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La décharge est construite au-dessus d’une nappe phréatique, et dans une zone inondable. Manifestation devant la décharge, le 24 octobre, du Front de résistance de l’Orne (Fro), soute- nu par les opposants de Notre-Dame-des- Landes et de la Ferme des mille vaches. © Fabrice Simon ront de résistance de l’Orne (Fro). Le nom claque comme celui d’un réseau de la Secon- de Guerre mondiale. Mais le combat est bien actuel. Le Fro, pour les intimes, lutte contre l’implantation d’une immense décharge de rési- dus de broyage automobile et de déchets industriels banaux par l’entreprise Guy Dauphin environnement (GDE), à Nonant-le-Pin, dans l’Orne. Pour ses opposants, ce site de 50 hectares sera la plus grande décharge de résidus de broyage automobile d’Europe. Il doit stocker 150000 tonnes de déchets par an pendant dix-sept ans, soit plus de 64 TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN SUPPLÉMENT AU N° 3625 COMMUNAUTÉS F nappe phréatique

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La décharge est construite au-dessusd’une nappe phréatique,

et dans une zone inondable.

Manifestation devant la décharge,le 24 octobre,du Front de résistancede l’Orne (Fro), soute-nu par les opposantsde Notre-Dame-des-Landes et de la Fermedes mille vaches.© Fabrice Simon

ront de résistance de l’Orne(Fro). Le nom claque commecelui d’un réseau de la Secon-de Guerre mondiale. Mais lecombat est bien actuel. LeFro, pour les intimes, luttecontre l’implantation d’uneimmense décharge de rési-

dus de broyage automobile et de déchetsindustriels banaux par l’entreprise GuyDauphin environnement (GDE), àNonant-le-Pin, dans l’Orne. Pour sesopposants, ce site de 50 hectares serala plus grande décharge de résidus debroyage automobile d’Europe. Il doitstocker 150000 tonnes de déchets paran pendant dix-sept ans, soit plus de

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NoNaNt Ne serapas uNe décharge !À Nonant-le-Pin, beaucoup n’auraient jamais imaginé s’investir un jour dans uncombat militant. Mais un projet de décharge dans leur petite ville de l’Orne a changéla donne. Un mouvement d’opposition est né en 2006, mais s’est réellement densifiéfin 2012. Aujourd’hui, dans l’attente de décisions judiciaires et administratives,les Ornais ne veulent rien lâcher mais ont l’impression de crier dans le désert.

PAR JACQUES DUPLESSY

2,5 millions de tonnes au total. Le pro-blème est qu’il est construit au-dessusd’une nappe phréatique, en zone inon-dable. Une véritable menace pour l’envi -ronnement.«Au départ, en 2006, on n’avait pastrop perçu l’ampleur du projet, raconteFrançois Maignan qui, depuis un an,est devenu, avec son épouse Véronique,un des piliers du Fro. J’étais alorsconseiller municipal de Nonant-le-Pin.J’avais juste dit: ça serait bien d’infor-mer la popula tion. Quand le maire nousa demandé de voter, j’ai demandé undébat. Cela m’a été refusé. Je me suisdonc abstenu. Le vote consultatif a étéfavorable. Je n’étais ni pour ni contre.

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Je ne savais pas quoi en penser. Et puisici, dans l’Orne, ce n’est ni la Corse nila Bretagne. On n’est pas des révolu-tionnaires. Ici, la parole d’un préfet oud’un président du Conseil général, c’estpresque parole d’Évan gile. » À cetteépoque, François et Véroni que se rési-gnent donc au projet.D’autres riverains, plus inquiets, semobilisent immédiatement. Les pre-mières banderoles fleurissent. JeanLeprince, un enseignant à la retraite et«amoureux de l’écologie», est un despremiers à s’être engagé contre la dé -charge. «Nous n’étions pas très nom-breux. On animait des réunions d’infor -mation dans les villages, on essayait desensibiliser le public. On était motivécar, quand on s’est intéressé progressi-vement à GDE, ce que nous avons décou-vert nous a affolés. On s’est dit: on aaffaire à des voyous.» (cf. encadré p. 69.)Émilie Dehaudt, qui travaille dans lavente d’alimentation équine, a rejointle combat bien plus tard, en 2012. Un

