 douilles vides et on lui attribue la mortde 58 Allemands.Gageons qu’aujourd’hui la plupart des ha-bitants du Pays de Montfort ne savent pasqui est Pierre Lefeuvre. Une rue porte pour-tant son nom à Bédée, qui est le village oùce cultivateur voit le jour, ainsi qu’à Rennes.À Vitré, ville de garnison du 70e régimentd’infanterie, c’est une allée qui rappelle sonsouvenir. Mais pour beaucoup de Belges,Pierre Lefeuvre symbolise la combativitédes Bretons du 10e corps d’armée de Renneslors de la bataille de Charleroi et, d’une cer-taine manière, la résistance aux atrocitésallemandes commises pendant l’été 1914.C’est ainsi qu’une rue porte son nom à Fa-lisolle, précisément sur les lieux de sondécès, et qu’un monument est érigé en sonhonneur à Tamines, au début des années1920. Reconstruit en août 1974 à quelquesmètres de l’emplacement initial, il portel’inscription suivante :« C’est ici que le soldat Pierre Lefeuvre, du 70e régimentd’infanterie, s’est héroïquement sacrifié. Hommagede reconnaissance et d’admiration aux glorieux soldatsfrançais tombés en août 1914 ».À Bédée, un monument « Pierre Lefeuvre »a été inauguré le 11 novembre 1954.La majorité des 6 000 victimes bretonnesde la bataille de Charleroi, sont inhuméesau cimetière breton de Auvelais, NécropoleNationale Française.

téMoignages…Extrait de « Iffendic, son histoire, les gens d’ici » de René Jet.

Mercredi 8 juin 1915« Chers Sœur et Beau-Frère,Il y a quelques jours, nous étions en tranchée de première ligne. Je me demandais bien s’ilsne nous auraient pas tous tués car jamais on n’avait encore vu ça ! Un bombardementterrible ; il n’y avait pas d’endroits où les obus ne tombaient pas. Je croyais voir ma tête« me sauter de dessus mes épaules ». Nous n’en menions pas large. Nous n’avions pasd’abri convenable : rien que des trous, que nous avons faits dans la tranchée mais à chaquemoment, il y en avait qui étouffaient (l’) là-dedans, car quand (d) l’obus tombe sur le hautde la tranchée, la terre recouvre les gars qui sont morts étouffés quand on les retire […] Jevais vous dire que je ne vois pas encore la guerre finie et tant que ça va plus, tant qu’elle estplus terrible. Ils nous avaient dit tout l’hiver que les Allemands n’avaient plus de vivres, nide munitions, ni de soldats. On voit bien que s’ils nous disent ça, c’est pour qu’on ne sedécourage pas trop […] ».

Joseph

11 novembre 1918« Le retour des hommes du front ne fut pas toujours aussi joyeux qu’on le pense. Ils avaientbeaucoup changé. Certains avaient le caractère aigri, d’autres avaient pris goût à l’al-cool… Et puis il y avait des estropiés, des gazés, des malades… Là dessus vint se greffer laterrible grippe espagnole qui fit tant de morts en 1918-1919. Peu à peu la vie reprit sesdroits, mais plus rien ne fut comme avant. »« Mon oncle pierre venait tout juste de se marier. Il coupait du blé à la faucille quand ilentendit le tocsin. De rage, il lança son outil dans la haie ! Saleté de guerre qui le séparaitde sa femme et de sa ferme ! Il fut tué au front, peu de temps après. »

Claire, née en 1905

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Tranchée à Souain, dans la Marne : soldats avec un crapouillot.

Soldats français prêts au combatdans une tranchée en Woëvre.

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Passaga, le général oublié

Dans le carré militaire du cimetière de Montfort repose un illustre officier de la première Guerremondiale : le général Passaga. Angevin d’origine, le général s’est illustré par de brillantes actionsmilitaires notamment à Verdun. Ses états de service lui valurent des décorations militairesprestigieuses : la Grand-croix de la Légion d’Honneur et la médaille militaire. Sa fille Anne deviendramaire de Monfort de 1955 à 1961.