mastère de management internationalen poche, elle est revenue en 2011 pourtravailler dans l’entreprise familiale. À30 ans, rien ne la prédisposait à deve-nir l’énergique porte-parole du Fro. «Aucours d’une réunion d’information auHaras du Pin, en mars 2012, on nousannonce que la décharge va ouvrir. J’aitout de suite compris que mon métierqui est en périphérie de l’économie ducheval était menacé. Si nos terres sontpolluées, on perd tout. Et il y a un risque

pour la santé publique.»Dans la régionde Nonant-le-Pin, le cheval fait vivredes centaines de personnes. On y trouveparmi les plus beaux haras de France,et notamment le Haras national du Pin.C’est la richesse de cette tradition quifournit aux opposants le nerf de la guer-re : en vendant des saillies de pur-sang,les éleveurs vont financer en grandepartie les actions en justice contre leprojet de GDE.

Décisions contradictoires

Ouvrira, n’ouvrira pas… En2012 et 2013,les décisions contradictoires s’enchaî-nent. Le préfet de l’Orne rend un avisnégatif sur la décharge, alors que sesservices ont pointé un important risquede pollution. GDE attaque la décisionau tribunal administratif et obtient, faitquasi unique en France, que le tribu-nal se substitue au préfet pour donnerl’autorisation d’ouverture de la déchar-ge. Le préfet croit avoir trouvé la para-

de en instruisant de nouveau la deman-de, car la réglementation sur les déchetsavait changé. Mais le président duConseil général, Alain Lambert, quiaffirme ne pas prendre parti, écrit dis-crètement à la ministre de l’Écologie,Nathalie Kosciusko-Morizet, pour luidemander d’intimer l’ordre au préfetde prendre l’arrêté d’ouver ture du site.Le préfet sera contraint de s’exécuter.Pour certains, c’est l’arrivée des pre-miers camions qui provoque une prise

«On était motivés et, quand on s’est intéresséà GDE, ce qu’on a découvert nous a affolé :on a affaire à des voyous.»

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de conscience. Véronique Maignan sesouvient avec émotion de ce moment.C’était le 22 octobre 2013. «J’étais entrain de traire les vaches. De l’étable,j’ai une vue sur la décharge. Là c’étaitles Champs-Élysées, un défilé ininter-rompu de camions. Je me suis mise àpleurer devant la salle de traite. Ça m’afait un effet de fin du monde. Une vacheest venue me lécher le bras, comme sielle comprenait ma peine. J’ai eu commeune révélation : je devais m’engagercontre la décharge. Mais que faire?»

Chaîne militante

Pendant ce temps, trois anti-GDE serencontrent le 23 octobre au soir et déci-dent symboliquement une action coup-de-poing pour le lendemain. Chacundoit appeler cinq camarades. À 11h, ilssont une petite quinzaine à obstruerl’entrée de la décharge avec tracteurset voitures. Émilie Dehaudt est présente.«Je croyais qu’on allait se faire dégagerdans les deux heures, raconte la jeunefemme. Et puis les gens arrivaient departout. Les gendarmes ont essayé denous convaincre de partir. On a fait bloc.On a décidé désormais de voter toutesnos décisions concernant le blocus. Nousn’étions pas préparés à rester. Il faisaitfroid. On a allumé un feu et on a dormitant bien que mal dans les vans de che-vaux.» Le lendemain, ils sont cinquante,puis cent à rejoindre le blocus.Parmi eux, on retrouve Véronique etFrançois. «On ne connaissait quasimentpersonne. Nous avons été reçus un peufroidement. Des gens nous ont dit: onne vous a jamais vus aux réunions, on

croyait que vous étiez pour le projet!»Mais la glace se rompt facilement. Lesmilitants tiennent une journée, puis unenuit de plus. C’est à ce moment-là,autour du feu et d’une bouteille derouge, que le nom de Front de résis-tance de l’Orne (Fro) a émergé. «Nousétions quatre, se souvient Jean-MichelTeissier. On cherchait quelque chose derassembleur car c’est un mouvementcitoyen. On se sentait les résistants d’au-jourd’hui contre ces multinationalessans foi ni loi.»«À notre grande surprise, nous n’étionspas expulsés, se souvient Émilie. Alors

on s’est installé. » Le 30 octobre, ungrand camion d’attelage est amené pourpermettre à l’équipe de nuit de dormirun peu, ainsi qu’un auvent. L’un appor-te un groupe électrogène, l’autre uncanapé, un autre encore un barbecue.Une cuisine est finalement installéedans une remorque. Désormais les anti-GDE s’installent dans la durée. Mais ilsn’imaginent pas un instant qu’ils tien-dront le siège jour et nuit pendant qua-siment un an.Le Fro se structure: équipe de jour, équi-pe de nuit, planning pour la nourri ture,vente de calendriers afin de financer la

lutte. Des gens de la région viennentles rejoindre. «Le Fro, c’est une aven-ture humaine, raconte Émilie. Des gensde différentes conditions qui vivaientchacun de leur côté sans se connaîtreni se parler se sont rencontrés. Nos détrac-teurs disent que notre combat est uncombat de riches, celui des éleveurs dechevaux. C’est faux! Nous rassemblonsdes personnes de tous milieux : agri-culteurs, retraités, professeurs, com-merçants, acteurs de la filière du che-val… Et tout le monde trouve sa placeici.» Et lorsqu’ils découvrent qu’en àpeine deux jours d’activité de la déchar-ge, des déchets illégaux ont déjà étédéposés – des morceaux de pneus inter-dits dans ce type de dispositif –, l’ar-deur des membres du Fro se renforce.Parmi ces militants, quasiment aucunn’avait mené de combats associatifs ou

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« Le Fro, c’est une aventure humaine quirassemble: agriculteurs, retraités, professeurs,commerçants, acteurs de la filière chevaline.»

Véronique et François Maignan, agriculteurs, deux piliers du Fro, voientla décharge depuis leur étable. © Jacques Duplessy – Ci-dessous, le doyen du Froen discussion avec Émilie Dehaudt, la porte-parole du mouvement. © Fabrice Simon

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Ci-dessus, les premiers camion déchargent les déchetsle 22 octobre, juste avant le blocage.

Ci-dessous, le 15 octobre, manifestation à Alençonaprès l’expulsion des manifestants du site. © Benoît Jean

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syndicaux. Ni même manifesté. Ilsétaient des citoyens ordinaires, léga-listes. La plupart ont toujours voté régu-lièrement. Certains sont de droite,d’autres de gauche. D’ailleurs, pour évi-ter de cliver leur mouvement, ils ontpris la décision d’éviter de parler poli-tique. «Le Fro, c’est une grande expé-rience humaine, analyse Véronique Mai-gnan. Ce combat m’a fait davantageaccepter les différences, m’a appris àmieux écouter. Car, évidemment, il y aeu du tirage entre nous.»Dorothée, 35 ans, une secrétaire comp-table qui habite à 300 mètres de ladécharge, s’est engagée «pour ses deuxenfants». «Je n’avais jamais mené decombat comme celui-là, mais ça m’asemblé naturel de le faire. J’ai fait lesnuits sur le blocus ; pour les rencontres,c’est super.»Émilie, la porte-parole, est transforméepar l’expérience: «J’ai appris à me taire,à essayer de contenter tout le monde, àparler aux journalistes, à encaisser lapression, à me lever au milieu de la nuitpour mener des actions. Heureusement,j’avais travaillé dans l’événementieldonc je sais un peu organiser les choses.»Être femme et une des leaders du mou-vement n’a pas été une sinécure: «Il ya des gros machos dans les réunions quin’écoutent que la parole des hommes.Certains étaient durs avec nous.»