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Né le 3 octobre 1863 à Angers, Fénelon, François,Germain Passaga entre à Saint-Cyr en 1883. Il faitune partie de sa carrière dans l’armée coloniale, enCochinchine, au Cambodge, au Sénégal, au Daho-mey.Le 23 mars 1914, à la veille de la Grande Guerre, ilprend le commandement du 41e Régiment d’Infanteriestationné à la caserne Saint-Georges à Rennes.Le 5 août 1914, son régiment traverse les Ardennes etfranchit la frontière belge le 7 août. Passaga nequittera plus le front jusqu’en 1918.À la tête du 41e régiment d’infanterie, le colonelPassaga participe aux batailles de Charleroi (22 août1919) et Guise (29 août 1914). Le 6 septembre 1914, ilquitte cette unité pour prendre le commandementde la 38e brigade et est nommé général en février 1916.En 1918, il gagne des batailles décisives à Verdun avec« la Gauloise » surnom donné à la 133e Division d’In-fanterie. Après la guerre il commandera le 10e Corpsd’Armée à Rennes jusqu’à sa retraite en 1925.Sa fille, Anne, épousera Paul Diéras notaire à Mont-fort-sur-Meu et deviendra maire de la ville de mai1955 à mai 1961. À la fin de sa vie, Le général Passagas’installe chez sa fille et son gendre.Toute sa vie, le général Passaga demeure attaché ausouvenir du 41e régiment d’infanterie et préside d’ail-leurs régulièrement les réunions de l’amicale desanciens de l’unité. C’est d’ailleurs à ce titre quedevenu chef du 10e corps d’armée, il marque de saprésence les cérémonies du 10e anniversaire de labataille de Charleroi, en 1924.Il décède à Rennes à l’âge de 76 ans en septembre 1939.

Écrivain, le général Passaga a publié• Réalité (1909)• Verdun dans la tourmente, le calvaire de Verdun (1920)• Le combat, ce que nous a appris la guerre (1925)• Le calvaire de Verdun,

les Américains autour de Verdun (1927).

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votre commune 100 ans

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BÉDÉERue de Saint-Brieuc, ancienne route de Montauban.Vue sur l’église Saint-Pierre et Saint-Louis.

BRETEILRue de Montfort.

IFFENDICRoute de Bédée.

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Toutes les cartes postales reproduites ici ne datent pas exactement de 1914. Certaines ont été publiées dans le premier quart du XXe siècle.

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après…

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PLEUMELEUCL’église vue de la rue de Rennes.

SAINT-GONLAYSortie du bourg, rue Louise Grignard de Champsavoie.

TALENSACPlace de l’église, entrée par la rue de Bréal.

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Comment retrouver un parent soldat de 14-18 ?

Votre aïeul est mort à la guerre et vous sou-haitez connaître les circonstances de sondécès et son lieu de sépulture. Le ministèrede la Défense a mis en ligne il y a quelquesannées un site des morts pour la France.Toutes les fiches individuelles des soldats dis-parus pendant la guerre ont été mises enligne. Pour les consulter, il vous suffit deconnaître le nom, le prénom de votre parentet/ou son département de naissance. Chaquefiche répertorie le lieu et la date de naissance,la classe, le numéro de matricule au recrute-ment, la date et le lieu du décès, le nom dela commune où l'acte de décès a été transcrit.Vous pouvez également retrouver son lieu desépulture.

www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

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En couverture :• Photo d’un soldat de la guerre 1914-1918

(Collection de Michel Muret).• Gourde de soldat (prêt de M. Valbert).

• « Rosalie », épée baïonnette à triple arête adaptée aux fusils Lebeldes soldats français (Prêt de Michel Muret).

• Casque Adrian de l’infanterie française. À l’origine bleu foncé, cecasque métallique a été fourni aux soldats à partir de février 1915.(Prêt de Raymond Lecrocq).

• Balle de fusil Lebel (prêt de M. Valbert).• Drapeau français ayant appartenu à un combattant de la guerre 14-18

et offert par ce dernier à Mme Maurel, résistante pendant la guerre39-45 (Prêt de Elen Salaün).

• Croix de guerre et médaille du combattant ayant appartenu à JosephLemou (prêt de la famille Lemou).

SouscriptionLa Maison du Patrimoine en Brocéliande lanceune souscription au prix de 20 € pour lecatalogue de l’exposition “14-18 la GrandeGuerre du côté de chez nous“. Cet ouvrageprévu pour décembre 2014, rassemblera lestextes de l’exposition ainsi que de nombreuxdocuments inédits issus d’archives publiqueset privées locales.

Bulletin de souscription disponible surwww.maisondupatrimoine-enbroceliande.comou à l’accueil, Tour du Papegault, 2 rue duChâteau à Montfort (02 99 09 31 81).

• Directeur de la publication : Joseph Le Lez• Rédacteur en chef : Christophe Martins• Conception éditoriale et rédaction :

Mediaverbe - 0615944982• Maquette : La Manivelle - 0223302378• Diffusion : C-Pres• Impression : Imprimerie des Hauts de Vilaine• Photo de couverture : © Thomas Crabot• ISSN : 1764-2604• Tirage : 10500 exemplaires• Imprimé sur un papier labellisé PEFC

certifié gestion durable des forêts.

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MONTFORT-SUR-MEURue de Gaël.

LA NOUAYEL’église paroissiale Saint-Hubert.

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votre commune 100 ans après…

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