Un an de blocage n’a pas été toujoursfacile à porter et a exigé de nombreuxsacrifices. Les liens avec la famille etles amis se sont parfois distendus. Cer-tains ont été à la limite de la dépres-sion. «Quand on est démoralisé, c’estle groupe qui nous tient», lâche Émiliequi avoue ne pas avoir eu de loisirsdepuis un an. Mais cette aventure quise poursuit les a fait devenir autres eta fait émerger chez eux un nouvel espritcitoyen. «J’ai ouvert les yeux sur unmonde que je n’imaginais même pas,la collusion entre argent et politique,déclare Véronique, amère. Une bonnecommunication, de l’argent, des rela-tions… Et GDE peut faire n’importe quoi.Notre démocratie ne fonctionne pascomme elle le devrait.»

Galvanisés

En septembre 2014, la diffusion du docu-mentaire Déchets: scandales et gros pro-fits dans l’émission de France 3 « Piècesà conviction » fait l’effet d’un nouvelélectrochoc. «Des gens sont venus surle blocage pour nous dire: “On ne pen-sait pas que c’était si grave. Continuezde vous battre!” Ça nous a galvanisés»,raconte Émilie. Quelques jours plustard, coup de massue pour les militants.Les gendarmes mobiles investissent lecampement à l’aube du 6 octobre et

expulsent ses occupants, réouvrantl’accès à la décharge. Immédiatement,GDE lance des travaux pour remettreen état le site. L’entreprise cherche àamener des déchets le plus vite pos-sible pour mettre les opposants devantle fait accompli. Elle construit sur lechamp un mur en béton avec un immen-se portail le long de la natio nale pourne laisser aucun espace aux manifes-tants pour bloquer le site. «Le mur dela honte», pour ces militants qui dénon-cent un abandon de l’État.Aussi sec, le Fro réinstalle ses quartierssur un terrain privé juste en face del’entrée de la décharge. «C’est très impor-tant d’avoir un lieu, explique JeanLeprince. Cela nous permet de conti-nuer de nous retrouver au quotidien etde surveiller les activités de GDE. D’autrepart, c’est un lieu d’information. Lesgens s’arrêtent et viennent nous voirpour discuter. Et puis, c’est un point derendez-vous pour les journalistes.» Pournourrir la mobilisation et faire vivre lemouvement médiatiquement, desactions symboliques sont régulièrementorganisées. Récemment, une militantes’est enfermée quelques heures danssa voiture après l’avoir garée devantl’entrée de la décharge, bloquant le pas-sage des camions, pour exiger que Ségo-lène Royal s’empare du dossier. Quelquesjours plus tard, des bennes de fumieront été déversées comme signe de pro-testation «écologique».Nonant-le-Pin fait désormais partie deszones à défendre (Zad) des militants éco-

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«J’ai ouvert les yeux sur un mondeque je n’imaginais même pas :la collusion entre argent et politique.»

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Face-à-face tendu. GDE a fait venirdes salariés de son usine de Caenpour manifester contre le blocage

des manifes tants. © Fabrice Simon

VoIr

Émission « Piècesà conviction »Déchets : scandaleset gros profits,film de StéphaneGirard et JacquesDuplessy(Tac Presse,disponible surwww. youtube.com)Sitedes opposants :www.sauvegardedesterresdelevage.com

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gde poursuIVI pour escroquerIeClaude Dauphin, qui a assuré la direction de GDE avantde la transmettre à son fils Guillaume, est aussi le fonda -teur de Trafigura, un des géants mondiaux du négocede pétrole. Trafigura s’est fait connaître dans l’affairedu Probo Koala en Côte-d’Ivoire. En septembre 2006,ce cargo a déversé plus de 500 tonnes de résidus pétro-liers toxiques à Abidjan, provoquant une pollution maisaussi l’intoxication de milliers d’habitants. Selon lesautorités ivoiriennes, il y aurait eu une quinzaine demorts. L’entreprise a été condamnée aux Pays-Bas enjuillet 2010 pour infraction à la législation européennesur l’importation et l’exportation de déchets et pouravoir caché la nature des déchets transportés. En Fran-ce, les pratiques de GDE sont dans le collimateur dela justice. Dans d’autres sites de la région de Caen,l’entreprise a enfoui clandestinement environ 150000

tonnes de résidus de broyage automobile. Sous lacontrainte des autorités, elle les a en partie nettoyésou sécurisés. Et si GDE a échappé à une condamnationpour enfouissements illégaux de déchets devant le tri-bunal de Caen en septembre 2014, c’est uniquementà cause de la prescription due à la lenteur du Parquetdans le traitement de ce dossier ouvert en 2008. MaisGDE n’en a pas pour autant fini avec la justice. Uneinstruction est en cours pour escroquerie, au Mans.Depuis plus de vingt ans, GDE pratiquerait une escro-querie à la balance: l’entreprise aurait rajouté 20% aupoids quand ses clients devaient payer pour l’élimina-tion des déchets et aurait enlevé le même montantquand elle devait racheter des déchets valorisables,par exemple les métaux. Des centaines de communeset d’entreprises auraient été victimes de ces pratiques.

Une action du Fro pendant les jeux mondiaux d’équitation devant le Haras du Pinà quelques kilomètres de la décharge, en août 2014. © Fabrice Simon

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logistes. Le Fro a découvert la conver -gence des luttes. Des militants contrel’aéroport de Notre-Dame-des-Landeset contre la Ferme des milles vachessont venus les voir. «La rencontre étaittrès enrichissante, nous avons pu com-parer nos méthodes », raconte JeanLeprince. Mais les militants du Fro res-tent prudents. «Nous voulons éviter icila présence d’agitateurs professionnelsitinérants. Nous sommes sans éti quette.»Symboliquement, trois de leurs membresse sont rendus à Amiens au procès deceux qui ont démonté des installationsde la Ferme des mille vaches. «Nous avonsprésenté notre combat devant 3000 per-sonnes. Pour nous, c’était inimaginableil n’y a pas si longtemps encore.» Maisle combat du Fro est dans une phase

critique. GDE a lancé des actions enjustice tous azimuts pour tenter de rui-ner ses opposants. Dix éleveurs repé-rés par l’entreprise sur le blocus sontpoursuivis. GDE ne leur réclame pasmoins de 6,7 millions d’euros pour lemanque à gagner!

Un dossier explosif

Sur le plan judiciaire, la lutte est aussiacharnée. Les opposants ont attaquédevant le Conseil d'État la décision dutribunal administratif qui s'est substi-tué au préfet pour autoriser GDE à ouvrirla décharge. La décision est immi nente.Un coup dur pour le Fro: la cour d'ap-pel a infirmé fin janvier la décision dutribunal de grande instance d'Argen-

tan de fermer la décharge à la suite dedépôt de déchets illicite. Au niveau poli-tique, Laurent Beauvais, président dela région Basse-Normandie, les soutientmais Ségolène Royal refuse pour lemoment de s'impliquer dans ce dos-sier explosif. Norny, une militante duFro a démarré une grève de la faim pourdemander à la ministre de l'Écologied'examiner enfin ce projet.Quand on évoque l’avenir de leur com-bat, les regards sont déterminés. «Onn’envisage pas de perdre, affirment-ils.On retournera bloquer la décharge s’ilsramènent des déchets. Nous sommescontre la violence mais si on nous pous -se à bout… Leur mur, un coup de trac -teur et ça saute. GDE va dégager. C’estcertain.» �